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PACP Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des comptes publics


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1 novembre 2005




Á 1110
V         Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC))
V         M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.)
V         Le président
V         M. Borys Wrzesnewskyj
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau

Á 1115
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks (professeur émérite de sciences politiques, Université Queen, à titre personnel)

Á 1120

Á 1125
V         Le président
V         M. Lorne Sossin (doyen associé, Faculté de droit, Université de Toronto, à titre personnel)

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC)

Á 1140
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Lorne Sossin

Á 1145
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Lorne Sossin
V         M. C.E.S. Franks

Á 1150
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. Lorne Sossin
V         Le président
V         L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.)

Á 1155
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Shawn Murphy

 1200
V         M. Lorne Sossin
V         Le président
V         L'hon. Shawn Murphy
V         M. Lorne Sossin
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         Le président
V         M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin

 1205
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin
V         M. David Christopherson
V         M. Lorne Sossin
V         M. David Christopherson
V         Le président

 1210
V         M. David Christopherson
V         M. C.E.S. Franks
V         M. David Christopherson
V         Le président
V         M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks

 1215
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin
V         M. Daryl Kramp
V         M. C.E.S. Franks
V         Mr. Daryl Kramp

 1220
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Daryl Kramp
V         M. Lorne Sossin
V         M. Daryl Kramp
V         Le président
V         L'hon. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Walt Lastewka
V         Le président
V         L'hon. Walt Lastewka
V         M. C.E.S. Franks

 1225
V         L'hon. Walt Lastewka
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Walt Lastewka
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Walt Lastewka
V         M. C.E.S. Franks
V         L'hon. Walt Lastewka
V         M. Lorne Sossin

 1230
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. Lorne Sossin
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. Lorne Sossin
V         M. Brian Fitzpatrick

 1235
V         Le président
V         M. Roger Valley (Kenora, Lib.)
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Roger Valley
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Roger Valley
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Roger Valley
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin

 1240
V         Le président
V         M. C.E.S. Franks
V         M. Lorne Sossin

 1245
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick
V         Le président
V         M. Gary Carr (Halton, Lib.)
V         Le président
V         M. Gary Carr

 1250
V         Le président
V         M. Gary Carr
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Daryl Kramp
V         Le président
V         Mr. Daryl Kramp
V         Le président
V         Le président
V         L'hon. Walt Lastewka

 1255
V         Le président
V         L'hon. Walt Lastewka
V         Le président
V         Hon. Walt Lastewka
V         Le président
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président










CANADA

Comité permanent des comptes publics


NUMÉRO 053 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Williams (Edmonton—St. Albert, PCC)): La séance est ouverte.

    Bonjour, tout le monde. Notre séance est télévisée.

    Conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement, notre ordre du jour est le suivant: Réponse du gouvernement au neuvième rapport: chapitres 3 à 5 du rapport du Vérificateur général du Canada de novembre 2003 et réponse du gouvernement au dixième rapport: La gouvernance dans la fonction publique du Canada.

    Les témoins que nous entendrons ce matin comparaissent à titre personnel. Il s'agit de M. C.E.S. Franks, professeur émérite de sciences politiques de l'Université Queen's, et M. Lorne Sossin, doyen associé de la Faculté de droit de l'Université de Toronto.

    Messieurs, soyez les bienvenus.

    Avant d'entendre les déclarations préliminaires, j'aimerais annoncer que nous avons parmi nous une délégation de l'Assemblée fédérale et de la Chambre des comptes de la Fédération de Russie. Ces personnes sont avec nous ce matin et j'espère de pouvoir bien prononcer leurs noms...

    Borys, oui, vous allez lire ces noms pour le compte rendu. Vous vous y connaissez.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.): M. Boris Georgyevich Preobrazhenskiy; M. Anatoly Nykolaevich Medvedev; M. Sergey Petrovich Paraskevich; et Mme Svetlana Genadievna Loula. Ils sont accompagnés du conseiller principal David Rattray; Ivo Balinov; Varvara Andreevna Tchernogorksaya; Irina Koulatchenko; et Elena Masani.

+-

    Le président: Pourquoi ne pas prononcer quelques mots de bienvenue dans leur langue, je vous prie.

+-

    M. Borys Wrzesnewskyj: Je vais le dire en ukrainien, parce que je ne parle pas russe.

    [Le député s'exprime en ukrainien.]

    [Le délégué s'exprime dans sa langue d'origine]

+-

    Le président: Très bien.

    M. Lastewka est aussi originaire d'Ukraine, et ainsi de suite.

    Bienvenue à tous, et bienvenue à nos délégués.

    Monsieur Sauvageau, s'il vous plaît; est-ce un rappel au Règlement?

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): C'est une brève question. Est-ce que les deux avis de motion seront débattus à la fin de la séance du comité, ou au début?

[Traduction]

+-

    Le président: Nous débattons toujours des motions à la fin. Souhaitez-vous déposer un avis de motion?

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'ai une autre question à vous poser, puisque nous sommes perpétuellement en apprentissage ici. Cinq minutes après la dernière réunion du comité, nous avons envoyé à la greffière un avis de motion dont j'ai copie ici. Selon mon interprétation, l'avis de 48 heures commençait à ce moment-là.

    Est-ce que mon interprétation est juste?

[Traduction]

+-

    Le président: C'est 48 heures à partir du moment où vous le déposez devant le comité. Le fait de l'envoyer à la greffière ne compte pas dans les 48 heures. Vous pouvez le déposer ici. Je croyais que vous vouliez débattre d'une motion déjà déposée. Si vous souhaitez déposer une motion, les documents sont toujours présentés au début de la séance, tandis que les débats ont toujours lieu à la fin.

    Alors si vous voulez déposer une motion et donner un avis de 48 heures, vous pouvez le faire maintenant.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Lorsque nous envoyons la motion à la greffière qui, à son tour, l'envoie aux autres membres du comité, selon notre interprétation et après vérification, il n'est pas nécessaire que cela soit déposé au comité. Jeudi dernier, cinq minutes après la réunion du comité, j'ai envoyé l'avis de motion à la greffière, parce qu'il y avait des choses à corriger. Selon notre interprétation — mais il se peut que nous soyons dans l'erreur —, l'avis de 48 heures commençait à ce moment-là, ce qui veut donc dire que l'on pourrait en débattre à la fin de la présente réunion.

    Je ne veux pas que nous débattions de sa recevabilité, je veux poser une question.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

+-

    Le président: Non, non. Il y a un an, lorsque nous traitions de questions plutôt délicates — qui pourraient trouver leur aboutissement ce matin, mais je le dis en passant —, nous avions des règles très claires et précises. Les documents devaient être déposés devant le comité et c'est alors que l'avis de 48 heures commençait. Il ne suffit pas de les remettre au greffier.

    La greffière vient de me montrer cet extrait du procès-verbal de la réunion du 26 octobre 2004:

Que, un avis de quarante-huit (48) heures soit donné avant que le comité ne soit saisi de toute motion de fond; et que la motion soit déposée auprès du greffier du comité et distribuée aux membres dans les deux langues officielles.

    Nous allons donc officiellement faire circuler votre motion si vous la déposez maintenant, et c'est la fin du débat. Vous pouvez donc la déposer maintenant et elle sera débattue jeudi.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Non, monsieur le président. Votre interprétation est exactement la même que la nôtre: il faut que cela soit envoyé à la greffière 48 heures à l'avance, et elle, à son tour, l'envoie aux membres du comité.

    N'est-ce pas de cette façon que cela fonctionne aux autres comités?

[Traduction]

+-

    Le président: Je suis désolé, monsieur Sauvageau, je ne veux pas commencer un long débat. Nous procédons de cette façon depuis longtemps, et nous n'allons pas changer les règles maintenant. Si vous déposez votre motion devant le comité maintenant, l'avis de 48 heures commencera maintenant. Je ne vais pas en débattre plus longuement, sauf que vous avez la chance de déposer votre document maintenant. Si vous ne le faites pas, je vais poursuivre.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: D'accord. Je veux être sûr de bien comprendre ce que vous me dites, monsieur le président. Contrairement à la pratique en vigueur aux autres comités, il faut déposer notre avis de motion en comité, et non pas l'envoyer à la greffière ou au greffier, comme cela se fait dans l'ensemble des autres comités de la Chambre des communes. Nous avons donc un statut particulier.

[Traduction]

+-

    Le président: Je n'ai jamais fait partie d'un autre comité, et c'est la façon dont le Comité des comptes publics procède depuis longtemps.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Compte tenu que nous avons ce statut particulier, je vais déposer mon avis de motion, monsieur le président. Même si je voulais contester votre décision, vous ne voudriez pas agir autrement, donc, je vais déposer mon avis de motion.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien, vous pouvez lire votre motion pour le compte rendu.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je vais vous la lire avec plaisir, puisqu'elle a été envoyée il y a plus de 48 heures.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien, vous pouvez la lire pour le compte rendu.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: D'accord.

Conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement et aux comptes publics du Canada, le Comité permanent des comptes publics demande au gouvernement de lui remettre immédiatement copie de toutes les vérifications internes et externes (y compris les vérifications judiciaires) touchant à l'administration des Internationaux du sport de Montréal et du Comité organisateur des XIes CHAMPIONNATS DU MONDE FINA — Montréal 2005.

[Traduction]

+-

    Le président: La motion a été distribuée dans les deux langues officielles et sera débattue jeudi, au plus tôt, lorsque le motionnaire en fera la proposition.

    Monsieur Fitzpatrick, nous avons déjà l'avis de votre motion, qui sera débattue à la fin de la présente séance.

    Sans plus tarder, nous allons maintenant écouter les déclarations préliminaires.

    Monsieur Franks, nous vous écoutons.

+-

    M. C.E.S. Franks (professeur émérite de sciences politiques, Université Queen, à titre personnel): Merci, monsieur le président.

    C'est un honneur d'être ici. Ma déclaration porte sur la réponse du gouvernement au dixième rapport que votre comité a produit en mai dernier, sur l'obligation de rendre compte des ministres et des sous-ministres.

    La principale recommandation du comité voulait que les sous-ministres soient tenus de rendre des comptes sur leur rendement, dans l'exercice de leurs fonctions et des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes. Le gouvernement a rejeté cette recommandation, d'abord au mois d'août, et plus récemment dans un document intitulée Répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens.

    Le gouvernement déclare que seuls les ministres ont l'obligation de rendre des comptes au Parlement. Même si les sous-ministres détiennent des pouvoirs prévus par la loi qui leur sont propres, leur obligation de rendre compte se limite au gouvernement, à leurs ministres, au premier ministre et au greffier du Conseil privé. Le gouvernement soutient que les sous-ministres comparaissent devant le Comité des comptes publics pour répondre au nom de leur ministre et non à titre de détenteurs de pouvoirs qui leur sont propres. En bref, le gouvernement déclare qu'il n'existe aucun lien de responsabilité entre les sous-ministres et le Parlement.

    Rien dans les relations constitutionnelles entre le Parlement et le gouvernement n'empêche les sous-ministres d'avoir un lien de responsabilité avec le Parlement ou le Comité des comptes publics. Une telle relation existe en Grande-Bretagne. Elle existe également en Irlande, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Seul le gouvernement canadien, parmi les principales démocraties semblables à celle de Westminster, croit fortement à la responsabilité ministérielle exclusive et à l'obligation de rendre compte au Parlement.

    Le gouvernement canadien maintient que l'ensemble des processus de responsabilisation envers le gouvernement met en cause des « politiques partisanes. Le Parlement et son appareil sont essentiellement politiques ». De ce fait, puisque toute obligation de rendre compte au gouvernement est partisane ou politique, les ministres, à titre de chefs politiques des ministères, doivent être les seules personnes tenues de rendre compte dans les forums parlementaires. Le gouvernement n'explique pas pourquoi il en est ainsi au Canada tandis que ce n'est pas le cas pour d'autres démocraties parlementaires semblables à celle de Westminster. Il n'explique pas davantage comment il réconcilie les contradictions entre sa croyance voulant que les ministres soient tenus de rendre compte de l'exercice du pouvoir du sous-ministre et sa définition de responsabilité et de responsabilisation. Selon cette définition, les personnes n'ont l'obligation de rendre compte que de ce dont elles sont responsables. S'il en est ainsi, les ministres ne sont donc pas tenus de rendre des comptes sur les questions pour lesquelles les sous-ministres, et non les ministres, ont des pouvoirs conférés par la loi ou autrement. Les sous-ministres ne peuvent non plus parler au nom des ministres puisque ces derniers n'ont pas le pouvoir ni l'obligation de rendre des comptes sur ces questions.

    MM. Aucoin et Jarvis ont rejeté la distinction que fait le gouvernement entre l'obligation des ministres de rendre compte devant le Parlement et la responsabilité de rendre compte des sous-ministres:

Ceux pour qui ces termes et leurs différentes significations prêtent à confusion devraient peut-être être excusés; en effet, les personnes mieux renseignées n'ont pas fait tout le nécessaire pour aider à clarifier les choses.

    Malgré ce que prétend le gouvernement, la confusion dans la logique sous-jacente à sa position porte à confusion en ce qui concerne la responsabilité et l'obligation de rendre compte.

    Les responsabilités conférées aux sous-ministres par la loi ou autrement leur sont propres. Elles ne peuvent être déléguées en amont aux ministres ni en aval à des subalternes. Il en est de même de l'obligation de rendre compte de ces responsabilités; les sous-ministres ont une responsabilité et sont tenus d'en rendre compte.

    Comme MM. Aucoin et Jarvis le soulignent:

Dans les faits, les sous-ministres sont déjà tenus de rendre compte devant les comités parlementaires. Il s'agit d'une situation normale, étant donné que des responsabilités et des pouvoirs leur ont été confiés et délégués personnellement.

    Il est impossible de tirer au clair la confusion trouvée à la fois par le Comité des comptes publics et le juge Gomery dans leur examen de l'affaire des commandites, à savoir qui du ministre ou du sous-ministre est responsable, jusqu'à ce que l'interprétation gouvernementale de la doctrine de la responsabilité ministérielle respecte la réalité constitutionnelle et légale ainsi que les règles de la logique.

    Si le Canada doit exercer un contrôle parlementaire efficace des fonds publics et assurer la responsabilisation en gestion financière, en bout de ligne, les sous-ministres et les autres hauts fonctionnaires des ministères qui comparaissent devant le Comité des comptes publics le font à titre de détenteurs des responsabilités et des pouvoirs qui leur sont propres.

    Le gouvernement reconnaît déjà que:

...les responsabilités d'un agent comptable [de Grande-Bretagne] ressemblent beaucoup à celles qui sont confiées à un sous-ministre au Canada en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques et des politiques du Conseil du Trésor. Un peu comme les agents comptables, les sous-ministres sont responsables de la régularité et de la probité dans le domaine financier; de l'économie, de l'efficience et de l'efficacité; ainsi que des systèmes financiers et de gestion concernant les programmes ministériels et les biens publics.

Á  +-(1120)  

    Le gouvernement refuse cependant d'accepter que ces responsabilités appartiennent aux sous-ministres, non pas aux ministres, et que seuls les sous-ministres peuvent en répondre et en être responsables devant le Parlement.

    Pour qu'une réforme se produise, le gouvernement et le Parlement doivent reconnaître que les sous-ministres ont des obligations de rendre compte qui leur sont propres envers le Comité des comptes publics. Un processus acceptable à la fois pour le gouvernement et le Parlement doit être établi pour assurer une approche non partisane et efficace de l'obligation des sous-ministres de rendre compte devant le comité.

    Les règles de base pour ce processus doivent porter notamment sur les procédures par lesquelles les ministres peuvent annuler les décisions des sous-ministres; les sujets à l'égard desquels les sous-ministres ont des responsabilités qui leur sont propres; les sujets sur lesquels les sous-ministres ne peuvent répondre qu'au nom de leur ministre; les sujets sur lesquels les sous-ministres ne peuvent absolument rien répondre; et la définition opérationnelle des principes comme la régularité et les convenances, dont les sous-ministres sont responsables.

    Bien que le gouvernement prétende le contraire, il a une tendance habituelle navrante de dicter au Parlement le comportement à adopter et ce qu'il doit ou ne doit pas faire. Le gouvernement n'a pas toujours raison. Il dit que « toutes les obligations de rendre des comptes au gouvernement du Canada découlent de l'obligation individuelle et collective des ministres de rendre des comptes au Parlement ». Or, la position traditionnelle, qui est juste, veut que les obligations de rendre des comptes découlent de l'attribution des pouvoirs et des responsabilités, et non de l'obligation de rendre compte des ministres.

    Le gouvernement soutient que:

Le Parlement crée de nombreuses obligations légales — en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple — mais il n'a pas pour autant le pouvoir de surveiller la conformité aux lois ou de mettre les lois en application. Cette fonction relève du pouvoir exécutif.

Ce n'est pas vrai. Le vérificateur général mène une vérification de la conformité, que le Comité des comptes publics examine. De par son mandat, le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation doit surveiller le processus d'établissement des règlements et veiller à ce que les règlements soient conformes à la loi et à la charte des droits et libertés. Ce comité a le pouvoir d'assurer cette conformité en entreprenant un processus de révocation des règlements non conformes, et il a déjà exercé ce pouvoir.

    Parfois, le gouvernement semble réticent à accepter le fait que la responsabilité ministérielle n'est qu'une des trois doctrines centrales associées à la responsabilité et à la responsabilisation dans le système parlementaire et ministériel du gouvernement canadien, les deux autres étant la suprématie du Parlement et la souveraineté du droit. Le Parlement établit les lois et a le droit de partager la propriété du principe de la responsabilité ministérielle et des dispositions législatives en termes d'obligation de rendre compte des ministres et des fonctionnaires dans les forums parlementaires.

    Le Conseil du Trésor semble considérer le Comité des comptes publics comme un adversaire plutôt qu'un partenaire dans la quête de l'amélioration de la gestion financière et de la responsabilisation. Cette approche d'opposition est encouragée par l'insistance du gouvernement voulant que les ministres assument l'entière obligation de rendre compte au Parlement: il existe une corrélation directe entre la somme véritable ou présumée d'engagement ministériel et celle de la partisanerie au Parlement et au Comité des comptes publics.

    Les efforts du Conseil du Trésor en vue d'améliorer la gestion financière du gouvernement depuis les 40 dernières années n'ont pas été particulièrement efficaces. Les problèmes liés aux exigences de base de la régularité et des convenances surgissent à une fréquence navrante. Le Conseil du Trésor et le Comité des comptes publics partagent une préoccupation: la saine gestion financière et l'obligation de rendre compte. Cet intérêt commun ne peut être réalisé tant qu'ils ne se considéreront pas comme des alliés plutôt que des adversaires.

    Le Conseil du Trésor et le Comité des comptes publics doivent engager le dialogue concernant les conditions reliées à l'obligation de rendre compte des sous-ministres devant le comité. Il y a certaines lueurs d'espoir qu'une telle discussion s'amorce. Jusqu'à ce que cela se produise, le Conseil du Trésor n'aura aucun allié dans ses efforts pour améliorer la gestion et la responsabilisation et le Parlement n'aura pas les outils pour assurer au peuple canadien que la gestion financière du gouvernement respecte les normes exigées par une démocratie moderne.

    Je vous remercie, monsieur le président.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Monsieur Franks, j'apprécie énormément votre déclaration.

    Nous allons maintenant écouter la déclaration préliminaire de M. Sossin.

+-

    M. Lorne Sossin (doyen associé, Faculté de droit, Université de Toronto, à titre personnel): Merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à me joindre à vous ce matin.

    Je parlerai également du dixième rapport du comité, intitulé La gouvernance dans la fonction publique du Canada: obligation ministérielle et sous-ministérielle de rendre des comptes, ainsi que de la réponse du gouvernement à ce rapport. Mes commentaires complètent la thèse que Ned Franks a présentée au comité.

    Je vais aborder les questions soulevées dans ces documents du point de vue du cadre constitutionnel canadien. J'ai voulu porter une attention particulière à un aspect important de la réponse du gouvernement au dixième rapport. Il y a une longue citation, dont je vais reprendre seulement les deux dernières phrases. Le gouvernement affirme que:

Ces hauts fonctionnaires doivent rendre des comptes au Parlement, car ils se doivent de l'informer et de lui donner des explications. Ils ne relèvent pas directement du Parlement, ne peuvent mettre en oeuvre certaines mesures (ce qui nécessiterait l'approbation des ministres) ni être assujettis aux conséquences personnelles que les parlementaires peuvent infliger.

    Je partage l'opinion exprimée aujourd'hui par le professeur Franks: il n'existe pas d'obstacle constitutionnel excluant que les sous-ministres aient à rendre des comptes directement au Parlement. De plus, certains principes constitutionnels suggèrent qu'une telle obligation redditionnelle serait souhaitable et — j'irai même jusqu'à dire — dans certains cas, nécessaire.

    Il y a deux principes constitutionnels que j'aimerais mettre en évidence brièvement ce matin. Je crois que ces principes ont une résonnance particulière aujourd'hui, en raison de la publication du rapport du juge Gomery sur l'affaire des commandites.

    Le premier principe est la convention constitutionnelle de la neutralité de la fonction publique. Le deuxième principe est la primauté du droit, dont M. Franks a déjà fait mention. Il découle de ces deux principes des obligations distinctes qui incombent aux sous-ministres, et, en fin de compte, au greffier du Conseil privé. Ces obligations existent en dehors du contexte de la responsabilité ministérielle et sont des fondations constitutionnelles de la démocratie parlementaire au même titre que les responsabilités ministérielles. En vertu de ces deux principes, lorsque les sous-ministres et, en fin de compte, le greffier du Conseil privé, sont appelés à témoigner devant des comités parlementaires pour rendre compte de la conduite des fonctionnaires, ou de leur propre conduite, ils s'adressent au Parlement à titre de dirigeants de la fonction publique, un organe gouvernemental distinct, qui s'exprime indépendamment des ministres titulaires.

    Je vais parler de chacun de ces principes.

    La convention constitutionnelle de la neutralité de la fonction publique est reconnue partout au Canada et de nombreux arrêts de la Cour suprême du Canada l'ont confirmée. Dans ces arrêts, on signale que cette convention est « un droit du public d'être desservi par une fonction publique politiquement indépendante ». Le tribunal a qualifié la fonction publique d'« organe gouvernemental » ayant ses propres obligations et responsabilités.

    J'ajouterais entre parenthèses qu'un certain nombre de documents soutiennent la thèse voulant que la fonction publique n'ait pas d'identité constitutionnelle indépendante. Je ne sais pas exactement ce que cela signifie ou est censé signifier. La responsabilité ministérielle ne paraît nulle part dans un texte constitutionnel, et c'est là pourtant la fondation même sur laquelle s'appuie notre démocratie parlementaire. Si quelqu'un comprend mieux ce que veut dire le gouvernement, je l'inviterais à m'éclairer à ce sujet un peu plus tard au cours de nos discussions.

    Étant donné que le public ne dispose d'aucun mécanisme pour assurer la neutralité de la fonction publique et qu'il serait inapproprié pour les ministres eux-mêmes d'avoir à répondre de la neutralité de la fonction publique — puisque c'est souvent la neutralité à l'égard des intérêts partisans du gouvernement que les fonctionnaires doivent défendre —, il serait logique que le Parlement assume le rôle de surveillance sur ce plan. Je vous renvoie aux modifications qui seront apportées par la Loi sur la modernisation de la fonction publique et qui feront en sorte que la Commission de la fonction publique deviendra une entité relevant directement du Parlement, ce qui établira davantage un lien entre l'intégrité de la fonction publique et le Parlement.

    Les allégations d'ingérence politique seraient normalement signalées par les fonctionnaires; remontant les échelons organisationnels, ces allégations seraient acheminées aux sous-ministres. Les sous-ministres et, en fin de compte, le greffier du Conseil privé doivent répondre de l'intégrité de la fonction publique, mais à qui doivent-ils rendre des comptes? Ayant examiné la convention constitutionnelle, je conclus qu'ils ont à répondre au Parlement — lequel autorise les pouvoirs qu'exercent ces hauts fonctionnaires — et, par l'entremise du Parlement, au peuple canadien.

Á  +-(1130)  

    La fonction publique doit collaborer étroitement avec les ministres et mettre en oeuvre l'orientation stratégique qui lui est dictée. Cependant, elle doit aussi maintenir une certaine indépendance à l'égard des ministres. Ce devoir d'indépendance n'est pas statique; il se précise à l'intérieur d'un éventail qui change selon le contexte et les circonstances.

    Dans certains contextes et circonstances, cette indépendance sera vigoureuse, et le meilleur exemple est l'indépendance des instances responsables des poursuites. Dans d'autres contextes et circonstances, l'indépendance pourrait être plus subtile. Toutefois, je dirais qu'elle existe toujours dans une certaine mesure. Le Parlement peut s'adresser aux tribunaux pour que soient précisées la nature et l'envergure de cette convention constitutionnelle, mais comme les autres conventions constitutionnelles — par exemple, la responsabilité ministérielle —, elle ne peut être mise à exécution par les tribunaux.

    Concernant le deuxième principe, la primauté du droit, il est bien connu que les fonctionnaires peuvent exercer uniquement les pouvoirs que leur confère la loi. Ils n'ont pas de compétence inhérente. De plus, ce pouvoir n'est jamais absolu. Il est toujours limité, soit par le champ d'application de la loi, soit par l'étendue des prérogatives de la Couronne.

    Les fonctionnaires ont un devoir constitutionnel de veiller au respect de la primauté du droit. Ce devoir a explicitement préséance sur le devoir de loyauté du fonctionnaire envers le gouvernement en place. Autrement dit, le devoir envers la Couronne est une obligation différente et supérieure au devoir envers le gouvernement en place.

    Dans certaines circonstances, le devoir de veiller au respect de la primauté du droit contraindra les fonctionnaires à contester l'orientation fixée par le ministre. Dans d'autres cas, ce devoir les contraindra à refuser d'exécuter une directive ministérielle. Il se peut que ces obligations rejoignent ou non les exigences et dispositions de la nouvelle loi de protection des dénonciateurs, mais quel que soit le contenu de cette nouvelle loi, la protection de la primauté du droit dans le processus décisionnel du secteur public demeure une obligation fondamentale et indépendante de la fonction publique.

    Dans sa réponse au comité, le gouvernement indique que la surveillance du processus décisionnel dans le secteur public pour veiller à sa conformité à l'orientation parlementaire est une fonction qui relève du pouvoir exécutif. M. Franks a déjà abordé cette question. J'ajouterais que le pouvoir exécutif n'a aucune obligation exclusive de rendre compte de l'exécution des fonctions publiques. Un examen judiciaire et une surveillance par l'appareil judiciaire constituent toujours une forme parallèle de reddition de comptes. Toutefois, lorsque le Parlement a des motifs d'enquêter sur des violations présumées de la primauté du droit — par exemple, s'il y a des allégations de dépenses publiques non autorisées ou de dépenses effectuées par des moyens non prévus dans les lois — les sous-ministres et, en fin de compte, le greffier du Conseil privé devraient également avoir à rendre des comptes au Parlement. Quand il s'agit de violations de la primauté du droit ou de la participation à une ingérence politique inappropriée, la direction de la fonction publique, à titre d'organe gouvernemental distinct, ne peut prétendre que les fonctionnaires mettaient à exécution les directives du ministre.

    Le fait que les sous-ministres ne puissent porter personnellement le blâme — autrement dit, que des personnes ne puissent être blâmées par votre comité, ce qui est un principe auquel je souscris — n'annule aucunement l'obligation des sous-ministres de rendre des comptes devant votre comité. Il s'agit là d'un autre élément de la réponse du gouvernement dont nous aurons la chance, je l'espère, de discuter.

    À la lumière de cette analyse, et compte tenu des devoirs constitutionnels distincts qu'ont les fonctionnaires de demeurer neutres au plan politique et de veiller au respect de la primauté du droit, la réponse du gouvernement au dixième rapport ne reflète pas, à mon avis, l'étendue complète de la relation entre la fonction publique et le Parlement quand il affirme que les sous-ministres doivent rendre des comptes uniquement à leurs ministres.

    Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné la possibilité d'être ici.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci, encore une fois, monsieur Sossin.

    Monsieur Fitzpatrick, vous avez huit minutes.

    Nous allons terminer vers 12 h 45 pour pouvoir débattre de la motion de M. Fitzpatrick.

+-

    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, PCC): Merci beaucoup, messieurs.

    Je dois avouer que lorsque j'ai vu la réponse initiale du gouvernement à notre dixième rapport, j'ai été plutôt consterné. On semblait dire qu'il n'y avait aucune ambiguïté sur les questions de responsabilisation et de responsabilité et que tout était clair.

    Lorsque j'ai lu cela, je me suis demandé tout d'abord pourquoi nous avions eu la Commission Gomery. En effet, personne au gouvernement n'a été en mesure de dire qui était responsable, qui devait rendre des comptes, qui avait pris ces décisions, etc. En fait, je me souviendrai toujours que le premier ministre a dit que seul un petit groupe de bureaucrates était responsable de ce programme et devait rendre des comptes, etc. Évidemment, ce n'est pas le cas. Le rapport qui est rendu public aujourd'hui nous montre qu'un assez grand nombre de personnes sont responsables et doivent rendre des comptes relativement au scandale des commandites et qu'elles se trouvent du côté politique de l'opération. Ce ne sont pas des fonctionnaires. C'est là, à mon avis, l'une des constatations évidentes qui ressortent du rapport du juge Gomery. Au moins, cette question a été élucidée.

    Lorsque le ministre Alcock et le greffier du Conseil privé ont comparu la semaine dernière, ils ont présenté des arguments différents pour expliquer pourquoi ils rejetaient le dixième rapport. C'est sur la réponse qu'ils ont donnée au comité que je vais m'attarder.

    Si j'ai bien compris, M. Himelfarb a dit que vous pouviez faire toutes les règles que vous voulez, mais que si quelqu'un décide de transgresser la loi et de ne pas respecter les normes d'éthique, les règles ne servaient à rien. Cette affirmation m'a beaucoup troublé, parce que c'est sur cette question que portait le dixième rapport. Que fait un sous-ministre, un fonctionnaire qui est censé être neutre et professionnel, lorsque les maîtres politiques essaient d'impliquer cette personne dans une activité qu'ils savent être condamnable? Quelles sont ses options? C'est exactement la question qui a été soulevée. Alors qu'il fasse cette déclaration sans faire de lien avec le dixième rapport m'a beaucoup étonné et cela sous-tend...

    Je ne sais pas quel type de culture nous avons ici, mais c'est certainement une culture qui ne veut pas s'attaquer aux véritables problèmes auxquels doivent faire face les fonctionnaires.

    Quoi qu'il en soit, on nous a dit que si un sous-ministre a des réserves relativement à ce que le gouvernement essaie de faire, à ce que le parti au pouvoir ou le ministre essaie de lui imposer, il n'y avait aucun problème; il pouvait tout simplement confier l'affaire au Conseil du Trésor, et ce serait beaucoup mieux que le concept d'agent comptable que le comité a proposé à l'unanimité.

    Je vais m'arrêter ici et vous demander si vous croyez qu'il s'agit d'une meilleure façon de faire. Je crois que le juge Gomery a mentionné dans son rapport la culture d'intimidation qui existe à Ottawa. Je dirais que lorsque vous parlez du Conseil du Trésor et du greffier du Conseil privé et d'un grand nombre de ces postes aujourd'hui... J'ai bien souvent l'impression qu'ils sont également des prolongements politiques du gouvernement en place. Ce ne sont pas à eux qu'un fonctionnaire professionnel et neutre serait enclin à s'adresser pour obtenir de l'aide.

    J'aimerais entendre chacun de vous au sujet de la proposition de M. Alcock, ce concept du Conseil du Trésor qui serait même supérieur au système britannique.

Á  +-(1140)  

+-

    M. C.E.S. Franks: Peut-être devrais-je commencer, puisque je suis en partie responsable de la proposition relative à l'agent comptable, comme je l'ai déjà indiqué devant le comité.

    Au début des années 60, la Commission Glassco a recommandé que l'administration des fonds publics, les dépenses réelles et la gestion en général, soient déléguées, confiées aux sous-ministres. Cette commission a déclaré: « Laissez les gestionnaires gérer ». En 1969, les modifications apportées à la Loi sur la gestion des finances publiques ont retiré au contrôleur du Trésor ses pouvoirs pour les remettre aux sous-ministres. Par conséquent, ce qui avait appartenu à un agent central très puissant du gouvernement a été explicitement remis aux sous-ministres, en présumant qu'ils auraient recours à ces pouvoirs.

    En 1979, la Commission Lambert a déposé son rapport dans lequel elle indiquait que les sous-ministres ne remplissaient pas leur fonction de gestion. Elle est donc allée plus loin, remplaçant le slogan « Laissez les gestionnaires gérer » par « Obligez les gestionnaires à gérer ».

    En 1989, Gordon Osbaldeston, ancien greffier du Conseil privé, a déposé un rapport sur les sous-ministres indiquant que leur rôle en matière de gestion était l'un des plus faibles qui soit et que la supervision ou la reddition de comptes au Conseil du Trésor était l'un des maillons les plus fragiles de tout l'effort de gestion.

    Aujourd'hui, en 2005, nous nous penchons sur le même problème, à savoir que les lois donnent des responsabilités aux sous-ministres, comme la délégation du Conseil du Trésor, et que les sous-ministres n'ont pas respecté leurs obligations en vertu des lois et des pouvoirs qui leur sont délégués.

    Dans mon document, je pose la question suivante: comment cela se fait-il? Selon moi, la réponse, c'est que le Conseil du Trésor a essayé d'agir seul, sans l'aide du Comité des comptes publics.

+-

    Le président: Si vous permettez, il nous reste une minute et demie. Si M. Sossin veut faire une observation également, il faudrait être bref.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vais m'arrêter tout de suite après ceci.

    Ce que je veux dire, c'est que sans l'appui du Comité des comptes publics, je ne pense pas que le Conseil du Trésor puisse être en mesure de faire le travail qu'il est censé faire, soit surveiller les sous-ministres et faire en sorte qu'ils se comportent correctement. Sans l'appui de votre comité, je ne crois pas que les sous-ministres puissent mettre en oeuvre les mécanismes de reddition de comptes; ce n'est possible que si les sous-ministres sont directement et personnellement responsables lorsqu'ils comparaissent devant votre comité.

    Merci, monsieur.

+-

    Le président: Merci, monsieur Franks.

    Monsieur Sossin, une réponse brève.

+-

    M. Lorne Sossin: Très brève.

    Encore une fois, je suis d'accord avec M. Franks sur de nombreux points, notamment au sujet de l'agent comptable, mais je souscris également à l'une des observations de M. Himelfarb, à savoir que l'imposition de règles plus nombreuses ne changera pas grand chose. C'est la culture de la primauté du droit qui doit catalyser à la fois l'élaboration de ces règles et, bien sûr, le respect de celles-ci.

    Je pense qu'il est peu probable que cette culture de la primauté du droit ne provienne de l'exécutif, et je crois que les autres mesures, qu'il s'agisse de saisir les tribunaux, ou la Commission de la fonction publique, ne se déclenchent que par suite de plaintes. À mon avis, c'est au Parlement et à votre comité d'instaurer cette culture. Le deuxième rapport du juge Gomery marquera sans aucun doute un moment historique pour le Canada pour ce qui est de l'instauration de cette culture, tout en donnant un mandat unique à votre comité qui devra jouer son rôle à cet égard.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci, monsieur Fitzpatrick.

    Monsieur Sauvageau, s'il vous plaît, huit minutes.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Merci et bienvenue.

    Je vous demanderai, dans un premier temps et malgré l'impolitesse, de me donner des réponses brèves, puisque nous ne disposons que de huit minutes.

    À la lumière de ce que vous avez vu depuis deux ou trois ans concernant le supposé resserrement de la reddition de comptes, croyez-vous qu'il serait impossible aujourd'hui que le scandale des commandites se produise, compte tenu de ce que le Conseil du Trésor nous a annoncé récemment?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vais répondre très brièvement: pas aujourd'hui, mais, à moins que quelque chose de fondamental ne change, peut-être demain. Il faudrait que ce changement aille plus loin que la simple réorganisation interne du gouvernement et la recherche de solutions techniques au sein du gouvernement.

+-

    M. Lorne Sossin: En ce qui me concerne, les choses changeraient — même si nous en doutons — au moment où le greffier du Conseil privé indiquerait que la responsabilité reviendrait au premier ministre. Je crois qu'il serait alors possible d'examiner le fondement juridique du fonds, les mesures en place pour garantir l'intégrité de la fonction publique à propos de ce fonds. Encore une fois, on pourrait aujourd'hui apporter des réponses à toute une série de questions au sujet du rôle de la fonction publique; j'espère qu'elles seront posées aujourd'hui, mais je crois que nous ne pouvons pas en être convaincus à la lumière des changements observés jusqu'ici.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Pour le bénéfice de notre comité et pour vous deux, spécialistes de la question de la reddition de comptes, je crois qu'il serait très intéressant d'analyser un des chapitres du rapport Gomery, intitulé « Structure, responsabilités et reddition de compte du Gouvernement du Canada ». On y parle du rôle, de la responsabilité et de la reddition de comptes des ministres et des fonctionnaires, ainsi que du Bureau du premier ministre, etc.

    On a beau avoir tous les plans les plus magnifiques sur papier, les plus grandes théories expliquées ici par le président du Conseil du Trésor, si on ne les respecte pas, on peut croire que la même situation pourrait se reproduire.

    Je ne l'ai pas lu au complet, mais j'aimerais vous lire un passage du rapport Gomery et vous demander votre opinion. Je le cite:

J'ai recensé trois grands facteurs ayant contribué aux problèmes décrits dans le Rapport de la vérificatrice générale.

    Plus loin, il dit:

La décision sans précédent de diriger le Programme de commandites à partir du CPM, c'est-à-dire en court-circuitant tous les systèmes et mécanismes de contrôle ministériels que le sous-ministre de TPSGC aurait normalement dû appliquer;

+-

    Le président: À quelle page est-ce, s'il vous plaît?

+-

    M. Benoît Sauvageau: C'est à la page 75 dans la version française du premier volume.

    Cela veut dire que même si les mécanismes sont intransigeants, existants, clairs et précis, si un ministre ou le Bureau du premier ministre décide de transgresser tout cela, peu importent les règles que le président du Conseil du Trésor, le Comité des comptes publics et la vérificatrice générale auront mises en place, il s'agit d'une décision politique. N'est-ce pas?

[Traduction]

+-

    M. Lorne Sossin: Pour répondre rapidement, je crois que depuis sa création, le gouvernement du Canada a pour prémisse que politiciens et ministres ne peuvent pas créer de politiques ou de fonds automatiques. En d'autres termes, c'est seulement avec la coopération, le travail et l'effort actifs de la fonction publique que le gouvernement peut mettre un plan en application, voire même un fonds qui semble fonctionner subrepticement. Il ne fonctionne pas tout seul. D'après le rapport, nous pouvons voir qu'il a fonctionné grâce au rôle actif joué par plusieurs fonctionnaires et je crois qu'en plus, il est indiqué que la surveillance et la dissuasion peuvent se manifester et ainsi empêcher un autre scandale de cette nature.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vais également répondre brièvement. Les règles étaient en place: les gens qui avaient la responsabilité du respect des règles étaient de hauts fonctionnaires or, ils n'ont pas assumé cette responsabilité. Pour quelle raison? Le fait est qu'ils ne l'ont pas fait, et qu'aucune procédure ne leur permettait de dire officiellement: Je ne peux accepter cet ordre, monsieur le ministre, vous devez en prendre la responsabilité. C'est pourquoi, nous sommes confrontés à cette situation complètement floue.

Á  +-(1150)  

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Vous avez parlé d'accroître le rôle du Comité des comptes publics. On doit parler aussi de la réponse du gouvernement au neuvième rapport du comité concernant les chapitres 3, 4 et 5 du rapport de la vérificatrice générale.

    J'aimerais entendre parler de la partisanerie, de la non-partisanerie, du rôle accru du Comité des comptes publics lorsqu'on entend quelque part, dans les journaux ou dans les médias, une rumeur à l'effet qu'il y aurait malversation dans le cas d'un programme, par exemple le Conseil de l'unité canadienne ou les Internationaux du sport de Montréal.

    Est-ce que vous pensez qu'il serait de bon aloi que le comité demande à avoir les rapports de vérification interne et externe concernant ces dossiers, afin de pouvoir, de façon complémentaire, travailler avec les ministères et les programmes concernés et...

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Sauvageau, le comité a le droit et le pouvoir de demander au gouvernement les documents qu'il souhaite, y compris, comme nous nous en sommes aperçus il y a peu de temps, les procès-verbaux du cabinet, les documents du cabinet. Par conséquent, votre question me paraît quelque peu superflue. Si par contre nos témoins veulent répondre, ils en ont le loisir.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Vous m'avez interrompu un peu trop vite, monsieur le président.

    Vous avez dit que l'on devrait s'assurer de faire preuve de non-partisanerie à ce comité. Je crois que même le parti représentant le gouvernement devrait appuyer cette volonté d'examiner plus en profondeur les différents rapports de vérification interne.

    Selon vous, est-ce là un exemple d'une façon de bonifier le rôle du Comité des comptes publics?

[Traduction]

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur le président, sauf rares exceptions, je pense que chaque député, autour de cette table, et en général, est membre d'un parti donné. Cela n'a rien de mal, au contraire, c'est ce qui motive les députés et c'est la raison pour laquelle notre président est un membre de l'opposition. Il reste que, ensemble, vous devez faire un travail au nom du Parlement.

    Ce que je souligne dans mon document qui, je le pense, est absolument crucial, c'est que plus une mesure semble indiquer une ingérence ministérielle ou est, de toute évidence, ministérielle, plus il est probable que le comité soit partisan. Si on prétend que les ministres doivent rendre des comptes au Parlement, tout devient partisan et c'est l'un des problèmes qui se posent.

    Je prends peur lorsque je lis dans l'un des documents officiels que le gouvernement va améliorer la gestion en faisant comparaître plus de ministres devant plus de comités pour parler à ce sujet. Les ministres ne sont pas les gestionnaires, ce sont les sous-ministres qui le sont et qui, à ce titre, devraient comparaître devant votre comité. Je pense que là commence à se poser le problème.

+-

    Le président: Monsieur Sossin.

+-

    M. Lorne Sossin: J'aimerais simplement ajouter que les domaines que je souligne dans ma déclaration préliminaire — la surveillance pour assurer l'intégrité non partisane de la fonction publique et la primauté du droit — sont clairement des domaines où le comité ne devrait absolument pas faire preuve de partisanerie au cours de son examen. En d'autres termes, il s'agit de rôles de tutelle et de gérance que devraient jouer le Parlement et votre comité.

    Je pense que dans ces domaines, si l'on s'apercevait de partisanerie dans les questions ou dans le rapport, ce serait inquiétant, et ne cadrerait pas, je le crains, avec les préoccupations similaires que partagent tous les membres du comité à propos de questions comme celles relatives aux devoirs constitutionnels des fonctionnaires.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Merci, monsieur Sauvageau.

    Monsieur Murphy, huit minutes, s'il vous plaît.

+-

    L'hon. Shawn Murphy (Charlottetown, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je m'adresse d'abord à M. Franks; nous subissons cette histoire depuis un an et demi et j'imagine que nous recherchons la simplicité. C'est un domaine très complexe, dont vous êtes spécialiste. Bien sûr, nous acceptons votre recommandation et l'avons adoptée: les sous-ministres sont responsables devant le Parlement.

    Si l'on revient en arrière, tout était si simple à propos des commandites. M. Quail était le sous-ministre. Il a comparu devant notre comité et a déclaré qu'il n'était pas responsable car il n'était pas au courant. D'après moi, toutefois, c'était à lui de se mettre au courant et d'y rester.

    Dans pareille situation — et je suis d'accord avec vous, les sous-ministres devraient rendre des comptes au Parlement, et comparaître devant notre comité — dans ce cas particulier, M. Quail avait-il une autre option? Il n'avait pas été embauché par l'exécutif, ni par le cabinet du premier ministre, ni par le ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux; il avait été embauché — et en général supervisé, dans une certaine mesure — par le greffier du Conseil privé. Lorsqu'il a eu ce problème, ne pouvait-il simplement pas téléphoner au greffier de l'époque, soit Mel Cappe, et lui dire qu'il avait un problème?

Á  +-(1155)  

+-

    M. C.E.S. Franks: C'est l'un des mystères de toute cette histoire. Mon interprétation, purement gratuite, c'est qu'il était parfaitement clair que les instructions provenaient des plus hauts niveaux, si bien que pour lui, ce n'était pas une option.

    À mon avis, le problème, c'est que, dans leur ensemble les sous-ministres considèrent davantage les centres du pouvoir comme leurs véritables patrons, ce qui l'emporte sur les lois ou le Parlement ou sur ce qu'ils considèrent comme étant leurs responsabilités à titre de gestionnaires des ministères. Je pense que c'est ce qui doit changer et qui ne le peut que selon les recommandations de votre comité.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: N'était-ce pas à l'appareil gouvernemental, par le truchement du greffier du Conseil privé, d'expliquer aux sous-ministres qu'en cas de problème relatif à l'administration du gouvernement, à l'application de la Loi sur la gestion des finances publiques, au contrôle du Conseil du Trésor, et au fait que pour une raison ou une autre, les sous-ministres ne pouvaient pas respecter leurs obligations statutaires...? Le greffier n'était-il pas tenu d'expliquer au sous-ministres qu'en fin de compte, ils relevaient de lui?

+-

    M. C.E.S. Franks: Les sous-ministres en général et le greffier en particulier ont deux responsabilités. Tout d'abord, ils doivent parler au gouvernement au nom de la fonction publique et, deuxièmement, parler à la fonction publique au nom du gouvernement. Je crois que notre système à l'heure actuelle met davantage l'accent sur le dialogue dans le sens gouvernement — fonction publique au détriment du dialogue dans le sens fonction publique  — et, à cet égard, la Loi sur la gestion des finances publiques et ses règlements--- gouvernement. Je crois que c'est là le problème.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Pour ce qui est de tout ce concept de responsabilisation dont est saisi le comité permanent des comptes publics — nous avons fait la recommandation et l'exécutif l'a rejetée — à votre avis, compte tenu de toutes vous années d'expérience, à qui revient-il de créer le processus de responsabilisation? À l'exécutif ou au Parlement?

+-

    M. C.E.S. Franks: Vous avez un travail à faire au comité, monsieur, et vous devez dire au gouvernement, eh bien, nous avons publié un rapport que vous avez rejeté du revers de la main sans débat. Nous allons maintenant vous dire ce que nous pensons, en prenant en compte des points de vue que vous nous avez présentés, et vous devez nous donner une bonne raison de votre rejet, faute de quoi, nous devrons parvenir à un arrangement.

    Je préférerais un arrangement, ce qui exige l'instauration d'un dialogue qui n'a pas encore vraiment débuté.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Pour aller un peu plus loin, nous pouvons rédiger un autre rapport et expliquer pourquoi nous avons fait cette recommandation, mais que faire de plus et quelles autres mesures pouvons-nous prendre?

+-

    M. C.E.S. Franks: Vous pourriez voir s'il ne serait pas possible d'obtenir, par exemple, une motion devant le Parlement portant acceptation de votre dixième rapport, ou d'une version dudit rapport. Si la Chambre des communes l'acceptait, le gouvernement serait tenu de prendre les mesures indiquées.

    J'espère que nous n'en arriverons pas là. Comme je l'ai dit, je crois que le Conseil du Trésor devrait considérer votre comité non pas comme un adversaire, mais comme un allié et un partenaire, dans le but de garantir la probité financière.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Sur un autre sujet, un des plus gros problèmes selon moi — et je siège au sein de ce comité depuis trois ou quatre ans... et j'aimerais avoir l'avis de chacun de vous, si vous permettez. Lorsque l'on traite de ces questions qui surgissent de temps à autre, je crois que nous devons tous nous souvenir que le gouvernement est... Il s'agit d'un problème assez important, mais lorsqu'un gouvernement doit gérer 180 milliards de dollars par an, il y a toujours des problèmes. La Banque Royale a des problèmes, Imperial Oil a des problèmes et nous allons avoir des problèmes.

    Le plus gros problème de l'administration publique, selon moi, c'est l'incapacité des sous-ministres ou du greffier du Conseil privé de réprimander quiconque a une responsabilité à propos de ces problèmes. Personne n'a fait l'objet de sanctions disciplinaires administratives dans le contexte du scandale des commandites. Depuis quatre ans que je suis ici, personne n'a jamais déclaré devant notre comité que tel ou tel individu avait en fait été réprimandé.

    C'est l'un des problèmes inhérents à l'administration, c'est un échec. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce problème — qui en est un d'après moi.

  +-(1200)  

+-

    M. Lorne Sossin: Je pense également qu'il y a un problème, mais je ne suis pas sûr que votre comité puisse aider à le résoudre. En d'autres termes, envisager la responsabilisation par rapport aux démotions, aux renvois, aux pertes d'emplois au sein d'un ministère, risque, je crois, de donner aux fonctionnaires un pouvoir d'examen, ce qui probablement n'est pas une forme saine de responsabilisation sur laquelle un comité parlementaire devrait se prononcer.

    Dans les cas où, par exemple, des instructions inappropriées ont été suivies — par définition, cela signifie que suivre ces instructions n'était pas pertinent — je dirais alors que votre comité a le droit de s'attarder sur la personne en position d'autorité dans ce ministère. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il convient de s'attarder sur les sous-ministres et les greffiers, et non sur les ministres qui ont donné ces ordres. Ce qui se passe en-dessous de ce niveau est grave, à mon avis. C'est une question qui relève de la Commission de la fonction publique, d'autres organes indépendants de surveillance ne relevant pas du gouvernement, mais je ne crois pas que ce serait le rôle que devrait jouer votre comité.

+-

    Le président: Il vous reste une minute.

+-

    L'hon. Shawn Murphy: Pour préciser les choses, je ne voulais pas dire que nous allons nous en mêler, je voulais simplement dire qu'en règle générale, la capacité ne semble pas exister. Effectivement, je suis d'accord avec vous, nous n'allons pas nous mêler de cet aspect de la question.

+-

    M. Lorne Sossin: Je conviens qu'il est préoccupant de savoir que le processus n'inspire pas confiance si l'on ne sait pas de quoi il est fait.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vais faire une observation très rapide. La semaine dernière, un document sur les modifications à apporter à la Loi sur la gestion des finances publiques a été présenté au comité. Il y est indiqué qu'aucun tribunal n'a jamais été saisi d'une affaire concernant le non-respect des exigences de la Loi sur la gestion des finances publiques. Je ne dis pas que ce devrait arriver, mais d'après ce document, des modifications pourraient entraîner certaines sanctions ainsi que des moyens plus efficaces d'imputer la responsabilité de décisions à telle ou telle personne lorsque c'est mérité.

+-

    Le président: Merci, monsieur Murphy.

    À ce sujet, monsieur Franks, la Loi sur la gestion des finances publiques ne prévoit pas actuellement de peines en cas de non mise en oeuvre ou non-respect de la loi, n'est-ce pas?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je crois que c'est exact, monsieur.

+-

    Le président: Monsieur Christopherson, huit minutes, s'il-vous-plaît.

+-

    M. David Christopherson (Hamilton-Centre, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Messieurs, merci beaucoup. Croyez-le ou non, pour certains d'entre nous, toute cette histoire est fascinante. Cela en dit sans doute plus long sur nous que sur le fond, parce que c'est assez aride, mais c'est important à de nombreux égards.

    J'aimerais commencer par ce qui me paraît une question assez simple, mais qui crée beaucoup de confusion.

    Dans votre exposé, monsieur Franks, vous parlez de l'obligation de rendre compte et de la responsabilité de rendre compte. J'aimerais simplement revoir cette question fondamentale et reprendre votre citation:

Ceux pour qui ces termes et leurs différentes significations prêtent à confusion devraient peut-être être excusés; en effet, les personnes les mieux renseignées n'ont pas fait tout le nécessaire pour aider à clarifier les choses.

    Ensuite, vous dites:

Malgré ce que prétend le gouvernement, la confusion dans la logique sous-jacente à sa position porte à confusion en ce qui concerne la responsabilité et l'obligation de rendre compte.

    En termes clairs, la différence entre obligation et responsabilité de rendre compte... ?

+-

    M. C.E.S. Franks: Le gouvernement crée les définitions; l'obligation de rendre compte désigne la capacité d'imputer la responsabilité, la responsabilité d'agir, etc., tandis que la responsabilité de rendre compte désigne simplement le fait de donner une réponse. Le problème, c'est que quand on commence à examiner comment appliquer ces définitions aux ministres et sous-ministres, tout s'écroule. Les ministres ne peuvent pas être obligés de rendre compte dans les cas où les sous-ministres sont responsables et les sous-ministres ne peuvent pas répondre pour les ministres lorsque les ministres ne sont pas responsables. Le gouvernement prétend cependant qu'ils le peuvent.

    Selon moi, il s'agit de termes très imprécis qui ne veulent pas dire la même chose, que ce soit en Angleterre ou dans divers documents officiels. Il faudrait... j'allais dire « nom de Dieu », mais... eh bien, c'est dit. Il faudrait abandonner la distinction, abandonner les efforts, car cela ne marche pas. Il faudrait examiner le rôle des sous-ministres et des directeurs d'organismes devant votre comité. Peu importe s'ils sont responsables ou obligés de rendre compte, peu importe de qui ils relèvent ou à qui ils doivent rendre compte; l'essentiel c'est qu'ils devraient répondre aux questions, en tant que détenteurs de pouvoirs, de leur propre chef, pour défendre ce qu'ils ont fait ou omis de faire.

+-

    M. Lorne Sossin: Je prétends également que la définition d'obligation de rendre compte donnée par le gouvernement est indûment étroite, même dans la façon dont la plupart des gens comprendraient cette expression. Par exemple, je crois que la plupart des gens comprennent que l'obligation de rendre compte signifie qu'il faut rendre compte, justifier et, si ce n'est pas possible, qu'il faut essayer de régler le problème. Rien dans cette interprétation d'obligation de rendre compte n'empêche un sous-ministre de comparaître devant votre comité, non pas simplement pour expliquer et informer, mais aussi pour justifier et, s'il est incapable de le faire, pour répondre aux questions posées aux sujet des mesures correctives à prendre — toujours bien sûr dans le cas de questions relevant du sous-ministre. Cela ne s'applique nullement aux orientations politiques ou à toutes les autres questions pour lesquelles, nous en conviendrions tous, j'imagine, l'obligation et la responsabilité de rendre compte ministérielles sont primordiales.

    Par contre, dans ces autres domaines, je ne vois pas de lien entre une incapacité de donner des directives à des sous-ministres, une incapacité d'imposer des sanctions aux sous-ministres de façon explicite, et le fait que les sous-ministres doivent toujours rendre compte au comité, et vice versa.

  +-(1205)  

+-

    M. David Christopherson: Permettez-moi de vous poser la question suivante. En vertu des lois actuelles, et cela nous ramène en partie à l'usage, si un sous-ministre comparaissait devant notre comité aujourd'hui, dans le cadre actuel, et disait: « Je ne peux pas vraiment en parler, car cela relève du champ de compétence du ministre », comment pourrait réagir le comité? En vertu de la loi actuelle, que faire de ce genre de réponse qui nous porte à croire qu'il ne s'agit pas uniquement de responsabilité, mais aussi d'obligation de rendre compte?

+-

    M. C.E.S. Franks: La réponse, c'est que le sous-ministre peut expliquer la politique, un point c'est tout. Il ne peut pas dire que cette politique est formidable ou horrible, voici d'autres options qui ont été envisagées par le gouvernement, mais qu'il n'a pas acceptées, voici de nouvelles politiques qui pourraient être meilleures. Il ne peut le dire — il ne le fait pas — devant un comité des comptes publics. Je suis sûr que votre président déclarerait irrecevables de tels propos.

    Votre comité doit définir clairement les domaines de responsabilité des sous-ministres. Ils sont assez étendus dans le cadre de la gestion. On peut parler de régularité et de légitimité, d'économie, d'efficience et de gestion des ressources humaines et pourtant, aujourd'hui, le gouvernement déclare: « Oh, non, le sous-ministre n'est pas autorisé à parler de son propre chef, en tant que détenteur de ces pouvoirs, il parle au nom des ministres ». Les ministres ne disposent cependant pas de ces pouvoirs.

    Les lois qui confèrent des pouvoirs aux ministres, les lois ministérielles et de mise en oeuvre, ne peuvent pas l'emporter sur les responsabilités des sous-ministres en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Aucun principe juridique ne permet à une loi de l'emporter sur une autre de cette façon-là. Dans certains endroits, le gouvernement a prétendu le contraire, mais cela ne cadre pas avec les normes juridiques.

+-

    M. Lorne Sossin: J'ajouterais un autre point et j'aimerais savoir si le président considère que ce serait une question pertinente dans le contexte actuel...

+-

    M. David Christopherson: C'est ce que j'allais faire.

+-

    M. Lorne Sossin: Si un sous-ministre comparaissait devant vous et indiquait les décisions qui ont été prises, et que quelqu'un autour de cette table lui pose la question suivante: « D'après vous, ces directives ministérielles étaient-elles légitimes et légales? », la réponse serait probablement «oui ». Si vous alliez plus loin et demandiez: « Sur quoi vous appuyez-vous pour arriver à une telle conclusion, et quelle enquête, quels conseils juridiques, ou autres mesures ont été prises pour garantir que les directives ministérielles étaient légitimes et légales? »; pour moi, il serait tout à fait possible de poser de telles questions à un sous-ministre. Si on demande: « Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que les directives ministérielles étaient légitimes et légales? », la réponse ne pourrait jamais être la suivante: « C'est au ministre de le dire »

    Je pense donc que l'obligation de rendre compte existe bel et bien, car, même dans le cadre actuel, il s'agit d'un devoir constitutionnel.

+-

    M. David Christopherson: Merci.

    J'allais aussi poser une question au président à ce sujet, comme M. Franks l'a proposé, si l'un de nous poussait plus loin, vous sentiriez-vous obligé, en vertu des lois actuelles, de simplement dire: « Vous ne pouvez pas poser cette question », ce qui effectivement nous fait tourner en rond?

+-

    Le président: Selon moi, les ministres traitent de politiques et les sous-ministres de l'administration et de la mise en oeuvre de ces politiques. Si je comprends bien, vous cherchez à savoir s'il serait légitime de demander au sous-ministre s'il a l'impression qu'une directive donnée est effectivement non éthique, s'il la considère comme telle.

    La question de savoir s'il considère que la politique est bonne, mauvaise, ou sans importance est une différence subtile, mais risque de ne pas être une question légitime. Par contre, s'il a l'impression qu'elle est non éthique, de par ses responsabilités, il devrait le dire. Dans le dixième rapport du comité des comptes publics, nous avons essayé de mettre sur pied un système clair de documentation permettant au sous-ministre, s'il avait l'impression que c'était non éthique, en vertu du processus, d'en saisir le vérificateur général ou le contrôleur général. Si ces derniers pensaient que c'était également non éthique, ils en feraient rapport au Parlement après avoir délibéré et examiné la question comme il se doit. Nous avions donc cru être parvenus à un bon équilibre en matière de discrétion, etc.

    J'ai arrêté l'horloge pendant que je répondais à cette question.

  +-(1210)  

+-

    M. David Christopherson: Je vous remercie, monsieur le président.

    Quand il se pose une grave question d'éthique et que des actes illicites ont été commis, ou non, c'est légitime, mais ce qui me préoccupe ici, ce sont les questions plus terre à terre, lorsque traite d'une politique qui ne fait pas la une des journaux; il ne s'agit pas tant d'une question d'éthique ou de quasi-criminalité que de savoir s'il est possible de demander au sous-ministre pourquoi il a choisi une certaine orientation pour la mise en oeuvre...

    Par exemple, lorsque nous lui demandons: « Pourquoi avez-vous organisé le choses de cette façon, et non pas d'une autre? », c'est juste à ce moment-là que s'abat le rideau de fer et que nous ne pouvons pas obtenir de réponse. Il me semble qu'il faudrait pouvoir insister et lui demander de justifier pourquoi il a pris des décisions administratives dans son domaine de responsabilité.

+-

    M. C.E.S. Franks: Il faudrait partir sans doute d'un rapport du vérificateur général. Probablement, il y serait indiqué: « Voilà comment ces décisions ou ces actions n'ont pas répondu aux attentes », conformément aux normes de vérification. Ces normes sont assez explicites dans la loi. Elles visent le respect des lois, des règles et des règlements; elles sous-entendent que l'on examine les concepts de l'économie et de l'efficience, ainsi que de l'efficacité lorsque des mesures doivent être prises à cet égard mais qu'elles ne le sont pas. Vous avez donc parfaitement le droit de poser à n'importe quel témoin toute question se rapportant au rapport du vérificateur général et à ces principes et normes.

    Ce ne serait pas la même chose lorsque les questions seraient déclarées irrecevables, dans les cas où le sous-ministre dirait: « C'était une décision du ministre, qu'il avait le droit de prendre en matière politique », ou « le ministre n'a pas retenu mon avis et c'est maintenant à lui de répondre, et non à moi ».

+-

    M. David Christopherson: J'aimerais tant être présent ce jour-là.

    Merci, monsieur le président et merci, messieurs.

+-

    Le président: Je le répète encore une fois, le dixième rapport cherchait à créer un processus où tout cela serait mis au grand jour dans un délai raisonnable au lieu d'attendre trois, quatre, cinq ou six ans, au moment où quelqu'un se mettrait à faire des révélations de façon informelle. Nous avions donc pensé que le dixième rapport était excellent et personnellement, je suis très déçu que le gouvernement l'ait rejeté.

    Monsieur Kramp, huit minutes, s'il vous plaît.

+-

    M. Daryl Kramp (Prince Edward—Hastings, PCC): J'ai quelques questions, merci, monsieur le président.

    Bienvenue à nos deux spécialistes.

    L'approche du Conseil du Trésor à tout ce processus me préoccupe. Il a essentiellement fait un pied de nez aux recommandations de notre comité. Il semble qu'il cherche à éviter la recommandation. En effet, il se contente de dire: « Eh bien, non, nous ne l'acceptons pas. Nous avons toutes les réponses; par conséquent, peu importe ce que vous proposez, nous allons faire à notre tête ».

    Avez-vous la même impression?

+-

    M. C.E.S. Franks: Pour répondre rapidement, oui.

+-

    M. Daryl Kramp: Par conséquent, si nous arrivons collectivement à cette conclusion, que nous reste-t-il à faire? Comme vous l'avez dit, il serait avantageux d'instaurer un dialogue ou des communications avec le Conseil du Trésor, pour entretenir de bonnes relations. Personnellement, je ne crois pas que ce soit arrivé. La recommandation a été présentée au Conseil du Trésor et aux plus hauts échelons du gouvernement et au lieu d'avoir des communications et/ou un dialogue, et/ou une discussion, des arguments, des objections, et la possibilité pour notre comité d'élaborer une directive, on nous a simplement dit, en fait, on refuse d'accepter votre recommandation.

    N'est-ce pas un affront à notre processus? À quoi sert notre comité?

+-

    M. C.E.S. Franks: Si j'étais avocat, comme mon savant ami, je dirais, à ce moment-là : « Eh bien, vous êtes en droit de poser cette question ».

    Si vous l'envisagez sous l'angle du comportement humain, depuis 1977, le Bureau du Conseil privé proclame la doctrine selon laquelle les ministres sont responsables de tout devant le Parlement, tandis que les sous-ministres et d'autres fonctionnaires ne sont responsables de rien. Dans ce sens, vous avez proposé quelque chose d'inadmissible. Vous avez dit: « Non, les sous-ministres doivent être obligés de rendre compte au Parlement ». Lambert avait dit la même chose et le gouvernement l'avait complètement rejeté. Il fait simplement aujourd'hui ce qu'il a toujours fait.

  +-(1215)  

+-

    M. Daryl Kramp: Votre argument, le nôtre, celui du comité semble être si rationnel. Pourquoi le gouvernement se contente-t-il de le réfuter? Est-ce uniquement à cause d'une question de pouvoir, de contrôle? Craint-il de perdre la baguette magique? De quoi a-t-il peur? Pourquoi ne donne-t-il pas suite à notre recommandation?

+-

    M. C.E.S. Franks: Eh bien, j'en ai parlé à M. Hodgetts, le seul commissaire survivant de la commission Lambert. Selon lui, le système en place au moment de la commission Lambert était pratique pour les sous-ministres et les ministres, puisqu'ils pouvaient se permettre d'apporter de possibles démentis. Ils pouvaient toujours dire: « Ce n'est pas de notre faute, mais de la faute de quelqu'un d'autre ».

    Jusqu'ici, aucun comité parlementaire n'a mis en doute ce principe constitutionnel fort douteux, ni attaqué le gouvernement à ce sujet. Votre comité l'a fait et je crois que le gouvernement n'a pas encore compris que le Parlement lui-même a le droit de dire: « C'est ainsi que nous interprétons la doctrine de responsabilité et d'obligation de rendre compte des ministres au Parlement, et vous allez faire ce que nous vous disons de faire; nous sommes l'organe souverain, suprême, pas vous ».

    Vous l'avez dit maintenant, le processus est donc entamé.

+-

    M. Daryl Kramp: Il existe tant d'autres opportunités et/ou événements, j'imagine. Les ministres vont et viennent. Il se peut qu'un ministre soit responsable et tout d'un coup, il s'en va et un autre le remplace. Il peut dire alors: « Eh bien, je n'étais pas là, je n'ai aucune responsabilité ». Tout d'un coup, la question ne revient pas au sous-ministre qui en fait devrait être responsable. C'est une façon de se défiler, de ne pas accepter la responsabilité du dossier et/ou de s'en attribuer le mérite. Cela ne marche tout simplement pas.

+-

    M. C.E.S. Franks: Ceux qui, de l'extérieur, ont examiné la rotation rapide des ministres, et notamment des sous-ministres, ont toujours dit que ce n'était pas quelque chose de positif. En fin de course, les ministres jouent à la chaise musicale et n'assume aucune responsabilité ministérielle.

+-

    M. Lorne Sossin: J'allais justement développer, n'est-il pas alors ironique d'entendre le gouvernement invoquer la rotation rapide des sous-ministres pour justifier le fait que la culture canadienne, politique et démocratique, ne peut pas adopter le modèle de l'agent comptable, car les gens ne restent pas suffisamment longtemps en poste. À mon avis, ce n'est pas une position crédible.

    Par contre, si vous demandez comment sortir de cette impasse, je pense que cela pourra se produire dans les semaines suivant le dépôt du deuxième rapport du juge Gomery. En d'autres termes, il arrive parfois que la volonté politique pousse les gouvernements à prendre des mesures qui ne semblent pas servir leurs intérêts. Je crois que ce n'est pas dans son intérêt de le faire, et je crois qu'il lui sera très difficile de publiquement refuser de prendre de telles mesures.

    Je le répète toutefois, je suis avocat et ne suis donc pas un très bon observateur politique, c'est une mise en garde.

+-

    M. Daryl Kramp: Observation rapide, pour en revenir à toute cette question des commandites, de toute évidence, si les responsabilités des sous-ministres étaient restées intactes, ce scandale aurait pu être évité. Êtes-vous d'accord avec moi?

+-

    M. C.E.S. Franks: Absolument.

+-

    Mr. Daryl Kramp: Si la réponse est évidente, alors en refusant de confirmer ou de créer ce poste ministériel avec les responsabilités qui l'accompagnent, le gouvernement se décharge de ses responsabilités et risque de faire en sorte que se reproduise un autre programme des commandites ou un autre...

    Je répète que je ne peux pas croire que notre gouvernement soit aussi machiavélique ou avide de pouvoir pour vouloir agir seulement dans ses propres intérêts. Il reste que notre système fonctionne mal, et les propositions que notre comité a formulées visent à régler le problème. Qu'on les rejette, sans raison, sans même nous donner d'explications, est tout à fait lamentable.

  +-(1220)  

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur Kramp, je pense que c'est en 2003 que le premier ministre Chrétien a fait valoir que le gouvernement devrait adopter le principe britannique de l'agent comptable. Il a soulevé une vive opposition parmi ses sous-ministres, et le projet a été abandonné.

    L'appareil gouvernemental hésite beaucoup à établir clairement les risques et les responsabilités individuelles que le principe de l'agent comptable suppose.

+-

    M. Daryl Kramp: Il faut qu'on arrête de se renvoyer la balle, à un moment donné. On ne peut pas toujours se dérober à ses responsabilités et dire que c'est aux électeurs de se prononcer le jour des élections. Il y a une grande différence entre l'administration d'une organisation, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, et la gestion des affaires courantes ou les intérêts partisans qui vont inévitablement avoir une incidence sur le gouvernement et le comité. Il ne faudrait pas que cela arrive.

+-

    M. Lorne Sossin: Je rappellerais rapidement à tout le monde qu'il y a beaucoup de situations où les fonctionnaires assument des responsabilités de ce genre — dans toutes sortes d'organismes publics, d'agences, de commissions et de tribunaux indépendants — parce qu'il serait inapproprié qu'un ministre rende compte ou soit responsable des activités de ces entités, étant donné qu'il n'est pas censé connaître les rouages internes de ces organismes indépendants. Il n'est donc pas inhabituel que ce soit les sous-ministres qui aient des comptes à rendre à propos des activités de ces organisations.

    Il serait donc difficile de confier cette responsabilité aux ministres, puisqu'elle constitue déjà une partie importante du pouvoir exécutif au sens large, et je pense que cet argument ne résisterait pas à un examen approfondi.

+-

    M. Daryl Kramp: Je vous remercie de m'avoir répondu de façon claire, concise et objective.

+-

    Le président: Merci, monsieur Kramp.

    Monsieur Lastewka, c'est à vous pour huit minutes.

+-

    L'hon. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci beaucoup.

    J'aimerais d'abord poser quelques questions sur le partenariat dont M. Franks a parlé entre le comité des comptes publics et le Conseil du Trésor. Je fais partie de ce comité depuis seulement 18 ou 19 mois, mais je trouve que c'est le comité permanent le plus partisan de la Chambre. À mon avis, il est très partisan. Le président est parfois juge et partie...

+-

    Le président: Monsieur Lastewka, j'aimerais vous rappeler que vous pouvez soumettre des commentaires aux témoins, mais pas en faire à propos de la présidence.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: D'accord. Je retire mes paroles, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Tout ce que j'essaie de dire, c'est que l'actuel comité des comptes publics — je ne peux pas me prononcer sur les comités antérieurs — est très, très partisan. Il est composé de leaders, de leaders adjoints et de whips qui vont et viennent, posent des questions tout en se préparant à la période des questions. On cherche le moyen de se faire remarquer pendant une séquence de 15 ou 20 secondes avant de s'en aller à la Chambre, et c'est très partisan.

    Par contre, vous recommandez qu'il y ait un partenariat. Je vous dis qu'il arrive que les séances sont boycottées et que la vérificatrice générale s'installe là où vous êtes et qu'on la fasse attendre pour finalement ne pas tenir la réunion. Je veux que vous vous rendiez compte que c'est un comité très, très partisan, le plus partisan de tous le comités permanents. Et, pourtant, vous proposez qu'il y ait un partenariat.

    J'aimerais que vous m'en disiez davantage là-dessus.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ferais une distinction entre les moments où le comité est partisan et ceux où il ne l'est pas. Il est certain, par exemple, que l'examen que le comité a fait du programme des commandites était extrêmement partisan. Je crois qu'à un moment donné il y a eu trois ou quatre secrétaires parlementaires représentant le gouvernement. Ce ne sont pas de simples députés, à mon avis, et je pense que le comité doit être composé de simples députés.

    En revanche, le comité a produit un rapport unanime dans lequel il a exposé son point de vue sur la responsabilité et la reddition des comptes, et ce qui doit être fait à cet égard par les témoins qui comparaissent devant le comité et l'ensemble de l'administration gouvernementale. J'ai indiqué dans mon exposé, et j'en suis convaincu, que plus l'engagement ou l'apparence d'engagement des ministres est grand pour le comité, plus le comité agit de façon partisane.

    Au Canada, la tradition veut que les dépenses du gouvernement servent des considérations partisanes plutôt que les intérêts de la population. Le favoritisme a une très longue mais pas très honorable tradition dans la vie politique de notre pays. Le scandale des commandites a soulevé un sentiment d'indignation dans la population à l'égard de ce que le gouvernement fait dans ce domaine. Il y a beaucoup d'autres aspects cachés à examiner.

    Je pense qu'il doit y avoir un changement de culture au sein de l'administration publique, des ministères et du Parlement parce que rien n'empêche le comité d'être impartial. Il devrait examiner les gestes posés par les fonctionnaires sans la surveillance des ministres, et il devrait se préoccuper du bien-être de la population du Canada.

    Je ne pense pas que ce soit une tâche impossible, mais c'est un défi.

  +-(1225)  

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Vous pensez donc que le comité ne devrait pas avoir des membres qui se font remplacer pour la période des questions ou qui font acte de présence le temps de poser une question et ne sont jamais ici pour entendre la réponse.

+-

    M. C.E.S. Franks: Monsieur, mon voeu le plus cher est que la composition du comité reste la même du début à la fin d'une législature, que les membres du comité assiste aux séances sans se faire remplacer et qu'il n'y ait pas de commandos qui viennent prendre les choses en main quand il se passe quelque chose d'intéressant.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Je vous remercie. Je pense que vous avez vu juste.

    Nous avons aussi parlé de la responsabilité ministérielle et sous-ministérielle. M. Christopherson en a parlé — et il a été ministre.

    C'est comme si les sous-ministres ne devraient jamais se présenter devant un comité sans leur ministre, et vice versa; ils ne pourraient pas se défiler.

+-

    M. C.E.S. Franks: Je vois les choses autrement, parce que vous devriez recevoir les sous-ministres, non pas les ministres. Le comité devrait se concentrer sur ce dont les sous-ministres sont responsables. Vous devriez vous assurer qu'ils sont responsables, qu'ils ont les moyens d'agir et qu'ils agissent comme il se doit.

    Quand les ministres prennent des décisions, ce n'est peut-être pas à votre comité d'en faire l'examen — parce qu'il s'agit de décisions politiques et non administratives.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Donc, pour vous, si c'est de nature administrative... J'aimerais que vous nous en disiez davantage là-dessus; pourquoi les sous-ministres devraient-ils venir nous rencontrer? Si c'est la décision d'un ministre, il faudrait alors...

    Par exemple, une question ayant trait à l'industrie devrait être examinée par le comité de l'industrie. Une question ayant trait aux affaires étrangères devrait être examinée par le comité des affaires étrangères. Le comité des comptes publics devrait aussi examiner les questions ayant trait aux comptes publics et à la gestion.

    Pourriez-vous préciser votre pensée là-dessus?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je crois que votre comité devrait s'intéresser aux principes énoncés par le Conseil du Trésor dans sa définition des responsabilités des sous-ministres, qui doivent assurer une utilisation des fonds qui soit régulière, correcte, économique et efficiente. Ce sont des aspects terriblement importants.

    Le comité doit donner à la population canadienne, ainsi qu'au Parlement bien sûr, l'assurance que le gouvernement est bien dirigé. On ne garantit pas à la population canadienne que le gouvernement est bien dirigé si on se demande pourquoi le Canada a une force aérienne, ou s'il faudrait faire quelque chose en matière d'environnement. On lui garantit que le gouvernement est bien dirigé en s'interrogeant sur le bon fonctionnement de l'octroi des contrats au ministère de la Défense ou encore en se demandant si le gouvernement sait bien comment est dépensé l'argent par les gouvernements autochtones autonomes, si les objectifs des programmes sont respectés ou si les dossiers sont bien tenus.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Monsieur Sossin, auriez-vous un commentaire à faire en tant qu'avocat?

+-

    M. Lorne Sossin: Certainement. Je n'ai pas de commentaire de nature juridique à faire, mais j'aimerais revenir à ce que vous avez dit au début sur l'idée de partenariat.

    Le dixième rapport fait ressortir, ce qui n'a toutefois pas encore été relevé, que les comités devraient avoir plus de pouvoirs. Autrement dit, si vous en aviez plus — et tout le monde a reconnu que votre soutien était excellent, mais s'il était accru — je pense que cela aurait pour effet direct de réduire la partisanerie. Je crois que c'est quand on n'a pas suffisamment de pouvoirs qu'on cherche à avoir 15 minutes de gloire. Si vous avez cette capacité, celle de faire enquête et si vous avez la conviction que votre travail est important, il y aurait nécessairement moins de favoritisme et plus de résultats concrets.

  +-(1230)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Lastewka.

    Le premier tour est terminé. Nous amorçons le deuxième tour, et chacun aura droit à cinq minutes.

    Il nous reste une quinzaine de minutes en tout, étant donné que j'aimerais clore la séance à 11 h 45. Nous allons essayer d'y aller rondement, en surveillant l'heure.

    Monsieur Fitzpatrick, c'est à vous.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Je ne veux pas me laisser distraire par la question du favoritisme parce qu'on sait clairement que tous les députés du comité ont appuyé cette recommandation du dixième rapport. Nous avons tous mis de côté nos considérations partisanes et nous avons appuyé le principe parce qu'il nous paraissait important. Il nous arrive de nous tromper, mais pas dans ce cas particulier. Dans l'ensemble, nous sommes dans la bonne voie; nous nous en tenons aux principes.

    Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai eu l'impression que vous aviez répondu que si le principe de l'agent comptable était appliqué, le scandale des commandites n'aurait à peu près pas pu se produire.

+-

    M. C.E.S. Franks: On ne peut jamais prévenir les irrégularités, mais on peut les décourager, et je pense que ce serait un très bon moyen de le faire.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: C'est très difficile, oui. D'accord.

    J'essaie de comprendre pourquoi un gouvernement rejetterait cette recommandation. J'en conclus, et je vais m'arrêter là-dessus, que le gouvernement ne veut pas s'empêcher de s'ingérer dans les activités des ministères. Il veut pouvoir le faire. S'il adoptait ce principe, les politiciens ne pourraient presque plus contourner les règles ou les mécanismes de surveillance pour faire ce qu'ils veulent.

    Si c'est la raison pour laquelle la recommandation est rejetée, c'est très dérangeant, parce qu'il semble que le gouvernement n'a pas appris grand-chose.

+-

    M. Lorne Sossin: Je vais revenir à ce que j'ai dit au début, à savoir que, dans le régime actuel, un sous-ministre ne peut pas ne pas examiner ces questions. En d'autres mots, s'il est question de l'ingérence politique, le sous-ministre ne peut pas refiler le problème au ministre. C'est à lui de veiller au respect de la primauté du droit et d'assurer l'intégrité des fonctions constitutionnelles.

    Quant à savoir si cette situation serait moins probable si le principe de l'agent comptable s'appliquait, je répondrais que cela dépend beaucoup du comité. Autrement dit, affirmer qu'ils doivent être tenus responsables ne signifie pas qu'ils vont l'être — à moins que le comité fasse bien son travail et ait les moyens de bien le faire.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: J'ai une brève question à poser. Si le principe de l'agent comptable existait, il me semble qu'il faudrait que le sous-ministre soit vraiment très, très courageux pour décider d'expliquer la situation par écrit au ministre, au ministre responsable, et d'envoyer copie de ces explications au vérificateur général et au contrôleur général. Dans le contexte actuel — et je pense ici à M. Cutler — ce geste pourrait mettre fin à la carrière du sous-ministre.

    Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Lorne Sossin: J'allais revenir sur la note remarquable rédigée au sujet du programme. Je ne pense pas qu'il est farfelu de prendre des notes pour montrer, si jamais la situation est examinée plus tard, qu'il est clair que les bonnes mesures ont été prises au bon moment, selon les obligations prévues. Sans être une pratique courante, du moins je l'espère, cela ne met pas en péril les fondements de la démocratie de Westminster, à mon avis, et l'effet dissuasif est vraiment utile.

    J'ajoute très rapidement qu'il y a une nouvelle formule à la Cour fédérale. Comme certains d'entre vous le savent, il y a un administrateur en chef qui relève à la fois du ministre et des juges en chef de la Cour fédérale. Si les consignes données par les juges en chef sont différentes de celles du ministre, l'administrateur en chef est obligé de suivre celles des juges, mais il doit l'indiquer par écrit et un rapport doit être présenté au Parlement.

    Il n'est pas inhabituel que d'autres mesures des reddition des comptes prévoient des règles de ce genre pour tenir compte de ces problèmes, et les fondements de notre régime démocratique ou constitutionnel ne se sont pas effrités quand on l'a fait.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Je pense que c'est le problème; un sous-ministre agirait rarement de cette façon, mais il devrait avoir l'appui et le soutien total de notre comité s'il le faisait. Il faut que quelqu'un dans l'appareil gouvernemental soit prêt à soutenir que c'est un fonctionnaire professionnel, indépendant et neutre.

    Je peux donc comprendre l'importance que vous accordez, messieurs, au comité, parce qu'il faut que quelqu'un en ville soit prêt à les défendre.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Fitzpatrick.

    Monsieur Valley, c'est à vous pour cinq minutes.

+-

    M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Merci.

    J'ai une question à poser à M. Franks. Vous avez fait des commentaires que j'ai essayé de transcrire le plus rapidement que j'ai pu, et j'aimerais que vous me repreniez si je me trompe à ce sujet.

    Je crois que vous avez dit qu'en 2003, le premier ministre Jean Chrétien avait discuté du principe de l'agent comptable. Il aurait indiqué à l'époque, ou c'est du moins ce que j'ai cru comprendre, qu'il faudrait adopter le régime britannique. Je crois vous avoir entendu dire que cela inquiétait beaucoup les sous-ministres, qu'il y avait eu une vive opposition, pour reprendre vos paroles.

    Pourriez-vous me donner des précisions à ce sujet et me dire ce qui pourrait se passer aujourd'hui, étant donné que cela s'est produit il y a deux ans et demi?

+-

    M. C.E.S. Franks: Je ne peux pas vous dire ce qui se passerait aujourd'hui. Je sais que certains sous-ministres approuvaient la proposition et d'autres, non. Par ailleurs, il me semble que le moment est venu pour le Canada d'examiner le système et d'essayer de changer les règles de base pour prévenir des situations choquantes comme celle qui s'est produite, ce qui mine le respect et la confiance que la population accorde au gouvernement. Et je pense qu'on peut le faire.

+-

    M. Roger Valley: Vous estimez que c'est le moment parce que le gouvernement est minoritaire?

+-

    M. C.E.S. Franks: C'est le moment pour deux raisons: premièrement parce qu'il y a un gouvernement minoritaire et, deuxièmement, à cause du scandale des commandites. J'imagine que la troisième raison est la divulgation de tous ces problèmes par la Commission Gomery.

+-

    M. Roger Valley: Il y a quelque chose qui m'intrigue. Vous en avez parlé à quelques reprises, comme nous d'ailleurs... mais nous savons qu'on ne peut pas toujours être impartial. Je suis un simple député, ayant été élu il y a environ 18 mois, et si jamais...

    Je ne vois pas comment nous pouvons être impartial. Je sais que nous sommes censés l'être mais, compte tenu des difficultés que nous avons sur la Colline aujourd'hui, de l'attention qui est dirigée sur nous jour après jour et des votes, il est très difficile pour tous les comités de ne pas être partisans d'une façon ou d'une autre.

+-

    M. C.E.S. Franks: Les comités peuvent très bien faire montre de partialité quand ils examinent des questions de nature partisane — d'où la nécessité pour ce comité de s'entendre sur ce qu'il doit faire. Voilà pourquoi j'hésite à parler d'impartialité. Vous représentez des partis, et il n'y a rien de mal à cela. C'est une bonne chose. Mais votre rôle consiste à faire en sorte que le gouvernement du Canada est bien administré. J'espère que l'opposition y attache autant de sérieux que ne le fait le gouvernement, car, un jour, l'opposition sera le gouvernement et elle voudra compter sur une fonction publique en qui elle peut avoir confiance. Je pense que cet enjeu intéresse tout le monde.

    Le défi, pour le comité, consiste justement à définir les domaines qui présentent un intérêt commun. À mon avis, les rôles et les responsabilités des sous-ministres, soit la régularité et les convenances, constituent un élément central de cet intérêt commun. C'est, en tout cas, ce qu'a laissé entendre le comité dans son dixième rapport.

+-

    M. Roger Valley: Vous avez parlé de la reddition de comptes, des circonscriptions, ainsi de suite. Nous sommes nombreux à éprouver des problèmes avec les conseils locaux, les groupes de bénévoles dans nos circonscriptions, car eux aussi doivent, comme nous, rendre des comptes.

    Croyez-vous qu'il est possible d'aller trop loin?

+-

    M. C.E.S. Franks: Oui. Je connais des gens qui ne présentent plus de demandes de subventions au gouvernement du Canada parce que les formalités administratives sont trop lourdes. Ils cherchent du financement ailleurs.

    En fait, nous nous retrouvons avec un système qui se fonde sur les règles et les règlements, et non sur la confiance. Nous n'avons pas de culture qui prône la régularité et les convenances dans l'intérêt du public, dans un sens très général, sur le plan administratif. Cela ne s'applique pas... et je tiens à préciser que le gouvernement, dans l'ensemble, fait du bon travail. Toutefois, nous sommes obsédés par les règles et les règlements parce que cet esprit de régularité et de convenance n'est pas inculqué en nous.

    Le comité, à mon avis, a un défi de taille à relever à ce égard : il doit forcer le gouvernement à adopter de bonnes pratiques de gestion.

+-

    M. Lorne Sossin: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Un sous-ministre ne peut pas, par exemple, se présenter devant le comité et se contenter d'énumérer les articles des lois ou des règlements qui autorisent cette activité. Il doit justifier sa décision : c'est ce qu'on entend par reddition de comptes. Lorsqu'il ne trouve rien de mieux à dire que, « J'avais le pouvoir de le faire », il ne rend pas compte de ses actes.

    Il faudrait suivre l'exemple du comité d'examen de la réglementation, où les considérations partisanes ne minent pas, de manière générale, le travail du comité, même en cette ère caractérisée par la partisanerie, et où, si l'on fait intervenir la question de jugement, on arrive à accomplir des choses intéressantes.

    Merci.

  +-(1240)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Comme il n'y a pas d'autres intervenants, nous allons, dans quelques minutes, clore la discussion. J'aimerais, auparavant, vous poser quelques questions.

    Vous avez, tous les deux, présenté des exposés rédigés en termes bien sentis qui critiquent la réponse du gouvernement au dixième rapport. Le président du Conseil du Trésor a déposé, la semaine dernière, plusieurs documents devant le comité des comptes publics: « “Examen des responsabilités et des responsabilisations des ministres et des hauts fonctionnaires »; « La Loi sur la gestion des finances publiques : Pour réagir face à la non-conformité »; et « L'amélioration constante de la gestion au sein du gouvernement du Canada : Notre engagement ».

    Ce sont de belles paroles, et les titres sont bien choisis. Quand on lit ces documents, on a l'impression d'assister à un cours de base en science politique sur la façon dont le gouvernement, le Parlement, l'exécutif et l'administration interagissent. Toutefois, ils ont eux-même négligé de donner suite à ces belles paroles. Ils ont passé rapidement sur le tout et ont dit, « Il n'y a aucun problème ». Le juge Gomery a déclaré qu'il y avait un problème au niveau politique, non pas administratif. Or, le gouvernement a dit qu'il allait adopter toute une série de règles.

    On a laissé entendre, aujourd'hui, que le comité était partial, qu'il ne devait pas faire telle chose, qu'il devait adopter telle approche, qu'il devait mettre l'accent sur la responsabilisation, l'administration. On a également affirmé qu'il faudrait adopter le dixième rapport, sauf que cela se ferait dans un esprit non pas de collaboration, mais de confrontation. Or, le gouvernement a rejeté, dans une large mesure, les neuvième et dixième rapports du comité.

    En quelques minutes, messieurs : que devrait faire le comité?

+-

    M. C.E.S. Franks: D'abord, vous devriez faire comme si un dialogue avait eu lieu, dire au gouvernement ce que vous pensez de sa réponse au rapport du comité. Vous pourriez lui proposer un moyen d'arriver à une entente mutuellement satisfaisante.

    Ensuite, il est injuste de dire que vous avez l'impression d'assister à un cours de base en science politique : j'aurais, en effet, attribué une note d'échec à l'étudiant qui m'aurait présenté les arguments que le gouvernement invoque dans ces documents.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Lorne Sossin: Il est vrai que certaines affirmations touchant le cadre constitutionnel ne concordent pas avec mon interprétation des faits, ou celle de plusieurs collègues ou avocats de droit constitutionnel que j'ai rencontrés. Il est vrai aussi que cette attitude de confrontation a peu de chances de donner lieu à des changements de fond. Je crois également que le dialogue constitue un bon point de départ.

    Pour ce qui est des mesures prises par le Conseil du Trésor, ma réaction a été de dire, « Tant mieux. Ces mesures sont les bienvenues, mais elles ne sont pas suffisantes. » Cela dit, je ne vois pas pourquoi on devrait, par exemple, dénoncer ces mesures, ou encore penser qu'elles remplacent les différents mécanismes et critères de responsabilisation dont la définition relève de ce comité-ci.

    Par ailleurs, en plus d'essayer de manoeuvrer en vue de parvenir à un accord, un consensus, il faut agir sur le terrain, une démarche que je juge plus importante. Quand vous testez les limites de la responsabilisation, que vous posez des questions aux personnes intéressées, que vous analysez leurs réponses et exigez des précisions, vous créez une occasion, lorsque des raisons valables sont invoquées et qu'un véritable dialogue est entamé, non pas d'émettre un bref communiqué partisan de cinq minutes, mais de pousser l'enquête plus à fond. Vous développez une culture de confiance, et attirez l'attention sur la primauté du droit et les responsabilités constitutionnelles sur lesquelles devrait miser le comité.

    Je pense que des progrès positifs sont en voie d'être réalisés. Je trouverais dommage qu'on se contente de lancer des attaques au lieu d'entamer un véritable dialogue.

  +-(1245)  

+-

    Le président: Je suis d'accord avec vous sur ce point, car le Parlement, dans son ensemble... nous avons une institution qui coûte cher, mais notre rôle ici est de veiller à ce que le gouvernement agisse dans l'intérêt des Canadiens, qu'il adopte des politiques que nous jugeons efficaces.

    Le comité des comptes publics est le plus ancien comité parlementaire. Il a été créé vers 1870. Notre rôle est d'assurer l'administration responsable des programmes. Le programme des commandites a complètement déraillé — et, d'après le juge Gomery, a profité au parti au pouvoir —, et il et de notre devoir de l'examiner en profondeur. Comme vous l'avez indiqué, nous ne pouvons pas nous contenter de lancer des attaques et ensuite de passer à autre chose. Nous devons, ensemble, aller de l'avant. Le gouvernement a dit, « Ne vous inquiétez pas. Nous avons tout réglé. » Cette réponse, à mon avis, n'est pas satisfaisante. Je pense que le comité doit continuer de se pencher là-dessus.

    Nous tenons à remercier les témoins qui, grâce à leur savoir et expertise, ont su guider le comité.

    Monsieur Franks, vous avez comparu devant le comité à plusieurs reprises. Votre sagesse et votre perspicacité sont grandement appréciées.

    Monsieur Sossin, merci encore une fois d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

    Nous allons maintenant examiner la motion de M. Fitzpatrick. Une fois cet examen terminé, nous allons lever la séance.

    Monsieur Fitzpatrick, vous avez présenté une motion à la dernière réunion. Elle se lit comme suit:

Que, conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement et aux Comptes publics du Canada, le Comité permanent des comptes publics demande au gouvernement de lui remettre immédiatement copies de toutes les vérifications internes et externes (y compris les vérifications judiciaires) pour l'exercice en cours et pour les exercices budgétaires s'étant terminés les 31 mars 2004 et 2005 ayant trait aux contributions effectuées directement ou indirectement par Partenariat technologique Canada.

    Monsieur Fitzpatrick, la parole est à vous.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: C'est indiqué de façon très claire dans les comptes publics. Au cours des années en question, des contributions de plus de 300 millions de dollars ont été effectuées par Partenariat technologique Canada.

    Le ministre de l'Industrie a déclaré à la Chambre que des vérifications avaient été effectuées relativement aux contributions et paiements versés aux lobbyistes. Le ministre a également fait état de certaines irrégularités entourant ces paiements.

    Compte tenu des données qui figurent dans les comptes publics et des réponses données par le ministre à la Chambre, et elles sont nombreuses, le comité devrait se pencher sur cette question.

+-

    Le président: Monsieur Carr.

+-

    M. Gary Carr (Halton, Lib.): J'aimerais poser quelques questions à mon collègue. D'abord... et je reviens à la proposition de M. Franks, qui a dit que le comité devrait se pencher là-dessus. Je crois comprendre que le comité de l'industrie examine lui aussi ce dossier. Je me demande si vous en êtes conscient, car nous ne voulons pas faire le même travail que lui. M. Franks vient de dire que le comité de l'industrie devrait se concentrer sur un aspect précis de la question, et que nous devrions effectuer un suivi. Je me demande comment le comité s'y prendrait.

    Voilà pour la première question.

+-

    Le président: Je vais répondre à la question. Chaque comité est maître de sa destinée. Je ne suis pas contre le recoupement des travaux. Nous n'avons pas de comptes à rendre au comité de l'industrie et vice-versa. Si nous voulons avoir accès à des documents, nous pouvons en exiger la production. S'ils veulent avoir accès aux mêmes documents, ils peuvent en faire la demande.

    Je ne vois rien de mal à cela.

+-

    M. Gary Carr: Merci de votre intervention. Je cherche tout simplement à savoir si l'autre comité se penche sur ce dossier.

    Ma deuxième question, qui est tout aussi importante, est la suivante. Comme vous le savez, notre calendrier de travail pour les semaines à venir est déjà assez chargé. Si nous voulons y ajouter quelque chose...je présume que, une fois les vérifications fournies, comme l'indique la motion, nous allons les examiner, convoquer le ministre, ainsi de suite. Si telle est notre intention, nous devrions nous entendre, avant d'adopter cette motion, sur les travaux qui devrons être abandonnés. Ou êtes-vous en train de dire que nous devrions nous pencher là-dessus — et je ne sais pas quels sont les délais — après le 1er décembre? Le ministre aura besoin de temps, lui aussi.

    Allons-nous nous pencher là-dessus avant le 1er décembre? Si tel est le cas, nous allons être obligés de laisser tomber un autre sujet, parce que toutes nos journées sont remplies. Quel sujet allons-nous abandonner si nous décidons de nous pencher là-dessus?

  +-(1250)  

+-

    Le président: Je crois, encore une fois, que cette s'adresse à moi. La motion porte sur la production de documents, et non sur la tenue de réunions pour en discuter. La question ne se pose donc pas...

+-

    M. Gary Carr: Sauf votre respect, je me demande si le député qui a déposé la motion peut en parler. Je suis très sérieux.

+-

    Le président: Monsieur Fitzpatrick.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Si les rapports de vérification ne sont pas censurés, il ne sera pas nécessaire de tenir des réunions. Toutefois, si des pans entiers des rapports sont supprimés pour des raisons de confidentialité, ainsi de suite, ce que j'appelle des raisons douteuses, je vais exiger que le comité des comptes publics se penche là-dessus.

    J'ai sais ce qui s'est passé lors des audiences du comité de l'industrie. J'ai beaucoup de mal à accepter le fait que quelqu'un, en quelque part, décide que tel renseignement est confidentiel et que tel autre ne l'est pas.

    Si les rapports de vérification qu'on nous remet ne sont pas censurés, la probabilité que le comité se réunisse pour en discuter est très mince, sinon inexistante.

+-

    Le président: M. Sauvageau, suivi de M. Kramp.

    Nous allons clore la discussion dans 10 minutes. Je vous demande donc d'être brefs et concis.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je suis un peu, beaucoup et même énormément surpris par le semblant d'hésitation du vice-président, M. Carr. Qu'on nous dise ce qui est partisan et ce qui ne l'est pas. Lorsqu'on demande à un gouvernement qui a prôné la transparence depuis 14 mois de rendre des documents disponibles, cela ne me semble pas être une demande très partisane.

    Lorsque le Pr Franks et son collègue nous disent que le Comité des comptes publics doit examiner la reddition de comptes des divers ministères et convoquer des sous-ministres plutôt que des ministres — il nous appartiendra d'en décider —, cela s'inscrit directement dans le cadre de la motion que M. Fitzpatrick nous présente. Le Comité des comptes publics, par l'entremise de la motion de M. Fitzpatrick, demande au gouvernement d'examiner la vérification interne d'un programme et, éventuellement, par l'entremise de ma motion, d'un autre programme. Cela correspond à 100 p. 100 aux demandes du comité.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Kramp, suivi de M. Lastewka.

+-

    M. Daryl Kramp: Monsieur le président, je voudrais proposer un amendement à la motion, c'est-à-dire fixer une échéance précise pour que nous puissions décider de la marche à suivre et voir si nous pouvons clore ou non le débat sur une question ou une autre.

    Je propose que l'on supprime le mot « immédiatement » dans le passage « demande au gouvernement de lui remettre immédiatement », car je ne sais pas ce que l'on entend par « immédiatement » . Je préférerais que l'on remplace ce mot par une date.

    Je propose donc que l'on ajoute, simplement, « par le 30 novembre 2005 ».

+-

    Le président: Je présume que vous parlez du 30 novembre 2005.

+-

    Mr. Daryl Kramp: Oui, 2005. De cette façon, nous aurons le temps de recevoir les documents et de les examiner.

+-

    Le président: Un amendement a été proposé. Voulez-vous en discuter?

    On propose de supprimer le mot  « immédiatement » et de le remplacer par les mots « le 30 novembre 2005 ».

    (L'amendement est adopté.)

+-

    Le président: M.  Lastewka, sur la motion principale modifiée.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Les vérifications — je pense qu'elles visent 47 entreprises — ne seront pas prêtes en novembre. Elle sont en cours. M. Fitzpatrick voulait sûrement dire que le ministre a déclaré qu'il allait divulguer publiquement les résultats des vérifications, une fois celles-ci terminées.

    Je suis d'accord avec M. Carr. J'ai essayé de confirmer le fait que le comité de l'industrie se penchait lui aussi sur cette question. Il est vrai qu'il doit lui aussi faire son travail.

    Je préférerais que MM. Sossin, Franks et ...

    Une voix : [Note de la rédaction: inaudible]

  -(1255)  

+-

    Le président: Veuillez, s'il vous plaît, vous adresser à la présidence. Une personne peut intervenir quand on lui donne la parole.

    Monsieur Lastewka, nous vous écoutons.

+-

    L'hon. Walt Lastewka: Avez-vous terminé?

+-

    Le président: Non, monsieur Lastewka, vous avez la parole. Adressez-vous à la présidence.

+-

    Hon. Walt Lastewka: Je préférerais voir M. Alcock et son sous-ministre poursuivre la discussion entamée, si je ne m'abuse, avec MM. Christopherson et Franks au sujet des mesures à prendre au chapitre de la responsabilisation et de la reddition de comptes. C'est là une bonne suggestion.

    Je m'excuse, monsieur le président, je pense qu'il serait préférable que le comité s'entretienne avec M. Alcock, le ministre du Conseil du Trésor, son sous-ministre, MM. Christopherson et Franks, dans le cadre d'une table ronde, où l'on pourrait discuter plus à fond des principes de la reddition de comptes et de la responsabilisation, et aussi des mesures à prendre à ce chapitre.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres questions, commentaires, interventions?

    Je suis prêt à me prononcer sur la motion suivante:

Que, conformément à l'alinéa 108(3)(g) du Règlement et aux Comptes publics du Canada, le Comité permanent des comptes public demande au gouvernement de lui remettre, par le 30 novembre 2005, copies de toutes les vérifications internes et externes (vérification judiciaires) pour l'exercice en cours et pour les exercices budgétaires s'étant terminés les 31 mars 2004 et 2005 ayant trait aux contributions effectuées directement ou indirectement par Partenariat technologique Canada.

    (La motion, modifiée, est adoptée.)

+-

    Le président: Chers collègues, je voudrais soulever un dernier point. Nous avons reçu, récemment, lors d'un déjeuner avec des représentants venus de Chine, le plus vieil ordinateur au monde. La greffière me dit qu'elle va l'apporter à chaque réunion du comité des comptes publics. Ainsi, si vos ordinateurs et ceux du gouvernement tombent en panne, tout le monde pourra s'adresser au comité des comptes public pour obtenir des réponses.

    N'est-ce pas la vérité? Oui.

    Monsieur Sauvageau, vous souhaitez faire un commentaire.

[Français]

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur le président, puisqu'il nous reste deux ou trois minutes, s'il y avait consentement unanime, nous pourrions peut-être nous pencher sur ma motion, puisqu'elle est pareille à l'autre.

[Traduction]

-

    Le président: Vous voulez savoir s'il y a consentement unanime? D'accord.

    Y a-t-il consentement unanime? Non?

    Il n'y pas de consentement unanime.

    Comme il n'y a pas d'autres questions, la séance est levée.