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CIIT Rapport du Comité

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III.    Avantages d'un accord de libre-échange avec la Corée du Sud

La Corée est devenue l'un des grands partenaires commerciaux du Canada. Ainsi, si la négociation d'un accord de libre-échange devait aboutir, l'accord qui en résulterait serait le plus important accord de libre-échange conclu par le Canada depuis 15 ans.

Pour les entreprises canadiennes, la Corée du Sud est un marché dynamique et potentiellement lucratif. Comme l'a dit Ian Burney (négociateur commercial en chef, Négociations bilatérales et régionales, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), la Corée a une population à mobilité ascendante de près de 50 millions d'habitants et une économie d'un billion de dollars. Ce pays, parmi les plus prospères d'Asie, occupe un emplacement stratégique, à proximité de certaines des régions du monde qui croissent le plus rapidement. Le Comité a appris en outre que les consommateurs coréens ont des goûts raffinés et jouissent d'un pouvoir d'achat qui met à leur portée les produits manufacturés canadiens de haute qualité.

Les témoins ont donné de nombreux exemples des avantages potentiels d'un libre-échange avec la Corée et fait valoir des arguments en faveur de la négociation d'un accord en ce sens. Ces raisons peuvent être classées dans cinq catégories : améliorer l'accès au marché par l'abaissement des droits de douane; réaliser des progrès significatifs au sujet des barrières non tarifaires; se servir du marché coréen comme d'un tremplin vers les autres marchés régionaux et pour entrer dans les chaînes d'approvisionnement mondiales; ouvrir de nouveaux marchés et élargir la palette des exportations canadiennes; enfin, réagir au fait que certains des grands concurrents internationaux du Canada ont déjà conclu un accord de libre-échange avec la Corée ou sont sur le point de le faire. On abordera chacune de ces questions l'une après l'autre.

A. Améliorer l'accès au marché par l'abaissement des droits de douane

Un accord de libre-échange qui abaisserait substantiellement, voire éliminerait les droits de douane sur les échanges entre le Canada et la Corée, pourrait produire d'importantes retombées économiques pour le Canada simplement parce que les droits de douane coréens sont en moyenne plus élevés que les droits de douane canadiens. Joan Baron (chef des opérations, vice-présidente, Chambre de commerce canadienne en Corée, Global Business Development Canada) a fait remarquer que, en règle générale, les droits de douane de la Corée sont deux fois plus élevés que les taux canadiens et s'appliquent à quatre fois plus de produits. Dans certains cas, ils sont beaucoup plus élevés que les droits canadiens correspondants.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) publie des données comparatives sur les droits de douane canadiens et coréens sur des produits et des groupes de produits importants. D'après les chiffres du MAECI, le taux de la nation la plus favorisée (NPF) est de 12,8 % en Corée contre 6,7 % au Canada. Les produits industriels sont assujettis à des droits de douane de 6,3 % en Corée contre 3,9 % au Canada. Dans le cas des produits agricoles, la différence est encore plus grande : en Corée, le taux moyen des droits au tarif de la nation la plus favorisée est de 52,6 % comparativement à 21 % au Canada. En outre, si l'on exclut les droits hors contingent sur les produits à offre réglementée, le taux canadien moyen tombe à 5,2 %.

La réduction des droits de douane coréens pourrait être très avantageuse pour les exportateurs canadiens. De nombreux témoins, notamment Dan Moynahan (président, Platinum Tool Technologies, Canadian Association of Moldmakers), sont convaincus de pouvoir soutenir la concurrence des produits coréens à la condition que tout le monde soit sur un pied d'égalité. La suppression des droits de douane sur les importations dans les deux pays serait un grand pas en ce sens.

D'après les fonctionnaires du MAECI, les modèles macroéconomiques montrent que, rien qu'avec l'élimination des droits de douane, les exportations canadiennes en 2005 auraient été supérieures de près de 60% à ce qu'elles ont été. Un accord de libre-échange avec la Corée aurait dopé le produit intérieur brut du Canada (PIB) de 1,6 milliard de dollars cette année-là.

Évidemment, ce sont les industries canadiennes visées par les droits de douane les plus élevés en Corée qui ont le plus à gagner de la conclusion d'un accord de libre-échange, en particulier l'agriculture et les industries qui reposent sur les ressources naturelles. Par exemple, le poisson et les fruits de mer canadiens sont actuellement frappés de droits de douane de 18 % en Corée, comparativement à des droits de douane de 2 % sur les mêmes types de produits au Canada. Le Comité a entendu plusieurs représentants du secteur agricole et des industries fondées sur les ressources naturelles, tous en faveur de la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée.

Le secteur forestier lui aussi bénéficierait grandement du libre-échange avec la Corée. Marta Morgan (vice-présidente, Commerce et compétitivité, Association des produits forestiers du Canada) a expliqué que la Corée est déjà un marché en plein essor pour les produits forestiers canadiens et qu'une réduction des droits de douane de 5 à 8 % qui frappent actuellement les produits forestiers canadiens exportés en Corée ne pourrait qu'améliorer la compétitivité du Canada sur le plan des prix sur le marché coréen. Vu la faiblesse actuelle du marché de l'habitation aux États-Unis, un accord de libre-échange pourrait offrir un stimulant bienvenu au secteur canadien des produits forestiers, nous a-t-on dit.

L'agriculture et les industries fondées sur les ressources ne sont pas les seuls secteurs qui auraient un meilleur accès au marché coréen avec une réduction des droits de douane. Ian Burney a signalé ce qui suit :

Nous prévoyons également une augmentation des ventes de plusieurs secteurs industriels et manufacturiers qui sont, au Canada, sources d'emplois à fort rapport économique, secteurs tels que celui des produits chimiques, de l'aérospatiale, du matériel de transport urbain, des engrais, des pièces automobiles, des produits pharmaceutiques, des cosmétiques, des bâtiments préfabriqués, des produits environnementaux, des machines et équipement, pour ne prendre que ces exemples-là[1].

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B. Réaliser des progrès significatifs au sujet des barrières non tarifaires et des restrictions de l'accès au marché

Quand on parle de libre-échange, on se concentre souvent sur la réduction des droits de douane et sur ses répercussions d'une part, sur les industries productrices de biens et, d'autre part, sur les importations et les exportations de marchandises. Or, les accords commerciaux modernes débordent largement la simple réduction des droits de douane. On a dit au Comité qu'un accord intégral contient également des dispositions touchant des domaines variés, notamment les services, les investissements et la mobilité des travailleurs.

La question abordée le plus fréquemment par les personnes entendues par le Comité est sans doute celle des nombreuses barrières non tarifaires (BNT) érigées par la Corée. C'est dans le secteur de l'automobile qu'elles retiennent le plus l'attention, mais elles concernent de nombreuses autres activités économiques, notamment l'exploitation forestière, l'agro-alimentaire et les produits industriels.

Les avis étaient partagés sur ce que le Canada doit faire à ce sujet. Pour certains, la négociation d'un accord de libre-échange constitue l'occasion idéale d'aborder les barrières non tarifaires normales et inévitables, lorsque deux pays souverains adoptent des politiques chacun de son côté, et de mettre en relief aussi certains des obstacles particulièrement irritants qui entravent l'accès au marché coréen.

D'autres témoins doutaient pour leur part qu'un accord de libre-échange permette de résoudre la question des BNT à la satisfaction du secteur d'activité qu'ils représentent, particulièrement dans le cas du secteur de l'automobile, dont il sera question plus loin.

La question des BNT comporte la question connexe de l'accès au marché dans certains secteurs. Si la négociation d'un accord de libre-échange permettait d'ouvrir certains des secteurs actuellement fermés de l'économie coréenne, cela pourrait procurer des débouchés importants pour les entreprises canadiennes, en particulier dans le secteur des services.

Les échanges de services entre le Canada et la Corée sont encore relativement modestes, mais d'après plusieurs témoins, de nombreux obstacles gênent l'expansion de ce commerce bilatéral. Un accord commercial qui supprimerait ces barrières pourrait être une bénédiction pour le secteur des services. Comme l'a signalé Yuen Pau Woo (président et codirecteur général, Fondation Asie Pacifique du Canada) :

Il importe cependant aussi de souligner les avantages à longue échéance d'un accord de libre-échange avec la Corée, pour l'ensemble du Canada, pas seulement pour le secteur des ressources naturelles, mais aussi pour le secteur des services financiers et pour les autres secteurs de services, comme les industries culturelles, la TI et la technologie de pointe, qui sont très importants en Colombie-Britannique et dans l'Ouest, mais aussi en Ontario et au Québec[2].

Shirley-Ann George (vice-présidente, Politique internationale, Chambre de commerce du Canada) a fait écho à M. Yuen Pau Woo. Elle a mentionné en particulier les secteurs des services d'assurance et des hautes technologies qui auraient beaucoup à gagner d'une amélioration de l'accès au marché coréen, ce qui créerait des possibilités d'expansion économique et des emplois dans les deux pays. Robert Crow (vice-président chargé des relations avec l'industrie, les universités et le secteur public chez Research in Motion) est du même avis et a déclaré que la Corée pourrait présenter des débouchés considérables pour son entreprise si on obtenait l'élimination de certains obstacles qui gênent l'accès au marché coréen.

C. Se servir du marché coréen comme d'un tremplin vers les autres marchés régionaux et pour entrer dans les chaînes d'approvisionnement mondiales

La Corée conclut de plus en plus d'accords de libre-échange qui présentent indirectement des perspectives économiques intéressantes pour le Canada. En effet, les sociétés canadiennes pourraient faire de la Corée une tête de pont à partir de laquelle on exploite des possibilités d'échange et d'investissement dans d'autres pays asiatiques. Ensuite, l'accès au marché coréen permettrait au Canada d'être plus présent dans les chaînes d'approvisionnement mondiales.

Pour ce qui est du premier point, l'expansion du commerce international en Asie est une priorité de la politique canadienne et a fait l'objet de plusieurs rapports du Comité ces dernières années. La conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée faciliterait les choses pour les sociétés canadiennes désireuses de faire des affaires dans ce pays et pourrait encourager l'investissement direct canadien dans ce marché. Or, les interactions commerciales produites par un resserrement des liens économiques avec des entreprises coréennes permettraient aux entreprises canadiennes d'établir des contacts ailleurs dans la région. Comme l'a fait remarquer Ian Burney :

C'est cela qui permet aux entreprises canadiennes de collaborer avec les chaebols et autres entreprises importantes de Corée. Ces entreprises sont au fait des usages commerciaux en Chine, au Japon et ailleurs et entretiennent des contacts dans toute la région. Si les entreprises canadiennes parviennent donc à s'unir avec des groupes coréens pour conquérir de nouveaux marchés en Asie, le Canada y trouvera plus que son compte[3].

En outre, une fois établies en Corée, les entreprises canadiennes pourraient se prévaloir des règles d'origine contenues dans les accords de libre-échange conclus par la Corée avec d'autres pays et bénéficier ainsi d'un meilleur accès à d'autres marchés d'Asie que si elles y exportaient directement du Canada.

Pour ce qui est du second point, il est bien établi que l'amélioration de la participation du Canada aux chaînes d'approvisionnement mondiales constitue elle aussi une priorité de la politique internationale du Canada. Le ministre du Commerce international David Emerson l'a rappelé à maintes reprises au Comité durant ses comparutions. Si l'accord de libre-échange avec la Corée donne aux entreprises canadiennes accès à des importations moins chères, celles qui utilisent ces produits pourront réduire leurs coûts de production. Comme l'a dit Jean-Michel Laurin (vice-président, Recherche et affaires publiques - division du Québec, Manufacturiers et Exportateurs du Canada), les entreprises désireuses d'importer des pièces ou d'autres intrants d'un pays à faible prix de revient pourraient trouver en Corée de bonnes sources d'approvisionnement. En outre, les importations de Corée pourraient être avantageuses pour les Canadiens, dans la mesure où elles abaisseraient le coût d'investissements propres à améliorer la productivité et de certains biens de consommation.

D. Élargir la palette des exportations canadiennes

L'éventualité de la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée laisse entrevoir à certains la possibilité, pour les exportateurs canadiens, de trouver de nouveaux débouchés et de moins devoir compter sur le marché américain. À cause des récents différends commerciaux entre le Canada et les États-Unis, de l'appréciation du dollar canadien et des problèmes persistants que posent les questions de sécurité et de frontière certains exportateurs canadiens cherchent à diversifier leur portefeuille de clients.

La diversification des échanges est un enjeu particulièrement important pour les témoins porte-parole de secteurs d'activité qui ont fait l'objet d'enquêtes commerciales de la part des Américains dans le passé. Martin Lavoie (directeur exécutif adjoint, Canada Porc International) a signalé que son organisation avait été créée pour stimuler les exportations vers des marchés autres que les États-Unis. Les témoins représentant les producteurs de bouf et l'industrie forestière ont aussi fait valoir les avantages qu'il y aurait à chercher d'autres débouchés.

E. Préserver l'accès du Canada au marché coréen

Des raisons stratégiques aussi jouent dans la décision du Canada de négocier un accord de libre-échange avec la Corée. Les négociations multilatérales à l'OMC ayant, semble-t‑il, peu de chances d'aboutir, on observe une prolifération des ententes bilatérales et régionales de libéralisation des échanges. Les pays prennent une position à la fois offensive et défensive. D'une part, ils cherchent à prendre leurs concurrents de vitesse en négociant des accords de libre-échange qui leur confèrent un accès préférentiel à certains marchés du monde et; d'autre part, ils concluent des ententes commerciales bilatérales quand leurs concurrents en ont déjà une ou pour prévenir l'érosion de leurs relations commerciales avec certains pays.

À ce chapitre, la Corée est particulièrement active et, comme l'a fait remarquer Ian Burney, elle a déjà mis en ouvre des accords de libre-échange avec le Chili, Singapour, l'Association européenne de libre-échange (AELE) et l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Elle négocie activement des accords avec le Mexique, l'Inde et l'Union européenne. Plus important encore, sans doute, du moins du point de vue du Canada, la Corée a signé un accord de libre-échange avec les États-Unis, mais celui-ci n'a pas encore été ratifié et pourrait ne pas se concrétiser.

Pour plusieurs groupes, le fait que la Corée ait signé des accords de libre-échange avec plusieurs des grands concurrents internationaux du Canada et qu'elle soit en train d'en négocier plusieurs autres constitue une menace pour les exportateurs canadiens. Pour eux, si les États-Unis ou l'Union européenne, par exemple, obtenaient un accès au marché coréen à des conditions meilleures que celles dont jouissent les exportateurs canadiens, beaucoup d'entreprises canadiennes pourraient se retrouver à toutes fins pratiques exclues du septième marché en importance du Canada.

Par exemple, le taux NPF de la Corée sur le poisson et les fruits de mer varie entre 10 et 20 % selon le produit. Ainsi, tous les pays qui signent un accord de libre-échange avec la Corée (et qui exportent du poisson et des fruits de mer) peuvent vendre leurs produits sur le marché coréen en franchise de droits de douane ou à des taux préférentiels, suivant les modalités de l'accord. Les exportateurs canadiens seraient donc fortement désavantagés et pourraient même se trouver évincés en raison du prix de leurs produits sur le marché coréen.


[1]      Comité permanent du commerce international, Témoignages, réunion no 7, 6 décembre 2007, http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3192971&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2.

[2]      Comité permanent du commerce international, Témoignages, réunion no 5, 29 novembre 2007, http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3161251&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2.

[3]      Comité permanent du commerce international, Témoignages, réunion no 7, 6 décembre 2007, http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3192971&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2.

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