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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 014 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 octobre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    Nous avons décidé de diviser le temps qui reste en deux parties égales. Le greffier indiquera les heures correspondantes.
    Pour la première partie de la réunion, je voudrais souhaiter la bienvenue à Son Excellence M. Jawed Ludin, ambassadeur au Canada de la République islamique d'Afghanistan.
    Monsieur l'ambassadeur, vous êtes le bienvenu. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité. Nous sommes très heureux de cette occasion de discuter avec vous. Nous avons l'habitude d'accorder aux témoins environ sept minutes pour leur permettre de présenter un exposé préliminaire.
    Je vous souhaite encore une fois la bienvenue. La parole est à vous quand vous serez prêt.

[Français]

    Monsieur le président, distingués membres du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan, merci beaucoup de cette invitation.

[Traduction]

    C'est un plaisir et un grand honneur pour moi de comparaître devant votre comité aujourd'hui et d'avoir l'occasion de discuter avec vous de la situation dans mon pays.

[Français]

    Au nom de mon gouvernement et du peuple afghan, j'exprime ma gratitude sincère au comité et à chaque membre distingué pour votre engagement, amitié et soutien à mon pays, souvent pendant des périodes difficiles.

[Traduction]

    Au cours des neuf dernières années, le Canada a contribué à l'effort authentiquement international destiné à stabiliser et reconstruire l'Afghanistan et à aider les Afghans à retrouver leurs droits fondamentaux comme êtres humains et comme citoyens. Nos réalisations communes sont historiques. Nous, Afghans, en sommes très fiers. Nous en sommes reconnaissants à la communauté internationale, et particulièrement aux pays, dont le Canada, qui ont payé cher, en sang et en ressources, leur engagement et leur appui à l'Afghanistan.
    Honorables membres du comité, nous arrivons à la fin de 2010, qui a été une année capitale pour l'Afghanistan. Marquée par un certain nombre d'importants jalons, l'année a en même temps reflété le sentiment d'urgence qui a caractérisé un contexte en évolution rapide. La poussée militaire et l'envoi de troupes supplémentaires ordonnés par le président Barack Obama l'année dernière se sont déroulés avec succès dans le sud de l'Afghanistan. Même si le succès de cette poussée, mesuré en fonction de la sécurité durable assurée à la population et de l'établissement d'un gouvernement efficace, prendra un certain temps à se manifester, les premiers indices de succès sont évidents à Helmand et même à Kandahar, où la poussée est en cours en ce moment.
    De plus, nous considérons avec optimisme le reciblage de la stratégie de la guerre pour tenir compte de la dimension régionale de la menace terroriste et de l'existence de sanctuaires de l'autre côté de notre frontière méridionale. À notre avis, cet aspect constituait le chaînon manquant dans la conduite de la guerre. Maintenant que les pièces du casse-tête s'emboîtent mieux, nous avons bon espoir de mener à bien notre combat contre le terrorisme dans la région et contre l'insurrection talibane en Afghanistan.
    Vous vous souviendrez, honorables membres du comité, que votre visite à Kaboul en juin dernier a coïncidé avec la convocation de la jirga historique de la paix, que le gouvernement afghan avait organisée pour en arriver à un consensus dans la société afghane sur l'objectif de réconciliation avec les talibans. Plus tôt, à la conférence de Londres, tenue en janvier 2010, le gouvernement afghan avait consulté la communauté internationale sur sa stratégie de réconciliation et de réintégration.
    Même si un consensus semble se former sur le programme de réconciliation, tant à l'échelle nationale que parmi nos partenaires de la communauté internationale, il y a encore beaucoup d'anxiété parmi les Afghans au sujet du prix qu'on leur demande de payer pour réaliser la paix. À notre avis, aucune réconciliation ne sera souhaitable ni possible si elle doit, en contrepartie, compromettre notre liberté, nos droits et la perspective d'un avenir démocratique que nous essayons de bâtir dans notre pays. Ce serait également une erreur si certains de nos partenaires de la communauté internationale se servent du programme de réconciliation comme prétexte pour préparer la voie à un départ prématuré des forces internationales qui se trouvent en Afghanistan.
    Honorables membres du comité, la conférence de Kaboul de juillet 2010 a constitué le plus important événement de notre calendrier national cette année. Parmi ses importants résultats, elle a donné lieu à un accord sur la consolidation des organismes de sécurité afghans pour qu'ils assument progressivement la responsabilité de la sécurité dans le pays. Comme nous l'avons déjà dit à de multiples occasions, nous, Afghans, avons extrêmement hâte d'assumer la responsabilité de la sécurité et de la défense de notre patrie et de créer les conditions voulues pour un retour digne et victorieux de toutes les forces internationales dans leurs pays respectifs. Toutefois, le degré et le calendrier de réalisation de cet objectif dépendront de la mesure dans laquelle la communauté internationale contribuera à l'entraînement, à l'équipement et à la consolidation des trois organismes de sécurité de l'Afghanistan, c'est-à-dire l'Armée nationale afghane, la Police nationale afghane et la Direction nationale de la sécurité.
    Nous avons eu un autre élément important cette année: les élections législatives du 18 septembre, qui se sont déroulées dans une sécurité relative malgré l'intention déclarée des talibans de perturber ce processus national. Les résultats préliminaires ayant été annoncés aujourd'hui, nous attendons avec impatience l'inauguration de notre nouveau parlement plus tard cet automne. De toute évidence, il y a eu des problèmes, y compris des irrégularités dans le vote, mais je suis heureux de noter que les organismes compétents — la Commission électorale indépendante et la Commission des plaintes électorales — se sont acquittés de leurs fonctions d'une façon énergique, en veillant à ce que le processus électoral aboutisse à des résultats équitables.

  (1550)  

    En dépit des développements positifs que je viens d'énumérer, et de nombreux autres que je n'ai pas mentionnés, des défis importants restent à surmonter, et surtout le défi de rétablir la sécurité dans la vie du peuple afghan. Si l'on en juge d'après le degré de violence signalé dans certaines régions de l'Afghanistan, particulièrement dans le Sud, le niveau des pertes subies par les Afghans et nos partenaires internationaux ainsi que le soutien et la protection dont continuent à jouir nos ennemis terroristes au-delà de nos frontières, la guerre que nous menons est loin d'être gagnée.
    En Afghanistan même, nos institutions essentielles continueront d'avoir besoin de l'aide de la communauté internationale pendant quelques années pour atteindre le niveau nécessaire de force et de confiance. Il faudra aussi de la patience et de la persévérance pour s'attaquer à d'autres défis, comme la corruption et le trafic de la drogue.
    Au niveau régional, nous avons besoin d'une réaction plus énergique et plus déterminée des États-Unis et de l'OTAN au problème des sanctuaires, ainsi que d'une coopération sincère de la part du gouvernement du Pakistan pour réaliser des progrès dans la guerre.
    Honorables membres du comité, la question clé à poser aujourd'hui n'est pas de savoir si les Afghans veulent et peuvent changer leur destin. Nous savons pertinemment que c'est le cas. La question est plutôt de savoir dans quelle mesure la communauté internationale persévérera à nos côtés dans ce périple difficile. Tandis que le Canada réfléchit à l'avenir de son engagement en Afghanistan au-delà de 2011, cette question s'applique à vous beaucoup plus qu'à n'importe quel autre de nos partenaires internationaux.
    Comme je l'ai souvent dit en particulier à quelques membres du comité, nous, Afghans, sommes extrêmement reconnaissants au Canada de son amitié et de sa contribution dans les années les plus difficiles que nous avons connues. Nous honorons et n'oublierons jamais le sacrifice des 152 soldats et des quatre civils canadiens qui ont donné leur vie pour mon pays. À notre avis, le fait pour le Canada de rester en Afghanistan constitue non seulement une réponse appropriée aux besoins du pays, mais aussi un juste hommage aux réalisations des Canadiens qui ont servi avec honneur et distinction dans mon pays ces dernières années. Il appartiendra aux Canadiens et à leurs dignes représentants en cette auguste Chambre de décider de la nature de la mission du Canada au-delà de 2011. L'Afghanistan a besoin de tout ce que peuvent lui offrir ses amis. Le Canada est un ami dont les nombreuses capacités et les grandes forces peuvent beaucoup nous aider.
    Pour le moment, la sécurité est notre plus grand souci. Dans ce contexte, l'entraînement de nos organismes nationaux de sécurité, et particulièrement la Police nationale afghane et la Direction nationale de la sécurité, ainsi que la fourniture d'éléments d'encouragement et de renforcement, y compris l'équipement et le soutien, comptent parmi nos plus grandes priorités.
    Du côté civil, à part l'investissement nécessaire pour l'édification de nos institutions démocratiques — la société civile et la primauté du droit —, nous espérons persuader le secteur privé canadien d'investir dans la mise en valeur et l'exploitation des énormes richesses de notre pays.
    En fin de compte, honorables membres du comité, le Canada a été pour nous un ami et un partenaire dans les moments difficiles. Nous aimerions que le Canada reste avec nous dans les bonnes années qui ne manqueront pas de venir.
     Merci beaucoup.
    Merci à vous, monsieur.
    Nous allons immédiatement passer aux questions et commentaires. Le premier tour est à sept minutes.
    Nous commencerons par M. Wilfert.
    Monsieur le président, j'ai deux questions à poser.
    Tout d'abord, monsieur l'ambassadeur, c'est un plaisir de vous revoir. Nous tenons à vous dire, une fois de plus, que nous sommes heureux de travailler aux côtés des membres de l'Armée nationale afghane, en particulier.
    Lors de notre visite à Kaboul en juin, j'ai été impressionné par Mme Massouda Jalal, ancienne ministre des Affaires féminines, qui s'était également occupée des droits de la personne en Afghanistan et qui avait été candidate à la présidence à deux reprises. Nous avons beaucoup parlé de réconciliation. Au sujet des droits des femmes, elle s'inquiétait du genre d'arrangements qui pourraient être conclus avec les talibans — nous savons bien qu'ils ne sont pas monolithiques, mais quand même — et de l'affaiblissement des droits des femmes s'ils siégeaient au parlement...
    Considérons par exemple le nombre d'enfants qui vont maintenant à l'école. Il y en a plus de 6 millions. Sur les 600 médecins diplômés dans les deux dernières années, plus de la moitié sont des femmes. On craint que le plan d'action national pour les femmes lancé en 2007 par le gouvernement afghan ne soit en péril. J'aimerais savoir ce que vous pensez à ce sujet.
    Ma seconde question concerne le grand problème chronique de la corruption qui règne en Afghanistan, et particulièrement le fait que les fonds d'aide ne sont pas adéquatement utilisés ou disparaissent purement et simplement sans qu'il soit possible de les utiliser.
    Ensuite, un de mes collègues aura des questions à poser, selon votre réponse, ce tour-ci ou le suivant.

  (1555)  

    S'il reste encore du temps dans la période de sept minutes.
    Allez-y, monsieur.
    Merci, monsieur le député.
    Au sujet de la réconciliation, comme je l'ai dit dans mon bref exposé, ce sont exactement les préoccupations que beaucoup ont eues, y compris moi-même, pas nécessairement comme porte-parole du gouvernement, mais d'abord et avant tout comme Afghan.
    Le président Karzaï a été très clair dans sa définition du processus de réconciliation. Cela signifie que la réconciliation constituera une stratégie destinée à contribuer à la guerre que nous menons actuellement contre le terrorisme et l'insurrection. Dans cette mesure, elle aura pour but de rallier un certain nombre de personnes qui ne sont pas irrévocablement liées au terrorisme et à al-Qaïda et qui pourraient se joindre à nous dans le cadre d'une stratégie politique.
    Le président Karzaï a également dit très clairement que la réconciliation ne peut pas se faire s'il faut, en contrepartie, changer la constitution afghane et revenir sur les réalisations et le processus de démocratisation des neuf dernières années.
    Je crois que les préoccupations exprimées par les Afghans, comme celles de Mme Jalal, s'inscrivent dans la même perspective. Les précisions données par le président Karzaï y répondent suffisamment. Du moins dans la mesure où le président Karzaï est concerné, en fonction de sa définition de la réconciliation, celle-ci ne peut pas se faire au prix des réalisations de l'Afghanistan. Même s'il est très important de gagner cette guerre par des moyens aussi bien politiques que militaires, il est encore plus important dans l'esprit du peuple afghan de préserver nos réalisations et de ne pas les compromettre.
    Au sujet de la corruption, c'est de toute évidence un problème. Toutefois, les perceptions de corruption — même si elles correspondent souvent à la réalité — devraient être considérées dans le contexte des défis que nous devons relever ensemble. La dernière chose à faire est de se lancer réciproquement des accusations. Ce serait tellement nuisible qu'en fin de compte, non seulement on ne réglera pas le problème de la corruption, mais on pourrait être moins tenté de collaborer dans les autres domaines où nous devons travailler ensemble.
    Malheureusement, je crois que cela s'est produit comme résultat logique et naturel d'une situation dans laquelle un pays qui a totalement perdu ses institutions de gouvernement est soudain devenu, il y a neuf ans, le bénéficiaire de l'un des plus importants programmes d'aide de l'histoire. Cela provoque inévitablement beaucoup de complications. La corruption est d'abord et avant tout une question de capacité. Ce n'est pas vraiment une affaire de culture. Certains ont prétendu le contraire, mais c'est absolument faux. La même chose aurait pu se produire en Afrique ou en Europe. La même chose aurait pu se produire dans n'importe quelle région du monde si un pays comme l'Afghanistan d'il y a neuf ans connaissait la même évolution.
    Par conséquent, je crois que nous devons considérer ce phénomène comme un problème sur lequel nous devons travailler ensemble.

  (1600)  

    Monsieur le président, c'est certainement un problème sur lequel nous devons travailler ensemble. De toute évidence, la création de capacités est essentielle, mais ce qui est important, ce n'est pas ce que le gouvernement de l'Afghanistan dit, c'est plutôt ce que le gouvernement de l'Afghanistan fait pour affronter le problème par l'entremise de ses responsables, qu'il s'agisse de ministres ou de fonctionnaires.
    Au cours de notre visite, en juin, on nous a dit essentiellement que c'est le problème le plus important. À moins d'une vraie stratégie qui se traduise aussi bien par des gestes que par des paroles, ce problème continuera à miner tous les efforts déployés par le gouvernement. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
    Mon autre question concerne les femmes. Les craintes que j'ai entendues là-bas et que je partage, c'est que des changements législatifs pourraient se produire si l'équilibre changeait. C'est très bien que le président précise sa position, mais la question est de savoir s'il aura les moyens de maintenir cette position face à un parlement qui pourrait devenir de plus en plus hostile aux droits des femmes.
    Il ne reste que très peu de temps pour la réponse.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur le député, votre second point est très important. Je suis extrêmement heureux que vous souleviez cette question car, comme Afghan, je ne peux penser à aucun engagement plus fort et plus important que j'aimerais entendre voir la communauté internationale prendre que celui de défendre des intérêts tels que les droits des femmes et la perspective d'un avenir démocratique.
    J'espère vraiment qu'à mesure que nous irons de l'avant, beaucoup de gens… Je vous ai parlé du président Karzaï, mais il y a beaucoup d'intervenants qui ne partagent pas la vision que nous avons de notre pays. Il y a beaucoup d'intérêts et il y a beaucoup de risques pour notre pays, y compris le risque de perdre toutes les choses dont vous parlez.
    La seule chose qui puisse préserver ces intérêts, c'est que la communauté internationale et des pays comme le Canada disent fermement qu'il y a des limites à ce que peut comprendre un programme de réconciliation.
    Je vous remercie.
    C'est maintenant au tour du Bloc.
    Monsieur Bachand, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à l'ambassadeur Ludin. On a longuement discuté non seulement ici, au comité, mais chez lui et un peu partout. C'est un ambassadeur très actif et qui est un excellent avocat pour son pays.
    Cependant, monsieur Ludin, je vous ai toujours dit, vu que je vous considère comme un ami, que je vous dirais toujours la vérité, que je vous dirais ce que je pensais exactement. Avant de céder la parole à mon ami M. Dorion, je voudrais m'attarder sur les résultats des élections. La commission indépendante a dit, dans une intervention, un statement, qu'elle rejetterait probablement complètement ou partiellement les votes dans 430 lieux de vote et qu'il y avait 830 autres sites de vote qui faisaient l'objet d'audition actuellement parce qu'elle craignait qu'il y ait eu énormément de fraude lors des élections.
    Voici ma première question pour vous, monsieur Ludin. Cette commission devait faire une conférence de presse lundi, cette semaine. Deux heures avant cette conférence de presse, la commission a dit qu'elle ne pouvait pas la tenir parce qu'elle voulait plus de détails et de précisions, mais qu'elle ferait une annonce mercredi, soit aujourd'hui. Étant donné que vous êtes l'ambassadeur, j'aimerais savoir si cette annonce a eu lieu aujourd'hui comme prévu ou si on l'attend toujours.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    J'avais des difficultés avec l'interprétation. Pour une raison ou une autre, elle ne marche toujours pas, mais, si j'ai compris votre question, vous voulez des renseignements sur les élections législatives et sur le fait qu'une annonce devait être faite lundi.
    Elle est maintenant reportée au mercredi, c'est-à-dire aujourd'hui.
    Exactement. Il y a eu une annonce aujourd'hui, d'après laquelle le décompte et l'examen des plaintes sont maintenant finals. Plus d'un million de votes ont été annulés. C'était une chose importante à faire pour la commission et, comme vous l'avez dit, cela représente près de 25 p. 100 du total des voix exprimées.
    La raison pour laquelle c'était important, c'est que, comme vous vous en souviendrez, l'expérience des élections présidentielles avait été assez pénible. Elle avait provoqué des échanges d'accusations, chacun essayant de rejeter le blâme sur l'autre. Les Afghans blâmaient la communauté internationale, et la communauté internationale blâmait les Afghans.
    Cette fois, les deux organismes qui s'occupaient des élections étaient principalement composés d'Afghans et se sont efforcés d'établir l'intégrité du processus. L'intégrité ne dépend pas nécessairement de l'absence de fraude ou d'irrégularités. Elle se base plutôt sur ce qui est fait pour y réagir. C'est pour cette raison qu'il a fallu beaucoup de temps pour examiner toutes les plaintes. L'examen est maintenant terminé et, dans tous les cas où il y avait des indices suffisants de fraude, tous les votes du site en cause ont été annulés.
    Des résultats préliminaires ont donc été annoncés aujourd'hui, mais l'annonce du résultat final est reportée parce qu'il y a un dernier élément à prendre en considération. Une fois les résultats préliminaires connus, les candidats ont la possibilité de présenter des plaintes. Quand ils l'auront fait, il deviendra possible d'annoncer le résultat final.

  (1605)  

[Français]

     Si on annule un million de votes, cela a-t-il des conséquences, surtout s'ils sont annulés au même endroit? Prenons le cas d'un candidat dans un district ou dans un comté où les trois quarts des bulletins sont annulés. Je suppose, dans ce cas, qu'il ne peut pas être déclaré élu. Quelles sont les conséquences de la décision d'aujourd'hui?

[Traduction]

    En fin de compte, il y a eu 5,6 millions de suffrages exprimés, ce qui représente plus de 50 p. 100. Si un million de votes sont annulés — je me rends bien compte du fait que le nombre est énorme —, cela fait environ 20 p. 100 des suffrages exprimés.
    Si vous vous en souvenez, les conditions à ce moment n'étaient pas très favorables compte tenu du genre d'environnement qui régnait en Afghanistan, des risques qui existaient et du fait que beaucoup de gens, notamment à Kaboul, ne sont pas allés voter par suite des attentats de la semaine précédente. Si on tient compte de ces circonstances, on peut quand même dire que c'était un succès. La situation n'a pas porté atteinte à la légitimité du processus électoral.
    Il est très regrettable qu'un tel nombre de votes aient été annulés, mais cela montre que les organismes responsables ont fait leur travail. Il ne faut pas perdre de vue cet aspect.
    Il reste moins d'une minute. Allez-y.

[Français]

    Monsieur l'ambassadeur, merci d'être parmi nous.
    Vous avez fait allusion aux sanctuaires qui existent dans des pays voisins. Je pense que vous faisiez allusion au Pakistan.
    Croyez-vous qu'il existe encore une possibilité, soit pour le gouvernement afghan soit pour les alliés de l'ONU, de réduire le nombre de ces sanctuaires? Allez-vous jusqu'à préconiser qu'on intervienne au Pakistan contre les forces qui, à partir de ce pays, combattent le gouvernement afghan?

[Traduction]

    À vous.
    Merci beaucoup, monsieur le député. Je ne crois pas que le gouvernement pakistanais le fera de sa propre initiative. Les neuf dernières années nous montrent que cela ne se produira pas si la communauté internationale — et surtout les États-Unis et l'OTAN aussi — ne prend pas position d'une façon énergique et systématique en s'appuyant sur des principes.
    S'il y a un changement stratégique aujourd'hui dans la conduite de la guerre, c'est parce qu'on se rend compte que la guerre ne se déroule pas tant en Afghanistan qu'ailleurs et que c'est du côté pakistanais de la frontière qu'il sera possible de la gagner.
    Nous avons bon espoir d'assister à un engagement des États-Unis au Pakistan par l'entremise du gouvernement pakistanais. Des pressions sont également exercées grâce au recours à des drones. Je crois cependant qu'il faudra en faire beaucoup plus. Nous ne voyons pas encore suffisamment de signes d'activité sur ce front.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur, de vous être joint à nous ici. C'est un plaisir de vous revoir.
    Je tiens tout d'abord à vous féliciter. Même avec l'annulation d'un million de votes, les nombres que vous nous avez donnés indiquent que le taux de participation s'est quand même élevé à 41 p. 100. Nous avons eu des élections en Alberta, chez moi, à Edmonton, où le taux de participation n'était que de 33 p. 100. Je vous félicite donc pour les progrès que vous avez réalisés.
    De toute évidence, les élections sont essentielles dans toute démocratie. Le système de justice est aussi un autre élément essentiel. J'aimerais en parler pendant quelques instants puisque vous avez mentionné le secteur privé. Nous envisageons souvent l'aide du Canada sous l'angle des Forces canadiennes, de l'ACDI et de l'approche pangouvernementale. Tout cela est excellent, mais nous avons aussi chez nous, dans le secteur privé, d'énormes capacités de formation, de mentorat, de création de capacités et ainsi de suite. Bien sûr, le système judiciaire… Vous savez, vous pouvez avoir une armée, un service de police et tout le reste, mais si vous n'avez pas un système judiciaire de base qui marche, qui permet de traduire les criminels en justice dans un laps de temps raisonnable et d'une manière appropriée, alors vous ne surmonterez jamais l'anarchie.
    La Direction nationale de la sécurité joue un rôle essentiel. Elle est évidemment beaucoup plus petite que l'armée afghane et la Police nationale afghane. Sa taille permet à un pays comme le Canada de montrer ce qu'il sait faire dans ce domaine.
    Lors de notre visite à Kaboul en juin, nous avons entendu Ahmad Nader Nadery, de la Commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan, dire que la DNS est loin d'être parfaite, mais qu'elle s'est beaucoup améliorée par rapport à ce qu'elle était auparavant, qu'elle a fait des progrès sensibles et qu'elle compte probablement maintenant parmi les meilleurs organismes du pays.
    Pouvez-vous nous dire ce que le Canada peut faire à cet égard d'une façon très générale? Vous connaissez bien notre secteur privé et son mode de fonctionnement. Croyez-vous qu'il conviendrait de lui demander d'amener la DNS à franchir une autre étape pour devenir un élément solide d'un bon système de justice?
    Merci beaucoup, monsieur, pour vos paroles aimables et pour cette question très importante. Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'Afghanistan a vraiment besoin de tout ce que peuvent lui offrir ses amis, la sécurité étant pour le moment au premier rang des préoccupations du pays. L'une de nos priorités — c'est un domaine dans lequel nous espérons que le Canada continuera à nous aider — réside dans le secteur de l'entraînement, de la création de capacités, de l'équipement, bref du renforcement des organismes responsables de la sécurité.
    La question de la DNS est particulièrement importante parce que les deux autres organismes, l'Armée nationale afghane et la Police nationale afghane, sont beaucoup plus grands d'une part et reçoivent déjà une aide considérable, de l'autre. Bien sûr, les États-Unis ont joué un rôle déterminant dans le renforcement de l'armée afghane et dans la formation de la police. Les Américains mettent actuellement en œuvre des programmes de plusieurs milliards de dollars à l'appui de la Police nationale afghane.
    Le Canada dispose d'excellentes capacités en matière d'édification, de mobilisation et de soutien. Il a déjà fait du très bon travail dans le passé. Nous aimerions que le Canada concentre ses efforts sur les secteurs où il dispose d'un avantage comparatif et où son aide peut avoir des effets concrets. La DNS constitue un secteur de ce genre. Je sais qu'il y a déjà une bonne collaboration entre le Service de renseignement canadien, le SCRS, et la DNS. Si le Canada souhaite maintenir un rôle quelconque à l'avenir ou appuyer nos organismes de sécurité, ce serait certainement très souhaitable. Il faudrait d'ailleurs que cela comprenne non seulement une assistance technique, mais aussi un soutien de gestion parce que beaucoup de nos organismes doivent devenir plus forts et être en mesure de gérer leurs propres affaires. Aussi importantes que soient les capacités et les compétences techniques, ils ont aussi besoin d'une aide organisationnelle. Ce serait un domaine important que le Canada pourrait envisager.

  (1615)  

    Nous avons demandé à des gens de venir nous voir — je l'ai fait moi-même — pour nous présenter des propositions de lutte contre les engins explosifs improvisés, de formation au pilotage et d'autres formes d'entraînement. Avez-vous eu des contacts avec le secteur privé canadien au sujet de capacités particulières? Avez-vous des idées à nous présenter pour que le gouvernement du Canada intervienne peut-être auprès de ces gens afin de trouver des moyens de vous aider?
    Vous savez, monsieur le député, il y a un autre domaine qui est extrêmement important. Depuis mon retour cet été, j'ai eu l'occasion de discuter avec quelques entreprises du secteur privé. Dans le passé, je m'intéressais surtout au secteur minier, dans lequel le Canada a un potentiel considérable, et à d'autres possibilités d'investissement.
    Il y a un autre secteur canadien, celui de la défense, qui a beaucoup de capacités, surtout en ce qui concerne la lutte contre les engins explosifs improvisés. Je sais que la question est également importante pour l'OTAN. La plupart des pertes canadiennes sont attribuables à ces engins. Il est facile de comprendre l'intérêt qu'ils suscitent.
    L'OTAN dispose des ressources et des capacités techniques nécessaires, au moins pour assurer sa propre protection. Mais qu'en est-il de l'avenir des institutions afghanes? Les pertes de notre police sont quatre fois supérieures à celles de notre armée. Nos policiers sont au cœur de la guerre contre le terrorisme. Ils ne disposent pas de la protection nécessaire. Ils n'ont en fait qu'une protection minimale de leur vie. Il serait tellement utile que le Canada mette à contribution les capacités technologiques et autres de son secteur privé pour aider les organismes de sécurité afghans, et surtout la police, dans ce domaine particulier.
    Au risque d'être « politiquement incorrect », je dois dire que je connais au moins une organisation qui constitue un chef de file mondial. Il s'agit d'Allen-Vanguard, qui se spécialise dans ce secteur.
    Il vous reste 30 secondes.
    J'aimerais revenir un instant aux élections. Vous avez beaucoup parlé de la réforme électorale, de ce que fait la commission responsable des plaintes, etc. Il est évident que vous avez fait des progrès remarquables, puisque les mesures prises ont entraîné l'annulation d'un million de votes. Avez-vous un plan que vous comptez suivre à l'avenir, ou bien est-il trop tôt pour dire que vous avez tiré des enseignements des derniers événements et que vous allez pouvoir faire mieux la prochaine fois?
    Nous avons déjà beaucoup appris des élections présidentielles de l'année dernière. Nous en avons tenu compte dans la conduite des élections législatives en septembre.
    Une démocratie avance inévitablement par tâtonnements successifs. C'est ainsi qu'ont progressé les démocraties d'aujourd'hui, y compris le Canada. C'est ainsi que progresseront aussi les nouvelles démocraties telles que l'Afghanistan. Je dois dire que, même si je trouve très malheureux qu'il ait fallu annuler un million de votes, j'ai été très heureux de constater que nos institutions ont fait correctement leur travail.

  (1620)  

    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur l'ambassadeur, de votre présence parmi nous. Nous sommes très heureux de vous voir.
    J'ai écouté très attentivement votre exposé. Je dois dire, à titre de député opposé à un rôle militaire au-delà de 2011, même s'il ne s'agit que d'entraîner des combattants… Vous n'avez pas parlé de cela dans votre exposé. En fait, vous avez mentionné l'éventuel appui du Canada à la Police nationale afghane et à la DNS, dans le contexte du soutien de la primauté du droit.
    Je veux dire tout d'abord que, pour moi, la primauté du droit joue un rôle extrêmement important dans l'édification d'une nation. Bien sûr, ce n'est pas seulement mon avis personnel. Il faut que la population respecte le processus, ce qui suscite le respect des institutions gouvernementales.
    Vous avez répondu à la question de M. Hawn concernant la participation possible du secteur privé. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le genre d'aide dont la Police nationale afghane pourrait avoir besoin de la part d'un pays comme le Canada?
    C'est une très bonne question. La PNA a besoin non seulement d'entraînement, mais aussi d'un soutien plus global, pour un certain nombre de raisons. D'abord, contrairement à l'Armée nationale afghane, qui a été constituée en partant de zéro, il y a neuf ans, grâce à l'intervention des États-Unis… Il a fallu pour cela non seulement recruter et entraîner, mais aussi constituer une nouvelle structure efficace. De ce fait, l'ANA constitue probablement aujourd'hui, malgré tous ses problèmes, l'organisme le plus respecté et le plus efficace du pays.
    Ce n'est pas le cas de la PNA. La police de départ n'a pas été abolie. Elle n'a pas bénéficié d'investissements du même ordre au début. Par conséquent, malgré l'importance des investissements faits au fil des ans et tous les efforts déployés, elle manque encore de certaines capacités très élémentaires. En même temps, comme je l'ai dit, elle est aux premières lignes dans cette guerre. Elle a subi plus de pertes que n'importe quel autre organisme de l'Afghanistan ou d'ailleurs.
    La police a donc besoin d'une aide organisationnelle pour qu'elle puisse se restructurer et adopter le processus de réforme actuellement en cours. Le Canada prête déjà son concours par l'entremise de la GRC. Je sais que c'est l'un des éléments en cause.
    Comme je l'ai dit, les États-Unis constituent notre plus grande source d'aide, surtout sur le plan de l'entraînement. Le Canada pourrait sans doute faire un travail complémentaire. Je peux penser à un exemple très précis, comme la façon dont la police affronte le problème des engins explosifs improvisés. Ce serait une énorme contribution à la police afghane que de la doter des capacités, de l'équipement et des compétences techniques nécessaires. Elle pourrait également bénéficier d'une formation spécialisée.
    À part la police, il y a aussi la Direction nationale de la sécurité. Il serait très indiqué que le Canada concentre ses efforts sur la DNS car, compte tenu de sa taille, c'est le Canada qui serait le mieux placé pour s'en occuper. C'est une organisation beaucoup plus petite que les autres. De plus, comme je l'ai dit, elle a déjà collaboré avec le gouvernement du Canada.
    Merci.
    Le second sujet que je voudrais aborder est celui de la jirga de la paix. Vous avez dit qu'elle a plus ou moins coïncidé avec notre visite. Le président Karzaï a également établi un conseil pour la paix au cours de l'été. Bien sûr, nous avons entendu dire dans les dernières semaines qu'il y a eu des discussions ou une amorce de discussions et des rencontres avec des représentants, ou au moins des éléments, du Taliban. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
    D'après de récents rapports, certaines conditions préalables ont été retirées, et notamment la position selon laquelle aucune négociation pour la paix ou la réconciliation ne pouvait avoir lieu avant le départ des troupes. Il semble que ce n'est plus une condition préalable. Je me rends bien compte que nous parlons d'un processus plutôt éphémère, mais pouvez-vous nous parler un peu de ce qui se passe, de votre point de vue d'ambassadeur?

  (1625)  

     Ce qui se passe, c'est que le président Karzaï se rend compte que le gouvernement ne peut pas, seul, prendre l'initiative du processus de réconciliation. Il est nécessaire de former un consensus à ce sujet parmi l'ensemble des groupes du pays. C'est la raison pour laquelle il a organisé une jirga de paix. Cela explique aussi qu'il a maintenant délégué cette fonction particulière à un organisme national non gouvernemental, le Haut Conseil pour la paix.
    Le Haut Conseil dirigera le processus. Je sais qu'il devra compter énormément sur les voies de communication du gouvernement avec les insurgés ainsi que sur les capacités du gouvernement, mais il mènera le processus sans intervention du gouvernement. Il y a déjà des contacts. Le gouvernement a réussi à en établir beaucoup au fil des ans avec un certain nombre de talibans.
    Vous savez sans doute que le numéro deux du Taliban était sur le point de se joindre au processus de réconciliation quand il a été arrêté du côté pakistanais de la frontière. Cela a perturbé le processus. Je crois qu'il y a de nouveau des possibilités de ce côté. Je peux dire avec une certaine assurance que tout cela ne marchera qu'avec l'aide du Pakistan parce que la plupart des chefs talibans s'y trouvent. S'ils ne participent pas au processus, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire.
    Très brièvement, monsieur Harris.
    À votre avis, qu'est-ce que la communauté internationale peut faire pour aider ce processus? Il y a évidemment beaucoup d'intervenants dans la région, à part le Pakistan. Qu'attendez-vous de leur part?
    Il y a deux choses que nous aimerions avoir du côté international. Premièrement, nous serions très heureux de voir un consensus international sur la façon dont le processus de réconciliation est perçu. Comme je l'ai dit dans mon exposé, certains sont d'avis — je ne partage pas nécessairement leur point de vue et ils ne représentent pas nécessairement la majorité — que quelques-uns de nos amis de la communauté internationale considèrent la réconciliation surtout comme un moyen de quitter l'Afghanistan ou comme une stratégie de sortie. Cette façon de voir les choses serait désastreuse. Elle n'est vraiment pas souhaitable. De plus, ça ne marcherait pas parce qu'il est très important de définir clairement l'objectif de cette stratégie avant de la mettre en application.
    Deuxièmement, nous aimerions que la communauté internationale laisse la conduite du processus aux dirigeants afghans, c'est-à-dire au président Karzaï et aux mécanismes qu'il a établis, puis exerce des pressions en ce sens sur le Pakistan. En effet, comme je l'ai dit, la clé du succès, c'est le Pakistan.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Obhrai.
    Merci beaucoup.
    Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de votre présence. Pour le comité, il est très important que les Canadiens comprennent ce qui se passe en Afghanistan. Le fait que vous soyez venu et que cette séance soit télévisée permet aux Canadiens de se familiariser avec la situation dans votre pays.
    Comme vous le savez et comme vous l'avez dit, l'Afghanistan est en pratique passé du statut d'État en déroute au statut de pays fonctionnel, ce qui a nécessité beaucoup d'efforts et qui a donné lieu à tous les problèmes dont nous avons discuté, touchant la sécurité, la corruption, l'aide au développement et tout le reste. Il y a cependant un élément clé auquel la plupart des Canadiens s'intéressent actuellement, à savoir le processus électoral qui se déroule actuellement en Afghanistan. Mon collègue, M. Hawn, et plusieurs autres sont allés sur place et se tournent maintenant vers vous pour savoir où en sont les élections. Même si plus d'un million de votes ont été annulés et que le taux de participation est de 40 p. 100, il importe de noter que c'est la deuxième fois que vous avez des élections législatives. Vous avez également eu des élections présidentielles. Ce qui ressort de tout cela, ce sont les questions concernant les votes annulés, l'intimidation, etc.
    Vous avez signalé, à juste titre, que ces choses se produisent dans des domaines nouveaux. Les Canadiens aimeraient cependant savoir de quelle façon votre pays a progressé par suite de tout ce qui s'est produit? Est-ce que ces élections ont réellement… Nous parlons ici d'un million de votes annulés, d'enquêtes portant sur quelque 224 candidats et ainsi de suite. Pouvez-vous cependant expliquer d'une façon très simple aux Canadiens que ces élections représentaient un progrès remarquable par rapport aux précédentes? Pouvez-vous leur dire vers quoi vous vous orientez? En fin de compte, les élections et les tentatives visant à processus de paix…
     Pendant que j'étais aux États-Unis, j'ai écouté votre président qui était interviewé à l'émission Larry King Live. Il a parlé du processus de paix et de tout le reste. Mais, en bout de ligne, les Afghans vont s'interroger sur ce qu'ils en retirent eux-mêmes individuellement et se demander si la situation s'est vraiment améliorée.
    S'ils ne peuvent pas déterminer qui va les représenter d'une manière transparente, qu'est-ce que ça donne? C'est la principale question que les Canadiens se posent. J'aimerais donc que vous nous parliez de ce qui arrive et que vous nous donniez peut-être des précisions sur les améliorations remarquables qui sont produites.

  (1630)  

    Merci, monsieur.
    Je ne peux pas répondre à cette question sans reconnaître que nous aurions pu nous trouver dans un bien meilleur environnement aujourd'hui, cinq ans après nos premières élections législatives et notre processus national. Si nous avions été en meilleure posture, avec une plus grande sécurité dans le pays, des institutions beaucoup plus fortes dans la société civile, nous aurions probablement eu un nouveau parlement qui aurait, sans le moindre doute, constitué un progrès considérable par rapport au précédent.
    Cela n'enlève rien à l'importance et à la valeur de notre premier parlement. Si on me demandait de me prononcer sur la valeur de ce premier parlement, je dirais sans hésiter que, malgré ses inconvénients et ses lacunes, il a fait un excellent travail.
    Ce sera la même chose avec le prochain parlement. Il s'améliorera. En fait, il est déjà meilleur que ce qu'il aurait pu être, compte tenu des circonstances. Nous étions incertains, avant les élections, au sujet du nombre de femmes qui poseraient leur candidature, surtout dans les conditions de sécurité qui régnaient; nous nous demandions si des concurrents indépendants se présenteraient et, en fait, si les élections auraient vraiment lieu. Toutes ces craintes sont maintenant apaisées. Des femmes se sont présentées en nombre suffisant.
    À ma connaissance et d'après les résultats préliminaires des élections, beaucoup des élus ont la confiance du peuple. Les gens ont voté pour eux. Les élections ont eu lieu et auront encore lieu lorsque viendra le temps de former le prochain parlement.
    Comme je l'ai dit, il faut voir les choses dans le contexte de la situation qui règne en Afghanistan. Les conditions de sécurité se répercutent non seulement sur les combattants et sur le développement général du pays, mais sur tous les aspects de la vie dans le pays, y compris la politique.
    La situation politique se renforcera et s'améliorera quand la sécurité sera établie dans le pays. Quoi qu'il en soit, le nouveau Parlement constituera certainement une grande amélioration par rapport au précédent, même s'il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour en arriver à quelque chose qui ressemble à votre Chambre des communes.
    Merci beaucoup.
    Il nous reste encore deux ou trois minutes.
    Monsieur Rae.
    Avant de poser ma question, monsieur l'ambassadeur, je voudrais noter qu'on a mentionné, aux actualités d'aujourd'hui, la possibilité de pourparlers. On a parlé de représentants de la choura de Quetta, de la choura de Peshawar et du groupe Haqqani qui, à ma connaissance, se trouvent tous au Pakistan.
    Est-ce exact?
    Oui.
    Il est donc évident que ce que vous avez dit de la nécessité de la participation du Pakistan à la recherche d'une solution est parfaitement exact. Je tiens simplement à le confirmer.
    Oui.
    Dans votre exposé, monsieur l'ambassadeur, vous avez insisté sur le fait que l'entraînement, l'équipement et la création de capacités demeurent encore nécessaires dans le cas de l'armée, de la police et de la DNS. Cela est vrai aujourd'hui et vous croyez que ce sera encore vrai après 2011.
    Absolument.
    Croyez-vous que le Canada peut jouer un rôle utile à cet égard?

  (1635)  

    Sans le moindre doute, le Canada a d'excellentes capacités dans ce domaine. Il a déjà fait de l'excellent travail à Kandahar pour l'armée et la police nationales. C'est une grande priorité pour nous.
    Je crois que le gouvernement et le Parlement du Canada admettent en principe que la mission en Afghanistan n'est pas terminée. Si le Canada est disposé à aider l'Afghanistan à l'avenir, ce serait probablement le domaine le plus important dans lequel il pourrait nous prêter son concours.
    Nous devons recevoir un peu plus tard un mémoire de CARE Canada qui dit, d'une façon très éloquente, que le Canada devrait s'engager dans le domaine des droits de la femme et défendre la cause de l'égalité dans votre pays. Quand il s'agit de promotion des droits de la personne et, en particulier, du droit à l'égalité, pouvez-vous nous dire de quelle façon ces droits sont perçus par le peuple afghan?
    Monsieur le député, c'est un domaine absolument essentiel pour notre avenir qu'on a souvent tendance à oublier. C'est aussi un domaine dans lequel un partenaire étranger devrait avoir une grande crédibilité pour pouvoir agir et prêter son concours. Ce sont des questions très délicates. Beaucoup de gens sont très méfiants à cet égard car ils souhaitent que notre pays soit perçu comme ayant un processus démocratique, des liens directs avec la société civile et du respect pour les droits de la personne et pour la primauté du droit.
    Le Canada possède cette crédibilité. Il est perçu comme un pays dont l'action n'a pas de motifs autres que d'aider l'Afghanistan à édifier son propre avenir, comme un pays qui a une bonne réputation internationale. Le Canada est considéré comme un modèle par des pays comme l'Afghanistan. Par conséquent, je crois que tous les ingrédients nécessaires sont là. Si le Canada a un rôle à jouer à l'avenir, je m'attendrais, comme Afghan, à ce qu'il accorde la priorité, du côté civil, au soutien de la démocratisation, du processus démocratique, de la société civile et des organisations de promotion des droits de la personne.
    Face aux défis que nous devons affronter aujourd'hui, de la réconciliation à la guerre elle-même et à tout le reste, ces organisations ont besoin d'une aide qu'elles ne peuvent obtenir nulle part ailleurs. Si le Canada n'offre pas son assistance, les pays de la région ne le feront pas, car il y a de nombreux intérêts qui souhaitent la disparition de ces organisations.
    Il y a un argument que j'ai souvent entendu, mais sur lequel je ne suis pas d'accord. J'aimerais savoir ce que vous en pensez vous-même. D'après cet argument, les pays occidentaux tels que le Canada devraient éviter de se mêler de questions qui sont au cœur des débats liés à la culture de votre pays et feraient mieux de rester à l'écart.
    Je n'accepte pas cet argument, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez, car nous devons régler cette question.
    Je suis heureux que vous ne l'acceptiez pas. J'espérais en fait qu'il en serait ainsi parce que nous ne l'acceptons pas non plus. Nous croyons que, sur le plan culturel, cet argument reflète un profond relativisme. En un certain sens, les gens qui défendent ce point de vue font également preuve de condescendance.
    Il n'y a absolument rien en moi, pas une seule cellule de mon organisme, qui puisse croire que nous ne pouvons pas avoir un pays libre et démocratique, que nous ne pouvons pas vivre dans la dignité, la prospérité et la paix, comme la plupart des gens dans le monde, et que nous ne pouvons pas avoir le genre de société que vous avez et dont je jouis avec vous aujourd'hui.
    Je trouve par ailleurs que ces arguments ne sont pas surprenants compte tenu de l'appui dont bénéficie aujourd'hui l'extrémisme. Beaucoup de gens le justifient d'une façon ou d'une autre, mais ce serait une erreur de les suivre et de tomber dans ce piège.
    Comme Afghan, je m'attends à ce que le Canada sache l'éviter et qu'il appuie bravement et audacieusement la jeune démocratie afghane.

  (1640)  

    Merci beaucoup. Je crois que c'est là une excellente conclusion. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez consacré au comité. Cette rencontre a été très utile et très instructive. Merci encore d'avoir accepté de comparaître.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants en attendant les témoins suivants.

  (1640)  


  (1640)  

    Nous allons maintenant reprendre la séance.
    Pour la seconde partie de la réunion, qui ira jusqu'à 17 h 30, nous aurons les représentants de CARE Canada. Je souhaite la bienvenue au gestionnaire des communications, M. Kieran Green, et à la coordonnatrice pour la défense des droits, Mme Jennifer Rowell.
    Nous sommes heureux de vous accueillir tous deux. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à nous dire. D'ordinaire, nous accordons à chaque groupe un total d'environ 10 minutes pour présenter un exposé préliminaire.
    Je ne sais pas lequel des deux va commencer, mais vous pouvez y aller dès que vous serez prêts.
    Je vais commencer par une très brève introduction. Nous voulons en arriver assez rapidement à l'essentiel du rapport, que Jennifer vous présentera.
    Je vais tout d'abord vous donner un très bref historique de notre organisation.
    CARE a des activités en Afghanistan depuis très longtemps. Nous y combattons la pauvreté depuis une cinquantaine d'années. Nous accordons donc un grand intérêt à ce pays et à son peuple. Le Canada a beaucoup appuyé CARE dans son travail en Afghanistan, finançant beaucoup des efforts que nous y avons déployés.
    Bien que nous nous approchions rapidement de 2011 et du changement du rôle que joue le Canada dans le pays — puisqu'il a été décidé de mettre fin à la mission de combat en Afghanistan —, nous n'avons pas vraiment assisté à un débat de fond parmi les Canadiens sur la nature du rôle que nous aurons dans le pays par la suite. Nous avons donc décidé de considérer la situation et, en fait, de saisir l'occasion de lancer un débat en avançant quelques propositions de notre cru.
    D'après notre expérience, nous croyons que le créneau qui conviendrait parfaitement au Canada est celui de champion des femmes afghanes, afin de promouvoir leurs droits, leurs pouvoirs et leur développement. Nous avons tenu d'importantes consultations avec les groupes de la société civile, les ONG internationales, les ONG locales et avons même discuté avec les Afghans, hommes et femmes, avec qui nous travaillons tous les jours pour déterminer ce qui, à leur avis, constituait la meilleure voie à suivre et ce qu'ils aimeraient que le Canada fasse. En gros, tout le monde nous a dit la même chose: le Canada a donné un appui énergique et peut être le champion des femmes en Afghanistan.
    Pourquoi les femmes? Parce qu'en ce moment, la situation des Afghanes compte parmi les pires du monde. Lorsqu'on examine leur statut par rapport à celui des hommes, on se rend compte que l'écart entre les sexes est le plus important de la planète, par rapport à celui des autres sociétés du monde en développement.
    À l'heure actuelle, les Afghanes n'ont pas de champion à l'échelle internationale. C'est là un créneau que personne n'occupe pour le moment. Les efforts déployés en faveur des Afghanes sont désordonnés et manquent de cohérence. Il y aurait vraiment lieu que quelqu'un intervienne pour coordonner les activités et se faire le porte-parole des femmes.
    Enfin, le Canada est actuellement l'un des principaux pays donateurs en Afghanistan. Sur le plan des efforts déployés en faveur des femmes, nous avons été parmi les plus énergiques pour parler en leur nom et prendre leur défense contre l'injustice. Nous avons beaucoup fait pour aider les Afghanes. Par conséquent, nous avons déjà les capacités nécessaires sur le terrain.
    Ce que nous proposons dans ce rapport n'est vraiment rien de nouveau pour le Canada. Il s'agit tout simplement de modifier notre façon de penser et d'étendre certaines des initiatives que nous avons déjà prises avec succès.
    Je vais maintenant céder la parole à Jennifer Rowell, qui parlera du contenu des propositions présentées dans le rapport, des problèmes à affronter et des perspectives à exploiter.

  (1645)  

    Je vous remercie de nous avoir accordé du temps aujourd'hui. Nous sommes très heureux de cette occasion de vous parler de cet important sujet.
    Comme vous le savez, l'Afghanistan s'approche de la croisée des chemins. La réconciliation et la réintégration sont en cours. L'OTAN vient juste d'accorder un sauf-conduit à des chefs insurgés pour leur permettre de se rendre à Kaboul et de participer aux négociations. Nous croyons — et les femmes à qui nous parlons et avec qui nous travaillons croient aussi — que ce processus de réconciliation et de négociation pourrait nous faire courir le risque de perdre beaucoup des gains réalisés dans les 10 dernières années au niveau tant national qu'international.
    À l'heure actuelle, aucune partie n'a énergiquement pris la défense des droits des Afghanes dans le cadre du processus de réconciliation. Vous êtes conscients de la situation incertaine des droits de la personne au sein du gouvernement lui-même, aussi bien au niveau des personnes en cause que sur le plan des mesures législatives adoptées, comme la Loi sur le statut personnel chiite, la Loi sur l'amnistie, etc.
    Nous craignons que les droits des femmes ne fassent partie des négociations et des compromis à accepter pour renforcer la sécurité. Nous demandons au Canada d'envisager de prendre la direction du débat international visant à déterminer de quelle façon la communauté internationale peut essayer d'empêcher ces compromis. Les femmes ont fait des progrès incroyables dans les 10 dernières années, mais elles craignent de tout perdre.
    La première partie du rapport traite de la sécurité. Il s'agit de déterminer comment veiller à tenir compte des femmes, à garantir leurs droits en fonction de normes que les femmes elles-mêmes ont approuvées dans le cadre du processus de négociation et de réconciliation et à leur permettre de se faire entendre aux négociations elles-mêmes afin qu'elles puissent défendre leurs propres positions.
    La deuxième partie du rapport porte sur le développement économique et social. C'est un domaine dans lequel le Canada excelle déjà. Vous avez déjà d'excellents programmes de développement économique et social. Vous avez un excellent portefeuille d'éducation, un excellent portefeuille de développement économique. Vous avez d'excellentes initiatives en matière de santé de la mère et de l'enfant. J'espère que vous en ferez une priorité aux termes de l'initiative de Muskoka.
    Nous croyons qu'en changeant quelques éléments clés de ce portefeuille, le Canada serait en mesure de définir l'ordre de priorité et de concentrer ses efforts sur l'amélioration de l'accès des femmes aux services dans ces secteurs importants. En ce moment — et je ne saurais trop insister sur ce point —, la communauté des donateurs insiste d'une façon disproportionnée sur la création de services, en construisant des écoles, des cliniques, etc. sans trop se soucier de l'accès des femmes à ces services. Dans certains secteurs, il peut y avoir 15 cliniques de santé maternelle dans un kilomètre carré sans qu'une seule femme ne puisse y recourir parce qu'on ne s'est pas suffisamment soucié des obstacles socioculturels. La communauté des donateurs se préoccupe tellement de la disponibilité des services, que les questions d'accès sont simplement oubliées.
    L'engagement du Canada en Afghanistan compte parmi les plus crédibles et les plus forts en matière d'accès parce que le Canada est flexible, qu'il consacre de l'argent aux obstacles les moins évidents et que ses succès ont été très importants. Le Canada a une excellente réputation à cet égard. Nous préconisons donc d'étendre certaines de ces initiatives.
    La troisième partie du rapport traite de la gouvernance, de la primauté du droit et des droits de la personne. Nous avons déjà entendu de nombreux commentaires au sujet de la primauté du droit cet après-midi. Une chose est certaine: en l'absence de cette primauté, il n'y a pas de sécurité et il ne peut pas y avoir un soutien authentique des droits de la femme. Toutefois, la primauté du droit n'implique pas seulement de charger la police d'agir contre l'insurrection et de créer des tribunaux. Elle nécessite d'établir des mécanismes de prestation de services permettant de faire respecter les droits de la femme.
    Je vais vous donner un exemple concernant la police. À l'heure actuelle, les nouvelles recrues du service de police afghan doivent suivre une formation de huit semaines. C'est la limite de la formation officielle. Il y a d'autres programmes qui offrent des choses complémentaires, mais la base est constituée par le programme de formation de huit semaines. Dans cette période, sept semaines et quatre jours sont consacrés aux mesures anti-insurrectionnelles. Une journée est réservée aux services de police communautaire et une demi-journée, aux droits de la femme.

  (1650)  

    Le service de police a donc une connaissance très limitée de son rôle comme protecteur de la collectivité, des droits de la personne et des droits des femmes, dont 87,2 p. 100 subissent des sévices et de mauvais traitements pendant leur vie, qui ont besoin des services de l'État pour être protégées contre ces abus à l'avenir et pour obtenir l'appui dont elles ont besoin afin de survivre à la situation dans laquelle elles se trouvent…
    Le secteur de la police et le secteur de la justice n'ont pas les connaissances et les compétences nécessaires pour affronter ces problèmes. Par conséquent, les femmes vivent dans la peur. Elles s'adressent souvent à la police et à la justice en s'attendant à obtenir de l'aide, mais elles sont souvent renvoyées chez elles ou soumises à d'autres sévices. Cela est fréquemment attribuable à l'ignorance, une ignorance qui est elle-même liée au fait que la communauté internationale des donateurs et les priorités définies aux niveaux les plus élevés de l'administration afghane ne sont pas vraiment axées sur la création d'une règle de droit communautaire, comme celle que nous avons au Canada et que nous jugeons tellement importante.
    Permettez-moi de reprendre les paroles d'Ursula Franklin: « La paix n'est pas l'absence de la guerre. C'est la présence de la justice et l'absence de la peur. » Nous devons nous assurer d'en arriver à ce stade de présence de la justice et d'absence de la peur. Maintenant que le Canada s'apprête à retirer ses forces armées, il peut concentrer l'essentiel de son attention sur l'établissement de la primauté du droit, dans laquelle les droits de la femme sont concrètement imbriqués. Le rapport présente plusieurs recommandations sur la façon de le faire.
    Nous avons finalement un chapitre sur l'efficacité de l'aide, qui explique comment agir. C'est une synthèse du savoir et de l'expérience de nombreuses organisations, tant afghanes qu'internationales, qui connaissent bien le pays et savent comment les choses se font.
    On a mentionné la culture un peu plus tôt, cet après-midi. Je crois que c'est M. Rae qui a parlé de la difficulté qu'il y a à aborder les questions culturelles. Je comprends bien cette préoccupation, mais il y a des moyens d'agir. De plus, beaucoup de choses en Afghanistan sont regroupées, à tort ou à raison, sous le titre de la culture. Tout ce qui semble hostile, conservateur ou différent de ce que nous sommes habitués à voir dans les sociétés occidentales est souvent attribué à la culture. Cela signifie que beaucoup des partenaires chargés de la mise en œuvre et sûrement beaucoup de donateurs présents en Afghanistan essaient d'éviter ces questions. En réalité, si nous disséquons cette culture, si nous la décomposons et analysons les éléments constituants pour les répartir entre la culture, l'ignorance et d'autres facteurs, comme la distance à franchir pour aller à l'hôpital ou à l'école, les problèmes deviennent beaucoup plus pratiques et concrets.
    Je sais que vous aurez des questions à poser à ce sujet.
    En conclusion, nous souhaitons que vous considériez notre rapport comme un menu d'options. Le Canada peut assumer certaines responsabilités et diriger l'effort international consacré à d'autres. Il peut encourager d'autres donateurs ainsi que la communauté afghane elle-même à s'occuper de quelques-unes des options. Le rapport explique comment, en pratique, le Canada peut assumer une position de leadership en matière de droits de la femme sans pour autant accroître la taille de son portefeuille, en faisant quelques changements simples dans ce qu'il fait déjà très bien en Afghanistan.

  (1655)  

    Merci. Nous apprécions beaucoup vos efforts.
    Nous allons commencer par M. Rae.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie aussi nos témoins, nous sommes très heureux de votre présence parmi nous.
    Pouvez-vous me dire à combien s'élève votre engagement financier annuel en Afghanistan?
    Parlez-vous de CARE?
    Oui.
    Nous avons actuellement un roulement d'environ 40 millions de dollars par an. Nous touchons environ 1,5 million d'Afghans chaque année. Nous avons d'importants programmes visant le développement et l'habilitation des femmes. Je crois que nos activités d'habilitation touchent chaque jour une trentaine de milliers de femmes dans la seule ville de Kaboul.
    Je crois que vos fonds viennent d'organismes gouvernementaux, de donateurs privés et de particuliers du monde entier.
    À l'heure actuelle, l'ACDI constitue la principale source de financement de nos programmes d'habilitation des femmes. Nous lui en serons éternellement reconnaissants.
    Combien cela représente-t-il?
    Je peux vous communiquer les détails. Je ne les connais pas par cœur, mais l'ACDI a constamment soutenu les droits de la femme pendant les 13 dernières années.
    Jennifer ou Kieran, avez-vous vous-mêmes travaillé en Afghanistan? Y avez-vous résidé?
    J'y travaille de façon permanente depuis un an et demi.
    Vous étiez donc à Kaboul l'année dernière.
    Oui.
    J'y ai passé quelques semaines l'été dernier. Je me suis entretenu avec quelques-unes des femmes qui ont reçu de l'aide de ces programmes financés par le Canada.
    J'ai trouvé votre mémoire vraiment fascinant. Je crois qu'il est très opportun parce que nous en sommes maintenant à un stade critique de la discussion. Je n'aime pas dire que je ne suis pas d'accord avec mon collègue de St. John's, mais je ne trouve pas du tout que les discussions sont éphémères. En fait, je crois qu'elles sont très réelles. Il sera difficile d'en parler en public, mais je pense que ce sont des choses très réelles.
    Ces questions de conflit entre les droits de la personne, et particulièrement les droits de la femme, et certains des arguments découlant de l'idéologie religieuse qui semble profondément enracinée dans le mouvement taliban ne sont pas théoriques. Elles sont très réelles. Il suffit de considérer la situation des femmes en Afghanistan sous le régime taliban pour comprendre à quel point elles sont réelles.
    Est-ce que CARE a pu avoir des activités en Afghanistan dans la période où les talibans étaient au gouvernement?
    Nous étions parfaitement opérationnels à Kaboul. Nous nous occupions d'éducation et de développement économique auprès des femmes.
    Ce qui caractérise l'Afghanistan, c'est qu'il y a des moyens de faire beaucoup de choses que la communauté internationale croit impossibles. Si nous travaillons de la bonne façon, ce qui revient souvent à être très discrets, si nous collaborons avec les bonnes personnes, comme les dirigeants communautaires et les mullahs locaux, et prenons le temps qu'il faut pour établir des relations, il nous est possible d'agir même dans les situations les plus compliquées et les plus pénibles.
    Disons, pour être clairs, que vous ne demandez pas au Canada de s'opposer aux pourparlers de paix entre les différentes chouras qui sont maintenant invitées en Afghanistan. Vous n'êtes pas en train de dire: « Ne faites pas cela car, autrement, nous allons finir par négocier les droits de la personne. »

  (1700)  

    Pas du tout. Nous croyons qu'une certaine forme de réconciliation et de réintégration constitue probablement la meilleure façon de progresser. Il s'agit de mettre fin au conflit d'une manière non violente. Cela contribue à ressouder la société.
    La façon d'agir est critique. C'est là que les choses risquent de s'envenimer parce que les difficultés résident dans les détails. Si, à un moment donné, il n'y a pas suffisamment de garanties pour les femmes, nous connaîtrons des reculs importants. Les Afghanes en sont très conscientes. C'est de cela qu'elles discutent en ce moment. Partout dans le pays, les dirigeantes du mouvement féminin se battent pour obtenir des places dans la jirga de la paix. Même à la conférence de Kaboul, les femmes ont fait beaucoup de lobbying pour être sûres de pouvoir se faire entendre à cette tribune et d'avoir la possibilité d'expliquer leurs préoccupations et certaines des options qui existent.
    Beaucoup, dans le monde occidental, ignorent que l'Afghanistan a un puissant mouvement féminin dirigé par des femmes très énergiques et très capables. Le Canada et la communauté internationale devraient les écouter. Nous devons les consulter de façon prioritaire, dans le cadre de notre politique, et veiller à tenir compte de ce fait dans la politique canadienne.
    De plus, au sujet des questions les plus délicates, nous devons jouer les intermédiaires pour avoir accès aux tribunes politiques où le Canada est présent, mais pas les femmes. Si le Canada peut consulter les femmes et veiller à ce qu'elles puissent se faire entendre, qu'elles disposent des ressources nécessaires pour faire leurs propres enquêtes, rédiger leurs propres rapports et communiquer les renseignements dont vous avez besoin, alors le Canada peut jouer ce rôle d'intermédiaire en parlant au nom des femmes là où elles sont absentes. Laissons les femmes diriger car elles en sont indubitablement capables.
    Compte tenu de votre mandat qui s'étend à la situation des droits de la personne et à la condition féminine, je suppose que CARE a aussi des activités au Pakistan.
    Oui, nous avons d'importantes activités au Pakistan. Bien sûr, en ce moment, les efforts sont concentrés sur les inondations.
    Faites-vous de la « diplomatie discrète »? Vous avez mentionné que, dans votre travail à Kaboul, vous aviez des contacts avec les mullahs pour essayer de leur expliquer ce que vous faites et de les persuader que cela ne représente aucune menace par rapport à des interprétations quelconques du Coran ou autre chose.
    Avez-vous eu des discussions de ce genre avec les gens de Peshawar ou de Quetta? Ou bien cela dépasse-t-il la portée de ce que vous faites?
    Ce n'est pas ce que nous faisons. Quand nous engageons ces formes de dialogue, c'est pour faciliter l'accès humanitaire et pour atteindre des collectivités vulnérables où les Nations Unies et d'autres partenaires sont incapables de se rendre. Nous avons besoin d'accéder en toute sécurité aux collectivités les plus vulnérables. C'est la base des discussions que nous avons lorsque c'est nécessaire.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à CARE Canada.
    Il ne fait aucun doute, à la lecture de votre document, que vous faites de l'amélioration des conditions de vie des femmes afghanes une pierre d'assise de l'avenir de l'Afghanistan. Il n'y a pas de doute dans mon esprit, car tout au long du document, c'est ce que vous dites. Vous parlez de bons gouvernements, de règles de droit.
     Je suis allé trois fois en Afghanistan et j'ai toujours constaté qu'on maintient les femmes sous une emprise, qu'on les « tasse » systématiquement. Même nous, les Occidentaux, avons de la difficulté parfois à leur parler et nous avons même l'impression de ne pas leur rendre service en leur parlant, car elles font toujours l'objet de surveillance. C'est ce qui me fait dire, finalement, que la société afghane est une société patriarcale. Ce n'est pas une société matriarcale; c'est une société patriarcale qui repose sur une certaine culture.
    Je suis d'accord lorsque vous dites qu'il faut parfois essayer de modifier cette culture par des gestes concrets comme, peut-être, l'installation d'hôpitaux à proximité des villages. Les gens n'auraient pas à voyager à dos de chameaux durant trois jours pour se rendre à l'hôpital. Je comprends ça, mais c'est tout un défi que vous nous demandez de relever. C'est assez difficile, car lorsqu'on fait face à une société patriarcale — et j'ai beaucoup dénoncé cette fameuse loi sur le viol qu'a adoptée le Parlement afghan —, on est loin du pouvoir total des femmes en Afghanistan. Je pense donc que ça prendra une volonté très forte du gouvernement du Canada pour essayer d'effectuer une percée.
    Dans le rapport semestriel que j'ai en main, on mentionne six priorités du gouvernement et on ne parle presque pas des femmes. Alors, c'est tout un défi que vous nous lancez, d'être champions et d'essayer de provoquer des changements. Je pense que ça devra se faire de deux manières: aider les femmes de façon concrète, mais aussi, à mon avis, sensibiliser les hommes. Si les hommes continuent de s'entêter, d'avoir une mentalité patriarcale et de ne reconnaître aucun droit aux femmes, il va falloir au moins un siècle de travail avant d'en arriver à quelque chose.
    J'aimerais que vous réagissiez à mes propos. Suggérez-vous toujours qu'on s'engage dans cette voie, et cela prendra-t-il une volonté très forte? Il y a seulement le Canada, selon moi, qui est actuellement bien placé pour le faire. Êtes-vous favorable à une intervention à deux niveaux, c'est-à-dire aider les femmes concrètement, mais aussi sensibiliser la société patriarcale?

  (1705)  

    On peut dire qu'il faudrait faire trois choses tout en même temps pour pouvoir se sortir de la situation qui prévaut actuellement en Afghanistan. Certainement, il faut absolument travailler avec les femmes, soit améliorer leurs capacités et leur connaissance de leurs droits, etc.
    Cependant, il y a deux autres éléments relativement à cette situation. Premièrement, comme vous l'avez déjà dit, il faudrait changer les relations sociales, ou aborder cette question, soit celle des relations qu'ont les femmes avec les hommes et avec les leaders des communautés dans lesquelles elles vivent. Deuxièmement, il y a l'élément politique, soit les lois sur le viol, par exemple, comme vous l'avez dit. Il faut aborder directement le cadre politique, les lois qui déterminent ce qui est acceptable et ce qu'on ne peut pas faire, ce qui constitue les limites relatives au respect des droits.
    Le problème, maintenant, c'est que beaucoup de bailleurs de fonds, de donateurs, dirigent tous leurs efforts vers la femme. Il y a très peu d'argent, de soutien, d'appui qui sont directement destinés à la sensibilisation des hommes, ou encore aux autres problèmes sociaux qui relèvent un peu plus du domaine politique.
    Par exemple, en matière de santé maternelle, nous avons constaté certaines choses suite à nos expériences sur le terrain. Lorsqu'on s'adresse directement aux hommes et à leurs mères, soit les belles-mères des femmes enceintes, lorsqu'on discute avec eux et qu'on leur donne toutes les raisons pour lesquelles il est très important de laisser les femmes se rendre à l'hôpital pour recevoir un appui pendant leur grossesse, lorsqu'on les informe de tous les risques et dangers qu'elles courent, lorsqu'on les informe de toutes les ressources disponibles, comme l'hôpital le plus proche ou la femme la plus proche qui peut venir les aider, etc., lorsqu'on leur donne des informations de base, les chances pour les femmes d'avoir la permission d'aller vers ces ressources s'améliorent grandement.
    Dans les zones de la ville de Kaboul où nous travaillons, il y a eu une amélioration considérable de la santé maternelle grâce aux efforts liés directement au travail fait auprès des hommes. Ainsi, comme je l'ai déjà dit, le problème est que les efforts ne sont pas dirigés de ce côté.
    Il y a un an, un hôpital de 22 millions de dollars a été construit à Kaboul. C'est une somme énorme! Or la seule personne au ministère de la Santé publique à qui on avait donné la responsabilité de...

  (1710)  

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes. Je crois qu'il y avait une autre question, mais…

[Français]

    Il y a environ trois semaines, mon collègue Bachand et moi, et peut-être aussi d'autres personnes autour de cette table, avons entendu l'ancienne députée Mme Malalai Joya. Elle nous a dit qu'au début de l'intervention étrangère, il y avait eu une certaine amélioration de la situation des femmes en Afghanistan, mais qu'à peu près tout cela avait été perdu depuis ce temps. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire la même chose?
    Ensuite, comme vous parlez de Kaboul, est-ce que vous travaillez seulement dans la région de Kaboul? C'est qu'on lit souvent que Kaboul est le seul endroit que contrôlent encore les forces internationales en ce moment.
    Non. En fait, nous travaillons dans les trois quart du pays environ, soit directement avec les gens soit avec les partenaires afghans ou internationaux. Nous avons les mains dans presque chaque partie du pays, mais beaucoup moins dans le Sud-Est, parce que c'est toujours compliqué. Je parle donc de nos expériences que nous avons vécues un peu partout.
    Par rapport à Mme Joya, vous disiez qu'elle... La question est qu'elle craint qu'il y ait une baisse de...
    Il y a eu des progrès au début, mais maintenant on est en train de perdre tout cela. Puisque tout cela est perdu, iriez-vous jusqu'à...

[Traduction]

    Nous reviendrons à cette question plus tard parce que nous avons largement dépassé la période prévue.
    C'est maintenant au tour de M. Abbott. Si vous avez d'importantes observations à formuler, vous aurez peut-être l'occasion de le faire.
    Allez-y, monsieur Abbott.
    Je voudrais remercier nos deux témoins. Pendant toute la période où j'ai eu l'honneur de siéger au comité, je ne sais pas si j'ai eu d'autres moments où j'ai eu l'impression d'être aussi bien renseigné que je le suis maintenant après vous avoir écoutés. C'était vraiment fascinant.
    Je voudrais parler, comme M. Wilfert l'a fait tout à l'heure, d'un autre grand problème chronique. Il s'agit des principes élémentaires de l'interprétation du Coran.
    J'ai lu, il y a deux jours, qu'aux Émirats arabes unis — comme je n'ai qu'une seule source, il se peut que ce soit faux —, une décision a été rendue selon laquelle, en vertu de la charia, il est acceptable pour l'homme, dans une famille, de battre ses femmes et ses filles tant qu'il n'y a pas de contusions visibles. Je trouve cela pour le moins odieux.
    Si des principes de ce genre jouent un rôle fondamental dans la situation dont nous parlons, même si j'ai l'impression que personne dans cette salle ne refuserait d'examiner sérieusement votre proposition concernant un rôle plus étendu du Canada, comment pouvons-nous contourner ce problème?
    C'est un mythe de parler d'un grand problème chronique. Ce n'est pas nécessairement le cas. Je crois presque, avec tout le respect que je vous dois, que la communauté internationale craint à tel point la culture qu'elle cherche à tout prix à l'éviter même si ce n'est pas vraiment nécessaire.
    Pour ce qui est l'Islam et de l'interprétation du Coran, la triste réalité, c'est que les gens que nous entendons au Canada sont ceux qui ont un microphone à la main. Ce sont les intégristes et les radicaux. Il y a toutefois tout un groupe de mullahs et d'imams dont l'interprétation de l'Islam est très différente et beaucoup plus belle. Pour beaucoup de gens, y compris les femmes qui ont une foi profonde, cette interprétation est aussi beaucoup plus exacte que l'autre.
    Beaucoup de groupes, dont CARE, collaborent avec ces mullahs modérés, tant pour faire la promotion des droits de la femme que pour permettre à des organisations comme CARE de se renseigner sur ce que dit le Coran et d'apprendre les principes de l'Islam concernant les droits de la femme. Nous voulons être en mesure d'être nous-mêmes plus souples et plus… je ne veux pas dire « respectueux » parce que cela impliquerait que nous ne l'étions pas auparavant. Nous voulons en fait pouvoir adapter notre travail et notre message pour que notre auditoire afghan puisse nous comprendre.
    Ce n'est pas inévitablement un grand problème chronique.
    Malheureusement, nous n'avons que sept minutes… Je ne voudrais donc pas m'engager dans un débat, mais je crois que c'est une chose que nous devrions essayer de comprendre un peu mieux. Je tiens à vous dire, avec respect, qu'il s'agissait d'une décision de la Cour suprême des Émirats arabes unis, telle qu'elle a été rapportée. Ne perdons pas non plus de vue la Loi sur le statut personnel chiite adoptée en Afghanistan.
    De toute évidence, quiconque envisagerait de mettre en œuvre l'initiative que vous préconisez doit vraiment avoir une bonne compréhension de cette question. Il est clair que nous n'irons pas très loin aujourd'hui dans une période de sept minutes.

  (1715)  

    Non, vous avez raison. Je suis par ailleurs tout à fait disposée à poursuivre cette conversation plus tard.
    N'oublions cependant pas que l'Afghanistan a souscrit à toutes les conventions et à tous les protocoles de la terre: la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Déclaration sur l'élimination de la violence contre les femmes, etc.
    L'Afghanistan a inscrit dans sa constitution, au moins à trois endroits différents, son engagement à respecter les droits de la femme. Pour CARE, il s'agit de demander au Canada, aux États-Unis et à d'autres de rappeler à l'Afghanistan ce que dit la loi suprême du pays. Il y a bien sûr une grande incertitude qui règne sur la question de savoir si c'est la constitution ou le Coran qui constitue la loi suprême. Nous devons encourager le gouvernement afghan à trancher cette question parce qu'il y a beaucoup de choses qui en dépendent.
    Vous avez parlé des groupes féminins avec lesquels vous pouvez avoir des contacts. J'aimerais savoir de quelle façon nous pouvons, d'une manière pratique, établir nous-mêmes des contacts avec ces groupes.
    C'est vraiment très simple. Il y a des réseaux de femmes afghanes à Kaboul, mais ces réseaux ont des membres partout dans le pays. Il suffit d'un coup de téléphone. CARE a des contacts très directs avec elles. Il en est de même de Heather Cruden, qui dirige les activités de l'ACDI en Afghanistan. L'ambassadeur Crosbie les connaît aussi. Comme je l'ai dit, il suffit d'un coup de téléphone pour les faire venir à l'ambassade participer à des discussions.
    L'infrastructure est déjà là. Il ne reste plus qu'à établir des contacts, comme vous l'avez vous-même dit.
    Faudra-t-il renforcer cette infrastructure? Est-ce bien ce que vous dites?
    L'infrastructure peut être renforcée. À l'heure actuelle, les donateurs internationaux, y compris le Canada, ont tendance à accorder aux réseaux féminins des subventions conçues en fonction de projets particuliers, 20 000 $ par-ci, 40 000 $ par-là et ainsi de suite. Cet argent les aide à s'acquitter d'une tâche particulière, mais ces femmes ont besoin d'un financement de base à long terme pour être en mesure, chaque fois que c'est nécessaire, d'aller faire des enquêtes auprès des femmes partout dans le pays, de rédiger des rapports, d'engager du personnel permanent de recherche et de défense des droits. Elles ne peuvent pas compter sur un financement privé, comme CARE peut le faire par exemple.
    Si je suis ici, c'est que j'ai bénéficié de fonds privés qui m'ont permis de venir. Si le Canada peut prendre des engagements à plus long terme relatifs à son fonds pour l'égalité des sexes — qui constitue actuellement une importante ressource pour un financement de base des réseaux féminins —, il ne lui en coûterait pas plus cher. Cela permettrait aux femmes de développer encore plus leurs capacités de leadership.
    S'il y a une chose dont elles n'ont sûrement pas besoin, c'est d'un autre séminaire d'une semaine sur le leadership . Nous n'avons pas à leur apprendre ce que signifie le leadership. Elles le savent très bien. Elles ont seulement besoin de ressources pour l'exercer.
    Je suppose que je vais essayer de comprendre vraiment ce dont nous parlons ici. En toute franchise, j'ai des difficultés au sujet du pouvoir et des sources d'influence en Afghanistan. Il y a la domination masculine mentionnée par mon ami, M. Bachand, et la nécessité de faire le lien entre la réalité de ces sources d'influence et les questions que nous discutons ici.
    J'ai donc ce dilemme devant moi. Encore une fois, nous ne réglerons pas le problème en sept minutes, mais nous pourrions parler des moyens de combler ou de réduire l'écart qui existe.
    Posez la question aux Afghanes. Elles vivent cette réalité tous les jours. Elles savent ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Elles connaissent les mullahs qui prendront leur part et ceux qui leur sont hostiles. Elles ont beaucoup de réponses à donner. Nous devons écouter ce qu'elles ont à nous dire. Par conséquent, il faut aller leur poser la question. Elles sont disposées à répondre et possèdent les bonnes réponses.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence. Bien sûr, CARE Canada est une organisation tellement connue que son nom est passé dans la langue. Quand on entend parler des projets CARE, on sait de quoi il s'agit.
    J'ai été très encouragé par l'exposé très positif — je ne dirai pas excessivement optimiste, mais certainement optimiste — que vous avez présenté et d'après lequel il est possible d'habiliter les femmes dans les circonstances difficiles que nous connaissons… et que nous exagérons peut-être un peu parce que nous regardons les choses d'un peu loin au Canada. Quoi qu'il en soit, ce sont d'excellentes nouvelles.
    Je voudrais porter mon attention sur vos recommandations concernant les moyens pour le Canada de contribuer davantage et plus efficacement à la promotion des droits de la femme. L'ambassadeur, qui vous a précédés, a semblé reconnaître que c'est un domaine particulièrement vulnérable dans lequel l'Afghanistan a besoin d'aide et que les organisations qui s'occupent de ce genre d'activité ne sont pas appuyées et courent même le risque d'être éliminées.
    Par conséquent, vous pouvez compter sur mon plein appui. De plus, je suis enchanté d'apprendre que vous trouvez les perspectives très positives.
    J'aimerais bien avoir votre aide sur un point. Mon ami, M. Rae, m'a plus ou moins grondé parce que j'ai dit du processus de paix qu'il était éphémère. En fait, j'en parlais en fonction de ce qui a été rapporté à ce sujet. J'ai été heureux d'apprendre de M. Rae que la choura de Quetta pourrait participer à des pourparlers de réconciliation.
    Je voudrais connaître votre avis sur une question. Jusqu'à récemment, on nous disait que le Taliban refusait de participer à des pourparlers quelconques tant qu'il restait encore des troupes étrangères en Afghanistan. Comme cela ne risquait pas de se produire, les pourparlers de paix étaient exclus.
    Je regarde vos principales recommandations concernant la sécurité. Je sais que le président Karzaï a dit qu'il ne pouvait y avoir de pourparlers qu'après l'acceptation de la constitution. Vous avez été plus précise en parlant de garanties. J'ai donc deux questions à vous poser. Premièrement, est-ce que ces garanties seraient de nature à empêcher toute discussion avec le Taliban? En second lieu, qu'est-ce que la communauté internationale peut faire — à part parler de l'importance des droits de la femme — si on nous dit que le processus de réconciliation et de paix doit être mené par les Afghans eux-mêmes?
    Dans ce contexte, j'aurais aussi une autre question. Le Haut Conseil pour la paix a été formé récemment. Des questions se posent quant au nombre de femmes qu'il comprendra et, compte tenu de la domination masculine, je ne peux m'empêcher de remarquer que tous les députés présents dans cette salle sont des hommes. Nous devons nous en rendre compte en pensant à ce qui se fait chez nous.
    Avez-vous quelque chose à dire sur ce grand sujet? Vos recommandations sont-elles de nature à empêcher les pourparlers de paix? Si oui, comment contourner le problème? Et quel rôle le Canada et d'autres joueront-ils dans le fonctionnement du processus de paix, surtout dans le contexte du soutien à donner aux Afghanes?

  (1720)  

    Je suis très heureuse que vous ayez soulevé la question des garanties parce que c'est une chose à traiter très délicatement, mais très délibérément.
    Nous ne recommandons certainement pas que le Canada se place dans une situation telle que n'importe quel manquement met automatiquement fin à l'influence canadienne parce que nous aurions dit que nous cesserions tout appui et tout financement. Nous ne voulons pas encourager le Canada à polariser sa position au point de la rendre improductive ou même nuisible à l'avenir.
    Par conséquent, une discussion très délicate doit avoir lieu pour déterminer avec précision ce que le Canada peut faire pour maintenir sa position de défenseur des droits de la femme dans le cadre du processus et pour définir des attentes sans s'imposer lui-même de trop fortes restrictions. Nous ne pouvons pas donner une réponse plus précise à cette question parce que vous disposez ici de bien plus de renseignements que Kieran et moi sur la façon de traiter avec l'Afghanistan au niveau politique.
    Nous savons cependant que si le Canada accepte de jouer le rôle d'intermédiaire en consultant les femmes sur les normes minimales qu'elles peuvent accepter dans le cadre de négociations quant à leurs propres droits, cela pourrait donner le ton à la communauté internationale pour qu'elle dise: « D'accord, messieurs, si vous voulez négocier, n'oubliez pas l'autre moitié de votre population que vous devez respecter aux termes de votre constitution, de toutes les résolutions des Nations Unies que vous avez signées et des ententes d'aide conclues avec l'ACDI. Nous allons vous rappeler ce que les femmes disent et voici la preuve de tout cela. »
    Vous pouvez vous servir de la voix des femmes pour définir cette position. Je crois qu'elles sont mieux placées pour déterminer les normes minimales requises que ce groupe de messieurs qui ne viennent qu'assez rarement à Kaboul.
    C'est un sujet délicat. Nous ne voudrions pas que le Canada se lie les mains au point d'avoir une position improductive.

  (1725)  

    J'aimerais si possible poser une question supplémentaire. Lors de notre visite en Afghanistan en mai, on nous a parlé de la conférence de Kaboul et du fait que le gouvernement afghan souhaite que les pays donateurs l'aident à renforcer ses propres capacités. Les organisations internationales et les entrepreneurs étrangers semblaient avoir beaucoup d'argent, mais ces fonds allaient directement à différents groupes, court-circuitant le gouvernement.
    Je ne crois pas qu'on ait parlé vraiment du soutien de la commission afghane des droits de la personne ou de groupes comme le vôtre, mais y a-t-il un organisme ou un ministère du gouvernement afghan qui pourrait s'occuper de la sensibilisation, du soutien des femmes et de toute la question de l'éducation des hommes dont vous avez parlé?
    Est-ce un domaine dans lequel le gouvernement de l'Afghanistan peut jouer un rôle? Y a-t-il un organisme ou une agence que le Canada devrait, à votre avis, appuyer?
    Une réponse brève, s'il vous plaît.
    Oui, monsieur Harris, c'est le ministère des Affaires féminines qui avait été créé fin 2001 ou début 2002. Le ministère a justement le mandat que vous décrivez, mais, depuis sa création, il n'a reçu que 2 p. 100 du budget de développement dont les autres ministères ont bénéficié. Il n'a que de très faibles capacités et les pouvoirs qui lui sont conférés pour s'acquitter de son mandat sont très réduits
    En concentrant sérieusement les efforts sur le ministère des Affaires féminines, vous pourriez obtenir les résultats que vous avez mentionnés.
    Merci beaucoup.
    À vous, monsieur Dechert.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Rowell et monsieur Green, je tiens à vous remercier et à répéter ce que mes collègues ont dit. Nous vous sommes reconnaissants de vos efforts et de tout ce que CARE a fait et continue de faire en Afghanistan depuis 50 ans.
    Pour répondre à une question posée plus tôt par mon collègue, M. Rae, je crois savoir que CARE recevra 12 millions de dollars de l'ACDI en 2011. C'est quelque chose…
    Je vous remercie de cette précision. C'est bon.
    Ça me fait plaisir.
    Vous nous avez dit que CARE a des activités en Afghanistan depuis 50 ans ou plus. Pouvez-vous me donner un bref historique de la situation des femmes, et surtout de leurs droits et de leur influence politique, avant l'arrivée des talibans, pendant qu'ils étaient au pouvoir, puis après leur départ? Cette situation s'est-elle améliorée?
    J'ai accompagné le comité en Afghanistan en juin. L'une des choses que nous avons apprises, que j'ai trouvée très encourageante, c'est qu'environ 28 p. 100 des députés, au Parlement afghan, sont des femmes. Ce pourcentage est en fait plus élevé que le nôtre. De plus, ces femmes sont constamment exposées à d'énormes menaces dans l'exercice de leurs fonctions.
    Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet?
    Très brièvement, l'Afghanistan a toujours eu une société conservatrice. Pas de doute là-dessus. Toutefois, avant que les insurgés ne prennent le pouvoir, 75 p. 100 des enseignants du pays étaient des femmes, de même que de nombreux médecins, avocats et infirmières. Ainsi, tout le long du siècle dernier, il y a eu d'assez longues périodes pendant lesquelles les droits des femmes étaient relativement bien respectés, surtout dans les villes. Dans les régions rurales, la situation était différente, mais dans les villes, les droits des femmes étaient très bien établis, de même que leur participation à la vie économique et politique.
    Je ne crois pas avoir besoin d'expliquer la situation des femmes sous le régime taliban. De 2001 à 2005, ce fut l'âge d'or: les femmes ont pu sortir de l'abîme dans lequel les talibans les avaient plongées, ce qui a suscité de grands espoirs. Les femmes ont commencé à réapparaître. Il y avait davantage d'activistes dans la société civile. Un plus grand nombre d'entre elles souhaitaient recommencer à enseigner. Il y a eu des avocates des droits de la personne, si je peux les appeler ainsi. Il y avait un très fort engagement. Les femmes voulaient rejoindre les rangs de la police mais, à cause des difficultés liées à la primauté du droit, que nous avons mentionnées plus tôt, les femmes ont commencé à être opprimées, de sorte qu'elles s'adressaient à la police pour obtenir de l'aide. Elles ont essayé de faire elles-mêmes partie de la police et d'assumer des rôles de leadership au parlement. Elles ont alors été menacées et certaines ont été tuées. Le nombre d'assassinats de femmes qui manifestent des qualités de chef est absolument effroyable en Afghanistan.
    Nous avons constaté que, par suite de l'absence de la règle de droit, la situation des femmes a commencé à se détériorer en 2005, ce qui les a obligées à rendre leur présence moins évidente. Par conséquent, depuis 2001, nous avons eu une poussée suivie d'un déclin. En ce moment, nous sommes encore une fois témoins d'une petite poussée probablement attribuable au fait que les femmes savent que nous sommes à la croisée des chemins et que nous leur accordons tout le soutien et toutes les ressources dont elles ont besoin. Je crois que cela permet de comprendre pourquoi les femmes ont participé en nombre record aux élections de cette année: 406 étaient candidates malgré les menaces d'assassinat dont elles-mêmes et leurs enfants faisaient l'objet. Elles ont accepté de s'exposer parce qu'elles estimaient que c'était une de leurs dernières chances de défendre leurs droits.

  (1730)  

    Je vous remercie.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Non, nous allons devoir lever la séance. Il est 17 h 30.
    Je tiens à vous remercier pour votre contribution. Grâce à votre expérience de l'Afghanistan, vous nous avez présenté de précieux renseignements. Merci beaucoup.
    Merci à vous pour le temps que vous nous avez accordé.
    La séance est levée.
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