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LANG Rapport du Comité

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L’impact des retards d'approbation et de dÉcaissement sur les organismes bÉnÉficiaires du ministÈre
de Patrimoine canadien

INTRODUCTION

Ce que l’on appelait traditionnellement les « ententes Canada-communautés » sont un ensemble d’accords de collaboration entre le ministère du Patrimoine canadien et environ 350 organismes communautaires qui se consacrent à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ces accords représentent un investissement annuel d’environ 30 millions de dollars[1]. Ils découlent du principe que les organismes communautaires sont souvent les mieux placés pour livrer sur le terrain les programmes et les services par lesquels le gouvernement fédéral entend respecter son engagement à favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les ententes ont été bonifiées pour la période allant de 2005-2006 à 2008-2009.

L’évaluation qu’a faite le ministère du Patrimoine canadien de ses programmes d’appui aux langues officielles décrit bien ces accords :

Dans chaque province et territoire, un organisme porte-parole représentant le mouvement associatif a négocié et signé son accord de collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien. […] Chaque organisme bénéficiaire détermine les activités qu’il compte entreprendre avec le financement que le ministère du Patrimoine canadien lui offre. Pour les guider dans cette démarche, chaque CLOSM a développé un « plan de développement global ». D’envergure provinciale ou territoriale, ces plans de développement globaux permettent à chaque mouvement associatif des CLOSM de décrire ses domaines d’interventions et ses pistes d’action jugées prioritaires[2].

Le gouvernement avait annoncé son intention de réviser et de renouveler les accords de collaboration au printemps de 2009[3]. Selon les représentants du ministère du Patrimoine canadien, ce processus a été complété mais, en date du 9 novembre 2009, les accords 2009-2010 ne sont toujours pas affichés sur le site Internet du ministère. On y retrouve toutefois le calendrier pour la soumission des demandes de financement pour l’année financière 2010-2011[4].

Le soutien du gouvernement fédéral aux organismes a été étudié à plusieurs reprises par le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes (le Comité). À chaque fois, l’un des principaux irritants pour les organismes était les retards importants dans l’approbation des demandes et le paiement des montants approuvés. Le problème n’est pas nouveau, mais semble s’être aggravé pour l’année financière 2009-2010. Le Comité a donc choisi de se pencher de manière plus précise sur cet élément particulier.

Le constat principal du Comité, qui est traité en détail dans ce rapport, est que les retards dans l’approbation des demandes et dans le paiement des sommes autorisées sont graves et menacent directement la capacité des organismes communautaires à accomplir leur mission. Ces retards amplifient la lourdeur administrative des ententes dans un contexte où les organismes doivent gérer le taux très élevé de rotation du personnel et l’essoufflement des bénévoles.

Ce constat reprend et renforce la conclusion presque identique à laquelle était arrivé le Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation de Patrimoine canadien qui écrivait dans son évaluation de février 2009 :

Les délais d’approbation de plusieurs projets demeurent suffisamment importants pour qu’ils aient un impact négatif sur la capacité de certains groupes de pouvoir les mettre en œuvre comme prévu initialement. La reddition de comptes exigée des groupes bénéficiaires soulève aussi des défis importants, surtout en ce qui a trait à la fréquence à laquelle les rapports doivent être soumis[5].

Les conclusions de cette évaluation démontrent que les problèmes ne datent pas de 2009 puisqu’elles s’appliquent à la période s’étalant de 2003 au printemps de 2008. Plusieurs facteurs circonstanciels ont toutefois pu aggraver le problème pour les demandes couvrant l’année financière 2009-2010, soit la demande de renouvellement de l’ensemble des programmes d’appui aux langues officielles de Patrimoine canadien auprès du Conseil du Trésor, de même que l’échéance des ententes pluriannuelles qui est venue augmenter le nombre de demandes à traiter pour une seule année.

Malgré la gravité des constats, les membres ont accueilli favorablement les mesures présentées par le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles pour accélérer le processus et faciliter l’administration des demandes. Le Comité sera heureux de pouvoir en vérifier les résultats dès avril 2010.

Le Comité a tenu quatre réunions à ce sujet et a entendu les organismes porte-parole des communautés, soit la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada et le Quebec Community Groups Network, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, ainsi que les fonctionnaires chargés de la gestion des programmes d’appui aux langues officielles. Les membres souhaitent les remercier sincèrement de leur participation aux travaux du Comité.

1. LES RAPPORTS DE MAI 2007 ET DE JUIN 2008

Dans le cadre de son rapport de mai 2007 sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, le Comité avait abordé les accords de collaboration dans le contexte plus large du rôle des organismes communautaires dans le soutien à la vitalité des communautés. Plusieurs inquiétudes avaient alors été soulevées face au manque de ressources dont souffraient plusieurs organismes, particulièrement en raison du « saupoudrage » trop étendu des ressources de chaque enveloppe provinciale ou territoriale qui ne permettait pas aux organismes bénéficiaires d’accomplir leur travail adéquatement. La lourdeur administrative des ententes constituait également un problème important. Toutefois, la plus importante source de frustrations était déjà le retard dans l’approbation des demandes ainsi que l’arrivée tardive des fonds une fois les demandes approuvées.

Le Comité était revenu sur cette question dans le cadre d’un rapport déposé en juin 2008[6] et avait abordé trois grands thèmes :

  • Le niveau de financement des organismes;
  • L’administration des ententes; et
  • La gouvernance des accords de collaboration, en particulier le partenariat entre les communautés, les organismes qui les représentent et le ministère du Patrimoine canadien.

Le rapport contenait dix recommandations auxquelles le gouvernement n’a pas pu répondre à l’intérieur du délai de 120 jours prévu dans le Règlement de la Chambre des communes puisque le Parlement a été dissout avant l’expiration de ce délai. Cinq de ces recommandations touchaient les questions particulières abordées dans le cadre du présent rapport :

Recommandation 2 :

Que le gouvernement du Canada favorise le financement pluriannuel sur une base de cinq ans et évalue la possibilité d’accélérer davantage l’allocation des fonds.

Recommandation 4 :

Que Patrimoine canadien, en collaboration avec les organismes communautaires, revoit les mesures de reddition de compte pour les alléger afin de ne pas entraver la capacité des organismes communautaires d’accomplir leur mandat de développement tout en garantissant une reddition de compte suffisante.

Recommandation 5 :

Que le ministère du Patrimoine canadien évalue la possibilité d’élaborer en collaboration avec les organismes communautaires, une liste d’indicateurs de rendement afin de faciliter une reddition de compte davantage axée sur les résultats.

Recommandation 6 :

Que Patrimoine canadien s’engage à livrer les réponses de financement selon la date prévue.

Recommandation 7 :

Que Patrimoine canadien s’engage à livrer les fonds dans les trente jours suivant la date de la réponse de financement et dans l’éventualité où les fonds ne seraient pas versés dans les délais impartis, le ministère serait tenu de rembourser les frais d’intérêts encourus en raison du retard.

En regard de ces recommandations auxquelles le gouvernement n’a pas pu répondre, le présent rapport peut être considéré comme un rapport de suivi qui s’appuie sur les constats des dernières années et les complémente par les informations portant plus particulièrement sur les demandes soumises par les organismes pour l’année financière 2009-2010.

À la lumière des témoignages présentés devant le Comité, il est possible d’établir qu’il existe au fond un seul problème principal : les organismes apprennent beaucoup trop tard si leur demande de financement a été acceptée. Évidemment, de nombreuses conséquences en découlent, tant sur le plan de la planification que de la livraison des projets. Il existe un autre problème important : les retards dans l’émission des chèques une fois que le financement a été approuvé. Ce problème est sérieux et a des conséquences notables sur les organismes, mais il serait tolérable si ses conséquences n’étaient pas amplifiées par le fait que les organismes ont été presque paralysés durant les premiers mois de l’année financière en attendant la réponse à leur demande de financement, et si les frais d’intérêt encourus à cause du retard étaient considérées comme des dépenses remboursables admissibles.

Il faut bien sûr reconnaître à leur juste valeur les efforts faits par le ministère du Patrimoine canadien pour trouver des solutions, de même que les circonstances particulières qui ont affecté le traitement des demandes pour l’année financière 2009-2010. Il demeure que la mesure de ces efforts sera la date à laquelle les organismes auront reçu la réponse à leur demande de financement pour l’année 2010-2011.

2. DÉLAIS DANS LE TRAITEMENT DES DEMANDES

2.1. Constats présentés par les organismes

Lors de la réunion du 16 juin 2009, les membres du Comité avaient demandé aux organisations porte-parole des communautés de langue officielle en situation minoritaire de consulter leurs membres afin de documenter l’ampleur du problème touchant le processus de traitement des demandes et les retards de paiement des montants approuvés. Les organismes sont revenus présenter le résultat de leurs recherches au mois d’octobre 2009. Les principaux constats se sont avérés troublants :

  • En juin 2009, 75 p. 100 des organismes porte-parole provinciaux et territoriaux francophones attendaient toujours une confirmation du montant de leur financement de programmation pour l’année financière qui s’étale du 1er avril 2009 au 31 mars 2010.
  • Pour les organismes représentant les anglophones du Québec, 17 p. 100 des organismes n’avaient toujours pas reçu de lettre d’approbation à la fin de septembre 2009.

Il faut savoir d’abord qu’il existe deux types de demandes :

  • Celles pour le financement de programmation, qui soutient les activités courantes des organisations et leur permet de maintenir une capacité d’opération suffisante à la mise en œuvre de projets,
  • Celles pour le financement de projets qui s’applique à des activités ayant un début et une fin et poursuivant des objectifs dont l’atteinte est mesurable.

Les demandes pour la programmation, c’est-à-dire pour le fonctionnement de base des organisations, sont habituellement soumises en novembre, alors que les demandes pour les projets sont habituellement soumises en décembre. Le calendrier de soumissions varie cependant d’une province ou d’un territoire à l’autre. Dans la grande majorité des cas, le financement demandé ne dépasse pas un an, et les activités doivent se dérouler à l’intérieur de l’année financière du gouvernement, c’est-à-dire entre le 1er avril et le 31 mars. De plus, la confirmation du financement de programmation doit être préalable à celle du financement de projets puisque les organismes doivent pouvoir garantir leur fonctionnement de base avant de se lancer dans des projets.

La situation des organismes anglophones du Québec paraît incohérente puisque les demandes de projet doivent être présentées avant les demandes de programmation. En effet, sur le calendrier des dates de tombée publié sur le site du ministère du Patrimoine canadien, il est indiqué que les demandes de financement de programmation pour l’année financière 2010-2011 doivent être présentées au plus tard le 12 novembre 2009, alors que la date de tombée des demandes de financement de projet est le 16 octobre 2009.

C’est donc dire que les trois quarts des organismes porte-parole provinciaux et territoriaux francophones n’avaient pas encore reçu de réponse à leur demande de financement de programmation alors que le quart de l’année financière était déjà écoulée. Quant aux organismes anglophones, presque un sur cinq n’avait pas encore reçu de réponse pour 2009-2010 alors que la date de tombée des demandes pour 2010-2011 était déjà passée.

Les circonstances passagères d’une année financière plus chargée qu’à l’habitude ne suffisent pas à expliquer l’envergure du problème. Pour les organismes, les conséquences de ces délais sont aussi évidentes que considérables.

Les organismes doivent réaliser en cinq ou six mois des projets qui devaient s’étaler sur un an. Au moment où les organismes reçoivent la confirmation de leur financement, à la fin de l’été ou au début de septembre, ils doivent mettre les bouchées doubles pour rattraper les mois perdus, et en même temps préparer les demandes de financement pour l’année suivante alors que les projets de l’année courante n’ont pas encore démarré. Les projets ne peuvent pas être planifiés avec rigueur, et donc l’atteinte des résultats en souffre. Les résultats étant plus difficiles à atteindre, les organismes risquent de perdre de la crédibilité quant à leur capacité de livrer efficacement les projets. Ils perdent également de la crédibilité face à leurs créanciers, propriétaires et fournisseurs puisqu’ils peuvent difficilement les rassurer s’ils ne savent pas eux-mêmes s’ils obtiendront le financement souhaité. Dans certains cas, les offres de financement sont carrément refusées par les organismes parce que la réponse est venue trop tard et que les résultats ne pourront pas être atteints. Ultimement, face à cette difficulté d’atteindre les résultats visés par les projets, c’est le gouvernement fédéral lui-même qui nuit à son propre engagement envers le développement des communautés.

Il y a également des conséquences évidentes sur les employés des organismes. Le taux de roulement des employés atteint entre 30 et 40 p. 100 par année dans les organismes communautaires. Il est très difficile de retenir des employés si les organismes ne savent pas s’ils obtiendront leur financement et s’ils seront en mesure de les payer toute l’année. Par conséquent, les organismes attendent avant de pourvoir les postes clés dans l’organisation jusqu’à ce que le financement soit confirmé. Ce problème est également soulevé dans l’évaluation qu’a faite Patrimoine canadien de ses programmes d’appui aux langues officielles :

[Les] organismes ont un niveau limité de financement pour assumer un mandat qui lui, continue de s’élargir. Cette dynamique mène inévitablement vers un essoufflement, voire un épuisement, du réseau associatif des CLOSM. Plusieurs organismes, particulièrement aux plans provincial, territorial et local, tentent de recruter des employés pour effectuer des fonctions accaparantes (déplacements, réunions en soirées et en fin de semaine, etc.) assorties de conditions salariales qui se comparent difficilement aux secteurs gouvernemental ou privé (niveau de salaire moindre, absence d’avantages sociaux, etc.)[7].

Finalement, il y a des conséquences sur la capacité des organismes à obtenir du crédit. Tant que les organismes n’ont pas entre les mains une lettre du gouvernement fédéral qui indique clairement les montants qui seront versés, il leur est impossible de contracter une marge de crédit qui leur permettrait de poursuivre leurs activités en attendant le premier paiement. Si les organismes sont incapables d’obtenir une simple marge de crédit, il leur est d’autant plus difficile de diversifier leurs sources de financement.

Ces problèmes perdurent depuis de nombreuses années comme l’a soulevé la plus récente évaluation faite par Patrimoine canadien de ses programmes d’appui aux langues officielles :

Ce problème, soulevé lors de l’évaluation de 2003, demeure. Les délais d’approbation de plusieurs projets demeurent suffisamment importants […] pour qu’ils aient un impact négatif sur la capacité de certains groupes de pouvoir les mettre en œuvre comme prévu initialement. En effet, la principale suggestion des organismes bénéficiaires afin d’améliorer le financement de programmation autant que de projets donnés consiste à accélérer le processus d’approbation[8].

Les problèmes semblent toutefois s’être accentués en 2009. Les raisons fournies par les représentants du ministère du Patrimoine canadien pour expliquer les difficultés particulières de cette année sont de deux ordres :

  • Le ministère du Patrimoine canadien a procédé au renouvellement de l’ensemble de ses programmes d’appui aux langues officielles au printemps de 2009 et n’a pu ni approuver les demandes, ni payer les montants dus tant que le Conseil du Trésor n’avait pas autorisé le renouvellement des programmes.
  • Les ententes pluriannuelles venaient à échéance en même temps que le renouvellement des programmes, ce qui fait qu’aux retards liés au renouvellement s’ajoutait le volume plus élevé de demandes comparativement aux années où seules les ententes annuelles devaient être traitées.

Les membres du Comité sont tout à fait sensibles aux difficultés qui ont pu se présenter au cours de la dernière année. Cependant, ces difficultés auraient dû se traduire par quelques semaines de retard tout au plus et non des mois comme cela semble être devenu la norme. De plus, les difficultés particulières de 2009 étaient prévisibles depuis longtemps puisque l’échéance du renouvellement des programmes est inscrite dans les accords eux-mêmes. On la retrouve par exemple dans l’accord signé avec la communauté fransaskoise : « Pour la fin du cycle en 2008-2009, le ministère du Patrimoine canadien doit fournir au Conseil du Trésor une évaluation sommative du programme Développement des communautés de langue officielle[9]. » Cette évaluation a été publiée en février 2009, et on y indique que le ministère du Patrimoine canadien est en négociation avec les communautés depuis plusieurs mois dans le processus de renouvellement des accords de collaboration qui doit s’achever en mars 2009. Il n’y aurait donc pas dû y avoir de surprise.

En supposant que ces circonstances particulières seront absentes lors du traitement des demandes pour l’année financière 2010-2011, on pourra s’attendre à une amélioration de quelques semaines, mais le problème principal demeurera entier puisque les retards se calculeront toujours en mois.

Si un changement radical dans le traitement des demandes n’est pas mis en place et si l’accélération de ce traitement n’est pas envisagée comme une priorité, il y a fort à parier que les organismes reviendront devant le Comité l’année prochaine avec des récriminations semblables. Avant d’émettre des recommandations sur les moyens les plus susceptibles d’améliorer ce processus, il est important de clarifier l’objectif qui devrait être poursuivi et qui paraît d’une simplicité déconcertante : donner aux organismes une réponse quant à leur financement avant la date du début des activités visées par ce financement. Cet objectif devrait guider tout le reste et inspire les trois premières recommandations du présent rapport. Le Comité recommande :

Recommandation 1

Que le ministère du Patrimoine canadien prenne les moyens nécessaires pour que les organismes voués au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire reçoivent la réponse à leur demande de financement de programmation avant le début des activités visées par cette demande.

Recommandation 2

Que le ministère du Patrimoine canadien prenne les moyens nécessaires pour que les organismes voués au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire reçoivent la réponse à leur demande de financement de projet au moins six semaines avant le début des activités visées par cette demande.

Recommandation 3

Que le ministère du Patrimoine canadien simplifie le processus administratif d’analyse et d’approbation des demandes de financement afin de réduire les impacts négatifs des délais de traitement sur les organismes.

Un autre problème général touche le manque de communication entre le Ministère et les organismes à propos de l’étape à laquelle est rendu le traitement du dossier. Plusieurs témoins ont confirmé que les fonctionnaires n’étaient pas en mesure de fournir ces informations. Lors de sa comparution, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles a clairement indiqué que cette information devrait être accessible aux organismes de la même manière que lorsqu’on utilise un service de messagerie. Des changements sont donc à espérer à partir du moment où les dossiers pour l’année financière 2010-2011 seront traités. Pour appuyer cet engagement, le Comité recommande :

Recommandation 4

Que le ministère du Patrimoine canadien puisse communiquer aux organismes demandeurs l’information sur l’étape à laquelle est rendu le traitement de leur dossier ainsi que leur fournir la date approximative à laquelle une décision sera rendue.

Les membres du Comité sont conscients que la situation ne deviendra pas idéale en quelques mois. Il faudra sans doute tester diverses solutions avant que le problème soit réglé de manière définitive. Les progrès qui seront accomplis continueront toutefois d’être mesurés à partir de cette recommandation. Les délais de traitement des demandes pour l’année financière 2010-2011 seront un premier test important.

2.2. Pistes de solutions

Diverses solutions ont été proposées par les témoins afin d’accélérer le traitement des demandes. Certaines semblent très prometteuses et ont déjà été mises en place par le ministère du Patrimoine canadien. Nous les passerons ici rapidement en revue.

2.2.1. Accélérer l’approbation ministérielle

Du côté des organismes, l’une des principales sources de délai évoquées par les témoins est que toutes les demandes de financement doivent être approuvées par le cabinet du ministre. Les organismes sont tout à fait d’accord pour que toutes les vérifications nécessaires soient faites afin d’assurer que les fonds publics sont dépensés avec sagesse et responsabilité. Ils déplorent toutefois le fait que les organismes qui ont une longue expérience de partenariat avec le ministère du Patrimoine canadien voient leur demande traitée de la même manière que celle d’un nouvel organisme avec qui le ministère n’a pas encore développé de relation de confiance. Le risque de mauvais usage des fonds publics est minime avec une organisation bien implantée dans sa communauté et qui a fait la démonstration de sa responsabilité. Cela est particulièrement vrai pour les demandes touchant le financement de programmation. C’est pourquoi le Comité recommande :

Recommandation 5

Que le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles délègue aux directeurs des programmes concernés la responsabilité d’approuver les demandes de financement de programmation provenant d’organismes ayant fait la démonstration de leur saine gestion.

2.2.2. Financement pluriannuel

Depuis l’année financière 2006-2007, le ministère du Patrimoine canadien encourage les organismes à lui soumettre des demandes de financement pluriannuel. Cette procédure facilite grandement la gestion des accords de contribution et permet d’éviter l’étape de l’approbation des demandes chaque année. Si les rapports d’activités sont conformes aux termes de l’accord, ces organismes recevront leur argent plus vite et auront moins de rapports à remplir.

Les membres du Comité souhaitent évidemment encourager cette pratique, qui semble bien accueillie à la fois par les organismes et par le ministère. Elle ne constitue cependant pas une panacée puisque les délais ne se sont pas raccourcis depuis 2006-2007. Il est possible que l’avantage principal de ce type de financement soit qu’il allège le fardeau administratif sans que ses conséquences sur les retards de traitement des demandes soient significatives.

Deux inquiétudes doivent être soulevées face au financement pluriannuel. D’abord, il semble que peu d’organismes s’en soient prévalus. Il faudra voir si cela était dû à la nouveauté de la mesure ou si d’autres raisons font que les organismes hésitent à s’en prévaloir. Le renouvellement du programme en 2009 devrait normalement déboucher sur un plus grand nombre de demandes de financement pluriannuel à partir de 2010-2011 et, petit à petit, entraîner une diminution du nombre de nouvelles demandes à traiter chaque année, et donc à une diminution des délais.

L’autre inquiétude face au financement pluriannuel vient du fait que les représentants du ministère du Patrimoine canadien l’ont mentionné comme une des deux raisons expliquant les délais plus longs en 2009. Si le financement pluriannuel accélère le processus durant les années où il y a peu de renouvellement, mais cause un engorgement lorsque les ententes viennent à échéance, rien n’aura été gagné au total.

Le Comité recommande donc :

Recommandation 6

Que le ministère du Patrimoine canadien encourage la pratique du financement pluriannuel, mais prévoie des mesures lui permettant d’anticiper le plus grand volume de demandes durant l’année où un grand nombre de ces ententes viendront à échéance.

2.2.3. Seuil d’admissibilité aux subventions

Les membres ont été heureux d’apprendre que le ministère du Patrimoine canadien avait fait passer de 30 000 $ à 50 000 $ le seuil au-delà duquel le financement doit se faire sous forme d’accord de contribution plutôt que de subvention. Le traitement des demandes de subvention est très léger comparativement aux formulaires et aux rapports qui doivent être préparés pour les accords de contribution. Sachant que la majorité des demandes de financement sont pour des montants inférieurs à 50 000$, cette pratique devrait accélérer le processus de traitement de manière significative.

Une inquiétude demeure cependant, car il semble que cette mesure était déjà en place pour les demandes visant l’année financière 2009-2010. C’est ce que suggère la réponse du gouvernement aux recommandations du Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation du ministère du Patrimoine canadien. Cette réponse se retrouve dans le rapport final d’évaluation publié en février 2009. On peut y lire : « Des mesures administratives ont déjà été apportées par les Programmes d’appui aux langues officielles au cours des dernières années. […] Le programme a […] augmenté le seuil au-delà duquel l’appui financier est versé par un accord de contribution plutôt que par subvention, ce qui signifie une reddition de comptes simplifiée pour de nombreux groupes dont l’appui financier est en deçà de ce seuil[10]. »

Si cette mesure était déjà en place en 2009-2010, elle n’a pas accéléré le traitement des demandes. Il demeure toutefois possible qu’elle aurait accéléré le processus si celui-ci n’avait pas été ralenti par le renouvellement des programmes auprès du Conseil du Trésor. Il faudra donc voir les résultats pour l’année 2010-2011 avant de se prononcer sur l’efficacité de cette mesure.

Une inquiétude supplémentaire vient du fait qu’on ne retrouve aucune mention des subventions dans les formulaires de demandes de financement ou dans le guide qui accompagne ces formulaires pour l’année 2010-2011[11]. On ne retrouve cette information nulle part non plus sur le site Internet décrivant le programme. Il y a une distinction dans le formulaire entre les demandes de 75 000 $ et plus et les demandes de 74 999 $ et moins, mais dans les deux cas, il s’agit d’accords de contribution et non de subventions.

Cette idée d’élever le seuil d’admissibilité aux subventions semble excellente pour accélérer le traitement des demandes. Encore faut-il que les organismes puissent les demander. Le Comité recommande donc :

Recommandation 7

Que le ministère du Patrimoine canadien indique clairement dans le Guide du demandeur et dans le Formulaire de demande que les demandes de 49 999 $ et moins sont admissibles à du financement sous forme de subvention plutôt que sous forme de contribution.

3. LES RETARDS DANS L’ÉMISSION DES CHÈQUES

Nous avons constaté que la lenteur dans le traitement des demandes de financement entraînait des conséquences graves quant à la capacité des organismes communautaires à soutenir l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, tel que décrit à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Les membres du Comité comprennent que la complexité de la machine gouvernementale entraîne parfois des dérapages qui sont difficiles à contrôler et qui prennent du temps à résorber. Ces dérapages demeurent bien sûr inacceptables, mais ils sont compréhensibles. Ce qui est par contre tout aussi inacceptable, mais beaucoup plus difficile à comprendre, c’est qu’il faille des mois à cette machine gouvernementale pour émettre un simple chèque après que le financement ait été accepté.

Les responsables du ministère du Patrimoine canadien n’ont pas été en mesure de donner d’explications à propos des délais entre l’approbation de la demande de financement et la réception du chèque par les organismes. Ils ont toutefois annoncé la publication le 1er avril 2010 d’une norme de service qui préciserait les engagements du ministère.

À plusieurs reprises, les témoins ont évoqué l’idée de cette norme de service qui garantirait le versement des montants approuvés dans un délai raisonnable après la date de l’approbation. Les membres du Comité accueillent bien sûr avec enthousiasme cette initiative, mais suspendent leur jugement en attendant d’étudier le texte de cette norme, et jusqu’à quel point elle sera contraignante pour le ministère. En attendant, le Comité recommande :

Recommandation 8

Que le ministère du Patrimoine canadien adopte des normes de service qui lui imposent les mêmes obligations dans le paiement des montants approuvés que celles qui sont imposées aux organismes pour le remboursement des sommes non dépensées, c’est-à-dire que le premier versement des montants approuvés soit payable au plus tard le trentième jour suivant la date de signature de l’accord de contribution, conformément au Règlement sur les intérêts et les frais administratifs et au paragraphe 6.3 « Paiement à la date d’échéance » de la nouvelle Directive sur les demandes de paiement et le contrôle des chèques.

Les délais dans l’approbation des demandes et ensuite dans l’émission des chèques obligent les organismes à emprunter les sommes nécessaires au maintien de leur fonctionnement de base, ce qui signifie habituellement le salaire des employés indispensables et les frais de bureau normaux. Les organismes doivent évidemment payer des intérêts sur ces sommes lorsqu’ils ont la capacité d’obtenir une marge de crédit. Dans certains cas, lorsque la lettre d’approbation tarde, il n’est pas possible d’obtenir une marge de crédit et les administrateurs des organismes doivent assumer eux-mêmes les dépenses à même leur carte de crédit personnelle. Or, les politiques du Conseil du Trésor interdisent de payer des intérêts sur les sommes dues mais non encore versées et interdisent également aux organismes bénéficiaires d’inclure comme dépense remboursable les frais d’intérêts encourus suite aux retards dans le paiement des sommes approuvées.

Or, nulle mention n’est faite des frais d’intérêts dans le Guide du demandeur, ni dans les autres formulaires, que les organismes doivent soumettre. De plus, une recherche sommaire a permis de trouver un exemple d’accord de contribution pour lequel les frais d’intérêt constituaient une dépense remboursable. Dans le cadre de l’Initiative des pêches commerciales intégrées de l’Atlantique, le Guide sur la présentation de rapports à l’intention des bénéficiaires d’accord de contribution précise à l’alinéa 18 de l’Annexe 1 « Frais admissibles au remboursement » que sont admissibles les « Frais d’intérêt bancaire engagés, dans le cas où le Ministère de Pêches et Océans est en défaut[12] ». En d’autres circonstances, les dépenses qui ne sont pas explicitement inscrites comme dépenses admissibles peuvent l’être après autorisation des autorités responsables.

Il est possible qu’il existe des règles du Conseil du trésor qui empêchent cette pratique dans le cas des accords de contribution signés avec le Ministère du Patrimoine canadien, mais ces règles n’ont pas été identifiées. La formulation utilisée dans le guide de Pêches et Océans reflète adéquatement la position exprimée par les témoins. Les membres désirent donc la reprendre à leur compte, quitte à ce qu’elle entraîne des explications plus complètes de la part du ministère. Le Comité recommande donc :

Recommandation 9

Que le Ministère du Patrimoine canadien inclue comme dépense admissible remboursable les frais d’intérêt bancaire engagés, dans le cas où le ministère est en défaut de plus de trente jours après la date de signature de l’accord de contribution.

Le dernier élément problématique dans les retards de paiement touche les avances versées par Patrimoine canadien en attendant l’approbation du financement demandé. Le ministère s’engage à verser 25 p. 100 du financement de programmation obtenu l’année précédente afin de permettre aux organismes de fonctionner à partir du 1er avril. Au moins cinq organismes porte-parole provinciaux et territoriaux francophones n’avaient toujours pas reçu cette avance en juin, alors que 10 p. 100 des organismes représentant les communautés anglophones du Québec n’avaient toujours pas reçu leur avance en juillet. L’absurdité de cette situation saute aux yeux. La réponse aux demandes de financement devrait être reçue au plus tard au mois de mars, et le premier chèque devrait être reçu au plus tard le 1er avril. Sachant que les demandes sont en traitement, une avance est consentie aux organismes dont le financement est à peu près certain d’être accepté. Mais cette avance n’est pas versée avant plusieurs mois après le début de l’année financière.

Idéalement, une telle avance ne devrait être nécessaire que dans les cas exceptionnels comme lors du renouvellement des programmes où le ministère doit lui-même attendre une autorisation du Conseil du Trésor. En attendant que les délais dans le traitement des demandes se soient raccourcis, le Comité recommande :

Recommandation 10

Que le Ministère du Patrimoine canadien s’engage par écrit auprès des organismes à leur verser au plus tard le 1er avril de l’année financière courante 25 p. 100 du financement de programmation obtenu l’année précédente, le cas échéant.

CONCLUSION

Les membres du Comité ont reconnu la gravité de la situation liée aux délais dans le traitement des demandes de financement, aux retards dans l’émission des chèques, ainsi qu’à l’impossibilité pour les organismes d’inclure comme dépense remboursable admissible les frais d’intérêts encourus suite à ces retards. Cette situation menace directement la capacité des organismes à accomplir la mission qui leur a été confiée par le gouvernement fédéral.

Afin de concrétiser son engagement à soutenir le développement des communautés, conformément à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement du Canada a choisi la voie du partenariat avec les organismes communautaires. Son soutien à ces organismes correspond à une enveloppe annuelle d’environ 30 millions de dollars. Le gouvernement aurait pu choisir de développer lui-même des programmes et d’en assurer lui-même la livraison dans les communautés en engageant des équipes de fonctionnaires pour le faire. Il n’est pas difficile d’imaginer que les coûts d’une telle alternative ne seraient pas comparables à ceux qu’implique ce partenariat avec les organismes communautaires. Il n’est pas non plus difficile d’imaginer que les personnes qui travaillent au sein de ces organisations, sans compter les bénévoles, sont animées d’une passion et d’une volonté de réussite qui dépassent ce qu’il serait possible d’accomplir avec tout le professionnalisme de la fonction publique.

Reconnaissant cela, le gouvernement fédéral se doit de garantir à ses partenaires communautaires des conditions de travail les plus favorables possible, non seulement au nom de sa volonté de soutenir le mouvement associatif, mais tout d’abord au nom de son propre engagement à soutenir le développement des communautés. Lorsque les organismes communautaires ne peuvent plus faire leur travail de manière adéquate, ce n’est plus seulement la vitalité du réseau communautaire qui est menacée, mais également la capacité du gouvernement fédéral à soutenir les communautés. Les mesures correctives qui seront apportées à tout ce processus des demandes de financement seront la meilleure manière de démontrer la vigueur de cet engagement du gouvernement fédéral.


[1]              Données du Rapport annuel sur les langues officielles 2006-2007 de Patrimoine canadien. Le rapport annuel 2007-2008 n’a pas encore été publié.

[2]              Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation, Évaluation sommative des Programmes d’appui aux langues officielles, Février 2009, pp. 3-4.

[3]              Ibid, p. 60.

[5]              Ministère du Patrimoine canadien, Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation, Évaluation sommative des Programmes d’appui aux langues officielles, Février 2009, p. v.

[6]                     Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, Les accords de collaboration entre Patrimoine canadien et les organismes communautaires – un partenariat en évolution, juin 2008.

[7]              Ministère du Patrimoine canadien, Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation, Évaluation sommative des Programmes d’appui aux langues officielles, Février 2009, p. 31.

[8]              Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation, Évaluation sommative des Programmes d’appui aux langues officielles, Février 2009, pp. 29-30.

[9]              Accord de collaboration entre le ministère du Patrimoine canadien et le secteur communautaire fransaskois, « Introduction ».

[10]           Bureau du dirigeant principal de la vérification et de l’évaluation, Évaluation sommative des Programmes d’appui aux langues officielles, février 2009, pp. 60-61.

[11]           Voir les informations sur le site Internet du programme « Développement des communautés de langue officielle » à http://www.pch.gc.ca/pgm/lo-ol/pubs/frm/pdclo-dolcp/index-fra.cfm.

[12]           Pêches et Océans Canada, Guide sur la présentation de rapports à l’intention des bénéficiaires d’accord de contribution, Annexe 1, p. 24.