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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 mai 2009

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues. Bienvenue.
    En ce mercredi 27 mai 2009, je déclare ouverte cette 21e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Cet après-midi, nous allons examiner le Budget principal des dépenses 2009-2010, et nous sommes ravis d'accueillir parmi nous l'honorable Bev Oda, ministre de la Coopération internationale. La ministre est accompagnée cet après-midi par Mme Margaret Biggs, présidente de l'Agence canadienne du développement international, et de Christine Walker, dirigeante principale des Finances.
    Nous tenons à remercier la ministre d'avoir travaillé avec notre comité ainsi qu'avec notre greffière pour fixer une date à laquelle vous seriez en mesure de comparaître devant le comité.
    Je devrais également indiquer que nous accueillons également cet après-midi un certain nombre d'ambassadeurs de différents pays africains. Nous avons hâte d'entendre leurs exposés pendant la deuxième heure de notre rencontre, et ce dans le cadre de notre étude des éléments clés de la politique étrangère canadienne en ce qui concerne l'Afrique.
    Avant de donner la parole à la ministre, je demande l'indulgence et la collaboration des membres du comité pour traiter une petite question administrative, à savoir l'adoption du rapport du comité directeur. Nous aurions peut-être dû faire cela lundi dernier, mais si nous traitons cela immédiatement, la greffière sera en mesure de prendre ses dispositions pour organiser les réunions de la semaine qui vient; en même temps, cela vous permet de constater que votre sous-comité se réunit.
    Donc, vous avez eu l'occasion d'examiner le rapport.
    Monsieur Dewar.
    Je voudrais proposer l'adoption du rapport.
    Tous les membres sont-ils d'accord pour adopter le rapport dans sa forme actuelle?
    (La motion est adoptée.)
    De plus, si vous regardez ce rapport, vous verrez que nous avons reçu l'avis juridique du légiste. Souhaitez-vous qu'on vous le distribue aujourd'hui? Il est encore en train d'être traduit. Nous pourrions peut-être vous en donner une copie par la suite. Il devrait vous être envoyé demain matin.
    Voulez-vous l'avoir, monsieur Dewar?
    Très bien; je vais demander à la greffière de vous le distribuer également, et il vous sera envoyé aussi. Merci beaucoup.
    Madame la ministre, rebienvenue au comité. Nous aimerions vous remercier de votre présence parmi nous cet après-midi pour nous parler du Budget principal des dépenses. Vous êtes évidemment tout à fait au courant de la procédure suivie en comité. Nous avons hâte d'entendre vos remarques liminaires, après quoi nous ouvrirons le premier tour de questions. Je rappelle aux membres du comité que, vu la présence de la ministre, le premier tour de questions sera de 10 minutes.
    Madame la ministre, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président. C'est un plaisir d'être ici avec vous et les membres de votre comité aujourd'hui.

[Traduction]

    Le Budget principal de l'ACDI témoigne des efforts constants que nous déployons pour nous assurer que l'aide internationale fournie par le Canada permet d'appuyer les personnes les plus vulnérables dans le monde, de façon responsable et efficace.
    Au cours des dernières décennies, la communauté internationale a accompli de grands progrès pour aider à diminuer la pauvreté dans le monde. Le pourcentage de la population qui vit avec moins de 1,25 $ par jour a diminué de moitié. Cela signifie qu'entre 1981 et 2005, 500 millions de personnes ont réussi à se sortir de l'extrême pauvreté. C'est un chiffre incroyable.
    Jusqu'à tout récemment, la crise économique avait très peu touché les pays en développement. Cependant, la Banque mondiale estime maintenant que 40 pays à faible revenu sont hautement vulnérables. Selon les tout récentes prévisions, la crise économique pourrait faire passer de 50 à 90 millions le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté.
    De toute évidence, l'aide étrangère doit faire partie de la solution pour atténuer les incidences de la crise économique sur les pays en développement. En effet, il n'existe pas de solutions miracles dans ces pays. Les répercussions des crises sur la vie des gens y sont plus profondes et plus généralisées, et il faut plus de temps pour y remédier.
    Compte tenu de la crise économique actuelle, il est crucial que les pays donateurs maintiennent l'aide publique au développement à son niveau actuel. D'ailleurs, notre gouvernement est sur la bonne voie pour doubler son aide internationale grâce à un budget annuel prévu de 5 milliards de dollars d'ici l'année prochaine. Cette année, nous avons également respecté notre engagement de doubler notre aide à l'Afrique, qui a totalisé 2,1 milliards de dollars. Nous avions pris cet engagement au Sommet du G8, et nous avons atteint notre objectif un an plus tôt que prévu. Nous avons aussi pris des engagements pluriannuels pour appuyer le développement dans les Amériques, en Europe de l'Est, au Moyen-Orient et en Asie, y compris en Afghanistan.
    Plus important encore, notre gouvernement respectera ses engagements. Depuis son entrée en fonction, notre gouvernement s'est engagé à rendre l'aide internationale du Canada plus efficiente et à améliorer de façon tangible la vie des gens qui sont dans la pauvreté en rendant notre aide plus efficace, plus ciblée et plus responsable.
    Pendant des dizaines d'années, il était courant que les pays donateurs consentent une aide en imposant des conditions. C'est ce qui s'appelle l'aide liée; cela signifie qu'en échange de l'aide, les biens et services requis doivent provenir du pays donateur. L'OCDE estime qu'à cause de l'aide liée, les contributions des donateurs internationaux sont moins efficaces de 30 p. 100, un pourcentage qui s'élève à 35 p. 100 dans le cas de l'aide alimentaire.
    Je sais que ce n'est pas le genre de résultats auxquels les Canadiens s'attendent de notre part. C'est pourquoi j'ai annoncé, en avril dernier, que le Canada délierait complètement et immédiatement toute son aide alimentaire. Des organismes, comme le Programme alimentaire mondial, peuvent maintenant utiliser l'argent du Canada pour acheter les aliments nécessaires aux meilleurs prix et à proximité de régions touchées par la faim. De plus, monsieur le président, nous délierons toute notre aide d'ici 2012-2013, afin de maximiser encore plus les contributions du Canada.
    En tant qu'agence, l'ACDI elle-même prendra des mesures pour devenir plus efficace. Lorsque les gens sont sur le terrain, qu'ils peuvent voir les conditions de vie dans un pays donné, ils sont mieux placés pour réagir rapidement, pour évaluer les besoins, pour trouver les solutions appropriées et pour faciliter le processus décisionnel. C'est pourquoi nous augmentons le nombre d'employés sur le terrain, nous leur déléguons plus de pouvoirs et nous leur accordons la souplesse dont ils auront besoin. Cela permettra de réduire les lourdeurs administratives et le besoin de passer par l'administration centrale.
    Mais, la décentralisation seule ne suffira pas à rendre l'ACDI plus efficace et à lui permettre de répondre aux attentes des Canadiens. Nous sommes résolus à renforcer la surveillance et l'évaluation de nos programmes d'aide. Ainsi nous retiendrons les services de vérificateurs indépendants pour mesurer les résultats obtenus. Et, des représentants de l'extérieur de l'Agence siégeront au Comité d'évaluation interne de l'ACDI.
    La responsabilisation signifie également être transparent et fournir des renseignements aux Canadiens. Par conséquent, en plus de présenter ses rapports annuels au Parlement, l'ACDI produit dorénavant un rapport intitulé Le développement axé sur les résultats, qui montre aux contribuables canadiens comment leur argent permet d'apporter des changements concrets. Nous mettrons tout en oeuvre pour renseigner la population sur les résultats significatifs que nous avons obtenus, et nous ferons ouvertement part des revers qui contrecarrent parfois nos meilleurs intentions.

  (1540)  

    Par ailleurs, je crois également qu'on peut atteindre une plus grande efficacité et obtenir de plus grandes retombées en agissant de façon plus ciblée. Nous mettons davantage l'accent sur notre programmation bilatérale, qui appuie principalement les programmes et les projets de développement dans les pays, et qui représente environ 53 p. 100 du budget global de l'aide de l'ACDI.
    On a dit que l'aide bilatérale du Canada était tellement dispersée entre un trop grand nombre de pays et de thèmes qu'il était difficile de déterminer comment et où elle débouchait sur des résultats concrets. Pour remédier à cette situation, j'ai annoncé que l'ACDI investirait 80 p. 100 de ses ressources bilatérales dans 20 pays de concentration. Nous avons choisi ces 20 pays en fonction de plusieurs critères, soit en analysant leurs besoins, leur capacité à utiliser l'aide de sorte que nos efforts de développement puissent déboucher sur des résultats positifs, et leur capacité à appuyer les priorités du Canada en matière de politique étrangère. Pour assurer la cohérence de notre démarche, toute modification à la liste des 20 pays de concentration exigera l'approbation du Cabinet.
    Comme je l'ai déjà dit — et je me permets de le répéter — les autres pays — ceux qui ne font pas partie des pays de concentration — continueront à recevoir de l'aide du Canada par l'entremise d'autres programmes de l'ACDI. Ils demeureront admissibles pour recevoir du financement — du budget d'aide restant, soit 47 p. 100 de notre budget total pour l'aide. Et, bien entendu, le Canada sera toujours là pour répondre aux besoins des populations touchées par des catastrophes naturelles ou des conflits, par l'entremise du Programme d'aide humanitaire de l'ACDI.
    Outre une plus grande concentration géographique, les efforts internationaux du Canada doivent aussi se concentrer sur un plus petit nombre d'activités et de secteurs. Depuis ses débuts, l'aide consentie par l'ACDI a été trop éparpillée et diluée entre des douzaines d'activités et de secteurs différents. Cela a eu pour conséquence que l'argent investi avait des retombées limitées, sans la masse critique nécessaire pour obtenir de véritables gains.
    Nous avons maintenant établi trois thèmes prioritaires qui orienteront dorénavant le travail de l'ACDI: accroître la sécurité alimentaire, encourager une croissance économique durable, et assurer un meilleur avenir aux enfants et aux jeunes.
    Permettez-moi de vous parler brièvement de chacun de ces thèmes.
    Je commence par la sécurité alimentaire. À la même période l'an dernier, la crise alimentaire, causée en grande partie par la hausse du prix des aliments, a retenu l'attention de la communauté internationale. Selon les estimations de la FAO, le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans le monde a augmenté de 75 millions en 2007 et de 40 millions en 2008. Et la crise économique aura des incidences énormes sur la capacité de millions de personnes à éviter la famine. Les plus pauvres du monde vivent avec moins de 2 $ par jour, et ils consacrent 50 à 80 p. 100 de cette somme à leur alimentation. En fait, on s'attend à ce que le nombre de personnes souffrant de faim chronique dépasse un milliard cette année.
    L'ACDI continuera à répondre aux besoins en matière d'aide alimentaire d'urgence. Le Canada est le troisième plus important pays donateur au Programme alimentaire mondial. Les projets qui répondent aux besoins des personnes pauvres en matière de micronutriments seront aussi une priorité pour l'ACDI.
    Mais, sans un approvisionnement suffisant en nourriture, le développement est impossible. Selon les estimations de la Banque mondiale, la croissance du PIB dans le secteur agricole contribue à accroître de deux à quatre fois plus les revenus des pauvres que la croissance du PIB dans d'autres secteurs de l'économie. À la lumière de ces faits, et puisqu'une grande partie des pays en développement ont une économie basée sur l'agriculture, je crois que nous devons davantage tenir compte de l'agriculture dans nos efforts de développement. Qu'il s'agisse de moyens de production améliorés, de ressources techniques, de la remise en état de terres dégradées ou d'irrigation, toutes ces mesures déboucheront sur une plus grande autonomie et une plus grande sécurité alimentaires — ce qui constitue notre première priorité thématique.
    Nous avons constaté à quel point une économie solide peut réduire la pauvreté. Des pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique ont montré à maintes reprises que la croissance de l'économie est la meilleure façon d'aider la population à sortir définitivement de la pauvreté. La croissance économique jouera donc un rôle essentiel pour aider les pays en développement à traverser l'actuelle crise économique.

  (1545)  

    Lors des récentes réunions de la Banque mondiale et du FMI, les responsables ont souligné le fait que, dans les pays en développement, la croissance économique se chiffrera seulement à 1,6 p. 100 cette année, comparativement à 6,1 p. 100 l'an dernier. Le Canada a versé des contributions importantes au FMI, à la Banque mondiale et aux banques de développement régionales afin de les aider à assurer du financement à davantage de pays en développement; toutefois, on a noté que c'est le secteur privé qui y génère 9 emplois sur 10. Nous devons donc créer plus de débouchés pour les entreprises, appuyer l'entrepreneuriat et soutenir le développement industriel dans les pays en développement, ce qui permettra aux pauvres d'avoir accès à des emplois productifs et à des revenus.
    Différents facteurs appuient la croissance économique: la formation axée sur les compétences, l'accès à du financement, par exemple, au moyen du microcrédit — la protection des biens et l'infrastructure d'appui nécessaire. Bien sûr, tous nos efforts de développement, que ce soit en agriculture ou en économie, doivent tenir compte des incidences sur l'environnement. De plus, tous les gains obtenus doivent pouvoir bénéficier aux générations futures. Le sort des enfants et des jeunes qui vivent dans la pauvreté extrême est l'une des plus grandes tragédies de notre époque. Chaque année, 10 millions d'enfants meurent de maladies évitables. Des millions d'autres n'ont toujours pas accès à une éducation décente. Plus de la moitié des enfants dans les pays en développement, soit environ un milliard d'enfants, vivent dans la pauvreté.
    Notre gouvernement a fourni et continue de fournir un appui important pour aider les enfants et les jeunes dans cette situation. Et, nous continuons nos efforts pour améliorer la santé des femmes, afin de diminuer la mortalité maternelle et infantile. Mais nous devons faire plus. Garder les enfants en vie n'est qu'une partie de l'équation. Nous voulons que ces enfants et ces jeunes puissent grandir et prospérer. Pour cela, nous voulons leur offrir une éducation et une formation de base de qualité, afin qu'ils puissent mener des vies productives et bien remplies, et qu'ils puissent participer pleinement à la vie de leur collectivité. Cela s'avère particulièrement important à l'heure actuelle, alors qu'on prévoit une forte croissance démographique dans ce groupe de la population. À l'heure actuelle, dans 67 pays, jusqu'à 60 p. 100 de la population a moins de 30 ans. D'ici 2020, quelques-uns des pays les plus pauvres du monde et, souvent, les plus politiquement instables, compteront les plus fortes populations de jeunes — entre autres, l'Afghanistan, le Pakistan et la Colombie, de même que certains pays d'Afrique. C'est pourquoi il est impératif d'améliorer de façon tangible la vie des enfants d'aujourd'hui, si nous voulons un avenir où règnent la stabilité et la sécurité.
    Ces trois thèmes que je viens d'exposer — la sécurité alimentaire, la croissance économique et les enfants et les jeunes — seront au coeur des activités de l'ACDI dans les mois qui viennent. Mais, nous le voyons bien en Afghanistan: il ne peut pas y avoir de développement sans sécurité et stabilité.
    Un milliard de personnes, parmi les plus pauvres de la planète, habitent actuellement dans des États où les activités criminelles, la violence, l'insécurité et la sédition font partie de leur réalité quotidienne. Assurer la sécurité et la stabilité est de la plus haute importance, et les mesures prises par le Canada mettront à profit son esprit d'engagement et les leçons apprises dans des pays tels que l'Afghanistan, Haïti et le Soudan. Nous visons à tout mettre en oeuvre pour que les besoins fondamentaux des gens soient comblés, tout en aidant les pays qui le souhaitent à acquérir leur autonomie gouvernementale. Au lieu de la dépendance à l'aide, nous visons la responsabilité et la prise en charge locale des projets et des programmes. Pour y parvenir, le principe de la bonne gouvernance doit être intégré à toutes nos activités dans les pays en développement — tout comme de bonnes pratiques de gestion et de viabilité environnementales.

  (1550)  

    Pour terminer, monsieur le président, notre gouvernement s'est engagé à rendre le Programme d'aide internationale du Canada plus efficace, plus ciblé et plus responsable — bref, meilleur.
    Le déliement de l'aide, la décentralisation, une plus grande responsabilisation et des priorités thématiques et bilatérales mieux ciblées: voilà les mesures que nous prenons pour y parvenir. Établir des priorités signifie essentiellement faire des choix. Cependant, je demeure persuadée que notre programme pour accroître l'efficacité de l'aide reflète les valeurs de tous les Canadiens. Nous sommes déterminés à faire en sorte que notre aide améliore de façon tangible la vie des gens qui sont dans la pauvreté.
    Monsieur le président, merci de m'avoir donné aujourd'hui l'occasion de m'exprimer devant le comité.

[Français]

    Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame la ministre.
    Monsieur Pearson, vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, je compte partager mon temps avec mes collègues.
    Madame la ministre, madame Biggs, madame Walker, je suis ravi de vous accueillir parmi nous. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier de votre initiative et d'avoir fait preuve de leadership en acceptant de délier l'aide au développement. C'est ce que souhaitent bon nombre d'entre nous depuis fort longtemps, et nous vous sommes donc très reconnaissants de cette décision.
    Le sujet de la réunion d'aujourd'hui est le Budget principal des dépenses et, en examinant ce dernier, je cherchais à y déceler certaines tendances. Il me semblait que le développement du secteur privé était au deuxième rang; les soins de santé, au premier rang. Mais, à mesure qu'évolue la situation, on a l'impression que les soins de santé ont diminué en importance, ces derniers temps surtout, alors que c'est l'inverse pour le développement du secteur privé. Je vous invite donc à commenter cette tendance. Y a-t-il une raison à cela? Est-ce probable que cette tendance devienne plus marquée à l'avenir?
    Pour moi, votre observation reflète le travail que nous avons accompli au cours de la dernière année avec bon nombre de pays en développement, qui ont mis sur pied leurs propres régimes. Ils ont donc des régimes de soins que nous appuyons et auxquels nous apportons notre contribution. L'autre changement très important que j'ai observé, notamment dans les pays qui sont prêts à assumer cette responsabilité, est que ces derniers considèrent que leur stabilité à long terme passe par la croissance économique. Ce sont ces pays-là qui sont disposés à investir, dans les limites de leur capacité financière, dans les activités qui favorisent la croissance économique.
    Comme vous le savez, nous avons récemment conclu des discussions en Haïti avec le gouvernement haïtien, qui a élaboré un plan de réduction de la pauvreté. Ce dernier s'appuie sur la croissance économique au pays. Il est exécuté de concert avec les Nations Unies, qui ont demandé au professeur Collier du Royaume-Uni de se pencher sur les possibilités les plus intéressantes à long terme pour Haïti.
    Dans bien des pays, il a été noté que les activités d'aide et de développement sont en cours mais, encore une fois, les gens sont frustrés parce que les progrès réalisés ne correspondent pas nécessairement à leurs attentes. Lorsqu'un pays nous dit que la croissance économique lui est importante, nous devons réagir rapidement. Nous avons constaté le succès des initiatives de microcrédit, et maintenant ils nous demandent ceci: comment les personnes qui ont profité des possibilités de microcrédit peuvent-elles maintenant créer leurs propres PME? Donc, nous travaillons avec elles et nous les appuyons à cet égard, car nous sommes convaincus que ce genre de travail, de même que les efforts que nous déployons au niveau de la formation professionnelle — et nous nous assurons de travailler aussi avec les autres pays qui sont nos partenaires pour combler leurs besoins en matière d'infrastructure — permettra justement de créer des emplois.
    Je pense que nous sommes donc tous d'accord pour dire que personne ne souhaite être toujours celui qui reçoit l'aumône. Les gens veulent plutôt profiter de toutes les possibilités qui existent pour améliorer leur situation et leurs revenus, afin de pouvoir plus facilement subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Voilà donc un élément de cette tendance que vous avez observée.
    Avons-nous l'intention de réduire nos efforts dans le domaine des soins de santé? Absolument pas. Nous n'allons pas faire cela. Si vous regardez nos engagements dans le domaine de la santé et notre appui au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme — cette initiative aura un effet catalyseur et sera particulièrement importante pour la lutte contre la tuberculose — de même que notre engagement à rester en Afghanistan et à appuyer la campagne d'élimination de la poliomyélite, vous comprendrez que nous sommes résolus à continuer à appuyer les efforts liés aux soins de santé.
    À cela s'ajoute notre intention de mettre en relief le thème de la sécurité alimentaire, de susciter l'intérêt du monde entier pour cette question et de déployer nous-mêmes des efforts particuliers au niveau de la nutrition et des micronutriments. Compte tenu de tous ces éléments, il est clair que nous n'abandonnons aucunement le secteur de la santé, absolument pas. Nous allons trouver les moyens les plus efficaces, comme nous le faisons partout ailleurs de répondre aux besoins dans ce domaine, mais nous souhaitons également appuyer les pays qui nous ont fait part de leur volonté d'assumer eux-mêmes certaines responsabilités, responsabilités que nous allons partager avec eux.

  (1555)  

    Merci, madame la ministre.
    Monsieur Patry, vous avez la parole. Je crois que M. Rae voudrait également intervenir.

[Français]

    Merci, madame la ministre.
    Dans la partie de votre Plan budgétaire de 2008 qui traite des économies découlant de l'examen stratégique de l'ACDI, le gouvernement mentionne que l'agence réoriente ses programmes multilatéraux pour qu'ils ciblent un moins grand nombre d'organisations. Quelles sont les organisations ciblées par l'ACDI? Quels étaient les critères de sélection?
    En corollaire, pouvez-vous confirmer ou infirmer le fait que votre gouvernement étudie la possibilité de diminuer son engagement monétaire vis-à-vis la United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East, UNRWA?

[Traduction]

    Merci infiniment de votre question.
    Pour ce qui est des organismes internationaux multilatéraux, en général, nous voulons nous assurer que, lorsque l'ACDI accorde des crédits à un organisme, ce dernier sera en mesure d'atteindre les objectifs et d'obtenir les résultats que nous lui avons fixés; il s'agit donc de favoriser les organismes les plus efficaces et les mieux gérés.
    Comme on pourra vous le confirmer, lorsque les organismes font l'objet d'une évaluation ou d'une vérification, je demande à lire le rapport moi-même. Quand certaines remarques sont faites au sujet des améliorations qui s'imposent dans un organisme, avant que l'Agence n'accepte d'accorder de nouveau des crédits, je m'assure toujours de demander quelles mesures correctives ont effectivement été prises.
    Le fait est que nous devons bien cibler nos efforts, même en ce qui concerne les crédits que nous accordons aux organismes multilatéraux. Nous voulons déterminer quels organismes sont les plus efficaces, mettent l'accent sur les résultats concrets, sont bien gérés, font preuve de responsabilité budgétaire, etc.
    Donc, cet examen est en cours, mais nous n'avons pas encore fait de sélection; le travail se poursuit à l'heure actuelle. Je peux vous dire que nous avons déjà déterminé que certains organismes sont extrêmement responsables et efficaces en ce qui concerne leur action multilatérale. Le Programme alimentaire mondial en est un bon exemple, de même que la Croix-Rouge. Nous avons déjà déterminé quels organismes faisant partie du réseau des Nations Unies sont les plus efficaces, à notre avis.
    S'agissant de l'ONU, vous m'avez posé une question au sujet de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, appelé l'UNRWA, notamment par rapport au Moyen-Orient et à la bande de Gaza. J'ai eu une rencontre avec le responsable de l'Office et nous avons eu des discussions très franches. Je sais que cet organisme joue un rôle très important en Cisjordanie et dans la bande de Gaza au nom de la communauté internationale. J'ai posé un certain nombre de questions au responsable de l'UNRWA et j'ai obtenu des réponses à la fois très franches et objectives.
    Nous appuyons les efforts de l'Office car ce dernier joue effectivement un rôle important. Par contre, il y a un certain nombre de questions qui se posent au sujet de cet organisme. Je pense que nous nous rappelons tous du fait que l'ONU avait fait savoir, pendant le conflit, que les écoles étaient bombardées. J'ai donc demandé au responsable de l'Office pourquoi il avait fallu attendre trois semaines avant qu'on ne corrige cette information: en fait, les écoles elles-mêmes n'ont pas été bombardées, et les bombardements avaient lieu à l'extérieur des écoles. Je lui ai fait comprendre que cette information était très importante. En tant que membre de la communauté internationale, nous avons besoin des rapports préparés par les organismes de l'ONU pour connaître la situation, et nous nous attendons à ce que les rapports en question soient exacts. Il a reconnu que de tels organismes ont effectivement cette responsabilité, et ils vont donc se pencher sur la question.
    Nous avons également tenu d'autres discussions. Je sais que vous êtes au courant d'autres difficultés touchant l'UNRWA et le système d'éducation qu'il a mis en place. Nous avons donc eu des discussions très franches à ce sujet-là.
    Nous appuyons les efforts de l'Office, mais cela ne veut pas dire que nous ne remettons jamais rien en question ou que nous ne cherchons pas à nous assurer qu'un organisme que nous appuyons est parfaitement fiable, capable de répondre à nos attentes et répond non seulement à nos besoins mais à ceux des populations qu'il est censé desservir.

  (1600)  

    Merci, madame la ministre.
    Monsieur Rae, vous avez la parole.
    Dans le même ordre d'idées, madame la ministre, vous n'êtes certainement pas sans savoir que de nombreuses préoccupations ont été exprimées au sujet de la position du Canada relativement à l'UNRWA.
    J'aimerais donc vous demander ceci: quelles discussions auriez-vous eues avec le ministre des Affaires étrangères, et le ministère en général, concernant les conséquences d'une décision ayant pour résultat de réduire le financement de l'UNRWA?
    Je n'ai eu de discussions uniquement avec le ministre des Affaires étrangères. Comme vous le savez, nous avons un ministre responsable des Amériques, quand l'enjeu concerne les Amériques, de même qu'un ministre du Commerce international. D'ailleurs, nous réalisons des progrès notables en ce qui concerne l'application d'un cadre pangouvernemental par rapport au travail que nous accomplissons, pas seulement par rapport au développement, mais dans les relations étrangères en général.
    S'agissant de l'UNRWA, ils sont tout à fait au courant des réunions que j'ai eues avec les responsables et de mes préoccupations au sujet de cet organisme. Je leur ai fait part des discussions que j'ai eues avec le responsable de l'Office. Ils sont d'accord pour que je fasse preuve de la diligence requise en exprimant mes préoccupations là où j'en ai et en m'assurant que les réponses fournies par cet organisme et d'autres sont satisfaisantes.
    Nous sommes également préoccupés par ce que font d'autres pays au sujet de l'UNRWA. Il ne s'agit pas d'une décision unilatérale qui serait prise par le Canada agissant seul. Je présume que des discussions sont actuellement en cours avec les responsables de l'Office sur des questions de responsabilisation qui n'intéressent pas uniquement les relations bilatérales entre le Canada et l'Office.
    Cette question est extrêmement délicate, étant donné que le Canada s'est vu attribuer la responsabilité de présider le groupe de travail des réfugiés lors de la conférence de Madrid en 1993. Donc, j'espère que vos préoccupations ne sont pas d'ordre personnel seulement. Ce sont des questions qui intéressent l'ensemble du gouvernement, étant donné l'éventuelle incidence d'une réduction budgétaire unilatérale de la part du Canada sur sa position au Moyen-Orient et dans d'autres contextes.
    Il faut absolument mettre fin aux conjectures, car l'incertitude actuelle influe très gravement à l'heure actuelle sur bon nombre de nos relations bilatérales avec d'autres pays au Moyen-Orient.
    Premièrement, aucune décision prise au nom du gouvernement ou par l'ACDI n'est d'ordre personnel. Nous avons une approche globale en vertu du cadre pangouvernemental, si bien que les décisions importantes prises au nom de l'ACDI et du gouvernement ne sont certainement jamais d'ordre personnel. Elles sont prises dans l'intérêt des contribuables et des citoyens canadiens et de leurs relations avec le reste du monde.
    Moi, j'en suis la preuve. J'en ai déjà discuté avec d'autres pays donateurs. J'ai même eu une conversation avec Ban Ki-moon à l'ONU. Il m'a fait savoir que le Canada n'est pas le seul pays à lui faire part de ses inquiétudes au sujet de l'UNRWA.

  (1605)  

    Merci, madame la ministre.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bienvenue, madame la ministre. Je vais vous poser trois questions.
    Dans votre allocution, vous avez dit que votre « gouvernement est sur la bonne voie pour doubler son aide internationale grâce à un budget annuel prévu de 5 milliards de dollars d'ici 2010-2011 ». Êtes-vous en mesure de me dire, en pourcentage, combien cela représente par rapport au PNB du Canada?
    Vous avez aussi dit que tous les changements à la liste des 20 pays priorisés devront désormais être approuvés par le Cabinet pour des raisons stratégiques. Ces raisons vont-elles de pair avec les accords commerciaux que votre gouvernement négocie actuellement, entre autres avec la Colombie et le Pérou?
    Vous avez retiré de votre nouvelle liste des pays priorisés huit pays d'Afrique et y avez ajouté quatre pays de l'Amérique latine. Comment les nouveaux pays que vous avez ciblés ont-ils été choisis? Avez-vous procédé à des consultations? Si oui, qui avez-vous consulté? Selon les données qui m'ont été fournies par le Conseil canadien pour la coopération internationale, la liste de 2005 comportait plus de pays pauvres que la liste de 2009. Si on se réfère à l'indicateur du développement humain de l'ONU, 11 pays de la liste de 2005 étaient classés comme ayant un développement humain faible. En comparaison, seulement sept pays de la liste de 2009 étaient classés comme ayant un développement humain faible. Sachant cela, pouvez-vous me dire pourquoi vous avez choisi d'enlever les pays d'Afrique et d'y ajouter la Colombie?
    Merci, madame Deschamps.
    Madame la ministre.

[Traduction]

    Merci. Premièrement, permettez-moi de vous affirmer que nous allons effectivement viser un budget de 5 milliards de dollars d'ici l'année prochaine. En ce qui concerne la relation, le plus récent rapport de l'OCDE, diffusé en mars de cette année, indiquait que le niveau de l'APD accordée par le Canada a augmenté de 12 p. 100, du fait que nous avons relevé progressivement la somme globale affectée à l'aide au développement de même que celle versée à la Banque mondiale. Le Canada est l'un des 10 pays du monde pour les crédits versés en 2008 au titre de l'Aide publique au développement. En fait, nous avons même dépassé des membres du CAD, la moyenne des pays membres de l'Union européenne, et la moyenne des pays du G7. Comme vous le savez certainement, nous sommes passés à 0,32 p. 100.
    Comme vous le savez également, le rapport de l'APD au RNB dépend de l'économie du pays concerné et, par conséquent, vu la situation dans laquelle se trouvent tous les pays développés à l'heure actuelle, je suis de près le niveau des versements.
    Le Canada a d'ailleurs maintenu son engagement à augmenter les sommes versées au titre de l'aide internationale. C'est ce que nous faisons chaque année. Or, d'autres pays font l'inverse. L'Italie, par exemple, a menacé de diminuer les sommes qu'elle verse au titre de l'aide internationale de 57 ou de 58 p. 100. À la suite de discussions internationales, elle a diminué le montant de la réduction prévue mais, malheureusement, elle compte toujours réduire son aide de plus de 40 p. 100. Face à cette réalité, nous devons toujours nous assurer que notre action est vraiment efficace et que l'accent est mis sur une meilleure coordination entre les différents pays.
    Voilà qui m'amène à vous parler de la sélection des pays. Le Canada n'est pas le seul à opter pour la concentration géographique. D'autres pays ont fait de même — d'ailleurs, certains d'entre eux l'ont fait avant le Canada. En ce qui concerne les différents pays, et notamment les pays d'Afrique, je suis ce que font les pays donateurs en ce qui concerne le montant des crédits, leur niveau d'engagement et leurs efforts, et nous aussi, nous devons nous intéresser à l'efficacité de nos activités. Nous voulons travailler de près avec les pays africains. D'ailleurs, nous collaborons avec l'Union africaine. Nous appuyons également la Banque africaine de développement. Certains pays préfèrent l'approche multilatérale parce que cela leur permet de rapprocher le centre de contrôle, et ils ont aussi plus d'influence en ce qui concerne les activités qui peuvent être menées dans les pays concernés, et nous envisageons donc d'adopter cette même approche.
    S'agissant des différents pays et des effets des activités qui y sont menées, je dois vous dire qu'en général, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont augmenté le niveau de leur aide en Afrique, alors que c'est la tendance inverse dans les Amériques. Les Pays-Bas, par exemple, envisagent maintenant de se retirer complètement de Haïti — et j'en ai même discuté avec le responsable de l'agence néerlandaise.
    Dans le cas de l'Australie, ils ont décidé de mettre l'accent sur la zone du Pacifique-Sud et donc de concentrer leurs efforts dans les pays situés dans leur région. Donc, nous assistons actuellement à une sorte de réalignement régional.
    Pour ce qui est de notre examen des pays africains, comme je vous l'ai déjà dit, le niveau des besoins et de la pauvreté constituait l'un des critères — un critère important — mais pas le seul critère. Le deuxième mérite tout autant notre attention que le niveau de pauvreté, me semble-t-il. En fait, les sommes investies par les pays occidentaux en Afrique dépassent 23 billions de dollars. C'est un chiffre qui est tout aussi décourageant pour moi que pour les autres. Voilà pourquoi nous devons absolument nous assurer que notre apport financier — et les autres pays font la même chose — débouche sur des résultats concrets. Il faut absolument examiner la façon dont les programmes d'aide sont exécutés, etc. L'enjeu critique est la capacité des pays concernés.
    C'est une véritable tragédie. Bien souvent nous avions l'impression que certains pays réalisaient des progrès véritables, mais si vous regardez leur situation maintenant… Prenons l'exemple de l'Afrique du Sud: ce pays a remporté un succès triomphal, et nous étions convaincus que la situation progressait très bien. Or, nous constatons à présent qu'il a encore d'importants défis à relever. Le Kenya a bien progressé également, mais si vous examinez sa situation maintenant… En même temps, nous assistons à un accroissement du nombre de conflits et de situations qui génèrent des réfugiés, etc. Donc, les événements actuels font évoluer la situation de ces pays.

  (1610)  

    Par exemple, nous nous demandons quels pays ont des gouvernements qui sont prêts à assumer leurs responsabilités. Même si c'est seulement dans un secteur, nous préférons toujours collaborer avec un gouvernement qui désire vraiment agir dans ce secteur.
    J'ai récemment rencontré l'ambassadeur d'un pays africain qui possède d'énormes richesses naturelles. Son PIB augmente de façon importante, mais il est également aux prises avec un problème humanitaire. J'ai donc demandé à l'ambassadeur — et j'espère recevoir l'information que j'ai demandée — ce que son gouvernement est prêt à faire pour régler ce problème humanitaire. Nous comptons justement travailler en partenariat avec eux; nous allons travailler ensemble.
    En même temps, nous savons que, pour permettre à la population d'un pays de sortir progressivement de la pauvreté et de redresser sa situation économique à long terme, il faut aider les gouvernements de ces pays à assumer cette responsabilité; sinon, certains pays continueront à dépendre de l'aide qu'ils reçoivent d'ailleurs. Et, à mon avis, cela n'aide en rien la stabilité sociale et politique d'un pays. Les citoyens souhaitent que leurs propres dirigeants soient en mesure de répondre à leurs besoins. Voilà donc un critère très important.
    Le troisième critère que nous avons établi comme gouvernement concerne les politiques et les priorités que nous avons établies; par contre, nous n'avons pas et nous n'aurons pas comme pratique d'accorder notre aide uniquement aux pays qui nous intéressent pour des raisons commerciales ou économiques. Il est vrai que nous sommes en négociations commerciales avec le Pérou et la Colombie, mais il y a d'autres pays sur cette même liste à l'égard desquels nous n'avons pas d'intérêts ni commerciaux ni économiques. Les besoins sont immenses et nous pouvons effectivement faire évoluer les choses dans ces pays.

  (1615)  

    Merci beaucoup, madame la ministre.
    Madame Lalonde, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, madame la ministre. Je vous ai écoutée attentivement, mais je dois dire que vous ne m'avez pas convaincue. Il y a quelques points que j'aimerais soulever.
    Premièrement, à notre connaissance, avant de faire ce virage si spectaculaire et d'enlever de votre liste de pays de concentration huit pays d'Afrique — qui s'avèrent être francophones —, vous n'avez consulté personne qui ait travaillé ou qui travaille dans ces pays. C'est donc une surprise pour nous. C'est une surprise inquiétante, d'autant plus que vous nous dites que la prochaine liste de pays ne sera modifiée que suite à une décision du Cabinet. Cela montre toute l'importance de ce virage.
    Deuxièmement, vous êtes sans doute au courant que l'Assemblée nationale du Québec a adopté à l'unanimité une résolution pour vous demander de revenir à l'ancienne liste. En effet, les pays se trouvent abandonnés, et l'Assemblée nationale du Québec se trouve aussi responsable d'aider les ONG, les groupes communautaires qui ont acquis, en Afrique francophone, une grande expérience et une place importante dans le développement.
    Troisièmement, je voudrais vous poser une question. Comment pouvez-vous toujours, malgré tout ce que vous avez dit, confirmer que vous allez atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement? On ne voit pas comment vous pourrez le faire. En outre, personne de ceux à qui on en parle ne voit comment vous allez faire ça.

[Traduction]

    Merci, madame. Permettez-moi de vous faire part de certains renseignements — je voudrais surtout remettre les pendules à l'heure.
    Je dois dire que c'est une question qui a tendance à devenir une obsession, à savoir qui se trouve sur la liste et qui ne s'y trouve pas. Le fait est que nous n'avons abandonné aucun pays et nous n'avons pas non plus l'intention de le faire. Ce que j'ai dit, c'est que, dans 20 pays, nous allons concentrer nos efforts pour nous assurer qu'ils sont cohérents et mieux coordonnés, et que nous souhaitons mettre l'accent sur un certain nombre de secteurs où nous croyons que notre action peut avoir des effets particulièrement positifs.
    J'ai également indiqué dans mes remarques liminaires ce matin que, même si un pays ne figure pas sur la liste, tout projet actuellement en cours dans ce pays se déroulera comme prévu jusqu'à ce qu'il soit terminé. Ensuite, nous examinerons les besoins dans le pays en question; mais, il n'est pas question de l'abandonner. Si nous exécutons un programme efficace qui fait réellement évoluer la situation du pays en ce qui concerne la réduction de la pauvreté, nous allons continuer de l'appuyer.
    Je tiens également à vous faire remarquer que 47 p. 100 du reste du budget global de l'ACDI sont à la disposition des pays ne figurant pas sur la liste. Donc, nous n'abandonnons aucun pays. En fait, dans huit pays francophones, notre gouvernement a consacré 141 millions de dollars, en 2007 et 2008, à des programmes destinés aux pays francophones. L'année dernière, ce montant est passé à 208 millions de dollars. Nous avons aussi accueilli chez nous les pays de la Francophonie. J'ai eu des discussions avec les responsables de DESI et d'Oxfam-Québec. Oxfam-Québec est un excellent organisme qui est très efficace. Il y en a tellement. J'ai visité une école à Gonaïves, en Haïti qui aide une école primaire et une école secondaire qui ont été dévastées par les ouragans de l'an dernier. J'ai visité ces écoles. Ces organismes font un excellent travail en Haïti également.
    J'ai visité différents pays francophones. Comme je vous l'ai déjà dit, le fait de ne pas figurer sur la liste ne veut pas dire que le Canada ne sera pas présent pour travailler avec les meilleurs organismes. Par contre, ce que nous n'allons pas faire — et je vous dis cela très franchement, monsieur le président — c'est donner un peu d'argent ici et là pour financer un ou deux projets dans chaque pays. Si nous examinons la situation pays par pays, par exemple…

  (1620)  

    Veuillez conclure, madame la ministre.
    Prenons l'exemple d'un pays comme le Malawi; notre apport est de 12 millions de dollars. Dans ce pays nous avons l'intention de mettre l'accent sur le traitement du VIH/sida.
    Je pourrais vous dire, pays par pays, quels sont les bons projets qui s'y déroulent. Si le travail accompli est efficace et débouche sur des résultats concrets, nous serons présents.
    Merci, madame la ministre.
    La parole est maintenant à M. Abbott et à Mme Brown.
    Merci, madame la ministre.
    J'aimerais commencer par vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui. Comme nous l'a fait remarquer le président, ce comité ne vous est pas étranger. Vous vous mettez régulièrement à notre disposition.
    J'ai trouvé intéressant de suivre votre dialogue avec les députés du Bloc, qui est certainement motivé, selon moi, par un manque de compréhension de l'approche de la concentration géographique. Nous savons tous que le Canada essayait de faire trop de choses et ne pouvait consacrer que de trop faibles ressources à ses activités dans bien des régions.
    Si j'ai bien compris, nous assurions une présence dans 69 pays autrefois, alors que notre aide bilatérale est versée actuellement à seulement 20 pays. Bien sûr, comme vous nous l'avez signalé, l'aide bilatérale ne représente qu'une petite partie du montant de 4,3 milliards de dollars correspondant à la somme globale versée au titre de l'aide au développement. À mon avis, il est important de concentrer ses efforts. Vous avez introduit un certain nombre de changements, et vous continuez à le faire afin que notre aide soit plus efficace.
    J'aimerais vous demander de nous donner éventuellement d'autres exemples de problèmes qui existaient autrefois à l'ACDI. Qu'avez-vous fait pour éliminer ces problèmes?
    Merci, monsieur Abbott.
    Pour vous dire la vérité, nous étions effectivement présents dans une multiplicité de pays différents. Certains prétendent que nous sommes passés de 127 à 69 ou 78 pays, mais le fait est que l'ancien gouvernement avait publié une liste de 25 pays. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, je me suis posé des questions: « Qu'est-ce que cela signifie? Qu'est-ce qui a été fait pour concentrer nos efforts dans ces pays, comme l'avait décidé l'ancien gouvernement? Y a-t-il eu du mouvement? Les ressources ont-elles été réorientées? Les activités aussi? » Il y avait effectivement une liste, comme vous dites. Cependant, il n'y avait aucune véritable indication de ce que voulait dire l'ancien gouvernement en parlant de « pays de concentration » et il n'y avait pas non plus eu de déclarations publiques concernant la façon dont les efforts seraient concentrés dans ces pays, etc.
    Donc, il s'agit de faire preuve de justice. Nous ne sommes pas passés de 100 et quelques pays ou de 78 pays à une vingtaine. Il y avait une liste de 25 pays. Il est vrai que certains changements ont été apportés à cette liste de pays. Certains de ceux qui figuraient sur l'ancienne liste ne recevaient en tout qu'environ 4 millions de dollars par l'entremise d'un programme bilatéral. La majorité des crédits accordés à ces pays passait par notre Programme d'aide humanitaire, en raison d'un problème humanitaire, d'une catastrophe naturelle ou encore — et c'était souvent le cas — d'un conflit. Dans ce contexte, le meilleur moyen de s'attaquer aux difficultés les plus importantes dans un pays de ce genre consiste à déployer des efforts pour aider le réfugié à s'établir, fournir de l'aide alimentaire, intervenir face aux problèmes de sécheresse, etc. Si vous examinez ce qui est fait dans chacun des pays, vous allez voir que, selon le pays concerné, le fait de rajuster la programmation bilatérale ne réduit en rien l'aide humanitaire qui lui est fournie.
    Maintenant, pour répondre à votre question sur les autres problèmes à l'ACDI, je dirais qu'il y a une autre chose qui me préoccupe. Maintenant que nous avons opté pour des priorités thématiques, j'ai la conviction que nous ne possédons pas au sein de l'ACDI l'expertise voulue. Par le passé, l'ACDI avait chez elle l'expertise nécessaire. Mais, au cours des 10 ou 15 dernières années, l'Agence a plus ou moins cessé de l'avoir. Donc, lorsqu'on a besoin d'expertise dans un domaine, on engage des consultants. Or, selon moi, si nous voulons fixer des priorités, il nous faut au moins posséder le niveau d'expertise voulu au sein de l'Agence.
    L'autre élément, et je pense que nous en sommes tous témoins, concerne le fait que, lorsqu'on travaille dans un gros ministère qui a des activités et des intérêts à la fois sectoriaux et géographiques — et cette même observation a déjà été faite au sujet des gouvernements et de la fonction publique — les activités tendent à se compartimenter, si bien que l'interaction, le dialogue et le partage des renseignements disparaissent. Les gens finissent donc par travailler en vase clos. Il peut s'agir d'une direction générale chargée de programmes multilatéraux, d'une direction générale chargée de partenariats ou d'une direction générale chargée d'un pays particulier. Étant donné qu'elles ne se parlent pas, l'une ne sait pas ce qui se passe dans le secteur de la santé, alors que c'est un secteur qui bénéficie de l'aide du Canada. Je ne prétends pas qu'il s'agit d'un problème grave, mais le fait est qu'il n'y avait pas de vase communiquant qui aurait naturellement favoriser ce genre d'interaction. Par conséquent, nous prenons des mesures pour changer cela.
    Ce sont les deux observations que je pourrais faire à ce sujet. À mon avis, nous aurions avantage à créer une plus grande expertise au sein de l'Agence, et aussi, à nous assurer d'encourager le dialogue entre les différents services et de travailler ensemble à l'Agence. En Afrique, par exemple, j'ai demandé à la Direction générale de l'Afrique de se mobiliser pour que, lorsque nous entamerons nos discussions avec les représentants de la communauté africaine, nous aurons déjà fait des recherches et accompli tout le travail nécessaire pour savoir ce qu'il convient de faire à l'échelle de l'Afrique dans son ensemble, à l'échelle régionale, et dans chacun des différents pays.

  (1625)  

    Par exemple, la région des Grands Lacs inclut de nombreux pays, et il est donc évident que ces pays ont certains problèmes et intérêts communs. Dans ce cas, peut-être convient-il de retenir une stratégie davantage régionale, au lieu d'exécuter une série de programmes différents dans trois, quatre ou cinq pays qui s'attaquent tous au même problème. Voilà le genre d'approche qui devrait, selon moi, caractériser l'action de l'ACDI.
    Merci, madame la ministre.
    Madame Brown, posez rapidement votre question, je vous prie.
    Merci, monsieur le président. Mes questions seront très courtes.
    Madame la ministre, vous avez parlé des priorités thématiques qui ont été établies, de croissance économique durable et de sécurité alimentaire. Vous avez également dit qu'il faut s'assurer que les enfants aient un avenir meilleur. Comme vous le savez, j'étais au Bangladesh au moins de mars. J'y ai rencontré le ministre des Affaires étrangères, et j'ai eu l'occasion d'observer le travail qui est accompli dans le cadre de projets qui bénéficient aux enfants du Bangladesh et qui sont financés par l'ACDI. Premièrement, pourriez-vous nous dire comment vous les avez choisis et nous parler éventuellement de ce en quoi consistent vos priorités liées aux enfants?
    Les principaux programmes qui sont en cours d'exécution au Bangladesh, car à l'heure actuelle, nous traitons aussi des demandes d'aide humanitaire que nous avons reçues du Bangladesh… Auparavant, l'ACDI était surtout un organisme réactif, en ce sens qu'elle réagissait aux demandes émanant des divers organismes, qu'ils soient d'ordre international, national, local ou communautaire. Sa Direction générale des partenariats est structurée de façon à répondre aux demandes d'aide venant des organismes canadiens — d'ailleurs, même du côté bilatéral, nous travaillons avec eux — mais le fait est que bon nombre des programmes qui sont exécutés le sont à l'initiative d'organismes individuels. Je dirais aussi qu'ils s'appuient tous sur les meilleures intentions et que le travail réalisé est très positif, mais il faut bien comprendre qu'ils ne sont pas coordonnés de façon à en assurer la cohésion.
    En fait, même au sein des organismes… Quand j'étais en Colombie, j'ai observé les travaux qui sont en cours dans le cadre de deux projets d'adduction d'eau effectués par CARE International. Dans le cas du premier projet, l'équipe sur place faisait tout pour la collectivité locale. Dans le cas du deuxième projet d'adduction d'eau, cela a pris un peu plus longtemps, mais ils ont réussi à mettre sur pied un projet qui est maintenant géré et administré par les gens dans la localité. Donc, au sein d'un même organisme, il peut y avoir deux types différents de projets d'adduction d'eau qui sont en cours. Vous pouvez donc facilement comprendre que, si on fait savoir aux organismes en quoi consistent nos objectifs dans tel ou tel autre pays, ces organismes peuvent ensuite définir leurs propositions en conséquence.
    S'agissant de la sélection des projets, ils ont été choisis en fonction des Objectifs du Millénaire pour le développement. S'ils étaient liés de près ou de loin à la réduction de la pauvreté et à l'un des Objectifs du Millénaire pour le développement, nous les avons nécessairement examinés. L'ACDI elle-même avait élaboré un certain nombre d'énoncés de principe afin d'indiquer quels projets et quels domaines précis pourraient bénéficier de son aide et, bien entendu, ce genre de projets recevraient nécessairement notre appui. Par conséquent, l'Agence réagissait en essayant d'appuyer les activités qui cadraient avec ces principes, sans chercher, dans le contexte de ses programmes, à se concentrer sur des domaines précis ou à définir les résultats concrets qui devraient être visés.
    Ce que j'ai constaté à l'ACDI, c'est qu'on a tendance à mesurer davantage en fonction des intrants qu'en fonction des extrants. Il est vrai que des rapports sont établis. On sait qu'ils ont reçu l'argent, qu'ils l'ont administré de façon responsable, etc., mais quand on leur demande quels ont été les extrants ou les résultats concrets de leur travail et des activités qui nous intéressaient, nous, ils avaient tendance à nous répondre en nous disant que tant de personnes participeraient au programme. Les véritables critères d'évaluation — par exemple, le projet a-t-il permis d'augmenter la productivité d'une ferme, ou encore a-t-il fait en sorte que des jeunes qui participaient à l'industrie du sexe n'étaient plus obligés de le faire — étaient des critères qui n'ont jamais fait partie des exigences établies lorsque l'Agence décidait d'appuyer financièrement un projet.
    Donc, voilà quelques-uns des éléments que nous essayons de modifier.

  (1630)  

    Merci beaucoup, madame Oda.
    Comme l'horloge indique qu'il est maintenant 16 h 30, je sais que c'est le tour de M. Dewar.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci, monsieur le président, et merci, madame la ministre.
    J'ai une petite question rapide à vous poser qui va me permettre de tirer au clair les réponses que vous avez données à d'autres membres du comité. S'agissant de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et de l'UNRWA, est-ce que vous nous dites que le financement de ce dernier ne sera pas réduit? Vous n'avez donc pas l'intention de réduire ce financement?
    S'agissant de notre engagement vis-à-vis de l'UNRWA et de la Cisjordanie, le fait est que nous avons réagi très, très rapidement. Je sais que l'ancien ministre des Affaires étrangères s'est engagé à fournir la somme de 300 millions de dollars lors de la conférence de Paris. Ces 300 millions de dollars sont dépensés en fonction d'un plan précis. Il s'agit d'appuyer les initiatives prises par le gouvernement palestinien, et ils sont très satisfaits de notre travail en ce qui concerne le système judiciaire, etc.
    Par contre…
    Donc, il n'y aura pas…
    … nous leur apportons également une contribution importante sous forme d'aide humanitaire qui est fournie, là où nous avons la possibilité de le faire — aux réfugiés et aux Palestiniens qui ont été touchés par le conflit. Mais, comme vous le savez, il est parfois assez difficile d'acheminer les fournitures vers les personnes qui vivent dans la bande de Gaza.
    Oui, je suis au courant. Merci de votre réponse. Vous nous dites donc que le financement ne sera pas réduit.
    Je voulais en revenir à vos remarques au sujet de l'Afrique. Sauf votre respect, madame la ministre, je dois vous dire qu'il semble exister un fossé de plus en plus profond entre le voeu des Canadiens en ce qui concerne la région du monde où notre gouvernement devrait assurer une présence — c'est-à-dire, l'Afrique — et l'orientation du gouvernement actuel.
    Je vous ai écoutée attentivement. Vous avez mentionné que vous visez la décentralisation. Vous souhaitez qu'il y ait plus de responsabilisation et que les activités soient plus efficaces, et vous voulez aider les pays qui sont prêts à agir. Vous avez également mentionné les 23 billions de dollars qui ont été accordés collectivement à cette région du monde.
    La plupart des gens à qui je parle voudraient que nous soyons encore plus actifs dans cette région du monde, et pas le contraire. Je suis donc un peu préoccupé par la possibilité que vous, la ministre, ayez les mains liés. Je veux vous appuyer, vous qui êtes la ministre responsable. Je ne veux pas que vous, en tant que ministre responsable du Développement international, ayez à faire approuver vos priorités par le Conseil des ministres quand vous estimez qu'il y a lieu de les modifier. Vous devriez vous-même avoir le pouvoir de le faire.
    Si je vous dis cela, madame la ministre, c'est à cause de ce que nous avons observé. En fait, il n'est pas juste de dire que tout cet argent est accordé à l'Afrique. Comme vous le savez, il y a aussi beaucoup d'argent qui sort de l'Afrique. S'agissant du secteur des ressources naturelles, dont vous disiez, me semble-t-il, que vous en aviez parlé avec l'un des ambassadeurs que vous avez mentionnés, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a aussi des milliards de dollars qui sortent de l'Afrique et qui finissent dans nos poches. Je tenais à vous dire cela, car c'est un élément qui doit absolument être pris en compte. Je sais que vous le savez, d'ailleurs.
    Je voulais aussi vous dire, madame la ministre, que, s'il y a quelque chose que nous pouvons faire pour que vous ayez plus d'influence au Conseil des ministres, pour éviter que vos mains soient liées et que vous puissiez vous concentrer sur un plus grand nombre de pays, à mon avis, le comité serait très heureux de vous aider.
    Donc, voici ma question: Est-ce vous qui avez eu l'idée des pays de concentration et qui avez décidé de faire approuver par le Cabinet tout changement au sujet de ces pays? Ou est-ce qu'on vous a imposé cela? En d'autres termes, était-ce vous qui l'avez proposé?

  (1635)  

    Non, et comme je l'ai indiqué en répondant à un de nos collègues tout à l'heure, les décisions qui sont prises ne sont pas des décisions individuelles. C'est important — pas seulement en ce qui concerne l'aide que nous pouvons fournir aux pays en développement et à ceux qui vivent dans la pauvreté; je comprends et je reconnais que c'est important aussi pour les relations entre le Canada et de nombreux autres pays dans les différents hémisphères du monde.
    Mais, comme vous l'avez dit vous-même, si le succès se mesure au nombre de vies sauvées, il convient de mettre l'accent sur les résultats, sur les solutions économiques qui permettent d'éviter les souffrances et les décès inutiles. C'est justement ce que j'essaie de faire. Ce que je tiens à vous dire, c'est que, si vous pensez, parce que le nom de tel pays se trouve ou ne se trouve pas sur une liste, que les efforts que nous déployons en Afrique vont aller en diminuant — je vous rappelle que 2,1 milliards de dollars ont été dépensés l'année dernière au profit de l'Afrique. Si vous regardez notre budget global à l'ACDI, vous verrez que cette somme représente une proportion importante de notre enveloppe pour l'aide internationale.
    Ce montant inclut-il les investissements de la Banque mondiale?
    Oui.
    Vous êtes en train de me citer mes propres propos à ce sujet — d'ailleurs, ce que j'ai mentionné dans l'article que j'ai rédigé pour un journal et qui est paru aujourd'hui…
    L'hon. Bev Oda: Oui.
    M. Paul Dewar: … c'est que la Banque mondiale constitue justement l'un des problèmes. Je disais que nous devons faire plus pour mieux assurer que les investissements qui passent par la Banque mondiale sont plus efficaces.
    Si vous me permettez, madame la ministre, dans ce même ordre d'idées, je vous implorais de ne pas abandonner l'Afrique et j'essayais de vous encourager à faire en sorte que nous y assurions une plus forte présence, que nous y travaillions plus assidûment et qu'il y ait plus de gens sur le terrain. Dans vos remarques liminaires, que j'ai écoutées attentivement, vous avez dit que vous souhaitez qu'il y ait plus de gens sur le terrain et que ces derniers aient plus de pouvoir. Ce que j'espère, moi, c'est que vous, en tant que ministre, avez toute l'indépendance voulue dans cet autre terrain qu'on appelle le « Cabinet » et que vous puissiez exercer vos pouvoirs comme bon vous semble. Je suis attristé de voir que vos moyens d'action seront désormais limités.
    Je sais que vous n'avez pas ce sentiment-là, mais c'est certainement ce que je pense, moi, et je sais que bon nombre de personnes qui ont des préoccupations au sujet du développement sont du même avis. J'espère seulement que, lorsque nous parlons de la situation en Afrique, nous allons tenir compte, non seulement de l'argent qu'on lui consacre — même si je suis d'accord pour dire que c'est un secteur important — mais aussi de l'argent qui en sort. Il faut non seulement lui accorder plus d'argent, mais aussi, d'après moi, se demander combien d'argent en sort et qui en profite. Pour moi, c'est important.
    Comme vous le savez, nous essayons, évidemment, de nous assurer… La responsabilité de l'ACDI — et je précise que nous travaillons de près avec le ministre du Commerce international et que nous essayons nous-mêmes, dans le cadre des activités de l'agence qui concerne des Canadiens, de faire la même chose — consiste à faire en sorte que les entreprises canadiennes agissent de façon responsable.
    Oui, c'est effectivement quelque chose qui nous inquiète.
    Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier pour votre confiance, et j'espère que vous conviendrez avec moi que notre voeu d'être plus efficaces ne va pas se réaliser dans les deux prochains mois. Si vous voulez me réinviter à comparaître, en tant que ministre…
    Nous voulons surtout que vous ayez tous les moyens d'action nécessaires.
    J'accepte votre parole.
    Je voudrais vous demander de vous reporter à un discours — et je pense qu'on peut vous le fournir s'il n'est pas disponible sur le site Web — que j'ai prononcé lors des réunions de la Banque mondiale et du FMI. J'ai négligé de vous signaler que la Banque mondiale elle-même doit s'assurer d'être responsable et transparente et de faire preuve de rigueur… et, pas seulement de rigueur financière. Lorsque cette dernière entreprend des activités de développement, elle doit s'assurer — et lorsque nous lui versons des crédits, nous allons nécessairement la tester pour nous en assurer — qu'elles sont aussi efficaces que celles de n'importe quel autre organismes. Le simple fait qu'il s'agisse de la Banque mondiale ne veut pas nécessairement dire…
    Nous appuyons les programmes qui sont, d'après nous, dignes de confiance.
    J'ai une dernière petite question à vous poser, madame la ministre, et elle concerne votre liste de priorités. Je suis surpris de constater qu'on n'y voit aucune mention des femmes. Or, le Canada s'est engagé à respecter les Résolutions 1325 et 1820. Nous venons de recevoir la commissaire de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan. Elle a justement parlé de la Résolution 1325.
    Nous espérons que vous allez appuyer cette initiative. Je crois que vous êtes de la partie — du moins, je l'espère.

  (1640)  

    Je vais continuer à l'appuyer. Il ne fait aucun doute que le Canada a exprimé avec énergie sa position sur la question de l'égalité des sexes. Il convient de mentionner à cet égard que la prise en compte dans tous ces programmes de la problématique homme-femme a été reconnu à l'échelle internationale. En fait, nous sommes l'un des rares pays à exiger que toute proposition fasse état de la prise en compte de considérations sexospécifiques.
    Pourquoi n'avez-vous pas inclus cela parmi vos priorités?
    Encore une fois, nous voulons nous assurer que c'est une considération automatique et que ce n'est pas quelque chose qui soit traité à parti. Dans certains pays, comme l'Afghanistan… d'ailleurs, en Afghanistan, nous faisons beaucoup de choses pour les femmes, notamment. J'avais justement hâte de pouvoir vous dire que nous surveillons de très près le respect des droits des femmes, des lois et de toutes les mesures législatives qui sont en cours d'élaboration. Mais, je veux surtout m'assurer que cette question n'est pas traitée isolément.
    En fait, au début des années 1990, j'étais membre du conseil consultatif du Conseil du Trésor sur la problématique homme-femme dont le mandat consistait à s'assurer que, même au sein de notre propre fonction publique et de nos sociétés d'État, la problématique homme-femme n'était pas mise sur la touche et traitée isolément. Donc, je suis très consciente de la nécessité d'éviter cela.
    Des activités sont actuellement en cours en vue de favoriser le respect des droits des femmes, etc., et, comme vous le savez, les activités agricoles sont souvent menées par des femmes, qui sont les propriétaires de petites exploitations agricoles, et bénéficient également des projets de microfinancement.
    Je peux vous dire ceci: à mon avis, les femmes ont parfois tout autant — sinon davantage — l'esprit d'entreprise que les hommes. Les programmes d'alphabétisation que nous exécutons à l'intention des femmes sont critiques, en ce qui nous concerne. Lorsqu'on aide les femmes, les femmes sont plus à même de s'occuper de leurs familles. Les enfants sont donc mieux instruits et mieux nourris, et ils reçoivent de meilleurs soins de santé. Ce sont les femmes qui s'assurent d'obtenir la nourriture qu'il faut, un logement, etc.
    Donc, je suis tout à fait partisane…
    Dans ce cas, il pourrait s'agir de la priorité numéro 4…
    Je veux m'assurer que cette question n'est pas traitée en vase clos et qu'elle fait partie intégrante des considérations qui entrent en ligne de compte à l'égard de chacun de nos thèmes.
    Merci beaucoup, madame la ministre.
    Nous avons permis à M. Dewar de dépasser le temps qui lui était imparti de 17 secondes. Je précise également que les libéraux ont eu beaucoup de temps pour vous interroger à ce sujet.
    Quoi qu'il en soit, madame la ministre, nous tenons à vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui. Nous allons maintenant suspendre brièvement nos travaux, avant d'accueillir la délégation des pays africains.
    Avant de faire cela, madame la ministre, je voulais simplement préciser pour mémoire que je sais que vous avez été au Sri Lanka et que vous avez pris un engagement pendant cette visite. Le comité vient de terminer un rapport sur le Sri Lanka, et nous vous recommandons de prendre connaissance de nos recommandations à ce sujet. Nous vous remercions également du travail que vous y avez accompli au nom du Canada.

    


    

  (1645)  

    Chers collègues, je rouvre la séance. Re-bienvenue à tous.
    Au cours de notre deuxième heure de séance, nous allons poursuivre notre examen d'éléments clés de la politique étrangère canadienne. À l'heure actuelle, nous tenons des audiences sur la région des Grands Lacs de l'Afrique. Aujourd'hui, nous accueillons une délégation spéciale composée d'ambassadeurs, de hauts-commissaires, de ministres et de conseillers auprès du Canada qui représentent différentes nations africaines.
    Le comité est tout à fait ravi de l'intérêt que vous portez à notre travail en acceptant d'assister à notre réunion aujourd'hui. Nous vous remercions infiniment d'avoir bien voulu prendre le temps et faire l'effort de nous aider à poursuivre notre étude.
    Je crois savoir que l'ambassadrice du Burkina Faso au Canada, Mme Juliette Bonkoungou Yameogo, fera l'exposé liminaire au nom du groupe. Madame l'ambassadrice, au nom du comité, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous inviter à faire vos remarques liminaires.
    Ah, bon; il y a eu un changement. Très bien.
    Vous avez la parole.
    Merci.

[Français]

    Si vous le permettez, en ma qualité de doyen du Corps diplomatique africain au Canada, je vais prendre la parole avant ma collègue du Burkina Faso.
    Monsieur le président du Comité permanent des affaires étrangères, honorables députés, mesdames et messieurs, c'est pour moi et pour tous mes collègues ici réunis un grand plaisir que d'être avec vous cet après-midi dans ce prestigieux bâtiment qu'est le Parlement du Canada.
    Vous me permettrez avant toute chose, en ma qualité de doyen du Corps diplomatique africain au Canada, de remercier très sincèrement M. le président du comité ainsi que tous ses collègues membres dudit comité d'avoir accepté de nous recevoir cet après-midi devant cette auguste assemblée. Des rencontres comme celle de cet après-midi permettent de mieux nous connaître et nous comprendre afin de développer une relation plus harmonieuse et plus fructueuse entre le Canada et l'Afrique.
    Un chef d'État étranger a dit ce qui suit le 28 février 2008 en Afrique du Sud: « La transparence, c’est la meilleure garantie pour des relations solides et durables, le meilleur antidote aux fantasmes et aux incompréhensions. »
     C'est dans ce souci de dialogue que nous venons ici cet après-midi, en tant qu'amis du Canada, pour échanger avec vous. Ma collègue du Burkina Faso, à qui je vais céder la place, est notre porte-parole. Vous avez des critiques au Parlement, et nous avons pour notre part une porte-parole, qui va vous livrer notre message. Avec votre permission, je voudrais vous présenter très rapidement mes collègues mandatés par le groupe africain pour vous rencontrer cet après-midi.
     Je vais nommer les pays et je prierais mes collègues de se lever quand ils m'entendront nommer le leur. L'Afrique du Sud, le Bénin, le Burundi, l'Algérie, le Burkina Faso, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Ghana — apparemment, son représentant n'est pas présent —, le Maroc, le Niger, le Nigeria, le Rwanda, la Tanzanie, le Togo, que je représente, la Tunisie, la Zambie, le Zimbabwe et la Libye, qui, rappelons-le, assume la présidence de l'Union africaine.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue du Burkina Faso. Merci.

  (1650)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame, je constate que le texte de votre exposé est un peu long. À cet égard, je me permets de faire savoir aux membres du comité qu'on leur a fourni votre texte et qu'on les invite à en prendre connaissance. Les recommandations se trouvent à la fin.
    Madame, vous avez maintenant la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président, distingués députés, mesdames et messieurs.
    À la suite de notre doyen, Son Excellence M. Amelete, ambassadeur du Togo au Canada, et en ma qualité de porte-parole, permettez-moi de remercier chacune et chacun pour votre disponibilité et votre accueil et vous exprimer tout notre plaisir d'être ici cet après-midi pour partager avec vous nos vues sur le Partenariat Afrique Canada.
    D'entrée de jeu et avant tout propos, mesdames et messieurs les députés, j'aimerais affirmer avec force que nous venons cet après-midi en tant qu'amis du Canada, convaincus du rôle que ce grand pays membre du G8 doit jouer en Afrique.
    Qu'il soit bien clair que nous ne venons pas cet après-midi pour quêter l'aumône, nous venons vous porter nos convictions, nos questionnements, dans le souhait d'un partenariat renouvelé et mutuellement avantageux avec votre beau pays.
    Il ne s'agit pas pour nous ici de remettre sur d'autres la responsabilité de nos difficultés de développement. Nous sommes responsables en premier de nos erreurs de choix stratégiques en matière de plans et programmes de développement, des insuffisances de nos systèmes de gouvernance, notamment nos faiblesses en matière d'imputabilité, de transparence et de corruption, mais nous affirmons avec force qu'à côté de ces images abondamment distillées d'une Afrique tournant résolument le dos à la paix et au progrès, il y a cette Afrique jeune, dynamique et industrieuse qui innove, qui se bat et qui obtient des résultats positifs.
    Mes collègues et moi pensons fortement que dans l'histoire d'une amitié comme la nôtre, il arrive des moments où il est nécessaire et important de prendre le temps de communiquer davantage, de nourrir un nouveau dialogue pour renforcer et redonner solidité et vigueur à cette amitié. C'est de cela qu'il s'agit cet après-midi.
    Mesdames et messieurs distingués députés, les relations diplomatiques de l'Afrique avec le Canada sont très anciennes et datent, pour la plupart de nos États, des lendemains de leur indépendance, dans les années 1960. Aujourd'hui, l'ensemble de nos États entretiennent des relations diplomatiques ou économiques et commerciales avec le Canada. Mais que représente le Canada pour l'Afrique?
    Vu d'Afrique, le Canada est un pays empreint d'amitié, un pays développé ami, sans passé colonial, multiculturel et bilingue, un pays soucieux de la paix et de la sécurité dans le monde, un partenaire loyal en amitié, mais qui sait se montrer indépendant d'esprit même vis-à-vis de ses meilleurs alliés lorsque ses propres valeurs sont en jeu, un ami qui comprend les défis de l'Afrique parce qu'il en vit plusieurs de même nature, même si ce n'est pas à la même échelle.
    Comme plusieurs pays d'Afrique, l'économie canadienne est tributaire du destin des marchés des matières premières. Plusieurs de ses régions sont monoproductrices et elles ressentent avec acuité la précarité de cette dépendance. Mais sur ce terreau de fragilité, le Canada a su bâtir une économie forte basée sur le savoir, le savoir-faire, la performance technologique, et se situe aujourd'hui parmi les huit grands de ce monde. Nous, Africains, voudrions en tirer une source d'émulation.
    Pour nous, le Canada est un pays dont le peuple sait exprimer de manière tangible sa solidarité envers les groupes vulnérables, chez eux et ailleurs dans le monde, un pays qui utilise avec intelligence, prudence, retenue, dextérité et efficacité les outils de l'intervention publique au soutien du bon fonctionnement des marchés dans l'intérêt public.
    Pour nous, Africains, parmi les très grands de ce monde, le Canada est un partenaire à portée de main. Ses entreprises et ses institutions n'ont pas le gigantisme et l'anonymat de celles des autres puissances économiques mondiales. Il n'est pas sans intérêt de rappeler qu'à maintes occasions dans les foras internationaux, le Canada s'est tenu aux côtés de l'Afrique pour défendre ses intérêts. Il en a été ainsi notamment de la question des subventions à l'agriculture, particulièrement pour ce qui concerne le coton.
    Ce Canada-là est celui que l'Afrique connaît, fréquente et avec qui elle veut aller de l'avant.

  (1655)  

    C'est pour toutes ces considérations que, sans remettre en cause le droit du Canada en tant que pays souverain de déterminer ses priorités et les politiques qui les accompagnent, nous avons été très émus par les dernières décisions du gouvernement concernant notre continent et qui sonnent pour nous comme les prémisses d'un glas des beaux jours de nos relations privilégiées avec le Canada.
    En évoquant cela, nous pensons: aux fermetures des ambassades dans certains pays africains; à l'établissement des pays prioritaires bénéficiaires de l'aide canadienne; à la réduction des listes de ces mêmes pays; aux chiffres qui nous indiquent une tendance baissière de l'aide canadienne à l'Afrique au profit d'autres régions du monde. En effet, selon quelques sources, comme celle du Conseil canadien pour la coopération internationale, avec la liste des 25 pays de concentration, 70 p. 100 de l'aide bilatérale canadienne allait à l'Afrique. Avec 20 pays, cette proportion devrait tomber à 35 p. 100 après 2010.
    Ces constats nous sont d'autant plus incompréhensibles qu'ils interviennent à un moment où de nouvelles puissances comme le Brésil, la Chine et l'Inde se bousculent à nos portes et y investissent des sommes importantes pour s'y faire de la place.
    Se peut-il que notre ami de toujours ait choisi de laisser la place à d'autres et d'ignorer les nombreuses études, tant des institutions financières internationales que privées, qui concluent toutes au rôle géostratégique important que jouera l'Afrique dans la prochaine décennie avec son milliard cinq cents millions de personnes d'ici 2020, dont 60 p. 100 auront moins de 25 ans? L'honorable Peter MacKay, député et ancien ministre des Affaires étrangères du Canada, ne disait-il pas, et je cite: « Pour ce qui est de savoir si l'Afrique est un défi à long terme, je vous dirai que même si le terrorisme domine dans l'actualité, l'Afrique sera le défi le plus important de ma génération et de celle qui suivra ».
    Pour nous, Africains, le défi de demain, c'est déjà celui d'aujourd'hui. Sur le plan des investissements privés, de nombreuses firmes canadiennes investissent dans plusieurs secteurs en Afrique, dont principalement les mines, et se présentent avantageusement par rapport à la concurrence. Par ailleurs, malgré quelques îlots de difficultés, une meilleure gouvernance se concrétise dans la plupart de nos États avec, notamment, une plus grande démocratisation des régimes et l'organisation d'élections régulières et pluralistes, qui donnent parfois même lieu à des alternances à la tête des pays.
    Des systèmes judiciaires plus autonomes et mieux outillés se mettent en place. Des sociétés civiles se développent et s'expriment. La presse est de plus en plus libre et plurielle. Des mécanismes nouveaux s'instaurent et permettent de renforcer la qualité des gouvernances économique et politique des pays et autorisent l'optimisme et de grands espoirs de développement et de paix pour l'Afrique. Il s'agit notamment: de la Revue des pairs, qui permet une autoévaluation des systèmes de gestion des pays; du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, qui s'attaque à la prévention et au règlement des conflits; de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du droit des affaires, qui assainit le climat des affaires et donne une meilleure sécurité juridique aux investissements; du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique, qui dote l'Afrique d'un programme cohérent de développement.
    Ce sont des progrès importants, en quelques années, pour un continent qui a été longtemps le théâtre de toutes les vicissitudes issues de la guerre froide avec ses conséquences de l'affrontement des blocs Est-Ouest. À ces importants progrès en matière de démocratie et de gouvernance, nous pouvons ajouter les immenses potentialités minérales dont regorge l'Afrique et qui font dire à certains que notre continent est un scandale géologique. En effet, l'Afrique possède d'énormes ressources naturelles, d'immenses gisements d'énergie solaire, un potentiel hydroélectrique qui représente de 30 à 40 p. 100 du total mondial, des réserves en pétrole et en gaz naturel considérables, 97 p. 100 du chrome mondial, 85 p. 100 du platine, de 60 à 80 p. 100 de l'or et du diamant, 64 p. 100 du manganèse, plus de 9 milliards de tonnes de bauxite en haute teneur, d'importantes réserves de phosphate, une faune et une flore abondantes, etc.
    Malheureusement, le tsunami de la crise financière risque d'annihiler tous les efforts faits et d'hypothéquer toutes les opportunités que représentent ces ressources.

  (1700)  

    En effet, alors que le continent avait enclenché un programme de redressement et de réforme quasi générale, réalisant un taux de croissance moyen de 6 p. 100 par année de 2004 à 2008, voilà que la crise importée brisera cet élan et précipitera le taux de croissance autour de 2,8 p. 100 en 2009. Cette réduction de moitié réduit à néant l'amélioration espérée du revenu par habitant, vu la croissance démographique qui est du même ordre.
    Selon une estimation de la Banque mondiale, le nombre de pauvres, c'est-à-dire ceux qui vivent avec l'équivalent de 1,25 $ US ou moins, va augmenter de 2 p. 100 pour atteindre 500 millions de personnes, dont 50 millions en Afrique, avec toutes les conséquences qui en découleront pour les populations africaines. Moins de ressources signifie moins de repas, moins d'enfants à l'école, moins de soins de santé. La crise risque aussi d'emporter avec elle entreprises, mines, emplois et moyens d'existence.
    En Afrique, pas moins qu'ailleurs, le temps presse, et l'adoption de mesures décisives ne peut plus attendre. Les pays riches ont pu mobiliser en un temps record plusieurs centaines de milliards de dollars au profit de leurs citoyens et de leurs entreprises. L'Afrique demande, en tant que victime collatérale de cette crise, qu'une part infime, soit 0,7 p. 100 du PIB mondial, lui soit consacrée.
    Une étude récente de la BAD estime les besoins du continent à un minimum de 106 milliards de dollars US sur deux ans, de 2009 à 2010, juste pour rétablir le rythme précédent de croissance de 6 p. 100. Mais pour véritablement relancer la machine et atteindre les 7 p. 100 de croissance nécessaires à la réalisation des infrastructures de base et à la réduction de moitié de la pauvreté d'ici 2015, il faudrait 247 milliards de dollars US pour la même période de référence. Ça équivaut aux sommes prévues dans le programme de relance mis de l'avant par le président Barack Obama pour les seuls États-Unis. C'est l'équivalent de 10 p. 100 des réserves de change de la Chine. Autant dire que ce n'est pas dans le domaine de l'impossible quand on parle de toute la communauté internationale et quand il s'agit du sort de milliards de personnes.
    C'est pourquoi nous voulons que notre ami de toujours, le Canada, reprenne toute sa place de leader de la conscience sociale du monde qui a tant fait pour sa réputation et sa crédibilité.
    Aussi, nous formulons une série de recommandations, en page 9, qui constituent pour nous une plateforme intéressante de propositions concrètes. Nous souhaitons, de la part des parlementaires que vous êtes, un soutien quant à ces propositions, un examen attentif de celles-ci et une compréhension des autorités et des populations, pour que des actions vigoureuses et urgentes soient entreprises en faveur de l'Afrique. Ces recommandations sont relatives aux questions politiques de la démocratie, de la gouvernance, de la paix et de la sécurité, aux infrastructures, à l'énergie, à l'agriculture, au développement humain, à la formation professionnelle, etc.
    Certes, nous comprenons, comme nous l'avons déjà évoqué, que chaque pays choisit ses politiques en fonction de ses moyens, de ses contraintes propres et de ses priorités. Néanmoins, il est utile de rappeler que le Canada, à l'instar des autres pays développés, a pris l'engagement, au sommet de Copenhague, confirmé par l'Assemblée générale des Nations Unies à l'occasion de l'adoption des Objectifs du Millénaire, de porter sa contribution d'aide publique au développement à 0,7 p. 100 de son PIB et d'oeuvrer pour la réduction de la pauvreté de moitié d'ici 2015.
    Or, malheureusement, les pauvres se trouvent en Afrique. Aujourd'hui, avec 0,32 p. 100 et une 16e place au rang des 22 pays développés (source: OCDE), nous sommes très loin du compte.
    Selon les Nations Unies, les Objectifs du Millénaire visant une réduction de 50 p. 100 de la pauvreté d'ici 2015 ne seront pas atteints tant que les différents bailleurs bilatéraux, dont le Canada, ne respecteront pas leur engagement de consacrer 0,7 p. 100 de leur PIB à l'APD. Les mêmes experts affirment que si le rythme actuel persiste, l'Afrique ne pourra espérer une réduction de moitié de sa pauvreté qu'en 2150, c'est-à-dire dans 130 ans.
    Certes, nous apprécions énormément les efforts importants qui ont été faits par le Canada en matière d'éducation de base et de lutte contre le VIH-sida, la malaria et d'autres pandémies en Afrique, de même que sa contribution en matière de paix et de sécurité.
    Toutefois, aujourd'hui, plus encore qu'hier, nous devons regarder la réalité en face. La prospérité, la paix et la sécurité sont de la même fratrie. Elles se nourrissent mutuellement et grandissent ensemble. Aussi, il est très important d'oeuvrer ensemble dès aujourd'hui avec notre ami de toujours pour éteindre les prémisses de phénomènes comme le transfert de violence et de terrorisme qui apparaissent ici et là en Afrique, plus particulièrement des actes d'enlèvement, de piraterie, etc.

  (1705)  

    Il est illusoire, comme le pensent certains, de considérer qu'on peut séparer la sphère des affaires de celles du développement et de la sécurité. L'une ne va pas sans les autres.
    Pour nous, le choix fait par le Canada en faveur d'autres contrées ne doit pas se faire au détriment de l'Afrique. Malgré tout cela, et forts de l'expression de l'amitié et de la solidarité des Canadiennes et des Canadiens, de celles des nombreuses personnalités du monde politique, de la presse et de la société civile, au nombre desquelles la voix autorisée de l'ancien premier ministre, le très honorable Joe Clark, dans le Globe and Mail, en faveur d'un maintien d'une solidarité préférentielle envers l'Afrique, nous demeurons optimistes et nous sommes confiants que les relations Canada-Afrique peuvent continuer de s'affermir et de se développer de manière mutuellement fructueuse pour relever les défis du développement, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion de la sécurité et de la paix dans le monde.
    Mesdames et messieurs, l'engagement du Canada en faveur de l'Afrique, toujours critique, précieux et ciselé, doit demeurer indéfectible et conforme à ses valeurs plus souvent qu'autrement en convergence avec celles de l'Afrique. C'est pourquoi, tout en prenant acte des nouvelles mesures et du message quelque peu ambigu envoyé à l'Afrique, nous restons confiants et prenons bonne note des assurances données par nos interlocuteurs au ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI.
    Nous ne nions pas l'importance des contributions multilatérales, mais nous pensons que les valeurs profondes du Canada, les potentialités et les enjeux du développement du continent africain militent en faveur d'une stratégie politique africaine spécifique, globale et renouvelée.
    Enfin, mesdames et messieurs les députés, en un mot comme en mille, nous souhaitons voir le Canada reprendre sa place et son leadership en Afrique, dans le cadre d'un partenariat global, dans une perspective de win-win situation, convaincus que nous sommes que le pays de Pearson, Trudeau, Joe Clark, Kim Campbell, Jean Chrétien, Paul Martin, Brian Mulroney et tant d'autres illustres fils et filles du Canada, a toujours su répondre « présent » et positivement chaque fois qu'il s'est agi d'oeuvrer pour un monde meilleur parce que plus solidaire, plus équitable et profitable à tous.
    Je vous remercie. Je m'excuse d'avoir pris un peu trop de temps, mais je pense que l'importance du sujet le commandait.
    Merci de votre attention.

  (1710)  

    Merci beaucoup, madame.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Folco — bienvenue au comité — et à M. Bélanger. Je vous demande tous les deux de poser vos questions très rapidement.
    Monsieur Obhrai, voulez-vous intervenir?
    J'ai l'impression que, lors des élections de 2008, les libéraux se sont un peu perdus. Il y a trop de libéraux parmi nous. Qui représente qui? Nous ne le savons pas.
    Il s'agit de Mme Folco, de M. Bélanger et de M. Pearson.
    Madame Folco, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Les tours de questions seront de cinq minutes, et je vous invite donc à poser votre question, et M. Bélanger pourra ensuite poser la sienne.
    De sorte que les réponses nous soient fournies à la fin?
    Le président: En effet.
    Mme Raymonde Folco: Très bien. Merci beaucoup.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à toutes et tous les ambassadeurs provenant des États de l'Afrique.
    Merci, monsieur le doyen et, en particulier, madame l'ambassadrice du Burkina Faso.
    Mes questions s'adresseront en particulier aux ambassadeurs des pays membres de la Francophonie parce que je suis la porte-parole libérale en ce qui concerne les affaires de la Francophonie internationale. Je commencerai tout de suite.
    Il y a eu plusieurs coupes de la part du gouvernement du Canada. En 2007, il y eu le programme de Leadership pour l'environnement et le développement pour l'Afrique francophone. En 2008, le Fonds canadien pour l'Afrique a subi des coupes importantes dans son fonds. Les dernières coupes de l'ACDI, en Afrique, que le gouvernement du Canada a annoncées récemment touchent en particulier l'aide bilatérale.
    Les questions que je poserais, en particulier peut-être à l'ambassadeur du Niger, du Burkina Faso, du Rwanda et du Bénin, sont les suivantes. Quel est l'impact de ces trois grandes coupes que je viens de nommer dans l'aide multilatérale et institutionnelle, dans vos pays respectifs? Deuxièmement, quels sont les secteurs les plus touchés par ces coupes? Troisièmement, comment envisagez-vous de continuer les programmes déjà lancés, après les échéances qui ont été signées avec le gouvernement du Canada? Quels sont les domaines particulièrement sensibles aux coupes annoncées depuis 1999 par le gouvernement du Canada?
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bélanger.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous mes collègues de leur indulgence. Je n'ai pas de question, mais j'aimerais toutefois faire un commentaire.
    Je viens en tant que membre de l'opposition officielle, mais aussi en tant que coprésident de l'Association parlementaire Canada-Afrique. On a rencontré certains et certaines d'entre vous, Excellences, il y a quelque temps. Je peux vous affirmer deux choses, soit notre intérêt continu pour l'Afrique et notre engagement à continuer à tâcher de convaincre tout gouvernement canadien, quel qu'il soit, de maintenir une grande présence en Afrique et une grande collaboration avec l'Afrique.
    D'autre part, Excellences, je veux vous remercier de la série de recommandations que vous nous présentez aujourd'hui. J'en ai pris bonne note car je les trouve très complètes. Elles serviront certainement de planche de travail à notre association. Merci infiniment.

  (1715)  

    Merci, monsieur Bélanger.

[Traduction]

    Excellences, madame Folco a posé plusieurs questions. Je pense qu'elle les a adressées à plusieurs ambassadeurs différents.
    Souhaitez-vous répondre?

[Français]

    Madame la députée, je vous remercie de votre question. Nous, Africains, ne parlons pas forcément en termes de francophones et d'anglophones parce que, pour nous, l'Afrique est un tout. Cependant, il est important de dire que nous croyons que le Canada est un pays bilingue et que nous pensons que le maintien des équilibres linguistiques entre les zones anglophones et les zones francophones constitue une source de richesse infinie pour nous. En ce sens, en effet, nous avons recommandé dans notre écrit qu'un certain fléchissement puisse peut-être se faire, mais notre véritable souhait ce soir est celui d'une vision plus globale de l'aide à l'Afrique.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci. Y en a-t-il d'autres qui voudraient intervenir?
    Oui, madame.

[Français]

    Je vous remercie de vos questions. Je voudrais appuyer l'ambassadeur du Burkina Faso et parler du cas précis de nos pays. Comme vous le savez, le Canada appuie les efforts de nos pays sur le plan de la résolution des défis auxquels ils sont confrontés, notamment pour les secteurs sociaux essentiels que sont l'éducation, la santé et l'aide humanitaire. Du coup, ces secteurs vont en pâtir. Il en va de même des efforts des ONG qui interviennent dans nos pays et qui bénéficient de l'appui du Canada. Suite à ces réductions, l'appui de ces ONG va également en être affecté, comme tous nos efforts et ceux de nos ressortissants dans ces pays. C'est tout cela. Comme vous le voyez, le manque à gagner est énorme.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous passons maintenant aux autres questions.

[Français]

    Madame Deschamps et madame Lalonde, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les ambassadrices et les ambassadeurs, je vous souhaite la bienvenue. C'est un grand plaisir de vous recevoir. Tout comme M. Bélanger, je fais partie de l'Association parlementaire Canada-Afrique. J'aimerais vous poser deux ou trois petites questions compte tenu du temps qui file.
    J'aimerais valider une chose avec vous. Le secrétaire parlementaire de la ministre de la Coopération internationale, M. Abbott, a déclaré à la Chambre des communes qu'il s'était adressé aux ambassadeurs des pays africains qui ont été rayés de la liste des pays priorisés pour l'aide canadienne. Il a affirmé que ces pays appuyaient la décision de son gouvernement de les retrancher de la liste.
    J'aimerais savoir si le gouvernement canadien vous a contactés pour vous faire part de sa décision, si vous avez été consultés ou si vous ne l'avez appris que par la suite.
    Merci madame. Le nom de mon pays ne figurait pas sur la liste et n'en a donc pas été enlevé. Je peux dire une chose, cependant. Quand on a quelque chose et qu'on vous le reprend, on ne peut pas se contenter de dire qu'on est content qu'on nous retire cela. Cela m'étonnerait, mais je crois savoir ceci. En tant que doyen, j'ai discuté de cette information avec certains de ces ambassadeurs. Ils m'ont dit qu'ils n'ont jamais été consultés. Je crois que le Burkina Faso a été enlevé de la liste; l'ambassadrice peut vous dire si elle a été consultée ou pas.
    Merci, monsieur le doyen.
    Je peux vous assurer, madame la députée, que nous n'avons pas été consultés. Nous n'avons jamais donné notre accord à cela. Nous avons été simplement informés, et si ma mémoire ne me fait pas défaut, la décision avait alors déjà été rendue officielle.
     Merci.

  (1720)  

    D'autres personnes souhaitent-elles ajouter des commentaires?
    Nous avons entendu la ministre dire un peu plus tôt que l'aide internationale fournie par le Canada pour 2010-2011 représentait environ 0,32 p. 100 du PNB canadien. Selon une source de l'OCDE, sur 22 pays donateurs, le Canada est le 16e. À ce rythme, ça devient un peu inquiétant. En effet, des experts affirment que si la pauvreté de l'Afrique n'est pas réduite de moitié et que les pays ne s'engagent pas à atteindre les Objectifs du millénaire en 2015, votre développement sera retardé et vous serez pris dans cet engrenage de la pauvreté pendant encore 130 ans. Est-ce vrai?
    Oui, madame, c'est vrai. Comme l'a dit plus tôt ma collègue du Burkina Faso, nos pays ont eux-mêmes des efforts à faire, mais nous avons besoin de l'aide de nos amis, notamment du Canada. Si le Canada ou d'autres pays ne viennent pas nous aider, il est certain que ça aura un impact très négatif à long terme sur l'Afrique.
    Madame la députée, je voudrais compléter ce que vient de dire le doyen de notre groupe.
    Il y a peu de temps, j'ai assisté à une réunion à Montréal. L'économiste Jeffrey Sachs, que vous connaissez, et d'autres encore, ont suggéré que le Canada, même s'il ne fait pas d'efforts supplémentaires pour augmenter sa contribution, puisse être l'hôte du prochain sommet du G8.
    Nous, en tant qu'amis de l'Afrique, en sommes attristés. Il est très important pour nous que le Canada reprenne son leadership relativement à la conscience sociale du monde. Le Canada était connu des Africains comme un pays de solidarité, qui respecte les droits de la personne et promeut les droits de la femme. C'est de cette façon que nous avons connu et que nous aimons le Canada. Nous sommes les amis du Canada. Nous voudrions dire à notre ami de revenir en Afrique et d'intervenir dans les forums internationaux, pour toutes ces considérations.
    Merci.
    En terminant, j'aimerais que vous me donniez des exemples concrets de projets qui ont été coupés, chez vous. Je voudrais que vous me disiez quel impact ça a eu dans les pays qui ont été retirés de la liste.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Si les témoins veulent incorporer cela dans leur réponse à une autre question…
    D'ailleurs, je devrais peut-être préciser que, si vous estimez que vous n'avez pas eu suffisamment de temps pour répondre à certaines questions, vous pouvez toujours nous faire parvenir vos réponses par écrit.
    Monsieur Abbott, vous avez la parole.
    Excellences, merci infiniment de votre présence parmi nous aujourd'hui.
    Je dois dire que ce rapport me déçoit beaucoup. Selon moi, il repose sur des renseignements erronés qu'on vous a fournis.
    Je lis ce que vous dites à la page 4, à savoir que les « chiffres… indiquent une tendance baissière de l'APC à l'Afrique au profit d'autres régions du monde ».
    Il semble que, quelle qu'ait été votre source d'information, on a évité de vous dire que, en réalité, l'aide consentie à l'Afrique par le Canada a doublé au cours des trois dernières années, pour atteindre 2,1 milliards de dollars. Étant donné que le montant d'aide a doublé et que nous avons fait preuve de leadership, en doublant le montant de cette aide non pas au moment prévu, mais un an auparavant — un an avant tous les autres pays — je trouve bien regrettable que vous puissiez écrire ceci: « Se peut-il que notre ami de toujours ait choisi de laisser la place à d'autres…? »
    Le fait est que notre premier ministre et notre gouvernement ont fait preuve du genre de leadership auquel on peut s'attendre de la communauté internationale, puisque nous sommes prêts à respecter nos engagements et à doubler le montant de l'aide que nous fournissons. Donc, les renseignements qu'on vous a fournis sont, de toute évidence, erronés.
    Quand vous dites que le Canada doit reprendre sa place et son leadership en Afrique dans le cadre d'un partenariat renouvelé, où tout le monde trouve son compte, encore une fois, je suis assez surpris que vous n'ayez pas tenu compte du fait que le montant de notre aide a doublé. Nous n'avons pas assez de temps pour aborder la question des pays qui sont ciblés mais, s'agissant de l'Afrique… sur les 4,3 milliards de dollars que l'ACDI verse aux pays du monde, 2,1 milliards de dollars profitent à l'Afrique. Je trouve donc que votre caractérisation du gouvernement et de la population canadienne est fort malheureuse. Je sais qu'elle doit être le résultat de renseignements inexacts que vous avez reçus.
    S'agissant des représentants de diverses nations africaines à qui j'ai parlé — j'essaie de retrouver ma liste… Il y a des gens autour de cette table à qui j'ai déjà parlé. Je ne pense pas me tromper en disant que j'ai eu des discussions avec les responsables de sept ou huit nations différentes; je leur ai communiqué la décision prise par le gouvernement du Canada. Je sais que vous tous, en tant qu'ambassadeurs, respectez le fait qu'un pays a parfaitement le droit de prendre les décisions qui lui semblent appropriées. Mais, la porte de mon bureau et celle de mon ministre sont toujours ouvertes, si vous souhaitez tenir d'autres discussions avec nous, afin que vous compreniez mieux ce que nous essayons de faire dans les pays de concentration.
    Vous avez été très directs avec nous, et je respecte votre position. J'espère que vous respecterez également le fait que j'ai été direct avec vous.
    Merci.

  (1725)  

    Merci, monsieur Abbott.
    J'invite celui ou celle qui voudrait répondre à le faire maintenant.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Le Congo n'a jamais été inscrit sur quelque liste que ce soit.
    Je voulais mettre l'accent sur la violence sexuelle faite aux femmes et aux enfants. Le Congo pense que le Canada doit assumer le leadership et mobiliser les pays occidentaux les plus puissants pour arrêter une fois pour toutes, pour faire cesser le pillage de nos ressources naturelles qui est à la base de toutes ces violences auxquelles est soumis le peuple congolais, en particulier la violence sexuelle faite aux femmes et aux enfants.
    Monsieur le président, nous ferons des réunions et des réunions. L'ACDI pourra envoyer son personnel au Congo, en ce qui concerne ce qui se passe dans les deux Kivu, mais je crois que si le Canada, qui est très écouté aux Nations-Unies, ne nous aide pas à mettre fin à cette guerre, toutes ces atrocités et les violences sexuelles vont continuer. Je voulais également souligner que pour ce qui est de l'argent que l'ACDI envoie au Congo par l'entremise des ONG, ces femmes n'en profitent pas.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Nous allons maintenant entendre la question de M. Dewar, parce que le temps imparti pour l'autre question est écoulé. Mais, si vous voulez répondre de nouveau, vous pourrez le faire.
    Vous avez la parole, monsieur Dewar.
    Je voudrais justement reprendre l'élément que l'ambassadrice vient de nous expliquer. D'autres questions sont également sur la table, et je ne pense pas que ce soit utile que le gouvernement nie d'avoir modifié sa politique vis-à-vis de l'Afrique. On aura beau passer la journée à parler de chiffres, mais il est clair que la priorité actuelle n'est pas l'Afrique. La ministre expliquait tout cela tout à l'heure, et je l'ai crue.
    Je voudrais poser la question que voici à Son Excellence, la ministre du Congo, car j'arrive justement de son pays. Elle a soulevé un point important, et j'ai interrogé la ministre à ce sujet. Je trouvais préoccupant que nous pensions que tout se fait dans un sens, à savoir que, comme nous donnons de l'argent à l'Afrique, il faut qu'on voit des résultats concrets. Le fait est que nous profitons beaucoup de l'Afrique. Elle a mentionné l'industrie minière et ses préoccupations — que d'autres peuvent partager — au sujet de la conduite de certaines sociétés minières canadiennes dans la région et des avantages de cette activité pour la population de la région. En d'autres termes, il n'y a pas que l'aide qui compte — même si elle est bien importante — il y a aussi la question du développement économique. Il s'agit de savoir comment le Canada peut améliorer ses opérations dans son pays de façon à ce que cette activité profite à la population et permette, évidemment, de régler l'horrible problème de la violence sexuelle qui existe actuellement.
    Votre Excellence, j'aimerais que vous nous disiez ce que le Canada peut faire, d'après vous, pour améliorer ses activités dans le secteur minier et dans les industries primaires du Congo. S'il reste du temps, j'invite les autres ambassadeurs à répondre également.

  (1730)  

[Français]

    Monsieur Dewar, on nous dit qu'il n'y a pas beaucoup de temps, et pourtant, c'est très important.
    Je crois avoir dit plus tôt que le Canada devait prendre le leadership et se mettre en contact avec les autres pays les plus puissants. Il faut que ceux ayant des exploitations au Congo fonctionnent de façon légale. Je parle avec le coeur. Le fait que les minerais soient exploités illégalement au Congo est un grave problème. En fait, ce sont ces minerais qui nous amènent la guerre, les atrocités et la violence sexuelle faite aux femmes.
    On aura beau organiser des réunions et des réunions, des forums et des forums, comme je l'ai déjà dit, l'ACDI pourra envoyer son personnel là-bas, mais si le Canada, qui est très écouté aux Nations Unies, ne nous aide pas à mettre fin à cette guerre, le problème va continuer.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je voudrais continuer pendant encore deux ou trois minutes jusqu'à ce que la sonnerie d'appel se fasse entendre, mais il va me falloir une motion.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Je vous invite donc à continuer. Allez-y, madame.

[Français]

    Une question très importante a été posée concernant les chiffres. Je me dois d'intervenir parce que c'est très important pour nous.
    Lorsqu'on étudie ce genre de dossier et qu'on fait des recherches, on a recours à des sources. Je ne comprends pas très bien l'anglais, mais je sais qu'on a dit en français qu'en passant de 25 à 20 pays sur la liste d'ici 2010, l'aide bilatérale passerait de 70 p. 100 à 35 p. 100.
    Je ne sais pas. J'ai demandé à d'autres de traduire les documents. L'honorable député a dit que sa porte était ouverte, et j'en prends bonne note. Il peut me faire confiance: je vais me présenter devant lui jusqu'à ce qu'il me chasse, parce que le développement de l'Afrique, c'est très important pour moi, de même que pour mes collègues. Nous sommes au Canada dans ce but. J'irai souvent dans son bureau. Je le remercie de sa disponibilité, mais voilà, c'est ce que veulent dire les chiffres.

[Traduction]

    Merci, madame. Il a hâte de vous accueillir.
    Oui, monsieur l'ambassadeur.

[Français]

    Je voudrais orienter cette discussion vers le volet qui est avant tout la raison de notre présence ici aujourd'hui, c'est-à-dire le partenariat avec l'Afrique. L'Afrique s'intègre, se construit et se développe énormément. Je crois que l'aide au développement n'est pas le seul élément sur lequel nous concentrons nos efforts aujourd'hui. Ce n'est pas l'objet de notre réunion.
    Nous proposons le développement à nos amis canadiens parce que sans le développement économique et social de l'Afrique, l'aide au développement restera toujours un problème. Comme on l'a dit déjà, la pauvreté va alors demeurer pendant plus d'un siècle. Notre appel est vraiment dans le but d'établir un partenariat. Les autres partenaires, notamment la Chine, l'Inde, et l'Union européenne, l'ont compris.
    En 2007, on a tenu un important sommet à Lisbonne au cours duquel l'Afrique et l'Union européenne ont établi les jalons du nouveau partenariat entre l'Europe et l'Afrique. Nous avons établi la base d'un partenariat important et bénéfique entre le Japon et l'Afrique. Nous interpellons aujourd'hui le Canada pour qu'il se positionne à cet égard. Nous ne voulons pas qu'il réduise sa présence en Afrique à un point tel que nous nous demandions un jour où est passé le Canada. Nous ne souhaitons pas en arriver là. Nous sommes des ambassadeurs accrédités, ici à Ottawa. Nous défendons le Canada et les intérêts canadiens dans nos pays, sur notre continent, mais nous défendons aussi nos intérêts. Nous souhaitons qu'un partenariat multisectoriel et global, d'égal à égal, soit établi dans le cadre d'une conférence au sommet entre l'Afrique et le Canada. Nous pouvons nous réunir chaque année, tous les deux ans ou à la fréquence que vous voulez, mais nous voulons, à l'échelle politique, économique, sociale et culturelle, discuter avec les Canadiens et étudier cet important partenariat qui nous élèvera au niveau que nous souhaitons atteindre.
    J'ai assisté, hier à Toronto, à une conférence des Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Cette importante conférence se tient chaque année dans le but d'évaluer les relations économiques et commerciales du Canada. Ce que je perçois correspond à l'impression que nous avons ici comme groupe africain, à savoir qu'aussi bien sur le plan politique qu'économique, l'Afrique ne figure pas sur les radars du Canada. Dans la politique canadienne, rien ne porte sur l'Afrique.
    Hier, je suis intervenu auprès des entrepreneurs et des hommes d'affaires canadiens qui débattaient de leurs problèmes avec les États-Unis. Le thème de la conférence était Buy American. Les Canadiens, bien sûr, discutaient et examinaient le problème des relations économiques avec les États-Unis. Je leur ai dit que nous avions le même problème avec le Canada et que nous voulions en discuter, comme ils étaient en train de le faire au sujet des États-Unis. Nous voulons réellement que notre partenaire canadien puisse saisir les occasions qu'offre l'Afrique. L'Afrique est vraiment un continent d'espoir et d'avenir. Le Canada a beaucoup de crédit, de moyens, de possibilités. Pourquoi ne pas se développer et accomplir d'importants progrès ensemble?
    Il s'agit donc vraiment d'un appel. Nous ne sommes pas ici pour critiquer le gouvernement ou toute autre entité canadienne. Nous invitons tous les Canadiens, toutes les forces politiques et économiques du Canada, à établir un partenariat avec l'Afrique. Je parle ici de l'Afrique en entier puisqu'il y a l'Afrique qui se développe, celle qui a besoin d'aide, et l'Afrique émergente. Certains pays comme la Tunisie, qui est un pays émergent, méritent l'appui du Canada. Je voulais transmettre ce message, qui va au-delà de l'aide au développement.
    Je vous remercie, monsieur le président.

  (1735)  

[Traduction]

    Merci.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Monsieur le président, avant de partir, pourrait-on adopter rapidement une motion disant que dans le cadre d'une prochaine réunion, nous allons étudier cette question? Si tout le monde est d'accord, nous allons pouvoir le faire.

[Traduction]

    Si vous voulez déposer une motion, vous pouvez le faire, mais pas tout de suite, à moins que les membres ne donnent leur consentement unanime, et je ne pense pas que ce soit le cas.
     Je voudrais permettre à l'ambassadeur du Bénin d'intervenir rapidement.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais vous remercier et faire une proposition. Manifestement, le temps dont nous avons disposé aujourd'hui ne nous a pas permis de nous exprimer et de dire de façon plus éloquente ce pourquoi nous sommes venus ici.
    Je suis au Canada depuis un an et demi à titre d'ambassadeur. C'est la première fois que nous avons l'occasion de vous rencontrer. Vous constituez la représentation nationale du peuple canadien. En tant que représentants de nos pays, c'est à vous que nous pouvons exprimer les préoccupations de nos peuples. Ne pourrions-nous pas trouver un mécanisme par lequel nous pourrions nous rencontrer plus fréquemment pour discuter et faire passer le message que nous souhaitons transmettre, par votre entremise, au gouvernement fédéral du Canada?
    Je voudrais également répondre à une question qui a été soulevée. Nous respectons la souveraineté du Canada. Le Canada est souverain dans toutes ses décisions. Notre propos n'est pas de venir ici critiquer une décision qui a été prise, mais de vous dire que nous sommes vos partenaires. Nous souhaitons toujours faire partie de l'ordre du jour du Canada. L'Afrique est avec le Canada, mais il faudrait que le Canada donne des signaux forts pour que l'on sache qu'il est également de notre côté.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Je voudrais faire le commentaire que voici: je sais que plusieurs membres du comité font comme moi; je rencontre deux ou trois fois par semaine différents ambassadeurs, et je vous encourage à faire de même. On dirait que plusieurs personnes voudront rencontrer M. Abbott. Je vous encourage à le faire. Et, nous avons hâte de vous rencontrer de nouveau à l'avenir.
    Malheureusement, la sonnerie d'appel nous indique que nous devons maintenant aller voter, et nous devrons donc vous quitter pour nous rendre à la Chambre des communes.
    Merci infiniment de votre présence. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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