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CIIT Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU PARTI LIBÉRAL

AU SUJET DU RAPPORT SUR LES NÉGOCIATIONS
EN VUE D'UN AECG AVEC L'UE

Introduction

Les négociations en vue d'un accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne (UE) entrent dans leur derniére phase, mais il est difficile de savoir clairement quelles questions restent à régler et sur quoi on s'est déjà entendu.

Le rapport du comité fait directement référence à la portée de l'AECG, indiquant qu'on avait « fait valoir au comité que de toutes les négociations commerciales entreprises par le Canada, dont l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les négociations pour un AECG avec l'UE sont appelées à avoir les conséquences les plus grandes pour le Canada ».

Cela étant dit, le Parti libéral s'inquiéte du fait que le comité n'ait pas tenu suffisamment d'audiences au sujet de cet AECG. Il en est arrivé à cette conclusion en voyant que le comité qui s'était penché sur l'Accord de libre-échange entre le Canada et les états-Unis, en 1987, avait entendu alors 147 témoins et s'était déplacé partout au pays. Il en avait été de même pour le comité qui avait examiné la proposition d'ALENA, en 1992-1993, puisqu'il avait reçu 124 témoins et que, là aussi, il avait voyagé dans tout le Canada. Mais le comité qui a examiné l'AECG n'a entendu que 28 témoins et n'est jamais sorti d'Ottawa.

Recommandation 1

étant donné la portée de l’accord négocié avec l’Union européenne, que le comité :

A) change le titre du rapport pour indiquer qu'il s'agit d'un rapport provisoire;

B) s'engage à tenir des audiences supplémentaires au sujet des négociations, au cours du printemps 2012, et à voyager partout au pays pour entendre des Canadiens, ainsi qu'à inviter les gouvernements provinciaux à lui présenter des mémoires et des exposés.

Manque d'analyse approfondie de l'AECG

Les arguments avancés par le gouvernement au sujet de l'AECG tiennent aux retombées dont pourrait éventuellement profiter le Canada. Lorsqu'il a témoigné devant le comité, Don Stephenson, sous-ministre adjoint, Politique et négociations commerciales, au MAECI, a déclaré ceci à propos de l'analyse réalisée avant le début des négociations sur un accord de libre-échange entre le Canada et l'Inde : « Je dois souligner qu'il ne s'agit que d'études économétriques théoriques. Ce sont des prévisions [...] J'aimerais vous dire qu'il s'agit d'analyses fidéles à 100 %, mais ce n'est pas le cas. » (29 septembre 2011, p. 8) Lors d'une audience plus récente du comité, M. Stephenson a fait une remarque semblable en disant que « l'étude conjointe n'est qu'un exercice de modélisation économique ». (Comité permanent du commerce international, 1er décembre 2011, p. 10)

Le ministre du Commerce international a confirmé que le gouvernement fédéral avait effectué les analyses sectorielles pendant les négociations, mais il a refusé de les transmettre au comité.

Recommandation 2

Que le gouvernement indique clairement les « retombées » d'un éventuel accord commercial, mais aussi les « coûts » de cet accord, par secteur. Le comité du commerce international doit pouvoir consulter les évaluations auxquelles renvoie le ministre du Commerce international afin d'être beaucoup mieux outillé pour évaluer l'incidence des négociations.

Répercussions juridiques de l'accord pour les gouvernements provinciaux et les administrations municipales

Le rapport du comité dit que « le gouvernement fédéral est pleinement responsable de la mise en oeuvre et du respect des traités internationaux ».

Pourtant, il est évident que ni les provinces ni les municipalités ne peuvent, apparemment, être tenues responsables ni directement mises en cause par l'UE pour n'avoir pas respecté certaines dispositions de l'accord.

Recommandation 3

Qu'avant que les négociations n'aboutissent, le gouvernement fédéral dépose devant le comité un avis juridique qui préciserait la question des responsabilités inhérentes à chaque accord conclu avec l'UE; et qui indiquerait plus particuliérement les responsabilités de chaque palier de gouvernement dans le cadre du réglement d'un différend avec une province ou une municipalité.

Il convient d'accorder une attention toute particuliére à la question des répercussions de l'AECG sur les municipalités et à celle des marchés publics.

Le comité est dans l'obligation de demander au gouvernement de clarifier la situation en ce qui a trait aux marchés publics, puisque même la Fédération canadienne des municipalités a dit au comité que l'incidence des dispositions relatives aux marchés publics sur les municipalités et les provinces était loin d'être claire quant à la possibilité de lancer des appels d'offres localement.

Préoccupations à l'égard de la propriété intellectuelle - Coût des produits pharmaceutiques

Lorsqu'ils ont comparu devant le comité, les représentants de l'industrie des médicaments génériques ont affirmé catégoriquement que, dans sa forme actuelle, l'AECG aura des répercussions considérables sur les Canadiens puisqu'il entraînera une augmentation du coût des médicaments évaluée à 2,8 milliards de dollars par année.

Bien que les représentants des grandes compagnies pharmaceutiques aient mis en doute ces affirmations, ils se sont quand même dits préoccupés que le gouvernement fédéral n'ait demandé aucune analyse indépendante sur toutes ces questions.

Recommandation 4

Qu'avant de soumettre un accord, le gouvernement du Canada soumette une analyse de l'incidence des changements au chapitre de la propriété intellectuelle sur les coûts des produits pharmaceutiques.

Importance du marché américain - Nécessité de ne pas perdre de vue les nouveaux accords commerciaux

Durant les audiences du comité, on a rappelé notre dépendance à l'égard du marché américain. « D'aprés la propre analyse du ministére du Commerce international, en 2010, 74,9 % des exportations canadiennes étaient destinées au marché américain. On s'attend à ce que d'ici 2040, ce chiffre passe à 75,5 % .» (6 octobre 2011, p. 5) Ainsi, selon les estimations mêmes du gouvernement, seulement 25 % de nos exportations sont destinées au reste du monde.

Dans les circonstances, il est primordial que le gouvernement conservateur ne perde jamais de vue cette réalité dans ses objectifs stratégiques en matiére de politique commerciale, ce qu'il a malheureusement négligé de faire jusqu'à présent.

Recommandation 5

Que le comité réalise une série d'audiences en vue de présenter au Parlement un rapport sur l'état actuel des enjeux commerciaux Canada - é.-U., en mettant l'accent sur les relations futures dans le contexte des accords commerciaux Canada - UE.

Négociations entourant la gestion de l'offre

Le sort réservé à notre systéme de gestion de l'offre demeure trés incertain compte tenu de l'état d'avancement des négociations sur l'AECG à ce chapitre.

Dans le témoignage qu'il a livré à la réunion du comité du 6 octobre 2011, M. Steve Verheul, négociateur commercial en chef du Canada, a confirmé, en réponse à une question directe sur la gestion de l'offre, que rien n'était exclu des discussions, mais que jusqu'alors, en ce qui concerne le secteur laitier en particulier, il n'y avait eu aucune discussion un tant soit peu « approfondie » sur le sujet. (Comité permanent du commerce international, 6 octobre 2011, p. 12)

Ni le ministre du Commerce international ni notre négociateur en chef n'ont pu dire si la question des réductions tarifaires ou celle de l'accés accru faisaient l'objet de négociations.

Recommandation 6

Que le comité demande au gouvernement d'énoncer clairement la position adoptée par le Canada aux négociations sur la question de la gestion de l'offre; plus précisément, outre de savoir si l'ensemble du régime est à la table, si le gouvernement est disposé à faire des concessions quant à un accés accru par l'UE, et si des réductions tarifaires ont été abordées en vue de réduire un ou l'ensemble des produits soumis à la gestion de l'offre.

Répercussions sur le plan réglementaire

Lorsque le ministre Fast a comparu devant le comité, il a déclaré :

« Nous sommes résolus à conserver les pouvoirs et les capacités du gouvernement en matière de réglementation. Les produits, les services et le savoir-faire du Canada sont à vendre; ses règlements et ses pouvoirs gouvernementaux ne le sont pas. » (6 octobre 2011, p. 2)

Même si on n'a cité le document que dans le cadre de témoignages, l'évaluation de la viabilité et des répercussions de l'AECG de mars 2011, réalisée par la Commission européenne, indiquait que l'accord entraînerait clairement une réduction de la marge de manoeuvre du Canada en matiére réglementaire, notamment sur le plan des politiques économiques, sociales et éventuellement environnementales en lien avec l'évaluation de la viabilité et des répercussions de l'accord en question.

Recommandation 7

(A) Que le comité demande une analyse exhaustive de l'envergure et des répercussions des aspects de l'AECG liés aux marchés avant que le gouvernement ne présente l'accord au Parlement pour ratification.

(B) Que le ministre fasse rapport au comité sur les aspects susmentionnés.

Il convient d'accorder une attention particuliére à la protection des investissements et aux répercussions sur la politique gouvernementale.

Répondant à des questions sur la protection des investissements, le négociateur en chef du Canada a déclaré : « En fait, nous n'avons pas beaucoup progressé sur cette question, car l'UE n'a obtenu que récemment le mandat de ses états membres de négocier dans le domaine de la protection des investissements [...] à certains égards, le point de vue de l'UE relativement à la protection des investissements est différent du nôtre. » (6 octobre 2011, p. 7)

Ce qui devrait nous préoccuper, ce sont les questions qu'a soulevées M. Scott Sinclair à l'occasion de son témoignage devant le comité :

« Les accords relatifs aux droits des investisseurs, comme le chapitre 11 de l’ALENA, vont bien au-delà du traitement équitable. Ils confèrent des droits spéciaux aux investissements étrangers qui leur permettent de contourner les systèmes judiciaires nationaux […] Tôt dans les négociations de l’AECG, le Canada a proposé le gabarit du chapitre 11 de l’ALENA. L’UE a maintenant répondu, depuis peu de fait, et sous la pression de quelques états membres; elle a réclamé un accord comportant des protections des investissements encore plus solides, à certains égards, que celles prévues dans l’ALENA. Elle insiste aussi sur la conformité totale des provinces et des municipalités. Aux termes de la règle de la nation la plus favorisée de l’ALENA, toute concession accordée à des investisseurs européens dans le cadre de l’AECG est automatiquement consentie aux investisseurs américains et mexicains. » (17 novembre 2011, p. 10)

Recommandation 8

Que le comité demande au gouvernement de lui fournir des éclaircissements quant à l'état des négociations ou tout accord final conclu en matiére de protection des investissements avant de présenter l'accord final au Parlement aux fins de ratification.

Conclusion

Le ministre du Commerce international a déclaré devant le comité que les négociations entourant l'AECG étaient « de loin les pourparlers en matiére de commerce les plus importants pour le Canada depuis la signature de l'ALENA ». (6 octobre 2011, p. 1)

Le peu de temps qu'a consacré ce comité à l'examen de cet accord est de nature à inquiéter quiconque s'intéresse un tant soit peu à l'AECG.

Les motivations stratégiques qui sous-tendent le programme de développement du commerce international du gouvernement du Canada demeurent floues, de sorte que l'apparente volonté de négocier et de conclure des accords de libre-échange n'a d'autre objectif que celui d'arriver à une entente, coûte que coûte, ce qui est trés préoccupant.