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CIIT Rapport du Comité

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V.     Recommandations : Obtenir les meilleures conditions possibles

Quand le Comité a amorcé son étude de la négociation d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Corée, il avait pour objectif de s'assurer que si la négociation aboutit, l'accord qui en sera issu sera véritablement dans l'intérêt des Canadiens. Il a donc reçu des témoignages utiles sur les avantages et les inconvénients d'un accord commercial avec la Corée et sur des points particuliers, qui, s'ils sont réglés de manière satisfaisante dans le texte final de l'accord, permettront au Canada de tirer le meilleur parti possible des négociations.

Les recommandations qui suivent vont dans ce sens. Elles vont de propositions précises avantageuses pour des secteurs d'activité particuliers à des recommandations à notre avis cruciales si l'on veut que l'accord final, s'il est conclu, soit acceptable aux yeux des Canadiens.

A. Parité tarifaire avec les principaux concurrents du Canada

Beaucoup de témoins ont dit au Comité qu'il était important que le Canada signe un accord de libre-échange avec la Corée, ne serait-ce que parce que plusieurs de ses concurrents l'ont déjà fait. On nous a dit que si le Canada n'obtient pas accès au marché coréen aux mêmes conditions que ses concurrents, les exportateurs canadiens vont être évincés de ce marché.

Parallèlement, on nous a dit aussi que le Canada ne doit pas signer un accord juste pour en avoir un. Un accord de libre-échange qui placerait le Canada dans une position désavantageuse par rapport aux États-Unis, au Chili ou à un autre de ses concurrents dans des secteurs donnés aurait le même résultat.

Le Canada n'est pas un marché aussi vaste ni aussi puissant que les États-Unis; il pourrait donc avoir du mal à obtenir les mêmes concessions des négociateurs coréens que celles qu'ont obtenues les États-Unis. Cela place les négociateurs commerciaux du Canada dans une position difficile, car on attend d'eux qu'ils obtiennent des conditions au moins aussi bonnes que l'accord de libre-échange États-Unis-Corée, sans le bénéfice d'une position de force aussi bonne que celle des États-Unis. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada déploie tous les efforts possibles pour s'assurer que le Canada obtient accès au marché coréen à des conditions identiques à celles qui ont déjà été consenties à ses concurrents internationaux, voire meilleures.

L'un des problèmes de la recommandation 1 tient au fait que, pendant que le Canada fait des pieds et des mains pour obtenir de la Corée des conditions équivalentes à celles qui ont été consenties aux autres partenaires de libre-échange de la Corée, celle-ci est en train de négocier de nouveaux accords avec d'autres pays et d'autres régions, notamment l'Union européenne. Or, si un autre marché arrive à négocier des conditions plus avantageuses que le Canada, la question du désavantage concurrentiel des sociétés canadiennes refera surface.

Pour résoudre le problème, certains témoins ont proposé que le Canada négocie une clause de la nation la plus favorisée avec la Corée. Ainsi, si la Corée négociait ultérieurement un accord à de meilleures conditions avec un autre pays, le Canada bénéficierait automatiquement lui aussi de ces conditions. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 2

Que, pour que les industries canadiennes ne soient pas désavantagées sur le marché coréen dans l'avenir, le gouvernement du Canada négocie l'inclusion d'une clause de la nation la plus favorisée dans l'accord de libre-échange entre le Canada et la Corée.

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B. Obstacles qui entravent l'accès des constructeurs canadiens de véhicules automobiles au marché coréen

La question des barrières non tarifaires et l'accès limité des fabricants canadiens de véhicules automobiles et de pièces au marché coréen constituent l'une des principales pierres d'achoppement sur la voie de la conclusion d'un accord de libre-échange. Le marché coréen de l'automobile est notoire pour ses nombreuses et subtiles barrières non tarifaires qui limitent grandement l'importation de véhicules, pas seulement du Canada, mais du monde entier.

Les témoins ne doutent pas de l'intention du gouvernement de traiter de la question des BNT à la table des négociations. Ils ne sont pas non plus nécessairement contre le libre-échange. Cependant, comme d'autres pays avant le Canada n'ont pas réussi non plus à percer le marché coréen de l'automobile, ils doutent que les négociateurs canadiens arrivent à obtenir gain de cause et que la Corée accorde au Canada un accès réciproque aux véhicules canadiens.

Pour leur part, les fonctionnaires du MAECI ont dit au Comité qu'ils cherchaient à obtenir « l'adoption du régime le plus complet, le plus sérieux et le plus moderne que le Canada n'ait jamais tenté d'obtenir dans le cadre d'un accord de libre-échange[10] » et que le Canada avait « proposé la mise en place d'un mécanisme novateur pour régler les différends[11] » dans le domaine de l'automobile. Ils cherchent à obtenir des dispositions équivalentes à ce qui est prévu dans l'accord de libre-échange entre la Corée et les États-Unis.

En se fondant sur les présentations des témoins, nous formulons trois recommandations cruciales pour faire en sorte que les intérêts du secteur canadien de l'automobile seront dûment pris en considération dans la version finale de tout accord de libre-échange éventuellement conclu avec la Corée. Il importe premièrement que le Canada n'accepte pas d'accorder une réduction accélérée des droits de douane dans le secteur de l'automobile contre des promesses relativement à l'accès au marché coréen ou toute autre disposition de l'ALE. Le Comité a appris que le secteur de l'automobile, comme le secteur manufacturier en général, est aux prises avec de nombreux problèmes, notamment ceux que pose l'appréciation du dollar canadien. Une réduction accélérée des droits de douane ne ferait que les exacerber. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que, dans l'éventualité où un accord de libre-échange serait conclu avec la Corée, le gouvernement du Canada n'incorpore pas à cet accord de dispositions prévoyant une réduction accélérée des droits de douane sur les véhicules automobiles et leurs pièces.

La seconde recommandation consiste à prévoir dans tout accord final un mécanisme de règlement rapide des différends dans le secteur de l'automobile. Les États-Unis ont négocié une disposition de ce genre dans l'accord de libre-échange qu'ils ont conclu avec la Corée, et nous estimons qu'il serait dans l'intérêt du secteur canadien de l'automobile que nos propres négociateurs cherchent à obtenir une concession analogue.

Recommandation 4

Que, dans l'éventualité où un accord de libre-échange serait conclu avec la Corée, le gouvernement du Canada cherche à y intégrer un mécanisme de règlement rapide des différends concernant les barrières non tarifaires dans le secteur de l'automobile en s'inspirant des dispositions pertinentes de l'accord de libre-échange entre les
États-Unis et la Corée.

Un mécanisme de règlement des différends ne saurait être efficace en l'absence d'un régime de sanctions. Notre troisième recommandation pour soutenir le secteur de l'automobile porte donc sur cette question. Le Canada pourrait assortir la réduction des droits de douane d'une disposition de rétablissement automatique des droits dans le cas où la Corée ne remplirait pas ses propres engagements vis-à-vis de l'élimination des barrières non tarifaires dans le secteur de l'automobile.

Une telle disposition fonctionnerait de la manière suivante : si le mécanisme de résolution des différends concluait à l'existence de barrières non tarifaires avérées et importantes à l'importation de véhicules canadiens en Corée, les droits de douane canadiens sur les automobiles coréennes retourneraient immédiatement au TNF d'avant le libre-échange, à savoir 6,1 %, et demeureraient à ce niveau tant que les barrières non tarifaires ne seraient pas supprimées. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada intègre à tout accord de libre-échange éventuellement conclu avec la Corée une disposition de rétablissement automatique des droits de douane au taux de la nation la plus favorisée. Si un mécanisme de règlement accéléré des différends constatait que la Corée ne remplit pas ses engagements au chapitre de l'élimination des barrières non tarifaires dans le secteur de l'automobile, le Canada rétablirait immédiatement les droits de douane au taux NPF sur les importations d'automobiles et de pièces en provenance de la Corée.

C. Réouverture du marché coréen au bouf canadien

Pour l'industrie canadienne du bouf, la réouverture du marché coréen au bouf canadien est une priorité. À l'instar de nombreux autres pays, la Corée a fermé son marché au bouf canadien en mai 2003 en raison des préoccupations que suscitait à l'époque l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Plus d'une centaine de pays ont rouvert leur marché au bouf canadien depuis, mais la Corée tarde à le faire, et ce, en dépit du fait que l'Organisation mondiale de la santé animale a récemment qualifié le Canada de pays présentant un « risque maîtrisé » à l'égard de l'ESB, un statut qui signifie que tous les pays devraient accepter le bouf canadien.

La Corée était un important marché pour les exportateurs de bouf canadien avant 2003. Nous sommes encouragés de constater que la Corée semble depuis peu plus disposée à envisager la levée de l'interdiction, mais nous estimons que la conclusion d'un accord de libre-échange devrait être subordonnée au rétablissement du plein accès du bouf canadien au marché coréen. Nous sommes heureux de constater que le ministre du Commerce international est de notre avis. Il nous a dit : « [n]ous ne signerons certainement pas d'accord de libre-échange en l'absence de l'ouverture du marché coréen au bouf canadien[12] ». En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada subordonne la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée à la réouverture du marché coréen au bouf canadien.

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D. Indications géographiques et spécifications des produits

Le traitement et la nomenclature des vins canadiens suscitent aussi des préoccupations. Robert Keyes (vice-président, Affaires économiques et gouvernementales, Association des vignerons du Canada) a signalé que l'industrie vinicole canadienne souhaite l'établissement d'indications géographiques pour bien marquer les caractéristiques distinctives des vins canadiens, en particulier des vins de glace. Il serait avantageux pour l'industrie vinicole d'inclure dans le texte de tout accord éventuel de libre-échange avec la Corée un renvoi à des indications géographiques. Cette question a été soulevée aussi par Jan Westcott au sujet des whiskies canadiens.

M. Keyes a parlé également de l'adoption de lois ou de règlements contenant une définition des vins de glace. Il n'en existe pas actuellement. Pour M. Keyes, il serait important d'intégrer à un éventuel accord de libre-échange Canada-Corée une définition de ce que l'on entend par vin de glace, non seulement parce que la Corée est maintenant le plus grand marché des vins de glace canadiens, mais aussi en raison de la multiplication des contrefaçons en Chine et dans d'autres pays asiatiques. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada intègre à tout accord de libre-échange éventuellement conclu avec la Corée une définition des vins de glace et un renvoi à des indications géographiques pour les spiritueux canadiens et les régions viticoles du Canada.

E. Mécanismes de transition et programmes de recyclage des travailleurs

Certains témoins convaincus qu'un accord de libre-échange avec la Corée va entraîner des fermetures d'usines et des pertes d'emplois au Canada ont demandé que, si un tel accord était conclu, le gouvernement fédéral s'engage à aider davantage les sociétés touchées, en particulier dans le secteur industriel. Il s'agirait d'instituer un mécanisme d'aide et d'offrir à ces secteurs les outils dont ils ont besoin pour s'adapter à la nouvelle donne.

Le Comité convient qu'une telle aide serait utile aux industries canadiennes affectées par des accords de libre-échange, mais il est d'accord aussi avec les témoins qui se sont dits contre l'octroi de subventions à certaines sociétés et certaines industries. Nous sommes aussi d'accord avec le ministre du Commerce international, David Emerson, qui n'est pas contre l'octroi d'une aide financière, mais a précisé que « ce n'est pas quelque chose que l'on offre avant d'avoir la démonstration que le secteur concerné traverse des difficultés particulières[13] ».

Le Canada n'ayant pas encore signé d'ALE avec la Corée, il serait difficile pour le moment de déterminer quelles industries canadiennes en pâtiraient et dans quelle mesure. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 8

Que, dans l'éventualité de la signature d'un accord de libre-échange avec la Corée et une fois que les détails de l'entente seront connus, le gouvernement du Canada analyse les répercussions de l'accord sur les grands secteurs d'activité et qu'il envisage au besoin d'accorder aux secteurs affectés par l'accord une aide financière pour faciliter la transition.

Comme on l'a dit précédemment, l'appréciation du dollar canadien a entraîné de nombreuses pertes d'emplois dans le secteur manufacturier, et beaucoup de gens pensent que la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée ne ferait qu'accentuer les difficultés. Teresa Healy a signalé que les travailleurs victimes de licenciements économiques et ceux qui se trouvent un nouvel emploi subissent une baisse de salaire moyenne de 10 000 $, ce qui représente le quart du salaire normal dans le secteur manufacturier. Elle pense que cela est imputable au moins en partie au manque de financement et d'aide gouvernementale pour la formation des travailleurs et au manque de mesures d'encouragement de l'industrie à soutenir la formation.

Le fait que les victimes de licenciements économiques dans le secteur manufacturier gagnent moins qu'avant dans leur nouvel emploi atteste la nécessité de faire davantage au chapitre du recyclage des travailleurs. De 2001 à 2006, près de la moitié du nombre net d'emplois créés dans l'économie canadienne se trouvaient dans des secteurs où les salaires moyens sont égaux ou supérieurs à ceux pratiqués dans le secteur manufacturier. Les travailleurs victimes de licenciements économiques dans le secteur manufacturier ne sont peut-être pas en mesure de profiter des occasions d'emploi qui existent ailleurs. En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 9

Que, compte tenu des récentes pertes d'emplois dans le secteur manufacturier et des répercussions potentielles de la conclusion d'un accord de libre-échange avec la Corée sur l'emploi dans ce secteur, le gouvernement du Canada vérifie si les programmes courants de recyclage des travailleurs sont efficaces et disposent d'un financement suffisant.

F. Recherche de débouchés à l'étranger par la promotion des échanges

La conclusion d'un accord de libre-échange pourrait à coup sûr améliorer l'accès au marché coréen et aider les entreprises canadiennes à soutenir la concurrence sur ce marché. On a cependant fait valoir au Comité que les autres pays font appel à d'autres mécanismes, et pas seulement à la libéralisation des échanges, pour trouver des débouchés à l'étranger pour leurs exportateurs. En effet, de nombreux concurrents du Canada sur des marchés comme le marché coréen, par exemple, bénéficient d'une aide gouvernementale substantielle sur le plan de la promotion du commerce international. Nous pensons que le Canada doit envisager ces types de solutions aussi. À notre avis, une vigoureuse stratégie de promotion des échanges et des campagnes de marketing efficaces peuvent faire connaître les produits et services canadiens à l'étranger et aider à trouver de nouveaux débouchés pour les exportations canadiennes. Ces activités pourraient se dérouler en parallèle à la négociation d'accords de libre-échange voire s'y substituer quand il n'est pas faisable, souhaitable ou facile de négocier un ALE.

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada envisage sérieusement des solutions de rechange au modèle de libre-échange de l'ALENA, par exemple en se dotant d'une vigoureuse stratégie de promotion des échanges qui ferait connaître les produits et services canadiens à l'étranger.


[10]   Comité permanent du commerce international, Témoignages, réunion no 7, 6 décembre 2007, http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3192971&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2.

[11]   Ibid.

[12]   Comité permanent du commerce international, Témoignages, réunion no 6, 4 décembre 2007, http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3172208&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2.

[13]   Ibid.

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