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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 026 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 20 juillet 2010

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Français]

    Bienvenue à la 26e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Nous sommes réunis aujourd'hui conformément à l'article 108 du Règlement pour étudier la fermeture imminente de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.

[Traduction]

    Notre premier groupe de témoins compte trois personnes: M. Oblath et M. Houle, de Shell, et M. Rocheleau, du Syndicat des travailleurs de Shell.
    Nous allons tout d’abord entendre les déclarations préliminaires des deux parties, à commencer par celles des représentants de Shell.

[Français]

    Bonjour, chers membres du comité. Je m'appelle Christian Houle et je suis directeur général de la raffinerie de Montréal-Est.
    À mes côtés se trouve M. Oblath, vice-président responsable des activités de fusion, d'acquisition et de cession chez Shell dont celles qui touchent la raffinerie de Montréal-Est. Il est membre de la haute direction de Shell et est présent pour fournir des renseignements et répondre à vos questions au sujet des efforts considérables déployés afin de vendre la raffinerie, et pour donner un aperçu du marché du raffinage dans le monde.
    Je fournirai de l'information et tenterai de répondre à vos questions sur nos plans de transformation de la raffinerie en terminal, notamment en ce qui a trait à l'approvisionnement en essence, en carburant diesel et en carburant d'aviation pour combler les besoins de nos clients du Québec, de l'Atlantique et de certaines régions de l'Ontario.
    La raffinerie de Shell de Montréal-Est est en service depuis 77 ans — 77 années durant lesquelles Shell et ses employés ont contribué à l'économie et participé à la collectivité de Montréal-Est. Les contribuables, les gouvernements, les employés, les clients, les fournisseurs et Shell en ont tous tiré parti.
    Tout d'abord, sachez que l'option retenue n'est pas notre premier choix. Comme mon collègue M. Oblath le montrera, pendant presque une année entière, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour vendre la raffinerie. Nous savons que sa transformation en terminal aura un impact considérable sur un grand nombre de personnes: nos employés, leur famille et ceux qui vivent et travaillent près de la raffinerie et qui tirent un avantage économique de nos activités. Nous comprenons combien cette situation est difficile pour tous et nous regrettons sincèrement d'avoir à prendre cette mesure. La décision n'a pas été facile à prendre, mais il s'agissait malheureusement de la seule option viable, étant donné la conjoncture difficile dans le secteur du raffinage.
    Pour ce qui est de l'approvisionnement, nous n'appuyons pas l'hypothèse avancée par certains selon laquelle la transformation de la raffinerie de Montréal-Est en terminal causerait des interruptions dans l'approvisionnement en carburant de nos clients. Shell a l'expérience des transformations de raffineries en terminaux. Au Canada, par exemple, Shell a transformé ses raffineries de Shellburn et de Saint-Boniface en terminaux. Nous avons beaucoup appris de ces processus de transformation et maintenons une forte présence dans ces régions comme important fournisseur de carburant. Nous continuerons d'approvisionner nos clients en produits de qualité de manière fiable.
    Nous avons annoncé notre décision en janvier. Depuis ce temps, nous avons collaboré avec les gouvernements fédéral et provincial qui nous ont demandé de retarder le démantèlement de la raffinerie jusqu'au ler juin afin de participer à un comité spécial et d'étudier de possibles offres.
    Par ailleurs, je dois faire remarquer qu'en acceptant de participer au comité spécial, nous avons pris du retard dans nos processus d'affaires courants, notamment dans nos démarches auprès des organismes de réglementation visant à obtenir les permis nécessaires pour procéder à la transformation.
    Des demandes de permis normales pour la démolition, la construction et l'utilisation de matériel doivent être présentées. Un retard dans l'obtention des permis pourrait causer des interruptions de l'approvisionnement. De plus, pour des raisons de sécurité et afin d'assurer l'intégrité des actifs, il faut que Shell commence bientôt à mettre la raffinerie hors service.
    Je cède maintenant la parole à mon collègue, M. Oblath.

  (0905)  

[Traduction]

    Bonjour, chers membres du comité.
    Chez Shell, nous sommes très conscients que notre décision a une incidence sur les employés, leurs familles et d’autres personnes. Nous ferons preuve d’équité à l’égard de nos employés, et nous reconnaissons le professionnalisme qu’ils ont manifesté durant cette période difficile.
    J’espère que notre présence ici aujourd’hui vous permettra de mieux comprendre combien Shell a déployé d’efforts pour vendre la raffinerie de Montréal-Est dans un contexte économique difficile, et combien cette transformation en terminal est nécessaire pour approvisionner nos clients.
    L’annonce de cette transformation a donné lieu à beaucoup d’articles et de déclarations publiques. Un grand nombre d’entre eux étaient inexacts et non fondés. Il y a trois éléments clés à considérer relativement à la tentative de vente de la raffinerie: la raffinerie a été proposée à un grand nombre d’acheteurs potentiels; d’importantes dépenses en immobilisations sont nécessaires pour continuer à exploiter la raffinerie de manière concurrentielle et sécuritaire; et, malgré une année d’efforts déployés par les nombreuses parties pressenties, beaucoup ont analysé la proposition en profondeur, mais aucune offre ne nous a été faite.
    Nous ne sommes pas les premiers à mettre un terme à nos activités à Montréal-Est. En dépit de grands défis, nous avons tenu le coup plus longtemps que d’autres.
    Le climat des affaires a considérablement changé, surtout au cours de la dernière décennie avec l’accroissement de la concurrence à l’échelle mondiale. En Amérique du Nord, plusieurs raffineries ont fermé et quelques-unes ont été transformées récemment. Ailleurs dans le monde, de nouvelles raffineries sont construites: elles présentent des avantages dont sont dépourvues les petites raffineries, plus anciennes, comme la nôtre à Montréal. Donc, les marges sont plus faibles et les coûts unitaires sont plus élevés pour les plus petites raffineries.
    Shell évalue régulièrement ses raffineries afin de tenir compte des sommes à engager pour assurer la sécurité et la continuité de ses activités. Dans le cas de la raffinerie de Montréal-Est, l’analyse a montré qu’il faudrait investir environ 600 millions de dollars en immobilisations à brève échéance, nonobstant les 400 millions de dollars en dépenses d’immobilisations que nous avons engagés au cours des six dernières années.
    Ainsi, en juillet 2009, nous avons communiqué publiquement notre intention de trouver un acheteur pour cet établissement et nous avons discuté avec plus de 25 parties différentes, soit nous les avons pressenties, soit elles nous ont contactés. De ce groupe, 17 ont présenté des demandes sérieuses au sujet de l’établissement et de ses activités; six de ces dernières ont poursuivi avec une diligence raisonnable et ont obtenu de l’information très détaillée sur les installations et leur exploitation. Malheureusement, aucune des parties, après avoir effectué des analyses détaillées, n’a jugé que la raffinerie justifiait un investissement, et le processus n’a donné lieu à aucune offre.
    Malheureusement, en janvier 2010, nous avons annoncé notre décision de convertir la raffinerie en terminal. Nous voulions donner à notre personnel un avis raisonnable de cette décision et nous assurer de pouvoir continuer à fournir un approvisionnement en produits pétroliers à nos clients.
    Le gouvernement québécois nous a demandé, et nous avons accepté, de reporter nos plans de conversion et de travailler en collaboration avec un comité spécial créé par lui pour rechercher des acheteurs éventuels. Ce comité spécial a, semble-t-il, contacté plus d’une centaine de parties. Par suite de cet effort, cinq de ces parties ont effectué une évaluation plus détaillée de l’établissement, et elles avaient librement accès, pour discussion, au personnel de Shell chargé de la transaction. De toutes ces entreprises, seule Delek US, un opérateur de raffinerie crédible, a présenté une déclaration d’intérêt viable, et nous avions bon espoir, malgré certains écarts importants, de nous entendre avec Delek sur les conditions de vente. Après des négociations constructives menées de bonne foi, Delek s’est malheureusement retirée du processus.
    De toute évidence, plusieurs facteurs ont influencé les décisions des nombreuses parties intéressées au cours de la dernière année. Un de ces facteurs était que tout acheteur éventuel devait être capable de financer trois choses: un prix d'achat équitable, le coût du fonds de roulement d’environ 400 à 500 millions de dollars et 600 millions de dollars en dépenses en immobilisations, soit la somme nécessaire à court terme pour soutenir le site, pour continuer de l’exploiter de façon sécuritaire.

  (0910)  

    Nous sommes conscients que le comité spécial a offert du financement avantageux, des actions du soumissionnaire éventuel et des subventions directes en espèces qui auraient pu être remboursables ou non. Cependant, en dépit des efforts soutenus du comité spécial, du gouvernement du Québec et de nos employés, et en dépit des mesures incitatives et des investissements proposés, aucun des acheteurs éventuels — ils étaient plus d'une centaine — n'a cru qu’exploiter une raffinerie sur le site était viable, à long terme, et aucun d'entre eux ne nous a présenté d'offre.
    J'aimerais maintenant redonner la parole à mon collègue, M. Houle.

[Français]

    Je vous remercie.
    De telles décisions sont toujours très difficiles. J'espère que vous pouvez voir à quel point nous avons fait preuve de rigueur tout au long de ce processus.
    Nous sommes très fiers de nos 77 années en tant qu'opérateur de la raffinerie de Montréal-Est. Nous nous sommes toujours efforcés de fournir des produits pétroliers de qualité supérieure à nos clients, et ce, en toute sécurité. Malheureusement, nous ne pouvions pas justifier les coûts importants nécessaires pour exploiter dorénavant la raffinerie de façon sécuritaire. Vraisemblablement, les acheteurs éventuels ont aussi tous eu des préoccupations similaires, car ils n'étaient pas disposés à faire les investissements nécessaires.
    Comme je l'ai expliqué, nous savons à quel point cette situation est difficile pour les employés de la raffinerie et leur famille. Depuis une année, des efforts substantiels ont été consentis et un processus exhaustif était en cours pour proposer la raffinerie à des acheteurs potentiels. La raffinerie exige de vastes dépenses en immobilisation pour pouvoir continuer à fonctionner de façon concurrentielle et sécuritaire. Malgré le fait que plus de 100 acheteurs potentiels aient été contactés au cours d'une année d'efforts, aucune offre n'a été faite.
    J'espère que ces renseignements vous permettent de considérer que notre décision est plus claire et mieux fondée aujourd'hui.
    Merci.
    Monsieur Houle, je vous remercie de votre témoignage.
    Monsieur Rocheleau, vous avez la parole.
    Mesdames et messieurs, je voudrais d'abord remercier les membres du comité d'étudier le dossier de la fermeture de la raffinerie de Shell de Montréal-Est.
    Depuis plus de 12 ans, je suis président du syndicat des travailleurs de cette raffinerie, soit la section locale 121 du SCEP, affilié à la FTQ. Je suis travailleur dans le secteur du raffinage depuis 33 ans. Si je suis ici, c'est que je considère que la raffinerie de Montréal-Est peut et doit continuer de fonctionner, et qu'elle peut le faire en générant des profits et en desservant le marché québécois comme elle l'a fait depuis 77 ans.
    Dès que Shell a annoncé son intention de cesser d'exploiter la raffinerie, il y a maintenant un an, et qu'elle a affirmé privilégier un scénario de vente, le syndicat a pris position en faveur de la vente de la raffinerie et du maintien des emplois.
    Je voudrais revenir sur les raisons qui font que cette raffinerie doit continuer de fonctionner.
    Premièrement, elle est rentable. Elle a généré des profits tous les ans depuis 18 ans, sauf en 2009, qui a été une mauvaise année pour l'ensemble de l'industrie.
    Deuxièmement, elle possède un marché stable auquel elle fournit des produits spécifiques que les autres raffineries ne produisent pas en quantité suffisante, comme du carburant pour les avions.
    Troisièmement, elle fournit 800 emplois directs et 3 500 emplois indirects.
    Quatrièmement, elle génère des retombées économiques de 240 millions de dollars par année.
    Cinquièmement, la raffinerie a été modernisée au fil des ans afin de correspondre aux standards d'entreprise de Shell, qui sont parmi les plus exigeants de l'industrie.
     Sixièmement, la fermeture de la raffinerie pourrait provoquer la fermeture de sa voisine Suncor. Cela signifierait la perte des deux tiers de la capacité de raffinage du Québec.
    Septièmement, la disparition du raffinage à Montréal-Est entraînerait la fin de la grappe industrielle pétrochimique.
    Huitièmement, si la raffinerie de Shell ferme, le Québec perd 25 p. 100 de sa capacité de raffinage. Pire, c'est toute la fourniture de carburant pour le transport aérien, civil et militaire actuellement effectuée par la raffinerie de Montréal-Est qui est en cause, sans parler de la dépendance face à l'importation.
    C'est sans compter que tout scénario présenté par la compagnie qui mise sur l'arrivée on time, on spec des produits raffinés de l'étranger par bateau relève de la science-fiction. D'ailleurs, les trois derniers bateaux reçus à Montréal l'ont encore prouvé. Quand les bateaux n'arrivent pas à temps, cela donne des pénuries à la pompe comme celles que le Québec a connues en juin.
    Mais si nous sommes ici, c'est parce que malgré le dépôt à Shell d'offres d'achat respectant ces conditions décrites dans son document du 16 février dernier, il n'y a pas eu d'entente, et ce, contrairement aux engagements de vente qu'elle avait pris face aux travailleurs, à la communauté et au gouvernement.
    De plus, même si le document de Shell du 16 février précisait les conditions auxquelles elle était prête à vendre, la compagnie ne s'engageait pas à vendre pour autant. C'est pour cela que le comité a obtenu à quatre occasions différentes la confirmation de Shell, par MM. Williams, Oblath, Rathweg et Marion, qu'elle était prête à vendre si les conditions décrites dans son document du 16 février étaient respectées.
    Cette confirmation a eu pour effet de changer la nature du contrat entre Shell et le comité, ce qui fait en sorte que si un acheteur est disposé à faire une transaction à ces conditions, Shell a l'obligation de lui vendre la raffinerie. C'est d'ailleurs la nature de cet engagement de Shell que les parlementaires doivent évaluer aujourd'hui.
    Quand Shell a amorcé les démarches pour vendre la raffinerie, elle a ouvert la data room virtuelle, qui regroupe les documents financiers sur la raffinerie et les conditions de la vente, seulement en octobre 2009 pour la fermer deux mois plus tard, soit à la fin de décembre 2009. Il s'agit d'une période qu'on peut qualifier d'éclair pour permettre à un processus sérieux de se tenir.
    Malgré des rumeurs sur l'intérêt de certaines sociétés à acheter la raffinerie, le 7 janvier 2010, Shell annonçait publiquement son intention de la transformer en terminal.

  (0915)  

     Le syndicat n'a pu rester les bras croisés face à cette décision qui n'a aucun sens, tant sur le plan économique que pour les 800 familles directement visées et la sécurité énergétique du pays. Nos arguments sont fondés, et de partout les appuis sont venus, nombreux, sincères et non partisans; d'abord, de nos confrères syndicaux, mais aussi de la communauté de l'est de Montréal. D'ailleurs, je voudrais souligner la présence parmi nous aujourd'hui du maire de Montréal-Est, M. Robert Coutu, qui fournit un appui solide depuis le tout début.
    Il y a eu une coalition de plus de 80 entreprises et leaders socioéconomiques, puis les appuis de tous les partis politiques, aussi bien municipaux et provinciaux que fédéraux. Il y a eu une motion unanime au conseil de ville de Montréal et des lettres envoyées à Shell par les gouvernements pour obtenir un délai. Shell a alors octroyé un sursis de trois mois, c'est-à-dire jusqu'au 1er juin. Dès le mois de février, nous avons participé à la création du comité de survie présidé par Michael Fortier. Ce comité réunissait des représentants du syndicat, des villes, des gouvernements du Québec et du Canada. En tant que membre de ce comité, j'ai observé que Shell montait la barre toujours plus haut chaque fois qu'on franchissait une étape, d'où ma désagréable impression d'avoir été invité à un dîner de cons.
    Tout au long des travaux du comité, Shell a tenu un double discours. D'une part, Steve Rathweg et Christian Houle nous disaient que Shell préférait vendre plutôt que de transformer la raffinerie en terminal. D'autre part, cependant, la direction locale de la raffinerie a tout fait pour tuer l'espoir légitime des travailleurs de voir la raffinerie être vendue. Pratiquement tous les jours pendant les six derniers mois, les superviseurs et les membres de la direction ont répété le même message aux travailleurs: votre comité d'agents RE/MAX ne trouvera pas d'acheteur, c'est impossible. Si Shell n'en a pas trouvé, c'est qu'il n'y en a pas. Par la suite, quand le comité, malgré le délai extrêmement serré, en a trouvé cinq, et que ces entreprises ont été déclarées sérieuses et crédibles par Shell, qui les a autorisées à entrer dans la data room, le message de la direction aux employés a été de dire que ça n'irait pas plus loin, que quand elles allaient voir les chiffres, elles ne feraient pas d'offre.
    Quand deux entreprises et pratiquement une troisième ont déposé des offres avant la date butoir fixée au 1er juin, le message de la direction a été de cesser les activités de l'une des unités les plus lucratives de la raffinerie, les huiles lubrifiantes, et de ne plus protéger la chaudière 13, qui avait été fermée le 18 mai dernier. Puis, 72 heures après le dépôt des offres, elle a envoyé un courriel aux employés disant que les deux offres avaient été refusées. Les ministres ont alors demandé des explications à Shell à propos de l'absence de négociation.
     On s'est d'abord assuré que Shell désirait toujours vendre, puis des démarches ont été entreprises afin qu'une offre bonifiée respectant ces conditions soit déposée. Malgré cela, le message véhiculé par la direction à l'intérieur de la raffinerie était toujours le même, à savoir que Shell ne vendrait jamais et que la raffinerie valait pour elle plus d'un milliard de dollars, soit cinq à sept fois le montant dont elle avait fait part au comité. Certains superviseurs et membres de la direction ont mis tellement de coeur à livrer ce message qu'une plainte en matière de harcèlement a été déposée par le syndicat.
    Depuis que le processus de vente est terminé, les doubles discours se poursuivent. En effet, la direction locale a changé de message et affirme maintenant que le terminal ne sera pas payant, que le terrain et les installations ne sont pas configurés à cet effet et que Shell prévoit que ce terminal se situera dans le quatrième quartile sur le plan des résultats.
    En fait, nous considérons que Shell ne voulait pas véritablement vendre la raffinerie, contrairement à ce que pouvait laisser croire ses engagements. En donnant une petite tape dans le dos du comité Fortier, Shell n'a jamais pensé que ce dernier réussirait là où elle n'avait pas réussi. Pire encore, elle s'est probablement dit qu'elle allait rendre la raffinerie si peu attrayante qu'aucune compagnie ne voudrait l'acheter. Prise au jeu d'un acheteur sérieux, elle s'est retrouvée à refuser une offre se situant dans la partie supérieure de la fourchette qu'elle avait elle-même fixée. C'est sans doute pour que personne ne le sache qu'elle s'est acharnée à faire cesser les travaux du comité Fortier.

  (0920)  

    Grâce au comité parlementaire d'aujourd'hui, la lumière peut maintenant être faite.
    Parce que nous croyons toujours que cette raffinerie peut et doit continuer d'être exploitée, que selon nos informations il y a encore une offre correspondant aux attentes de Shell sur la table et que Shell accélérerait le démantèlement des équipements, nous avons obtenu de la Cour supérieure une injonction provisoire et interlocutoire pour empêcher de rendre inutilisables les équipements de la raffinerie. Cette injonction est toujours en vigueur jusqu'au 10 septembre prochain.
     Lors de cette procédure, Shell a déposé son plan de conversion en terminal, dans lequel elle affirme demeurer ouverte à toute offre d'achat de ses installations de raffinage de Montréal-Est tout au long du processus de conversion en terminal. Donc, selon le document qu'elle a elle-même déposé auprès du ministère, cela veut dire que, tant que le processus de conversion en terminal n'est pas terminé, Shell est toujours prête à vendre.
    Messieurs les députés, il n'est peut-être pas trop tard.
    Merci de votre attention.
    Merci, monsieur Rocheleau.
    Nous disposons maintenant d'une heure et cinq minutes pour les questions et commentaires des membres du comité — jusqu'à 10 h 30.
     Nous commençons donc par M. Coderre.

[Traduction]

    Monsieur McTeague...?
    Tout simplement pour être certain, il est prévu que ces deux témoins resteront avec nous jusqu'à 12 h 30. Suis-je dans l'erreur?
    Oui, vous l’êtes. Nous avons jusqu'à 10 h 30, et à 11 heures, nous accueillons le deuxième groupe de témoins.
    Nous allons maintenant commencer les questions.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Oblath, vous venez de Houston. Je suis très heureux de vous voir ici, mais au fond vous avez repris exactement, mot pour mot, la lettre qu'a écrite Lorraine Mitchelmore, présidente de Shell Canada. On aurait pu soit épargner de l'argent pour Shell, quant à venir dire la chose aujourd'hui, ou bien économiser les frais d'un voyage. On n'est pas obligé de répéter la même chose.
    Monsieur Houle, vous commencez un peu mal en nous disant que c'est à cause de ce comité qu'on peut remettre en question la sécurité, parce que vous n'avez pas le temps de procéder à la demande de permis pour le démantèlement. Je vous ferais remarquer que, s'il y a une injonction contre le démantèlement, c'est parce que vous-mêmes n'aviez pas les permis pour le faire.
    Alors, on ira directement au but. On va se parler des vraies affaires, à savoir si on veut vendre ou pas la raffinerie.
    La raison pour laquelle on est obligés de vous convoquer est que, effectivement, on a le pressentiment que quelqu'un nous roule dans la farine. On a le pressentiment que quelqu'un nous ment. On a le pressentiment que beaucoup de gens ont travaillé très fort pour assurer une vente, pour sauver les 800 emplois directs et les 3 500 emplois indirects. Toutefois, pour ce qui est de sauver la sécurité énergétique pas seulement du Québec, mais du Canada au complet, on en parlera aujourd'hui.
    Dans un premier temps, je veux remercier mon collègue Dan McTeague parce qu'à l'époque, il a ouvert le bal pour faire une motion. On l'a retirée pour s'assurer de pouvoir effectivement avoir une bonne négociation.
     Dans un deuxième temps, je remercie l'ensemble de mes collègues parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas de partisanerie: tout le monde est d'accord pour poser les vraies questions afin de savoir comment on peut protéger une industrie et la sécurité énergétique de notre pays. Donc, ce n'est pas seulement une question québécoise; c'est une question qui va toucher l'ensemble du pays.
    On se demande deux choses aujourd'hui: si vous voulez vendre et s'il y a un acheteur. Ce n'est pas compliqué.
    Alors, d'abord, on veut tout simplement savoir...

  (0925)  

[Traduction]

    Monsieur Oblath, vous étiez présent lors des dernières négociations avec Delek US, si ce qu'on a dit aux nouvelles n'est pas spéculatif. Est-ce exact? Vous étiez présent à la fin, au cours des discussions qui ont eu lieu avec Delek US pour voir si l'entreprise était un acheteur éventuel?
    C'est exact.
    Je suis quelque peu préoccupé, parce qu'au début, on parlait de demander 150 ou 200 millions de dollars pour acheter la raffinerie. Puis, la semaine dernière, pour une raison que j'ignore, nous avons reçu une lettre qui disait qu'il fallait ajouter 600 millions de dollars. C'est plutôt inquiétant. Cela signifie que notre installation, cette infrastructure, est en péril en ce moment et qu'il faut ajouter 500 millions de dollars en capital pour la transaction.
    Si nous nous en tenons aux conditions d’achat du 16 février, est-il juste de dire que Shell Canada était prête à vendre si nous trouvions une entreprise disposée à payer entre 150 et 200 millions de dollars?
    Monsieur le président, je vous demanderais de bien vouloir m'accorder quelques minutes pour donner des explications.
    Le montant de 150 à 200 millions de dollars était pour la raffinerie même. Pour exploiter une raffinerie, vous avez aussi besoin d'un fonds de roulement, ce qui signifie que tout acheteur devrait aussi disposer du fonds de roulement nécessaire. Cela représente une somme d'environ 400 à 500 millions de dollars. Il faut constamment faire des dépenses en immobilisations lorsqu'on a une raffinerie. Nous avons investi 400 millions de dollars dans la raffinerie au cours des dernières années, et la somme de 600 millions de dollars représente notre évaluation des besoins en investissements au cours des prochaines années, ce qui comprend la transformation que nous devons faire très bientôt.
    Mais si vous me le permettez, monsieur Oblath, vous ne faites que répéter ce que dit la lettre de Mme Mitchelmore. La question est simple: Si je suis une entreprise désireuse d’acheter Shell Canada, et qu'il y a les conditions d'achat du 16 février...

[Français]

    Ma question n'est pas compliquée. Dans les termes relatifs aux conditions d'achat, est-ce qu'on ne parlait que des 150 et 200 millions de dollars? Sinon, avez-vous dit très clairement dans les documents que tous ceux et celles qui étaient intéressés devaient aussi mettre 600 millions de dollars de côté pour les immobilisations?

[Traduction]

    C'est aussi simple que cela. Oui ou non?
    La liste des conditions s'appliquait à l'achat de la raffinerie même. Toute entreprise qui a déjà acheté une raffinerie ou qui a déjà songé à le faire comprend qu'il faut beaucoup plus d'argent à court terme — particulièrement un fonds de roulement — pour quelque raffinerie que ce soit. La liste des conditions d'achat ne cachait pas ce fait. Ce sont des conditions normales de vente. Il n'y a rien de différent. Nous souhaitions ardemment vendre. Nous sommes très déçus de ne pas avoir trouvé d'acheteur pour la raffinerie. Manifestement, ce que nous préférons, c'est de vendre la raffinerie, et il en est ainsi depuis plus d'un an.
    Donc, vous êtes toujours prêts à vendre.
    Nous sommes toujours prêts à vendre, mais mon collègue M. Houle peut vous expliquer que nous arrivons à un point très critique. Nous ne pouvons pas exploiter la raffinerie encore bien longtemps avant de procéder à une transformation. Nous avons besoin...
    La question est la suivante: Si elle n'est pas démantelée, êtes-vous toujours prêts à vendre, selon les documents que votre entreprise a déposés au tribunal? Oui ou non?
    Si nous recevons une offre, si quelqu'un exprime un intérêt suffisant pour satisfaire à tous les besoins de la raffinerie, la réponse serait oui, mais nous sommes vraiment, vraiment à court de temps.

[Français]

    J'ai une dernière question. Est-il vrai, oui ou non, que Shell a dit vouloir mettre fin à sa présence au Québec et dans les Maritimes, et qu'au fond, lorsque vous avez discuté avec Delek US Holdings, vous vouliez aussi vendre les stations-service parce que vous ne vouliez plus avoir d'opérations ni au Québec ni dans les Maritimes?

  (0930)  

[Traduction]

    Je ne peux pas répondre à cette question par oui ou non. Je peux y répondre, monsieur le président, mais pas par oui ou non. Puis-je répondre à la question?
    Si Delek US avait déposé une offre acceptable et qu'elle avait satisfait aux conditions de vente et d'achat, nous aurions pu en venir à une entente au sujet de la raffinerie seulement. L'entreprise ne voulait pas acheter la raffinerie seulement. Delek US nous a demandé si nous voulions vendre la raffinerie, nos opérations de gros et nos opérations de détail. Nous avons dit que si l'offre était assez élevée, nous serions disposés à le faire.
    Est-ce vous qui leur avez offert, ou est-ce eux qui vous l’ont demandé?
    Ce sont eux qui nous l’ont demandé.
    Merci beaucoup, monsieur Coderre et monsieur Oblath.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Laframboise.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais continuer dans le même sens. Votre demande initiale, c'était pour la raffinerie, et vous vouliez 200 millions de dollars. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avez-vous eu une offre de délai pour la raffinerie, à 200 millions de dollars?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Par la suite, monsieur Oblath, dès la fin des discussions, vous avez donné pour date butoir le 30 juin. Dans les communiqués, vous avez dit qu'il n'y avait pas de discussions; Delek voulait continuer de discuter, est-ce exact?

[Traduction]

    Monsieur le président, Delek s'est retirée des négociations. Je crois que ses représentants comparaissent plus tard au cours de la séance, et vous pourrez leur poser la question.

[Français]

    Dans votre communiqué de presse du 4 juin 2010, vous dites: « [...] nous allons suivre notre plan et transformer la raffinerie en terminal. » C'est trois jours seulement après la date butoir du 1er juin.
    Vous dites que Shell avait annoncé, dès janvier, son intention de transformer la raffinerie en terminal. L'intention de Shell, depuis janvier, n'était-elle pas de transformer la raffinerie en terminal? La décision n'avait-elle pas déjà été prise?

[Traduction]

    Monsieur le président, la décision a été prise parce que nous n'avons trouvé personne pour nous présenter une offre. Nous n'avions pas d'autre choix.
    Avant d'annoncer en juillet 2009 que nous allions chercher des acheteurs pour la raffinerie, nous avons examiné diverses options: cesser complètement les activités de la raffinerie sans la transformer en terminal, vendre la raffinerie, transformer la raffinerie en terminal ou poursuivre les opérations comme auparavant. Nous ne pouvions pas...

[Français]

    Monsieur Oblath, le comité Fortier avait été mis en place et était appuyé par le gouvernement du Québec. Vous avez dit vous-même dans votre déclaration que des mesures incitatives pour les acheteurs ainsi que toute une panoplie de mesures d'aide avaient été mises en place pour l'achat de la raffinerie. Donc, la vente de la raffinerie aurait dû constituer le coeur du débat pour vous, et non sa transformation en terminal.
    En mentionnant dans votre communiqué, seulement trois jours après la fin, que vous continuiez votre idée initiale de convertir la raffinerie, vous avez mis de côté tous les travaux et toutes les discussions avec le comité Fortier, comme l'a très bien mentionné M. Rocheleau tout à l'heure. N'est-ce pas vous qui avez exigé que le comité Fortier ne participe pas aux discussions avec Delek US Holdings?

[Traduction]

    Le comité a pris part aux discussions jusqu'à sa dissolution.

  (0935)  

[Français]

    Vous n'avez jamais mentionné ne plus souhaiter que le comité Fortier participe aux discussions?

[Traduction]

    La raison d'être du comité, tel qu'il a été établi et tel qu’il a été convenu, c'était que si le comité trouvait un acheteur crédible — et Delek US était un acheteur crédible —, il laisserait le vendeur, Shell, et l'acheteur prendre part à des négociations pour voir s'ils pourraient conclure un accord. L'offre initiale de Delek, présentée le soir du 1er juin, était tout à fait inadéquate; elle était très, très basse. Le montant offert pour la raffinerie s'élevait probablement à quelques millions de dollars.

[Français]

    Delek US Holdings vous a offert 200 millions de dollars. Vous a-t-elle fait cette offre après le 1er juin?

[Traduction]

    Pas pour la raffinerie.

[Français]

    Elle vous a offert cette somme pour quoi, au juste? Pourriez-vous nous donner des détails?

[Traduction]

    J'aimerais vous faire remarquer que les gens de Delek n'ont jamais déposé d'offre officielle. Il s'agissait de déclarations d'intérêt. La dernière déclaration d'intérêt — dont il a été question à la réunion du 21 juin, qui s’est tenue à leur siège social au Tennessee et à laquelle j'ai assisté — comprenait un montant pour la raffinerie qui s'élevait probablement à environ 110 millions de dollars. D'autres offres ont été déposées pour nos opérations de gros et peut-être pour nos opérations de détail, même s'ils n'ont jamais présenté d'offre officielle pour donner une valeur à nos opérations de détail.
    Dans l'offre déposée pour la raffinerie et pour nos opérations de gros, j'aimerais dire, monsieur le président, qu’à deux occasions nous avons demandé aux gens de Delek s'ils voudraient acheter la raffinerie seulement. Les deux fois, ils ont dit qu'ils ne voulaient pas. Donc, l'offre dont ils avaient discuté avec nous initialement s'appliquait à la raffinerie et à nos opérations de gros. Si je regarde le financement requis pour cela, au moment où ils ont augmenté leur offre — toutes les augmentations de leur offre, soit dit en passant, correspondaient, semble-t-il, aux augmentations des sommes fournies par des entités publiques ou des entités soi-disant publiques —, toutes ces hausses ne s'élevaient toujours pas aux 150 à 200 millions de dollars requis pour l'achat de la raffinerie elle-même.

[Français]

    Merci, monsieur Oblath.
    Merci, monsieur Laframboise.
    Monsieur Petit, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs Oblath, Houle et Rocheleau.
    D'abord, j'aimerais souligner que ce sont en effet les employés de votre raffinerie qui vont subir les plus gros contrecoups de cette situation. Je parle ici des 400 ou 500 employés qui vont perdre leur emploi ou qui risquent d'être déplacés. Il semble difficile d'en arriver à une vente officielle. On appuie votre comité, mais on ne sait pas exactement vers quoi il se dirige. Par ailleurs, il semble y avoir une deuxième phase, et celle-ci m'inquiète un peu.
    Monsieur Oblath, j'aimerais obtenir plus de détails de votre part. Supposons que vous transformez la raffinerie en terminal — je dis bien « supposons » parce que ce n'est pas fait officiellement. Qu'allez-vous faire des employés? Ceux-ci veulent savoir exactement vers quoi ils se dirigent. J'aimerais savoir quel plan social et quel plan d'affaires vous avez prévus pour ces employés. Ce sont eux qui vont faire face à des problèmes et non pas vous. Vous allez conserver votre emploi alors qu'eux vont le perdre.
     J'aimerais que vous nous donniez beaucoup plus d'explications à ce sujet. C'est une question importante.

[Traduction]

    Je pense que M. Houle serait mieux placé que moi pour répondre à cette question.

[Français]

    À la raffinerie de Montréal-Est, il y a 490 employés dont 127 sont admissibles à la retraite. À ce jour, 35 employés ont démissionné parce qu'ils ont trouvé un emploi dans une autre industrie. Il y a eu deux retraites et environ une vingtaine de transferts dans d'autres établissements de Shell. On a aussi tenu un bon nombre de séances dans le cadre d'un comité qui met à contribution le gouvernement et le syndicat et qui a comme objectif d'aider les gens à trouver un autre emploi. On y aborde la rédaction d'un curriculum vitae et les entrevues, notamment. On a organisé des « journées carrière », fait venir des gens d'Hydro-Québec, de Japan Tobacco Inc. et de Suncor, de même que des représentants de la Ville de Montréal et des gens responsables du traitement des eaux. En septembre, d'autres compagnies vont venir, notamment Come By Chance et Albian Sands. Je suis en contact avec les autres sites de Shell, au Canada surtout mais aussi au Qatar. On voit quelles sont les possibilités d'emploi pour les gens qui sont mobiles. Je reconnais que tout le monde n'a pas la possibilité de l'être.
     On fait beaucoup de démarches. Il y a des séances d'information sur les avantages sociaux et les pensions. Beaucoup de choses se font du côté des ressources humaines pour encadrer nos gens. Il est certain qu'en tant que directeur général de la raffinerie, mon but est que chacun de mes employés ait trouvé une solution d'ici au 30 novembre. Ça pourrait être à l'intérieur de Shell, dans le futur terminal, qui va compter environ 20 ou 30 employés. Le but est de continuer à travailler de concert avec le syndicat et les gouvernements afin de prendre soin de nos employés et de leur famille. Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est l'une de mes principales priorités.

  (0940)  

    Monsieur Houle, comme M. Oblath vous a permis de parler des employés au nom de la compagnie Shell, je vais vous demander quand vous avez entamé la démarche dont vous nous parlez. Quand avez-vous rencontré le syndicat? L'avez-vous rencontré à ce sujet?
    Depuis l'annonce formelle du 7 janvier 2010, après un processus tout de même élaboré visant à ce que Shell trouve un acheteur, c'est lorsqu'on est arrivés à la conclusion qu'on n'avait pas eu d'offre formelle qu'on a tout de suite commencé à mettre en place ce genre de processus, en collaboration avec nos gens des ressources humaines et des head offices — le terme français m'échappe.
    Étant donné que cette décision n'avait pas déjà été prise deux ans auparavant, c'est sûr que les choses n'étaient pas toutes en place en janvier. Dès lors, il a donc fallu commencer à inviter ces gens et à regrouper les organismes pour mettre en place des plans afin de les aider. Il n'y a donc pas de complot, et rien n'avait été prévu. Aux yeux de certains, on a peut-être eu l'air désorganisés au début, mais c'était parce que la décision définitive venait d'être prise en janvier.
    Puis, le comité est arrivé. C'est sûr que, tant qu'on n'a pas d'offre formelle, on ne peut pas mettre nos plans de conversion de côté et travailler sur le comité. Il faut travailler les choses en parallèle. Depuis ce temps, on a travaillé à l'élaboration de plans de conversion et à des projets.
    Certains articles prennent du temps à commander. On a donc commencé tout de suite pour pouvoir arriver à temps, pour ne pas avoir de problèmes d'approvisionnement, parce que certaines unités de procédés doivent être légalement mises hors service en septembre. On n'a pas le choix. En raison de la sécurité des procédés, il faut arrêter les unités en septembre. On est rendus à un point où le mur est là et il faut arrêter les unités.
    Monsieur Rocheleau, vous avez entendu M. Houle. Est-ce vrai que, depuis janvier de cette année, vous avez fait des rencontres pour justement discuter de l'avenir des employés dans l'éventualité où la raffinerie ne serait pas vendue et deviendrait un terminal?
    Avez-vous personnellement — ou des gens de votre syndicat — fait des rencontres avec M. Houle ou des représentants de Shell, au nom de M. Houle? Avez-vous fait des rencontres?
    Oui. Il faut dire que le comité de reclassement dont on parle, c'est une obligation légale au Québec. Ce n'est donc pas parce que Shell l'a mis sur pied. C'était une obligation légale de créer un comité de reclassement. Nous y participons selon les règles établies dans la loi.
    Je déplore, contrairement à ce qu'on nous dit... On parle d'efforts faits pour les travailleurs. Or je peux vous dire que Shell ne fait pas d'efforts particuliers pour les travailleurs. On dit que des gens ont été transférés dans d'autres installations de Shell. Shell ne fait pas de reclassement.
    Pour ma part, j'ai connu une fermeture de poste chez Esso, qui nous a garanti qu'il nous trouverait des emplois à l'intérieur d'Esso. On n'avait même pas à soumettre notre candidature, on n'avait rien à faire.
    Actuellement, Shell dit à ses travailleurs qui ont perdu leur emploi de soumettre leur candidature pour les postes à pourvoir, comme n'importe quel autre employé dans le monde. S'ils obtiennent le poste, tant mieux; sinon, tant pis. Aucun effort particulier n'est donc fait en ce sens.
    En outre, on dit que 127 employés sont admissibles à la retraite. Je veux bien croire que des gens soient admissibles à la retraite, mais il y a une pénalité de 25 p. 100 qui est associée à cette retraite et cela n'incite pas ces travailleurs à la prendre. Pour ajouter à ce sujet, alors que des clauses dans notre convention collective nous permettent de garder des gens qui sont mieux que des sous-traitants, disons que Shell essaie actuellement de nous enlever ces clauses qui permettent de garder nos gens plutôt que d'avoir recours à des sous-traitants.

  (0945)  

    Merci, monsieur Petit.
     Merci, monsieur Rocheleau.
    Monsieur Godin.
    Merci, monsieur le président.
     J'aimerais aussi vous souhaiter la bienvenue au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Les questions importantes à l'étude aujourd'hui sont les suivantes. Est-ce que Shell veut vendre? Est-ce qu'il y a un acheteur?
    Vous dites être prêts à vendre. Est-ce que l'acheteur potentiel est là?
    Monsieur Oblath, vous avez souvent dit que les offres sur la table n'étaient vraiment pas formelles, mais plutôt verbales. Admettons qu'un miracle survienne aujourd'hui et que Delek décide de faire une offre formelle sur papier de 150 ou 200 millions de dollars pour la raffinerie et de 225 millions de dollars pour les stations-service au Québec et en Atlantique. Est-ce qu'il s'agirait d'une offre acceptable?

[Traduction]

    Monsieur le président, je ne pense pas qu'il convienne que je négocie dans le cadre d'une tribune publique. Il s'agit de négociations privées entre deux parties. Je ne crois pas que je puisse répondre directement à la question.
    Eh bien, je pense que vous ne pouvez pas répondre aux questions parce que Shell ne veut pas vendre. À mon avis, ce que Shell veut faire est simple. L'entreprise mène ses activités au Québec et dans les provinces atlantiques depuis 77 ans, elle a offert un très bon service et elle a fait beaucoup d'argent. Aujourd'hui, Shell a trouvé un moyen de faire plus d'argent: il suffit d'importer le pétrole et de le vendre aux pauvres naïfs qui l’achètent de votre entreprise depuis 77 ans. Si ce n'est pas le cas, pourquoi vous interrogez-vous sur la provenance de l'argent? Si Delek reçoit de l'argent du gouvernement ou de quelqu'un d'autre, Shell n'est-elle pas heureuse d'avoir son argent?
    Nous accepterions l'argent de n'importe quelle source légale. La question ne porte pas sur notre dispute au sujet de l'argent. Les déclarations d'intérêt qui m'ont été présentées par Delek n'étaient pas des offres verbales. Il s'agissait de déclarations d'intérêt écrites. J’ai les sources et l’utilisation prévue des fonds. Voilà quelque chose qu'un vendeur demande habituellement pour connaître la provenance des fonds d’un acheteur. La grande majorité des fonds provient de syndicats appuyés par le gouvernement ou directement du gouvernement. Il n'y a aucun problème là. Le problème, c'est que le montant global inscrit sur ce morceau de papier n'est pas assez élevé.
    Merci, monsieur Oblath.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Monsieur le président, comme M. Oblath appuie ses propos et ses réponses aux questions sur un document contenant des chiffres très clairs, je demande à ce qu'il dépose ce document pour que l'on puisse le voir. Étant donné qu'aujourd'hui ce comité tient une séance publique, pour les fins de notre travail, je pense qu'il serait adéquat que M. Oblath dépose ce document.

[Traduction]

    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais je le soulèverai à la prochaine occasion. Lorsque M. McTeague aura la parole, j'en parlerai à ce moment-là, et le comité décidera s'il veut le faire ou non.
    Allez-y, monsieur Godin.

[Français]

    Monsieur le président, j'espère que je n'ai pas perdu de mon temps de parole.

[Traduction]

    Nous devons surveiller chaque minute, par ici.

[Français]

    Vous dites que vous n'êtes pas ici pour négocier avec nous. Je suis d'accord avec vous. Cependant, on nous dit que vous êtes le vendeur et l'autre est l'acheteur. Des chiffres sont sur la table. Si la compagnie vous demande aujourd'hui quelles sont vos conditions et qu'elle les respecte sur papier, êtes-vous toujours vendeur? Est-ce que ça vous dérange si c'est Delek?
    Si le gouvernement du Québec est prêt à accepter cette compagnie dans la province, si la région de l'Atlantique est prête à accepter que Shell laisse aller cette raffinerie, comme elle le souhaite, pourquoi pas? Vous avez été la bienvenue pendant 77 ans, mais, selon M. Rocheleau, comme vous n'avez pas fait d'argent en 2009, vous vous êtes dit que vous feriez mieux de vous en aller. La seule raison, c'est que Shell pourrait faire bien plus d'argent bien plus vite. C'est la vraie raison. Disons les vraies raisons.
    Autrement, Shell devrait dire qu'elle a un plan, qu'elle veut vendre la raffinerie et ses stations-service et puis s'en aller. Ainsi, vous diriez merci pour ces 77 ans, mais que vous souhaitez continuer. Ce n'est pas à vous de vous inquiéter par la suite si on a de l'essence ou non. Les gouvernements vont s'en occuper ou s'en inquiéter.
    Désirez-vous vraiment vendre, oui ou non? Sinon, ne cherchez-vous pas plutôt à en profiter? Vous avez voulu faire croire à la population que vous étiez à vendre, mais en réalité vous ne l'êtes pas. Vous voulez nous apporter le pétrole d'ailleurs et nous le passer sous le nez. C'est ce que vous voulez faire. N'est-ce pas exact, monsieur Houle?

  (0950)  

[Traduction]

    C'est faux, monsieur le président.

[Français]

    Si la compagnie vous fait une offre, êtes-vous prêts à vendre?

[Traduction]

    Si n'importe quelle entreprise, pourvu qu'elle jouisse d'une certaine crédibilité à titre d'exploitant ou de raffineur, veut acheter la raffinerie seulement ou veut déposer une offre pour la raffinerie et les autres opérations à un prix convenable, nous serions vendeurs. Nous ne l'avons pas nié.
    Oui, mais vous dites s'il s'agit d'un exploitant crédible et ainsi de suite... Pourquoi vous en souciez-vous?
    Oh, nous nous en soucions, monsieur le président. Par exemple, si nous vendions la raffinerie seulement, ce qui était initialement prévu, nous voulons nous assurer que cette raffinerie fournira du carburant à nos clients.
    Si cela vous tient tant à cœur, si vous êtes un bon citoyen, pourquoi n'avez-vous pas autant à cœur le sort de vos employés que vous voulez mettre à la porte?
    L'aspect le plus difficile de mon travail, monsieur le président, c'est de savoir que certaines des décisions que nous prenons toucheront mes collègues de chez Shell. Ce n'est pas quelque chose que l'on prend à la légère. Il n'y a aucun plaisir dans le fait que certaines personnes vont perdre leur emploi.
    J'ai entendu cette histoire tant de fois de la part d'entreprises —elles se sentent tellement mal, elles veulent pleurer — lorsqu'elles ferment leurs portes et ne font plus d'argent.
    Monsieur le président, nous avons une responsabilité envers beaucoup de différents intervenants. Nous avons une responsabilité envers nos...
    Envers vos actionnaires, n'est-ce pas?
    Et envers nos employés, et envers les collectivités que nous desservons, et aux collectivités élargies...
    Je vais répéter ma question: si une entreprise éventuelle est prête à acheter et que le gouvernement a confiance en cette entreprise, que tout a été vérifié et qu’elle pourrait faire du bon travail, seriez vous prêts à vendre, oui ou non?
    Monsieur le président, nous sommes prêts à vendre. Je tiens à souligner que l'entreprise en question s'est retirée des négociations. Nous n'avons pas mis un terme à ces négociations.
    Si elle veut revenir à la table des négociations, allez-vous relancer les pourparlers?
    Si les responsables sont prêts à revenir à la table et à discuter avec nous d’une offre qui est… Ils connaissent les chiffres exacts. Au cours de la réunion du 21 juin, nous avons eu des discussions très détaillées au sujet des sommes requises. Ils savent exactement le montant qu’il leur faut. Nous discuterions.
    J’aimerais souligner que nous avions initialement pris une décision, en janvier, après avoir cherché des acheteurs et n’avoir obtenu aucune offre. À la demande du comité spécial et des gouvernements concernés, nous avons alors repoussé la date d’échéance au 1er juin. Nous sommes maintenant en juillet et nous sommes à court de temps. Nous devons protéger les réserves de carburant qui sont acheminées dans cette partie du pays, au Québec, dans le Canada atlantique et dans certaines régions de l’Ontario. Dans le cas où nous ne pouvons pas transformer la raffinerie en terminal et que nous devons tout de même fermer notre raffinerie pour la redresser, et si nous n’arrivons pas à trouver un acheteur, nous devrons alors soit nous convertir en terminal très rapidement, soit mettre en péril les approvisionnements pour cette région du pays.
    Merci beaucoup, monsieur Oblath. Merci, monsieur Godin.
    Nous allons maintenant entendre M. McTeague. Mais tout d’abord, je crois savoir, monsieur Coderre, que vous avez une demande pour les membres du comité.

  (0955)  

    Monsieur le président, je pense qu’on a déjà discuté de la possibilité de prolonger de 15 minutes cette partie de la réunion de ce matin pour donner la chance à tous les membres de poser plus d’une question.
    Plaît-il aux membres du comité de terminer la réunion à 10 h 45?
    Bien, les députés sont d’accord.
    Merci, monsieur le président. Merci, chers témoins.
    Nous allons maintenant traiter de la question que M. Coderre a soulevée concernant les renseignements qu’il souhaite que Shell présente au comité.

[Français]

    Monsieur le président, on parle de toutes sortes de chiffres. Honnêtement, j'ai l'impression qu'on se fait duper.
     Étant donné qu'on tient une réunion publique, M. Oblath nous parle de façon très ouverte et je l'en remercie. Cependant, il parle en s'appuyant sur un document et il dit qu'il a des chiffres devant lui. J'aimerais qu'il puisse déposer ce document afin que les collègues de ce comité puissent en obtenir copie, parce que c'est un dossier important.

[Traduction]

    Merci, monsieur Coderre.
    Plaît-il aux membres du comité de demander à Shell de fournir ces renseignements?
    On vous écoute, monsieur Van Kesteren.
    Pour être justes, je pense que nous devrions permettre aux représentants de Shell de répondre en premier. Puisque certains renseignements ne sont peut-être pas prêts à être rendus publics ou qu'il ne serait peut-être pas approprié de les divulguer, je pense qu'ils devraient avoir la chance de répondre à la question en premier.
    D’accord. Y a-t-il d’autres observations à cet égard?
    Monsieur Godin.

[Français]

    Je serais prêt à les écouter. Il renvoie à un document, alors je suis d'accord avec M. Coderre. M. Van Kesteren a dit qu'il s'agit peut-être d'un document confidentiel qu'on n'a pas besoin de voir ou qu'on ne devrait pas voir. Cependant, il faut penser qu'il s'agit aujourd'hui d'une compagnie qui est ici depuis 77 ans. On sort des histoires au sujet desquelles le public doit connaître la vérité. À mon avis, le document devrait être déposé devant le comité.

[Traduction]

    D’accord, merci.
    Je vais poser la question à M. Oblath.

[Français]

ou peut-être à M. Houle. Serait-il possible d'obtenir l'information qu'a demandée M. Coderre?

[Traduction]

    Monsieur Coderre, quels renseignements voulez vous obtenir de Shell exactement?
    Les chiffres dont vous parliez. Vous disiez que la source…
    La source des fonds que Delek avait proposée dans son offre à Shell, ou sa lettre d’intention.
    Nous vous écoutons, monsieur Oblath.
    Monsieur le président, il s’agit d’un document entre Delek US… En fait, c’est un document préparé par Delek US à l’intention de Shell, qui nous a été remis durant les négociations. Après l'audience, je vais demander aux responsables s’ils seraient disposés à rendre le document public. C’est un document confidentiel. Shell serait certainement disposée à le rendre public, mais je me dois de consulter les gens de Delek US, puisque c’est leur document.
    Merci, monsieur Oblath.
    Monsieur Van Kesteren, vous vouliez faire un commentaire?
    Je voulais simplement clarifier ce que M. Godin a dit et préciser que la question n’est pas de savoir s’ils utilisent simplement ces remarques ou s’ils les prennent pour l’exposé. Le problème, c’est exactement ce qui a été énoncé: il s’agit d’une question d’ordre juridique. Ils devraient avoir droit aux mêmes égards que l'on témoignerait à toute personne qui a des problèmes liés à la protection des renseignements personnels.
    Merci de cette observation, monsieur Van Kesteren.
    Nous sommes saisis d'une motion visant à demander les renseignements, alors si personne ne souhaite intervenir, je vais mettre la question aux voix.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Monsieur le président, étant donné que M. Oblath vient de nous dire que le document provient de la compagnie Delek US Holdings, nous allons faire la demande auprès de cette dernière. Ce n'est pas un document de Shell.

[Traduction]

    D'accord, la motion est retirée.
    Nous allons maintenant entendre M. McTeague.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je vous remercie d'être présents aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Oblath, je vais vous poser un certain nombre de questions qui portent sur le sujet beaucoup plus vaste des conséquences pour le reste du Canada. Vous comprendrez qu'après avoir travaillé 17 ans sur un dossier, on devient un peu nerveux à voir la réaction en chaîne des fournisseurs qui quittent le marché canadien dans l'espoir de pouvoir trouver des approvisionnements ailleurs.
    Vous avez tous les deux évoqué le fait qu'il faut fermer la raffinerie, qu'il y a une période de temps pour le faire. Pouvez-vous me dire quand exactement vous cesserez de traiter le pétrole brut et la quantité de pétrole brut que vous avez en stock?

  (1000)  

    Je vais laisser M. Houle répondre à la question.

[Français]

    Les unités de procédés vont commencer à être fermées à compter du 13 septembre, et ça va se poursuivre jusqu'au 9 octobre environ. Un certain nombre de semaines vont être nécessaires pour décontaminer les unités. Ça pourrait prendre jusqu'à la fin d'octobre ou de novembre.
    Pour ce qui est des achats de brut, il faut reculer de 30, 45 ou 60 jours en raison des inventaires des bateaux en provenance de divers pays. Les dernières cargaisons par bateaux vont être achetées vers le milieu du mois d'août.

[Traduction]

    D'accord, mais permettez-moi de passer à la question suivante. Quand toutes les entreprises qui offrent des produits autres que de marque, vos prétendus clients, cesseront-elles d'être approvisionnées, monsieur Oblath? Quand prévoit-on arrêter d'approvisionner les entreprises indépendantes, le Haut-Arctique, le territoire du Nunavut? Et vous avez entamé le processus visant à abroger ou à résilier vos accords d'échanges entre vous, par exemple, et Esso à Dartmouth, la raffinerie Eastern Passage Refinery? Avez-vous amorcé le processus visant à mettre fin à l'entente en vertu de laquelle les stations Shell sont approvisionnées par Esso dans les Maritimes, et les stations Shell, principalement au Québec et en Ontario, sont approvisionnées par vous? Quand cela se fera-t-il?
    Je demanderais à M. Houle de répondre.

[Français]

    Pour ce qui est de la procédure de conversion, c'est-à-dire le côté mécanique, nous allons modifier notre dock à la raffinerie de Montréal et rendre les ponts de déchargement plus rapides, de façon à augmenter la capacité de déchargement. Nous allons modifier des conduites, augmenter la sécurité des procédés de certains réservoirs et changer de service certains réservoirs de la raffinerie. C'est ce que j'appellerais le côté mécanique de la raffinerie.
    En ce qui a trait à l'approvisionnement, des changements vont devoir être faits. Aujourd'hui, certaines de nos exportations, fondées sur des importations, ne seront plus justifiables. Les exportations seront donc les premiers volumes à disparaître de notre balance. Par ailleurs, les raffineries ont en moyenne un excédent de capacité. C'est le cas de notre raffinerie de Sarnia. Ça va nous fournir un certain volume.

[Traduction]

    Monsieur Houle, puis-je vous interrompre?
    À Sarnia, on traite 72 000 barils par jour. À Montréal, vous en produisez 130 000. Selon mes calculs, la production de Sarnia n'équivaut environ qu'à la moitié de celle de Montréal. Comment continuerez-vous d'approvisionner des régions comme l'Arctique et l'Est du Canada via votre bassin actuel de détaillants non affiliés?
    Je n'avais pas fini, monsieur le président; permettez-moi de terminer mes explications.
    Les composantes sont multiples. En deux mots, il faut examiner les nombreuses sources d'approvisionnement en tenant compte de nos ventes actuelles. Notamment, les exportations seraient pratiquement réduites à néant. La raffinerie de Sarnia fournirait de l'essence à la région montréalaise via Kingston et Toronto. L'autre produit serait importé, et une combinaison...

[Français]

d'approvisionnement intérieur provenant de raffineurs du Québec. Malheureusement, pour les mêmes raisons que celles mentionnées par M. Oblath, je ne peux pas préciser de noms.

[Traduction]

    Monsieur Houle, je n'ai que quelques minutes. Permettez-moi de poser des questions bien précises.
    Cherchez-vous, oui ou non, un autre fournisseur pour approvisionner le Nunavut et les régions arctiques du pays? En avez-vous trouvé un pour traiter les 130 000 barils de capacité excédentaire par jour? Avez-vous déjà trouvé une entreprise chargée d'approvisionner ces régions, oui ou non?

[Français]

    La réponse ne sera pas oui ou non. Un processus est en cours présentement. Des ententes fermes ont été signées et d'autres sont sur le point de l'être. La réponse n'est pas aussi simple qu'un oui ou un non. Sur le plan de l'approvisionnement, nous allons nous assurer que nos clients reçoivent des produits de qualité, comme ceux qui leur sont offerts aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Houle, je pense que vous pouvez comprendre...
    Merci, messieurs McTeague et Houle.
    Monsieur Braid.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins et intervenants d'être ici ce matin.
    Monsieur Houle, je vais débuter avec vous. Shell a lancé une étude stratégique il y a un peu plus d'un an. Dans le communiqué de presse annonçant l'étude, on dit que toutes les options à long terme sont envisagées, dont la vente de la raffinerie et de secteurs en aval, une coentreprise, la conversion en terminal, la fermeture et la poursuite des activités. Ce matin, vous avez dit que la conversion en terminal n'était pas votre premier choix.
    Pourriez-vous classer les options annoncées il y a un an par ordre de préférence?

  (1005)  

    Monsieur le président, je vais laisser M. Oblath répondre à cette question.
    Évidemment, notre premier choix était de vendre. Cela ne faisait pas de doute pour nous. Dès que nous avons considéré les options, nous avons formé une équipe pour essayer de vendre la raffinerie. Un directeur général a entamé le processus en juillet 2009, et nous avons déployé des efforts dans ce sens à ce moment-là. C'était de loin la meilleure option pour nous.
    Pourriez classez-vous les autres options, s'il vous plaît?
    La possibilité que la raffinerie soit fermée et que les produits ne passent pas par Montréal était la moins attrayante de toutes. Nous pensions que ce n'était pas une option viable.
    Au fil de notre étude, il est devenu clair que la transformation en terminal était la deuxième meilleure option après la vente.
    Monsieur Oblath, pourquoi avez-vous dit que la fermeture de la raffinerie était probablement la dernière option? Quelles en seraient les conséquences?
    De toute évidence, en l'absence d'une raffinerie, les approvisionnements liquides deviennent impossibles dans la région et des pénuries vont s'ensuivre presque sur-le-champ.
    Monsieur Oblath, dans ce communiqué de presse, on parle également de vendre la raffinerie et de secteurs en aval. Cette option inclut-elle les ventes en gros?
    Nous étions ouverts aux offres touchant les activités de vente en gros et même toutes nos activités connexes dans la région. Nous étions toujours ouverts... Nous avons discuté de cela avec Delek. Nous aurions été ouverts à cette option si on l'avait présentée.
    Sur un sujet légèrement différent, j'aimerais avoir une meilleure idée des sommes en cause. Vous avez indiqué que, malgré des investissements considérables de 400 millions de dollars dans la raffinerie ces six dernières années, il fallait encore engager 600 millions de dollars supplémentaires.
    Ma question a deux volets. D'abord, à quoi ont servi les 400 millions de dollars investis depuis six ans? Ensuite, à quoi serviraient les 600 millions dont vous avez parlé?
    Monsieur le président, je redemanderais à M. Houle de répondre.
    Ces quatre ou cinq dernières années, nous avons principalement investi dans de nouvelles unités d'hydrotraitement de l'essence pour nous conformer aux nouvelles mesures législatives sur le soufre dans l'essence et dans une nouvelle unité d'hydrotraitement du distillat d'environ 300 millions de dollars pour retirer le soufre du diesel. Nous avons aussi investi dans un reformeur continu — désolé pour le terme technique. Il s'agit d'un procédé visant à améliorer le rendement et la valeur des produits de la raffinerie.
    Des 600 millions de dollars qu'il faut investir dans les cinq prochaines années, environ 250 millions serviront à entretenir les unités de traitement dans deux, quatre et cinq ans. Les cycles de maintenance des unités sont différents. D'abord et avant tout, il faudra entretenir l'installation de craquage catalytique en septembre, et l'unité d'alkylation nécessitera aussi des travaux. Environ 50 millions de dollars doivent ainsi être investis sans tarder. Au printemps, la fermeture de l'unité de brut dans l'installation à hydrogène coûtera environ 70 millions. Quelque 250 millions serviront à cela.
    Le reste des fonds doit être investi dans la sécurité. Des salles de commande doivent être déplacées pour des raisons de sécurité des gens, surtout quand on pense aux conséquences sur la santé de la catastrophe impliquant BP ou à ce genre de choses. Une usine de traitement des eaux et certains réservoirs arrivent à la fin de leur vie utile. Nous avons calculé des marges de sécurité qui permettent de repousser l'échéancier de quelques mois, mais il faut tout de même engager environ 60 millions de dollars pour ces raisons.
    Une chaudière peut encore fonctionner pendant un certain temps. Cependant, dans l'unité de craquage catalytique, il y en a une qui est rendue à la fin de sa vie utile et qui nécessite d'investir 40 millions de dollars .
    Voilà les principales unités qui sont essentiellement rendues à la fin de leur vie utile.

  (1010)  

    Merci, monsieur Houle.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci à vous tous d'être avec nous aujourd'hui.
    Mes premières questions vont s'adresser à M. Rocheleau. Vous avez entendu M. Oblath nous dire que Shell n'avait pas reçu une offre d'achat de 200 millions de dollars pour sa raffinerie. Vous faites partie du comité Fortier. Une des conditions ou un des critères qui avaient été fixés par Shell pour considérer une offre était que l'offre soit entre 150 et 200 millions de dollars. Est-ce exact?
    Comme vous le savez, on a forcé la mise en arrêt du comité Fortier le 17 juin. Donc, on n'a pas fait partie des discussions sur la surenchère qui aurait eu lieu entre Delek US Holdings et Shell. On n'a pas obtenu les détails parce que les démarches du comité ont été arrêtées. Donc, je n'ai pas reçu cette information. Toutefois, si les chiffres sont exacts, ce montant se situe dans la fourchette de prix que Shell voulait obtenir pour l'achat de la raffinerie.
    De 150 à 200 millions de dollars, c'était la fourchette d'argent que Shell voulait recevoir. Autrement dit, Shell était prête à étudier une offre entre 150 et 200 millions de dollars. C'est ce que vous avez entendu en tant que membre du comité Fortier.
    Oui, c'est ce qu'il y avait dans la data room de Shell, à laquelle nous avions accès. Donc, une fourchette de prix était indiquée dans cette data room, et si les chiffres qu'on a vus sont exacts, cela voudrait dire que cette offre se situe en plein dans le haut de la fourchette demandée par Shell.
    Vous dites que le comité Fortier a été mis de côté. Qu'avez-vous à dire à ce propos? Shell a-t-elle tassé le comité, selon vous? Vous siégiez au comité. Quelle est votre perception?
    On a reçu une lettre d'une avocate de Shell, écrite en anglais, qui demandait l'arrêt immédiat des travaux du comité Fortier. On savait que si on n'arrêtait pas les travaux du comité, cela pouvait mettre en péril les discussions ultérieures entre Shell et Delek US Holdings.
     Donc, comme on ne voulait pas être un obstacle au travail qui se faisait pour essayer de vendre la raffinerie, on a préféré arrêter les travaux et ainsi ne pas se faire reprocher d'avoir mis un arrêt éventuel à des discussions entre Shell et un acheteur.
    J'aurais des questions à poser à M. Oblath.
    J'ai ici en main un article de Radio-Canada qui dit ceci:
Delek a alors révisé son offre à 420 millions, soit 200 millions pour la raffinerie et 220 millions pour les stations-service du Québec et des Maritimes. Shell a décliné l'offre, fixant son prix à 500 millions.
     Au départ, est-ce que votre prix de vente était de 500 millions de dollars, ou y a-t-il eu de la surenchère, une augmentation ou une modification de ce prix au cours des négociations?

[Traduction]

    Concernant la déclaration d'intérêt de Delek... Je ne sais pas où vous avez pris ces chiffres dans la presse. Delek US et Shell ont négocié en toute confidentialité. Évidemment, il y a eu des fuites, mais j'étais présent durant les discussions et je peux vous dire que ce ne sont pas les bons chiffres.
    C'est vrai que l'offre d'achat touchant la raffinerie et les activités de vente en gros avoisinait 200 millions de dollars. Cette information est exacte. Toutefois, je répète que ce n'était pas seulement pour la raffinerie. Nous avons demandé deux fois à Delek US si elle achèterait juste la raffinerie, mais elle a refusé. Nous étions prêts à vendre la raffinerie et les installations de vente en gros, mais pas au même prix que si nous vendions uniquement la raffinerie.

  (1015)  

[Français]

    Vous avez parlé d'ententes de confidentialité. Delek US Holdings a signé une entente de confidentialité avec Shell. Il est dommage que vous n'ayez pas accepté de libérer Delek US Holdings de cette entente de confidentialité.
     Expliquez-nous pourquoi vous estimez que cet acheteur n'est pas crédible et pourquoi vous ne l'avez pas libéré de cette entente de confidentialité.

[Traduction]

    Monsieur Bouchard, en comité parlementaire, il n'est pas nécessaire de décharger un témoin de quelque obligation que ce soit, parce qu'on ne peut pas le poursuivre en justice. Les garanties dont jouit un député en Chambre s'appliquent ici aux témoins pendant leur comparution. Les témoins et les membres du comité peuvent s'exprimer librement sans craindre de subir un procès.
    Je rappelle aux députés que les témoins peuvent dire ce qui leur plaît et communiquer toute l'information qu'ils souhaitent. En tant que président, j'en ai informé nos témoins avant leur comparution d'aujourd'hui.
    J'estime que M. Oblath a répondu à vos questions et a précisé les détails de l'offre rapportée par Radio-Canada.
    Poursuivez.
    Un rappel au règlement.

[Français]

    Si je comprends bien, je ne peux pas toucher à ce point.
    J'aimerais poser une question à M. Oblath.
     Un moment, s'il vous plaît.
    Monsieur McTeague.

[Traduction]

    Monsieur le président, je fais un rappel au règlement car je tiens simplement à m'assurer, pour ne pas perdre de temps... Vous avez pris deux minutes pour présenter cet argument, qui est excellent, mais je pense que nous devrions ajouter cela à la fin. Autrement dit, donner deux minutes supplémentaires à certains membres du comité. Merci.
    Nous avons déjà prolongé de 15 minutes et je pense...
    Vous venez d'éliminer deux de ces 15 minutes et je viens maintenant d'en prendre 30 secondes.
    Oui, mais il s'agissait de préciser ce qui se passe.

[Français]

    Monsieur Bouchard, vous avez déjà utilisé vos cinq minutes.
     Monsieur Van Kesteren, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je me demande si vous pourriez décrire brièvement ce qui se passe aujourd'hui dans le secteur du pétrole. Quand je vois le nombre de raffineries qui sont disparues depuis 1954... Je pense qu'il y avait alors beaucoup plus de raffineries au Canada. Je suppose que c'est la même chose États-Unis. J'ai l'impression que le nombre de celles qui sont disparues est énorme. Pourriez-vous expliquer au comité ce qui s'est passé et quelles sont les raisons de cette situation?
    Peut-être pourriez-vous également expliquer au comité comment l'industrie du pétrole a changé? Je crois comprendre que nous avons un réseau commun avec les États-Unis.
    Finalement, si c'est possible, parlez-nous de la capacité, c'est-à-dire de la capacité de raffinage ici au Canada et aussi de la consommation. Obtenons-nous notre part du marché?
    Peut-être pourriez-vous nous donner des précisions sur ces choses-là, pour commencer?
    Il me serait très difficile de vous donner des chiffres exacts pour le Canada mais je peux vous donner une image globale de la situation. Si vous partez de la situation mondiale, il est clair que la demande mondiale de produits raffinés est en augmentation. On construit des raffineries dans diverses régions du monde. Aucune nouvelle raffinerie n'a été construite aux États-Unis pendant environ 37 ans et, au Canada, pendant 25 ou 30 ans, je crois. En fait, je pense que notre raffinerie de Scotford est probablement la dernière à avoir été construite.
    Les nouvelles raffineries sont de très grande taille et, de ce fait, on ferme certaines des vieilles raffineries, plus petites, dans diverses régions du monde, notamment en Europe occidentale et en Amérique du Nord. C'est la tendance générale.
    La liquidité du marché mondial est telle que les consommateurs du monde entier peuvent toujours être approvisionnés. Il est relativement facile de transporter des produits raffinés par bateau. Ça se fait tous les jours dans le monde entier. Par conséquent, l'usage optimal des produits raffinés provenant des raffineries les plus efficientes au monde est la tendance d'aujourd'hui.
    Au Canada, la raffinerie de l'est de Montréal est la moins concurrentielle, et c'est le cas depuis 10 ans, en termes de rentabilité. Malheureusement, elle est arrivée à la fin de sa vie utile. Je pense qu'on vient simplement de s'en rendre compte. Plus d'une centaine d'autres sociétés ont apparemment étudié le dossier, dont 17 en grand détail, et toutes sont parvenues à la même conclusion. Sans une aide importante provenant de sources extérieures à l'industrie privée, cette raffinerie ne pourra pas survivre.

  (1020)  

    Je crois comprendre que vous produisez du carburant d'aviation à votre raffinerie. Qui va en produire à l'avenir? Il est évident que l'aviation est importante à Montréal. Qui va prendre la place?
    Je vais vous donner une réponse d'ordre général et je laisserai ensuite M. Houle répondre sur le carburant d'aviation.
    Certaines des questions semblent sous-entendre, monsieur le président, que nous nous moquons de nos clients. Nous ne voulions pas vendre la raffinerie. La meilleure solution que nous avions envisagée en 2009 était de la vendre comme raffinerie active. Si quelqu'un avait trouvé le moyen de gérer cette raffinerie, nous aurions été un client extrêmement heureux et aurions transféré ces produits à nos clients. Shell a l'intention de garder sa clientèle. C'est la raison pour laquelle nous sommes en affaires. Nous ferons tout notre possible pour nous assurer que nos clients sont approvisionnés, où qu'ils se trouvent dans le monde.
    En ce qui concerne le carburant d'aviation, je laisse la parole à M. Houle.
    Pour répondre simplement, la plupart des importations que nous ferons seront des importations d'essence, environ 65 p. 100 du volume que nous allons importer. L'Europe produit beaucoup d'essence, tout comme nos propres raffineries en Europe, et il sera donc relativement facile d'acheter de l'essence, même sur le marché au comptant, et de l'amener à Montréal par bateau.
    Le carburant d'aviation, l'av-gas quand on dit en anglais, pour les petits avions proviendra soit de notre raffinerie de Pernis aux Pays-Bas, soit de la côte du golfe.
    Le distillat à faible teneur en soufre — c'est un petit volume — proviendra de notre raffinerie de Puget Sound ou d'une raffinerie mieux placée si nous en trouvons une. En tout cas, cet approvisionnement sera assuré.
    Le carburant d'aviation proviendra d'autres raffineurs canadiens, avec un mélange de carburant importé, mais l'importation représentera un très petit volume et sera relativement facile à obtenir d'Amérique du Sud et de la côte du golfe, en l'acheminant par bateau.
    Merci, monsieur Houle et monsieur Van Kesteren.
    Monsieur Godin.

[Français]

    Il y a un prix à payer pour acheter la raffinerie. Êtes-vous d'accord, monsieur Houle? Il y a également un prix à payer pour la démanteler. Combien ce démantèlement va-t-il vous coûter?
    Monsieur le président, vous pourrez comprendre qu'il s'agit d'information délicate, du point de vue de la concurrence. Je ne peux pas dévoiler le coût total exact de toutes les composantes. Je peux dire cependant qu'il y a des coûts reliés à ce qu'on appelle les primes de séparation des employés. Quelques millions de dollars sont consacrés à cela. Il y a des coûts associés à la mise hors service des unités et à la décontamination, la restauration et la caractérisation des sols en vue de les rendre conformes aux normes du gouvernement du Québec. Il y a aussi un coût associé au projet de conversion dont j'ai parlé plus tôt, soit pour les pompes et les tuyaux.
    Je décris la chose de façon plutôt simplifiée, mais M. Oblath connaît peut-être davantage de détails à ce sujet. Tous ces coûts ont été pris en considération quand est venu le temps d'évaluer la valeur de la raffinerie par rapport à celle du terminal. Il faut que les gens comprennent cela. On ne parle pas ici du coût physique de la raffinerie. Il s'agit de la valeur qu'a le terminal pour Shell, par opposition à la valeur de la raffinerie pour quelqu'un d'autre. Comme l'expliquait M. Oblath, cette raffinerie a une certaine valeur en tant que terminal. Malheureusement, les gens ne se sont pas entendus sur cette valeur.

  (1025)  

    J'ai de la difficulté à comprendre. C'est peut-être un peu compliqué.
     Monsieur Houle, vous nous avez dit plus tôt que telle et telle partie étaient finies. C'est comme si vous aviez vu venir ça depuis longtemps. Ça signifie que vous n'avez pas commencé à y penser en 2009, mais que vous avez laissé aller les choses à un point tel que votre raffinerie est finie, selon ce que vous dites. C'est donc dire que vous aviez depuis longtemps l'intention de le faire.
     Monsieur le président, il y a environ 20 ou 30 unités dans la raffinerie. Or il y en a toujours qui deviennent hors d'usage. Bien entendu, dans le cadre de notre étude stratégique, des décisions ont été prises de façon sécuritaire. Je parle ici des formulaires de Shell, des dérogations et du personnel technique d'inspection. Il s'agissait de retarder certaines décisions, de façon sécuritaire, en attendant d'obtenir la réponse définitive qui allait déterminer si nous poursuivions nos activités, procédions à la vente ou convertissions la raffinerie en terminal.
    Dans le cadre d'un processus de conversion et d'étude stratégique, il était normal d'attendre le plus longtemps possible et de ne pas encourir ces dépenses. Le mois de septembre est maintenant le délai ultime. Il va falloir absolument que le fonctionnement des unités cesse à ce moment-là. On s'est donné le plus de temps possible de façon à repousser la décision définitive et à augmenter les chances de vendre la raffinerie. Encore une fois, je répète que l'option préférée de Shell était assurément la vente de la raffinerie. Il est clair qu'on voulait la vendre, mais il fallait pour les actionnaires que ce soit à un prix supérieur à la valeur d'un terminal.
    Comme vous l'avez dit, il ne se bâtit plus de raffineries au Canada et il semble bien que cette situation se maintienne. Vous avez parlé des actionnaires. Or, il paraît plus avantageux de faire affaire avec des pays où il y a de la main-d'oeuvre à bon marché. Bienvenue au libre-échange et à tout cela, et on paye le prix. C'est votre position?
    Je vais laisser M. Oblath répondre à cette question, monsieur le président.

[Traduction]

    Je ne considère pas Singapour ou le Texas comme des régions de main-d'oeuvre à bon marché. Nous faisons un investissement énorme à Port-Arthur, au Texas, pour doubler la capacité de cette raffinerie, et nous avons également fait un très, très gros investissement à Singapour.

[Français]

    D'accord. Comme ça, le Texas, qui est aux États-Unis, va nous en passer une vite ici, dans l'Est du Canada et en Atlantique, parce qu'on achètera le pétrole de Shell qui viendra du Texas et ce sont les Américains qui feront de l'argent.

[Traduction]

    Monsieur le président, nous avons le devoir de fabriquer nos produits dans les régions du monde où c'est le plus rationnel. Malheureusement, cette raffinerie n'est plus compétitive depuis maintes années. C'est la raffinerie la moins compétitive du Canada. Ce n'est pas nous qui le disons, c'était la conclusion d'une analyse générale de l'industrie. La raffinerie est trop vieille, trop petite et ne peut pas être rendue compétitive...

[Français]

    D'accord. Excusez-moi.
    Monsieur Rocheleau, vous...

[Traduction]

    Monsieur Godin, veuillez laisser M. Oblath terminer sa réponse, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, le fait est que ce n'est pas...

[Français]

    Non, non. Excusez-moi, monsieur le président. Ce sont mes questions, ce sont les réponses à mes questions, c'est mon temps.

[Traduction]

    J'entends bien mais j'aimerais que le témoin puisse terminer sa phrase, après quoi vous pourrez poser une question.
    Continuez, monsieur Oblath.
    Monsieur le président, ce n'est pas seulement nous qui le disons puisque beaucoup d'autres sociétés ont examiné le dossier, y compris... Quelqu'un a dit que Delek n'est pas un propriétaire crédible. Ce n'est pas moi. C'est un raffineur crédible. C'est une société qui fait du raffinage. Elle-même et d'autres raffineurs ont étudié le dossier et sont parvenus à la même conclusion que nous.

  (1030)  

    Merci, monsieur Oblath.

[Français]

    Monsieur Godin, vous pouvez poser une dernière question.
    Monsieur Rocheleau, êtes-vous d'accord avec eux lorsqu'ils disent que la raffinerie à Montréal n'est plus profitable et que c'est le temps de s'en aller?
    Non, pas du tout. Comme je l'ai affirmé, cette raffinerie est rentable. Elle a fait de l'argent et elle a un marché. Ce que Shell a fait, c'est qu'elle a pris notre argent, nos profits de la raffinerie au fil des années à Montréal-Est, pour l'investir et pour bâtir les installations pour les sables bitumineux, pour bâtir la raffinerie de Scotford. C'est là que notre argent et nos profits sont allés au fil des années. Pendant un certain temps, on a souffert d'un manque d'investissements à Montréal, parce que les profits s'en allaient pour bâtir ce dont ils avaient besoin dans l'Ouest.
    Cette raffinerie est aussi compétitive que n'importe quelle autre raffinerie à Montréal. Le problème, c'est que Shell a tellement attendu pour faire l'entretien, qu'elle nous a mis face à un mur. Elle n'a pas fait le travail d'entretien qu'elle avait à faire depuis le début de 2009. Elle a repoussé les arrêts d'exploitation du printemps de 2009 à l'automne de 2009, puis de l'automne de 2009 au printemps de 2010. Et maintenant, c'est sûr que, n'ayant fait aucun des travaux qui devaient être faits, elle nous met devant un fait accompli, soit que cette raffinerie doit maintenant faire ses arrêts d'exploitation en septembre.
    Cela n'en fait pas pour autant une raffinerie qui ne peut plus fonctionner et qui ne peut pas continuer à faire des profits. D'ailleurs, dans les premiers trimestres de 2010, grâce aux profits qu'elle génère, la raffinerie de Montréal-Est se situe actuellement dans le premier quartile des raffineries de Shell.
    Merci, monsieur Rocheleau et monsieur Godin.
    Monsieur Allen.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins d'aujourd'hui ainsi que tous les observateurs.
    Je voudrais revenir sur l'une de vos affirmations, monsieur Oblath. Vous avez parlé d'un investissement important au Texas et ailleurs. Quelle est la différence entre les installations de ces régions et la raffinerie de Montréal-Est, d'un point de vue investissement? Est-ce l'âge de la raffinerie ou est-ce autre chose?
    C'est un nombre énorme de facteurs. Pas nécessairement l'âge mais la taille. La raffinerie de Port-Arthur, au Texas, deviendra l'une des deux plus grandes raffineries de toute l'Amérique du Nord, du Canada et des États-Unis.
    Quelle est l'ampleur de l'investissement que vous faites à Port-Arthur?
    Je n'ai pas le chiffre exact mais ça représente des milliards de dollars.
    Des milliards?
    Oui.
    Bien.
    Je voudrais maintenant des précisions sur l'échéancier que vous avez présenté. Vous avez mentionné le 13 septembre et avez dit que la dernière expédition se fera au mois d'août. Si j'ai bien compris les réponses aux questions précédentes, si une offre devait être faite, elle devrait l'être dans les deux prochaines semaines, n'est-ce pas?
    Lors des discussions — c'est avec Delek que la discussion sur la déclaration d'intérêt est allée le plus loin —, les deux parties ont convenu qu'il fallait conclure une entente avant le 23 juillet, le cas échéant. C'est l'objectif que nous nous sommes fixé lors de cette rencontre tenue le 21 juin. Il aurait fallu conclure une entente contractuelle complète stipulant que nous leur vendions la raffinerie et qu'eux l'achetaient, en plus des entreprises qu'ils voulaient aussi acquérir. La propriété de l'entreprise n'aurait pas changé à ce moment, puisqu'il y a bien des questions réglementaires ou autres à régler entre la signature et la conclusion d'une affaire. Nous manquons manifestement de temps pour effectuer quelque transaction que ce soit.
    Monsieur le président, j'aimerais vous rappeler que nous avons planifié la vente de la raffinerie en juillet dernier. Nous espérions l'avoir vendue avant la fin de 2009, ou du moins avoir conclu une entente contractuelle pour la vendre. Nous avons dit au comité de relance que nous étions prêts à collaborer, mais nous avons fixé l'échéance au 1er juin. Nous arrivons maintenant à la fin du mois de juillet. Nous n'avons plus beaucoup d'options.
    Ma prochaine question porte sur la valeur du site à Montréal-Est, dont vous avez parlé. Il me semble que vous avez même dit dans votre déclaration que des retards dans le processus d'obtention de permis pourraient entraîner des interruptions dans l'approvisionnement. Vous avez aussi parlé de demandes de permis courantes. Existe-t-il un processus plus efficace pour l'obtention de permis? Combien de temps faut-il pour obtenir les permis étant donné le degré de désaffectation du site? On considérerait probablement que le site est déjà exploité; ce n'est pas comme si vous demandiez des permis pour un nouveau site. Dans quel délai croyez-vous être en mesure d'obtenir les permis?
    Ensuite, j'aimerais vous poser une question à propos du terminal, dont M. Godin vous a parlé. Avez-vous une idée des coûts en capital nécessaires pour convertir la raffinerie en terminal? Pourriez-vous nous indiquer ce montant que vous avez sans doute communiqué à vos actionnaires?

  (1035)  

    Monsieur Houle.
    Votre première question porte sur le processus d'émission de permis, c'est bien cela?
    Oui.
    Il n'y a pas une seule réponse, puisqu'il y a différents gouvernements qui interviennent — notamment celui du Québec et de la Ville de Montréal, et chacun exige des permis différents. Par exemple, nous avons besoin de permis pour installer une nouvelle station de pompage et une sous-station électrique, pour changer l'utilisation des réservoirs de la raffinerie et pour la démolition. L'injonction qui a été prononcée, par exemple... La cour a rendu sa décision, et nous la respectons; nous allons nous soumettre à la loi et à la décision du juge. Par contre, l'injonction nous empêche d'accomplir des travaux d'entretien à la raffinerie que d'autres craignent de faire. Cela pourrait avoir pour conséquence de retarder le projet et de nous empêcher d'être prêts le 1er novembre. Puis, le nombre de bateaux, le volume... Il pourrait y avoir une importante interruption de l'approvisionnement sur le marché si nous n'obtenons pas les permis de démolition, par exemple.
    Vendredi dernier, j'ai rencontré des représentants du ministère des Ressources naturelles. Je leur ai fourni notre plan d'approvisionnement détaillé, et j'ai répondu à leurs questions. S'ils nous octroient le permis d'ici la fin du mois, par exemple, nous serons dans les temps et respecterons l'échéance. Si, pour différentes raisons — je ne suis pas expert en politique —, nous commençons à essuyer des retards, il y aura des interruptions dans l'approvisionnement.

[Français]

    Enfin, la deuxième partie de la question concerne

[Traduction]

    le coût pour la remise en état ou pour la conversion de la raffinerie en terminal.
    Ah oui, je devrai probablement vous donner la même réponse, c'est-à-dire que ce sont des renseignements que je ne peux dévoiler, car nos compétiteurs pourraient en tirer un avantage concurrentiel. Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons tenu compte des grands coûts pour procéder à la conversion — assainissement des sols, indemnités de départ et autres éléments du genre — pour prendre notre décision finale. Je ne peux toutefois pas vous donner les détails entourant chacun de ces éléments.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Allen, jugez-vous cette réponse satisfaisante?
    Puis-je poursuivre très brièvement avec un autre point?
    Oui, mais vraiment rapidement, car nous allons manquer de temps.
    D'accord. Dans quelle mesure les 400 millions de dollars que vous avez investis au cours des cinq dernières années pourront-ils être valorisés si la raffinerie devient un terminal?
    Si je me limite aux trois principaux investissements, je vous dirais que l'unité d'hydrotraitement de l'essence ne sera pas utilisée; elle sera probablement vendue ailleurs dans le monde. C'est du moins ce que nous allons essayer de faire. Nous considérons que l'unité d'hydrotraitement du distillat est presque neuve et il est fort probable que nous pourrons la vendre également à l'étranger. Enfin, l'unité de reformage continu pourrait aussi être vendue sur le marché mondial, mais ne sera certes pas utilisée dans le terminal.
    M. Mike Allen : Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Allen.
    Monsieur Coderre.

[Français]

    Monsieur le président, on me connaît comme quelqu'un qui dit ce qu'il pense. J'ai vraiment l'impression qu'on se fait fourrer aujourd'hui, et ça n'a pas de bon sens.
    On est en train de nous dire qu'on voulait vendre une raffinerie qui, finalement, était tellement désuète qu'elle ne valait pas plus qu'une cour à scrap, mais que vous demandiez de 150 à 200 millions de dollars pour qu'on puisse la vendre. Montréal mérite plus que d'être un parking à gaz. Est-ce que c'est clair? Ça, c'est le point majeur.
    Il n'y a pas de raffinerie qui se bâtit ailleurs. Au fond, vous nous dites que vous voulez écouler le stock que vous avez déjà, et on va être à la merci... En plus, ce sont les bateaux qui vont venir. Voulez-vous parler d'environnement? Vous n'êtes même pas capables de respecter l'environnement au Québec, car vous avez reçu 25 infractions depuis quelques années. Et là, vous venez nous dire que ce n'est pas grave parce qu'on va avoir des bateaux qui vont venir et qu'en plus, on va aller s'approvisionner dans le golfe du Mexique. Vous allez travailler avec BP: ça va être beau de voir ça. Depuis ce temps, on n'a plus besoin de faire le vide là-bas; on fait le plein. Vous avez juste à ramasser ce qu'il y a au bord de la plage.
     Je trouve cela inacceptable, monsieur le président.
    J'espère que vous avez un billet ouvert, parce que je ne pense pas qu'on en ait fini avec Shell aujourd'hui. S'il faut tenir une autre séance de comité, on le fera.

[Traduction]

    Monsieur Oblath, je suis très heureux que vous ayez pu être des nôtres aujourd'hui, mais j'aimerais bien que vous nous fournissiez votre liste de conditions, car il y a des choses qui m'échappent. Vous devez investir 600 millions de dollars additionnels, alors même que les infrastructures sont laissées à elles-mêmes et perdent toute leur valeur... mais vous vous prétendez encore intéressés à vendre. Nous verrons ce que le représentant de Delek aura à dire à ce propos tout à l'heure... Seriez-vous disposé à nous soumettre cette liste de conditions de manière à ce que nous puissions voir ce qui s'est produit? C'est l'essentiel en fait. Il ne s'agit pas seulement de savoir ce que Delek a offert. Il faut aussi considérer ce que vous leur avez répondu. Au départ, une fourchette avait été établie pour l'achat de la raffinerie, mais on ne cesse d'ajouter à cette demande. En dernière analyse, nous constatons qu'il s'agit d'un gâchis monumental.

  (1040)  

[Français]

    Ce n'est pas très enlevant pour les employés, mais ce n'est pas très enlevant non plus pour ce qui est de la sécurité énergétique. On va dépendre des États-Unis et d'ailleurs, sur le plan de l'approvisionnement, pour assurer notre propre sécurité. J'ai hâte de voir, à la station-service Shell au coin de ma rue, le coût de l'essence augmenter de 10 ¢ le litre parce qu'on va dépendre des Américains. Et si un événement se produit, comme une mission humanitaire, une situation de guerre, peu importe, on va dépendre d'un autre pays. Qu'est-ce que la souveraineté d'un pays, selon vous?
    Ce n'est pas juste un manque de 25 p. 100 au Québec; ça va être de 13 p. 100 dans l'ensemble de l'Est du Canada.
    Je suis outré par ce genre de propos. Ça n'a pas l'air de trop vous déranger, monsieur Houle. En plus, c'est notre faute, parce qu'on vous a convoqués à une séance de notre comité aujourd'hui et vous n'avez pas eu le temps de faire des demandes de permis. Cependant, vous avez eu le temps de faire une demande d'injonction, par exemple, parce que vous vouliez procéder au démantèlement avant d'avoir obtenu les permis.

[Traduction]

    Monsieur Oblath, estimez-vous que Delek US est capable d'exploiter la raffinerie de Shell à Montréal-Est?
    Je ne remets aucunement en question la crédibilité de Delek en tant qu'exploitant de raffinerie. Je n'ai aucune raison de croire que Delek ne serait pas en mesure de répéter ici les succès qu'elle connaît déjà avec une entreprise semblable.
    Vous n'avez donc aucune doute au sujet de leur capacité financière? Ne me parlez pas de crédibilité; la question ne se pose même pas. Vous avez signé une entente de confidentialité, ce qui est assez révélateur. Vous ne l'avez pas fait avec Blue Wolf, mais vous avez conclu une telle entente avec Delek US. Croyez-vous, oui ou non, que l'entreprise dispose des fonds nécessaires pour faire l'acquisition de votre raffinerie?
    Je ne me permettrais pas de porter un jugement sur le bilan de l'entreprise. C'est uniquement de leur ressort. Les gens de Delek nous ont démontré qu'ils étaient capables de rassembler les sommes requises. L'entreprise ne pouvant elle-même contribuer au financement que dans une très faible mesure, la plus grande partie des fonds devaient provenir d'emprunts, de...
    Cette question concerne Delek et nous en discuterons avec son représentant. Vous vouliez obtenir l'argent demandé, alors Delek a acquiescé à la hauteur de la fourchette ciblée, soit entre 150 et 200 millions de dollars. Je vous demande maintenant...
    Monsieur le président, encore une fois...
    Non. J'ai eu ma réponse. Vous avez répété exactement ce que vous avez dit au départ.
    Êtes-vous prêt à déposer votre liste de conditions afin que nous puissions savoir, que les Canadiens puissent savoir, car cette séance est publique, ce que vous exigiez vraiment d'un acheteur capable de faire l'acquisition de cette raffinerie?
    Monsieur le président, nous avons déjà parlé publiquement ici de la liste de conditions pour la raffinerie elle-même. Le comité de relance en connaît la teneur. La fourchette était effectivement de 150 à 200 millions de dollars. Si le montant n'est pas fixé avec plus de précision, c'est qu'il peut varier en fonction de certains autres éléments de l'offre détaillée qui serait présentée. Nous n'avons reçu aucune déclaration d'intérêt assortie d'une offre se rapprochant des 200 millions de dollars pour la raffinerie uniquement.
    D'accord. Vous n'auriez donc aucune objection à ce que d'autres témoins qui faisaient partie du comité de relance nous parlent sans contrainte des conditions prévues sur votre liste. Vous êtes d'accord. Cela ne vous pose aucun problème.
    Je ne veux pas...
    Monsieur Coderre, en tant que président, je vais devoir vous interrompre puisque cette portion de la séance tire à sa fin. Je vais quand même répondre à votre question.
    Les témoins sont libres de divulguer les renseignements qu'ils désirent, sans craindre que des poursuites civiles soient intentées contre eux. Les témoignages entendus, les commentaires et les questions tant des membres du comité que des témoins sont tous protégés, comme c'est le cas à la Chambre des Communes. Permettez-moi de vous le rappeler en tant que président, et ce, non seulement pour le groupe de témoins qui est devant nous, mais aussi pour ceux que nous recevrons plus tard dans la journée.
    Cette partie de la réunion prend fin à 10 h 45. J'aimerais remercier tous les témoins pour leur présence, de même que les membres du comité pour leurs questions et commentaires.
    La séance est suspendue jusqu'à 11 h.

    


    

  (1100)  

[Français]

    Nous continuons les travaux du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Bienvenue à notre 26e séance, en ce 20 juillet 2010.
    Nous sommes ici conformément à l'article 108 du Règlement pour une étude de la fermeture imminente de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.

[Traduction]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos trois témoins. Nous accueillons aujourd'hui M. Fortier, président du Comité de relance de la raffinerie Shell; M. Boles, de Delek US Holdings; et M. Delage, de IBS Capital. Bienvenue à vous trois.
    Nous commencerons directement par les questions et commentaires des membres du comité à l'intention de tous les témoins. Les témoins n'ont pas de déclarations préliminaires. Allons-y tout de suite.
    Nous disposons d'une heure et demie pour les questions et commentaires des membres du comité, et c'est M. Coderre qui commence.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis très heureux de vous voir ici présents.
    Comme vous le savez, au préalable, les représentants de Shell ont dit beaucoup de choses, notamment au sujet de Delek US Holdings.
    J'aimerais poser ma première question à l'honorable Michael Fortier, responsable du comité de relance de la raffinerie Shell. À votre avis, Shell voulait-elle vraiment vendre, dans toutes les étapes du processus, ou avez-vous le pressentiment qu'on faisait continuellement de la surenchère?
    C'est une question que vous devriez poser à Shell. Je l'ai moi-même posée à Shell, monsieur Coderre, au tout début du processus, quand le syndicat et les gouvernements m'ont demandé de diriger l'effort. C'était ma première question à Shell et elle m'a dit être très sérieuse dans ses désirs de vendre l'entreprise.
    Je l'ai posée de nouveau très souvent durant le processus et, chaque fois, à divers niveaux, que ce soit à Houston ou à Londres, l'entreprise m'a confirmé son intérêt de vendre.
    Vous êtes d'accord, monsieur Delage?
    Vous-même êtes un expert financier. Vous aviez fait du démarchage pour des acheteurs potentiels et vous avez proposé des gens. Pensez-vous qu'une firme comme Delek US Holdings a les reins assez solides et que Shell aurait dû prêter un peu plus d'attention à sa demande?
    Je suis tout à fait d'avis que Shell était une société tout à fait qualifiée, tant sur le plan de son organisation comme filiale d'un groupe plus important qu'en tant qu'experte dans le domaine. Il faut comprendre que Shell avait des préoccupations — qui étaient correctes — de ne pas vendre cela à une entreprise qui ne connaît pas l'industrie. Alors, elle avait ces compétences.

[Traduction]

    Monsieur Boles, je vous souhaite la bienvenue au Canada et à notre comité.
    Je suis heureux de vous voir, car il semble que vous faites partie de la solution. Pour la première fois, nous pouvons associer un visage au nom de votre entreprise, et nous vous donnons l'occasion de nous dire ce que vous aviez en tête pour l'avenir de la raffinerie de Montréal-Est.
    Tout d'abord, vous êtes-vous retiré...? Shell a dit que vous aviez retiré votre offre; aviez-vous l'impression que Shell demandait un prix trop élevé, ou que la société ne semblait pas vraiment intéressée à vendre?
    Vous voulez savoir si nous avons retiré notre offre. Les négociations ont plutôt achoppé sur un problème de taille, à mon avis, celui du redressement de l'entreprise. En effet, Delek aurait acheté une raffinerie fermée. Cela est loin de nous emballer — pas plus que nos sources potentielles de financement.
    Nous avons exploré plusieurs solutions pour contourner le problème, sans succès. Nous nous retrouvions donc à acheter une raffinerie fermée que nous ne pourrions pas rouvrir avant le printemps.

  (1105)  

    Monsieur Boles, si la raffinerie n'est pas démantelée, c'est-à-dire si elle n'est pas fermée, êtes-vous prêt à présenter une offre pour l'acquisition de la raffinerie Shell de Montréal-Est?
    En un mot, oui.
    Avez-vous respecté les conditions de Shell, c'est-à-dire, lui avez-vous présenté dès le départ une offre se situant entre 150 et 200 millions de dollars pour la raffinerie?
    Nous avons fini par lui présenter une offre de 150 millions de dollars par écrit pour l'entreprise et ses activités connexes. Nous ne sommes pas intéressés à acheter un tas de ferraille; ce sont les activités de l'entreprise qui étaient importantes à nos yeux. La raffinerie nous sert à atteindre les clients. Vous parlez de la raffinerie, alors que nous, c'est l'entreprise, ses activités connexes et ses clients qui nous intéressent.
    Est-ce vrai que vous avez demandé à Shell de vous vendre ses stations-service du Québec et des Maritimes, ou est-ce plutôt Shell qui vous les a offertes?
    Permettez-moi de répondre ceci. Selon l'entente d'achat de biens accessible dans la salle virtuelle de données de Shell, les stations-service doivent être achetées. Par contre, la première fois que M. Charles Marion, de Shell, et moi en avons discuté, nous avions déjà pris du retard dans le processus. Nous avons donc convenu de travailler très fort pour nous entendre d'abord sur la vente de la raffinerie, et de nous occuper des stations-service par la suite.
    Alors, en définitive, pour les fins de notre discussion — et je vais terminer avec ce point —, pour Montréal, pour Québec, pour notre sécurité nationale, Delek US serait disposée aujourd'hui, étant donné que la raffinerie n'a pas été démantelée, à revenir à la charge pour en faire l'acquisition.
    Nous sommes prêts à acheter la raffinerie ainsi que les stations-service; nous sommes disposés à acheter tout ce que Shell souhaite vendre.
    Il y a une précision que j'aimerais apporter. Shell a accepté de lever toutes les clauses de l'accord de confidentialité pour nous permettre de discuter de ces questions avec vous aujourd'hui.
    Merci, monsieur Coderre.
    Nous passons maintenant à M. Laframboise.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, messieurs, d'être présents.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Fortier. D'abord, on avait un vendeur qui voulait vendre — vous nous avez dit vous en être informé à plusieurs reprises —, un acheteur qui voulait acheter et un comité de relance, dont vous étiez le président, qui était reconnu par Shell. Comme je vous connais, vous avez sûrement rencontré les officiers pour qu'on vous donne le cadre et tout cela. Or à la fin, vous ne faisiez plus partie des discussions, on vous a demandé de vous retirer. Avez-vous trouvé cela un petit peu... J'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet.
    Que je ne participe pas aux négociations, monsieur Laframboise, était tout à fait approprié, à mon avis. Il était question d'une société qui vend un actif qui lui appartient et une autre qui veut acheter cet actif. Moi, je n'apportais aucune valeur. Alors, je crois qu'il était tout à fait normal que ces compagnies soient seules pour négocier.
    Si j'ai demandé au comité qu'on se saborde, ce qu'on a fait à la mi-juin, c'est parce que je réalisais, dans mes discussions avec les représentants de Shell, et même dans les lettres qu'ils ont commencé à me transmettre, qu'on devenait un problème pour eux, et je ne voulais pas qu'on soit un problème. Le comité existait pour être un facilitateur. Je ne voulais pas qu'on devienne l'inverse.
    En fait, on avait fait notre travail: on avait trouvé non pas un seul acheteur potentiel, mais des acheteurs potentiels. L'un d'eux est ici aujourd'hui, parce que c'est lui qui s'est rendu le plus loin avec Shell. Le comité, dont Claude et moi, avait donc trouvé des acheteurs potentiels et avait fait son travail. On a donc choisi de se saborder. Était-ce vraiment nécessaire? Non, mais j'ai senti que cela devenait une question très importante pour Shell, et je n'ai pas voulu en faire un cas de principe avec elle. J'ai donc accepté que le comité se saborde.
    Et c'était à la suite de la réception d'une lettre des avocats de Shell, je crois?

  (1110)  

    Ma prochaine question s'adresse à M. Boles. Vous êtes propriétaire d'autres raffineries. S'agit-il de plusieurs raffineries?

[Traduction]

    Nous possédons une raffinerie, deux terminaux et un pipeline.

[Français]

    Vous étiez compétent, et même Shell a reconnu que vous en étiez capable. On doutait un peu de votre capacité financière, mais là, je comprends un peu mieux.
    Avez-vous trouvé que les négociations étaient celles auxquelles vous vous attendiez? Avez-vous été dépassé par les événements à certains moments?

[Traduction]

    Je ne crois pas ne nous ayons été dépassés par les événements, pour reprendre votre expression. Les négociations se sont déroulées très rapidement. Nous avons exploré les différentes questions au fil de nos discussions. Nous avons amorcé le processus fin avril, début mai et nous avions le 1er juin comme date butoir. Nous essayons de régler toutes les formalités aussi rapidement que possible en discutant des éléments négociables au fur et à mesure.
    Au gré de ce processus, nous avons appris des choses qui nous ont étonnés, mais je n'y ai vu aucune intention malveillante de la part de Shell. Il s'agit simplement d'une entreprise de vente en gros et c'est ce qui nous intéressait, plutôt qu'uniquement les installations. Shell avait une vision différente des choses, comme nous avons pu le constater. Cela fait partie des éléments qui ont été mis au jour à la faveur des négociations.
    Rien de cela ne m'a particulièrement perturbé. Cela fait partie de mon travail.

[Français]

    Les gens de Shell nous disent qu'environ 600 millions de dollars ont été investis dans la raffinerie et qu'un des problèmes était votre capacité d'obtenir les fonds pour l'aménager. Vous nous avez dit plus tôt que cette raffinerie n'était pas en bon état. Vous étiez au courant de cette situation.
    Aviez-vous les moyens financiers pour la remettre en état? Pouviez-vous obtenir un fonds de roulement et l'argent nécessaire pour être en mesure de remplir vos engagements et de desservir le Québec ainsi que l'Est du Canada?

[Traduction]

    Pour vous répondre brièvement, oui, sans aucun doute.

[Français]

    Quand on voit qu'un vendeur veut vendre, mais qu'il commence à se demander si l'acheteur a l'argent nécessaire... Il est important de déterminer si l'acheteur est crédible, et je pense que votre crédibilité est établie.
    Je pense que M. Fortier bénéficiait d'aide gouvernementale. J'ai cru comprendre que des discussions avaient eu lieu avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Est-ce exact?
    Il y a eu des discussions avec les gouvernements sur ce qui serait possible, mais ces derniers ne se sont jamais engagés officiellement. Ils voulaient d'abord rencontrer l'acheteur potentiel, connaître ses intentions relativement à l'actif de même que son plan d'affaires, ce qui est tout à fait normal. Cependant, il existe des programmes « normés », surtout au Québec, qui sont bien connus des investisseurs qui les utilisent régulièrement. Ils auraient été disponibles pour un éventuel acheteur.
    Est-ce que ça satisfaisait les gens de Shell, d'après vous? M. Oblath se questionnait à ce sujet. À deux reprises, il a mentionné qu'un acheteur disposant d'argent des gouvernements était une situation qui semblait causer problème.
    Quand une entreprise de cette taille ferme ses portes — et ce n'est malheureusement pas la seule fermeture à avoir frappé le pays ou certaines régions, et ce, dans tous les domaines —, que des groupes importants ferment une usine comptant des centaines d'employés, que des comités de survie comme le mien s'organisent et font du démarchage auprès d'acheteurs éventuels, ceux-ci savent que les gouvernements et les municipalités souhaitent garder l'entreprise en vie. Il est donc tout à fait normal que ces acheteurs vérifient si des sommes du trésor public sont disponibles. Ça fait partie des enjeux.
    Le fait que Delek US Holdings ait pu ou non souhaiter une participation importante des gouvernements dans le cadre de l'opération ne me choque pas. Si j'avais été à sa place, c'est exactement ce que j'aurais fait.
    Merci, messieurs Fortier et Laframboise.

[Traduction]

    Monsieur Wallace.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Comme il s'agit d'une séance publique et que des auditeurs peuvent se joindre à nous à tout moment et se demander de quoi nous parlons au juste, pourriez-vous, monsieur Fortier, nous rappeler brièvement la façon dont le comité de relance a été mis sur pied, en nous indiquant quel était son mandat, qui en faisait partie et s'il existe des précédents?
    Je suis de Burlington, et nous avons vu Petro-Canada fermer sa raffinerie à deux pas de chez nous. J'étais conseiller municipal à l'époque et la fermeture a suscité tout un tollé dans mon district. Je ne me souviens d'aucune discussion au sujet d'un comité semblable en 2005. Shell avait déjà fermé sa raffinerie. M. McTeague, lui-même résident d'Oakville, pourrait vous le confirmer, mais Petro-Canada et Shell avait chacun leur raffinerie dans cette ville, et c'est celle de Shell qui a fermé ses portes la première.
    Quel était donc le mandat de votre comité et qui en faisait partie?

  (1115)  

    M. Wallace, notre mandat était très simple : nous devions trouver des acheteurs. Toute la collectivité s'est mobilisée autour de cette cause à Montréal. Des centaines d'emplois étaient en jeu. Le syndicat et les gouvernements m'ont demandé de diriger le comité de relance et j'ai accepté de le faire.
    De quels « gouvernements » parlez-vous exactement?
    Il y avait en fait quatre gouvernements en cause. Deux administrations municipales, celles de Montréal et de Montréal-Est, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, en plus du syndicat. J'ai accepté de le faire sans rémunération, à titre volontaire, tout comme M. Delage et tous ceux qui ont participé au processus. En plus de M. Delage et moi-même, le comité était donc formé de représentants des différentes parties intéressées, à savoir les gouvernements, les municipalités et le syndicat.
    Merci de nous aider à mieux comprendre ce que le comité...
    Pour les cinq téléspectateurs qui viennent de se joindre à nous, c'était le contexte.
    Des voix: Oh, oh!
    Je vous remercie.
    Vous-êtes vous inspiré de mesures déjà prises... ? Est-ce que cela avait déjà était fait à votre connaissance, ou bien s'agissait-il d'une première?
    C'est la première fois que je me livrais à l'exercice pour une installation d'aussi grande envergure, mais j'étais persuadé — comme je l'indiquais précédemment — que la collectivité allait se mobiliser, comme on le fait toujours en pareil cas. Dans l'industrie des pâtes et papiers, un secteur que connais bien, il y a toujours un effort de la communauté locale pour trouver un acheteur lorsqu'on décide de fermer ces grandes usines.
    Je comprends.
    Les dernières questions seront pour vous, monsieur Boles.
    Shell a comparu avant vous, évidemment. Elle nous a donné l'impression que votre société avait fourni une lettre d'intention ou exprimé un intérêt — c'est une question de définition — mais n'avait pas fait techniquement d'offre valide, en bonne et due forme, par écrit. Est-ce exact ?
    Oui.
    Si je comprends bien, la lettre d'intention que vous avez remise devait constituer le point de départ d'une négociation que vous alliez entreprendre avec Shell pour aboutir, idéalement, à une offre en bonne et due forme, n'est-ce pas ?
    Généralement, oui. Une petite précision, cependant. Nous lui avons remis une lettre exprimant notre intérêt, selon la terminologie qu'elle emploie, et nous lui avons dit qu'il n'y aurait probablement pas de lettre d'intention. Personne ne voulait de lettre d'intention. Ce n'était pas notre préférence. Notre préférence aurait été de négocier une entente.
     Donc, l'entente aurait été le résultat de l'expression d'intérêt. C'est bien ça ?
    Oui, et nous avons discuté de nombreuses questions entourant une éventuelle transaction.
    La lettre d'intérêt vous permet de signer des ententes de confidentialité, ce qui vous permet en fait d'entreprendre la discussion sur des choses concrètes, sur des chiffres, etc., n'est-ce pas ?
    L'entente de confidentialité fut le tout premier document.
    C'est-à-dire avant...
    Avant tout.
    Bien.
    Il y a quelques minutes, votre société a publié un communiqué de presse indiquant que les discussions sont maintenant rompues et que vous ne parlez plus à Shell. S'agit-il là d'une décision de votre société ou simplement du fait que Shell ne veut plus négocier avec vous? Qu'y a-t-il exactement dans ce communiqué de presse?
    Je ne l'ai pas vu mais c'était probablement réclamé par les avocats et c'est donc sans doute une question d'ordre juridique qui était probablement appropriée. Je ne veux pas dire que ce n'était pas approprié. C'est quelque chose que nous voulions faire. Nous continuons d'être intéressés. Nous pensons qu'il y a peut-être des méthodes qu'on pourrait examiner pour permettre à toutes les parties de participer à l'obtention d'une transaction mais, en ce qui concerne les discussions qui avaient commencé, celles-là ont été... terminées, disons.

  (1120)  

    Par qui
    Par le temps, par les circonstances. Nous ne discutons pas avec Shell actuellement. Nous n'avons pas l'intention de discuter avec Shell à moins qu'elle soit prête à revenir à la table, pour une raison quelconque, car nous ne pouvons pas éviter cette question de remise à niveau, vous le comprendrez. Nous sommes prêts à discuter si l'on est prêt à chercher des solutions à cette question mais, pour le moment, nous ne discutons pas d'une transaction.
    Bien. Donc, si Shell envoyait à votre société une lettre disant qu'elle est prête à discuter de certaines choses, vous retourneriez à la table de discussion, n'est-ce pas?
    Exact.
    Mais votre société n'a pas l'intention de lui envoyer une lettre disant qu'elle aimerait poursuivre les discussions?
    Non.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Wallace.
    C'est maintenant au tour de monsieur Godin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais souhaiter à tous la bienvenue.
    Sauf erreur, monsieur Boles, présentement vous dites que vous ne voulez pas acheter une compagnie qui a fermé ses portes ou qui a fermé sa raffinerie. Est-ce exact?

[Traduction]

    Ne voulons pas payer l'achat d'une société qui a fermé ses portes. Il y a peut-être bien des manières de réaliser une transaction mais nous ne voulons certainement pas payer 150 millions de dollars pour avoir ensuite quelqu'un qui nous attend à la porte avec un fusil.

[Français]

    Les fusils sont enregistrés ici.
    Des voix: Ah, ah!
    M. Yvon Godin: Regardons ce que nous dit Shell présentement. Penchons-nous sur la part sérieuse de ses propos. Si Shell voulait négocier sérieusement avec vous et fixer un délai pour la fermeture... Il ne peut pas y avoir de fermeture. Ce n'est pas ce qu'elle veut. Elle dit qu'elle veut approvisionner la région de Montréal, le Québec, l'Est et une partie de l'Ontario. La raffinerie ne peut donc pas fermer; elle doit continuer.
    Est-ce de cela que vous parlez, soit que Shell continue et qu'en même temps vous fassiez la transaction, le transfert de la compagnie? Est-ce exact?

[Traduction]

    Je vais essayer de vous répondre.
    Si j'ai bien compris, Shell a pris des dispositions d'approvisionnement à l'étranger. Elle a pris des mesures provisoires pour approvisionner ces clients pendant un certain temps, et cette question avait fait l'objet de la dernière série de documents que nous avions partagés au sujet de cette transaction. Je crois comprendre qu'elle s'est arrangée pour régler cette question.
    Je ne sais pas si la raffinerie doit fonctionner pour répondre aux besoins. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait. J'ai entendu les questions qui ont été posées, j'ai entendu les réponses, mais la raffinerie pourrait être fermée et pourrait être rouverte. Il faut trouver une solution pour les employés, c'est-à-dire veiller à ce qu'ils soient traités de manière équitable pour toutes les parties concernées.
    Je ne suis pas sûr de bien comprendre. Il y a quelques instants, vous avez dit, si j'ai bien compris, que vous ne voulez pas acheter quelque chose qui est fermé et qui ouvrira au printemps.
    Je ne veux pas payer le prix d'achat de quelque chose qui est fermé. Ce n'est pas un risque que j'avais envisagé lorsque j'ai décidé de travailler sur cette transaction.

[Français]

    Vous parlez de 150 millions de dollars pour l'entreprise. La question est plus claire que cela: êtes-vous prêt à payer 150 millions de dollars pour la raffinerie? Vous utilisez le mot « business ». Pouvez-vous être plus clair que cela?
    Monsieur Fortier, plus tôt — ou peut-être avez-vous dit ça ailleurs — vous disiez qu'il y avait une fourchette de 150 à 200 millions de dollars pour la raffinerie. Avez-vous l'impression qu'il s'agissait de la raffinerie et des stations-service? Car M. Boles dit que le document parlait aussi de la distribution. Pouvez-vous clarifier ça?
    Oui, je peux clarifier ça. Il s'agissait de 150 à 200 millions de dollars pour la raffinerie. Quand j'ai rencontré les représentants de Shell, ceux-ci m'ont demandé de ne pas faire de promesse aux acheteurs éventuels selon laquelle les stations-service pourraient elles aussi être à vendre, car Shell voulait traiter de ce sujet séparément le temps venu. De mon point de vue, c'était tout à fait acceptable.

  (1125)  

    Vous dites que les représentants de Shell vous ont parlé de ça, mais vous en ont-ils parlé avant que vous ne présentiez l'acheteur Delek?
    Tout à fait.
    Selon Shell, c'est Delek qui vous a proposé ça. C'est comme si c'était venu du ciel et qu'elle n'avait même jamais pensé à ça.
    La première fois que j'ai rencontré les représentants de Shell, ils m'ont remis un document où ils disaient que la raffinerie était à vendre pour 150 à 200 millions de dollars. Je leur ai demandé ce qu'il en était des stations-service. Ils m'ont répondu qu'il ne fallait pas mêler les genres et qu'ils pourraient peut-être vendre les stations-service ou non. Ils m'ont dit que mon comité devrait se focaliser sur la raffinerie. J'ai répondu que c'était correct et qu'on allait se focaliser sur la raffinerie.
     Dans le contexte du travail effectué par Claude et moi, des gens comme M. Boles ont demandé ce qu'il en était des stations-service. C'est à ce moment-là que M. Boles a eu des discussions avec Shell.
    J'aimerais obtenir une clarification au sujet d'une rumeur voulant qu'environ 200 millions de dollars aient été offerts pour la raffinerie et environ 225 millions de dollars pour les stations-service.
    Est-ce une rumeur ou est-ce vrai?

[Traduction]

    C'est à moi que vous posez cette question?
    Oui, d'accord. Si vous voulez, je vous le donnerai.
    On n'a jamais discuté de chiffre précis pour les stations d'essence. On a discuté d'une formule d'établissement du prix d'achat de ces points de vente au détail. Nous avons offert 150 millions de dollars, par écrit. Selon nos informations, Shell estimait qu'il y avait encore un écart de valeur important. Notre réaction a été que nous aimerions essayer de combler cet écart. Nous ne pensions pas pouvoir aller au-delà de 200 millions de dollars, étant bien entendu que nous ne savions pas à l'époque qu'il y avait eu une discussion entre Shell et le comité au sujet d'un prix d'achat de 150 à 200 millions de dollars. Je précise en passant que ce genre de...
    Nous avions dit que nous pourrions monter mais que nous voudrions certaines concessions. Nous n'avons jamais mis cela par écrit. C'était lors d'une petite discussion durant la réunion du 22 juin, et dans le cadre d'une conversation téléphonique ultérieure que j'ai eue avec l'un des représentants de Shell au sujet de la transaction, et cela dépendait d'autres paramètres financiers. Donc, toute cette question de 200 millions de dollars était ce qu'on pourrait trouver normalement dans une négociation. Il faut que ce soit donnant-donnant. Notre offre de 150 millions de dollars pour l'entreprise, juste pour l'entreprise de raffinage, était une expression d'intérêt que nous étions prêts à poursuivre.
    D'accord. Voulez-vous donc toujours entamer des négociations et participer à une vraie négociation? Une négociation ne se fait pas en 24 heures. Ça ne se fait pas en un mois, je pense, surtout pour une entreprise comme celle-là, n'est-ce pas?
    Exact.
    Donc, si Shell est prête à négocier... Elle nous a dit ce matin... Elle a juré qu'elle veut vendre. Il n'y avait pas de bible mais elle veut vendre. Êtes-vous prêt à acheter? En outre, et c'est peut-être une question qui va vous surprendre, avez-vous assez d'argent pour acheter? Pensez-vous que vous pourriez acheter?
    Ma réponse sera brève: oui et oui. Tout dépend d'une certaine aide financière des municipalités, avec notre montage financier mais, sur les 600 millions de dollars, disons, que Shell recevrait pour la vente de l'entreprise de raffinage, sur la base de nos discussions avec les membres du comité ici et avec nos propres ressources, je pense que nous pensions que c'était tout à fait faisable.
    Merci beaucoup, monsieur Boles et monsieur Godin.
    Monsieur Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être ici ce matin.
    Monsieur Boles, cela va peut-être vous sembler répétitif mais je voudrais confirmer certaines choses. Vous dites que la société est toujours prête à racheter l'entreprise. Je crois que c'est ce que vous avez dit jusqu'à maintenant. Vous êtes toujours prêt à acheter autour de 150 millions de dollars.
    Oui.
    Très bien. Je voulais m'en assurer.
    En outre, malgré ce qu'ont dit les avocats dans un communiqué de presse ce matin, vous dites clairement que vous êtes prêt à payer 150 millions de dollars maintenant pour la raffinerie, et il y aura plus tard les stations d'essence, les points de vente au détail, qui ne sont pas vraiment une obligation mais que vous seriez prêt à envisager à une date ultérieure.

  (1130)  

    C'est exact. Maintenant ou plus tard.
    Vous dites?
    Oui, maintenant ou plus tard.
    Maintenant ou plus tard. Ce n'est donc pas relié. Ce n'est pas tout ou rien.
    Certes, notre préférence serait de faire ça maintenant. Notre préférence serait d'obtenir ça maintenant, mais peut-être pas de payer maintenant.
    Mais ce n'est pas une condition absolue.
    Une voix: Un chèque postdaté.
    M. Anthony Rota: Vous avez aussi mentionné une question de mise à niveau comme étant une condition absolue. Si j'ai bien compris, il s'agit du fait que la raffinerie fermerait, qu'elle perdrait sa clientèle, et que vous devriez la faire redémarrer et rebâtir la clientèle, n'est-ce pas? C'est ce que vous vouliez dire en parlant de mise à niveau?
    Shell continuera d'approvisionner ses clients. Elle a pris des dispositions. Je ne les connais pas mais nous avons discuté du fait qu'elle s'occupe de ça. Elle a pris des dispositions pour trouver d'autres sources d'approvisionnement.
    Je pense que nous parlons de gros et de raffinage. Il s'agit en fait de trouver le produit ailleurs et de le revendre. Ce n'est pas de cela que nous parlons ici. Nous parlons de maintenir la raffinerie en exploitation, et c'est ce qui vous intéresse?
    La raffinerie ne sera plus opérationnelle après septembre.
    Parce qu'elle ne sera plus approvisionnée en pétrole et qu'elle fermera le 10 septembre? Quelle est la raison?
    Non, c'est parce que la mise à niveau n'a pas été faite et que les normes de sécurité de Shell... Les ingénieurs de Delek conviendraient probablement...
    Quand cette mise à niveau n'a-t-elle pas été faite?
    Jamais. Elle n'a pas été faite.
    Mais depuis quand cela n'a-t-il pas été fait? Est-ce que c'était planifié? Est-ce qu'ils ont simplement dit qu'ils allaient faire comme si et s'en occuper plus tard, ou est-ce qu'il s'agit simplement du fait qu'on a atteint un jour un point de non-retour et qu'on est donc maintenant obligé de fermer la raffinerie?
    Ce sont des questions qu'il faudrait poser à Shell. Il y avait eu certaines dates limites, je suppose, résultant de pressions exercées par les parties présentes, et elles ont été reportées mais, au bout d'un certain temps, si l'on n'a pas commandé tout l'équipement nécessaire et qu'on n'a pas fait tous les préparatifs d'ingénierie pour une mise à niveau, on arrive à un point où les normes de sécurité sont telles qu'on est obligé de tout arrêter. Je pense que c'est ce qui est arrivé à Shell.
    Donc, son ingénierie a été consacrée à la fermeture de la raffinerie, pas à son maintien en activité. Je ne vous demande pas de répondre à cela.
    Shell dit que la raffinerie a besoin d'améliorations de l'ordre de 600 millions de dollars. Êtes-vous du même avis? La raffinerie est-elle en train de s'effondrer? Pouvez-vous me répondre en détail à ce sujet?
    En guise d'éclaircissement, j'aimerais simplement dire que ce dont vous parliez un peu plus tôt, la continuation des discussions... Les discussions sont terminées, comme on dit dans notre communiqué de presse. Nous sommes prêts à les reprendre, si vous voulez. Je ne dis pas le contraire de ce qu'il y a dans notre communiqué de presse.
    L'accord est mort mais nous sommes prêts à retourner à la table pour un nouvel accord.
    Notre montage financier reflétait la nécessité de dépenser environ 800 millions de dollars au cours des 10 prochaines années. Ça fait beaucoup d'argent, à 50 millions de dollars près. Je ne me souviens plus du chiffre exact mais ça fait beaucoup d'argent. Ce serait similaire à la situation de la raffinerie de Tyler au Texas où une somme importante devait être dépensée et réinvestie pour faire en sorte qu'elle redevienne rentable, et c'est ce qui a été fait et ça marche bien.
    Et ça faisait également partie de votre plan. C'est à l'évidence une chose que vous aviez envisagée, et vous seriez prêt à l'envisager et à effectuer l'investissement, si vous proposez sérieusement de reprendre l'affaire et de l'exploiter pour Delek.
    Nous pensons qu'il serait nécessaire de réinvestir des parties importantes des profits d'exploitation de façon à faire les réparations requises. Autrement dit, l'argent que nous pourrions gagner serait réinvesti dans cet équipement pour surmonter cet obstacle des 800 millions de dollars devant être dépensés.
    Le rendement de l'investissement serait acceptable, à nos yeux, s'il y avait un effet de levier, ce que nous ferions. La manière dont nous voyons ça est que nous pouvons prendre un actif de ce genre... Si nous devions nous occuper de la raffinerie de Shell à Port-Arthur, à 500 000 $ par jour, ou quelle que soit la somme, nous démissionnerions probablement tous. Mais quand vous nous donnez une situation comme celle-ci, nous pensons être particulièrement compétents dans ce genre de situation. Nous pensons pouvoir réunir les parties concernées, nous pouvons pouvoir partager les sacrifices et pouvoir réinvestir les profits et faire certaines choses pour que ce soit un succès.
    Je n'ai rien à reprocher à Shell. C'est simplement notre analyse de l'opportunité. Nous sommes des acheteurs. Nous voulons acheter des raffineries. Il n'y a pas beaucoup de raffineries sur le marché à un prix raisonnable, si je peux m'exprimer ainsi. Donc, nous voudrions obtenir celle-ci. Nous serions ravis de reprendre les négociations.

  (1135)  

    Et nous pourrions la maintenir en exploitation, ça ne fait aucun doute.
    Mais elle va fermer.
    Bien. Merci beaucoup, M. Rota et M. Boles.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Fortier, monsieur Boles ainsi que monsieur Delage.
    Monsieur Fortier, je vais vous adresser la question pour m'assurer qu'on comprend bien. Vous semblez avoir bien réussi le mandat que vous aviez, parce que vous avez tout de même trouvé des acheteurs potentiels — on ne les connaît pas tous, mais vous avez tout de même trouvé des acheteurs potentiels. Le témoin qui est à côté de vous représente l'entreprise qui s'est rendue le plus loin dans toutes les démarches.
    Par contre, depuis le début de nos entretiens avec les autres témoins, c'est-à-dire les représentants de Shell, y compris les gérants de Shell à la raffinerie de Montréal, on parle d'un contexte vraiment particulier des raffineries au Canada depuis à peu près 1970. On a fermé au-delà de 35 raffineries, et des grosses raffineries. On ne parle pas de petites raffineries. On a compris que Shell était rendue à une étape où elle devrait peut-être penser à fermer la raffinerie pour la changer en terminal. Elle nous a parlé d'un terminal, projet qui est présentement bloqué en raison d'une décision de la cour.
    Quand vous avez reçu le mandat et que vous avez parlé avec les acheteurs potentiels, leur avez-vous parlé du contexte très particulier des raffineries en Amérique du Nord, soit qu'il en ferme plus qu'il en ouvre? Au Québec en particulier, nous sommes beaucoup plus axés sur l'hydroélectricité, plutôt que sur le pétrole. Avez-vous expliqué aux futurs acheteurs le contexte particulier du Québec? Tout cela a-t-il été expliqué à la compagnie Delek US Holdings? Tout cela a-t-il été démontré pour qu'elle sache vraiment dans quoi elle embarquait?
    Dans le cadre du processus qu'on a entamé, monsieur Petit, on s'adressait bien entendu à des sociétés qui exploitaient des entreprises dans le secteur de l'énergie et qui étaient en grande partie déjà des raffineurs. Dans la très grande majorité, ces sociétés connaissaient très bien leur milieu, leur métier, leur profession, et encore plus le marché nord-américain, parce que c'est un marché très différent de celui de l'Europe.
    Cette surcapacité de raffineries qui existe en Amérique du Nord est connue. En même temps, une chose est surprenante. Je ne suis pas un expert dans le domaine du pétrole, mais depuis les quatre ou cinq derniers mois, grâce à ce dossier, j'ai pu m'informer. On voit que des occasions d'acquisition intéressantes se pointent un peu partout en Amérique du Nord et que des transferts de raffineries se font, monsieur Petit. Un transfert s'est fait au Delaware et s'est finalisé le 1er juin. Il s'agit d'une raffinerie qui était fermée et qui a été achetée par un groupe d'investisseurs américains.
    Donc, des transactions se font. Les acheteurs sont adultes et vaccinés. Ils comprennent très bien le contexte de l'industrie à court terme, mais surtout à long terme.

  (1140)  

    D'accord.
    Monsieur Fortier, j'aimerais aussi qu'on aborde un autre sujet. Vous avez présenté les acheteurs potentiels à Shell. Naturellement, Shell parle de raffinerie, mais nous avons ensuite appris — même aujourd'hui — qu'il y avait une question de fidélisation du client, qu'il s'agisse des clients des stations-service ou encore d'autres clients qui sont très fidèles à Shell parce qu'elle leur fournit le kérosène ou la gazoline dont ils ont besoin sur une base journalière.
    Dans la transaction que la compagnie Delek US Holdings tentait de faire ou a peut-être recommencé à vouloir faire, qu'en était-il des employés? Vous savez, c'est comme l'achat d'une équipe de hockey. Est-ce qu'on prend tous les joueurs ou en laisse-t-on quelques-uns de côté? Quelles étaient les discussions par rapport aux employés? Est-ce que les 500 employés arrivaient avec Delek US Holdings, ou est-ce que la moitié était avec Shell, une autre partie était mise dehors, l'autre poussée à la retraite? Qu'est-ce qui a été décidé comme plan? Quand on achète une raffinerie, on n'achète pas nécessairement tous les employés.
    Je demanderais à M. Boles de répondre, comme c'est lui qui a participé aux discussions avec Shell.

[Traduction]

    Si je comprends bien, vous venez de me jeter sous les roues de l'autobus.
    Des voix: Oh!
    M. Jim Boles: On a besoin des employés pour faire fonctionner une entreprise, n'est-ce pas? On a besoin des gens. On a besoin de gens syndiqués et on a besoin de cadres.
    Nous ne sommes pas arrivés au point où, en 30 jours, nous pourrions... Nous n'avons jamais rencontré un seul employé de la raffinerie. Nous n'en avons pas eu le temps. Nous avons essayé de faire notre diligence raisonnable dans la salle de données virtuelles, c'est-à-dire que nous avons essayé de comprendre l'entreprise. Dans la mesure où il faudra réduire les coûts, il s'agira dans certains cas de membres du personnel, c'est typique dans le cas d'une raffinerie. Cela se produit typiquement avec les cadres mais nous n'avons pas du tout analysé cette question pour le moment. Nous n'en avons tout simplement pas eu le temps. Il y avait trop d'autres questions que nous devions essayez de comprendre auparavant.
     Merci, M. Petit. Merci, M. Boles.
    M. Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bienvenue, messieurs.
    Ma première question s'adresse à M. Boles.
    Vous avez offert 150 millions de dollars pour l'achat de la raffinerie de Shell et vous avez parlé à plusieurs reprises à certains représentants de cette compagnie. Dans le cadre de cette transaction, quelles sont les conditions sur lesquelles le processus a achoppé? Est-ce une question de coût? Y a-t-il d'autres facteurs? Ils vous ont peut-être dit clairement quelque chose ou peut-être avez-vous votre propre interprétation des faits.

[Traduction]

    C'est une question de temps et de circonstances. Je n'essaie pas de pinailler mais nous n'avons pas fait d'offre. Nous avons exprimé un certain intérêt à un certain niveau de prix — puisque les avocats avaient un problème avec le mot « offre ». Nous étions prêts à aller jusqu'à ce niveau-là mais on n'en est plus là maintenant.
    Vous devez bien comprendre que cette mise à niveau est une question absolument majeure et cruciale. Nous étions confrontés à la fermeture, quoi que nous fassions. L'échéancier que nous avons échangé avec Shell prévoyait le 26 juin que nous aurions signé un accord le 26 juillet, soit 30 jours plus tard. Nous devions avoir recours à deux groupes d'avocats, régler toutes sortes de questions et essayer de comprendre l'entreprise, et tout cela en 30 jours. Il nous est arrivé de travailler sur certains projets 24 heures sur 24 et nous aurions pu le faire à nouveau. Nous en sommes capables. Donc, théoriquement, nous serions d'accord. Nous signerons un contrat dans 30 jours.
    L'autre condition était que nous tout serait réglé dans les 60 jours suivant ces 30 jours. C'était un délai extrêmement court pour obtenir toutes les approbations, faire le montage financier et prendre toutes les dispositions nécessaires. Nous avons dit que nous étions prêts à accepter ça et à aller de l'avant sur cette base. Combien de capital nous devrions mettre sur la table, étant donné le risque que l'on prend avec de tels échéanciers, nous devions parler de cela mais, en ce qui concerne notre volonté de passer ce contrat, elle était là.
    Le fait que nous puissions respecter ces deux échéanciers n'avait aucune importance. La raffinerie allait fermer parce qu'on ne pouvait pas faire la mise à niveau. Avant ça, nous avons étudié la question avec Shell: nous verserons l'argent de départ, vous la redémarrerez, vous la mettrez en route et nous vous rembourserons. C'était un problème. Je ne conteste pas le fait que c'était un problème, c'est simplement la réalité. Nous avons essayé d'accélérer les choses.
    Même si nous avions résolu ça, il est peu probable, à mon humble avis — à mon avis...
    Des voix: Oh!
    M. Jim Boles: ... qu'on aurait pu faire ça. Il ne restait pas assez de temps pour faire la mise à niveau.
    Nous aurions donc eu une raffinerie fermée. Nous n'allions pas payer le prix d'achat pour une raffinerie fermée et nous ne sommes donc jamais arrivés à l'étape où nous aurions pu dire, d'accord, les gars, nous avons une raffinerie fermée... Shell avait une autre utilisation. Ce n'est pas comme si elle était obligée de nous la vendre, n'est-ce pas? Elle a eu d'autres utilisations possibles, à la différence de nombreux vendeurs dont le seul objectif est de vendre à tout prix. Nous ne sommes donc jamais arrivés au point où nous pouvions envisager des scénarios, envisager de mettre à pied des employés, de prendre des dispositions pour les clients et de continuer à dépenser de l'argent et à déployer des efforts pour parvenir à une entente.
    Lorsque que les deux parties le veulent vraiment, elles peuvent trouver des solutions, mais, dans ce cas, il y avait un obstacle énorme parce que Shell est une grande entreprise et qu'elle a des plans à suivre. Nous respectons ces plans et elle fait ce qu'elle doit faire pour elle-même, pour ses actionnaires et, comme elle continue de me le dire, l'incertitude au sujet de cet accord est une source de difficulté pour ses employés.
    Voilà donc le problème. La mise à niveau est le plus gros problème. Il y a beaucoup d'autres questions en jeu, beaucoup de problèmes à résoudre, mais ce n'est pas insurmontable. Par contre, pour celui-là, il n'y a plus assez de temps. Il n'était plus possible d'obtenir l'équipement, de faire l'ingénierie, de faire tout le nécessaire et, si Delek devait choisir entre racheter une raffinerie fermée ou ouvrir une baraque à frites... nous n'allions pas racheter une raffinerie fermée. Nous n'allions pas payer le prix d'achat d'une raffinerie fermée.

  (1145)  

[Français]

    Monsieur Boles, à une question posée plus tôt, vous avez répondu que vos discussions étaient terminées et que vous n'envisagiez pas de reprendre les négociations avec Shell.
    Si je comprends bien, la balle est dans le camp de Shell. Que devrait-il se passer pour que les gens de Shell vous téléphonent et vous demandent de vous rasseoir à table pour discuter?

[Traduction]

    Pour entamer des discussions, il faudrait que quelqu'un nous téléphone et nous dise qu'on est prêt à réunir un groupe pour discuter. Nous sommes prêts à discuter à nouveau de la situation.

[Français]

    Comment qualifiez-vous les relations que vous avez entretenues avec Shell tout au long des discussions? Est-ce que vous avez senti qu'il y avait de la surenchère, à l'occasion? Est-ce que les conditions du début étaient claires? Est-ce que ça s'est toujours passé de cette façon? Vous avez dit quelque chose à ce sujet, mais j'aimerais que vous nous en parliez de nouveau.

[Traduction]

    À mon avis, leur attitude était commercialement raisonnable. À l'occasion, ils faisaient certaines demandes, et en tant que vendeur, c'est de bonne guerre, et j'en aurais fait autant. Devant mon refus, ils assouplissaient leur position après négociations et discussions.
    Tout cela était empreint de respect, comme vous le comprendrez. Je n'ai pas pu constater quoi que ce soit de sournois lors des négociations avec Delek.
    Merci beaucoup, monsieur Boles.
    Merci, monsieur Bouchard.
    Monsieur Braid.

  (1150)  

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je vais d'abord poser des questions au représentant de Delek US.
    Monsieur Boles, la société Delek US a-t-elle actuellement des opérations au Canada?
    Non.
    Monsieur Boles, pouvez-vous nous expliquer votre intérêt dans cette transaction potentielle?
    Je suppose que vous ne voulez pas que je répète ce que j'ai déjà dit concernant notre intérêt. Je m'en abstiendrai. Nous voulons acheter des raffineries. C'est un objectif déclaré de notre société. Il y avait là une raffinerie qu'on offrait à la vente.
    Très bien.
    On pourrait dire que ma question maintenant est hypothétique, mais essayez toujours d'y répondre si vous le pouvez. Si vous aviez réussi à l'acquérir, quels auraient été vos projets à long terme pour cette raffinerie?
    C'est une énorme question. Nous envisagions de mener à bien le programme de dépenses d'immobilisation qui se révélait nécessaire, et ce, de la façon la plus efficace et rapide que possible afin que la raffinerie soit opérationnelle aussitôt que possible et que nous puissions compter sur des liquidités.
    Très bien.
    Vous avez déclaré plus tôt, monsieur Boles, que les négociations avaient abouti à une impasse. Cela arrive fréquemment lors de négociations. Il semble que l'obstacle était la question de la réhabilitation. C'était le grain de sable dans l'engrenage.
    Le fait que la réhabilitation ait été un empêchement... Est-ce que cela s'explique du fait que vous avez commencé à négocier assez tard? Autrement dit, si vous étiez intervenu plus tôt, la question de la réhabilitation aurait-elle pu, peut-être, être contournée?
    Disons qu'en septembre 2009, Shell estimait que nous étions un acheteur très crédible et qu'il était possible que la transaction soit conclue avec nous. Alors, il est possible que la réhabilitation aurait pu être menée à bien dans ces conditions.
    D'accord.
    Vous avez déclaré que vous n'étiez pas prêt à offrir un prix qui comprenait la question de la réhabilitation. Peut-on dire alors, en bref, que si le prix avait tenu compte de la réhabilitation inévitable, le dialogue n'aurait pas été rompu?
    Je pense que nous avons déclaré que nous ne voulions pas acheter une raffinerie qui était fermée. Le prix d'achat et la réhabilitation sont deux choses que vous rapprochez, mais quant à moi, je ne pense pas l'avoir fait. J'ai déclaré que nous n'allions pas acheter une raffinerie fermée. Nous ne voulions pas cela. Cela ne signifie pas que nous n'envisagions pas d'acquérir, ou de songer à acquérir, cette raffinerie si quelqu'un voulait la vendre, n'est-ce pas? Mais nous n'allions pas payer 150 millions de dollars pour une raffinerie fermée.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Braid et monsieur Boles.
    La parole est maintenant à M. Godin.

[Français]

    Vous étiez dans la salle plus tôt lorsque M. Coderre a posé une question au représentant de Shell à propos d'un document d'intérêt. On lui a répondu que la compagnie Shell ne s'opposait pas à ce que ce soit distribué au comité. Êtes-vous prêt à le faire?

[Traduction]

    Oui. Je ne vois aucun inconvénient à fournir au comité ces communications. Cela m'importe peu.

[Français]

    D'accord. Vous allez donc soumettre cela au comité?

  (1155)  

[Traduction]

    Ce document-là?
    Oui.
    M. Jim Boles: Volontiers.
    M. Yvon Godin: Merci.
    Monsieur Boles, si vous l'envoyez à notre greffière, nous allons veiller à le faire parvenir à tous les membres du comité. Merci.
    S'agissant de la réhabilitation, à quoi songez-vous? De quoi aurez-vous besoin?
    Je vous dirai ce que cela implique pour la transaction, mais j'avoue mon ignorance quoique j'aie traité de la question assez longuement. Il s'agit d'une réhabilitation d`envergure. D'après ce que les représentants de Shell et nos gens à Delek nous disent, il semblerait que nous ne puissions pas obtenir l'équipement avant l'hiver. C'est un problème. Il faut donc envisager sans doute de procéder à la réhabilitation au printemps. On veut absolument éviter que les matières qui se trouvent dans la raffinerie se gélifient pendant l'hiver à défaut de pouvoir compter sur des travailleurs pour faire le travail, pour procéder à la réhabilitation, etc.
    Ainsi, ingénieurs et gens d'affaires doivent trouver des réponses aux questions suivantes: faut-il mettre sous cocon ces installations? Faut-il les fermer? Commence-t-on par faire le ménage et faire ce qui est nécessaire, pour ensuite commander l'équipement, afin de procéder à la réhabilitation au printemps? Faut-il demander à Shell de mettre l'usine à niveau et si elle est opérationnelle, nous l'achèterons?
    Il y a beaucoup de points d'interrogation. Il faudrait voir quelles sont les options. Je le répète, je ne suis pas spécialiste des réhabilitations et il y a beaucoup de détails auxquels je ne me suis pas attardé, nos ingénieurs non plus. Toutefois, à mon avis, il faudrait maintenir en place les employés et les clients pendant six mois environ. Je pense que Shell a annoncé cet échéancier. Je pense que Shell a parlé de trois à six mois et je serais plutôt d'accord là-dessus.

[Français]

    Saviez-vous que la compagnie était déjà en train de décontaminer l'installation de Montréal-Est? Certaines parties de l'usine sont déjà fermées.

[Traduction]

    Eh bien, toutes les installations seraient fermées.
    Oh, je comprends cela. Je vous demande si vous savez si certaines sections ont déjà été fermées et si cela va se ressentir lors d'éventuelles négociations.
    Non, je n'en sais rien, mais cela n'aurait pas d'incidence... Si Shell estimait prudent, pour des raisons de sécurité et autres — et Shell est très au fait de la situation — alors cela ne nous gênerait pas lors d'une éventuelle transaction. Il y aurait une transaction. Ce facteur n'interviendrait pas. Shell trouverait d'autres sources d'approvisionnement pour garder ses clients, car ce sont les clients qui nous intéressent.

[Français]

    Avez-vous déjà discuté avec des représentants du gouvernement du Québec?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Un représentant de Shell a parlé plus tôt de l'offre que vous aviez faite. Vous avez démontré que les fonds venaient de sources diverses. Est-ce que ces renseignements se trouvent dans le document d'intérêt?

[Traduction]

    Non. Comme nous l'avons signalé à Shell, l'argent serait obtenu auprès de diverses sources que les membres du comité nous ont signalées comme ayant exprimé le souhait de financer la transaction. Ainsi, ce serait une combinaison de fonds provenant de notre société mère, de nos propres ressources et de ces autres sources.
    Rappelez-vous qu'une grande partie de ces fonds sera empruntée. Si nous pouvons élaborer un plan raisonnable, pour ce dont nous avons besoin... quelle que soit la somme. Supposons que le chiffre qui a été cité soit le bon, qu'il faille 400 millions de dollars pour acheter les stocks. Supposons que ce chiffre soit juste. Il ne le sera sans doute pas, mais supposons...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Jim Boles: Je n'essaie de finasser cette fois. Je dis qu'il est plus que probable que les stocks de Shell vont baisser au fur et à mesure qu'on se rapprochera de la date de fermeture après quoi, ils seront minimes.
    Mais disons que c'est 400 millions de dollars. Nous aurons le fonds de roulement nécessaire. Nous apporterons 100 millions de dollars environ en capitaux propres, mais nous emprunterons les autres 300 millions de dollars. Il faudra mettre en place le financement du projet qui coûtera 800 millions de dollars. Le financement sera une combinaison des liquidités que la raffinerie nous apportera, d'après le modèle, et le financement dont nous disposerons, comme nous en avons discuté avec ces messieurs.
    Alors si votre question était: « Pouvez-vous réunir l'argent ou êtes-vous tout simplement en visite à Ottawa? », la réponse est que nous pouvons obtenir l'argent.

  (1200)  

[Français]

    Il est normal qu'une compagnie contracte des emprunts. Sinon, les pauvres banques et caisses populaires ne feraient pas beaucoup d'argent. Je pense qu'en affaires, il est normal que des fonds soient empruntés.
    D'après ce que j'ai compris des propos du représentant de Shell, il s'agit presque entièrement d'argent emprunté. Je pense que Shell emprunte aussi de l'argent. Je peux vous garantir qu'au Nouveau-Brunswick, la compagnie Irving, qui est milliardaire, emprunte encore de l'argent.
    Quoi qu'il en soit, cet aspect ne vous inquiète pas étant donné que vous êtes en mesure d'obtenir l'argent.

[Traduction]

    Y avait-il une question?
    Des voix: Oh, oh!
    Eh bien, si je n'ai pas été assez clair, je vous demanderai directement: pouvez-vous obtenir l'argent?
    Si nous n'estimions pas pouvoir financer cette transaction, nous n'aurions pas dépensé des sommes énormes en honoraires d'avocats, d'ingénieurs, d'experts-conseils en gestion.
    Bien.
    Le président: D'accord, merci...
    M. Yvon Godin: Ma dernière question sera très brève.
    Si les négociations sur la réhabilitation deviennent sérieuses, êtes-vous acheteur si Shell est prête à vendre?
    Oui, cette raffinerie nous intéresse. Nous pensons pouvoir élaborer un plan de rentabilisation pour la rendre prospère. Mais cela ne se fera pas sans grincement.
    Merci beaucoup, monsieur Boles.
    Merci, monsieur Godin.
    M. Van Kesteren.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Il n'y a pas très longtemps que je suis député — j'entame ma cinquième année —, mais je pense que les efforts déployés, dans le cas qui nous occupe, sont sans précédent.
    Monsieur Fortier, nous nous sommes entretenus brièvement avant la séance, et vous avez dit qu'il y avait eu des efforts semblables par le passé quand un secteur subissait une crise. Toutefois, on doit reconnaître qu'une situation de cette ampleur, c'est du jamais vu.
    Je me demandais — et ne répondez pas à ma question tout de suite, car elle fait partie d'une série — s'il y a une tendance suivant laquelle les gouvernements vont exercer des pressions sur une société pour qu'elle vende, ou du moins qu'elle n'écarte pas cette possibilité. Je dois ajouter qu'autrefois j'étais dans les affaires.
    Monsieur Boles, je dirais... permettez-moi de vous demander si vous êtes texan?
    Oui, je suis du Texas.
    J'ai participé à l'achat de ma première entreprise et j'ai essayé d'en acheter une autre. Pour tout vous dire, je suis concessionnaire d'automobiles, c'est mon gagne-pain et c'est compliqué. C'est un très gros commerce. Je vous félicite d'avoir fait preuve de patience et d'y avoir consacré le temps, car au moment où nous envisagions l'achat d'une deuxième entreprise, nous avons baissé les bras. Il y avait tout simplement trop...
    Pouvez-vous répondre à ma première question. Y a-t-il une tendance qui est en train de se dessiner?
    Ma deuxième question s'adresse à M. Boles, car si nous avons besoin de vendeurs, nous avons également besoin d'acheteurs. Bien entendu, quand on achète quelque chose, on cherche à faire une bonne affaire. On cherche avant tout l'occasion. Quelle serait votre réaction si, après vous être porté acquéreur d'une compagnie au Canada, la tendance était telle que le gouvernement vous faisait comparaître devant un comité pour vous interroger sur vos pratiques d'achat, pour voir si tout a été fait dans les règles — et je suis sûr que ce serait le cas, car c'est à cela que les avocats servent — et que vous aviez à répondre à toutes ces questions? Iriez-vous jusqu'au bout ou choisiriez-vous de vous enfuir?
    Monsieur Fortier, vous pouvez peut-être répondre en premier.

  (1205)  

    À propos de la tendance, je ne peux faire que des suppositions. Je me souviens que lorsque GM a fermé son usine au Québec, un comité a été constitué. Je ne me souviens pas qui y siégeaient. Il y aura probablement un comité quand les choses seront de taille, quand les emplois de centaines de personnes dépendent de la survie d'une entreprise. Il faut également la coopération du propriétaire. Comme l'a rappelé M. Boles, le propriétaire doit dire: « Il est vrai que la conversion en un terminal est une solution de rechange, mais nous sommes prêts à vendre. » En l'occurrence, c'est ce qui s'est passé. Donc, il faut réunir des conditions comme la taille de l'entreprise, l'intérêt au sein de la collectivité et la volonté de vendre.
    Puis-je ajouter quelque chose ici? Ce n'était peut-être pas le cas de General Motors, mais je songeais que dans le cas de l'industrie forestière, nous pourrions avoir affaire à la fermeture d'une usine de papier pour des raisons économiques. Dans le cas qui nous occupe, la décision qu'on est en train de prendre n'est pas dictée par des difficultés au sein de la compagnie. Loin de là. Shell est une société très rentable et très prospère. On a jugé que ces installations n'étaient plus rentables, pour une raison quelconque, et on doit prendre une décision.
    Ensuite, la société acheteuse est dans une situation un peu désavantageuse, car s'il n'est pas intéressant du point de vue de Shell de poursuivre l'exploitation de la raffinerie, M. Boles ne sera certainement pas enclin à payer le prix fort puisqu'il ne peut pas miser sur la rentabilité de l'entreprise. Ainsi, il lui faudrait payer un prix de liquidation afin que...
    Ce genre d'échanges se fait quotidiennement. Ce genre de transactions est tout à fait courant et en ce moment même, il y a probablement des ventes après forclusion qui se déroulent. On trouve toujours un vendeur motivé et un acheteur motivé. Il n'est pas vrai de penser qu'une entreprise est vendue parce qu'elle ne peut pas faire de bénéfices. Ses propriétaires peuvent souhaiter redéployer les immobilisations dans une autre zone. Rappelez-vous qu'en l'occurrence, Shell a en fait essayé de trouver un acheteur au cours des troisième et quatrième trimestres de 2009. Shell a annoncé que c'était un échec et c'est alors que le comité est intervenu et a dit: « Voyez-vous un inconvénient à ce que nous essayions? », ce à quoi on nous a répondu: « Pas du tout, allez-y, mais ce ne sera pas chose facile. »
    Au départ, Shell souhaitait-elle vendre les stations-service en même temps que la raffinerie? N'oublions pas que l'activité de Shell, c'est la production d'essence et la vente d'essence. Cela faisait-il partie du projet au départ ou est-ce intervenu au cours de la discussion?
    Il faudrait poser la question aux représentants de Shell, mais je pense qu'ils m'ont dit qu'ils avaient essayé de vendre seulement la raffinerie en 2009.
    Ai-je encore du temps?
    Pour une brève question, oui.
    C'est étonnant. Mon temps file à vive allure à moins que cela ne dépende du côté où vous vous assoyez.
    Monsieur Boles, pouvez-vous répondre à la question que je vous ai posée qui porte sur...
    Brièvement, la réponse est oui. Cela ne me gênerait pas du tout de devoir témoigner devant... Si après une transaction, vous tenez parole, vous ne voyez pas d'inconvénient à révéler ce à quoi vous vous êtes engagé, car vous ferez ce que vous avez annoncé. Il existe déjà un précédent et le laissez-faire n'est plus ce qu'il était. Assurément aux États-Unis, nous pouvons compter sur un appui du gouvernement beaucoup plus intense, du moins dans l'industrie financière.
    Oublions un instant ce que nous pensons de cela, mais je dois dire qu'il ne s'agit pas d'un prix de liquidation ici. Je ne pense pas que c'était ce que vous vouliez laisser entendre. Vous faisiez une supposition. Je ne pense pas qu'une somme de 150 millions de dollars corresponde à un prix de liquidation et ce n'est pas tout. N'oubliez pas qu'il faudra réinvestir 800 millions de dollars... ou un montant de cet ordre. Nos gens nous ont dit qu'il s'agirait de 800 millions de dollars sur environ 10 ans. Ce n'est pas une mince affaire. C'est un engagement à l'égard de ces activités. C'est beaucoup d'argent. Ainsi, nous ne pensons pas qu'il s'agit ici d'une occasion, et nous ne cherchons pas à obtenir un prix de liquidation. Nous ne voulons pas trop payer, mais nous pensons que les meilleures affaires se font quand les gens concluent une transaction juste et commercialement raisonnable.
    Merci, monsieur Boles et merci monsieur Van Kesteren.
    Monsieur McTeague.
    Monsieur Boles, merci et merci messieurs Delage et Fortier.
    Je vais aller droit au but.
    Monsieur Boles, vous avez dit que l'analyse de rentabilisation rendait intéressant l'achat de la raffinerie. Si par hasard notre comité réussissait à faire au Canada ce qui se fait souvent aux États-Unis, et s'il y avait une ordonnance de maintien de l'approvisionnement... Si vous aviez été ici tout à l'heure, vous sauriez qu'on a posé la question, à savoir à quel moment les stocks seraient épuisés. Shell nous a dit quand cela se produirait. Mais s'il y a une ordonnance de maintien des stocks pour que la raffinerie continue d'opérer normalement, pensez-vous que cela suffirait à maintenir l'intérêt de votre société dans l'acquisition de la raffinerie? Autrement dit, il n'y aurait pas de conversion.

  (1210)  

    Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, les opérations seraient maintenues telles qu'elles se déroulent actuellement, n'est-ce pas?
    C'est cela.
    Nous serions prêts à rouvrir les discussions et les négociations pour l'achat de la raffinerie, si tel était le cas.
    Monsieur Boles, en 2007-2008 et encore une fois cette année, Ressources naturelles Canada a fait une évaluation annuelle des raffineurs et voici ce que la direction des produits pétroliers ont dit:
Les installations de raffinage tournent à près de 100 p. 100, et à cela s'ajoute une croissance de la demande en produits pétroliers, ce qui donne lieu à la nécessité d'augmenter considérablement la capacité de raffinage au Canada. Sans investissement dans de nouvelles raffineries, les interruptions d'approvisionnement pourraient devenir plus fréquentes et de plus en plus difficiles à gérer.
    On ajoute ceci:
Étant donné la forte demande en produits pétroliers dans le Nord-Est des États-Unis, les raffineurs de l'Atlantique canadien exportent des volumes considérables de produits pétroliers vers cette région.
    Si Shell Canada, qui représente 13 p. 100 de toute la capacité de l'Est du Canada, n'était plus dans l'équation, quel résultat cela aurait-il sur la vulnérabilité des approvisionnements et l'accès à ces derniers, non seulement au Canada, mais également dans le Nord-Est des États-Unis? Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
    J'aurais du mal à dire quoi que ce soit à ce propos en général. Je ne sais pas que répondre à ce que vous avez dit.
    Je reviens à l'aspect économique. Le pétrole brut aujourd'hui est à 50 ¢ le litre, c'est-à-dire environ 2 $ le gallon. Étant donné le taux de change, le brut est à environ 80 $ le baril, selon Brent et WTI à Cushing. Étant donné que les raffineries de Port Arthur et de Beaumont sont beaucoup plus vieilles que notre raffinerie ici à Montréal Est, croyez-vous qu'une marge bénéficiaire de 15 ou 16 $ le baril à cette raffinerie est encore assez concurrentielle étant donné le marché d'aujourd'hui?
    Vous parlez d'un bénéfice brut de 15 à 16 $ le baril?
    Eh bien, ce serait un bénéfice net une fois le brut converti en essence.
    Oui, si c'était là le bénéfice brut par baril, 15 $, ce serait très concurrentiel.
    D'après votre expérience et celle de votre société, pouvez-vous nous donner un exemple ou peut-être une idée de... Eh bien, Shell a déclaré qu'il y a eu compression, manifestement dans les bénéfices retirés au niveau de la raffinerie, attribuable notamment à une surabondance de brut. Existe-t-il assez de brut de par le monde auquel vous puissiez accéder, exception faite d'une grève des débardeurs à Montréal, grève qui est en cours aujourd'hui, qui aggraverait la situation et la vulnérabilité. Pensez-vous qu'il y a assez de brut pour vous permettre de continuer à rentabiliser?
    Oui.
    Alors je vais vous poser une dernière question, car je pense qu'il est important de s'attarder à la question de la capacité ici au Canada.
    Les conditions normales du commerce des produits raffinés à l'échelle du pays sont en déclin. Il semblerait que Shell ait délaissé l'Est canadien en grande partie. À l'exception de Sarnia, Shell a fermé il y a un certain temps sa raffinerie de Burlington en Ontario et celles de Bronte et d'Oakville en Ontario et cela s'est accompagné d'un déclin dans certaines autres raffineries. Diriez-vous que les raffineries au Canada ferment leurs portes à un rythme beaucoup plus accéléré qu'aux États-Unis, notre partenaire le plus proche qui pourrait être notre fournisseur?
    Je ne peux que faire une supposition, car je n'ai pas vu d'étude et je n'ai pas étudié la question, mais je dirais que les fermetures au Canada ne sont sans doute pas plus nombreuses que les fermetures qui se révèlent nécessaires aux États-Unis.
    Quelle genre de pression subit un pays ou une région ou un environnement quand on est forcé de recourir à l'importation? Y a-t-il des rabais ou ne voit-on pas souvent un gonflement des prix? Si le marché de l'Est canadien ne peut plus compter sur des installations de raffinage, ce qui sera bien entendu le résultat essentiel de cette fermeture, allons-nous devoir recourir à l'importation au prix fort, dont seuls les Canadiens de l'Est du Canada devront subir le fardeau?
    Selon la loi de l’offre et de la demande, moins vous contrôlez votre propre destinée plus vous êtes sujet à des périodes durant lesquelles l’offre fait défaut. Cela influe peut-être sur le prix, mais les répercussions sur l’approvisionnement sont plus graves.

  (1215)  

    M. Boles, en septembre 2008, il y a deux ans, la fermeture de la raffinerie de Port Arthur et de plusieurs autres raffineries sur la côte du golf du Texas nous a mis dans une situation où les Américains ont dû payer environ 6 ¢ de plus par gallon et les Canadiens, chanceux, 60 ¢ de plus. Permettez-moi donc de répéter ma question: le proverbe voulant que, si les États-Unis éternuent, le Canada s’enrhume, les Canadiens risquent-ils d’être pris entièrement au dépourvu et durement frappés en plein dans le porte-monnaie?
    Merci, M. McTeague.
    M. Boles, une réponse, peut-être, avant le tour de M. Allen?
    La question est tellement large. Je pense que, du point de vue du produit d’arrivée, essence et diesel, il n’est pas bon de ne pas contrôler sa situation au niveau du raffinage, au vu des problèmes manifestes dont vous parliez. Et je ne pense pas que vous pourriez remplacer ça de façon ponctuelle.
    Merci, M. Boles.
    M. Allen.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    M. Boles, je trouve intéressant que vous ayez évoqué 800 millions de dollars sur dix ans, à condition d’avoir un rendement d’investissement acceptable, avec un effet de levier. Sur les 800 millions de dollars que vous estimez devoir dépenser au cours des dix prochaines années, combien iraient à la période de réhabilitation, soit la période à court terme?
    Vous avez entendu les chiffres fournis plus tôt par M. Oblath. Ce montant y serait inclus.
    Autant que je me souvienne, mais je n’ai pas une très bonne mémoire, le coût de la réhabilitation pendant les trois premières années est de l’ordre de 80 millions de dollars, pour la portion de réhabilitation. Après cela, bien sûr, il n’y a plus de grosses dépenses de réhabilitation pendant un certain temps – pas avant quatre ans, je crois. Mais il reste des dépenses d’investissement récurrentes à effectuer pendant ces périodes.
    Autrement dit, il vous faudrait grosso modo environ 80 millions de dollars pour vous lancer.
    Nous avons un échéancier que nous pouvons vous fournir.
    Je voulais simplement clarifier ce point, parce que je pensais que le chiffre serait plus considérable. Je me demande juste à quelle vitesse vous pourriez effectuer un projet de réhabilitation comme celui-ci, s’il s’agissait de plusieurs centaines de millions de dollars. Vous serait-il même possible de le mener à bien d’ici le printemps prochain?
    Ce n’est pas cette partie qu’il faut effectuer avant le printemps prochain; ce sont les 50 millions de dollars.
    D’accord.
    Vous dites avoir comme actifs une raffinerie et deux terminaux.
    Effectivement.
    Quelle est la production de votre raffinerie existante et où est-elle située?
    Elle se trouve à Tyler, au Texas, et produit environ 60 000 barils par jour.
    D’accord, 60 000 barils par jour.
    J’ai une dernière question. Après, je crois que M. Wallace veut poser une question, si bien que je vais partager mon temps.
    La déposition de Shell, il y a peu, a indiqué qu’il y avait trois ou quatre actifs. Si, par exemple, ils fermaient la raffinerie et passaient à l’exploitation d’un terminal, ils pourraient vendre ailleurs une partie des actifs – ils en ont énuméré quelques-uns. Selon vous, combien d’argent pourrait-on retirer de l’installation en question, si on en vendait les morceaux?
    Si je devais deviner, pas grand’ chose.
    Merci beaucoup, M. Boles.
    Merci, M. Allen.
    M. Wallace.
     J’ai juste une petite question. Il a été question de capacité et de clientèle. Quel pourcentage de la production de la raffinerie de Montréal Est est expédiée au sud de la frontière? Je suppose que vous le savez.
    Quand vous parlez de clientèle, est-ce cette clientèle établie que vous souhaitez conserver? Est-ce la raison pour laquelle l’installation doit continuer à tourner, pour que cette clientèle compte sur votre approvisionnement et pour que vous soyez alors le nouveau fournisseur?
    Nous n’avons pas obtenu accès à un grand nombre de contrats, si bien que je ne sais pas.
    Vous avez offert 150 millions de dollars sans avoir aucune idée du pourcentage de l’essence produite à destination du sud de la frontière?

  (1220)  

    Vous voulez dire ce que cette clientèle fait de l’essence une fois qu’on la lui a vendue?
    Non.
    Alors, oui, je l’ignore.
    Vraiment, vous l’ignorez?
    Oui, effectivement.
    Dans ce cas, je dirais que vos discussions ne sont pas allées très loin, si vous ne connaissez même pas le pourcentage des clients internes ou externes, ni celui de la production du carburant d’aviation par rapport à celle d’essence.
    Enfin, quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre réponse honnête.
    Merci beaucoup, M. Wallace.
    Nous passons maintenant à M. Laframboise.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Fortier.
    Comme moi, vous avez entendu M. Boles dire que, dès le 21 juin, lors des discussions qui ont probablement été les dernières, on savait que la raffinerie fermerait, faute d'entretien.
    Un problème se pose à moi lorsque je regarde ça. Je me dis d'abord que la décision de Shell avait été prise. On veut convertir la raffinerie pour en faire un terminal. On n'a rien fait pour entretenir cette raffinerie.
    Quand on vous a dit que la raffinerie était à vendre entre 150 et 200 millions de dollars, vous a-t-on dit que c'était une raffinerie qui devait être en état d'opération ou savait-on dès le départ que la raffinerie ne serait pas opérationnelle?
    Je n'ai pas vu la documentation et je n'ai pas participé aux discussions entre Shell et les compagnies qui ont signé une entente de confidentialité avec Shell — pas seulement Delek; il y en a eu plusieurs. Je n'étais pas présent lors des appels, durant ces entretiens, mais, à ma connaissance, Shell a informé ces sociétés qu'une mise à niveau des équipements était nécessaire.
    De toute façon, les sociétés qui se sont intéressées à l'actif assez profondément pour signer une entente de confidentialité sont des sociétés qui connaissent très bien le marché. C'est parmi les premières questions qu'elles auraient posées de toute façon. Donc, ce n'était pas caché qu'un élément de mise à niveau était requis.
    À entendre M. Boles, on a l'impression que, de toute façon, Shell n'accordait pas de délai.
    Monsieur Boles, si je vous interprète bien, vous vouliez du temps pour que Shell remette la raffinerie en état de fonctionnement ou vous vouliez qu'on vous donne du temps et un ajustement de prix pour pouvoir aller de l'avant. C'était un peu cela le problème lors des dernières négociations.

[Traduction]

    Le problème est que nous ne payons pas de prix d’achat pour une raffinerie fermée. Et c’est le stade où nous en sommes. Shell estime qu’il va falloir fermer la raffinerie et nous pensons que nous ne payerons pas pour une raffinerie fermée.
    Merci beaucoup, M. Boles.

[Français]

    Monsieur Laframboise, M. Bouchard a une question.
    Merci, monsieur le président.
    J'aurais une petite question à poser à M. Fortier.
    D'abord, je sais que vous avez travaillé très fort, mais vous n'avez pas réussi à obtenir un résultat positif ni de dénouement favorable.
    Croyez-vous que le gouvernement fédéral aurait pu exercer plus de pression ou jouer un certain rôle pour en arriver à un résultat favorable, autrement dit une transaction? On avait un acheteur et Shell était possiblement intéressée à vendre.
    Le gouvernement fédéral siégeait au comité avec les autres paliers de gouvernement. Il a offert au comité son concours — concours inconditionnel — comme les autres paliers de gouvernement. À ma connaissance, le ministre des Ressources naturelles a été en communication avec des représentants de Shell à divers niveaux tout au long du processus. Et même, si je me rappelle bien, à la fin du processus, le 1er juin, quand deux offres officielles ont été déposées, celle de M. Boles et celle d'une autre société, le ministre a communiqué par écrit avec la haute direction de Shell pour se déclarer très heureux du dénouement et dire qu'il suivait la situation.
    Or, monsieur Bouchard, moi, pour ce dont j'avais besoin afin de mener à bien les travaux de notre comité, j'ai obtenu une excellente collaboration non seulement d'Ottawa, mais de Montréal, de Montréal-Est et de Québec.
    Merci, monsieur Bouchard et monsieur Fortier.
    Une dernière question sera réservée à M. Coderre.

  (1225)  

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    M. Boles, pour commencer, laissez-moi vous féliciter de votre honnêteté et de votre transparence. C’est pour cela que nous avons tenu la réunion d’aujourd’hui. Je suis ravi de vos réponses. Je sais que vous constituez un élément de la solution. Vous êtes venu, vous avez répondu à nos questions sans tourner autour du pot et nous en sommes très heureux. je pense qu’il est important pour les Canadiens et les Canadiennes de savoir qu’existent une entreprise disposée à constituer une partie de la solution et, en outre, des gens bien, prêts à venir ici répondre sans ambages aux questions. Mes félicitations, donc.
    J’espère seulement que les représentants de Shell, qui sont encore dans la salle, prêtent l’oreille à ce nous disons aujourd’hui et à vos réponses, comme quoi il y a un acheteur et un vendeur. J’espère qu’ils le notent bien dans leur calepin.

[Français]

    La beauté du Parlement canadien, c'est qu'un comité peut se réunir de nouveau.

[Traduction]

    Qui veut peut, on le sait. On peut. Il reste à savoir si on veut vraiment.

[Français]

    Monsieur Delage, je sais que vous avez été très patient aujourd'hui. Vous êtes resté passablement en mode d'écoute. Il reste que vous avez été l'expert et le démarcheur financier pendant toute la durée de ce comité. Compte tenu de tout ce qu'on a entendu aujourd'hui, j'aimerais que vous nous expliquiez l'attitude de Shell. On a un pressentiment. Je n'ai aucune raison de douter qu'il y a un acheteur sérieux et que Delek US Holdings ne veut pas faire comme Shell, c'est-à-dire un « parking à gaz » à Montréal. Je pense que cette compagnie veut protéger les employés et travailler en vue de devenir un acteur, un catalyseur pour l'industrie pétrochimique du Québec et du Canada.
    Est-ce que Shell voulait vraiment vendre? À la lumière de ce que vous entendez et de ce que vous avez vécu, diriez-vous que les gens de Shell seraient prêts à revenir à table pour discuter? Comment étaient-ils à l'époque?
    Je ne peux malheureusement pas répondre au nom de Shell, mais je peux vous faire part de ce dont j'ai été témoin tout au long du processus.
    Nous avons été très prudents et très conscients des responsabilités qui reposaient sur nos épaules. En effet, ça impliquait un grand nombre de familles. C'est la raison pour laquelle nous avons exigé de Shell qu'elle n'entame pas un processus avant de disposer d'un cadre clair, ce qu'on a obtenu le 16 février. Aussitôt qu'on a eu la confirmation que Shell voulait vendre et qu'on avait un cadre, on a procédé à une recherche à l'échelle mondiale pour trouver des entreprises qui pourraient être candidates. On est entré en contact avec ces dernières. On s'est retrouvé avec un nombre beaucoup plus réduit. On a entretenu des discussions. Par la suite, on a présenté ces entreprises à Shell, l'une après l'autre. Les gens de Shell avaient le loisir de dire si c'était crédible ou non, s'ils signaient ou non une entente de confidentialité. Ils l'ont fait avec certaines de ces entreprises.
    Est venue ensuite la saison des discussions. On a organisé des conférences téléphoniques auxquelles Shell participait. Ça mettait à contribution aussi bien des gens en charge des fusions et acquisitions que des responsables de l'actif à Montréal. Il s'agissait de répondre aux questions légitimes des gens qui faisaient des propositions. C'est à ce moment-là que j'ai eu une certaine conversation avec M. Fortier et que je lui ai fait part de mes préoccupations.
    Acheter et vendre des compagnies pour les autres, c'est ce que je fais dans la vie. En 25 ans, j'ai appris à reconnaître un acheteur et un vendeur motivé. Or j'avais des doutes, qui n'étaient pas fondés. Il ne s'agissait que de doutes basés sur mon expérience, qui valaient ce qu'ils valaient.
    C'est dans ces circonstances qu'on a profité d'une visite de M. Rathweg et de M. Marion au bureau de M. Fortier à Montréal. Nous avons été tout à fait clairs et non pas juste un peu. Nous avions autre chose à faire. Nous avons comme rôle d'aider les gens et nous respectons le fait que cet actif leur appartient, que s'ils ne veulent pas le vendre, ils n'ont qu'à nous le faire savoir. C'est ce que nous avons fait.
    Monsieur Delage, nous sommes bousculés par le temps.
     Comment expliquez-vous qu'on soit encore dans une impasse, présentement, alors que Shell veut vendre des actifs et se débarrasser de ceux du Québec et des Maritimes? Un acheteur est déjà prêt à investir 150 millions de dollars et 800 millions de dollars sur 10 ans. Croyez-vous que Shell soit de bonne foi?

  (1230)  

    Je ne peux pas répondre pour Shell. Je peux cependant vous dire que chaque fois que les représentants de la compagnie ont demandé quelque chose, on l'a fourni. Ils n'ont cessé de monter la barre.
    Lorsque j'entends les gens de Shell dire que le prix qu'ils demandaient était seulement pour la raffinerie et que ça n'incluait pas la wholesale, je vous ramène à la term sheet du 16 février qui dit que la valeur présente des futurs revenus qu'ils auraient faits avec le terminal... Que pensez-vous que sont des ventes « wholesale »?
     Il y a donc eu tout le long beaucoup de contradictions dans le comportement des représentants de Shell. Je respecte le fait qu'ils veuillent faire ce qu'ils veulent avec l'actif. Par contre, quand l'intérêt commun s'organise pour pouvoir mettre la main à la pâte afin d'éviter une fermeture... Ça aurait été plus simple qu'ils disent qu'ils ne voulaient pas vendre.
    Merci, monsieur Godin.
    Merci, monsieur Delage.

[Traduction]

    Merci à l’honorable Michael Fortier et à M. Boles de leur comparution.
    Merci surtout à M. Boles. Nous qui sommes vos amis et voisins canadiens au nord apprécions que, en tant qu’Américain, vous ayez accepté de coopérer et de venir des États-Unis participer aux audiences d’aujourd’hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
    La séance est levée jusqu’à 13 h et reprendra alors.

  (1300)  

[Français]

    Aujourd'hui le 20 juillet 2010, dans le cadre de la 26e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres de notre comité et à nos témoins.
    Nous nous réunissons conformément à l'article 108 du Règlement pour nous pencher sur la fermeture imminente de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.

[Traduction]

    Nous avons maintenant devant nous un panel constitué par deux ensembles de témoins: d’abord, Mme Dagenais et M. Bilodeau, du Bureau de la concurrence; puis M. Rau, M. Labonté et M. Gauvin de Ressources naturelles Canada.
    Nous allons commencer par les remarques d’ouverture de M. Bilodeau.
    Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous dans le cadre de l'étude de la récente décision de Shell Canada de fermer sa raffinerie de Montréal.
    Je me nomme Richard Bilodeau, et je suis souscommissaire de la concurrence adjoint par intérim à la Direction générale des affaires civiles du Bureau de la concurrence. Je suis accompagné de Martine Dagenais, sous-commissaire de la concurrence adjointe à la Direction générale des fusions du Bureau de la concurrence. Nous sommes heureux de prêter assistance au Comité dans ses délibérations.
    Les membres du Comité ne sont pas sans savoir que le Bureau de la concurrence est un organisme d'application de la loi indépendant qui est dirigé par la commissaire de la concurrence. Le Bureau est responsable d'assurer et de contrôler l'application de la Loi sur la concurrence, qui vise à maintenir et à favoriser la concurrence au Canada afin de remplir certains objectifs, notamment améliorer le rendement et l'adaptabilité de l'économie canadienne ainsi que procurer aux consommateurs des prix concurrentiels et un choix dans les produits.
     À quelques exceptions près, la loi s'applique à tous les secteurs de l'économie canadienne, y compris le secteur pétrolier, et elle prévoit des sanctions criminelles et civiles à l'égard de diverses pratiques anticoncurrentielles. Parmi celles-ci figurent par exemple les ententes entre concurrents visant à fixer les prix, l'allocation des marchés ou la limitation de la production, l'abus de position dominante et la participation à des activités liées à de la fausse publicité et à du marketing trompeur.

[Français]

    Le Bureau de la concurrence prend très au sérieux ses responsabilités en matière d'application de la loi et est pleinement conscient de l'importance de la promotion de la concurrence au sein du secteur pétrolier.
    Les membres du comité se rappellent sans doute que le bureau a annoncé, en juin 2008, des accusations criminelles contre treize individus et onze entreprises ayant comploté pour fixer le prix de l'essence à la pompe à Victoriaville, Thetford Mines, Magog et Sherbrooke, au Québec. Ces accusations, qui ont donné lieu à ce jour à près de 3 millions de dollars d'amendes et à des peines d'emprisonnement totalisant 54 mois, font suite à la plus grande enquête criminelle de l'histoire du Bureau de la concurrence. Au cours de l'enquête, les enquêteurs ont saisi plus de 100 000 documents, effectué 90 perquisitions et intercepté des milliers de conversations téléphoniques.
    Tout récemment, soit le 15 juillet dernier, le bureau a annoncé de nouvelles accusations criminelles contre 25 individus et trois entreprises dans cette même affaire de fixation illégale des prix, ce qui porte à 38 individus et à 14 entreprises le total des accusés. La fixation des prix est généralement considérée comme l'une des formes les plus flagrantes de comportement anticoncurrentiel, et nous profitons de toute la latitude que nous procure la Loi sur la concurrence pour continuer à combattre ces activités.

[Traduction]

    Les membres du Comité se souviennent sans doute qu'en juillet 2009, le Bureau a effectué un examen approfondi de la fusion entre Suncor et PetroCanada. Au terme de cet examen, le Bureau a conclu une entente avec les parties visant à régler les préoccupations selon lesquelles cette fusion diminuerait sensiblement la concurrence, ce qui selon nous pourrait entraîner une augmentation du prix de l'essence. L'entente exigeait des parties qu'elles se dessaisissent de 104 stations-services du Sud de l'Ontario de même que d'une importante capacité de stockage et de distribution dans la région du Grand Toronto pour une période de 10 ans. Par l'obtention de ces mesures correctives, non seulement le Bureau a préservé la concurrence dans des marchés susceptibles de poser problème, mais il a également facilité l'entrée de concurrents vigoureux.
    Dans ce contexte, je vais maintenant aborder le sujet qui occupe le Comité aujourd'hui, c'est-à-dire la fermeture imminente de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.
    Comme le Bureau l'a affirmé lors d'autres comparutions devant le Comité, sa préoccupation dominante dans tous les cas consiste à déterminer si le comportement reproché contrevient à la Loi sur la concurrence. Le Bureau recueille ses renseignements sur de possibles entraves à la loi au moyen de ses propres activités de surveillance, par l'intermédiaire des plaintes émanant d'acteurs du marché ou encore auprès des entreprises qui coopèrent aux enquêtes du Bureau en échange de l'immunité ou de la clémence. Lorsqu'il estime qu'il y a violation de la loi, le Bureau n'hésite pas à prendre les mesures qui s'imposent.

  (1305)  

[Français]

    Les entreprises sont libres de déterminer elles-mêmes leur mode d'exploitation, à condition que les comportements adoptés ne contreviennent ni à la Loi sur la concurrence ni à d'autres lois applicables. À cet égard, de façon générale, une société qui décide unilatéralement de mettre fin à l'exploitation d'une usine de production ou d'installation ne suscite aucune préoccupation au regard de la Loi sur la concurrence. À l'heure actuelle, le bureau n'a pas lieu de penser que la fermeture de la raffinerie de Shell à Montréal suscitera des préoccupations au regard de la Loi sur la concurrence.
    Par contre, si Shell finit par décider de vendre sa raffinerie, en tout ou en partie, le bureau examinera vraisemblablement la transaction en vertu des dispositions de la loi portant sur les fusions. Un examen de ce genre tient compte de divers facteurs, notamment la part de marché des parties, le degré de concentration économique de l'industrie pertinente, l'efficacité des concurrents restants et les obstacles à l'entrée.
     Lorsqu'il estime que la fusion aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, le bureau a la possibilité de demander au Tribunal de la concurrence une ordonnance visant à empêcher, dissoudre ou modifier la fusion.

[Traduction]

    Les acteurs du secteur pétrolier, et la population canadienne en général, peuvent être assurés que le Bureau prend son travail très au sérieux et qu'il reconnaît l'importance de la concurrence comme moteur de la croissance, de la productivité et de l'innovation dans le secteur pétrolier et dans l'économie canadienne en général.
    Sur ce, monsieur le Président, je remercie le Comité de son temps, et c'est avec plaisir que je répondrai aux questions de ses membres.

[Français]

    Merci, monsieur Bilodeau.
    Monsieur Labonté, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l’occasion de témoigner aujourd’hui.
    J’ai plusieurs remarques d’ouverture, accompagnées d’une présentation Power Point dont j’évoquerai certaines diapositives au moment voulu.
    Je m’appelle Jeff Labonté et je suis directeur général de la Direction des ressources pétrolières au ministère des Ressources naturelles du Canada. Je suis accompagné aujourd’hui de deux de mes collègues: Claude Gauvin et Mike Rau, qui travaillent tous deux dans mon service.
    Figurent parmi mes responsabilités le suivi des marchés des hydrocarbures, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre de politiques touchant les hydrocarbures au Canada. S’y ajoute la surveillance des conseils touchant le pétrole brut, les produits de pétrole raffinés et le gaz naturel au sud du 60e parallèle. Je souhaite aborder aujourd’hui devant le comité plusieurs points précis.
    J’ai notamment deux objectifs: premièrement, faire ressortir le rôle de Ressources naturelles Canada pour ce qui a trait au raffinage et à l’approvisionnement des produits pétroliers canadiens; deuxièmement, donner au comité un aperçu de l’évolution de l’industrie du raffinage et de la distribution pétrolière au Canada ces dernières années, ainsi que de ses liens avec les économies régionales et les événements internationaux. Plus précisément, mes remarques porteront sur le rôle de RNCan, la chaîne d’approvisionnement de produits pétroliers, les différences régionales et, enfin, les réalités qui façonnent l’industrie du raffinage au Canada.
    En matière de pétrole et de gaz naturel, RNCan joue plusieurs rôles. Premièrement, si une interruption de l’approvisionnement en énergie prenait des proportions nationales, RNCan pourrait intervenir ponctuellement pour veiller à ce que les Canadiens aient accès à l’énergie. Cette intervention aurait lieu dans le contexte d’une politique canadienne en matière d’énergie axée sur le marché, où l’offre et la demande, ainsi que les choix d’investissement du secteur privé, dépendent de la demande et des facteurs économiques fondamentaux.
    Deuxièmement, RNCan veille à ce que le Canada honore ses obligations internationales au titre du traité de l’Agence de l’énergie internationale. Si l’AIE décrète qu’existe une situation de crise internationale, le Canada est tenu d’agir pour appuyer le traité.
    Troisièmement, RNCan fournit aux consommateurs canadiens des renseignements sur les marchés du pétrole et du gaz naturel au Canada et apporte au gouvernement des conseils et un soutien, pour les politiques ayant trait à ces mêmes marchés.
    Au vu de la loi, d’un point de vue de sécurité énergétique, RNCan estime pour le moment que l’éventuelle conversion de la raffinerie de Shell ne constitue pas un danger de disruption à l’échelle nationale. RNCan n’a donc pas de rôle particulier à jouer en ce qui concerne la conversion en question. Laissez-moi toutefois mentionner les deux lois fédérales qui donnent au gouvernement le droit d’intervenir temporairement, si se produisait dans l’approvisionnement en énergie une disruption grave de portée nationale. En vertu de la Loi sur les mesures d’urgence, dans le cas d’une crise nationale, le gouverneur en conseil peut faire une déclaration de sinistre et prendre à ce titre des mesures spéciales temporaires pour assurer la sécurité durant une situation de crise nationale. Citons, parmi les mesures possibles, la cession de biens, y compris celle de produits énergétiques comme le gaz naturel, le pétrole, le pétrole brut et les produits raffinés.
    Deuxièmement, il y a la Loi d’urgence sur les approvisionnements d’énergie. Si le gouvernement déclarait une situation de crise nationale et de crise énergétique, l’Office de répartition des approvisionnements d’énergie pourrait entrer en action. Il a la capacité d’allouer temporairement les approvisionnements énergétiques au Canada et, à ce titre, de rediriger le pétrole brut pour veiller à ce que le manque d’approvisionnement et l’accès aux produits pétroliers soient les mêmes pour toutes les raffineries dans différentes régions du pays ou encore puiser dans les stocks pour remédier à des interruptions d’approvisionnement limitées.
    Je passe à présent à la diapositive suivante, qui est relativement complexe. Je souhaite souligner plusieurs aspects du marché du raffinage au Canada. Il est important d’insister d’abord sur une réalité qui a sans doute déjà été portée à l’attention du comité: dans le marché des hydrocarbures, les activités d’extraction et de transport du pétrole brut, en amont, s’effectuent indépendamment des activités de raffinage et de distribution, en aval. En d’autres termes, les décisions d’une société œuvrant dans un secteur donné du marché peuvent être indépendantes ou pas des décisions d’une société d’un autre secteur.
    En consultant la carte du Canada figurant sur la diapositive six, vous avez un aperçu rapide des orbites ou zones desservies par une raffinerie donnée. La carte indique clairement les 16 grosses raffineries du Canada, situées chacune dans une région. La quasi-totalité de l’approvisionnement pétrolier provient de ces 16 raffineries réparties d’un bout à l’autre du pays. Comme l’indique la carte, tant pour le pétrole brut que pour les produits pétroliers raffinés, le Canada est à la fois un importateur et un exportateur. C’est un élément de l’équation dont il faut tenir compte, en gardant à l’esprit le résultat net: que le Canada exporte plus de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés qu’il n’en consomme.

  (1310)  

    À cause des facteurs économiques associés au transport, le marché canadien des produits pétroliers varie lui aussi d'une région à l'autre. Passons à la diapositive 7; je vais donner un aperçu de ces variations régionales, d'ouest en est. Les provinces de l'Ouest et les territoires, dont Edmonton est le principal centre d'activité, s'approvisionnent majoritairement à même les raffineries sur leur territoire, qui transforment du pétrole brut canadien majoritairement produit en Alberta et en Saskatchewan. De plus, la région importe une petite partie de ses produits pétroliers raffinés de l'Ouest des États-Unis, ce qui en fait un petit importateur net.
    Le Sud et le Nord de l'Ontario comptent principalement sur les raffineries de Sarnia et de Nanticoke, qui transforment surtout du pétrole brut canadien, qui est acheminé de l'Alberta à l'Ontario. Par contre, une partie du pétrole brut et des produits transformés sont importés de Montréal par pipeline. La région est donc à la fois un importateur et un exportateur.
    Par ailleurs, les régions de l'Est de l'Ontario et de l'Ouest du Québec acquièrent une partie des produits pétroliers qu'elles utilisent auprès des raffineurs situés en territoire québécois, l'autre partie étant importée de l'étranger. J'insiste sur le fait que les raffineries situées dans cette région transforment majoritairement du pétrole brut importé.
    Les Maritimes et le Nord du Québec s'approvisionnent en partie auprès des raffineries situées au Québec, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, le reste des produits pétroliers consommés dans cette région étant importés par bateau; c'est-à-dire que des produits dérivés du pétrole sont importés par voie maritime. Là aussi, les raffineurs transforment surtout du pétrole brut importé, sauf pour ce qui est de la production au large de Terre-Neuve-et-Labrador, où l'on approvisionne également les raffineries du Canada atlantique et d'autres marchés internationaux.
    Il est très clair qu'au Canada, l'industrie intérieure mène ses activités dans le marché international. Pour réaliser des économies d'échelle, toutes les pétrolières du monde se sont prêtées à un exercice de rationalisation au cours des dernières décennies. Pour ce qui est des produits raffinés, la demande mondiale augmente et elle est poussée à la hausse par les marchés émergents, dont la Chine, l'Inde, le Moyen-Orient et l'Amérique latine font partie, alors qu'au contraire, en Amérique du Nord, la demande de produits pétroliers est demeurée assez stable ou elle a légèrement décliné en raison de la récente récession. On ne s'attend d'ailleurs pas à ce qu'elle augmente pour la peine non plus, lorsqu'on regarde la tendance.
    L'existence de raffineries plus grosses et plus efficaces explique en partie cette situation particulière, où les raffineries étrangères qui arrivent sur le marché sont plus efficaces, plus grosses et produisent à des coûts qui permettent difficilement aux raffineries nord-américaines de demeurer concurrentielles.
    Nous constatons que cela a eu des répercussions sur les choix qu'on a faits dans les investissements intérieurs. Comme partout ailleurs sur la planète, le secteur nord-américain du raffinage s'est également rationalisé. Au Canada seulement, nous sommes passés de 44 raffineries à la fin des années 1960 à 16 aujourd'hui, ce qui n'a pas empêché la capacité de raffinage totale du Canada de quasiment doubler pendant la même période. La majeure partie de ces mesures de rationalisation ont fait suite au choc pétrolier des années 1970, et aux économies d'échelle de plus en plus grandes dans les pays concurrents. Par exemple, au début des années 1980, Montréal comptait six raffineries. Quatre d'entre elles avaient fermé leurs portes avant le milieu des années 1980. Dans tous les cas, il s'agissait de petites raffineries dont la capacité de production n'atteignait pas le tiers de celle de la raffinerie Ultramar construite près de Québec.
    La capacité intérieure est à la hausse tandis que le débit est en baisse. Les impératifs auxquels doit faire face le secteur canadien du raffinage compromettent la rentabilité. De 2000 à 2009, la capacité intérieure de raffinage a augmenté d'environ 2 à 2,1 millions de barils par jour. Or, la production des raffineries a diminué au point que les taux d'utilisation étaient d'environ 80 p. 100 pas plus tard qu'en 2008-2009 et qu'aux deux premiers trimestres de 2010. Je vous signale au passage qu'en règle générale, 95 p. 100 et plus de la capacité totale est considéré comme la pleine capacité et le taux optimal.
    Pour bien comprendre à quel point l'équipement de raffinage canadien est sous-utilisé, en 2009, le capital oisif du secteur canadien du raffinage était de près de 300 000 à 400 000 barils de pétrole par jour.
    Ces dernières années, les marges de profit des raffineries n'ont pas cessé de décroître. Ces marges correspondent bien sûr à la valeur différentielle entre le prix du pétrole brut et le prix auquel les raffineurs vendent leurs produits sur le marché. Elles doivent couvrir l'ensemble des dépenses. Il faut dire que ces dépenses sont plus ou moins fixes et que la moindre variation des marges se répercute sur la rentabilité des raffineurs des sociétés.

  (1315)  

    En résumé, j'aimerais revenir sur deux points.
    Premièrement, en ce qui concerne la sécurité énergétique, la conversion possible de la raffinerie de Shell de Montréal-Est ne risque pas de perturber l'approvisionnement du pays.
    Deuxièmement, la capacité totale des raffineries canadiennes a augmenté depuis quelques décennies, même si elles sont moins nombreuses qu'avant, ce qui va dans le même sens que les exercices de rationalisation et le renforcement de la concurrence qui ont eu lieu ailleurs en Amérique du Nord et sur le reste de la planète.
    Merci.
    Merci, monsieur Labonté.
    Nous avons environ une heure et dix minutes à consacrer aux questions des membres du comité et nous commençons avec M. McTeague.
    Je ne sais pas par où commencer, monsieur le président.
    Je remercie les témoins.
    Je commence avec vous, monsieur Labonté. J'ai entre les mains un document que vous n'avez pas pris la peine de déposer devant le comité. Je l'avais présenté à l'un des témoins précédents. Il vient de RNCan et concerne l'enquête annuelle que réalise votre secteur du pétrole auprès des raffineurs. C'est sur votre site Web. Voici ce qu'on y dit:
En raison du taux d'utilisation des raffineries de près de 100 p. 100 et de la demande à la hausse pour les produits pétroliers, il est nécessaire d'accroître considérablement la capacité de raffinage au Canada. Sans un investissement dans une nouvelle capacité de raffinage, les interruptions dans l'approvisionnement pourraient devenir plus fréquentes et être de plus en plus difficiles à gérer.
En raison de la forte demande de produits pétroliers dans la région nord-est des États-Unis, les raffineries de la région du Canada atlantique y exportent des volumes considérables de produits pétroliers.
    Vous semblez aussi minimiser — je ne sais pas si vous en avez tenu compte ou non mais je pense que c'est assez important pour le comité — que cela a été rédigé pendant la fermeture de la raffinerie Bronte de Petro-Canada. Vous avez également montré dans votre matrice que la raffinerie de Montréal est régionalement intensive et importante. Dans le contexte de l'ensemble du pays, une production de 2 millions de barils par jour représente 6 ou 7 p. 100, n'est-ce pas? Mais, dans le contexte du marché local, ça représente une proportion beaucoup plus élevée, quelque chose comme 12 à 15 p. 100.
    Vous n'avez également pas pris le temps d'envisager le fait que North Atlantic Refining ne vend pas du tout d'essence dans l'est du Canada, sauf à ses stations du Labrador et de Terre-Neuve.
    Vous n'avez pas mentionné non plus, même si vous le savez, que la majeure partie de la capacité d'Irving, de 300 000 barils par jour, s'en va aux États-Unis, ce qui limite et expose le Canada à une perspective beaucoup plus forte de concurrence ou de produit arrivant d'ailleurs à un prix plus élevé.
    Étant donné que vous n'avez pas de rapport hebdomadaire de surveillance de l'industrie pétrolière, vous n'avez aucune idée des stocks d'une semaine à l'autre. Étant donné que RNCan donne une partie de cette information à nos amis américains, au sujet de la situation qui prévaut ici, au Canada, comment pouvez-vous conclure qu'il n'y a aucun problème ici?
    Pour reprendre vos termes: « La rationalisation s'est traduite par la réduction du nombre de raffineries et l'augmentation marquée de la capacité nationale — il s'agit d'une tendance internationale qui se poursuivra probablement. »
    Il me semble, monsieur, qu'il y a une contradiction entre ce que vous avez écrit dans un texte et ce que vous avez écrit dans l'autre. Est-ce à cause d'un manque de ressources ou simplement d'un manque d'attention?
    Vous avez la parole, monsieur Labonté.
    Je ne sais pas par où commencer pour répondre à cette question. Peut-être pourrais-je dire d'abord que je pense que nous avons fourni un résumé de la situation actuelle en matière d'utilisation et de capacité. Étant donné que la raffinerie de Montréal-Est raffine quasi exclusivement du pétrole brut étranger à l'heure actuelle, sa conversion aura très peu d'incidence sur la dépendance de la région à l'égard des importations. En même temps, la réduction de l'offre qui est susceptible d'apparaître sera probablement, et sera effectivement, couverte par des importations d'Europe et des États-Unis, ainsi que d'Asie et...

  (1320)  

    Je parle d'essence, monsieur Labonté, pas de pétrole. Je ne mets pas de pétrole brut dans mon réservoir d'automobile, je n'utilise pas de pétrole brut pour me chauffer et on n'utilise pas de pétrole brut pour faire voler les avions. Répondez-moi donc au sujet de l'essence et des raffineries. Nous parlons d'essence, pas de pétrole brut.
    Allez-y, monsieur Labonté.
    Je voudrais dire, comme d'autres témoins l'ont certainement indiqué au comité, qu'il existe à Montréal un marché d'importation très concurrentiel des produits du pétrole, de l'essence et du diesel, provenant du marché mondial. Selon nos informations, les deux sociétés exploitant des terminaux à Montréal, Olco et Norcan, s'approvisionnent presque totalement par l'importation et font une concurrence vigoureuse aux fournisseurs de produits raffinés au Canada à partir d'importations de pétrole brut ainsi qu'aux autres raffineries fonctionnant au Québec et dans l'Est du Canada.
    Je peux peut-être vous aider. L'une des questions posées par M. McTeague concerne le fait qu'il existe apparemment sur le site Web de RNCan un document indiquant une utilisation de près de 100 p. 100 de la capacité du secteur du raffinage. Dans vos diapositives, à la page 10, vous mentionnez un taux d'utilisation sensiblement plus faible. Quelqu'un peut-il expliquer la différence ?
    Certainement.
    Tout d'abord, le rapport dont vous parlez date de 2007 et repose sur des données des années antérieures rapportées à la moyenne. Il concerne l'état du marché à cette époque-là, qui était profondément différent d'aujourd'hui, et on y indiquait aussi que la demande augmentait en ce qui concerne le potentiel d'exportation ainsi qu'un certain nombre d'activités en cours sur le marché nord-américain.
     La concurrence étrangère est plus vive aujourd'hui. En outre, la capacité du marché mondial du raffinage a augmenté, tout comme celle du Canada. Il y a donc divers facteurs qui ont profondément changé depuis la publication de ce rapport qui est aujourd'hui un peu dépassé. Je pense que les données que je vous ai présentées sont plus exactes.
    Je suppose qu'il est peut-être temps d'actualiser le site Web mais je confirme que les bonnes données sont celles que j'ai présentées aujourd'hui.
    Je pense que le vrai problème, monsieur Labonté... si c'est encore là — et il y a eu un changement profond, du fait de 2007, de la fermeture de la raffinerie de Petrocan en 2005-2006... La question qui se pose encore est de savoir si l'offre actuelle du marché est adéquate, ce que vous ne savez pas nécessairement, étant donné que les paramètres de cette offre peuvent fort bien changer. Nous pouvons être assujettis à des vulnérabilités basées sur des facteurs de coût, basées sur le fait que d'autres nations prennent certaines décisions touchant l'offre.
    Permettez-moi de vous poser une question très précise, après quoi je m'adresserai au Bureau de la concurrence. Quelle est votre position sur le contrôle des stocks? Je veux parler du pouvoir d'assurer que les pipelines et les terminaux ont pleinement accès à tous les participants du marché.
    Si je ne me trompe, vous ne détenez pas ce pouvoir à l'heure actuelle, n'est-ce pas? Vous ne surveillez pas les participants des pipelines pour l'accès aux approvisionnements?
    Vous posez cette question au Bureau de la concurrence?
    Non, je vous la pose à vous. Vous ne surveillez pas cela actuellement.
    Non.
    Bien.
    Je m'adresse donc tout de suite au Bureau car il ne me reste que quelque minutes.
    Le Bureau considère-t-il que, même si ce n'est pas une fusion, le potentiel d'approvisionnement, la perturbation de l'économie, et le risque d'un effet négatif sur l'économie, ce qui pourrait avoir une incidence rien qu'en termes de disponibilité de prix, ne sont pas une préoccupation du point de vue de la concurrence comme le fut la résolution de Texaco en 1989? Alors qu'il y avait beaucoup plus de raffineries à l'époque — considérant certaines des remarques qui ont été formulées ici —, vous avez quand même rendu une ordonnance de cession, ou au moins une ordonnance de suspension, pour vous assurer que la raffinerie de Montréal resterait ouverte, nonobstant le fait que ce n'était peut-être pas une « fusion ». C'était plus une fusion imposée.
    Comment se fait-il que vous n'ayez pas les mêmes préoccupations aujourd'hui en ce qui concerne l'offre puisque cela aura en fin de compte une incidence sur la concurrence dans tout l'est du pays?
    Il convient tout d'abord de bien comprendre le mandat du Bureau de la concurrence. Comme je l'ai dit...
    Oui, vous l'avez déjà dit. Je vous demande pourquoi une réduction potentielle de l'offre ne préoccupe pas le Bureau. Avez-vous adopté une attitude de laisser-faire? Ce ne fut pas le cas dans le passé, alors qu'il y avait une offre beaucoup plus abondante, dans le cas de Texaco. Vous aviez également fait la même chose dans le cas du rachat de Gulf par Petro-Canada en 1990.
     Ce que je peux vous dire, c'est ce que nous faisons aujourd'hui, et ce que nous faisons aujourd'hui, c'est ce que nous devons faire au titre de la Loi sur la concurrence. Ce qui nous intéresse dans n'importe quelle situation, comme dans celle-ci, c'est de savoir si ce qui se passe va à l'encontre de la loi. Dans le cas présent, si Shell décidait de vendre sa raffinerie et de passer une transaction avec une autre partie, le service du Bureau de la concurrence s'intéressant aux fusions examinerait la transaction pour voir si elle entraînerait une réduction de la concurrence sur les marchés.
    À l'heure actuelle, au moment où je vous parle, nous avons examiné diverses questions concernant le secteur pétrolier mais nous n'avons entrepris aucune étude que ce soit au sujet de la raffinerie de Shell Canada à Montréal.

  (1325)  

    Voici donc une autre question. S'il n'y a plus d'offre à Toronto, en Ontario, où Shell vend certains de ses produits, et si certains indépendants, certains distributeurs non affiliés, se font dire d'aller s'approvisionner ailleurs, et si le Nunavut, comme territoire, n'est plus approvisionné, allez-vous simplement rester assis en disant: « Désolé, ce n'est pas une fusion et nous n'avons donc rien à voir avec ça »?
    Le contexte de la concurrence dans ce secteur change rapidement car il y a de moins en moins d'acteurs. Peu importe le niveau de capacité envisagé, une utilisation à 100 p. 100 est une utilisation à 100 p. 100. Il peut y avoir une anomalie temporaire.
    Pouvons-nous espérer voir le Bureau de la concurrence se tenir debout pour protéger et préserver, et pour s'assurer qu'il y a un processus compétitif pour les Canadiens? Si ceci ne déclenche pas de réaction de votre part, qu'est-ce qui le fera?
    Ce qui la déclenchera, ce sera une infraction à la loi. Je peux vous donner deux exemples récents. Premièrement, des accusations de collusion en matière de prix ont été portées la semaine dernière au Québec, et c'était la deuxième vague d'accusations dans ce contexte...
    Ce que vous avez découvert par hasard, monsieur Bilodeau, je tiens à le préciser. C'est presque un rappel au règlement. Vous avez découvert ça quand quelqu'un est venu se plaindre de s'être fait rouler. C'est comme ça que le Bureau a découvert la chose et non par grâce aux prouesses de vos enquêteurs. Vous êtes tombé par hasard sur quelque chose qui s'est avéré être très important pour vous, évidemment. Vous ne cessez de vous en glorifier mais, très franchement, si la personne n'avait pas fait l'erreur, vous n'auriez jamais obtenu de condamnation.
    Merci, monsieur McTeague.
    Vous pouvez terminer votre réponse, monsieur Bilodeau, après quoi nous passerons à M. Bouchard.
    J'allais simplement conclure en disant que nous avons examiné l'an dernier une fusion de Suncor et Petro-Canada.
    Merci, monsieur Bilodeau.
    M. Laframboise.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Messieurs, mesdames, vous êtes les spécialistes. Les gens qui suivent ce dossier nous écoutent.
    Monsieur Bilodeau, vous nous dites que ce n'est pas une vente, et vous l'écrivez. Selon vous, lorsqu'on met fin à l'exploitation d'une usine de production, ça ne suscite aucune préoccupation au regard de la Loi sur la concurrence.
    Est-ce simplement la définition de la loi qui veut qu'on scrute les ventes, les acquisitions et les fusions, mais qu'on ne parle pas des fermetures?
    Il existe une définition de ce qu'est une fusion. Je vais donner la parole à Mme Dagenais qui pourra vous expliquer ce qu'on fait lorsqu'on reçoit un dossier de fusionnement.
    Madame Dagenais, la définition législative vous empêche-t-elle de vous pencher sur une fermeture? Est-ce parce que cela n'est pas compris dans la définition dans la loi?
    Dans le cas d'une transaction ou d'une vente, le Bureau de la concurrence a le droit, en vertu des dispositions relatives aux fusionnements, de réviser toutes les transactions au Canada pour s'assurer qu'il n'y a pas de réduction notable de la concurrence.
    Par ailleurs, s'il était établi qu'il y avait une réduction notable, la commissaire aurait le droit de s'adresser au tribunal pour obtenir une ordonnance. Cependant, je dois préciser que lors d'une transaction, les parties, soit l'acquéreur ou le vendeur...
    Là n'est pas ma question, madame Dagenais.
    En fait, une fermeture par un propriétaire peut affecter la concurrence autant qu'une vente. Si votre bureau n'analyse pas les fermetures, c'est à cause de la définition contenue dans la loi, n'est-ce pas?
    Les facteurs qu'on regarde quand on étudie une fusion sont...
    Il ne s'agit pas d'une fusion, on ferme la raffinerie. Cela peut causer autant de dommages. Le fait de fermer une raffinerie peut causer autant de dommages que de la vendre à un compétiteur, par exemple, puisque cela va créer de la rareté et, inévitablement, éliminer la concurrence.
    Vous ne vous penchez pas sur les fermetures parce que la définition contenue dans la loi ne vous le permet pas. C'était ma question.
    Comme je viens de le préciser, quand il y a une fusion et qu'elle atteint un certain seuil...
    Il ne s'agit pas d'une fusion.
    S'il y avait une vente d'actifs, ce serait une fusion et dans un tel cas...
    Si je comprends bien, s'il n'y a pas de vente, vous ne regardez pas cela.
    En tant que législateur, si je veux que vous regardiez cela, je dois modifier la loi, n'est-ce pas?
    Présentement, on n'analyse pas la fermeture de la raffinerie à Montréal. Présentement, cela ne fait pas partie des affaires courantes du bureau.

  (1330)  

    Par contre, s'il y avait une fermeture et que quelqu'un se plaignait du tort que cela pourrait causer à la concurrence, l'analyseriez-vous ou cela serait-il hors de votre portée, sur le plan légal?
    Selon les informations dont nous disposons, et auxquelles le public a accès, il n'y a aucune indication qu'on pourrait avoir des inquiétudes relativement à la Loi sur la concurrence.
    Je reviens à M. Labonté. Plusieurs intervenants nous disent qu'une fermeture de Shell créerait un effet domino. En effet, Suncor fermerait aussi, en raison du pipeline, des coûts, etc. Cela serait-il possible? Les gens qui nous disent cela semblent savoir de quoi ils parlent. Y a-t-il un risque d'effet domino sur tout le service pétrolier de Montréal?
    Je vous remercie de votre question. Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

    Il serait difficile de dire si des raffineries supplémentaires à Montréal, ou dans la région de Québec, ou dans les Maritimes, ou n'importe où, d'ailleurs, ouvriront ou fermeront. Toutefois, les raffineries de la région de Québec fonctionnent généralement à la fois avec du brut domestique et, de manière prédominante, du brut importé. Donc, la question du pipeline est de savoir comment le pétrole est fourni par un pipeline de Portland, dans le Maine, ainsi que par bateau. Donc, il peut y avoir ou non...ce serait de la spéculation pure et simple.

[Français]

    On nous dit que des frais sont partagés par les raffineurs de l'est de Montréal. Est-ce exact? Êtes-vous au courant de cela? Si vous n'êtes pas au courant, vous nous le dites et on s'assurera de vous acheminer tout le dossier.

[Traduction]

    Il y a des coûts partagés par les différents producteurs qui obtiennent leurs produits par le truchement des agences et qui le livrent par pipeline. Toutefois, la mesure dans laquelle ce coût est un coût un contre un ou un ratio partagé à égalité dépend d'un certain nombre de facteurs dont certains ont moins à voir avec l'offre et plus avec leurs activités de contrat particulières.
    Je ne saurais faire aucune remarque sur la nature de ces contrats.

[Français]

    Par conséquent, il n'est pas impossible que la fermeture de Shell ait un effet d'entraînement et nuise à la capacité financière de Suncor et des autres raffineries de l'est de Montréal.

[Traduction]

    Je le répète, je ne peux faire aucune remarque sur le fait que les raffineries de Suncor ou d'autres sociétés seront plus ou moins rentables selon ce qui arrivera avec la conversion de la raffinerie de Shell.

[Français]

    Si la fermeture d'une entreprise a un effet d'entraînement et crée inévitablement de la rareté, je comprends mal que le Bureau de la concurrence ait les deux yeux fermés et qu'il ne voie rien. Si vous me dites que la loi vous empêche d'agir, il n'y a pas de problème. Sinon, il va falloir que vous ouvriez vos yeux parce qu'un problème est en train de se créer, à cause de la fermeture de la raffinerie de Shell dans l'est de Montréal.
    Monsieur le président, si un comportement ne constitue pas une infraction à la Loi sur la concurrence — ou n'importe quelle autre loi —, un tel comportement, comme la décision unilatérale de Shell de fermer une raffinerie par exemple, ne provoque aucune inquiétude relativement à la Loi sur la concurrence. Une telle évaluation est conforme au mandat qui nous a été donné par cette même loi. Comme je l'ai dit précédemment, on n'a aucune raison, en ce moment, de croire que la décision de Shell de fermer la raffinerie de Montréal soulève des inquiétudes relativement à la Loi sur la concurrence. Si jamais cette compagnie décidait de vendre la raffinerie, on examinerait la fusion potentielle en vertu des disposition sur les fusions. Cependant, en ce moment aucune inquiétude relative à la Loi sur la concurrence n'est soulevée par la fermeture de la raffinerie.
    Si elle était fermée et qu'une plainte était déposée, la loi vous permettrait d'intervenir si on réussissait à prouver que cela aurait un effet d'entraînement, que cela augmenterait les coûts et que cela créerait de la rareté. Si cela réduisait la concurrence, il y aurait un problème.
    J'aimerais parler de façon générale du travail au Bureau de la concurrence. Lorsque qu'une situation dans un marché donné est portée à notre attention, la première chose que l'on fait est d'étudier les allégations qui sont faites. On cherche à savoir si les allégations ou la conduite alléguée peuvent avoir un lien avec la Loi sur la concurrence. Si tel est le cas, la prochaine étape est de voir si les faits étayent les allégations. À la suite de cette enquête, si on réalise que des questions sérieuses sont soulevées en vertu de la Loi sur la concurrence, on a les moyens de soulever le problème devant les tribunaux.

  (1335)  

    Merci, monsieur Laframboise.
     Nous allons maintenant continuer avec M. Petit.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous les témoins. Mes questions vont surtout s'adresser à M. Gauvin, à M. Labonté ou à M. Houle.
    Monsieur Gauvin, les représentants de la compagnie Shell ont mentionné avoir rencontré des représentants du ministère des Ressources naturelles. Parlaient-ils de vous ou des représentants du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec?

[Traduction]

    Nous n'avons rencontré aucun représentant de Shell. Je suppose que, s'ils ont dit le contraire, c'est qu'ils ont rencontré des représentants d'un ministère provincial.

[Français]

    Si je comprends bien, monsieur Labonté, vous dites que les personnes qui ont rencontré Shell sont des représentants du ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec. Le savez-vous? L'avez-vous vérifié? Étiez-vous présent?

[Traduction]

    Nous n'avons participé à aucune réunion avec Shell et des représentants du ministère québécois des Ressources naturelles. Je suppose que le ministre des Ressources naturelles du Québec s'est penché sur ce projet de fermeture et a diligenté une analyse car, si je me trompe, il devra approuver cette conversion. C'est la même situation dans la plupart des provinces, je pense, puisque la réglementation des produits pétroliers et du pétrole brut relève de la compétence des provinces, comme l'indique la Loi constitutionnelle relativement aux ressources naturelles.
    Généralement, les provinces adoptent des règlements au sujet de l'offre et des marchés et ce sont donc elles qui ont le pouvoir de dire si des installations peuvent ouvrir ou fermer. Je ne peux donc rien dire d'autre que c'est probablement ce qui se passe et que nous n'avons pas rencontré de représentants de Shell ni eu de discussions avec des représentants de Shell et de la province du Québec.

[Français]

    Votre ministère sait-il comment le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec va procéder? Comme moi, vous savez que les représentants de Shell ont témoigné ce matin d'une façon très claire. Ils veulent fermer la raffinerie et la transformer en terminal. Cet endroit serait une espèce de parking pour essence uniquement, comme l'a dit M. Coderre.
    Monsieur Labonté, la Loi sur les produits pétroliers du Québec exige que le ou la ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec donne son autorisation pour faire un changement. Savez-vous si le gouvernement du Québec a autorisé le changement de raffinerie en terminal? Également, connaissez-vous la procédure à suivre et les permis que l'on doit obtenir pour transformer une raffinerie en terminal? Savez-vous si la ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec a donné cette autorisation?
    Merci beaucoup pour la question, monsieur le membre du comité.

[Traduction]

    Je dois dire que je ne crois pas... ou je ne sais pas si le ministre du Québec a donné à Shell l'autorisation d'entreprendre la conversion. Je crois comprendre qu'il y a une injonction jusqu'en septembre. J'imagine que le processus est en cours au sujet de cette initiative puisque l'ordonnance relative à l'injonction est encore en vigueur.
    Les procédures concernant ce qui serait évalué et comment fonctionne le processus ne relèvent pas de notre compétence et nous ne savons donc pas en détail ce qui se passe ni toutes les étapes de la démarche. Je suppose que Shell pourrait vous donner des précisions à ce sujet — et peut-être aussi des fonctionnaires du Québec concernés par ces procédures.

[Français]

    Monsieur Labonté, vous êtes porte-parole, ou vous semblez parler au nom des deux autres personnes.
    Je viens du Québec. La province de Québec a le pouvoir, ce n'est pas vous qui l'avez. Savez-vous si la province de Québec a permis la transformation de la raffinerie en terminal? Êtes-vous au courant de la situation? Avez-vous reçu des documents, des courriels ou quoi que ce soit qui démontrerait que le Québec a décidé, par l'entremise de son ou de sa ministre des Ressources naturelles et de la Faune, de changer la raffinerie en terminal? Le savez-vous?

  (1340)  

[Traduction]

    Nous n'avons connaissance d'aucune décision ayant été prise au sujet de la conversion, du démantèlement ou de quoi que ce soit d'autre.

[Français]

    C'est bien. Peut-on admettre, sans vous impliquer personnellement, mais en impliquant le ministère, que la décision d'autoriser la transformation de la raffinerie en un terminal appartient bel et bien au Québec, conformément à la Loi sur les produits pétroliers, qui existe et qui est encore en vigueur au Québec? Ce n'est pas au fédéral de décider s'il y aura une raffinerie ou un terminal. Une telle décision revient au Québec et non au fédéral.
    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    Oui, c'est la province du Québec qui détient le pouvoir et qui a formulé des règlements permettant d'autoriser la conversion de ce terminal. Le gouvernement fédéral n'a aucun pouvoir en la matière et le ministère des Ressources naturelles n'a pas le pouvoir de donner son accord pour cette proposition particulière de Shell.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, les pouvoirs de RNCan en la matière sont limités à ceux qui émanent de la Loi d'urgence sur les approvisionnements d'énergie et de la Loi sur les mesures d'urgence et, typiquement, nous travaillons au niveau de l'analyse des marchés et de la prestation d'un certain nombre de choses. Toutefois, nous n'avons pas le pouvoir d'autoriser ou de rejeter ce type de projet.

[Français]

    Merci, monsieur Petit.
    M. Godin a maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président. Je vais continuer dans la même direction.
    Seul le Québec peut permettre ou non la vente de Shell, ou permettre le changement de la raffinerie en terminal. Si le Québec décidait au mois de juillet de ne pas accorder de permis, le fédéral pourrait-il intervenir et dire à la compagnie Shell que, bien qu'elle n'ait pas de permis de Québec, vu le manque de pétrole dans la région, elle est obligée de continuer à produire, parce que cela devient une urgence?
    Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

    C'est une question hypothétique.
    En ce qui concerne la fermeture ou la conversion, ou quoi que ce soit dans ce contexte, c'est une compétence provinciale. Dans le cas présent, s'il devait y avoir un retard ou s'il devait y avoir de l'incertitude, étant donné la capacité excédentaire du marché canadien particulier du raffinage, ainsi que du marché compétitif des importations de pétrole au Québec, la nature de l'incertitude n'amènerait pas le gouvernement fédéral à intervenir au titre de la Loi sur les mesures d'urgence ou de la Loi d'urgence sur les approvisionnements d'énergie étant donné qu'il ne semble pas, comme je l'ai déjà dit, que ce cas particulier constitue une urgence nationale ou une question d'intérêt national.
    En cas d'urgence nationale, le gouvernement fédéral demanderait aux provinces de réagir aux pénuries d'énergie et de relancer toutes les activités commerciales. Avant d'invoquer des pouvoirs d'urgence, le gouvernement fédéral veillerait à s'assurer que les provinces demandant son aide — elles devraient avoir demandé son aide — ont pris toutes les mesures raisonnables pour minimiser les risques de pénurie. De ce fait, les provinces devraient avoir déclaré leur propre état d'urgence avant que le gouvernement fédéral passe à l'action sur ce front. Si l'état d'urgence avait été déclaré, nous verrions ce qu'il conviendrait de faire mais, comme je l'ai dit, RNCan ne croit pas que cette situation réponde aux conditions énoncées dans la loi.

[Français]

    Cela veut dire qu'on est rendu à cinq provinces. En effet, en Atlantique, il y a quatre provinces, auxquelles on ajoute le Québec, ce qui fait à peu près la moitié du Canada. La compagnie Shell dit que si elle ne peut pas avoir son terminal au mois de septembre, il y aura un manque de pétrole. C'est pourquoi il y a urgence.
    Lorsque cela touche la moitié du pays, n'est-ce pas suffisant pour parler d'urgence nationale? Est-ce ce que vous dites?

  (1345)  

[Traduction]

    Ce que je dis, c'est que le marché du Canada atlantique et du Québec est assez compétitif, qu'il y a un certain nombre de raffineries différentes et que la perturbation potentielle résultant de la fermeture de cette raffinerie reste encore à l'intérieur des limites de la capacité actuelle.
    Certes, une raffinerie ne se ferme pas du jour au lendemain. Typiquement, elle a des contrats à satisfaire et doit continuer d'approvisionner ses clients pendant un certain temps. On peut donc s'attendre à ce que les signaux envoyés en ce moment avec l'incertitude amènent diverses dispositions à être prises entre des fournisseurs particuliers.
    Il est certain que la capacité de production des raffineries du Canada atlantique dépasse largement la capacité du Canada atlantique en termes de demande à l'heure actuelle. Donc, même si cela représente peut-être la moitié du pays d'un point de vue géographique, ça ne pose pas, du point de vue de la demande ou du point de vue d'un manque de capacité, de problème particulier déclenchant l'invocation de la loi.

[Français]

    J'aimerais que l'on regarde la page 8 de votre document.
     On peut y lire que l'industrie nationale exerce ses activités dans un marché international et que, étant donné les économies d'échelle, la rationalisation est une tendance mondiale. Les prévisions de demandes continuent à être incertaines, la concurrence étrangère augmente. Les coûts en investissements et de main-d'oeuvre sont moins élevés — c'est ce qu'on appelle le cheap labor. Il y a moins de réglementation — on parle de pays où il n'y a pas de règlements. On parle de la production accrue dans les pays qui ne font pas partie de l'OCDE, et des économies d'échelle.
    Il s'agit d'un document provenant du ministère des Ressources naturelles et on y écrit tout ce qui est en train de se passer. Le Bureau de la concurrence ne peut-il pas prendre le dossier et commencer à faire enquête?
    Monsieur Bilodeau, qu'en dites-vous?
    On entreprend des enquêtes et des examens en vertu de notre loi, et ce, de plusieurs façons.
     Cela peut se passer à la suite d'une plainte ou parce que le bureau entend parler d'une situation. Pour que le bureau enquête, la situation doit cadrer dans le mandat qui lui est donné. Cela doit soulever des questions relatives aux dispositions sur les fusions, à un abus de position dominante en vertu de la loi, par exemple des allégations selon lesquelles des concurrents se seraient entendus pour fixer les prix, pour s'allouer des marchés ou se répartir la production entre eux.
     Dans ce contexte, si des allégations sont faites et présentées au bureau, on les étudie et on enquête en vertu de notre loi. On l'a fait à plusieurs reprises dans ce domaine, mais aussi dans toutes sortes de domaines. Lorsqu'on a connaissance d'allégations, on examine cela. Lorsqu'il y a un problème sérieux en vertu de la loi et qu'on juge bon de prendre des mesures, on le fait. On peut le faire en déposant des accusations criminelles, dans le contexte d'une enquête criminelle, ou en s'adressant au Tribunal de la concurrence, qui est le tribunal spécialisé chargé d'entendre les affaires du Bureau de la concurrence.
    D'accord.
    Si je comprends bien, la fermeture est en train de se faire. Vous le savez. Si vous n'êtes pas au courant, vous avez manqué le bateau aujourd'hui.
    On le sait.
    Nous sommes donc tous au courant des intentions de Shell qui est en train de fermer la raffinerie. On sait pratiquement que la compagnie ne veut pas vendre, à moins qu'elle nous prouve le contraire au cours des prochains jours.
     Le ministère des Ressources naturelles parle — ce n'est pas moi, j'ai son document — de concurrence, des coûts des investissements et de la main-d'oeuvre qui sont moins élevés, et de moins de réglementation. Moins de réglementation, imaginez! On fera plus de dommages, comme dans le golfe du Mexique. Pour eux, il n'y a pas de problème à ce qu'il y ait moins de réglementation, car cela leur coûte moins cher.
     Pour la production accrue dans les pays qui ne font pas partie de l'OCDE et les économies d'échelle, en allant chercher leur pétrole ailleurs, ils payeront moins cher. La concurrence fera en sorte que ce sera dur sur les marchés. Si une compagnie portait plainte, vous auriez le pouvoir, conformément à la loi, de faire enquête.
    Nous n'avons pas besoin de recevoir une plainte pour faire enquête. On peut porter plainte si on est au courant d'une situation qui soulève un problème...
    D'après vous, la situation actuelle en soulève-t-elle?
    Comme je l'ai dit un peu plus tôt, la décision unilatérale de Shell de fermer sa raffinerie, pour le Bureau de la concurrence, ne soulève pas d'inquiétude en ce qui a trait à la concurrence.

  (1350)  

    Les représentants de Shell étaient ici ce matin et ils ont dit pouvoir aller chercher du pétrole partout ailleurs. J'ai peut-être mal compris, mais selon eux, il coûte bien moins cher de l'acheter d'ailleurs et de l'acheminer ici. Les raffineries ferment partout et on n'en bâtit plus. Ne pensez-vous pas en savoir assez pour dire que Shell ne veut que faire plus d'argent?
    Il est important de se rappeler que pour le Bureau de la concurrence, ce qui se passe ailleurs ou dans d'autres réglementations, ce ne sont pas des choses que le bureau regarde ou étudie de façon approfondie, à moins que cela ne fasse partie d'un dossier qui nous est présenté.
    Vous avez parlé de faire de l'argent. Tant et aussi longtemps que le comportement d'une entreprise et que la décision unilatérale de fermer une raffinerie ou de la convertir en terminal — comme on l'a annoncé — ne contreviennent pas à la loi, en ce qui a trait aux dispositions relatives à l'abus de position dominante, ou que ce n'est pas fait en collaboration avec des concurrents, cela ne nous soulève pas d'inquiétude.
     Il n'y a pas de loi qui empêche de faire de l'argent.
    Monsieur Godin, c'est tout.
    Maintenant, nous passons à M. Rota.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Bon après-midi et merci.
    Nous avons entendu des représentants de Shell — nous avons eu un certain nombre de témoins ce matin — et, en tant qu'entreprise, le but de Shell est de maximiser ses profits. Que ce soit au terminal ou en raffinage, ça n'a pas d'importance. Ça n'a pas non plus d'importance pour nous et nous n'avons aucun jugement à porter à ce sujet. L'entreprise veut donner de bons résultats à ses actionnaires. C'est ça, les affaires, et il n'y a rien de mal à cela. C'est une question de bonne gestion.
    En revanche, en qualité d'élus du peuple, nous avons le devoir de veiller à ce que le pays soit correctement approvisionné. Nous devons nous assurer que l'offre est là. À l'heure actuelle, nous parlons de la disparition de 13 p. 100 environ du raffinage de l'Est. C'est parti. Ce n'est pas transféré ailleurs. Bon, en fait, si, c'est transféré ailleurs. Nous dépendons d'un autre pays pour nous approvisionner.
    Si l'on examine la production aux États-Unis, elle est relativement bloquée. Le pays est en récession. Nous n'avons pas de problème actuellement — nous pouvons nous approvisionner là-bas — mais ça changera au bout d'un certain temps. Ils vont utiliser tous leurs approvisionnements et c'est ça qui m'inquiète. Lorsque l'économie se rétablira, la demande de pétrole et de produits pétroliers aux États-Unis absorbera toute la production et nous aurons un problème. L'approvisionnement des Canadiens n'est pas garanti. Par contre, si la production se fait sur notre territoire, nous pouvons la contrôler dans une certaine mesure.
    Je sais que certains disent que le marché réglera tous les problèmes, que l'offre et la demande feront monter le prix mais, si on ne peut pas obtenir de produit...
    Je viens du nord de l'Ontario. Le mazout y est très essentiel. Dans le Nord canadien, le mazout de chauffage est un service essentiel, quelque chose que nous devrions protéger nationalement. Je n'entends pas parler de ça en ce moment.
    Peut-être nous adressons-nous aux mauvaises personnes. Je ne suis vraiment pas sûr que nous ayons convoqué les bonnes personnes. Je suppose que c'est le Bureau de la concurrence qui devrait s'occuper de cette affaire.
    La question est donc très simple: parlons-nous aux bonnes personnes? Il y a de la concurrence mais c'est plus à un niveau macro. Êtes-vous les bonnes personnes à qui nous devrions parler?
    Je ne saurais vous dire si vous parlez aux bonnes personnes ou non. Ce que je peux vous dire, c'est que — je ne veux pas me répéter — nous avons une loi, la Loi sur la concurrence, qui nous dit quel est notre mandat, et nous agissons conformément à ce mandat.
    Si certaines allégations sont faites et sont prouvées, nous prendrons des mesures. Je ne parle pas nécessairement de la situation dont nous sommes saisis. Il y a la Loi sur la concurrence et, si des allégations sont faites et il y a transgression de la loi, nous agirons. Pour le moment, cependant, nous n'avons aucune préoccupation fondée sur les informations dont nous disposons.
    Comment recueillez-vous ces préoccupations? Est-ce que vous feriez réellement une enquête ou est-ce que vous attendriez de recevoir une plainte? Est-ce que quelqu'un devrait adresser une plainte à vos services?
    C'est généralement lorsqu'une plainte est déposée que nous découvrons une conduite donnée sur le marché. Ce n'est pas toujours l'unique méthode. Nous pouvons prendre connaissance de certaines situations par l'entremise des médias ou de demandeurs d'immunité qui décident de divulguer leur participation à un cartel, par exemple.
    La première étape de notre enquête consiste à évaluer si la conduite présumée est visée par la Loi sur la concurrence. Le cas échéant, nous enquêterons et nous recueillerons des renseignements. Si nous jugeons qu'elle cadre avec le libellé de la loi et qu'il y a violation, alors nous interviendrons. Nous l'avons fait dans le passé, dans le secteur de l'essence ou toute autre industrie...

  (1355)  

    Je comprends. Dans ce cas-ci, vous dites que cela ne relève pas de vous.
    En ce moment, nous n'avons absolument rien à voir avec la décision de Shell Canada de fermer la raffinerie.
    Cela relève-t-il de vous, oui ou non?
    Pour l'heure, en ce qui a trait à une décision comme celle-ci, non.
    D'accord.
    Que doit-on faire pour quelque chose de ce genre? Je vous pose la question car de toute évidence, nous vous faisons perdre votre temps, et vous n'êtes ici que pour une courte période. Alors, quelle voie faut-il emprunter, le savez-vous? Si vous l'ignorez, ce n'est pas grave. Vous ne le savez donc pas?
    J'ignore ce qu'il faudrait faire à ce sujet. Je vais m'en remettre à mes collègues. Ils peuvent peut-être...
    Une voix: Refus de vendre.
    Eh bien, il y a une autre option, soit le refus de vendre. C'est l'une des dispositions de la loi.
    Oui.
    Où cadre-t-elle ici?
    Je ne veux pas conjecturer sur ce qui cadrerait et sur ce qui ne cadrerait pas avec la loi. Ce que je peux faire, c'est de vous expliquer en quoi consiste le refus de vendre, si vous voulez.
    L'article 75 de la Loi sur la concurrence traite du refus de vendre, où une personne refuse de vendre un produit à quelqu'un d'autre.
    D'accord, c'est seulement pour un produit. Ce n'est pas pour une entreprise, et vous ne traitez pas avec les sociétés alors?
    Il faudrait que je vérifie ce point. Si ma mémoire est bonne, c'est pour un produit.
    D'accord, très bien.
    Je vais maintenant m'adresser à M. Labonté, du ministère des Ressources naturelles. À plus grande échelle, à quelle étape intervenez-vous dans la concurrence? Là encore, je pose la question parce que je ne veux pas vous faire perdre votre temps, mais faisons-nous fausse route? Devrait-on vraiment vous déranger ou vous faire perdre votre temps?
    Eh bien, je ne pense que le fait de vous aider ici au comité et de vous présenter des témoignages est une perte de temps pour qui que ce soit.
    Non, non, mais cela relève-t-il de vous?
    De notre point de vue, la concurrence dans le secteur pétrolier et gazier n'est pas visée par la loi en vertu de laquelle nous agissons. Nous surveillons les marchés et nous surveillons certainement les prix du pétrole et du gaz, les ventes de pétrole brut et le transport des marchandises. Pour comprendre la situation, nous utilisons les données de Statistique Canada et nous avons des ententes avec tous les producteurs et toutes les entreprises pour pouvoir comprendre ce qui se passe sur le marché. Nous ne faisons pas de comparaisons dans un contexte de concurrence ou nous n'essayons pas d'établir s'il s'agit d'une concurrence appropriée ou non.
    Me reste-t-il du temps?
    Je vais céder le reste de mon temps de parole à M. Coderre, qui n'a qu'une brève question à poser.

[Français]

    Monsieur Labonté, si le ministère des Ressources naturelles n'a rien à voir avec Shell, pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous avez dit plus tôt, à mon collègue M. Petit, que vous n'étiez pas au courant du fait qu'il y avait eu des discussions entre Shell et le ministère des Ressources naturelles — au début, c'était au palier fédéral, ensuite, c'était à Québec?
    Savez-vous que, le 18 février 2010, la présidente de Shell Canada, Lorraine Mitchelmore, a rencontré le ministre Paradis et son chef de cabinet? Êtes-vous au courant de ça?
    Merci beaucoup de la question.

[Traduction]

    Je suis au courant qu'un comité et un comité de survie ont été établis...
    Ce n'était pas ma question.
    ... et que cela a concerné plusieurs paliers de gouvernement et que le ministre Paradis détenait un certain intérêt à l'égard de cette activité en qualité de ministre du Québec et de ministre régional. Je ne sais pas quelle était la teneur de la conversation entre Mme Mitchelmore et le ministre Paradis.
    Permettez-moi de reformuler cela en anglais. Vous avez dit, si je me souviens bien, que vous ne saviez pas ou ne pensiez pas que Shell Canada avait eu des discussions avec le ministère des Ressources naturelles. Saviez-vous que le ministre a rencontré le président de Shell Canada?
    Je ne savais pas si le ministre Paradis avait rencontré le président de Shell Canada.
    Bien.
    Quel est le lien de communication, alors? J'ai été ministre et l'une des choses que je sais, c'est que tout le monde savait ce que je faisais. Et je sais que Christian Paradis est le même genre de personne. Donc, si le ministre des Ressources naturelles a signé trois lettres pour s'assurer que nous puissions sauver la raffinerie, je suppose que vous étiez au courant de certaines discussions entre le cabinet du ministre et le ministère, d'autant plus que ce secteur relève de votre compétence.
    Nous avons certainement fourni des informations au ministre et aux membres du gouvernement au sujet de cette raffinerie, de l'industrie du raffinage en général et aussi des marchés du pétrole et du gaz naturel au Canada. C'est notre rôle.
    En ce qui concerne la nature de leurs discussions, je n'ai aucune idée de ce dont ils ont pu discuter et c'est ce que...
    Mais vous saviez qu'ils s'étaient rencontrés?
    Je sais qu'ils se sont rencontrés. J'ai lu des informations à ce sujet dans la presse à plusieurs reprises. Il y en a eu d'autres. En ce qui concerne la date, je ne la connais pas.

  (1400)  

    Très bien, M. Coderre.
    Nous passons maintenant à M. Allen.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence.
    Je m'adresse d'abord aux représentants de Ressources naturelles. Nous avons parlé un peu de la non-intervention du gouvernement dans ces affaires. Je voudrais reprendre là où M. Rota s'était arrêté.
    Vous surveillez encore les marchés de l'énergie et vous surveillez l'offre. Pourriez-vous nous dire un peu comment vous faites ça? M. Coderre vous a posé une question précise d'intérêt régional et vous avez dit que, selon vos critères, ce n'est pas une question d'intérêt national. Je voudrais savoir en particulier comment vous examinez la situation et prenez une décision au niveau national. Examinez-vous les caractéristiques d'une question régionale qui surgit afin de déterminer si elle pourrait avoir une incidence nationale? Et comment faites-vous ça?
    Nous analysons continuellement les marchés des produits pétroliers et les marchés du pétrole et du gaz naturel du Canada, et nous faisons cela sur une base longitudinale pour cerner les tendances à long terme et aussi des informations plus exactes.
    En ce qui concerne ce qui pourrait déclencher l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence ou de la Loi d'urgence sur les approvisionnements d'énergie, ce serait quelque chose surgissant à l'échelle nationale. Dans ce contexte, le ministère collaborerait avec ses homologues provinciaux afin de déterminer s'il s'agit vraiment d'une urgence, au sens régional, et de voir si la situation pourrait constituer une urgence nationale à leurs yeux.
    Je peux peut-être vous donner quelques exemples concrets. À la fin des années 1990, il y a eu une tempête de verglas dans l'Est de l'Ontario, au nord-est des États-Unis et sur une bonne partie des Cantons de l'Est du Québec, ainsi que sur l'île de Montréal. Cette tempête a perturbé le transport de marchandises ainsi que les services et les activités pendant plusieurs semaines. Je pense que l'armée a été mobilisée pendant plusieurs semaines et que des milliers de soldats canadiens ont participé au rétablissement de la situation. Cette crise particulière ou cette catastrophe n'a pas déclenché l'invocation des lois d'urgence.
    Au début des années 2000, il y a eu des inondations dans la région du Saguenay, au Québec, ce qui avait également causé de graves difficultés d'ordre économique et environnemental, mais cela n'avait pas été considéré comme une crise nationale.
    Ce qui pourrait déclencher l'invocation de ces deux lois par le ministère devrait donc être une situation particulièrement grave car la barre a été placée très haut. Il y a certainement eu au cours des dernières décennies plusieurs événements très graves pour les Canadiens et pour l'économie canadienne mais aucun n'a entraîné l'invocation de la loi.
    Bien. Il y a donc eu plusieurs fermetures de raffineries. Comme vous l'avez dit dans vos remarques, je crois, il y en a eu 31 au Canada. Si je comprends bien, il n'y a eu aucune évaluation et le gouvernement n'a joué absolument aucun rôle dans ce contexte. Dans une situation sérieuse comme celle-là, si vous n'êtes pas intervenu dans des cas aussi graves que ces tempêtes de verglas, comment pouvez-vous dire que vous assurez la sécurité de l'approvisionnement en énergie ?
    Comme je l'ai dit, nous tenons compte de la situation globale dans l'ensemble du pays en ce qui concerne la capacité qui existe dans le secteur du raffinage, ainsi qu'avec les exploitants de pétrole et de gaz naturel. Évidemment, ils opèrent à deux niveaux. Ils opèrent au niveau de l'amont et au niveau de l'aval, comme je l'ai dit.
    Selon nous, à l'heure actuelle, et certainement sur une période prolongée, l'environnement économique a été tel que la capacité a été inférieure à la production réelle, ce qui signifie qu'une capacité de réserve existe dans le secteur du raffinage pour faire face à la hausse de la demande, et cette demande n'a pas existé, ce qui fait qu'il y a eu une sous-utilisation — ce qui était l'un des éléments de ma déclaration liminaire, je crois.
    En termes de rationalisation, il y a certainement eu une tendance au cours des 30 dernières années, au moins, à rationaliser le secteur du raffinage du Canada et, bien sûr, dans le monde entier, comme je l'ai dit.
    L'aspect regrettable des raffineries est que le Canada est passé d'une quarantaine de raffineries à environ 16 à l'heure actuelle, ce qui s'est produit au cours des 30 dernières années. Durant cette période, bien que la capacité ait augmenté, le nombre réel a diminué et leurs économies d'échelle ont considérablement augmenté. Un certain nombre de ces fermetures ou conversions antérieures de raffineries a existé mais le gouvernement n'a pas été obligé d'agir en vertu de la loi ou d'intervenir dans le cadre de la politique basée sur le marché que nous avons au Canada pour l'économie de l'énergie.

  (1405)  

    Quel est votre horizon pour surveiller ces pénuries ? Lorsque vous faisiez votre déclaration liminaire, vous avez évoqué la situation qui prévalait en 2009, à la page 10 de votre document. Il y a eu évidemment de profonds changements faisant que le rapport de 2007 était largement dépassé. À quelle fréquence actualisez-vous ce tableau reflétant les caractéristiques et l'évolution du marché ?
    Merci, M. Allen.
     Allez-y, monsieur Rau.
    Je peux répondre à cette question. La réponse est que nous n'avons pas eu de rapport exhaustif depuis 2008 mais nous surveillons ces trucs-là sur une base quasi hebdomadaire dans la mesure du possible. À l'heure actuelle, les données de Statistique Canada sortent avec environ 60 jours de décalage. Nous avons plusieurs autres sources d'information, comme l'ONE, et nous surveillons très régulièrement les données de la Energy Information Administration des États-Unis, mais nous n'avons pas explicitement actualisé notre rapport depuis 2008.
    Merci, monsieur Rau.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus témoigner cet après-midi.
    J'aimerais reprendre une question que mon collègue a posée. Elle s'adresse aux représentants du Bureau de la concurrence.
    Supposons que le terminal pétrolier soit réalisé par Shell. Il n'y aurait donc plus de transformation. Imaginons que, six mois plus tard, un citoyen dépose une plainte au Bureau de la concurrence et fait la preuve qu'il y a eu augmentation des coûts. Cette plainte serait-elle recevable?
    Tout d'abord, on étudie toutes les plaintes. À la direction des affaires civiles où je travaille, on examine toutes les plaintes qui nous sont acheminées, conformément à la loi.
    Je présume que vous parlez de la possibilité d'une augmentation des prix dans les six mois. Sans émettre d'hypothèse, je peux dire ceci. En ce qui a trait au niveau des prix, que ce soit à cause de l'impact de la fermeture de la raffinerie ou de sa conversion en terminal, les entreprises sont libres de fixer les prix à un niveau que le marché peut absorber et que les consommateurs sont prêts à payer. Personne n'aime les prix élevés, mais le fait que des fournisseurs individuels puissent imposer des prix élevés, que ce soit parce que la demande a augmenté ou parce qu'ils anticipent une augmentation de la demande, ne constitue pas, en soi, une violation de la Loi sur la concurrence. Les prix élevés posent problème s'ils résultent d'agissements anticoncurrentiels, comme la formation d'un cartel, le fait de fixer les prix, un avis de position dominante, une situation de maintien de prix. Il faut aussi que cet agissement entraîne une réduction notable de la concurrence.
    Imaginons maintenant que la raffinerie soit vendue à Delek US Holdings. J'aimerais savoir quelle procédure le Bureau de la concurrence enclencherait. Une procédure serait-elle enclenchée? Si la transaction a lieu, qu'est-ce que vous allez regarder?
    Je vais laisser ma collègue répondre à votre question.
    Je vous remercie de votre question.
    Si une transaction a lieu et qu'elle dépasse les seuils prescrits par la loi, le bureau peut et va vraisemblablement examiner la transaction. Le Bureau de la concurrence regarde les fusions de manière à savoir quelle est la part de marché des parties impliquées, quels concurrents resteront dans le marché en question à la suite de la transaction, quelle est la concentration du marché, quelles sont les barrières à l'entrée. Ultimement, on doit regarder s'il va y avoir une réduction notable de la concurrence dans le marché pertinent à la suite de la fusion.
    Quels éléments pourraient faire en sorte que le Bureau de la concurrence se montre défavorable à une transaction de cette nature? Des éléments pourraient-ils être invoqués indiquant que cette transaction ne peut pas avoir lieu, et ce, dans quelles circonstances?
    Comme je l'ai précisé, cela dépend si les parties, à la suite de la fusion, ont des parts de marché élevées, avec des barrières à l'entrée très élevées qui pourraient exercer un pouvoir de marché dans le secteur étudié. Cela dépend aussi si ultimement on est en mesure de démontrer que la fusion générerait une réduction notable de la concurrence. Dans un tel cas, le bureau pourrait prendre des mesures et s'adresser au tribunal. Par contre, si c'est l'inverse, le bureau ne pourrait qu'autoriser la fusion.

  (1410)  

    Merci.
     J'aimerais maintenant poser une question aux représentants du ministère des Ressources naturelles.
    Dans votre document, on mentionne qu'en 1960, il y avait 44 raffineries. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 16. Selon vous, y a-t-il un seuil? Pourrait-il être acceptable qu'il n'y ait que deux raffineries au Canada? Y a-t-il un seuil sous lequel on ne peut pas s'abaisser? Puisque vous avez fait une étude, j'aimerais savoir si vous avez établi un minimum de raffineries.

[Traduction]

    Merci pour la question.
    Quand on examine le paysage concernant les raffineries et leur capacité, je pense qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Évidemment, le simple nombre, de 44 à 16, amène à penser que ça pourrait être une situation préoccupante. En même temps, il faut se pencher sur la capacité du point de vue du potentiel de production de chacune de ces raffineries. Il y a donc un certain nombre de facteurs à prendre en considération. Par exemple, certaines des plus grandes ont la capacité de quatre, cinq, six ou sept raffineries à l'heure actuelle. Les plus grandes comprennent la grande de Lévis et la plus grande encore de Saint John.
    Au niveau mondial, bien sûr, la capacité des raffineries augmente dans beaucoup d'autres économies. Cela nous donne la possibilité d'être des consommateurs de produits pétroliers importés par opposition à l'exportation de pétrole brut ce qui, je le répète, reflète la dynamique de l'économie de l'énergie du Canada, basée sur le marché.
    D'un point de vue régional, tous les éléments régionaux du pays ont des caractéristiques très compétitives là où différentes raffineries se font concurrence et où il y a des indépendants pour donner aux détaillants une chance raisonnable d'approvisionner les Canadiens.
    Je ne peux donc pas dire qu'il y a un nombre minimum en soi, bien que nous examinions la valeur et le volume de la capacité ainsi que le nombre dans les diverses régions.
    Merci.
    Merci, monsieur Bouchard
    Je pense qu'il serait utile pour les membres du comité de comprendre que le gouvernement du Canada n'a pas le pouvoir législatif de réglementer l'offre de produits pétroliers en amont ou en aval au Canada.
    Une voix: [Inaudible]
    Le président: Je comprends mais je pense que c'est important car plusieurs questions ont été posés à ce sujet.
    Vous savez, le gouvernement du Canada détenait ce pouvoir législatif. Cela faisait partie du budget de 1980, avec le programme national de l'énergie. Ce programme a été aboli dans les années 1980. Depuis lors, le principe du libre-échange et de la liberté du marché a été renforcé par l'Accord de libre-échange nord-américain.
    Donc, le gouvernement du Canada n'a pas le pouvoir législatif de réglementer, de réglementer ordinairement et normalement l'offre en amont ou en aval de pétrole brut ou de produits pétroliers au Canada. C'est juste un élément d'information pour le comité car je pense que c'est utile.
    Vous avez la parole, monsieur McTeague.
    Je ne me souviens pas, à moins de ne pas avoir suivi attentivement cette conversation fascinante, ce qui serait toujours possible — et M.Wallace aura bientôt la parole —, que quiconque ait laissé entendre que quelqu'un ici ait d'une manière quelconque parlé de réglementation du marché ou de restriction de l'offre.
    Monsieur McTeague, plusieurs membres du comité, des deux côtés de la barrière, ont demandé si le gouvernement du Canada détient le pouvoir législatif d'intervenir à l'égard de l'offre de produits pétroliers ou du pétrole brut, en amont ou en aval, dans le contexte particulier de la décision pendante de Shell de fermer sa raffinerie de Montréal. Les témoins ont indiqué clairement qu'ils ne détiennent pas ce pouvoir à moins qu'il s'agisse d'une situation d'urgence relevant de la Loi sur les mesures d'urgence.
    Je voulais simplement souligner que ce pouvoir n'existe pas sur le plan législatif. Il existait dans les années 1980 mais il n'existe plus.
    Je comprends ce que vous dites, monsieur le président, mais je pense qu'il n'est pas correct de suggérer que le gouvernement n'a pas la possibilité de faire quelque chose, notamment sur la restriction du marché. Je suis sûr que le Bureau voudra se pencher sur cette question si j'ai l'occasion de la lui poser.
    Merci, monsieur Chong.
    Très bien. Merci.
    M. Wallace.

  (1415)  

    Merci, monsieur le président. N'hésitez pas à déduire cela de mon temps de parole car je dois partir à 14 heures 30.
    Mes questions seront simples. Je m'adresse au Bureau de la concurrence. On a parlé de fermeture, de fusion. On a employé ces mots-là. On ne parle cependant que d'une raffinerie.
    Si Shell décidait d'abandonner complètement le secteur du raffinage et de fermer chacune des raffineries qu'elle possède au Canada, est-ce que le Bureau de la concurrence aurait son mot à dire ou aurait le pouvoir législatif de dire quoi que ce soit?
    Deuxièmement, le Bureau de la concurrence peut-il interdire à une entreprise de fermer des installations et l'obliger à en maintenir l'exploitation?
    Tout d'abord, le Bureau de la concurrence ne peut dire à personne ou à n'importe quelle entreprise quoi faire ou ne pas faire.
    M. Mike Wallace: Bien.
    M. Richard Bilodeau: Ce que nous avons le pouvoir de faire, c'est de mener une enquête et de renvoyer un dossier devant le procureur général dans le cas d'une enquête pénale, ou devant le Tribunal de la concurrence dans le cas d'une enquête civile.
    Comme je l'ai déjà dit, dans la situation actuelle et considérant nos informations, tant que les entreprises prennent des décisions unilatérales dans leurs activités quotidiennes et dans leurs activités commerciales, cela ne soulève aucune préoccupation au titre de la Loi sur la concurrence.
    Très bien, c'est clair. Je vous remercie beaucoup de cette clarté.
    L'autre chose que je trouve un peu ironique dans la discussion d'aujourd'hui est que nous avons une société étrangère ou internationale à Montréal, où au moins une entité de cette société, et que nous avons eu aujourd'hui une discussion sur son rachat par une autre entité étrangère, une société des États-Unis. Normalement, le Bureau de la concurrence pourrait être saisi s'il s'agissait de sociétés canadiennes ou d'entreprises canadiennes rachetées par des entités étrangères. S'agit-il ici d'une question qui pourrait le préoccuper du point de vue de la concurrence? Le fait que Shell soit une société internationale plutôt qu'une société canadienne change-t-il quoi que ce soit à la situation?
    Avant d'entrer dans les détails, je veux m'assurer de bien comprendre votre question. Vous me demandez si le fait que l'acheteur soit canadien ou étranger change quoi que ce soit lorsque nous examinons une transaction ou une fusion ?
    Et le vendeur.
    Et le vendeur.
    La meilleure manière de répondre à cette question serait peut-être d'expliquer comment nous examinons les fusions et ce qui peut déclencher l'examen d'une fusion par le Bureau de la concurrence. Pour ce faire, je laisse la parole à ma collègue, Martine.
    Comme je l'ai dit, le Bureau a le pouvoir d'examiner n'importe quelle fusion au Canada pour s'assurer qu'elle n'entraîne pas de réduction substantielle de la concurrence. Nous examinons donc plusieurs facteurs. La concurrence étrangère est l'un de ces facteurs, mais pas le fait que l'acheteur soit américain ou que l'entreprise rachetée soit canadienne En fin de compte, ce genre de décision est plus un déclencheur lorsque nous nous demandons si une transaction est sujette à notification au Canada. Si vous avez un acheteur américain n'ayant aucun actif au Canada, vous ne pourrez peut-être pas déclencher les exigences de notification en vertu de la loi lorsque le commissaire est tenu d'obtenir certaines informations des parties concernées. Mais, en ce qui concerne l'examen de la concurrence, nous ne...
    Donc, l'origine de l'acheteur ou du vendeur, en termes de nationalité corporative, ne joue aucun rôle quant à la responsabilité du Bureau de la concurrence d'examiner une transaction ?
    Nous analysons l'incidence, bien sûr, mais en termes de seuil de déclenchement d'une exigence de notification pour que le commissaire examine une transaction, cela pourrait avoir un impact. Mais nous...
    Bien.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, M. Wallace.

[Français]

    Monsieur Godin, avez-vous des questions?
    J'en ai une ou deux. J'aimerais revenir à ce que disait M. Wallace un peu plus tôt. Cela fait-il une différence qu'il s'agisse de la propriété de Shell ou de Delek US Holdings? Ce sont deux compagnies américaines. Il y a cependant une différence. Une des deux compagnies veut fermer la raffinerie, la transformer en terminal et faire venir son produit moins dispendieux d'ailleurs, et l'autre veut faire fonctionner la raffinerie. Je pense qu'il existe une différence entre les deux compagnies. Je veux simplement clarifier cela.
    De plus, l'industrie nationale exerce ses activités dans un marché international. M. Gauvin s'occupe des sables bitumineux. En réalité, si on étudie le portrait global, avec le libre-échange qui date des années 1980 et dont a parlé M. Chong, les gouvernements précédents et actuel du Canada s'en fichent carrément. On a du pétrole en Alberta que l'on veut vendre à d'autres pays. Ils vont le raffiner et nous le retourner. On a de belles ententes avec tous les pays. Cela va très bien. On ne veut pas s'en mêler. Je pense que c'est ce que le gouvernement est en train de faire. Il s'en lave les mains. Êtes-vous d'accord avec moi?

  (1420)  

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Je m'excuse.

[Français]

    Vous n'avez pas compris ma question?

[Traduction]

    Je n'étais pas sûr d'avoir bien compris ce que vous me demandiez.

[Français]

    Pouvez-vous répéter la question?

[Traduction]

    D'accord.
    Je reviens à la page huit de votre document où vous dites que « l'industrie nationale exerce ses activités dans un marché international »; puis vous mentionnez plus loin des « coûts en capital et de main-d'oeuvre moins élevés; moins de réglementation; production accrue dans les pays qui ne font pas partie de l'OCDE; économies d'échelle », et toutes les choses dont nous avons parlé.
    Nous avons ici Claude Gauvin, du ministère, qui représente, je crois, par le truchement de Ressources naturelles Canada, les sables bitumineux et l'énergie. Nous parlons de tout cela. Notre pays a les sables bitumineux et je ne pense pas que toutes les raffineries soient en Alberta. Il y a donc ce jeu qui se joue aujourd'hui où je vous vends le pétrole brut, vous le raffinez et vous me renvoyez les produits raffinés. Tout ça se fait très poliment car personne ne veut se battre avec qui que ce soit. Ensuite, il y a le gouvernement qui se lave plus ou moins les mains de toute la situation, et c'est la foire d'empoigne.
    Est-ce que c'est plus clair?

[Français]

    Je ne suis pas d'accord avec vous. Au Canada, il y a un libre marché d'échange de produits pétroliers. Il existe toujours des éléments régionaux au Canada. Le marché est très complexe. Il comporte beaucoup d'éléments sur le plan du transport, de la distance, de la population des villes et de la distribution.
    C'est très variable et ça change beaucoup. En fait, cette situation existe dans l'Ouest du Canada. Il s'agit principalement d'une production des ressources canadiennes de l'Ouest du Canada et du Québec. Il est nécessaire d'avoir recours à des éléments importés d'autres pays. Il s'agit d'échanges et d'un marché très libre et ouvert. Chacune des compagnies prend des décisions indépendantes et cela introduit de nouveaux éléments dans ce marché canadien.
    Depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange nord-américain, c'est très libre et très ouvert.
    C'est exact.
    À cet égard, je suis d'accord avec vous.
    Toutefois, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'on s'en lave les mains.

[Traduction]

    Eh bien, je pense que vous vous lavez les mains non pas avec de l'eau mais avec du pétrole et que nous obtenons... je ne prononcerai par l'autre mot qui me vient à l'esprit.

[Français]

    Monsieur le président, je termine en souhaitant que le premier ministre du Canada se mêle de ce dossier et communique avec les représentants de Shell pour leur demander de retourner à la table de négociations.
    Merci, monsieur Godin.

[Traduction]

    Ce sera le dernier député pour aujourd'hui.
    Monsieur McTeague, vous avez la parole.
    J'ai deux questions à poser.
    Allez-y.

  (1425)  

    Tout d'abord, je veux déposer une lettre que j'ai envoyée à M. Paradis le 29 mars 2010, ainsi que sa réponse. Je vais déposer cette très courte réponse. Elle concerne la réponse de M. Labonté à mon collègue M. Coderre, lorsqu'il disait qu'il n'était pas au courant de ce qui s'était passé.
Bien qu'il s'agisse d'une décision d'affaires du secteur privé, mon personnel continue de surveiller la situation et son incidence possible sur l'approvisionnement en énergie ainsi que sur les travailleurs de la raffinerie.
    Il y a manifestement là quelque chose qui ne colle pas, encore une fois.
    Merci, monsieur McTeague. Je demande à la greffière de faire traduire ces documents et d'en assurer la distribution à tous les membres du comité.
    J'ai une question à poser, en plus de cela, monsieur le président.
    C'est plus une instruction et, peut-être, un conseil à certains des témoins. J'ai cru comprendre que Mme Dagenais et d'autres ont déjà pris leur décision sur la question de savoir si cela pourrait constituer une question méritant d'être examinée plus attentivement par le Bureau de la concurrence.
    Je suis cependant un peu préoccupé par les modalités et conditions de transformation de la raffinerie en terminal, puisque cela pourrait avoir pour conséquence d'exclure les acteurs indépendants, pourrait avoir pour conséquence d'interrompre complètement l'approvisionnement en énergie de régions telles que le Nunavut, pourrait avoir une incidence sur les prix des consommateurs, pourrait nous rendre potentiellement plus vulnérables sans le pouvoir concomitant d'enquête ou de supervision au sujet de qui possède les terminaux et les pipelines.
    Je suis préoccupé par le fait que les prix soient fixés au même niveau dans les grandes villes du Canada, à 2 p. 100 à 4 p. 100 au-dessus du prix mondial dans la plupart de ces villes pour le prix de l'essence.
    Tout cela pour dire que j'aimerais que le Bureau me dise ici et maintenant s'il prendra au sérieux la restriction du marché, le refus de traiter et u les demandes formulées ici, ou si c'est déjà réglé d'avance?
    Si c'est réglé d'avance — et n'oubliez pas que je m'intéresse à cela depuis pas mal de temps —, en 1986 le gouvernement conservateur de M. Mulroney avait décidé d'inviter McMillan Binch à reformuler la Loi sur la concurrence. Il s'agissait du McMillan Binch dont le principal client était Imperial Oil. Si tel est le cas...
    Veuillez m'excuser, monsieur le président, je veux poser ma question.
    Très respectueusement, le dernier intervenant était M. Godin. Au tour suivant, si nous devions continuer, ce serait M. Wallace.
    Nous avons décidé de terminer avec M. Godin parce qu'il est bientôt 14 heures 30.
    D'accord. En ce qui concerne la restriction du marché, y a-t-il donc une chance, oui ou non, que la question soit examinée ?
    Merci beaucoup.
    Je suis sûr que les témoins pourront vous répondre après la réunion s'ils le souhaitent. Ils viennent déjà de répondre pendant une heure et demie. Nous les remercions sincèrement d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui.
    Une dernière information pour les membres du comité. Le conseiller juridique de Shell vient de m'informer qu'il enverra une lettre au comité, probablement demain, pour éclaircir certaines réponses et aussi pour répondre à certaines des affirmations formulées après le témoignage de la société. Quand j'aurai reçu cette lettre, je donnerai à la greffière l'instruction de la faire traduire et de la faire distribuer à tous les membres du comité pour qu'elle fasse partie du dossier officiel de la séance.
    M. Coderre.

[Français]

    Monsieur le président, étant donné qu'on va obtenir une lettre de clarification, je demanderais que, dans les plus brefs délais, aussitôt que vous aurez le document de Delek US Holdings au sujet de la demande financière, on intègre ce dernier au package. Il serait aussi pertinent de demander à Shell de nous remettre la term sheet.
    En outre, je remarque que la discordance entre la réponse de Shell et celle de Delek US Holdings est telle qu'il serait de mise d'envisager, si besoin est à la suite de la lecture des documents, la possibilité d'une nouvelle rencontre. Il s'agirait alors de demander aux gens de Shell de revenir témoigner devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

    Merci, M. Coderre. Je demanderai à la greffière d'examiner le compte rendu et de s'assurer que les documents que vous avez demandés sont demandés à Shell et à Delek US.
    En réponse à votre question concernant d'autres réunions, il y a deux possibilités. Vous pouvez choisir de déclencher une autre réunion au titre de l'article 106(4) du Règlement avant le retour du Parlement à l'automne. Sinon, une fois que le Parlement aura repris ses travaux, à l'automne, nous pourrons décider à n'importe quel moment de consacrer une autre réunion à cette question.
    Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire. La séance est levée.
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