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FAAE Rapport du Comité

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LE CANADA ET LE CONSEIL DE L’ARCTIQUE : UN PROGRAMME D’ACTION POUR ASSURER UN LEADERSHIP DANS LA RÉGION

INTRODUCTION

Le Canada défend la coopération multilatérale dans l’Arctique depuis plus de 20 ans. En effet, c’est lui qui, peu après la fin de la guerre froide, a milité pour la création d’un conseil réunissant des représentants des huit États de l’Arctique et des principales organisations autochtones concernées pour aborder les problèmes communs, notamment en ce qui concerne la protection de l’environnement particulièrement fragile de l’Arctique. Le Conseil a finalement vu le jour en 1996, et le Canada en a été le premier président. Maintenant que tous les États membres ont pris leur tour à la présidence de l’organisation, le Canada s’apprête à en prendre les rênes pour la seconde fois, pour un mandat de deux ans commençant en mai 2013. Après avoir mené des consultations dans le Nord du pays à l’automne de 2012, le gouvernement du Canada a annoncé le thème principal — « Le développement au service de la population du Nord » — et les sous-thèmes de sa présidence prochaine.

En prévision de cet important second mandat, le Comité a effectué une étude de la politique étrangère du Canada dans l’Arctique durant laquelle il a consulté plus de 40 témoins, dont des fonctionnaires fédéraux, des fonctionnaires territoriaux, des universitaires, des scientifiques et des gens d’affaires. Dans le présent rapport, le Comité fait le point sur les enseignements tirés de ses audiences pour ensuite commenter le programme du Canada à l’égard du Conseil de l’Arctique et mettre en relief les questions qui lui paraissent les plus pressantes que les États de l’Arctique aient à régler.

Un message en particulier ressort des audiences du Comité, à savoir que l’Arctique est en train de s’ouvrir aux États qui le bordent et au reste du monde. Or, il apparaît que cette évolution s’accélère, ce qui pose d’importants défis au Canada et à ses partenaires du Conseil de l’Arctique, certains à caractère diplomatique ou réglementaire et d’autres de nature pratique. Autrement dit, la zone arctique présente des problèmes de gestion à la fois substantiels et impérieux. Les témoins entendus ont fait valoir que le changement climatique, la mondialisation et d’autres phénomènes concourent à ouvrir des perspectives et susciter des complications tout à fait différentes de celles qui prévalaient en 1996, au moment de la création du Conseil de l’Arctique.

On a par ailleurs fait remarquer au Comité que, s’ils sont bien gérés, les phénomènes mondiaux qui sont en train d’ouvrir l’Arctique peuvent contribuer à la prospérité et au développement économique de la région et donc être avantageux pour les populations qui y vivent, notamment les Canadiens du Grand Nord. Les études produites par le Conseil de l’Arctique bénéficient de ressources publiques, ainsi que du savoir-faire des organisations autochtones, ce qui donne l’assurance que les politiques à venir reposeront sur des fondements scientifiques solides et d’autres informations pertinentes.

La région de l’Arctique est unique dans la mesure où la délimitation entre politique intérieure et politique étrangère y est relativement plus floue qu’ailleurs. Par conséquent, le présent rapport fait état des principales observations des témoins sur les questions qui relèvent des deux. Enfin, le Comité formule des recommandations sur les mesures que le Canada devrait prendre pour appuyer ses propres politiques à l’égard de l’Arctique et sur celles qu’il vaut mieux inscrire dans le contexte d’une collaboration régionale et multilatérale.

L’ARCTIQUE EN TANT QUE PRIORITÉ DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE

L’Arctique est de plus en plus l’objet de trois phénomènes — la mondialisation, le changement climatique et la demande mondiale de ressources naturelles — qui auront de profondes répercussions sur l’environnement de cette région et sur les populations qui y vivent. Il présente par ailleurs des périls et des promesses qui influent sur l’intérêt national. Ainsi, cette région revêt une importance croissante pour la politique intérieure comme pour la politique étrangère. Le fait que le Canada assumera, à compter de mai 2013, la présidence tournante du Conseil de l’Arctique, l’organisation régionale chargée de s’occuper de ces questions, focalise l’attention sur celles-ci.

L’intérêt des médias et la prolifération des conférences et des publications à ce sujet ces dernières années témoignent de la place grandissante de l’Arctique dans la conscience collective internationale. On note en parallèle une multiplication des visites, des annonces, des actions et des engagements des gouvernements dans leurs territoires arctiques et au sujet des questions relatives à l’Arctique.

Il est important de bien comprendre d’entrée de jeu les raisons de cet intérêt soudain pour cette région. Elles sont simples : les enjeux, nationaux et internationaux, y sont considérables. En effet, l’Arctique recèle d’immenses ressources naturelles très convoitées dont la plupart n’ont pas encore été pleinement mises en valeur. À l’instar de l’Antarctique, l’autre région polaire du monde, l’Arctique est aux avant-postes du changement climatique. C’est aussi une région où la mise en œuvre du cadre juridique international régissant l’exploitation des océans est suivie de près. C’est une région où se rencontrent les intérêts nationaux et internationaux de deux grands adversaires de la fin du XXe siècle, les États-Unis et la Russie, et qui est l’objet des aspirations et des politiques de certaines des nouvelles puissances du XXIe siècle comme la Chine et l’Union européenne. C’est une région qui, si elle devient un point de transit, pourrait faire réaliser des économies de temps considérables aux entreprises, à l’affût de tout avantage dans une économie mondiale intégrée où la concurrence est vive. Enfin, et ce détail n’est pas des moindres, c’est une région aux caractéristiques géographiques et démographiques uniques. Par exemple, sur les 4 millions de personnes qui vivent dans l’Arctique, 500 000 environ sont des Autochtones[1], lesquels sont proportionnellement plus nombreux dans les territoires arctiques du Groenland (88,1 %), du Canada (50,8 %) et de l’Alaska aux États-Unis (15,6 %)[2]. Ainsi, les habitants du Grand Nord sont les intendants d’un territoire tout à la fois vaste, inhospitalier, fragile et spectaculaire.

Jillian Stirk, sous-ministre adjointe au ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a souligné l’urgence et l’importance de ce qui se passe dans l’Arctique pour le Canada, signalant que « le nord connaît des changements rapides de sorte qu’il suscite désormais un intérêt sans précédent sur le plan international », ajoutant que ce type de changement « présente à la fois des possibilités et des défis[3] ». Terry Hayden, sous-ministre par intérim du Développement économique du Yukon, estime lui aussi que le Nord du Canada entre dans une phase critique. Selon lui, nous « vivons des transformations majeures sur les plans social, politique, environnemental et économique, et tous ces changements pourraient nous procurer des avantages allant au-delà des frontières nordiques[4] ». Quand il a comparu devant le Comité, le président de la Commission canadienne des affaires polaires, Bernard Funston, a fait remarquer qu’un bon nombre des changements et des forces qui touchent l’Arctique sont des phénomènes d’envergure mondiale. Il a dit :

Notre planète compte présentement sept milliards d'êtres humains, et les changements que connaît l'Arctique ne se produisent pas que dans l'Arctique. En fait, la plupart d'entre eux se produisent à l'extérieur de l'Arctique. Qu'il s'agisse des pressions exercées pour les routes de transport, des minerais, des polluants transfrontaliers ou des changements climatiques, ils sont le résultat de facteurs extérieurs à l'Arctique[5].

Dans la conception classique des facteurs qui font de l’Arctique un élément de la politique étrangère, on note que cinq États ont une frontière dans l’Arctique et entretiennent des relations, car ils doivent s’entendre pour administrer la gouvernance des eaux, des terres, des ressources naturelles et des navires qui s’y trouvent. Si ces faits demeurent le fondement des relations internationales dans l’Arctique, il reste que c’est le caractère véritablement mondial des forces qui animent bon nombre des facteurs critiques en jeu dans l’Arctique — comme l’accroissement du trafic maritime ou de l’exploration des ressources — qui font de cette région une priorité de la politique étrangère du Canada.

En réponse à cette évolution de la situation, le gouvernement du Canada a fait paraître en 2010 un Énoncé de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique dans lequel il développait les dimensions internationales de la Stratégie pour le Nord intégrée, publiée en 2009. Cette dernière comporte quatre volets :

  • exercer notre souveraineté;
  • promouvoir le développement économique et social;
  • protéger notre patrimoine naturel;
  • améliorer et décentraliser la gouvernance dans le Nord.

Les rapports entre les deux documents, présentés par le gouvernement comme un train de mesures, reflètent bien les liens entre les dimensions nationale et internationale de la gestion de l’Arctique. Dans l’énoncé de politique étrangère du Canada, l’Arctique est décrit comme « une région stable et fondée sur le respect des règles, avec des frontières clairement définies, une croissance économique et un commerce dynamiques, des collectivités énergiques ainsi que des écosystèmes sains et productifs[6] ». On y précise que « [l]’importance géopolitique de la région et ses implications pour le Canada n’ont jamais été plus grandes[7] ».

LE CONSEIL DE L’ARCTIQUE ET LE CANADA, 2013–2015

Le Canada joue depuis longtemps un rôle de chef de file parmi les pays de l’Arctique, tant sur le plan de sa politique intérieure que sur celui de la coopération multilatérale avec ses homologues, dont un élément essentiel, depuis une vingtaine d’années, est le Conseil de l’Arctique. Cet organe unique combine les ressources et le savoir-faire de huit États de l’Arctique — Canada, Danemark (Groenland), Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède et États-Unis — et de six organisations autochtones internationales pour nourrir la coopération dans le contexte d’un programme régional commun. Axée initialement surtout sur la protection de l’environnement, cette coopération s’est élargie pour englober des questions comme le développement durable et les secours d’urgence.

Le Canada a été le premier à occuper la présidence du Conseil de l’Arctique, de 1996 à 1998, qu’il dirigera de nouveau de 2013 à 2015. La haute représentante du Canada pour l’Arctique, Sigrid Anna Johnson, du MAECI, a dit au Comité :

[…] vous savez sans doute que le premier ministre a récemment nommé l'honorable Leona Aglukkaq aux postes de ministre du Conseil de l'Arctique et de présidente du Conseil de l'Arctique pour le Canada […] La nomination, par le premier ministre, d'une ministre désignée pour le Conseil de l'Arctique et d'une personne possédant une remarquable connaissance du Nord du Canada et des peuples qui l'habitent, témoigne de l'importance que le gouvernement accorde au Nord et au travail du Conseil de l'Arctique[8].

La démarche du Canada dans l’Arctique va forcément évoluer au gré des perspectives et des difficultés qui se feront jour dans cette région, mais de par son caractère unique et sa souplesse, le Conseil de l’Arctique demeure tout aussi pertinent vis-à-vis des priorités du Canada qu’il l’était au moment de sa création.

Le Conseil — Hier et aujourd’hui

L’éventualité d’une véritable coopération dans l’Arctique a été évoquée pour la première fois à la fin de la guerre froide, lorsque le président de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev a lancé l’idée de la création d’une zone de paix dans cette région dans un discours qu’il a prononcé en 1987. Quelques années plus tard, une initiative de la Finlande destinée à mobiliser les États de l’Arctique et trois organisations de peuples autochtones de la région pour régler des problèmes environnementaux aboutissait à l’adoption de la Stratégie de protection de l’environnement arctique (SPEA). En 1993, il a été convenu d’élargir la stratégie pour englober le développement durable, et le Canada s’est chargé d’établir à ce sujet un mandat et un plan de travail. Le Canada militait depuis plusieurs années déjà pour la création d’une organisation régionale d’une portée et d’une mission plus vastes. Sara French, directrice des programmes du Programme de Munk-Gordon sur la sécurité de l'Arctique, a dit au Comité à ce sujet :

Le Conseil de l'Arctique trouve une bonne partie de ses origines ici, au Canada. Ce sont des Canadiens qui ont poursuivi l'initiative finnoise de mettre sur pied une stratégie de protection environnementale de l'Arctique afin de créer un forum intergouvernemental plus permanent visant à faciliter la coopération entre les huit États de l'Arctique auparavant divisés par les frontières de la guerre froide[9].

On est finalement convenu d’établir le Conseil de l’Arctique en 1996. Dans la Déclaration sur la création du Conseil de l’Arctique (la « Déclaration d’Ottawa »), les ministres affirmaient ce qui suit :

  1. Le Conseil de l'Arctique, par la présente établi, se veut un lieu de débats de haut niveau visant :
    1. à favoriser la coopération, la coordination et l'interaction entre les États de l'Arctique, avec la participation des communautés indigènes de l'Arctique et de ses autres habitants au regard des problèmes communs de l'Arctique, plus précisément aux problèmes de développement soutenu et de protection de l'environnement dans l'Arctique;
    2. à superviser et coordonner les programmes institués en vertu de la SPEA [...];
    3. à adopter un cadre de référence relatif à un programme de développement soutenu, à le superviser et à le coordonner;
    4. à diffuser des informations, à encourager l'éducation et à stimuler l'intérêt pour les problèmes de l'Arctique.

Entre autres précisions importantes, une note en bas de page établissait que le « Conseil de l'Arctique n'est pas saisi des questions intéressant la sécurité militaire[10] ».

La structure du Conseil de l’Arctique reflète largement celle de la SPEA : création de plusieurs groupes de travail et inclusion de certaines organisations de peuples autochtones de l’Arctique à titre de « participants permanents ». Le financement du Conseil même et des travaux des groupes de travail est assuré à titre volontaire par les huit États membres. La coordination des travaux est surveillée au moyen de réunions régulières des hauts fonctionnaires des États membres chargés de l’Arctique, avec l’appui d’un secrétariat qui tourne avec la présidence tous les deux ans.

Les six groupes de travail du Conseil de l’Arctique, composés de chercheurs et de fonctionnaires, sont les suivants[11] :

  • Groupe de travail du plan d’action sur les contaminants de l’Arctique;
  • Groupe de travail du programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique;
  • Groupe de travail de la conservation de la flore et de la faune arctiques;
  • Groupe de travail de prévention des urgences, de protection civile et d’intervention;
  • Groupe de travail de protection de l’environnement marin arctique;
  • Groupe de travail du développement durable.

Outre ces groupes de travail, des groupes d’étude ont été établis par les ministres sur des sujets particuliers. Ceux-ci ont publié des rapports fondés sur des travaux de recherche novateurs portant par exemple sur le climat de l’Arctique (Arctic Climate Impact Assessment (2004)), sur le développement humain (Arctic Human Development Report (2004)) et sur le transport maritime (Arctic Marine Shipping Assessment (2009)).

Tandis que les travaux sur les questions scientifiques et techniques se poursuivent, les États de l’Arctique ont atteint un nouveau niveau de coopération en 2011 par la conclusion, cette année-là, de l’Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques dans l’Arctique, la première entente exécutoire négociée par les États sous les auspices du Conseil de l’Arctique. Selon Mme Johnson du MAECI, cette entente témoigne de l’évolution du Conseil de l’Arctique qui, d’un organe à vocation essentiellement scientifique, est en train de devenir un organe de décision. De manière plus générale, elle estime que « [c]omme l'attention envers la région circumpolaire augmente, c'est évident que c'est un rôle que le conseil assumera, pour veiller à ce que la région soit bien administrée[12] ».

L’organisation

Parlant de la structure, des méthodes de travail et de la mission première du Conseil de l’Arctique, John Crump, conseiller principal sur le changement climatique au Centre polaire GRID-Arendal, a dit au Comité que « le monde a changé plus vite que le Conseil[13] ». Abondant dans le même sens, David Hik, professeur, Département des sciences biologiques, de l’Université de l’Alberta, a fait remarquer que, les États de l’Arctique ayant maintenant tous eu l’occasion de présider le Conseil de l’Arctique, le « deuxième cycle des mandats à la présidence, que commencera le Canada, est l'occasion de définir certains problèmes de procédure quant à la priorité des questions visées par le mandat du Conseil de l'Arctique[14] ». 

La charge des groupes de travail du Conseil a beaucoup augmenté ces dernières années. De nombreux travaux, comme la mise à jour du rapport sur le développement humain dans l’Arctique, arriveront à terme durant la présidence du Canada. Pour le reste, mis à part l’établissement d’un secrétariat permanent en janvier 2013, le fonctionnement interne du Conseil de l’Arctique a peu évolué depuis 1996. Le président du Conseil circumpolaire inuit (Canada), Duane Smith, a dit au Comité que le Conseil lui faisait l’impression « d’une organisation adolescente » quant à la manière dont il mène ses affaires, mais que, « avec la consolidation de ses assises » (puisque le Conseil dispose maintenant d’un secrétariat permanent), il deviendra de plus en plus actif[15].

Par ailleurs, les États membres du Conseil de l’Arctique devront, dans les mois et les années qui viennent, déterminer comment s’y prendre pour mieux soutenir le travail des participants permanents et s’entendre sur une procédure d’admission d’observateurs permanents des délibérations du Conseil. De façon plus générale, Mme Johnson a dit au Comité que, durant sa présidence, le Canada « s'appuiera sur les efforts continus du Conseil visant à améliorer la coordination dans l'ensemble des groupes de travail et des équipes spéciales du Conseil et à améliorer le suivi et l'établissement des rapports en vue de garantir la mise en œuvre efficace de notre travail[16] ».

Depuis six ans, la Norvège, le Danemark et la Suède se sont entendus sur un programme commun durant leur présidence alternée pour renforcer la cohérence des travaux du Conseil et se donner plus de temps pour atteindre leurs objectifs. Dans le même esprit, des témoins ont suggéré que le Canada coordonne son action avec les États-Unis, qui lui succéderont à la présidence du Conseil en 2015. Mme Johnson a dit à ce sujet qu’on évoluait vers un type de « troïka », selon elle « une manière très efficace » de travailler où le président courant collabore étroitement avec le président sortant et le président à venir. Le Canada a collaboré étroitement avec la Suède et il « fera de même quand il passera le flambeau aux États-Unis[17] ».

Comme les États de l’Arctique ont réussi à négocier un texte exécutoire sur les opérations de recherche et de sauvetage sous les auspices du Conseil et sont près de faire aboutir une autre négociation sur la préparation et l’intervention en cas de pollution marine par les hydrocarbures, certains recommandent que ceux-ci concentrent leur action sur ces types d’instruments. Michael Byers, professeur et titulaire d’une chaire de recherche du Canada, Département des sciences politiques de l’Université de la Colombie-Britannique, a dit au Comité que, dans le contexte du changement climatique :

Il ne faut pas s'imaginer que ces choses-là peuvent se faire de manière informelle. Nous savons tous que, quand il s'agit des questions les plus importantes au monde, les pays négocient des traités exécutoires parce qu'ils peuvent être exécutés. Ces questions sont tellement importantes que nous devons maintenant nous mettre à légiférer.[18]

Whitney Lackenbauer, professeur agrégé et président, Département d’histoire de l’Université St. Jerome’s est contre l’idée de faire de la conclusion d’ententes exécutoires la mission et l’étalon du succès du Conseil de l’Arctique. Pour lui, « [l]'objectif escompté, c'est des politiques fondées sur des données scientifiques, dont la plupart devraient émaner des États conformément à l'intention initiale du conseil. Cela permet d'établir des politiques qui tiennent compte de la diversité régionale, parce que les gens qui vivent et travaillent dans différents endroits dans la zone circumpolaire ne vivent pas tous la même chose[19] ».

Abstraction faite des nombreuses réalisations du Conseil de l’Arctique depuis sa création, celui-ci sera d’autant plus efficace qu’il saura distinguer ce qu’il peut faire de ce qui lui échappe. S’il demeurera à coup sûr la principale tribune de discussion des questions à caractère véritablement régional, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il puisse régler tous les problèmes — en particulier ceux qui ont une envergure mondiale — qui touchent l’Arctique, bien qu’il puisse traiter de leurs répercussions régionales. Dans sa politique étrangère, le Canada devra donc décider comment le mieux distribuer ses efforts au niveau bilatéral, régional et mondial sur les diverses questions qui concernent la région circumpolaire.

Le programme

Les problèmes à résoudre dans l’Arctique qui pourraient se retrouver devant le Conseil ne manquent pas. Plusieurs ont été soulevés régulièrement durant les audiences du Comité, notamment la sécurité maritime et les normes applicables aux navires, l’aboutissement de la rédaction d’un instrument sur la préparation et la réponse aux déversements accidentels d’hydrocarbures, la mise en œuvre de l’entente de 2011 sur les opérations de recherche et de sauvetage et l’éventualité d’un accord de gestion des pêches dans le centre de l’océan Arctique. Après une série de consultations dans le Nord du Canada et des discussions tenues ailleurs, le gouvernement du Canada a annoncé à l’automne de 2012 que le thème central de la présidence canadienne du Conseil de l’Arctique serait « Le développement au service de la population du Nord », avec trois sous-thèmes : L’exploitation responsable des ressources de l’Arctique, La navigation sécuritaire dans l’Arctique et Des collectivités circumpolaires durables[20]. Les questions portées à l’attention du Conseil de l’Arctique témoignent souvent des liens entre politique intérieure et politique étrangère. La coopération nécessaire à leur résolution dans un tel contexte multilatéral favorise la mise en commun des connaissances et l’identification des démarches communes et des pratiques exemplaires. La construction de collectivités durables, par exemple, est une importante priorité de la politique intérieure du Canada, mais elle revêt aussi une grande importance dans les autres États circumpolaires, comme l’a signalé Mme Johnson[21].

Comme le Conseil de l’Arctique fonctionne par consensus, ses priorités sont déterminées collectivement. M. Funston, qui a travaillé de près avec le Conseil depuis sa création jusqu’en 2010, a dit au Comité que :

[…] les priorités seront déterminées en collaboration avec les autres États arctiques lors de la réunion ministérielle qui se tiendra à Kiruna en mai 2013. Il ne faut pas oublier la règle du consensus qui prévaut au sein du Conseil de l'Arctique. Ainsi, le Canada ne pourrait pas imposer unilatéralement un programme visant le développement durable des collectivités de l'Arctique canadien, par exemple[22].

Dans son témoignage, Duane Smith a signalé qu’en date de mars 2013, le gouvernement du Canada « consulte toujours et on collabore étroitement, pas seulement avec nous, mais avec d’autres, à examiner et à essayer de tenir compte des opinions et des points de vue de chacun, en essayant en même temps d’être réaliste quant au programme, au mandat et au calendrier, de façon à atteindre certains objectifs à l’intérieur de la période prescrite[23] ». Andy Bevan, sous-ministre par intérim des Affaires autochtones et des Relations intergouvernementales au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, a résumé la situation qui se présente au Conseil de l’Arctique à la veille de la présidence du Canada en ces termes :

En devenant président du Conseil de l'Arctique, le Canada aura une occasion unique et emballante de mettre de l'avant sa politique étrangère pour l'Arctique. C'est une période importante pour les gens du Nord puisque la croissance économique et le changement climatique auront un rôle considérable dans l'avenir de l'Arctique. Le moment sera bien choisi pour œuvrer à la réalisation des priorités du Grand Nord sur la scène nationale et internationale et de faire connaître l'immense potentiel du Nord canadien[24].

Durant les audiences du Comité, les témoins ont soulevé toutes sortes de questions, allant de problèmes de longue date aux nouveaux enjeux cruciaux dont devront s’occuper ensemble les États de l’Arctique durant la présidence du Canada et après.

Comme on l’a vu, le gouvernement du Canada a annoncé le thème principal et les sous-thèmes qui encadreront sa présidence du Conseil de l’Arctique de 2013 à 2015. L’envergure et la complexité de ces thèmes et des grands enjeux de l’Arctique sont tels que l’apport additionnel du point de vue d’un comité parlementaire ne peut que contribuer au succès de la présidence. On trouvera donc dans les sections qui suivent les principales constatations du Comité et les grands messages émanant des témoignages dont il a été saisi. Le Comité souhaite ainsi clarifier certaines idées au sujet de l’Arctique, mettre en évidence les problèmes et les promesses de l’Arctique et exposer les questions les plus pressantes dont devront s’occuper le Canada et le Conseil de l’Arctique dans les mois et les années à venir.

PRINCIPALES CONSTATATIONS DU COMITÉ

Les relations internationales dans l’Arctique : coopération ou conflit?

Dans la première section du rapport, on a donné un aperçu de la place de l’Arctique dans la politique étrangère du Canada et fait valoir que les enjeux sont élevés pour les pays qui bordent l’Arctique comme le Canada. Il ne faut pas croire pour autant que les problèmes et les promesses de cette région sont une source de conflits ou qu’ils le deviendront forcément. Journalistes et commentateurs ont pu donner l’impression ces dernières années qu’il y avait une « course aux ressources » dans l’Arctique et que cette région était devenue une sorte de « Far West » où l’on se dispute des concessions et où les pays concernés luttent pied à pied pour protéger leurs intérêts et faire valoir leurs droits, mais à en juger par les témoignages reçus par le Comité, cette façon de présenter la situation dans l’Arctique est exagérée, voire carrément trompeuse. Les témoins ont expliqué qu’il n’y a pas de vide juridique dans l’Arctique et qu’en fait, un cadre juridique solide régit les eaux arctiques canadiennes, ce qui comprend le passage du Nord-Ouest, le plancher océanique et les eaux de l’océan Arctique. Ainsi, les États de l’Arctique voient à leurs intérêts dans le respect d’un cadre juridique établi.

Le cadre juridique international

Le Comité a entendu plusieurs spécialistes du cadre juridique international qui régit l’Arctique, notamment M. Byers, Donald McRae, professeur à l’Université d’Ottawa, Alan Kessel, jurisconsulte au MAECI, Ted McDorman professeur, faculté de droit de l’Université de Victoria, en affectation spéciale au service juridique du MAECI, et David VanderZwaag, professeur en droit et Chaire de recherche du Canada sur le droit de la mer et la gestion des océans à l’Université Dalhousie. Tous ont fait des présentations analogues quant aux principes juridiques clés qui s’appliquent aux eaux canadiennes et à l’océan Arctique.

Il ressort de tous ces exposés que les eaux de l’Arctique et les ressources naturelles qu’elles recèlent sont, comme les eaux de toute la planète, assujetties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après « la Convention »), un traité international entré en vigueur en 1982. En janvier 2013, quelque 165 États avaient ratifié la Convention, dont le Canada, qui l’a ratifiée en 2003[25]. La Convention est un traité international complet qui définit les divers types d’eaux et les droits des États dans ces eaux, précise les lois et règlements nationaux qui peuvent régir chaque type et énonce les règles en matière de navigation, de lutte contre la pollution et de mise en valeur des ressources. Comme on le voit à la figure 1, les principales définitions applicables aux zones maritimes des États côtiers de l’Arctique sont les « eaux territoriales », la « zone économique exclusive », le « plateau continental » et, au-delà, la « haute mer ».

Figure 1 — Zones maritimes du Canada

Source : Pêches et Océans Canada, Le patrimoine océanique du Canada — Une description des zones maritimes du Canada.

Par définition, les « eaux territoriales » sont constituées des eaux situées en deçà de 12 milles nautiques des côtes d’un État. Tous les navires bénéficient d’un droit de passage inoffensif dans les eaux territoriales des États côtiers. Un passage est dit inoffensif tant « qu’il ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État côtier » (ce qui veut dire qu’un navire ne peut pas se livrer à un exercice ou des manœuvres avec des armes de tout type)[26]. Les sous-marins, pour leur part, « sont tenus de naviguer en surface et d’arborer leur pavillon[27] ». Les États peuvent adopter des lois et règlements sur le passage inoffensif dans leurs eaux territoriales.

Dans l’océan Arctique, comme dans tous les océans du monde, les États côtiers ont droit à une zone économique exclusive (ZEE) qui s’étend de 12 à 200 milles marins à l’extérieur de leur trait de côte. Tout État côtier jouit, à l’intérieur de sa ZEE

des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques [...][28].

Les États côtiers ont également compétence sur la protection et la préservation de l’environnement marin à l’intérieur de leur ZEE. Une disposition importante de la Convention (l’Article 234) porte sur les zones recouvertes par les glaces et autorise les États à « faire appliquer des lois et règlements non discriminatoires afin de prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin par les navires dans les zones recouvertes par les glaces [...] ». Le Canada exerce ce pouvoir dans sa ZEE arctique en vertu de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.

Aux termes de la Convention, chaque État côtier peut définir son propre plateau continental, lequel comprend les fonds marins et leur sous-sol « sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu'au rebord externe de la marge continentale », jusqu’à 200 milles marins[29]. Chaque État côtier jouit de certains droits souverains sur son plateau continental « aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles[30] ». Ces ressources « comprennent les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires » (ainsi, les dispositions de la Convention qui régissent l’exploitation des ressources naturelles des plateaux continentaux s’appliquent aux fonds marins, mais ne visent pas les eaux qui les recouvrent). Ces droits « sont exclusifs en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès[31] ». Au demeurant, ces droits « sont indépendants de l'occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse[32] ». Par ailleurs, un État côtier « a le droit exclusif d’autoriser et de réglementer les forages sur le plateau continental, quelles qu’en soient les fins[33] ». M. McRae a expliqué la portée juridique de ces dispositions clés de la Convention en ce qui concerne la définition et l’exploitation du plateau continental :

Nous parlons ici de droits qui appartiennent automatiquement à l'État côtier et qu'il n'est donc pas nécessaire que celui-ci revendique. Voilà pourquoi l'incident du dépôt d'un drapeau russe il y a quelques années, même s'il était amusant et scientifiquement intéressant, n'avait absolument aucune signification juridique, ce dont que les Russes eux-mêmes convenaient.
Tout comme les États de la région ne peuvent rehausser leur position en formulant des revendications, les droits sur le plateau continental à l'intérieur de l’Arctique ne peuvent être revendiqués par des États de l'extérieur de la région. D'un point de vue juridique, le plateau continental est le prolongement du territoire côtier. Si vous ne possédez pas de terres dans la région, vous ne pouvez pas avoir de plateau continental[34].

En conséquence, les idées reçues selon lesquelles de nombreux États seraient en train d’établir leur droit de propriété sur le territoire maritime de l’Arctique sont trompeuses.

Dans certains cas, un État peut établir la limite de son plateau continental au-delà de la limite de 200 milles nautiques si son plateau s’étend naturellement au-delà de ce point, mais cette détermination repose sur une formule complexe définie dans la Convention. Comme l’a expliqué un représentant du ministère des Pêches et des Océans, « [c]ette définition dépend de l’épaisseur des roches sédimentaires, qui sous-tend l’idée que le plateau est le prolongement naturel du territoire terrestre d’un État[35] ». Pour porter l’étendue de son plateau continental au-delà de la limite de 200 milles marins jusqu’à, dans la plupart des cas, au plus 350 milles marins, un État « doit communiquer l’information scientifique, technique et juridique [...] à la Commission des limites du plateau continental[36] ».

Un État a 10 ans après la ratification de la Convention pour faire valoir ses revendications en la matière, ce qui donne au Canada jusqu’à la fin de 2013 pour le faire. M. Kessel a signalé que les travaux techniques et scientifiques nécessaires étaient réalisés en collaboration avec des partenaires comme les États-Unis et le Danemark. Il a ajouté : « Lorsque nous aurons terminé, la superficie du territoire sera équivalente à celle des trois provinces des Prairies; vous pouvez imaginer tout le potentiel qu'il y aura là en matière d'hydrocarbure et autres[37]. » Cela dit, le professeur McRae a signalé que les travaux de la Commission présentaient un important arriéré et qu’il faudrait peut-être à celle-ci « jusqu'à une vingtaine d'années pour qu'elle exprime un avis quelconque sur les thèses du Canada[38] ».

Devant le Comité, M. Kessel a déclaré que le Canada établira un jour les limites extérieures de son plateau continental en se fondant sur ces recommandations. Pour ce qui est de la possibilité que les plateaux continentaux des États côtiers empiètent les uns sur les autres, il a précisé que « l'étendue et l'emplacement de cet empiétement sont encore inconnus » et que, de toute façon, tout « empiétement sera résolu de façon bilatérale conformément au droit international[39] ». Le professeur McRae a expliqué que les règles régissant ces différends concernant les frontières maritimes « ne sont pas très claires », mais qu’elles ont été « formulées dans le contexte de la pratique des États et des décisions des tribunaux internationaux[40] ».

Selon la définition que donne la Convention, qui régit l’océan Arctique au sens large, toutes les mers situées au‑delà des limites extérieures des mers territoriales et des ZEE des États côtiers constituent la haute mer. La haute mer est ouverte à tous les États, qui jouissent de la liberté de navigation, de la liberté de survol, de la liberté de pêche (sous certaines conditions) et de la liberté de recherche scientifique[41]. M. McDorman a expliqué au Comité, afin de lui donner une idée générale de l’enchevêtrement des définitions existantes, que, comme pour les autres océans, « l'océan Arctique est simultanément une zone relevant de la compétence exclusive du Canada et une zone où tous les États peuvent exercer certains droits internationaux[42] ». James Manicom, associé de recherche au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, a fait valoir pour sa part que les États d’Asie de l’Est, par exemple, s’intéressent à l’océan Arctique, c’est‑à‑dire à la haute mer, et non aux mers territoriales.

La Déclaration d’Ilulissat faite en 2008 par les cinq d’États bordant l’océan Arctique, soit le Canada, les États-Unis, la Russie, la Norvège et le Danemark (Groenland), souligne l’existence d’un cadre juridique établi dans l’Arctique, s’appuyant sur la Convention sur le droit de la mer et le désir des États de l’Arctique de collaborer en la matière. Les ministres des affaires étrangères de ces pays ont rappelé :

… qu’un cadre juridique international étendu s’applique à l’océan Arctique…
Notamment, le droit de la mer prévoit d’importants droits et obligations concernant les limites extérieures du plateau continental, la protection du milieu maritime, y compris les secteurs pris par les glaces, la liberté de navigation, la recherche scientifique maritime et d’autres utilisations de la mer. Nous demeurons engagés envers ce cadre juridique et envers le règlement harmonieux de toutes revendications concurrentes susceptibles de survenir[43].

S’ils n’ont pas ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les États-Unis appliquent toutefois le droit international coutumier en la matière. D’après le professeur McRae, « le fait que les États-Unis ne soient pas partie au traité n’a, dans l’ensemble, aucune conséquence réelle[44] ». Le Comité estime que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est, à titre de cadre juridique international, d’une importance fondamentale. Comme l’a déclaré au Comité Andrea Charron, professeure adjointe à l’Université du Manitoba, « La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est effectivement l'outil juridique par excellence dans le cas des océans et des mers ». Elle a également fait remarquer que la Convention « est reconnue, et que les États-Unis, même s'ils ne l'ont pas ratifiée, la considèrent comme un outil de droit coutumier[45] ». Le Comité se réjouit par conséquent d’avoir entendu, lors de ses audiences, que le gouvernement du Canada croyait fermement en la Convention comme base commune de référence.

La souveraineté du Canada dans l’Arctique

Avec la Convention comme point de référence, les témoins ont avancé bon nombre d’arguments communs sur le fondement juridique de la souveraineté canadienne dans l’Arctique. M. Kessel a fait observer que « la souveraineté du Canada sur les terres et les eaux canadiennes situées dans l'Arctique est, depuis longtemps, une réalité bien établie[46] ».

Pour ce qui est du territoire terrestre du Canada dans l’Arctique, les témoins ont convenu que personne ne conteste la position juridique du Canada. M. McDorman a fait valoir que, à l’exception de la minuscule île Hans, tout le territoire de l’Arctique canadien « fait indéniablement partie du territoire souverain du Canada et ne fait l'objet d'aucune contestation de la part d'aucun autre État[47] ». La situation dans les eaux baignant l’archipel Arctique canadien est un peu plus complexe. Selon M. Kessel :

Personne ne conteste le fait que les voies navigables connues sous le nom de passage du Nord-Ouest font partie des eaux canadiennes. Le problème ne réside pas dans la souveraineté sur les eaux ou les îles, mais dans le statut juridique de ces eaux et, par conséquent, dans le degré de contrôle que peut exercer le Canada relativement à la navigation internationale[48].

Les États-Unis maintiennent que le passage du Nord-Ouest est un détroit international ouvert à la navigation[49]. Cependant, comme l’a expliqué M. Kessel :

Le Canada est d'avis qu'il s'agit de ses eaux intérieures en vertu d'un titre historique et qu'elles ne constituent pas un détroit international. Par souci de clarté, le Canada a tiré des lignes de base droites autour de ses îles arctiques en 1986. En conséquence, le Canada a le droit inconditionnel de réglementer le passage du Nord-Ouest comme il le ferait pour son territoire[50].

Pour M. McDorman, qui s’est dit du même avis, « 'il ne fait absolument aucun doute, en droit international, que les eaux, y compris le plancher océanique et toutes les ressources qui se trouvent dans l'archipel Arctique et dans le passage du Nord-Ouest, appartiennent au Canada[51] ». Pour lui, il n’est pas question de déterminer « si le passage du Nord-Ouest est canadien, mais plutôt de déterminer dans quelle mesure le passage du Nord-Ouest est canadien ». Et d’ajouter : « est-ce comme le lac Wascana, à Regina, ou le port de Halifax […], qui sont, tout compte fait, canadiens? C'est le point de vue du Canada. Est-ce que c'est un passage canadien où la navigation est permise? C'est la position des États-Unis[52] ».

Pour ce qui est de la position des États-Unis, M. Kessel a déclaré avec vigueur que le passage du Nord-Ouest (voir figure 2) ne s’apparente pas au détroit de Malacca, de Gibraltar ou d’Ormuz. Il a précisé que le passage du Nord-Ouest n’a jamais été une voie internationale, surtout par rapport au détroit de Malacca où 10 000 navires passent chaque année, et que jusqu’à très récemment les eaux du passage étaient infranchissables. M. Kessel a déclaré : «On ne peut pas créer un droit simplement parce que la glace a fondu[53] ». Qui plus est, les navires qui naviguent actuellement dans les eaux arctiques canadiennes ont obtenu une autorisation du Canada, ce qui fera l’objet d’une section ultérieure du présent rapport sur le trafic maritime. Pour M. Kessel, « nous détenons ce contrôle et l'avons renforcé au cours de la période dont il est question[54] ».

Figure 2 — Passage du Nord-Ouest

NWP

Source : Pêches et Océans Canada, Garde côtière canadienne, exposé devant le Comité du 28 février 2013.

Malgré les différences de positions entre le Canada et les États-Unis relativement au passage du Nord-Ouest, « il s’agit plus là d’une question de principe que de pratique[55] » selon M. McRae. Pour ce dernier, les États-Unis « ne s'opposent pas en pratique à ce que le Canada exerce concrètement sa compétence » et le véritable litige est en fait d’ordre géopolitique et concerne l’établissement de précédents concernant la liberté de navigation; il s’agit plus des « implications de la position du Canada pour d'autres voies d'eau dans le monde » que d’« une préoccupation quelconque sur ce que le Canada fait ou pourrait faire[56] ». Il y a une très forte collaboration entre le Canada et les États-Unis dans l’Arctique malgré ce désaccord relatif à une interprétation juridique du passage du Nord-Ouest. Dans ce contexte, M. McRae a fait valoir que « la meilleure manière pour le Canada de rehausser sa position à l'égard du passage du Nord-Ouest est de simplement traiter et gérer ce dernier comme faisant partie de ses eaux intérieures tout en le laissant ouvert à la navigation internationale […][57] ».

La mise en application de la position juridique du Canada pourrait devenir préoccupante, surtout compte tenu de l’augmentation prévue de la navigation maritime dans l’Arctique et des ressources qui seront nécessaires pour intervenir en cas d’incidents connexes. Tout en insistant sur le fait que « la souveraineté du Canada sur les îles de l'Arctique et sur le continent est assurée et n'est plus en danger », Shelagh Grant, professeure auxiliaire au Département d'études canadiennes de l’Université Trent a expliqué :

Ce qui pourrait être en danger, c'est la capacité du Canada d'appliquer ses propres lois et règlements dans les eaux adjacentes si la circulation maritime accrue venait à dépasser les investissements pour avoir un nombre suffisant de navires de la garde côtière ou de patrouille pour faire respecter les lois canadiennes[58].

C’est la raison pour laquelle Mme Grant soutient que l’on doit tenir compte des investissements dans l’infrastructure maritime ainsi que dans la technologie permettant le signalement obligatoire des navires à la Garde côtière canadienne, administré par la zone de services de trafic maritime du Nord canadien. À son avis, « nous avons un retard en matière d'infrastructure et une avance en ce qui concerne la technologie [59] ».

Règlement des différends

Selon des témoins entendus par le Comité, il est manifeste que, s’il existe des différends d’ordre juridique touchant l’Arctique canadien, il ne s’agit pas de crise de souveraineté. Du point de vue du gouvernement du Canada, il y a, d’après M. Kessel, trois différends dans l’Arctique dont le Canada se soucie :

  • un différend territorial — le seul dans l’Arctique canadien — qui l’oppose au Danemark au sujet de l’île Hans;
  • un différend sur les limites maritimes qui l’oppose au Danemark relativement à deux petits secteurs (de 65 milles marins carrés) dans la mer de Lincoln, au nord de l’île d’Ellesmere et du Groenland;
  • un différend sur les limites maritimes qui l’oppose aux États-Unis dans la mer de Beaufort au nord du Yukon et de l’Alaska.

Le Canada collabore étroitement avec d’autres États de l’Arctique — en particulier les États‑Unis — dans le cadre de diverses entreprises menées dans la région et, selon M. Kessel, ces différends « sont gérés dans les règles et seront résolus de façon pacifique selon le droit international[60] ».

À propos du différend relativement à l’île Hans que le professeur McRae a qualifié de « lilliputien[61] », M. Kessel a précisé que l’île revendiquée par le Canada et le Danemark mesure 1,3 kilomètre carré et est aride et inhabitée. Pour lui, le différend n’a aucune répercussion sur les eaux ou le fond de l’océan autour de l’île et « les deux pays mènent d'ailleurs des consultations bilatérales régulières en vue de trouver une solution mutuellement acceptable[62] ».

Au sujet de la mer de Lincoln, le Canada et le Danemark ont convenu que la frontière serait équidistante des deux pays, mais ils ne se sont pas entendus sur les aspects techniques de son tracé. Des experts des deux pays ont tenu des réunions informelles pour échanger des renseignements. M. Kessel a affirmé que les représentants des deux gouvernements estiment que « le travail des experts techniques offrira une base solide pour faire progresser le règlement de ces différends ». Peu après le témoignage de M. Kessel, le 28 novembre 2012, le Canada et le Danemark ont annoncé qu’ils avaient conclu un « accord de principe » sur la frontière dans la mer de Lincoln[63].

Pour ce qui est de la mer de Beaufort, que M. Kessel a considérée comme un point « plus intéressant », ce dernier a expliqué que les États-Unis et le Canada « se disputent la frontière maritime comprenant une zone d'environ 6 250 milles marins carrés[64] ». Le Canada estime depuis longtemps en effet que « le 141e méridien délimite la frontière maritime avec les États-Unis dans la mer de Beaufort, comme elle a été établie aux termes du traité de Saint-Pétersbourg de 1825 ». M. Kessel a ajouté que les deux pays avaient offert des permis et des concessions de prospection pétrolière et gazière dans la zone litigieuse, mais qu’aucun n’avait permis la prospection ou l’exploitation dans la région tant que le différend n’était pas réglé. Des experts des gouvernements des deux pays se rencontrent régulièrement dans le cadre de ces discussions portant sur le litige.

Nombreux sont les Canadiens qui estiment sans doute que la plus importante question de souveraineté dans l’Arctique canadien porte sur les eaux du passage du Nord-Ouest. Comme nous l’avons déjà dit cependant, le débat sur le passage du Nord-Ouest ne porte pas sur la souveraineté (les eaux étant canadiennes), mais sur leur statut juridique.

Pour ce qui est de ces trois différends, le gouvernement du Canada continuera de défendre ses positions traditionnelles par la voie diplomatique. Il a fait valoir dans son Énoncé de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique de 2010 que ces désaccords étaient bien gérés, ne posaient aucun problème sur le plan de la défense du pays ni ne compromettaient en rien la « capacité du Canada de collaborer et de coopérer avec ses voisins arctiques[65] » M. McDorman a résumé les répercussions concrètes de ces différends de la manière suivante :

... l'important, ce n'est pas l'existence de litiges, mais la mesure dans laquelle les litiges causent des frictions entre les États en cause. Selon cette norme, on peut dire qu'aucun des litiges que le Canada perçoit concernant l'Arctique ne s'approche de ce qu'on pourrait appeler une crise. Je dirai de façon plus imagée que la diminution de la couverture de glace n'est pas attribuable aux débats qui s'échauffent, concernant les litiges du Canada en matière d'eaux internationales[66].

Par conséquent, l’exercice de la souveraineté demeurera un élément clé des politiques du Canada pour l’Arctique, mais il n’est pas nécessaire que ce dernier continue de se défendre contre de supposées contestations de sa souveraineté.

À un niveau plus général, les témoignages entendus ne laissaient pas entendre que l’Arctique sera le théâtre de conflits internationaux ou d’une concurrence déréglementée dans un avenir immédiat ou à moyen terme. Lorsqu’on lui a demandé s’il prévoyait une collaboration ou des conflits dans la région Arctique, le professeur Lackenbauer a expliqué qu’il s’attendait à de la collaboration[67]. M. McDorman a lui aussi estimé qu’en ce qui concerne le droit de la mer, « il y a une assez bonne coopération bilatérale et multilatérale entre les États de l’Arctique et, surtout, une conception généralisée[68] ». Pour le professeur Lackenbauer :

…malgré tout le brouhaha des médias concernant une supposée « course pour les ressources », en réalité, la plupart des ressources exploitables de l'Arctique se trouvent sur ses territoires nationaux clairement délimités. Des conflits concernant des ressources dans l'Arctique sont très peu probables, particulièrement dans la zone nord-américaine du monde circumpolaire[69].

C’est aussi ce que semble penser le gouvernement canadien. À propos de la Déclaration d’Ilulissat de 2008, mentionnée ci-dessus, Jillian Stirk du MAECI a expliqué que « le Canada reconnaît que la coopération internationale renforce les efforts nationaux pour saisir les occasions et relever les défis qui se présentent dans la région[70] ». Le professeur Byers, conseiller auprès du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Lawrence Cannon, pour le document de politique étrangère sur l’Arctique de 2010, a déclaré au Comité que, même compte tenu de l’« histoire de la guerre froide » dans la région, il y a « peu de risque de conflit militaire entre les États-nations ». Il a résumé la situation actuelle dans l’Arctique du point de vue de la politique étrangère canadienne de la manière suivante :

La situation est donc généralement positive : coopération internationale, prise en compte de cela par le gouvernement canadien et, maintenant, avec notre prochaine présidence du Conseil de l'Arctique, possibilité de porter cette coopération à un niveau supérieur en se fondant sur la déclaration de politique étrangère de l'Arctique d'il y a deux ans. Certes, les défis sont énormes, mais les promesses aussi[71].

Même si l’on s’inquiète de l’intérêt croissant des États non arctiques pour la région circumpolaire, s’appuyant sur ses recherches sur la politique étrangère des pays de l’Asie de l’Est, M. Manicom a expliqué au Comité que les universitaires d’Asie de l’Est spécialisés en politique arctique reconnaissent également que les enjeux géopolitiques de la région sont abordés « en grande partie sous le signe de la coopération[72] ». Le professeur Lackenbauer a renchéri en affirmant que nous ne devrions pas « nous sentir immédiatement menacés par le fait que d'autres pays s'intéressent à une région[73] ».

Ce que le public pense de la situation dans l’Arctique

Des témoins ont laissé entendre que certains des grands constats énoncés ci-dessus ne correspondent pas forcément à l’opinion que s’est faite la population de ces questions. Certains ont laissé entendre que la véritable souveraineté du Canada dans l’Arctique n’est pas toujours clairement évoquée dans le discours public. La difficulté que pose toute discussion sur la souveraineté tient au fait que, alors que la question est essentiellement d’ordre juridique, les médias et d’autres utilisent souvent le concept dans un sens plus général, assorti de diverses connotations. Dans le contexte du règlement pacifique, survenu en 2010, d’un conflit de plusieurs années sur la frontière maritime entre la Norvège et la Russie, M. Funston a fait savoir au Comité :

La souveraineté est un prétexte très intéressant dans la politique canadienne sur bien des plans, à l'échelle nationale et internationale. Peu d'États de l'Arctique vivent des crises de la souveraineté comme celles que nous vivons de temps en temps. Par exemple, en ce qui concerne la question du Svalbard, qui touche les Norvégiens et les Russes, on ne parlait pas de crise de la souveraineté en Norvège. Il s'agissait d'un différend[74].

Le professeur Lackenbauer a fait valoir que la souveraineté dans l’Arctique préoccupe depuis longtemps la population canadienne et donc nos gouvernements. Pour lui :

Historiquement, du point de vue de la politique étrangère, notre intérêt pour l'Arctique est né avant tout d'une préoccupation plutôt névrotique au sujet de la souveraineté. Ce n'est pas d'hier que nous sentons peser des menaces sur notre souveraineté dans le Nord, particulièrement de la part des États-Unis. Quand ça se produit, on constate un soudain et vif intérêt de la classe politique, qui s'engage à investir dans notre Nord, puis, quand la crise passe et que les Canadiens se rendent compte que la souveraineté n'est pas pour l'instant exposée à un danger manifeste, habituellement, on perd tout intérêt pour le Nord, et la classe politique manque à ses promesses.
Cette fois-ci, j'espère que ce sera différent, et j'en ai bien l'impression[75].

Il a également affirmé qu’il faut tirer parti du grand intérêt du public pour l’Arctique et de l’amélioration des communications du gouvernement sur la région, comme il est prévu dans la Stratégie pour le Nord de 2009 et l’Énoncé de politique étrangère de 2010. Selon lui, « Il faut communiquer un message cohérent. Il faut corriger l'information erronée qui circule[76] ».

Les témoins ont cité plusieurs exemples de conceptions erronées du public sur diverses questions relatives à l’Arctique. La professeure Charron, notamment, a commencé par rappeler ce qui s’était produit la veille au soir lors d’une réunion publique sur l’Arctique tenue à Winnipeg. Elle a expliqué comment les thèmes abordés et les points de vue exprimés par les personnes présentes illustraient la nécessité d’améliorer le message transmis à la population et de mieux informer cette dernière. Elle a en effet expliqué :

Le message qu'on voulait transmettre était extrêmement prévisible, tant pour les aspects qui étaient abordés que ceux qui étaient évités. Quatre universitaires étaient invités à prendre la parole au sujet de l'Arctique. Ils ont évoqué les aspects suivants: il y a des possibilités dans le Nord, mais nous devons faire très attention de ne pas laisser n'importe qui en profiter; les États-Unis sont notre plus grand adversaire; et notre souveraineté est compromise. On a montré diverses sections de la carte qui illustre les conflits possibles en raison de la délimitation du plateau continental.
Ils n'ont toutefois pas parlé de la stratégie actuelle du Canada pour le Nord. Ils n'ont fait aucune mention des conditions de vie dans le Nord. Ils n'ont pas non plus évoqué le Conseil de l'Arctique ni le fait que le Canada en assurera la présidence. J'ajouterais qu'ils n'ont pas mentionné que le Canada présiderait le Conseil circumpolaire inuit de 2014 à 2018[77].

Pour ce qui est du développement économique, Mme Grant a fait valoir, par exemple, que bien des Canadiens « ne sont pas conscients du degré d'industrialisation que l'on retrouve déjà dans l'Arctique, en raison de nouveaux projets miniers et de la circulation maritime qui y est rattachée[78] ». Pour sa part, Tom Paddon, président-directeur général de Baffinland Iron Mines, a affirmé la nécessité de « fournir des explications axées sur des faits » pour corriger la perception qu’a le public de l’exploitation des ressources dans le Nord[79].

Globalement, les témoins ont convenu que les Canadiens s’intéressent à l’Arctique et y sont attachés. Cependant, pour ce qui est de la souveraineté et de toute une gamme d’autres enjeux pertinents en matière de politiques canadiennes relatives à cette région, plusieurs ont souligné qu’il est nécessaire de mieux informer la population. Une telle sensibilisation pourrait assurer un appui continu et informé de la population à l’égard des politiques nationales et étrangères du Canada dans la région.

Parce que la population du sud du pays ne connaît peut-être pas suffisamment bien l’Arctique canadien, il lui est plus difficile de comprendre la complexité de la situation de l’Arctique circumpolaire, laquelle est attribuable aux différences marquées entre les huit États de l’Arctique sur les plans de la géographie, de la démographie, de l’histoire, etc. Pour informer la population de l’ensemble du Canada sur le Nord, Geoff Green, fondateur et directeur général, Fondation Students on Ice, a proposé, entre autres choses, la mise sur pied à Ottawa d’une « Polar House », qu’il a décrite comme un centre national visant à faire connaître et à célébrer le passé, le présent et l’avenir de l'Arctique[80]. Cette initiative a reçu l’appui de Karen Barnes, présidente du Yukon College et de Shelagh Grant de l’Université Trent. Cette dernière a même ajouté que, ironiquement, elle siégeait à un comité il y a 25 ans, qui avait fait cette même proposition. Pour elle : « Nous sommes le seul pays arctique qui n'a pas de centre polaire ou de maison polaire dotés d'un musée et de ressources. Je ne saurais trop vous encourager à mettre en place un tel centre[81]. »

Pour ce qui est des connaissances sur le Conseil de l’Arctique lui-même, Sara French, de la Walter and Duncan Gordon Foundation, a mentionné au Comité qu’une enquête sur le sujet dont les résultats ont été publiés en janvier 2011 a révélé que les Canadiens en savent beaucoup plus que les Américains. Ces résultats sont toutefois très relatifs, étant donné qu’un tiers seulement des Canadiens des trois territoires et 15 % des Canadiens occupant la partie méridionale du pays ont pu clairement affirmer qu’ils avaient entendu parler de l’organisme. Mme French en a conclu qu’il fallait faire connaître les objectifs et les programmes du Conseil de l’Arctique tant au Canada qu’à l’étranger. Elle a ajouté qu’il était également important que les gens du Nord soient mis au courant du travail du Conseil et qu’il serait donc bon de diffuser des résumés, formulés dans un langage accessible, des rapports de nature souvent technique que produit ce dernier[82].

Bernard Funston et David Scott, de la Commission canadienne des affaires polaires, ont indiqué au Comité qu’avec des collègues, ils avaient consacré les deux dernières années à moderniser la Commission, dont la vocation, comme l’a expliqué M. Scott, était « d'être l'institution nationale du Canada chargée de l'avancement des connaissances et de la sensibilisation sur les affaires polaires[83] ». Le but de la Commission est de rassembler le savoir polaire, le synthétiser et le diffuser « au public, au monde et aux décideurs[84] ». M. Funston a ajouté qu’à son avis, le gouvernement souhaitait tirer parti du fait que le Canada présidera prochainement le Conseil de l’Arctique pour améliorer la compréhension des questions polaires au sein du Canada. Il a précisé qu’il constatait « que de véritables efforts sont déployés afin de mieux appliquer les travaux du Conseil de l'Arctique à la situation canadienne, ce à quoi la Commission pourrait contribuer[85] ».

Ouverture de l’Arctique : répercussions sur les politiques étrangère et intérieure du Canada

Changement climatique

Comme il est mentionné au début du présent rapport, la coopération circumpolaire trouve son origine dans la reconnaissance de la nécessité de s’attaquer aux questions environnementales qui se posent dans l’Arctique. Le premier mécanisme régional mis sur pied, la Stratégie de protection de l'environnement arctique de 1991, est devenu la pierre angulaire du travail plus global qu’effectue le Conseil de l’Arctique, fondé en 1996. En 2000, cet organisme a convenu d’effectuer une évaluation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique. Il a fallu 3 ans pour terminer cette évaluation, à laquelle 300 chercheurs, représentants autochtones et autres experts de 15 pays ont participé [86]. Les principales constatations qui s’y trouvent continuent d’alimenter le débat sur les questions environnementales qui se posent dans le Nord, particulièrement concerné par le changement climatique d’après les témoins, même si l’on a réuni de nouvelles données scientifiques plus à jour depuis la publication de l’étude.

Des témoins ont évoqué les effets du changement climatique qui sont ressentis dans l’Arctique et du fait que ces modifications ont des répercussions non seulement sur la région, mais également dans le monde entier. Tout d’abord, ce changement climatique a une incidence disproportionnée sur l’Arctique, et se répercute très concrètement sur les populations locales et les écosystèmes. En second lieu, le changement climatique qui se manifeste dans l’Arctique modifie les phénomènes et les forces climatiques dans d’autres régions du monde. Le professeur Hik, également président du Comité international des sciences de l'Arctique, a résumé la situation en ces termes : « Je pense que les scientifiques s'entendent tous sur le fait que l'Arctique se dirige vers un nouvel état qui changera le Nord de façon importante, et aussi la planète[87]. »

Pour ce qui est de l’effet du changement climatique sur la région circumpolaire et plus précisément le Nord canadien, bon nombre des témoins ont exprimé leur point de vue personnel issu de leur expérience directe. Par exemple, Duane Smith, président du Conseil circumpolaire inuit (Canada), a expliqué que : « Comme l’Arctique change, nous vivons en bordure, à la frontière, si vous voulez, des changements qui s’opèrent actuellement. Nous les voyons et nous les vivons en direct[88]. » Mme Barnes, du Yukon College, a renchéri en affirmant que les changements climatiques sont bien réels : « Nous les voyons partout ici, et ils posent des défis notamment sur les plans de la sécurité alimentaire et du transport[89]. » Andy Bevan, sous-ministre par intérim au ministère des Affaires autochtones et des Relations intergouvernementales au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, a expliqué pour sa part :

Les températures s'accroissent rapidement, les collectivités côtières doivent composer avec une érosion accrue et la saison des routes d'hiver se raccourcit et devient moins prévisible. De plus, le dégel du pergélisol compromet les transports et la stabilité des habitations et des autres infrastructures, et les écosystèmes nordiques évoluent rapidement, ce qui affecte les modes de subsistance traditionnels pour un grand nombre de nos résidents et de nos collectivités[90].

Concernant tous ces points, Stephen Mooney, directeur du Centre d'innovation en climat froid au Yukon College, est allé jusqu’à dire que, pour les communautés du Nord, « la principale source d'inquiétude est, je crois, le changement climatique, qui touche le Nord, et la façon de s'y adapter[91] ».

Des spécialistes du changement climatique et de la science arctique ont également témoigné devant le Comité. Comme l’a expliqué John Crump, conseiller principal, Changement climatique, Programme polaire, GRID-Arendal, les banquises fondent de manière spectaculaire dans l’Arctique, mais, de surcroît, la région arctique devient de plus en plus verte :

Trente années d'observations par satellite démontrent que les conditions d'aujourd'hui ressemblent à celles qu'on trouvait de 4 à 6 degrés de latitude plus au sud en 1982; cela représente de 400 à 700 kilomètres, selon d'où viennent les mesures. Évidemment, la fragmentation de l'habitat, la pollution, le développement industriel, la surexploitation des ressources fauniques, etc. entraînent tous des répercussions à l'échelle régionale et à plus grande échelle[92].

Si le débat entourant le changement climatique dans l’Arctique est généralement plus axé sur les mers et la glace, ce qui fait l’objet de la section suivante du rapport, des changements significatifs se produisent aussi au niveau du sol. Comme l’a expliqué le professeur Hik, avec la diminution des chutes de neige et la montée des températures, les arbustes arctiques poussent plus vite et arrivent à percer la couche de neige en plus grand nombre, de telle sorte qu’ils assombrissent la surface et absorbent davantage des rayons du soleil, qui auraient autrement été reflétés par la neige et la glace :

Le deuxième changement en importance, c'est le caractère saisonnier de la couverture de neige. La fonte des neiges se produit plus tôt dans la saison et entraîne un albédo plus élevé et une surface plus sombre qui absorbe davantage l'énergie solaire. Par conséquent, la profondeur de la couche active du pergélisol et l'hydrologie en surface changent. C'est ainsi que les cours d'eau, les rivières et les lacs se rejoignent dans les régions de gélisol.
Tous ces facteurs semblent avoir un effet cumulatif. Le réchauffement s'accélère à mesure que les changements au sol s'opèrent. La région concernée est très vaste. Étant donné que les changements ne surviennent que depuis 10 ans, nous n'avons pas réellement anticipé les conséquences[93].

Compte tenu de l’accélération des changements climatiques dans l’Arctique, il est devenu plus urgent pour les pays du Conseil de l’Arctique de se concentrer sur les mesures d’adaptation destinées aux résidents de la région circumpolaire et sur les gestes à faire pour protéger cet environnement fragile.

Depuis 1996, le Conseil de l’Arctique se focalise justement sur la protection de l’environnement. L’un de ses six groupes de travail est axé sur la protection de l’environnement marin arctique, et trois autres se consacrent au suivi des menaces pour le milieu arctique et aux recherches sur les contaminants et sur la conservation de la flore et de la faune arctiques. Geoff Green a fait valoir la fragilité du milieu arctique; selon lui, toute activité de mise en valeur économique dans le Nord doit tenir compte, au moment de la planification, de ces réalités et du volet protection de l’environnement. Pour illustrer son propos, il a pris l’exemple d’un incident récent mettant en cause des narvals, qui quittent habituellement leur aire d'alimentation dans l'archipel Arctique durant l'été pour migrer vers la baie de Baffin. Ces baleines n’avaient pas pu se rendre à destination en raison de la prospection sismique :

Bien évidemment, les narvals utilisent l'écholocation dans un océan tranquille pour chasser et naviguer. Ils ont été piégés dans des trous d'air dans les canaux de l'archipel lorsque ceux-ci ont gelé. Ils n'ont pas eu le temps de se rendre en eau libre et sont morts de faim.
Ce genre de problème deviendra de plus en plus fréquent à mesure qu'augmente l'activité industrielle, à moins que celle-ci soit tempérée et fasse l'objet d'études suffisantes. Pas la peine de préciser que les responsables de l'exploration pétrolière ne cherchaient pas à tuer des milliers de baleines situées à plusieurs centaines de kilomètres de leurs activités. Voilà qui illustre bien que, dans l'Arctique, toutes les activités, humaines et naturelles, sont liées. Même des activités à court terme peuvent avoir une incidence à long terme[94].

Pour mettre en lumière la nécessité de protéger le milieu arctique, le professeur VanderZwaag a présenté au Comité des recommandations sur les normes de navigation et la pollution dans l’Arctique, ainsi que sur des questions de gestion et de gouvernance de l’océan Arctique. À cet égard, il a noté l’importance d’une gestion (et autres travaux connexes) fondée sur l’écosystème par la voie du Conseil de l’Arctique. Mais, pour lui, « nous sommes très loin de la mise en œuvre d'une approche écosystémique ». Il a ajouté qu’il n’y avait actuellement aucun réseau de régions marines protégées dans l’Arctique et que « ce n'est pas pour bientôt[95] ».

Pour certains témoins, le Conseil de l’Arctique pourrait jouer un rôle plus important en matière de changement climatique, surtout pour ce qui est de donner des résultats concrets. Le professeur Byers a sous-entendu qu’il fallait initiative et leadership :

Mon message à ce sujet est que le Conseil de l'Arctique était prêt à agir de concert. Il en a été empêché il y a huit ans par une administration [américaine] qui ne réalisait pas l'incidence profonde et les conséquences potentielles du changement climatique. Nous comprenons mieux aujourd'hui, dans tous les partis politiques, que [le changement climatique] est très réel et que le Conseil de l'Arctique est l'instance qui doit agir[96].

M. Crump a fait valoir que jusqu’ici, le Conseil de l’Arctique n’a pas vraiment donné suite à sa propre évaluation de l’incidence climatique régionale de 2004 mentionnée plus haut. À son avis, « le Canada pourrait grandement contribuer à cet égard[97] ». Pour sa part, M. Bevan a laissé entendre « qu'il y a un bon programme environnemental qui peut être défendu non seulement par la présidence du Canada, mais par le prochain pays qui exercera la présidence, soit les États-Unis ». Pour lui, au lieu de se concentrer sur des aspects comme la réduction des gaz à effet de serre, qui font l’objet de négociations à l’échelle internationale sous les auspices des Nations Unies, le Conseil de l’Arctique pourrait se consacrer à l’« intendance environnementale[98] ».

Carbone noir

Plusieurs témoins ont formulé commentaires et recommandations sur ce que l’on appelle les « agents de forçage climatique », en particulier le carbone noir. Certains ont souligné que le carbone noir constitue une préoccupation à la fois pour l’environnement et pour la santé des populations. En gros, le carbone noir dans les pays industrialisés provient du diesel utilisé dans les génératrices et les camions[99]. Le diesel est très fortement utilisé dans les communautés du Nord. Comme ces particules ainsi produites sont plus lourdes que l'air, elles tombent sur la neige et sur la glace et absorbent de l’énergie solaire, ce qui accélère la fonte des glaces; d’où leur nom d’agents de forçage climatique. Comme le professeur Byers l’a expliqué au Comité, « la glace et la neige reflètent 90 % de l'énergie solaire, alors que les particules noires l'absorbent à 90 % ». Le carbone noir accélère et exacerbe donc les changements climatiques plus vastes résultant des autres gaz à effet de serre. En fait, pour certains scientifiques, a-t-il ajouté, « ces particules peuvent être à l'origine de 40 à 50 % de la fonte des glaces et de la neige dans l'Arctique »[100]. M. Crump soutient qu’il faut agir à cet égard :

En effet, même si les réductions importantes des émissions de dioxyde de carbone sont toujours au cœur des efforts pour limiter les conséquences à long terme du changement climatique, […] les réductions rapides des émissions d'agents de forçage du climat à courte durée de vie, par exemple le carbone noir et le méthane, représenteraient la stratégie la plus efficace pour ralentir le réchauffement et la fonte des glaces dans l'Arctique au cours des prochaines décennies[101].

M. Byers a fait valoir qu’une coopération et une intervention plus poussées sont à la fois nécessaires et possibles au Conseil de l’Arctique en ce qui concerne les agents de forçage à courte vie comme le carbone noir et la brume sèche arctique. Mme Stirk, du MAECI, a appris au Comité que le Canada avait pris des mesures : « En février 2012, […] il a lancé la coalition pour le climat et l'air pur[102]… » (Cette coalition est une initiative volontaire[103].) S’appuyant sur cette initiative, M. Crump a signalé : « La ministre du Conseil de l'Arctique au Canada a déclaré que le Canada allait faire progresser les travaux sur les agents de forçage du climat à courte durée de vie, par exemple le carbone noir. » Il estime que « [c]’est une déclaration importante ». Le Canada pourrait donner plus d’ampleur à cette initiative, soutient-il, en collaborant avec le Conseil de l’Arctique pour adopter des mesures « rigoureuses », notamment la création d'un « organisme de négociation sur l'adoption d'un instrument circumpolaire visant le carbone noir à la prochaine réunion des ministres[104] ».

Quant à la nécessité d’une coopération circumpolaire pour s’attaquer au problème du carbone noir, avec les difficultés que cela peut comporter et la résistance à laquelle on risque de se heurter, M. Byers a proposé une analogie avec la coopération canado-américaine, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, dans le dossier des précipitations acides. Cette coopération a suscité, selon lui, « les mêmes réticences » dans les pays en cause pendant les premières discussions sur la possibilité de mesures correctives. M. Crump a également attiré l’attention sur un précédent canadien important, celui d’un mécanisme environnemental antérieur, pour illustrer ce qu’il était possible d’accomplir dans les mois et les années à venir :

Dans les années 1990, les données canadiennes recueillies par l'entremise du programme national sur les contaminants, combinées à la force morale des peuples autochtones de l'Arctique et à la volonté de tous les États de l'Arctique de participer, ont contribué à la signature de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
C'est le premier instrument environnemental international qui a banni les substances toxiques et on considère qu'il s'agit d'un précédent important. C'est le résultat de recherches éclairées et de l'alliance des peuples autochtones et des États de l'Arctique, ce qui est toujours possible au Conseil de l'Arctique. Cela a permis de faire progresser la gestion de l'environnement mondial[105].

En revenant à la question des efforts qu’il est possible de déployer pour réduire et atténuer les effets du carbone noir, M. Crump a affirmé : « Il est important que le Conseil de l'Arctique soit la figure de proue de ces travaux[106]. »

Recherche et coopération en matière scientifique

Des témoins ont fait ressortir le lien entre la nécessité de s’attaquer aux changements climatiques et de prendre des mesures d’adaptation et de protection de l’environnement dans l’Arctique, d’une part, et les recherches scientifiques, d’autre part. M. Byers a expliqué au Comité que

… l'Arctique change tellement vite qu'il est impératif d'obtenir les meilleures données scientifiques sur toutes ces questions, et que ces données scientifiques soient appliquées et utilisées conformément aux recommandations et en tenant compte des conséquences de concert avec les autres pays[107].

Anita Dey Nuttall, directrice associée de l’Institut circumpolaire canadien à l’Université de l’Alberta, a notamment recommandé que le Canada se dote « d'une politique scientifique globale concernant l'Arctique et le Nord. » Elle a ajouté qu’il « pourrait également user de diplomatie scientifique dans le cadre de sa politique étrangère pour l'Arctique[108] ».

Danielle Labonté, directrice générale de l'intégration des politiques et de la science du Nord, au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, a également souligné « le rôle fondamental des sciences de l'Arctique ». Elle a attiré l’attention du Comité sur deux initiatives nouvelles. La première est la Station de recherche du Canada dans l'Extrême-Arctique, qui « sera située à Cambridge Bay, au Nunavut, et qui sera ouverte toute l'année ». Elle « fera progresser les connaissances du Canada sur l'Arctique afin d'améliorer les débouchés économiques, la gérance de l'environnement et la qualité de vie des résidents du Nord et de tous les Canadiens ». La deuxième est l'évaluation environnementale régionale de Beaufort, partenariat d'une durée de quatre ans auquel s’associent les gouvernements fédéral et territoriaux, des collectivités inuites, des universitaires et l'industrie et qui vise à « créer une base de connaissances scientifiques et socioéconomiques, avant le développement des ressources pétrolières et gazières, afin d'informer les décideurs de la région[109]… » Se reportant à la Stratégie pour le Nord que le gouvernement du Canada a formulée en 2009, M. Hik a dit au Comité : « Les quatre piliers de la stratégie nordique du Canada s'appuient sur la science et la technologie, ce qu'on a déjà surnommé “l'anneau qui les unit tous”. » Il est donc optimiste : « Je pense que nous avons la capacité nécessaire pour y arriver. Nous devons seulement veiller à ne pas nous éloigner de cet objectif[110]. » M. Hik attire l’attention du Comité sur des initiatives en cours aux États-Unis, dont leur plan de recherche quinquennal interinstitutions dans le domaine scientifique, et il avance qu’une meilleure « coopération bilatérale scientifique » est peut-être possible dans « le contexte de la présidence future du Canada et des États-Unis au Conseil de l'Arctique[111] ».

Trafic maritime dans les eaux arctiques du Canada et l’océan Arctique

Comme on l’a vu, le changement climatique a de lourdes conséquences pour l’Arctique, notamment la contraction de la couverture de glace de mer et l’allongement des périodes sans glaces. Alliés à d’autres facteurs, ces changements ouvrent le Nord du Canada à une exploitation massive des ressources naturelles. Pour ces raisons, et parce qu’il possède un littoral arctique extrêmement long, le Canada doit se préparer à gérer un trafic maritime accru dans ses eaux arctiques et examiner les répercussions d’une navigation plus intense dans l’Arctique, au-delà des eaux qui relèvent de sa compétence. Dans le cadre de ces efforts de gestion, deux dossiers réclament l’attention du Canada : premièrement, la réglementation des normes et de la sécurité des navires et, deuxièmement, les capacités de recherche et sauvetage. En ce qui concerne la réglementation, il faut continuer de faire respecter le régime juridique établi par le Canada dans ses eaux arctiques et s’efforcer d’en arriver à un code solide et exécutoire régissant l’océan Arctique. Cette réalité s’est traduite dans les sous-thèmes prioritaires que le Canada a énoncés pour son prochain mandat à la présidence du Conseil de l’Arctique, puisque l’un d’eux est « la navigation responsable et sécuritaire ». Quant au deuxième dossier, maintenant que les États du Conseil de l’Arctique ont franchi une étape décisive en concluant un accord exécutoire sur la recherche et sauvetage, il s’agit de s’employer à mettre ce dernier en œuvre, ce qui exigera du Canada des ressources importantes.

Des observations montrent que la glace de mer se contracte et s’amincit dans l’Arctique et ce, de plus en plus rapidement. Du point de vue pan-Arctique, en septembre 2012, des scientifiques du National Snow and Ice Data Center, établi à Boulder (Colorado), ont annoncé que la banquise de l’Arctique avait fondu pour atteindre ce qui été probablement « son étendue minimum de l’année le 16 septembre », étendue qui correspondait aussi « à son minimum estival le plus faible selon les données satellitaires[112] ». Deux mois plus tard, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publiait la version provisoire de sa déclaration de 2012 sur l’état du climat mondial. Cette déclaration conclut que non seulement le creux observé le 16 septembre avait battu « le creux record précédent, établi le 18 septembre 2007, de 18 % », mais aussi que la surface de la banquise était « inférieure de 49 % ou de près de 3,3 millions de kilomètres carrés au minimum moyen de la période allant de 1979 à 2000[113] ». La déclaration de l’OMM signalait également : « La différence entre le maximum de la banquise arctique, atteint le 20 mars 2012, et son minimum, observé le 16 septembre, était de 11,83 millions de kilomètres carrés, ce qui est la perte saisonnière la plus importante selon les données satellitaires, qui s’étendent sur 34 ans[114] » [traduction]. Du point de vue canadien, Environnement Canada a rapporté que : « Au cours de l'été 2012, dans les eaux du Nord canadien, la couverture de glace minimale a été enregistrée à 8,4 % durant la semaine du 10 septembre, brisant ainsi le record précédent établi pour l'Arctique canadien en 2011 (9,4 %)[115] ».

La répercussion peut-être la plus profonde de ce recul des glaces de mer pour l’Arctique est l’augmentation prévue du trafic maritime dans la région. Le professeur Byers a fait comprendre au Comité à quel rythme le climat évoluait dans l’Arctique et l’effet corollaire que le rythme et l’ampleur des changements peuvent avoir sur les prévisions de l’activité dans la région. Il s’est exprimé en ces termes :

Il y a six ou sept ans, lorsque je disais que nous risquions de voir des eaux libres de glace dans le passage du Nord-Ouest, bien des gens, dont certains scientifiques de renom, me taxaient d'exagération et disaient que nous ne verrions pas de fonte notable de la banquise arctique avant au moins 2050, et probablement même pas avant 2100. Aujourd'hui, les meilleurs scientifiques disent que nous risquons de constater la fonte totale de la banquise de l’Arctique dès la fin de l'été de 2015 à 2020, ce qui est tout simplement stupéfiant, non seulement à cause de ce que cela révèle sur le rythme du changement climatique mais aussi à cause des conséquences […][116].

Le fait qu’on prédise une accessibilité plus rapide aux eaux de l’Arctique n’est pas sans importance, étant donné les conséquences pour l’accès et le trafic maritime.

Nouvelles routes de navigation

Comme de nombreux rapports l’ont montré, ce qu’on désigne couramment comme l’« Arctique » — expression générale qui, dans le contexte du transport maritime, peut désigner le passage du Nord-Ouest, dans les eaux canadiennes, la route maritime du Nord (ou passage du Nord-Est) dans les eaux russes, ou encore la route polaire, dans l’Arctique — devrait permettre de raccourcir les distances et les durées des transports maritimes entre l’Europe et l’Asie. On suppose en effet que, comme les glaces de l’Arctique se contractent, que les divers itinéraires de l’Arctique sont plus courts que les trajets classiques et que les projets d’exploitation des ressources prolifèrent dans le Nord circumpolaire, la navigation commerciale dans l’Arctique va nettement s’intensifier.

En août et septembre 2012, le brise-glace Snow Dragon (Xuelong) est devenu le premier navire de Chine à franchir l’Arctique, démontrant de manière éclatante à quel point la région circumpolaire pourrait être à l’avenir un haut lieu de l’activité commerciale internationale. (Au cours du même aller-retour, il a aussi emprunté la route maritime du Nord entre le Pacifique et l’Atlantique[117]). Mme Grant a dit au Comité : « Le passage par l'océan Arctique du brise-glace conventionnel chinois, l'été dernier, laisse présager ce qui se prépare : des brise-glaces qui créeront un passage pour un convoi de gros navires cargos[118] ». L’évolution du marché international du gaz naturel et la fonte accélérée des glaces polaires ont également rendu possible une autre première en novembre 2012. En effet, le navire gazier Ob River, conçu pour transporter du gaz vers l’Ouest, en Amérique du Nord, est plutôt parti de la Norvège pour se rendre au Japon en empruntant la route du Nord. C’est le premier navire de cette nature qui ait fait ce voyage en hiver[119]. Tout récemment, une étude publiée par des chercheurs de l’Université de la Californie en janvier 2013 a analysé les projections des modèles climatiques sur les glaces de mer afin de voir les itinéraires de navigation possibles dans l’Arctique pour établir la liaison entre l’Atlantique et le Pacifique. Forts de leurs conclusions, ils soutiennent que, « d’ici le milieu du siècle, l’évolution de l’état des glaces de mer [permettra] une navigation prolongée en septembre » pour « les navires en eau libre traversant l’Arctique par la route maritime du Nord […], l’établissement de nouveaux itinéraires solides pour des navires […] à renforcement modéré pour la glace au pôle Nord et de nouveaux itinéraires dans le passage du Nord-Ouest pour les deux classes de navire[120] ».

Malgré tout, en ce qui concerne expressément les eaux canadiennes de l’Arctique, le Comité a entendu de la bouche des experts une évaluation plutôt modérée des tendances actuelles et prévues de l’activité maritime. De 2011 à 2012, le trafic maritime dans le passage du Nord-Ouest a progressé de 29,2 %; il a été franchi 31 fois en tout. Il importe de souligner que 23 de ces traversées ont été le fait de bateaux de plaisance, le reste de l’activité étant attribuable aux navires de croisière, aux navires de l’État, à des remorqueurs, à des barges, à des navires-citernes et à des navires de recherche[121]. De nombreux témoins ont émis des réserves : la contraction de la couche de glace dans l’ensemble de la région de l’Arctique ne mènera pas nécessairement à une augmentation rapide de la navigation dans le passage du Nord-Ouest à court terme (voir la figure 3). Ces eaux demeurent dangereuses pour les navires. De plus, le fait que la glace ait diminué ne veut pas dire qu’elle soit totalement absente, et les fluctuations de son comportement et de sa composition rendent les eaux moins prévisibles pour les navires, en un certain sens. À ce propos, Laureen Kinney, sous-ministre adjointe associée au ministère des Transports, a expliqué au Comité :

Le potentiel est énorme, mais la réalité évolue très lentement.
Je crois qu'il est également important de souligner à nouveau ce qui s'est dit plus tôt. Le risque est tellement grave en ce qui concerne l'imprévisibilité associée à l'ouverture de ces régions et aux retombées du changement climatique. Le risque est en fait plus indéfini, ce qui a de grandes répercussions sur les assurances et sur la capacité des navires qui veulent manœuvrer dans ces régions avec une assurance responsabilité suffisante, etc.[122].

Pour reprendre les propos de la sous-commissaire aux Opérations de la Garde côtière, Jody Thomas, « (o)n a une vision romantique du passage du Nord-Ouest. Il promet une traversée rapide de l'est vers l'ouest, mais en fait, le parcours est rempli d'embûches et dangereux car les glaces continuent de se détacher et de flotter vers le sud[123]. » Mme Thomas a ajouté que la débâcle fait dériver les glaces vers le sud, dans le passage du Nord-Ouest, ce qui a rendu ces eaux « d’autant plus dangereuses ». Elle a expliqué au Comité :

L'été dernier, par exemple, il y a eu beaucoup plus de glace dans le passage du Nord-Ouest, et la baie Frobisher est restée gelée pendant longtemps à cause des vents et de la débâcle. Donc, nous avons besoin d'un plus grand nombre de brise-glaces pendant les débâcles de l'Arctique. Ce n'est pas moins dangereux[124].

Si on fait abstraction des remises en état qui immobilisent les navires à l’occasion, la Garde côtière canadienne a sept brise-glaces disponibles dans l’Arctique pendant les mois d’été, dont un sert à des travaux scientifiques[125]. La flotte est en voie de renouvellement, et le Canada prévoit avoir d’ici la fin de 2017 son premier brise-glace polaire, le John G. Diefenbaker, qui remplacera son actuel brise-glace lourd, le Louis S. St. Laurent. Mme Thomas a précisé pour le Comité que ce nouveau navire « offre une plus large portée et permet un accès à l'Arctique durant toute l'année à la Garde côtière, des considérations de poids face à la prolongation de la saison de navigation et à la présence de glaces dans des zones où elles étaient autrefois absentes[126] ».

Figure 3 — Routes de navigation dans le passage du Nord-Ouest du Canada

Arctic Shipping Routes

Source : Pêches et Océans Canada, présentation de la Garde côtière canadienne au Comité, le 28 février 2013.

Le tableau général qui ressort de la séance du Comité est le suivant : une augmentation du nombre des traversées et du trafic de navires commerciaux sur la route maritime du Nord, au nord de la Russie, itinéraire que les sociétés de navigation préfèrent en ce moment — et peut-être sur la route transpolaire dans les années à venir — à cause d’un certain nombre de facteurs environnementaux et économiques. Par ailleurs, on ne prévoit pas pour l’instant que le passage du Nord-Ouest deviendra un itinéraire de transit majeur ou privilégié pour le transport commercial de marchandises. Le passage du Nord-Ouest deviendra plutôt important comme lieu de destination et de départ d’expéditions liées à l’exploitation des ressources et au ravitaillement des collectivités; ce trafic devrait augmenter de façon appréciable à court terme.

Kells Boland, gestionnaire de projet chez PROLOG Canada Inc., a expliqué au Comité :

En fin de compte, le raccourci entre l'Asie du Nord et l'Europe septentrionale dont tout le monde parle, c'est la route transpolaire; mais, d'ici à ce que cela se concrétise, on n'a d'autre choix que l'itinéraire maritime nordique russe ou le passage du Nord-Est — à l'exclusion du passage canadien du Nord-Ouest. Le passage canadien du Nord-Ouest entre l'Asie du Nord et l'Europe septentrionale est plus long d'environ 1 000 kilomètres, si bien qu'il n'entre tout simplement pas en ligne de compte comme raccourci entre l'Asie du Nord et l'Europe.
Par contre, là où il a un rôle à jouer, […] c'est en tant que point de départ et point de destination, tant pour les expéditions sur grande échelle de minerai en direction de pays étrangers — là, je parle de commerce international — que comme destination pour le réapprovisionnement des chantiers de mise en exploitation des ressources qui seront à l'origine de ces exportations[127].

M. Boland a fait remarquer que les arrivages de ravitaillement « représentent en fait la seule activité de transport commercial se déroulant actuellement dans le Nord canadien[128] ». Il a fait également valoir que, même si la route maritime du Nord, au nord de la Russie, est actuellement le couloir privilégié pour les navires de marchandises dans l’Arctique et que la route transpolaire pourrait le devenir, il est peu probable que la grande région de l’Arctique devienne l’un des grands axes de la navigation internationale tant que les routes y seront limitées aux opérations saisonnières. Il signale que les entreprises de ce secteur d’activité « ont un calendrier à respecter, avec des dates de départ et d'arrivée bien précises, et […] ne modifieront pas ce système tant que l'accès à l'Arctique restera saisonnier[129] ».

Voilà qui donne à penser que les discussions générales sur la « navigation » dans l’Arctique peuvent prêter à confusion précisément parce qu’elles tendent à tout amalgamer : les activités et situations actuelles avec les prévisions, les différentes catégories de trafic maritime, et la géographie des différentes eaux nationales et internationales qui composent la région circumpolaire. Les prévisions des tendances générales du trafic maritime dans la vaste région circumpolaire doivent être abordées séparément des analyses plus précises de l’activité qui touchera le Canada le plus directement.

Comme on l’a déjà signalé, s’il est vrai que les eaux canadiennes de l’Arctique ne risquent guère d’être empruntées dans un proche avenir pour le transport en transit de marchandises commerciales, elles seront probablement nettement plus fréquentées par le trafic local lié au rythme accru de l’exploitation des ressources et de l’exportation à partir du Nord du Canada. Mme Grant a fait valoir ce point de vue, soutenant que le trafic de destination dans les eaux canadiennes de l’Arctique « va augmenter plus rapidement en raison des nombreux projets miniers qui devraient venir s'implanter[130] ». Tirant une conclusion semblable, M. Boland a fait référence à l’exemple particulier du projet de mine de fer de la rivière Mary, à l’extrémité nord de l’île de Baffin, au Nunavut, dont la production doit débuter en 2014 et dont les premières expéditions de minerai doivent débuter en 2015[131]. Il a expliqué au Comité :

… lorsque la mine de Mary River aura été ouverte, le trafic d'entrée et de sortie, pour l'Arctique de l'Ouest, sera de l'ordre de deux à trois navires par semaine pendant toute l'année. C'est là un ordre de grandeur tout à fait différent de ce que la Garde côtière a dû gérer jusqu'ici, avec un trafic essentiellement estival. Il faudra donc passer à une autre échelle si nous voulons être capables de réglementer et de contrôler le trafic maritime dans le passage du Nord-Ouest canadien[132].

M. Boland a également comparé le volume des exportations prévues de la mine de la rivière Mary à celles qui provenaient de la mine maintenant fermée de Nanisivik. Cette exploitation a nécessité l’aménagement du seul port en eau profonde dans la portion canadienne de l’Arctique pour l’expédition d’environ 110 000 tonnes chaque année, alors que, selon le témoin, la mine de la rivière Mary finira par expédier « 18 millions de tonnes par année », ce qui fait ressortir l’ampleur de l’activité qui animera le Nord du Canada. Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le président-directeur général de la Baffinland Iron Mines Corporation, Tom Paddon, a souligné que l’exploitation de la rivière Mary, qui comprendra deux phases, sera un projet de 5 milliards de dollars, « le plus important projet à l'étude présentement » dans le Nord du Canada[133].

Globalement, même s’il y a des différences entre les prévisions précises, il se dessine une tendance vers une intensification de l’activité maritime, et le Canada doit en tenir compte. Pour Mme Grant, que cette navigation accrue se matérialise dans l’Arctique dans 10, 20 ou 30 ans, « le temps est venu d'étudier la manière dont cette circulation devrait être surveillée et contrôlée pour protéger l'environnement[134] ». Ce sont sur ces aspects, liés au cadre réglementaire et à l’infrastructure que le Canada et ses partenaires de l’Arctique doivent mettre en place pour gérer un trafic maritime plus important, que porteront les sections suivantes.

Un code polaire?

Le Canada est déjà doté d’un solide dispositif législatif qui établit les normes relatives au trafic, à la sécurité ainsi qu’à la navigation dans ses eaux arctiques. L’élément central de ce régime législatif et réglementaire est peut-être la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques[135]. Ainsi, cette loi impose une interdiction totale des rejets, disposant qu’« il est interdit aux personnes et aux navires de déposer des déchets de toute nature — ou d’en permettre le dépôt — dans les eaux arctiques, ou sur le continent ou les îles de l’Arctique canadien mais dans des conditions qui permettent à ces déchets […] d’atteindre les eaux arctiques[136] ». Mme Kinney, de Transports Canada, a expliqué au Comité que cette Loi, dont la première élaboration remonte à 1970, « était extrêmement solide, très avant-gardiste, et elle l'est probablement encore. Elle constitue l'ensemble d'exigences le plus complet et le plus rigoureux de toutes les lois du monde sur l'Arctique[137]. » En 2009, le Canada a étendu l’application de cette loi à la totalité de sa zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles nautiques.

Quoi qu’il en soit, on est de plus en plus conscient de la nécessité d’une intervention multilatérale visant la gouvernance des activités de navigation au-delà de la zone de compétence du Canada, compte tenu de l’augmentation prévue du trafic maritime dans l’ensemble de l’Arctique et de l’évolution de la composition de ce trafic. Des négociations sur un « code polaire » (un « Code international de sécurité des navires naviguant dans les eaux polaires ») pour l’Arctique et l’Antarctique sont en cours à l’Organisation maritime internationale (OMI), qui est l’organisation spécialisée de l’ONU chargée de la sûreté et de la sécurité de la navigation et de la prévention de la pollution des mers par les navires[138]. L’OMI compte actuellement 170 États membres.

Mme Kinney a expliqué que les lois et règlements du Canada s’appliquent jusqu’à la limite de 200 milles nautiques de sa ZEE. Le code polaire qui est proposé s’appliquerait en haute mer, en dehors de la zone de compétence du Canada. Selon l’OMI, le code polaire « porterait sur l’ensemble des questions qui concernent la conception, la construction, le matériel, les opérations, la formation, la recherche et sauvetage et la protection de l’environnement, relativement aux navires qui naviguent dans les eaux hostiles qui entourent les deux pôles[139] ». Comme le professeur VanderZwaag l’a expliqué, le but est d’élaborer un dispositif qui soit propre à la région polaire[140]. En 2009, l’Assemblée de l’OMI a adopté des directives non contraignantes pour les navires exploités dans les eaux polaires. Elles portent sur les questions qui « semblent justifier un examen, au-delà des exigences existantes » [traduction] imposées par la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Convention MARPOL) et la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS). Les directives expliquent pourquoi l’environnement polaire mérite une vigilance constante et des normes strictes :

Les navires exploités dans les environnements arctique et antarctique sont exposés à un certain nombre de risques sans pareils. Les conditions météorologiques et le manque de cartes marines fiables, de systèmes de communication et d'autres aides à la navigation posent des problèmes aux gens de mer. Ces régions étant isolées, les opérations de sauvetage ou de nettoyage y sont difficiles et onéreuses. Les basses températures peuvent diminuer l'efficacité d'un grand nombre des éléments du navire, allant des auxiliaires de pont et de l'équipement de secours aux prises d'eau de mer. En présence de glace, des charges supplémentaires peuvent être imposées à la coque, au système de propulsion et aux appendices du navire[141].

Les directives d’application volontaire portent donc sur la sécurité de la navigation et la prévention de la pollution dans les eaux polaires[142].

Mme Stirk, du MAECI, a expliqué au Comité que « le Canada plaide pour l'adoption d'un code polaire, dont le respect serait obligatoire[143] ». Le Canada invite ses partenaires du Conseil de l’Arctique à aborder ces négociations à l’OMI en parlant « d’une même voix » tout en réclamant un consensus « sur le besoin d’un régime international robuste[144] ». Mme Kinney a fait observer que le Canada propose que le code polaire intègre « de nombreux éléments de (son) régime régissant la navigation dans l'Arctique qui fonctionnent très bien depuis plus de 40 ans[145] ». Elle ajoute toutefois que, même si le Canada s’efforce « d’imposer des normes tout aussi sévères » que celles de la législation canadienne, étant donné que le code polaire fait l’objet de négociations internationales, ses normes seront arrêtées par tous les États parties[146]. Outre les négociations qui se déroulent à l’OMI, le Canada propose d’examiner « certaines lignes directrices volontaires avec nos collègues du Conseil de l'Arctique » sous la présidence canadienne[147]. En plus de ces travaux, qui doivent porter sur le large éventail des questions de navigation dans l’Arctique, le professeur VanderZwaag estime que « le Canada pourrait être un chef de file » pour ce qui est de la question de réglementation maritime plus précise que sont « les lignes directrices relatives au tourisme en Arctique[148] ».

Infrastructure maritime

Des témoins ont souligné que le Canada avait besoin d’une infrastructure maritime dans son territoire arctique. Cette infrastructure facilite l’activité commerciale et constitue un élément clé de la capacité du gouvernement de garantir la sécurité maritime et de protéger l’environnement. Bien que les témoins aient mis l’accent sur les besoins généraux en matière d’infrastructure, un grand nombre d’entre eux ont souligné que les besoins en infrastructure maritime étaient les plus criants. Tous les facteurs et toutes les tendances dont il a été question dans d’autres chapitres du présent rapport — la contraction des glaces, l’intensification du trafic maritime et la nécessité que le Canada surveille le trafic et fasse respecter ses compétences — font ressortir le fait que les investissements dans les installations et les ressources maritimes sont une priorité. M. Funston a comparé les investissements plutôt importants consentis dans l’infrastructure locale à terre pendant plusieurs décennies, dans le Nord, y compris la construction d’écoles et de dispensaires, à l’indigence des investissements faits en mer. Il a dit au Comité : « Nous ne pensions pas qu'il serait possible d'accéder à l'Arctique par la voie maritime, et cela a été tout un choc pour le Canada[149]… »

Il y a actuellement un seul port en eau profonde dans le territoire arctique du Canada. Il est situé à Nanisivik, où une mine était en exploitation. (Les exportations du Yukon transitent par le port de Skagway (Alaska)). M. Boland a soutenu que des projets d’exploitation des ressources de la nature et de l’ampleur de la mine de fer de Mary River et situés à des endroits semblables « nécessiter(ont), en tout premier lieu, la mise en place d'infrastructures portuaires mais également d'un réseau routier, même sommaire, afin de pouvoir […] exporter (les ressources)[150] ». Compte tenu de ces besoins, il a recommandé que le Canada aborde dans une optique plus stratégique ses projets d’infrastructure, compte tenu en particulier de l’exploitation croissante des ressources par le secteur privé qu’on observe dans le Nord. Se servant de l’exemple de projets de grande envergure comme celui qui est prévu à la mine de Mary River, il a fait observer :

Vous vous souvenez de ces gros bateaux […] qui font l'aller-retour avec l'Europe et qui reviennent à vide. Ce sont des bateaux qui assurent, 12 mois sur 12, le réapprovisionnement des mines en carburant. Ne croyez-vous pas qu'ils pourraient également réapprovisionner les localités tout au long de l'année? […]
Les (gouvernements) pourraient intervenir à plusieurs niveaux, fédéral mais aussi territorial, et examiner, dans une optique élargie, comment certaines initiatives d'infrastructure à financement privé pourraient contribuer aux objectifs que vous décrivez, sans se limiter à la mise en exploitation des ressources mais en englobant également le coût des transactions et de la vie dans le Nord[151].

M. Boland a donc fait la recommandation suivante au Comité : que le gouvernement songe à renforcer les synergies entre les besoins publics dans le Nord et l’investissement privé, notamment au moyen d’une planification conjointe et de partenariats pour une utilisation commune et le partage des coûts (p. ex. public-privé). Ces initiatives pourraient permettre de repérer les intérêts concordants afin d’abaisser les coûts et d’obtenir les gains d’efficacité liés au développement d’infrastructures, « souvent d’un coût prohibitif » dans le Nord. M. Boland a maintenu qu’« il est possible de répondre à tout un éventail de besoins émanant tant du secteur privé que du secteur public, grâce à une seule installation à usages multiples[152] ».

Les témoins ont expliqué que, au-delà du fait qu’une infrastructure maritime plus importante est nécessaire à l’accélération du développement économique dans le Nord, dans l’optique de la vaste région circumpolaire, l’existence d’une infrastructure maritime pourrait être un facteur déterminant clé de la distribution des investissements internationaux entre les pays de l’Arctique. M. Whitney Lackenbauer situe la question de l’infrastructure de la manière suivante : « La question fondamentale au Canada consiste à se demander si nous voulons que les autres pays utilisent le passage du Nord-Ouest. Y a-t-il des avantages pour les Canadiens et les habitants du Nord? Sinon, si nous ne faisons rien, je crois que, probablement, le passage sera contourné[153]. » Beaucoup d’observateurs ont pris note de l’infrastructure plus robuste, comparativement, qui est en place le long de la route maritime du Nord de la Russie, beaucoup plus développée[154], itinéraire qui est aussi plus facile sur le plan de la navigation. Après avoir signalé le régime de péage et de services de brise-glaces que la Russie a mis en place, M. Boland a affirmé que « les Russes ont plusieurs encablures d'avance sur nous pour ce qui est de la gestion d'un tel régime et des différentes modalités de péage[155] ». En ce qui concerne les autres pays qui pourraient revendiquer un rôle de plaque tournante du transport maritime dans l’Arctique, il est possible que, dans les années à venir, l’Islande cherche à se développer comme point d’entrée et de sortie de l’éventuelle route transpolaire.

Décrivant le niveau de l’infrastructure et des soutiens connexes à la navigation qui sont en place dans les eaux du Canada, Jody Thomas, de la Garde côtière canadienne, a fait remarquer que seulement environ 10 % des eaux arctiques du Canada est « cartographié selon des normes modernes ». Les types d’aides à la navigation dont bien des Canadiens ont l’habitude dans les plans d’eau du Sud, comme les Grands Lacs, n’existent pas dans l’Arctique canadien. Pour elle, néanmoins, il ne faut pas considérer les eaux arctiques du Canada de la même façon que les cours d’eau situés plus au sud, étant donné leur ampleur et leur éloignement, ainsi que les problèmes d’accessibilité. Compte tenu de ces facteurs, Mmes Thomas et Kinney, de Transports Canada, ont expliqué que le Canada adoptera une approche stratégique de la navigation dans l’Arctique. Mme Thomas a dit au Comité que leurs services ne pensent pas :

… qu'il soit raisonnable ou possible de tout cartographier [l’Arctique] suivant les mêmes normes que dans le Sud. C'est pourquoi nous le faisons par corridor, ce qui produira des passages sécuritaires, prévisibles et ouverts à la navigation. Ces passages sont cartographiés, et comme les marins ont accès à cette information, ils peuvent naviguer en toute sécurité, quelle que soit la météo[156].

L’identification et la mise en valeur de couloirs stratégiques de transport maritime dans les eaux arctiques du Canada sont un moyen de mobiliser et de déployer efficacement des ressources publiques. Comme Mme Thomas l’a expliqué, axer les services de la Garde côtière et de Transports Canada « sur les corridors de transport maritime essentiels » peut faciliter le développement économique dans le Nord tout en donnant l’assurance « d’un niveau de service et d'une présence prévisibles[157] ». D’autres témoins ont avancé l’idée que le Canada devrait envisager d’appliquer un système de voies de navigation dans ses eaux arctiques au lieu d’autoriser les navires à « passer n'importe où dans l'archipel ». Semblable système serait également utile à la protection des « régions importantes sur les plans écologique et culturel[158] ».

Outre la réalisation plus facile des projets de développement économique, le Canada peut retirer des avantages plus larges en consentant des investissements supplémentaires dans l’infrastructure maritime. Le professeur Byers a fait remarquer que la mise en place de services dans les eaux arctiques du Canada devrait également permettre de protéger l’environnement et de repousser les menaces nouvelles à la sécurité, par exemple, celles qui sont liées à la contrebande et à l’immigration illégale. Un autre avantage d’importance est lié à l’exercice de la souveraineté du Canada sur ses eaux, qui conforte sa compétence juridique. Le témoin est d’avis que :

… plus nous pourrons obtenir que les transporteurs étrangers acceptent notre compétence juridique, mieux cela vaudra pour nous. La meilleure manière d'obtenir que les transporteurs étrangers l'acceptent est de leur fournir les services dont ils ont besoin : des ports de refuge, des cartes de qualité mondiale, des prévisions météorologiques de qualité mondiale, des prévisions de qualité mondiale sur les glaces, des services de qualité mondiale en recherche et sauvetage. Autrement dit, de faire en sorte que le Canada soit un élément absolument essentiel de leurs plans de transport maritime[159].

L’envers de cet argument pourrait être que, en s’abstenant de mettre en place l’infrastructure maritime nécessaire, le Canada risque de susciter des inquiétudes, aux États-Unis, au sujet de sa capacité de gérer l’activité maritime dans sa zone de compétence tout en laissant échapper des possibilités d’activité commerciale. Mme Grant a eu des éloges pour le Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien (NORDREG) de la Garde côtière canadienne, qui est un système obligatoire de déclaration du trafic des navires dans les eaux arctiques du Canada. Depuis 2010, le Canada exige que les navires étrangers et canadiens d’une certaine jauge qui naviguent dans ses eaux arctiques signalent leur présence à la Garde côtière[160]. Il faut que le plan de route soit communiqué avant l’arrivée du bâtiment dans la zone du NORDREG, qu’un compte rendu de position soit produit à l’arrivée dans la zone et à chaque jour de navigation dans la zone, et qu’un compte rendu final soit communiqué à la sortie de la zone[161]. Toutefois, pour en revenir à ce qui a été dit plus haut au sujet de l’application, Mme Grant a ajouté : « La seule ombre au tableau est la capacité du Canada, ou devrais-je dire l'incapacité, d'appréhender ceux qui ne respectent pas les lois[162]. »

Recherche et sauvetage

Le Comité a reçu de l’information sur les importantes exigences en matière de recherche et sauvetage associées au vaste territoire arctique du Canada et sur le besoin croissant de disposer des capacités voulues, d’autant plus que le trafic maritime s’intensifie dans la région. Des témoins ont souligné le fait que les capacités actuelles de recherche et sauvetage sont très sollicitées, étant donné la grandeur du territoire et la variété des incidents qui nécessitent une intervention.

Des représentants de la Garde côtière canadienne, service public chargé des activités de recherche et sauvetage maritimes dans l’Arctique canadien, ont donné au Comité des exemples concrets de la sollicitation que peut subir l’architecture canadienne des services de recherche et sauvetage dans le Nord et des difficultés à surmonter pour intervenir. Mme Thomas, a décrit deux incidents survenus en 2010. Deux navires se sont échoués dans les eaux arctiques du Canada : un navire de transport à moteur et un navire de croisière anglais. Mme Thomas précise que, lorsque ce dernier s’est échoué :

C'est le NGCC Amundsen qui était le plus près pour l'intervention: il était à 511 milles marins de là, en train d'effectuer des expériences scientifiques et, au moment de l'échouage, il lui a fallu 42 heures pour arriver sur les lieux. Heureusement, personne n'était grièvement blessé et l'échouage n'avait entraîné aucune pollution marine importante, mais nous avons été chanceux[163].

Le professeur Byers a insisté sur l’urgence d’un renforcement de la capacité de recherche et sauvetage du Canada en soulignant l’ampleur des difficultés que pourraient présenter des incidents dans l’Arctique canadien :

Oui, les problèmes de recherche et de sauvetage augmentent de manière quasi exponentielle. Oui, plus de 100 000 personnes volent chaque jour au-dessus de l'Arctique canadien dans des avions allant de Los Angeles à Londres ou de New York à Beijing. Or, il existe malheureusement un risque statistique qu'un accident se produise. Si l'un de ces avions devait atterrir d'urgence dans un secteur éloigné de toute collectivité humaine en plein milieu de l'hiver, ce ne serait pas seulement un grave problème pour les personnes à bord — il est évident que leur situation serait terrible —, ce serait aussi une source énorme d'embarras pour le Canada qui tenterait désespérément d'envoyer des hélicoptères de sauvetage basés sur l'île de Vancouver et en Nouvelle-Écosse pour faire face à une situation survenue pratiquement à l'autre bout du monde, à des milliers de kilomètres de là[164].

Ed Zebedee, directeur du Service de la protection, au gouvernement du Nunavut, a également dit au Comité que, dans l’Arctique, « il finira immanquablement par se produire une situation d'urgence ou une catastrophe environnementale majeure[165]. » Quant à la capacité actuelle du gouvernement du Canada d’intervenir dans un incident majeur dans l’Arctique, le témoin a précisé :

Même si les Forces canadiennes peuvent intervenir en moins de 11 heures n'importe où dans l'Arctique canadien, ces interventions sont le plus souvent assurées par des techniciens spécialisés en recherche et sauvetage à bord d'un Hercules. Ces sauveteurs sont prêts à sacrifier leur vie pour secourir les personnes en détresse, et certains l'ont déjà fait, mais leurs efforts sont vains s'ils ne sont pas en mesure d'évacuer les survivants dans un délai raisonnable[166].

À propos de la multiplication des navires de croisière dans l’Arctique, Sara French, directrice des programmes, Programme de Munk-Gordon sur la sécurité de l'Arctique, a expliqué au Comité :

Au fur et à mesure que la glace recule, les bateaux de croisière s'éloignent de plus en plus des trajets cartographiés pour offrir à leurs passagers, surtout des personnes âgées qui peuvent se payer ces croisières coûteuses, des expériences uniques. C'est un bel avantage économique pour les collectivités. Celles-ci les accueillent à bras ouverts.
Mais nous devons aussi prendre conscience du fait que ces bateaux se retrouvent dans les eaux canadiennes. Dans quelle mesure pourrons-nous réagir si l'impensable se produit[167]?

Le professeur Byers a soutenu que le gouvernement du Canada doit maintenant honorer ses promesses au sujet de l’infrastructure et des capacités de recherche et sauvetage (p. ex., les navires de patrouille en haute mer pour l'Arctique et les appareils à voilure fixe de recherche et de sauvetage). Il a ajouté que, si un « accident tragique […] se produit et que nous ne sommes pas prêts, cela n'aura certes aucun impact sur notre souveraineté, mais en aura beaucoup sur notre crédibilité comme nation arctique[168] ».

Comme on l’a déjà signalé, un cadre régional est en place en vue d’assurer la coordination et le renforcement des interventions de recherche et sauvetage. En mai 2011, en effet, les États du Conseil ont mis la dernière main à l’Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l'Arctique. Mme French a fait remarquer au Comité que l’un des sujets sur lequel les membres du Conseil de l’Arctique se sont le plus entendus est la nécessité que les États s’efforcent dès maintenant d’appliquer véritablement cet accord exécutoire.

Les États parties sont tenus d’encourager « la mise en place, l’exploitation et le maintien de moyens de recherche et de sauvetage suffisants et efficaces dans » leur zone, dont les coordonnées géographiques sont définies à l’annexe de l’Accord. Les opérations sont menées conformément aux lois et règlements de l’État compétent. Aux termes de l’Accord, si un État « est informé qu’une personne est ou semble être en détresse », il « prend les mesures urgentes qui s’imposent pour faire en sorte que cette personne reçoive l’assistance nécessaire ». Les États sont également tenus de transmettre les renseignements aussitôt que possible s’ils apprennent qu’une personne, un navire, une embarcation ou un aéronef se trouve dans une situation d’urgence dans la zone d’une autre partie. Ils peuvent demander assistance l’un à l’autre et ils doivent répondre promptement en précisant s’ils peuvent offrir cette assistance. Les parties font en sorte que l’assistance soit portée à toute personne en détresse « sans tenir compte de la nationalité ou du statut de cette personne ni des circonstances dans lesquelles elle a été trouvée ». Quant au financement, sauf convention contraire, chaque État « supporte les frais qu’entraîne pour elle la mise en œuvre [de l’]accord ». Toutefois, l’accord dispose également que la mise en œuvre est « subordonnée à la disponibilité des ressources nécessaires[169] ».

Selon M. Zebedee, il faut se féliciter de cet accord. Il ajoute : « Toutefois, des ressources considérables, tant en personnel qu'en équipement, seront nécessaires à l'atteinte des objectifs décrits dans ces ententes[170] ». William MacKay, directeur des Relations intergouvernementales au gouvernement du Nunavut, a également exprimé des préoccupations au sujet de l’infrastructure à implanter pour mettre l’entente en œuvre[171].

Les difficultés relatives à la capacité de faire face des services de recherche et sauvetage et à leurs opérations sont jusqu’à un certain point liées à des questions plus générales qui concernent la nécessaire expansion de l’infrastructure dans le Nord du Canada. Ainsi, M. Zebedee a souligné le fait qu’il y a, comme nous l’avons déjà vu, un seul port en eau profonde dans le territoire arctique du Canada. Il a expliqué que, en l’absence de ces installations portuaires, « même avec un brise-glace lourd, il est impossible en hiver de débarquer des fournitures d'urgence » (dans le cas des localités du Nord qui n’ont pas de piste d’atterrissage ou dont la piste est trop courte, et qui dépendent donc du ravitaillement par mer, limité aux mois d’été)[172]. Le témoin non seulement a proposé que les localités de l’Arctique soient équipées et appuyées pour assurer les services de recherche et sauvetage dans l’Arctique canadien, mais recommandé aussi que le Canada se dote d’une « politique nationale en la matière (recherche et sauvetage) ». Il a avancé en outre qu’il faut aussi envisager pour le Nord « une stratégie de transport à long terme et le soutien financier indispensable à sa mise en œuvre ». Tout au long de son exposé, M. Zebedee a insisté sur le fait qu’une infrastructure portuaire est « indispensable » dans l’Arctique canadien[173].

Développement économique — Pour une plus grande prospérité dans le Nord du Canada et la région

Comme on l’a déjà signalé, les représentants du MAECI ont informé le Comité que le thème qui guidera le prochain mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique est « le développement au service de la population du Nord[174] ». Le premier et le troisième des sous-thèmes, L’exploitation responsable des ressources de l’Arctique et Des collectivités circumpolaires durables, revêtent un intérêt particulier pour les questions abordées dans la présente section du rapport, consacrée au développement économique et à la prospérité. Des témoins ont souligné que des occasions de développement économique appréciables surgissent actuellement dans le Nord du Canada. Beaucoup ont signalé les projets de mise en valeur des ressources naturelles qui sont déjà en voie de réalisation et ceux qui sont prévus dans le territoire de l’Arctique canadien et l’impact de ces investissements sur la prospérité dans le Nord. Ils ont aussi parlé des difficultés à surmonter pour que les localités du Nord puissent tirer parti de ces occasions et parvenir à la prospérité. Les deux plus importantes sont l’amélioration de l’infrastructure et l’accès à l’éducation.

Plusieurs témoins ont souligné le potentiel de développement économique du Nord canadien et les nombreux projets commerciaux déjà en cours, dont Danielle Labonté, d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, pour qui :

Le potentiel des ressources du Nord canadien est immense. Par exemple, le fond de l'océan Arctique renferme approximativement 13 % des réserves de pétrole et 30 % des réserves de gaz mondiales non découvertes. Il y a 15 ans, le Canada n'était pas producteur de diamants. Nous sommes maintenant un chef de file international dans ce domaine. Ce fait vous donne une idée de l'importance des possibilités et de la rapidité avec laquelle, si les circonstances s'y prêtent, les atouts peuvent évoluer[175].

Mitch Bloom, vice-président à l’Agence canadienne de développement économique du Nord, s’est dit du même avis :

(L'exploitation) des ressources dans cette région atteint un niveau sans précédent. En raison de la demande mondiale et du prix des matières premières, la grande réserve en minéraux, en métaux et en ressources pétrolières et gazières de cette région attire l'attention sur la scène internationale. Les nouveaux marchés partout dans le monde offrent au Canada une occasion d'exploiter de façon responsable des ressources naturelles au profit de tous les Canadiens[176].

M. Bloom a expliqué au Comité qu’environ 21 projets liés aux ressources et à l’infrastructure régionale en sont actuellement à divers stades du processus de réglementation dans le Nord du Canada et que 8 autres projets « pourraient passer à l'étape de l'évaluation environnementale au cours des 18 prochains mois ». Ces projets « représenteront un investissement en capital de plus de 23 milliards de dollars » dans la région, une fois au stade de la production, et toute cette activité est attribuable au secteur privé. M. Bloom fait valoir un argument d’ordre général : « … le fruit est mûr pour le Nord du Canada et ceux qui y habitent. Selon nous, le succès viendra si nous conjuguons les efforts ici, au Canada, et à l'étranger[177]. »

Pour plusieurs témoins, il est très important d’assurer le développement économique du Nord d’une manière qui soit bien planifiée, inclusive et écologiquement durable. Duane Smith, notamment, président du Conseil circumpolaire inuit (Canada), a dit au Comité que les collectivités inuites sont

…favorable(s) au développement, mais à un rythme qui permet de bien le gérer et de minimiser ses effets sur l’environnement et sur les écosystèmes de la région, en prenant également les mesures correctives au fur et à mesure, de façon à nettoyer en même temps que l’on développe[178].

De même, James Arreak, président-directeur général de Nunavut Tunngavik Inc., qui travaille à la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut de 1993, a déclaré, dans le contexte de ce travail :

L'un des phénomènes importants et nouveaux à survenir dans le Nord est la mise en valeur du potentiel minier de cette région. Il est enthousiasmant. La transition socioéconomique qui doit avoir lieu maintenant, dans notre peuple, doit contribuer à combler une lacune importante. Nous devons maintenant nous adresser au gouvernement, pour qu'il nous aide à nous préparer sérieusement et convenablement à profiter des possibilités offertes par la mise en valeur des minéraux[179].

Établissant un lien entre le développement du Nord et la souveraineté, Terry Hayden, sous-ministre par intérim au Développement économique du gouvernement du Yukon, a défendu le même point de vue :

Le développement du Nord signifie être présent dans le Nord avec des collectivités durables et prospères de gens en santé, actifs et altruistes. Le développement économique durable dans le Nord du Canada profite à tous les Canadiens[180].

Lorsqu’elle a comparu, Mme Grant a défini ce qui, à son avis, sera l’enjeu central pour les collectivités de l’Arctique à l’avenir : « Le défi fondamental sera de transformer les possibilités en matière de ressources en développement durable pour la population qui habite la région[181]. »

Des témoins ont fait remarquer que le développement durable est un processus complexe aux multiples facettes. L’un des nombreux facteurs qui peuvent le faciliter, c’est une prise de décisions éclairée, une approche qui aborde les stratégies de développement sur le long terme au lieu de se concentrer sur le présent. Comparaissant devant le Comité, David Breukelman, président de l’entreprise canadienne Gedex Inc., a souligné l’importance de la technologie et d’une information exhaustive — produite au moyen d’initiatives comme la cartographie géologique sous la surface depuis le haut des airs, proposée par son entreprise — pour le développement économique du Nord canadien. Il est possible d’exploiter ces technologies pour faciliter la prise de décisions en matière économique[182]. Il a fait remarquer que, lorsque les gouvernements ont une meilleure information au sujet des endroits « où devraient se trouver les centres d'infrastructure, ils pourraient planifier le tout de manière beaucoup plus efficace ». M. Breukelman a expliqué que la technologie de son entreprise permet un déploiement plus efficient et plus efficace des ressources publiques et commerciales dans un vaste territoire où les opérations coûtent forcément cher. Les services de cartographie de Gedex peuvent déterminer avec beaucoup plus d’efficacité les endroits où il faut concentrer les efforts d’exploitation des ressources, maximisant ainsi la valeur économique retirée de l’exploitation d’une ressource géologique. Ces activités sont également bénéfiques du point de vue environnemental, car elles utilisent des vols qui « ne perturbent pas l’environnement », et n’exigent « aucune activité sismique ». M. Breukelman a ajouté que la connaissance détaillée des richesses naturelles peut aider les collectivités des Premières Nations non seulement des points de vue de la création d’emplois et de la croissance, mais aussi de la capacité de ces collectivités « de planifier l'évolution de leur infrastructure sociale[183] ».

Stephen Mooney, directeur du Centre d'innovation en climat froid, au Centre de recherche du Yukon, a présenté un autre exemple qui illustre l’importance de la technologie pour un développement bien planifié. Ce projet est axé « sur le développement, la commercialisation et l’exportation de technologies viables en climat froid et sur des solutions dans ce domaine pour toutes les régions du Nord dans le monde ». Le Centre d’innovation en climat froid repose sur un partenariat qui réunit des chercheurs en sciences appliquées, l’industrie et le gouvernement, et tous sont animés de la volonté de « régler les questions liées au climat froid et les problèmes techniques auxquels font face les habitants du Nord », stimulant ainsi le développement économique au Yukon. M. Mooney a défendu la thèse voulant que « l’innovation présente les plus grandes possibilités dans les économies de l’Arctique ». En ce qui concerne le lien entre, d’une part, ces initiatives et, d’autre part, le thème et les sous-thèmes retenus par le Canada pour son mandat à la présidence du Conseil de l’Arctique, M. Mooney a ajouté que son Centre « peut être une vitrine de l’expertise canadienne et peut collaborer avec d’autres collectivités circumpolaires pour échanger des outils et des technologies en vue de se préparer aux changements qui s’opèrent dans l’Arctique[184] ».

L’infrastructure comptera parmi les principaux domaines où des pratiques innovatrices et la technologie seront probablement nécessaires. Des témoins ont souligné à de nombreuses reprises l’importance fondamentale des transports, des communications et de l’infrastructure locale pour le développement économique dans le Nord. Tout en faisant remarquer que chaque économie territoriale est unique et doit surmonter des difficultés qui lui sont propres, Terry Hayden, représentant du gouvernement du Yukon, a expliqué au Comité que c’est au moyen du « développement de ces économies régionales que se concrétisera à l'échelle planétaire la politique étrangère du Canada pour l'Arctique, et le développement des infrastructures yukonnaises est essentiel à l'expansion de notre économie[185] ». Le même témoin a également insisté sur le fait que les investissements doivent être conçus de façon à répondre aux besoins à court et à long termes des habitants du Nord.

Après avoir souligné le poids du « patrimoine naturel » dans la croissance et la prospérité des Territoires du Nord-Ouest, M. Bevan a déclaré que son gouvernement « est conscient de l’importance des investissements stratégiques dans l’infrastructure pour favoriser le développement économique et social ». Il a informé le Comité des grands projets à cet effet, tels que le pont Deh Cho Bridge, qui fera « le lien toute l’année entre Yellowknife et le Sud », et le « lien de fibre optique proposé pour la vallée du Mackenzie », ainsi que la « construction de la route de la vallée du Mackenzie jusqu’à Tuktoyaktuk », qui sera la « toute première route vers l’océan Arctique au Canada ». M. Bevan a ajouté qu’en plus de ses retombées positives sur le développement économique, cette nouvelle route « facilitera en outre l’accès aux collectivités et leur mobilité, ce qui va dans le sens des objectifs de souveraineté du Canada[186] ».

Anja Jeffrey, qui a été diplomate du Service extérieur danois et qui dirige actuellement le Centre pour le Nord au Conference Board du Canada, a résumé l’enjeu primordial en déclarant que « les lacunes en matière d’infrastructure sont l’un des facteurs qui menacent le plus le développement du Nord ». Elle a également fait la même observation que Kells Boland et indiqué que de nos jours, dans le Nord canadien, « l’industrie construit la plupart des infrastructures requises pour acheminer les ressources naturelles hors des territoires[187] ». Par conséquent, la nécessité de définir et mettre à profit la conciliation des intérêts publics-privés, la planification concertée et les « installations communes[188] », comme nous l’avons vu ci-dessus dans l’analyse des infrastructures maritimes requises, est également pertinente pour les défis généraux que pose le développement économique dans le Nord. Les retombées de ces investissements et de cette coopération stratégique pourraient être conséquentes pour le Canada et pour ses collectivités du Nord. Comme l’a soutenu M. Zebedee à propos des ressources minières et des autres ressources naturelles de l’Arctique canadien, « le développement économique du Nord au cours des 15 ou 20 prochaines années permettra de rentabiliser tout investissement dans l’infrastructure », mais il a ajouté que, pour développer ce potentiel, « il nous faut un système de transport[189] ».

Il semble bien qu’il y ait encore du pain sur la planche pour définir et renforcer la conciliation des intérêts et activités des secteurs privé et public. Différents mécanismes peuvent être envisagés afin de promouvoir la coopération, ainsi que l’échange de renseignements et de pratiques exemplaires en matière de développement économique. Tom Paddon, président-directeur général de Baffinland Iron Mines Corporation, a déclaré :

[A]u pays, il nous reste encore à exploiter notre plein potentiel par la conciliation naturelle possible des intérêts de l’industrie, du gouvernement national et des régions, surtout des intérêts autochtones. Le succès mutuel est fort possible. Au bout du compte, dans cette perspective, le développement sera une réussite à bien des égards[190].

Se fondant sur cette idée de la conciliation des intérêts, M. Paddon a recommandé la création, au niveau régional, d’une « organisation commerciale transnationale multisectorielle de l’Arctique, un conseil commercial de l’Arctique ». Il a fait valoir que le modèle préféré serait un engagement direct entre une telle organisation et le Conseil de l’Arctique, ajoutant que le Conseil de l’Arctique pourrait profiter d’un « volet commercial, vu l’importance de ce qui se passe dans le Nord et la nécessité pour les États membres du Conseil de l’Arctique d’examiner cela attentivement ». D’après M. Paddon, une organisation multisectorielle permettrait « d’adopter des normes et des attentes communes en matière de comportement acceptable et de mettre en commun des pratiques exemplaires[191] ».

Des témoins ont insisté, sur la grande diversité des pays de l’Arctique sur les plans de la répartition démographique, de la taille des collectivités et des taux d’industrialisation, ce qui signifie que les enjeux du développement économique et social ne sont pas uniformes dans toute la région circumpolaire. La Russie constitue souvent un bel exemple, vu le nombre et la taille de ses collectivités septentrionales, notamment Mourmansk, qui compte plus de 300 000 habitants. Sara French a fait remarquer également que les « territoires de l’Arctique fournissent environ 60 % du PIB de la Russie[192] ».

Quoi qu’il en soit, M. Zebedee a soutenu qu’il serait utile de « pouvoir profiter de l’expérience des autres pays de la zone arctique dans l’exploitation des ressources ». Il a fait remarquer qu’« il n’est pas facile d’exploiter les ressources dans l’Arctique, et tout conseil avisé en la matière serait certainement bienvenu[193] ». Soulignant que le gouvernement du Nunavut partage déjà de manière ponctuelle des pratiques exemplaires avec le Groenland, M. MacKay a déclaré qu’« il serait probablement bon pour le développement économique d’avoir un cadre permanent[194] ». Pour sa part, M. Bevan a déclaré au Comité qu’il y a des défis communs dans la région circumpolaire, ainsi que des possibilités de partager le savoir et l’expérience :

Les Territoires du Nord-Ouest partagent de nombreuses similitudes avec leurs voisins circumpolaires et connaissent les mêmes défis, de la viabilité des collectivités jusqu’aux changements climatiques en passant par les infrastructures. Notre territoire est donc intéressé à partager ses innovations avec le reste du monde circumpolaire et à tirer des enseignements des innovations venant d’ailleurs. C’est grâce à cette collaboration et à leurs expériences de la vie et du travail dans le Nord que le gouvernement et les résidents des Territoires du Nord-Ouest peuvent contribuer aux efforts que déploie le Canada dans le cadre de sa politique étrangère pour l’Arctique[195].

Interrogée sur l’idée d’un forum circumpolaire des affaires, Karen Barnes, présidente du Yukon College, a qualifié un tel outil d’« essentiel ». Pour donner un exemple précis de projet d’envergure régionale qui pourrait tirer parti de l’expérience des entreprises, M. Paddon a indiqué que « les entreprises mènent un très grand nombre de recherches dans le cadre d’évaluations environnementales, d’études de suivi des effets sur l’environnement et d’études de suivi des effets socioéconomiques » dans les régions du Nord. Tout ce savoir pourrait être mis en commun « dans un esprit collectif axé sur la collaboration plutôt que dans les noyaux régionaux, comme c’est le cas en ce moment[196] ». Mme Barnes a fait l’observation générale que, dans le contexte de la région de l’Arctique, le Canada peut « s’inspirer de collectivités nordiques d’autres pays qui ont créé des entreprises durables et des occasions d’affaires permettant aux habitants du Nord de rester dans leur milieu tout en adoptant un mode de vie sain et en occupant un emploi valable[197] ».

La résilience dans le Nord et les dimensions humaines dans l’Arctique

Dans le cadre du thème général et des sous-thèmes qu’il a retenus pour sa présidence du Conseil de l’Arctique, le Canada peut faciliter les discussions entre les pays circumpolaires sur les enjeux cruciaux des collectivités du Nord et sur les principaux facteurs de viabilité de ces collectivités. À cet égard, quelques témoins ont prévenu le Comité qu’il importait de faire la distinction entre les enjeux et les priorités de la politique intérieure et ceux de la politique étrangère et de reconnaître que le Conseil de l’Arctique est une organisation régionale qui ne constitue pas la tribune où aborder des questions propres à un État en particulier. Toutefois, dans de nombreux domaines et processus — en particulier le développement durable — les frontières entre la politique intérieure et la politique étrangère sont floues. Par conséquent, il ne faudrait pas croire qu’il est impossible de mener des initiatives visant à résoudre des problèmes à l’échelle nationale, en même temps que d’autres visant à résoudre des problèmes communs à l’échelle régionale. Non seulement les deux niveaux sont-ils interdépendants, mais ils s’influencent et se renforcent mutuellement.

Se fondant sur ses constatations sur le développement économique, le Comité est d’avis, comme il l’a déjà mentionné, que, durant la présidence canadienne du Conseil de l’Arctique et par la suite, les États membres et les participants permanents pourront échanger des pratiques exemplaires portant sur les enjeux, les défis et les possibilités liés au développement durable dans la région circumpolaire, et communs à tous les pays de cette région. Il importe également de souligner que les travaux en cours du Conseil de l’Arctique, y compris les études scientifiques et techniques réalisées par les six groupes de travail, continueront sous la présidence du Canada. Il en sera de même des grandes initiatives régionales que devront poursuivre le Canada et le Conseil de l’Arctique pour relever d’importants défis, qui ne peuvent l’être qu’à l’échelle multilatérale, comme le trafic maritime au centre de l’océan Arctique, l’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures et la gestion des pêches, autant de sujets qui sont abordés dans d’autres chapitres du présent rapport.

Reliant la présidence canadienne du Conseil de l’Arctique aux enjeux du développement du Nord, les témoins ont insisté sur l’importance pour le Canada d’adopter une approche axée sur les populations dans ses politiques intérieure et étrangère pour l’Arctique. Pour que ces politiques réussissent, elles doivent intégrer de manière significative les points de vue et les priorités de ceux qui vivent dans l’Arctique canadien, le bâtissent et en assurent l’intendance. Des collectivités solides, prospères et résilientes dans l’Arctique canadien constitueront l’assise de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique.

Dans l’esprit d’une politique étrangère centrée sur les populations dans l’Arctique, M. Funston, a insisté sur les dimensions humaines de la région lorsqu’il a témoigné devant le Comité. Il a soutenu qu’il est essentiel de comprendre l’Arctique dans cette perspective et que l’approche du Canada face à l’Arctique dépend de ce cadre. Il a affirmé :

C’est pourquoi je pense que nous entendons autant parler de la voix de l’Arctique en politique étrangère. Ce n’est pas parce qu’on parle de l’art de gouverner dans les rues de Tuktoyaktuk tous les jours. C’est parce que très souvent, lorsqu’il est question de l’Arctique, nous oublions que des gens y vivent. Nous avons tendance à le voir comme une frontière, ce qui signifie que nous y allons pour obtenir quelque chose, ou que nous y passons pour nous rendre à des destinations au Sud ou que nous le voyons comme un laboratoire ou une grande aire de nature sauvage, un grand parc que nous pouvons préserver en y traçant des frontières. Toutefois, […] il s’agit avant tout d’une terre natale. C’est un lieu où des gens vivent[198].

Anja Jeffrey, directrice du Centre pour le Nord au Conference Board du Canada, a également fait porter ses observations et recommandations sur ces thèmes. Elle a présenté un argument important concernant le lien entre les défis nationaux et la politique étrangère dans le contexte de la région circumpolaire. S’appuyant sur son expérience de diplomate au sein du service extérieur d’un autre État arctique et sur les recherches qu’elle mène actuellement dans le Nord canadien en collaboration avec des groupes autochtones, des entreprises et d’autres parties intéressées, elle a déclaré au Comité :

[N]os recherches font systématiquement ressortir qu’il faut des collectivités résilientes et prospères dans le Nord pour que son énorme potentiel économique puisse se réaliser dans le cadre des mesures prévues. […] [L]es gens du Nord veulent vivre dans des collectivités sûres, prospères et autonomes. […] Le lien est facile à établir : des collectivités résilientes assureront le développement économique durable de l’Arctique et déboucheront sur une politique étrangère pour l’Arctique qui misera sur la force affichée par les gens du Nord[199].

Mme Jeffrey a également fait un lien entre des collectivités résilientes et la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Elle a fait remarquer que « si les gens quittent ces collectivités éloignées en raison du manque de possibilités économiques ou de la précarité des conditions sociales, notre souveraineté dans le Nord sera en danger. Il faut donc investir dans les collectivités et leurs habitants ». Elle a ajouté que « si nous n’investissons pas dans elles, l’Arctique n’est pas une option viable ». Son message général au Comité est que « le Conseil de l’Arctique s’occupe d’enjeux internationaux, mais leur origine est nationale. Ils découlent de politiques formulées dans les pays[200] ». Le développement économique est la base de la viabilité des collectivités; par conséquent, les efforts en vue de renforcer la résilience doivent aller de pair avec ceux qui visent à promouvoir la prospérité dans le Nord.

Certains témoins ont insisté sur importance de l’éducation, de l’accès aux études et des résultats scolaires dans le Nord du Canada comme moyen de renforcer la résilience et d’établir les conditions pouvant y assurer la prospérité. Ils ont également évoqué les liens entre l’éducation et le développement des compétences dans cette région et dans la communauté circumpolaire en général et souligné la possibilité d’accroître la coopération régionale et le transfert des connaissances dans ce domaine.

Afin de situer le contexte canadien dans ce domaine, M. Bloom a indiqué que le succès des projets de développement économique dans le Nord dépendra « de la disponibilité des travailleurs ayant acquis les bonnes compétences et reçu une formation adéquate ». Faisant remarquer que l’Agence canadienne de développement économique du Nord a lancé en février 2012 un Programme d’éducation de base des adultes du Nord, M. Bloom a affirmé que « les taux d’achèvement des études secondaires sont atroces[201] » dans le Nord. Geoff Green de la Students on Ice Foundation a informé le Comité que « 75 % des jeunes Inuits ne finissent pas le secondaire; beaucoup d’entre eux ne vont pas à l’école et 56 % de la population inuite a moins de 25 ans[202] ». Il y a un lien entre ces statistiques et le besoin de créer des collectivités prospères et résilientes dans le Nord. M. Green a soutenu que « la durabilité, la santé, la prospérité et l’éducation des collectivités du Nord devraient faire partie intégrante de nos politiques dans l’Arctique[203] ».

Les témoins ont fait remarquer que les initiatives gouvernementales ciblant le secteur de l’éducation dans le Nord doivent être équilibrées, afin de répondre aux besoins, tant sur le plan de l’éducation de base que des études supérieures. À cet égard, quelques témoins, dont Greg Poelzer, directeur de l’International Centre for Northern Governance and Development à l’Université de la Saskatchewan, ont fait remarquer que « le Canada est le seul des huit pays de l’Arctique qui n’a pas d’université dans sa région arctique[204] ». Au sujet de l’Université virtuelle de l’Arctique (UArctic), Bernard Funston, président de la Commission canadienne des affaires polaires, l’a décrite comme une « initiative très intéressante ». Il s’agit d’un réseau coopératif d’universités, de collèges et d’autres établissements voués à l’enseignement supérieur et à la recherche dans le Nord[205], qui a vu le jour à la fin des années 1990. M. Funston a déclaré au Comité :

Les responsables essaient de concevoir un programme de formation qui soit utile aux habitants du Nord. Grâce au Web, ceux-ci peuvent étudier à partir de leur collectivité sans devoir se rendre dans le sud, s'ils ne le veulent pas.
Le coût du projet constitue naturellement un obstacle majeur, et je pense que nous en avons limité le financement depuis 2010. Je serais ravi qu'il soit remis sur pied[206].

Pour sa part, Karen Barnes, présidente du Yukon College, ne remet aucunement en question le bien-fondé de l’Université de l’Arctique, mais croit plutôt qu’il s’agit d’une question d’attribution de ressources limitées et de la nécessité d’établir une capacité d’enseignement dans le Nord du Canada. Elle explique :

Je n'ai jamais dit que l'organisation n'était pas importante. Ce que j'ai dit, c'est que je préférais que les ressources limitées soient employées pour améliorer et multiplier les programmes collégiaux offerts dans le Nord. Toutefois, j'ai toujours cru que ce qui faisait la valeur de l'Université de l'Arctique, c'était son réseau de professionnels et d'universitaires du Nord circumpolaire, et je le maintiens encore[207].

Les témoins ont insisté sur la nécessité de vastes initiatives d’acquisition de compétences, et de renforcement des capacités et du leadership dans le Nord. Ils ont fait valoir que ces programmes doivent être implantés sur place, dans le Nord, et être conçus pour les populations locales afin de s’aligner sur les défis et les possibilités qui existent dans le Nord dans les domaines de l’économie, de l’environnement et de la gouvernance. Concernant ces problèmes de capacités, M. Poelzer a déclaré au Comité :

[T]out, de l’obtention du diplôme d’études secondaires à la formation professionnelle, est essentiel, et il ne faut pas oublier l’université, bien entendu. Ces compétences et ces activités de recherche devraient être basées dans le Nord, dirigées par des gens du Nord, pour les gens du Nord, et convenir aux collectivités, aux économies, etc., du Nord[208].

Il a donné l’exemple concret de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique pour démontrer l’importance des programmes de leadership et d’acquisition de compétences structurés de manière à ce que les jeunes qui acquièrent ces compétences restent dans leurs collectivités locales. Cette région de la Colombie-Britannique « avait le pire taux de participation des dix provinces au niveau de l’enseignement postsecondaire » jusqu’à ce qu’on établisse l’université. Depuis, environ 70 % des diplômés sont restés dans la région[209].

Mme Barnes a décrit au Comité les programmes, y compris un baccalauréat ès sciences, qui sont offerts dans son établissement de concert avec l’Université de l’Alberta et qui permettront bientôt à « des jeunes Yukonnais provenant de collectivités nordiques [de] réaliser des recherches et trouver dans le Nord des réponses aux problèmes du Nord ». Le Yukon College s’efforce aussi de développer les capacités d’enseignement et les compétences dans le domaine de la gouvernance des Premières Nations du Nord. Ce savoir a des ramifications importantes pour les collectivités de la région circumpolaire, puisqu’il porte sur des « enjeux comme la protection de l’environnement, l’exploitation des ressources, la sécurité alimentaire et, surtout, la façon de nouer une relation satisfaisante et fructueuse avec d’autres gouvernements à l’échelle locale, nationale et internationale dans le but d’atteindre les objectifs de développement[210] ». Mme Barnes a déclaré :

L’accès des habitants du Nord à une éducation supérieure de qualité constitue donc un enjeu circumpolaire.
La mobilité et le perfectionnement de la main-d’œuvre traduisent une véritable préoccupation de tous les habitants du Nord. Lors de l’exploitation des ressources, il est de plus en plus difficile d’attirer et de fidéliser les travailleurs hautement qualifiés qui sont nécessaires dans les domaines des sciences de la Terre touchant la prospection, de la surveillance environnementale et des mesures correctives, et du développement de sites miniers. Échanger les connaissances spécialisées et les programmes d’enseignement de l’ensemble des régions du nord circumpolaire offrira un avantage considérable et générera des économies de coûts[211].

Par conséquent, pour appuyer le développement économique durable dans le Nord et le désir de promouvoir des pratiques exemplaires dans ce domaine durant sa présidence du Conseil de l’Arctique, le Canada devra porter attention aux problèmes nationaux et circumpolaires en matière d’éducation, de gouvernance et de développement des compétences. Il devrait également collaborer avec ses partenaires du Conseil de l’Arctique pour ce faire, en gardant à l’esprit l’objectif global d’assurer la résilience et la prospérité du Nord.

Le renforcement du Conseil de l’Arctique et la coopération régionale

Les participants permanents

Pour l’ensemble des témoins, un élément clé de la réussite du Conseil de l’Arctique est le fait que six organisations autochtones en sont des participants permanents. Quelques-uns — dont le président du Conseil circumpolaire inuit (Canada), Duane Smith — ont toutefois précisé que tous les États du Conseil de l’Arctique doivent s’efforcer davantage de faire participer pleinement et de manière significative les participants permanents aux travaux de plus en plus nombreux et souvent techniques du Conseil.

Les peuples autochtones ne représentent que 500 000 des 4 millions de personnes qui vivent dans la région arctique, et un même peuple peut être réparti dans plusieurs États arctiques, ce qui est le cas notamment de quelque 155 000 Inuits, répartis sur les territoires du Canada, du Danemark (Groenland), des États-Unis (Alaska) et de la Russie. Ils sont représentés à l’échelle internationale par le Conseil circumpolaire inuit (CCI), qui compte quatre sections nationales. La section canadienne du CCI assumera la présidence tournante de l’organisation de 2014 à 2018.

La Déclaration d’Ottawa, qui a établi le Conseil de l’Arctique en 1996, a défini le rôle envisagé pour les participants permanents dans les travaux du Conseil : « La catégorie des participants permanents est instituée pour rendre possible la participation active des représentants des indigènes de l’Arctique et la pleine consultation de ceux-ci dans le cadre du Conseil. » Trois organisations autochtones étaient désignées comme participants permanents à ce moment-là[212], mais leur nombre avait doublé en 2000 :

  • Aleut International Association;
  • Arctic Athabaskan Council;
  • Conseil circumpolaire inuit;
  • Gwich’in Council International;
  • Association russe des populations autochtones du Nord (ARPAN);
  • Saami Council[213].

À l’exception de l’ARPAN, toutes ces organisations représentent des peuples autochtones d’au moins deux États. Trois d’entre elles ont des bureaux au Canada : CCI (Canada), Gwich’in Council International et l’Arctic Athabaskan Council.

Le Conseil de l’Arctique a maintenu le Secrétariat des peuples autochtones, qui relevait au départ de la SPEA, pour appuyer les participants permanents[214]. Tout comme dans d’autres volets des travaux du Conseil, les fonds ont été fournis par les États arctiques, sur une base volontaire. Mme Stirk a indiqué au Comité que le MAECI accorde des fonds aux participants permanents canadiens pour les aider à travailler avec le Conseil de l’Arctique[215]. Terry Fenge, qui travaille depuis longtemps à des projets liés aux peuples autochtones et à l’Arctique, a déclaré au Comité que, même si le gouvernement du Canada a été plus généreux que la plupart des autres États arctiques dans ce domaine, les montants sont insuffisants pour régler les problèmes de capacité et répondre aux besoins de financement existants[216].

À la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique qui a eu lieu à Nuuk, au Groenland, en mai 2011, on a annoncé que les participants permanents examineraient le rôle du Secrétariat des peuples autochtones, y compris la possibilité de l’intégrer au nouveau Secrétariat du Conseil de l’Arctique. Les membres du Conseil élaboreraient également des recommandations sur le renforcement des services offerts aux participants permanents[217]. En outre, dans la Déclaration de Nuuk, les ministres :

réitèrent la nécessité de financer la coopération circumpolaire, ainsi que l’importance de fournir du financement suffisant aux participants permanents afin d’appuyer leur préparation et leur participation aux travaux du Conseil de l’Arctique, aux groupes de travail et aux projets du Conseil[218].

Les témoins ont souligné la précieuse contribution des participants permanents aux travaux du Conseil de l’Arctique. Jillian Stirk, du MAECI, a déclaré au Comité :

[L]es participants permanents jouent un rôle extrêmement important concernant le Conseil de l’Arctique et les questions liées au Nord en général. Ces organisations sont une source précieuse de conseils pour toute une gamme de questions qui portent sur le Nord. Je pense que leur participation est essentielle au succès du Conseil de l’Arctique, qui est plutôt unique en son genre pour bien des raisons. Ce conseil international réunit des représentants d’États et d’organisations civiles, comme les participants permanents, qui discutent de questions qui les concernent bien sûr directement[219].

Mme French a fait remarquer que l’intégration des participants permanents aux travaux du Conseil de l’Arctique trouve « son origine ici au Canada. Cet accomplissement devrait être souligné[220] ».

Pour sa part, M. Smith a fait remarquer que, même si les participants permanents n’ont pas le droit de vote au Conseil de l’Arctique, la structure du Conseil permet à son organisation « d’occuper un siège et de participer, à titre consultatif, aux discussions et aux délibérations qui ont cours entre les huit principaux États arctiques[221] ». À propos de l’efficacité de ce mécanisme pour ce qui est de faire en sorte que les points de vue autochtones se reflètent dans les travaux du Conseil de l’Arctique, il a déclaré :

Cela dépend des participants permanents. Le Conseil circumpolaire inuit a été créé bien avant le Conseil de l’Arctique dans le but de faire respecter les points de vue et les droits des Inuits. C’est la raison pour laquelle cette organisation a été mise en place.
Le CCI […] est plus ou moins efficace, principalement, je dirais, en raison de l’incapacité des participants permanents à s’engager adéquatement dans les différentes activités auxquelles ils devraient participer, mais aussi, il faut le reconnaître, parce que même les États ont parfois des capacités limitées dans certains dossiers.
 […] [N]ous ne pouvons rien faire de plus dans cette structure. Si nous avions une plus grande capacité, je pense que nous pourrions faire beaucoup plus au sein du Conseil de l’Arctique[222].

M. Smith a ajouté que la capacité organisationnelle pourrait augmenter avec « une assistance technique de quelques personnes » afin que les points de vue du CCI soient pris en considération dans les activités des groupes de travail du Conseil. Il a rappelé au Comité qu’il incombe à tous les États arctiques, et pas seulement au Canada ou aux États-Unis de s’engager à fournir cette assistance. Il a cependant ajouté que ces questions ne sont pas encore résolues de manière satisfaisante : « C’est un processus qui fait l’objet de discussions depuis de nombreuses années au Conseil de l’Arctique. Les hauts représentants de l’Arctique n’ont pas réussi à proposer une structure ou une formule permettant de régler de manière satisfaisante la question de l’engagement des participants permanents[223]. »

Le professeur Hik a déclaré au Comité que, faute de financement et de capacités suffisants, les participants permanents ont du mal à participer efficacement aux activités, études et mandats de plus en plus nombreux du Conseil de l’Arctique[224]. Il a affirmé qu’il est arrivé au moins une fois que’ CCI Canada représente les cinq autres participants permanents au sein d’un organe technique du Conseil de l’Arctique et qu’il leur fasse rapport. John Crump, de Grid-Arendal, qui a été secrétaire exécutif au Secrétariat des peuples autochtones du Conseil de l’Arctique pendant plusieurs années, a affirmé que les participants permanents souffrent depuis longtemps des limites et des contraintes décrites ci-dessus. Tout en convenant que les participants permanents pouvaient décider de se représenter mutuellement de manière ponctuelle, il a soutenu qu’ils ne sont pas et ne devraient pas être considérés comme des organisations non gouvernementales (ONG). Pour lui :

Ce ne sont pas des groupes de pression. Elles représentent des personnes ayant des droits souverains, peu importe les ententes particulières conclues dans chaque pays. C’est très clair, et elles citeront toujours la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour étayer leurs arguments[225].

Mme French a insisté sur le fait que les États membres du Conseil de l’Arctique ne devraient pas perdre de vue l’importance des participants permanents dans les travaux du Conseil. Elle a précisé :

[L]’efficacité de la tâche de ces organisations qui consiste à contribuer au travail du conseil et à faire valoir les intérêts de ceux qui vivent dans le Nord se heurte bien souvent au défi d’un manque de ressources. Les participants permanents ne disposent bien souvent que d’un membre du personnel à temps plein qui est responsable de toutes les activités de l’organisation, y compris la participation aux réunions, l’examen des rapports, la consultation des communautés, la comptabilité, la collecte de fonds, de même que la logistique des déplacements. Par conséquent, dans bien des cas, ces organisations ne sont pas en mesure de participer aussi pleinement qu’elles le souhaiteraient aux délibérations du conseil[226].

Sur cette base, Mme French a recommandé que le Canada propose un nouveau mécanisme de financement pour permettre aux participants permanents de participer pleinement à tous les groupes de travail et à tous les travaux du Conseil de l’Arctique.

Cette idée générale d’un appui plus solide, uniforme et prévisible de la part des États membres du Conseil de l’Arctique n’est pas nouvelle, comme on l’a déjà vu. De fait, M. Crump a déclaré au Comité :

Il y a 10 ans, avec l’aide du haut représentant de l’Arctique et du président du Conseil islandais de l’Arctique, nous avons élaboré une proposition qui aurait assuré un appui financier permanent aux participants permanents. Ce n’était pas beaucoup d’argent, mais malheureusement, on n’a pas fait suivre cette démonstration d’enthousiasme par un engagement réel. Le Canada a maintenant l’occasion d’encourager tous les États de l’Arctique à fournir un financement durable et permanent[227].

Dans un autre ordre d’idées, Mme French et d’autres ont insisté sur l’importance d’un appui politique uniforme. Dans un geste troublant, le ministre de la Justice de la Russie a suspendu en novembre 2012 les activités de l’ARPAN pour trois mois, soutenant que cette association ne respectait pas les lois russes. Tous les hauts fonctionnaires de l’Arctique — y compris de la Russie — et les chefs de délégation des participants permanents se sont empressés d’exprimer leur inquiétude face à cette mesure, qui, selon Mme French, découle d’un litige portant « sur l’extraction de ressources dans le territoire traditionnel de l’ARPAN[228] ». L’ARPAN a été autorisée à reprendre ses activités en mars 2013[229].

Le rôle des États non arctiques

Comme indiqué ci-dessus, l’intérêt pour la région de l’Arctique a grandi ces dernières années dans les États non arctiques, dont la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Même si, de prime abord, il peut sembler que ces États ont peu à perdre ou à gagner dans la région, James Manicom du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale a expliqué au Comité que « leurs intérêts sont cohérents avec ceux des États maritimes, et sont surtout d’ordre commercial. L’économie de ces États est axée sur l’exportation, ce qui explique leur intérêt pour les économies qui peuvent être réalisées grâce au transport dans l’Arctique. » Il a ajouté : « Dans une perspective non commerciale, leur plus grand intérêt concerne le changement climatique et la recherche scientifique liée à ce phénomène[230]. »

Ce nouvel engouement pour l’Arctique a naturellement incité des États comme la Chine et des acteurs internationaux comme l’Union européenne à s’intéresser davantage aux travaux du Conseil de l’Arctique. À court terme, la question qui se pose pour des États membres comme le Canada est de savoir s’il faut accorder à ces États et entités un statut un peu plus élevé au Conseil en leur accordant le statut d’observateur permanent. Selon la Déclaration d’Ottawa, qui a établi le Conseil de l’Arctique, ce statut est ouvert aux États non arctiques; aux organisations intergouvernementales et interparlementaires, mondiales et régionales; et aux organisations non gouvernementales qui, « de l’avis du Conseil, peuvent contribuer à ses travaux[231] ». Il y a actuellement 26 observateurs accrédités au Conseil de l’Arctique : 6 États non arctiques et 20 organisations non gouvernementales et intergouvernementales[232]. Des États non arctiques et d’autres entités se sont mis à s’intéresser un peu plus aux travaux du Conseil à la faveur de phénomènes nouveaux tels la mondialisation et le changement climatique, et certains ont, de manière ponctuelle, participé à titre d’observateurs à des activités du Conseil.

Quelques témoins ont soutenu que le Canada devrait préconiser d’accorder le statut d’observateur permanent à la Chine et à l’Union européenne, ce qui, il convient de le souligner, ne ferait pas d’eux des États membres du Conseil et ne leur donnerait pas droit de vote. Le professeur Byers a déclaré :

[J]e pense que nous devrions tenter de faire admettre l’Union européenne et la Chine comme observateurs permanents au Conseil de l’Arctique. … La raison pour laquelle je dis cela est qu’une organisation internationale, quelle qu’elle soit, n’a d’importance qu’en fonction de ceux qui sont présents à ses délibérations. Nous souhaitons que le Conseil de l’Arctique soit au centre de la diplomatie de l’Arctique, de la gouvernance de l’Arctique, et nous devrions nous réjouir que l’Union européenne et la Chine demandent à être présentes.
À part cela, il y a certaines questions dont on ne peut traiter sans la coopération de ces acteurs importants. Si nous voulons régler le problème du carbone noir, il faut que la Chine soit présente dans la salle. Si nous voulons régler la question de la gestion régionale des pêches, il faut que l’Union européenne soit présente dans la salle[233].

Comme on l’a vu, M. Manicom a soutenu que la Chine et d’autres États asiatiques ont de légitimes intérêts scientifiques, ainsi que des intérêts maritimes et commerciaux dans l’Arctique. Il a déclaré :

À mon avis, on devrait les accueillir à bras ouverts. Sur le plan fonctionnel, ils amènent une capacité, par exemple, des fonds et une expertise dans la recherche polaire. Sur le plan conceptuel, si un organisme veut prendre des règlements au sujet d’une région, il est logique de consulter les États utilisateurs. Étant donné que les États arctiques n’ont pas la capacité nécessaire pour assurer le respect des règlements qu’ils prennent dans la région, un engagement avec les États utilisateurs pourrait être la meilleure façon d’y arriver[234].

Le principal argument contre l’acceptation de ces demandes est lié à la conviction de certains que le Conseil de l’Arctique a réussi comme organe régional précisément parce que ses membres ne sont pas trop nombreux et ne comprennent que des États et des participants permanents de l’Arctique, qui ont tous des intérêts directs dans l’Arctique et des points de vue communs sur les principes de la gouvernance qui devraient s’appliquer dans la région et sur l’importance d’intégrer le savoir et les pratiques autochtones dans les travaux du Conseil. Sur ce dernier point, le fait que l’Union européenne a interdit l’importation et la vente des produits du phoque est considéré comme contraire aux pratiques culturelles inuites, qui ont été défendues par le gouvernement du Canada et par le CCI.

Dans leur rapport aux ministres à la réunion ministérielle de Nuuk en 2011, les hauts représentants de l’Arctique donnent des indications sur les grands paramètres et facteurs qui devraient guider les décisions sur l’adhésion d’autres observateurs permanents au Conseil. Dans leur rapport aux ministres, ils écrivent :

Depuis la création du Conseil de l’Arctique, la participation des observateurs a été précieuse, grâce aux compétences scientifiques et autres, aux renseignements et aux ressources financières qu’ils ont fournies. La participation des observateurs devrait renforcer et compléter le rôle crucial et unique des participants permanents au Conseil de l’Arctique[235].

Ils ajoutent :

Afin de déterminer la pertinence générale d’une demande de statut d’observateur, le Conseil tiendra compte, entre autres, de la mesure dans laquelle les observateurs :
  • acceptent et appuient les objectifs du Conseil de l’Arctique définis dans la Déclaration d’Ottawa;
  • reconnaissent la souveraineté, les droits souverains et la compétence des États arctiques dans l’Arctique;
  • reconnaissent qu’un vaste cadre législatif s’applique à l’océan Arctique, y compris notamment le droit de la mer, et que ce cadre constitue un fondement solide pour la gestion responsable de cet océan;
  • respectent les valeurs, les intérêts, la culture et les traditions des peuples autochtones et des autres habitants de l’Arctique;
  • ont démontré la volonté politique et la capacité financière de contribuer aux travaux des participants permanents et d’autres peuples autochtones de l’Arctique;
  • ont démontré leurs intérêts pour l’Arctique et des compétences pertinentes pour les travaux du Conseil de l’Arctique;
  • ont démontré un intérêt concret pour les travaux du Conseil de l’Arctique et la capacité de les appuyer, y compris par des partenariats avec les États membres et les participants permanents, pour porter les préoccupations de l’Arctique à l’attention des organes de décision mondiaux[236].

Une fois accordé, le statut d’observateur permanent sera revu tous les quatre ans, afin de s’assurer que la partie en cause répond toujours aux critères ci-dessus. Au sujet des fonctions des observateurs, les représentants ont déclaré que, même si leur rôle principal consistait à observer les travaux du Conseil de l’Arctique, les observateurs devraient continuer à apporter des contributions pertinentes grâce à leur engagement au sein du Conseil de l’Arctique, surtout au niveau des groupes de travail. Ils peuvent proposer des projets par l’entremise d’un État arctique ou d’un participant permanent, à certaines conditions, et lors des réunions des organes subsidiaires ils peuvent, à la discrétion de la présidence, faire des déclarations ou présenter des documents après que les États de l’Arctique et les participants permanents l’ont eux-mêmes fait[237].

Les critères indiqués ci-dessus devraient guider les décisions des États membres du Conseil, qui seront prises par consensus. Cependant, pour le professeur Lackenbauer, « ce n’est pas parce que nous avons la déclaration de Nuuk, dans laquelle les critères sont établis, que la question des observateurs permanents est réglée, et même si ces critères permettent un peu plus de clarté, c’est encore vraiment très vague à mes yeux pour l’instant[238] ». À ce sujet, Duane Smith, du Conseil circumpolaire inuit (Canada), a indiqué que la demande présentée par l’Union européenne l’inquiétait :

Ces pays ont leurs propres politiques qui entrent en conflit avec notre culture ainsi qu’avec les pratiques durables approuvées par le Canada. […] [L]a seule chose que peut faire le Conseil circumpolaire inuit, c’est d’informer le Conseil de l’Arctique qu’il souhaiterait voir des changements dans le rôle de certains pays demandeurs afin de se conformer aux pratiques et aux mécanismes convenus au Conseil de l’Arctique[239].

De manière générale, le témoin a attiré l’attention du Comité sur le principal critère indiqué ci-dessus, à savoir la volonté démontrée et la capacité financière de contribuer aux travaux des participants permanents. Il a déclaré à propos des observateurs que « c’est leur façon de travailler avec les participants permanents » qui pose problème. « C’est une question qu’ils continuent d’ignorer et à laquelle ils n’ont pas répondu lorsqu’ils ont fait leur demande[240]. »

Comme indiqué ci-dessus, le professeur Byers a recommandé que le Canada appuie la participation de l’Union européenne et de la Chine au Conseil, à titre d’observateurs permanents. En ce qui concerne les inquiétudes soulevées par d’autres témoins, dont M. Smith, il a déclaré au Comité :

[C]ertains groupes autochtones s’opposent vivement à cette suggestion, et ils ont leurs raisons, notamment l’interdiction de l’importation des produits du phoque par l’Union européenne. Toutefois, nous avons là une occasion d’action diplomatique, l’occasion de dire à l’Union européenne : « Nous souhaitons votre présence dans la salle pour toutes ces bonnes raisons, mais vous allez devoir nous aider. Comment allez-vous compenser les Inuits du Canada pour l’incidence qu’a eue sur leur économie votre politique sur la chasse aux phoques? » Au lieu de s’agiter et d’aller devant les tribunaux, voici l’occasion de faire de la diplomatie. Ils veulent entrer au Conseil de l’Arctique, mais ils causent des problèmes à certains de nos citoyens. Essayons de trouver une solution.
Sur toutes ces questions concernant l’Arctique, le premier principe à appliquer est bien connu : parlons-nous. S’il y a une chose que nous n’avons pas suffisamment faite au cours des années — pas seulement pendant les six ou sept dernières années mais pendant les deux ou trois dernières décennies au sujet de l’Arctique —, c’est bien de parler à nos voisins[241].

Abstraction faite de ces décisions concernant les observateurs permanents, les questions générales concernant la manière dont les États du Conseil de l’Arctique devraient tenir compte des intérêts des États non arctiques dans les travaux du Conseil et dans la région arctique continueront probablement de poser un problème de gestion aux États membres, dans leur quête d’une vision cohérente pour l’orientation, le rôle et les méthodes de travail du Conseil à l’avenir. À long terme, on pourrait aussi s’interroger sur l’adhésion au Conseil proprement dit. M. Crump a déclaré au Comité que « la grande question, c’est de déterminer de quelle façon le Conseil de l’Arctique peut s’adapter de façon à établir un rôle important pour les observateurs. À l’heure actuelle, on dit « asseyez-vous, écoutez et vous pourrez peut-être dire quelque chose » […] c’est un rôle que le Canada pourrait jouer — il ne peut le faire seul, mais il peut poursuivre la discussion sur la façon de faire participer au Conseil de l’Arctique des pays qui ne sont pas situés dans la région de l’Arctique[242]. »

La gestion des pêches

Une autre question que les États du Conseil de l’Arctique devront probablement aborder dans un proche avenir est la gestion des pêches. Le Comité a appris que, comme la glace de mer continue de diminuer, la pêche commerciale pourrait commencer dans le centre de l’océan Arctique, où la haute mer ne fait partie de la zone économique exclusive (ZEE) d’aucun pays. Étant donné la surpêche généralisée dans le monde — d’après l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, 57 % des stocks mondiaux de poisson sont pleinement exploités et 30 % sont surexploités[243] — quelques témoins ont soutenu qu’il faudrait établir une organisation régionale des pêches pour le centre de l’océan Arctique.

M. Manicom a déclaré au Comité que l’un des enjeux qui explique l’intérêt des États de l’Asie de l’Est pour l’Arctique est la pêche commerciale. Il a fait remarquer que :

[L]a Chine, le Japon et la Corée du Sud] sont des chefs de file mondiaux en pêcherie hauturière, avec l’UE et les États-Unis, et la demande de produits du poisson est très élevée dans ces États. De plus, leur industrie nationale de la pêche affiche une capacité excédentaire considérable, surtout en Chine, et l’ouverture de nouvelles régions de pêche dans l’Arctique les intéresse manifestement[244].

Reliant la pêche commerciale à la politique étrangère canadienne, M. Manicom a fait valoir qu’il faudra régler quelques problèmes avant que la pêche commerciale devienne un facteur important dans l’Arctique. Il a déclaré : « D’après ce que je comprends, les pêches non réglementées dans l’Arctique ne différeraient pas des autres pêches dans le monde, c’est-à-dire que le poisson sera pêché à outrance au point de disparaître si l’on ne prend pas les règlements appropriés[245]. »

Le professeur Byers a déclaré au Comité que l’établissement d’un mécanisme régional de gestion des pêches dans l’Arctique revêtirait une importance particulière pour des États tels que le Canada, puisque les efforts déployés par ce dernier pour établir une pêche responsable dans la ZEE de 200 milles nautiques pourraient être anéantis si la pêche commerciale non réglementée dans le centre de l’océan Arctique menace les stocks chevauchants qui entrent et sortent des eaux canadiennes. Il a expliqué : « Si j’ai bien compris, les Américains cherchaient des partenaires pour cette initiative et ont collaboré étroitement avec la Russie mais, pour une raison que j’ignore, le Canada n’est pas dans le coup. Je ne pense pas que nous nous opposerions à une telle chose mais, si l’on parle de faire preuve de leadership, c’est précisément là qu’il faut le faire[246]. » Donnant l’exemple actuel d’un autre mécanisme de ce genre, l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO), le professeur Byers a déclaré au Comité :

L’avantage de tels arrangements est que les quotas sont établis sur une base scientifique, en appliquant le principe de précaution, et au moyen de négociations, évidemment. Par ailleurs, de telles organisations sont ouvertes à des États extérieurs à la région. Ainsi, la Chine participe à plusieurs organisations régionales de la pêche, ce qui permet de faire face dans ce contexte aux problèmes de la pêche à longue distance, dans une certaine mesure. Cette pratique exemplaire que nous avons apprise ailleurs dans le monde peut facilement être transférée dans l’Arctique[247].

Le professeur McRae — qui a été négociateur en chef du Canada dans le différend avec les États-Unis sur le saumon du Pacifique — a convenu de l’importance de la gestion des pêches dans l’Arctique. Il a cependant soutenu que le Canada a eu une « mauvaise expérience » avec l’OPANO, qui, selon lui, reflète les difficultés assez typiques des organisations régionales de la pêche pour ce qui est de faire appliquer leurs règles. À son avis :

Très franchement, l’OPANO n’est pas une organisation atypique de gestion régionale de la pêche. L’un des gros problèmes des organisations régionales de la pêche est que la plupart n’ont pas de système exécutoire pour fixer des totaux autorisés de capture ou attribuer des quotas. À l’OPANO, il y a un système d’objection grâce auquel l’Union européenne, pendant de nombreuses années, a simplement déclaré qu’elle n’approuvait pas les quotas établis scientifiquement et qu’elle fixerait ses propres quotas. […]
Je pense que, si nous voulons mettre sur pied un régime de pêche dans l’Arctique, nous devons être très prudents et veiller à ne pas simplement reproduire les régimes existants de gestion de la pêche qui ne permettent pas de garantir que chacun respecte les quotas. […]
Si une nouvelle région devient accessible, des navires de pêche très puissants seront enregistrés sous pavillon de complaisance et seront pilotés par des anciens capitaines de la marine russe extrêmement compétents et sachant très bien pratiquer la pêche dans le Grand Nord.
Il sera alors très difficile d’exercer une bonne gestion. C’est un gros problème, mais il est essentiel de bien le résoudre si l’on ne veut pas voir réapparaître ce qui s’est fait dans d’autres régions du monde[248].

Compte tenu de tous ces défis et de tous ces problèmes de gestion, le professeur Byers a fait valoir qu’il faut envisager immédiatement la négociation et la création d’un système régional de gestion des pêches dans l’Arctique « avant que commence la pêche commerciale ». Il a prévenu que, « si nous laissons passer cette occasion, il se peut fort bien que des chalutiers à grand rayon d’action soient déjà sur place dans les deux prochaines années. À ce moment-là, ce projet fera l’objet d’une très forte opposition[249]. »

Les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans étaient plus prudents dans leurs prédictions sur la pêche dans l’océan Arctique central et les interventions stratégiques nécessaires en prévision de ces activités. Renée Sauvé, directrice, Marine globale et affaires du Nord, au Bureau des enjeux mondiaux du ministère, a déclaré que ce sujet a été abordé lorsque les ministres des Affaires étrangères des cinq États côtiers de l’océan Arctique se sont réunis à Québec en 2010 pour discuter de préoccupations communes. Les fonctionnaires ont continué depuis d’en discuter de manière officieuse. Elle a déclaré au Comité :

Il y a encore de l’incertitude en ce qui a trait à la répartition et à l’abondance des espèces de poisson, à la colonisation du Nord par ces espèces et aux répercussions sur les écosystèmes. En outre, les effets des changements climatiques et de l’acidification de l’océan sur l’océanographie et la productivité initiale de l’océan Arctique sont inconnus. Nous avons également besoin de mieux comprendre l’incidence sur les écosystèmes marins de l’Arctique d’autres activités comme le transport maritime, le tourisme maritime et l’exploitation pétrolière et gazière[250].

Mme Sauvé a affirmé que le Canada n’a pas de position officielle sur les appels des États-Unis à un moratoire sur la pêche commerciale dans le centre de l’océan Arctique jusqu’à ce qu’un accord de gestion des pêches soit conclu et qu’un organisme international de gestion des pêches soit établi dans la région. Elle a déclaré au Comité qu’« on doit se pencher de façon plus approfondie sur la question de l’instauration d’un organisme régional de gestion des pêches ou de la conclusion d’un accord visant l’océan Arctique ». De plus, selon le ministère, « il n’y a toujours aucun consensus sur la nécessité d’établir un tel organisme[251] ». Elle a évoqué l’existence d’un cadre juridique international qui s’applique au centre de l’océan Arctique, notamment des conventions relatives à la gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs. Elle a indiqué également que le Conseil de l’Arctique ne possède pas actuellement de mandat en matière de gestion des pêches. Soulignant la nécessité de recueillir de plus amples renseignements, afin de comprendre l’état actuel des ressources et d’établir des scénarios, elle a déclaré :

Les États côtiers ont indiqué qu’ils reconnaissaient les responsabilités et les défis extraordinaires dont s’assortit le développement futur de l’océan Arctique. Les discussions officieuses menées à ce jour permettent de croire que le renforcement de la collaboration en matière de recherches sur l’Arctique et de gouvernance d’éventuelles pêches commerciales dans l’Arctique constitue un objectif commun[252].

David VanderZwaag, professeur de droit de l’Université Dalhousie, a indiqué que les États du Conseil de l’Arctique devraient approfondir la question de la gestion du centre de l’océan Arctique, une région de quelque 2,8 millions de kilomètres carrés qui, comme indiqué, ne relève d’aucune compétence nationale. Même si la Convention sur le droit de la mer s’y applique en haute mer et que ce n’est donc pas une région sans lois, la région est très peu gérée. Selon le professeur VanderZwaag, les États du Conseil de l’Arctique doivent répondre à une question plus fondamentale : « Quel avenir envisagent les États de l’Arctique : la commercialisation, la conservation ou un mélange des deux[253]? »

La prévention et l’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures

Les déversements d’hydrocarbures dans l’Arctique, en particulier s’ils survenaient dans des eaux encombrées de glaces, pourraient être dévastateurs pour l’écologie sensible et les habitants de la région. Quelques témoins ont discuté du besoin de se protéger contre le risque accru de déversements provenant de navires ou de plates-formes en mer. Jody Thomas, sous-commissaire, Opérations, Garde côtière canadienne, a déclaré au Comité :

La mise en valeur des ressources du Nord constitue un secteur en croissance rapide, l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière en mer ainsi que le forage en haute mer offrant des débouchés majeurs. Dans la mesure où l’exploration s’accroît, nous pouvons et devrions nous attendre à voir des navires plus gros et une circulation accrue dans une zone dont les cartes marines et les levés marins sont moins élaborés qu’au sud. Le risque d’incidents de pollution par les hydrocarbures augmentera[254].

Elle a expliqué que les déversements liés à l’approvisionnement en carburant des collectivités sont actuellement le plus grand risque dans l’Arctique canadien. Ed Zebedee, du gouvernement du Nunavut, a déclaré que « le ravitaillement annuel par mer étant essentiel à la survie de toutes les localités du Nunavut, l’absence d’installations portuaires appropriées présente un risque additionnel. Les hydrocarbures doivent être pompés jusqu’à la rive au moyen de jetées flottantes, d’où un risque accru de déversement en mer[255]. »

Mme Thomas a déclaré au Comité que plus de 20 caches d’équipement d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures sont déjà positionnées dans l’Arctique canadien et que trois grands modules d’équipement transportable rapidement sont également disponibles pour intervenir en cas de déversement majeur. Mais, s’il existe quatre organismes d’intervention agréés par Transports Canada au sud du 60e parallèle, il n’y en a pas au nord du 60e parallèle. Mme Thomas a précisé que « c’est la Garde côtière canadienne, l’industrie et des volontaires des collectivités qui forment la force d’intervention d’urgence en cas de pollution par les bateaux ou de source inconnue dans les eaux arctiques ». Au sujet des capacités de préparation et d’intervention en place, elle a indiqué :

L’idée, face à une pollution marine, c’est que, peu importe où elle a lieu au Canada, les actifs sont acheminés. S’il devait y avoir un déversement majeur n’importe où au pays, y compris dans l’Arctique, tout le matériel nécessaire à l’intervention y serait acheminé, peu importe où il se trouve. Nous avons aussi une entente bilatérale avec les États-Unis; nous compterions sur eux et leur équipement pour nous venir en aide[256].

La conscience du danger accru de déversement transnational a également provoqué une réaction au niveau régional. En 2011, les hauts représentants de l’Arctique ont indiqué aux ministres :

Au cours des prochaines décennies, il y aura probablement dans l’Arctique une intensification du transport maritime et des efforts en vue d’exploiter les ressources naturelles de la région. Cette activité accentuera le risque potentiel pour la vie humaine et l’environnement arctique. Des catastrophes récentes telles que le naufrage du M/S EXPLORER dans les eaux arctiques en 2007 et le déversement d’hydrocarbures sur la plate-forme Deepwater Horizon en 2010 dans le golfe du Mexique mettent en évidence ces dangers[257].

De fait, le déversement de la plate-forme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique a fourni un exemple éloquent aux décideurs de l’Arctique des problèmes logistiques, technologiques, financiers et autres qui peuvent se poser lorsque survient un important déversement d’hydrocarbures dans des eaux relativement calmes et faciles d’accès pour les navires et le personnel du gouvernement américain et de l’industrie. La situation serait bien différente dans les vastes régions éloignées de l’Arctique, qui se caractérisent par une météo imprévisible, des eaux périlleuses et des ressources maritimes limitées.

Les ministres du Conseil de l’Arctique se sont entendus pour établir un groupe de travail chargé d’élaborer un instrument international sur l’intervention en cas de pollution maritime de l’Arctique et la préparation à ce genre d’incident. Les négociations sont terminées et le projet d’entente sera examiné à la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique en mai 2013. Mme Thomas a expliqué l’objectif général de l’entente, qui consiste à « renforcer la collaboration et la coordination entre États de l’Arctique lorsqu’il y a déversement d’hydrocarbures d’une telle ampleur qu’un pays ne pourrait intervenir seul[258] ». Jacqueline Gonçalves, de la Garde côtière canadienne, qui a dirigé l’équipe de négociation canadienne de cet instrument, a déclaré au Comité que « c’est très pointu et vise en fait les opérations ». Elle a poursuivi :

Des composantes précises du traité concernent essentiellement le cycle de vie d’un incident de ce genre. Par exemple, un pays réalise qu’il y a eu déversement d’hydrocarbures: que fait-il pour en informer les autres; quelle forme prend la participation de chacun; comment faire appel à autrui pour qu’il nous aide à ramasser le pétrole; quel est le mode de transmission des meilleures pratiques; comment s’exercer et se former? Ce sont en fait des éléments qui forment une procédure commune, pour que nous n’en discutions pas alors que nous sommes en pleine tourmente en raison d’un incident[259].

John Crump a déclaré au Comité qu’en janvier 2013, quelques ONG participant au forum des ONG de l’Arctique ont envoyé une lettre aux hauts représentants de l’Arctique pour encourager les États du Conseil de l’Arctique à « adopter un processus qui permettrait de poursuivre les travaux entrepris dans le cadre de cet accord et de combler les lacunes[260] ».

Le professeur Byers a soutenu que le Canada et les autres États arctiques devraient, en plus de s’entendre sur les mesures à prendre pour intervenir en cas de déversements, collaborer également à l’échelle régionale pour prévenir les déversements. Conscient des conditions difficiles et des risques dans la région, il a fait valoir que le Canada et les autres États devraient relever collectivement les normes de sécurité relatives aux activités dans l’Arctique par la voie d’un nouveau traité, et prendre des mesures pour qu’il n’y a pas de « course vers le plus bas dénominateur commun » dans la réglementation nationale qui s’applique dans la région. Il a affirmé :

[I]l existe des preuves croissantes, notamment dans l’Arctique, que les grandes compagnies pétrolières souhaitent avoir un degré élevé de réglementation et de sécurité, car elles ont vu ce qui est arrivé à BP. Elles ont vu les conséquences pour cette société, et nous avons vu ce qui est arrivé l’été dernier au Canada. Nous avons ouvert jusqu’à cinq nouveaux blocs à bail dans la mer de Beaufort et aucune des grandes compagnies n’a fait d’offre. Ces dernières années, les majeures ont tourné leur attention vers des pays comme la Russie, la Norvège et le Groenland, peut-être parce que le Canada a pris du retard sur l’adoption de normes rigoureuses.
Faisons donc preuve d’initiative et de leadership en rehaussant collectivement nos normes avec les autres États de l’Arctique[261].

Si le Conseil de l’Arctique a pour vocation de s’occuper de questions qui ne peuvent pas ou ne devraient pas être gérées par un État en particulier, il semble que les mesures et politiques nécessaires pour prévenir les déversements d’hydrocarbures et intervenir lors de tels incidents font partie de ces questions. Même si les gouvernements nationaux doivent mettre en place les mesures et les lois nécessaires pour prévenir des déversements dans leurs eaux, la géographie de la région, les risques qu’un grand déversement puisse dépasser les ressources d’un État en particulier, et les conséquences qui pourraient en découler pour différents États arctiques en cas de déversement sur le territoire qui relève de la compétence de l’un d’entre eux sont autant de motifs qui justifient une intervention régionale concertée.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Depuis 20 ans, la coopération régionale dans l’Arctique constitue un élément important de la politique étrangère canadienne. Au moment où le Canada assume la présidence tournante ce cette organisation clé dans l’Arctique, il a l’occasion de faire fond sur ces réalisations et de faire avancer plusieurs dossiers stratégiques. Cependant, outre les chantiers d’envergure régionale prioritaires qui, de l’avis du Comité, devraient occuper le devant de la scène durant les deux années du mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, d’autres questions importantes qui touchent le Nord du pays devraient mobiliser l’attention du Canada, ce qu’ont fait valoir les témoins. Il importe en effet que le Canada assure la prospérité de ses collectivités du Nord pour asseoir sa politique étrangère pour l’Arctique. Comme en fait état le présent rapport, de nombreux domaines de la politique intérieure et étrangère du Canada pour l’Arctique devraient être considérés comme les deux faces de la même médaille. C’est le cas, par exemple, des investissements dans les infrastructures, qui sont autant nécessaires pour permettre aux collectivités du Nord de saisir les importantes possibilités de développement économique qui existent que pour permettre au Canada de surveiller et de faire respecter son autorité dans le domaine du trafic maritime et de participer à des opérations de recherche et sauvetage sur son territoire et dans ses eaux arctiques. Un autre exemple serait les mesures à adopter relativement aux agents de forçage climatique à courte durée de vie, qui peuvent être bénéfiques pour la santé des humains et l’environnement au Canada et dans l’ensemble de la région circumpolaire, en favorisant le développement durable chez nous et ailleurs.

Le Canada devrait donc considérer sa politique étrangère pour l’Arctique comme un processus qui s’applique à trois niveaux. En effet, il faut prendre des mesures au niveau national, en tenant compte des priorités énoncées par le gouvernement en 2009 dans la Stratégie pour le nord du Canada, dans le cadre des travaux régionaux du Conseil de l’Arctique, et sur la scène multilatérale. Les recommandations du Comité portent sur les priorités et les mesures nécessaires à ces trois niveaux, afin de contribuer à une stratégie canadienne exhaustive pour l’Arctique durant la présidence canadienne, de 2013 à 2015 et au-delà. Dans l’ensemble, le Comité a conclu à l’issue de son étude que l’Arctique canadien a un grand potentiel de croissance économique, qui doit s’appuyer sur le développement économique durable et l’innovation et mettre l’accent sur la résilience des collectivités. Il lui est apparu également clair, à la lumière des témoignages, que des changements spectaculaires sont en cours dans l’Arctique. De fait, le changement constitue probablement la caractéristique déterminante de la région actuellement. Selon ce que le Comité a entendu, des forces environnementales et économiques mondiales sont en train d’ouvrir la région, et cette réalité crée à la fois des possibilités et des défis. Ce sont évidemment les défis que les gouvernements doivent gérer. À la présidence du Conseil de l’Arctique, le Canada sera en mesure de mettre de l’avant un programme d’action centré sur cet objectif. Compte tenu de ces conclusions générales, le Comité présente les recommandations suivantes au gouvernement du Canada.

Présidence du Canada au Conseil de l’Arctique, 2013–2015

Le rôle, la vision et la structure du Conseil de l’Arctique

  1. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada encourage le Conseil à redoubler d’efforts pour que les États membres et les participants permanents se communiquent entre eux leurs pratiques exemplaires, leurs connaissances et leurs expériences relatives au développement économique durable, aux affaires et à la création d’emplois, et à la résilience des collectivités.
  2. À l’appui de ce travail, le Comité recommande en outre que le gouvernement du Canada encourage les États arctiques à établir un conseil commercial circumpolaire qui serait chargé de collaborer avec le Conseil de l’Arctique.
  3. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada continue ses discussions avec les États membres et les observateurs permanents du Conseil de l’Arctique pour trouver des solutions aux problèmes de capacité et de financement des participants permanents du Conseil.
  4. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada appuie uniquement les demandes de statut d’observateur permanent au Conseil de l’Arctique lorsque ces dernières satisfont aux critères établis à la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique en 2011, qui comportent la conformité à tous les principes fondamentaux suivants :
  • Le demandeur accepte et appuie les objectifs du Conseil de l’Arctique.
  • Il reconnaît la souveraineté nationale, les droits souverains et les compétences nationales dans l’Arctique.
  • Il reconnaît qu’un vaste cadre législatif s’applique à l’océan Arctique, notamment le droit de la mer.
  • Il respecte et a démontré la volonté politique et l’engagement financier en vue de contribuer aux travaux des participants permanents du Conseil de l’Arctique.
  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada poursuive sa coopération avec les États-Unis au sujet des grandes initiatives en cours et proposées pour le Conseil de l’Arctique, dans le but d’accroître la cohérence des mandats successifs des pays à la présidence du Conseil de l’Arctique.

La gestion des eaux arctiques

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada appuie la finalisation d’un Code polaire rigoureux et exécutoire sous l’égide de l'Organisation maritime internationale; en même temps, que le gouvernement du Canada mène des travaux par la voie du Conseil de l’Arctique sur des normes et des règlements communs sur le transport maritime, pour assurer la sécurité maritime et la protection de l’environnement dans l’Arctique.
  2. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada facilite les discussions au sein du Conseil concernant l’adoption de lignes directrices sur le tourisme dans la région, et plus particulièrement le tourisme de croisière.

Gestion des pêches

  1. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada entame des pourparlers au sein du Conseil afin de définir une vision commune de la manière dont les pêches et les stocks de poissons devraient être gérés et réglementés dans le centre de l’océan Arctique.

Protection de l’environnement

  1. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada encourage la négociation d’un instrument sur la réduction des agents de forçage climatique à courte durée de vie dans l’Arctique, en mettant l’accent plus particulièrement sur le carbone noir.
  2. Le Comité recommande que, pendant le mandat du Canada à la présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada encourage les travaux au sein du Conseil portant sur la prévention des déversements d’hydrocarbures dans la région, dans le cadre des travaux en cours au Conseil sur l’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures et la préparation à ce type d’incidents.

Politique du Canada pour l’Arctique

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada axe sa politique intérieure pour l’Arctique sur une approche qui facilite le développement économique durable et la prospérité et renforce la résilience et la viabilité des collectivités. Une telle approche doit être mise en œuvre en étroit partenariat avec les Canadiens du Nord en reconnaissant les circonstances, aspirations et préoccupations particulières des peuples autochtones de l’Arctique canadien, de même que le contexte des revendications territoriales établies et du transfert des responsabilités aux territoires.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de concentrer ses investissements dans l’infrastructure maritime de l’Arctique canadien.
  3. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada vérifie s’il est en mesure de mettre en œuvre les dispositions de l’accord de 2011 des États de l’Arctique sur les opérations de recherche et de sauvetage.
  4. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de financer la recherche scientifique afin d’améliorer l’état des connaissances sur les changements environnementaux en cours dans l’Arctique et d’éclairer ainsi les décisions à prendre en réponse à ces changements, et qu’il travaille étroitement avec les autres États arctiques et les États non arctiques dans le domaine de la science arctique internationale.

[1]              Conseil de l’Arctique, « Permanent Participants ».

[2]              Arctic Human Development Report, Programme de développement des Nations Unies, 2004, p. 29.

[3]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international [FAAE], Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 novembre 2012.

[4]              FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[5]              FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[7]              Ibid.

[8]              FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[9]              FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[10]           Voir Déclaration sur la création du Conseil de l’Arctique (Déclaration d’Ottawa), affiché sur la site d’Affaires étrangères et Commerce international Canada.

[11]           Voir Conseil de l’Arctique, Working Groups.

[12]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[13]           FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[14]           Ibid.

[15]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[16]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[17]           Ibid.

[18]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[19]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[20]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[21]           Ibid.

[22]           FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[23]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[24]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[25]           Nations Unies, Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Listes chronologiques arrêtées au 23 janvier 2013, des ratifications, adhésions et déclarations de succession concernant la Convention et les accords connexes. Les États-Unis sont le seul membre du Conseil de l’Arctique à ne pas avoir ratifié la Convention.

[26]           Nations Unies, Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, article 19(2).

[27]           Ibid., article 20.

[28]           Ibid., article 56 (1).

[29]           Ibid., article 76.

[30]           Ibid., article 77.

[31]           Ibid.

[32]           Ibid.

[33]           Ibid., article 81.

[34]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[36]           Ibid.

[37]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012. Aux termes de l’Article 82 de la Convention, les États côtiers doivent acquitter des contributions annuelles au titre de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de la limite de 200 milles marins « pour l'ensemble de la production d'un site d'exploitation donné, après les cinq premières années d'exploitation de ce site. La sixième année, le taux de contribution est de 1 p. 100 de la valeur ou du volume de la production du site d'exploitation. Ce taux augmente ensuite d'un point de pourcentage par an jusqu'à la douzième année, à partir de laquelle il reste 7 p. 100 ». Les contributions s’effectuent par le canal de l’Autorité internationale des fonds marins « selon des critères de partage équitables, compte tenu des intérêts et besoins des États en développement, en particulier des États en développement les moins avancés ou sans littoral ».

[38]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[39]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[40]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[41]           Voir Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, article 87.

[42]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[44]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[45]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[46]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012. En effet, selon l’énoncé de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique, « la souveraineté du Canada dans l’Arctique est bien établie et de longue date. Elle repose sur un titre historique, lui-même fondé en partie sur la présence d’Inuits et d’autres peuples autochtones, qui remonte à des temps immémoriaux ».

[47]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[48]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[49]           Sous son Article 38, la Convention stipule que « tous les navires et aéronefs jouissent du droit de passage en transit sans entrave » dans les « détroits qui servent à la navigation internationale ».

[50]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[51]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[52]           Ibid.

[53]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[54]           Ibid.

[55]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[56]           Ibid.

[57]           Ibid.

[58]           FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[59]           Ibid.

[60]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[61]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[62]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[63]           Affaires étrangères et Commerce international Canada, « Le Canada et le Royaume du Danemark concluent un accord de principe sur la frontière dans la mer de Lincoln », communiqué, 28 novembre 2012.

[64]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[66]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[67]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[68]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[69]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[70]           FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[71]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[72]           FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[73]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[74]           FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[75]           FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[76]           Ibid.

[77]           Ibid.

[78]           FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[79]           FAAE, Témoignages, 5 février 2013.

[80]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[81]           FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[82]           Ibid.

[83]           FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[84]           Ibid.

[85]           Ibid.

[86]           Voir Conseil de l’Arctique, Arctic Climate Impact Assessment Policy Document, diffusé par la Quatrième assemblée du Conseil ministériel de l'Arctique, Reykjavik, 24 novembre 2004.

[87]           FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[88]           FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[89]           FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[90]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[91]           FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[92]           FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[93]           Ibid.

[94]           FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[95]           FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[96]           FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[97]           FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[98]           FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[99]           Le carbone noir est émis à partir d’autres sources comme les cuisinières traditionnelles, les feux de forêt, le brûlage à ciel ouvert des déchets agricoles et certaines installations industrielles. Voir l’explication donnée sur le site Web de la Coalition pour le climat et l'air pur sous Polluants de courte durée de vie.

[100]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[101]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[102]         FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[103]         La Coalition a été lancée par le Bangladesh, le Canada, le Ghana, le Mexique, la Suède, les États-Unis et le Programme des Nations Unies pour l’environnement. La Coalition est ouverte aux pays et aux acteurs non étatiques qui sont déterminés à lutter contre les polluants climatiques de courte durée de vie et souhaitent participer à cet effort mondial. Les premiers travaux du groupe portent sur le méthane, le carbone noir et les hydrofluorocarbures. Ses objectifs sont de sensibiliser l’opinion, d’améliorer et de développer de nouvelles actions nationales et régionales, de promouvoir les pratiques exemplaires et de faire progresser la compréhension scientifique des polluants climatiques à courte durée de vie et des stratégies d’atténuation. Voir Coalition pour le climat et l'air pur, À propos. Un an après son lancement, la Coalition compte une cinquantaine de membres. Voir Coalition pour le climat et l’air pur, « Coalition pour le climat et l’air pur fête son premier anniversaire », 20 février 2013.

[104]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[105]         Ibid.

[106]         Ibid.

[107]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[108]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[109]         FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[110]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[111]         Ibid.

[112]         National Snow and Ice Data Center, « Press Release: Arctic sea ice reaches lowest extent for the year and the satellite record », 19 septembre 2012. [traduction]

[113]         Organisation météorologique mondiale, WMO Provisional Statement on the State of Global Climate in 2012, 28 novembre 2012. [traduction]

[114]         Ibid.

[115]         Environnement Canada, « La glace de mer de l’Arctique canadien atteint son plus bas niveau durant l’été 2012 ». Pour de plus amples renseignements, voir Environnement Canada, Les records de couverture de glace.

[116]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[117]         Cité dans un article de l’Associated Press, « China’s Snow Dragon icebreaker makes 85-day voyage to become country’s first vessel to cross Arctic Ocean », National Post, 28 septembre 2012. Voir aussi Jon Viglundson et Alister Doyle, « First Chinese ship crosses Arctic Ocean amid record melt », Reuters, 17 août 2012.

[118]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[119]         Matt McGrath, « Gas tanker Ob River attempts first winter Arctic crossing », BBC News, 25 novembre 2012.

[120]         Dans leur étude, les chercheurs « répètent que ces résultats reflètent les conditions pour la haute saison de navigation en fin d’été (septembre) seulement et qu’ils découlent uniquement des réductions prévues de l’épaisseur et de la concentration des glaces. Bien que les glaces de mer représentent actuellement l’obstacle le plus redoutable à la navigation transarctique, de nombreux autres facteurs, dont l’indigence des services et de l’infrastructure, les coûts élevés de l’assurance et des services d’escorte, la réaction des concurrents que sont les canaux de Suez et de Panama, les cartes médiocres et d’autres considérations d’ordre socioéconomique demeurent des entraves non négligeables à l’activité maritime dans la région. » [traduction] Voir Laurence C. Smith et Scott R. Stephenson, « New Trans-Arctic shipping routes navigable by mid-century », in Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America Early Edition, janvier 2013.

[121]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013. Shelagh Grant a dit au Comité que « 34 navires ont traversé la route maritime du Nord », au nord de la Russie, en 2011, la plupart étant des cargos transportant du pétrole ou du gaz naturel liquéfié, d’autres vraquiers, des navires frigorifiques transportant du saumon ou des navires de recherche. Mémoire de Shelagh Grant remis au greffier du Comité, 29 novembre 2012.

[122]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[123]         Ibid.

[124]         Ibid.

[125]         La Russie a la flotte de grands brise-glaces la plus importante, et de loin, de tous les pays de l’Arctique : 36 bâtiments, dont six à propulsion nucléaire. Voir John Higginbotham, Andrea Charron et James Manicom, « Canada-US Arctic Marine Corridors and Resource Development », Policy Brief, no 24, Centre for International Governance Innovation, novembre 2012, p. 5.

[126]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[127]         Ibid.

[128]         Ibid.

[129]         Ibid.

[130]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[131]         Voir la Presse canadienne, « Iron miner seeks delay on railway and port for Baffin Island project amid financing squeeze », Financial Post, 11 janvier 2013; Pav Jordan, « Baffinland sees silver lining in scaling back Mary River project », The Globe and Mail, 25 janvier 2013.

[132]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[133]         FAAE, Témoignages, 5 février 2013.

[134]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[135]         Pour de plus amples renseignements sur les lois et règlements du Canada régissant les transports qui s’appliquent dans l’Arctique, voir Transports Canada, Lois et règlements – Mandat législatif actuel.

[136]         Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, L.R.C., 1985, ch. A-12.

[137]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[138]         Voir Organisation maritime internationale (OMI), Frequently Asked Questions.

[139]         OMI, « Shipping in polar waters ».[traduction]

[140]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[141]         OMI, Directives pour les navires exploités dans les eaux polaires, Résolution A.1024(26) adoptée le 2 décembre 2009, Assemblée, 26e session.

[142]         Ibid.

[143]         FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[144]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013. Témoignage de Laureen Kinney, de Transports Canada.

[145]         Ibid.

[146]         Ibid.

[147]         Ibid.

[148]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[149]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[150]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[151]         Ibid.

[152]         Ibid.

[153]         FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[154]         Voir, par exemple, John Higginbotham, Andrea Charron et James Manicom, « Canada-US Arctic Marine Corridors and Resource Development », Policy Brief, no 24, Centre for International Governance Innovation, novembre 2012.

[155]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[156]         Ibid.

[157]         Ibid.

[158]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013, David Hik et David VanderZwaag.

[159]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[160]         Le règlement exécutoire NORDREG s’applique depuis 2010 aux grands bâtiments d’une jauge brute de 300 ou plus, à ceux qui remorquent ou poussent un autre bâtiment lorsque les jauges brutes combinées des bâtiments sont de 500 ou plus, à ceux qui transportent, comme cargaison, un polluant ou des marchandises dangereuses et à ceux qui remorquent ou poussent un autre bâtiment transportant, comme cargaison, un polluant ou des marchandises dangereuses. Dans la zone d’application du NORDREG, la Garde côtière canadienne surveille les déplacements des navires, aide « au contrôle des navires pour en vérifier la sécurité et les mesures de protection environnementale », « établit un lien de communication avec les navires pour intervenir en cas d’urgence, surveille les marchandises dangereuses et les polluants transportés », fournit « de l’information à jour sur la navigation dans les glaces et les conditions de celles-ci », facilite « les services de déglaçage » et émet « des avis sur la sécurité de la navigation ». Voir Transports Canada, Le gouvernement du Canada prend des mesures pour protéger les eaux arctiques du Canada, no H078/10, 22 juin 2010.

[161]         Les bâtiments doivent également signaler toute déviation par rapport au plan de route communiqué et produire des comptes rendus de position si le capitaine est au courant de l’une des situations suivantes : un autre bâtiment est en difficulté; il y a un obstacle à la navigation; une aide à la navigation ne fonctionne pas de manière appropriée, est endommagée, n’est plus à sa position ou est manquante; les conditions de glace ou les conditions météorologiques compromettent la sécurité de la navigation; un polluant est présent dans l’eau. Voir Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien, DORS/2010-127, à jour 2013-03-04.

[162]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012. Laureen Kinney a dit au Comité que son ministère examinerait la technologie du NORDREG pour voir s’il y a lieu de la « mettre à jour, peut-être ». Voir FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[163]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[164]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[165]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[166]         Ibid.

[167]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[168]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[170]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[171]         Ibid.

[172]         Ibid.

[173]         Ibid.

[174]         FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[175]         FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[176]         Ibid.

[177]         Ibid. Le secteur unique et très prisé des arts au Nunavut, qui occuperait 10 % de la population, est une autre facette du potentiel économique du Nord. Des représentants de l’Association des artistes et des artisans du Nunavut ont expliqué au Comité que l’art inuit a joué et continue de jouer un rôle important dans l’économie de ce territoire et fait valoir qu’un soutien plus important aiderait à élargir encore le marché à l’étranger et au Canada. Voir FAAE, Témoignages, 26 mars 2013.

[178]         FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[179]         FAAE, Témoignages, 26 mars 2013.

[180]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[181]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[182]          Ibid.

[183]         Ibid.

[184]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[185]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[186]         Ibid.

[187]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[188]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013. Témoignage de Kells Boland.

[189]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[190]         FAAE, Témoignages, 5 février 2013.

[191]         Ibid.

[192]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[193]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[194]         Ibid.

[195]         Ibid.

[196]         FAAE, Témoignages, 5 février 2013.

[197]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[198]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[199]         Ibid.

[200]         Ibid.

[201]         FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[202]         Ibid.

[203]         Ibid.

[204]         Ibid.

[205]         UArctic, About UArctic.

[206]         FAAE, Témoignages, 6 décembre 2012.

[207]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[208]         FAAE, Témoignages, 7 mars 2013.

[209]         Ibid.

[210]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[211]         Ibid.

[212]         Déclaration sur la création du Conseil de l’Arctique, affiché sur le site d’Affaires étrangères et Commerce international Canada.

[213]         Conseil de l’Arctique, « Permanent Participants ».

[214]         Secrétariat des peuples autochtones du Conseil de l’Arctique, About.

[215]         FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[216]         FAAE, Témoignages, 26 mars 2013.

[217]         Senior Arctic Officials (SAO) Report to Ministers, Nuuk (Groenland), mai 2011, p. 49, affiché sur le site du Conseil de l’Arctique, « Main documents from Nuuk Ministerial Meeting ».

[218]         Nuuk Declaration On the occasion of the Seventh Ministerial Meeting of the Arctic Council, 12 mai 2011, Nuuk (Groenland), affiché sur le site du Conseil de l’Arctique, « Declarations: Nuuk Declaration Signed (2011) ». [traduction]

[219]         FAAE, Témoignages, 20 novembre 2012.

[220]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[221]         FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[222]         Ibid.

[223]         Ibid.

[224]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[225]         Ibid.

[226]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[227]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[228]         FAAE, Témoignages, 29 novembre 2012.

[229]         Association russe des populations autochtones du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (ARPAN), Open Letter.

[230]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[231]         Déclaration sur la création du Conseil de l’Arctique, affiché sur le site d’Affaires étrangères et Commerce international Canada.

[232]         Conseil de l’Arctique, « Observers ».

[233]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[234]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[235]         Senior Arctic Officials (SAO) Report to Ministers, Nuuk (Groenland), mai 2011, p. 50. Affiché sur le site du Conseil de l’Arctique, « Main Documents from the Nuuk Ministerial Meeting ». [traduction]

[236]         Ibid.

[237]         Ibid, p. 51.

[238]         FAAE, Témoignages, 22 novembre 2012.

[239]         FAAE, Témoignages, 5 mars 2013.

[240]         Ibid.

[241]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[242]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[243]         Pêches et Océans Canada, La situation de la pêche au niveau mondial.

[244]         FAAE, Témoignages, 11 décembre 2012.

[245]         Ibid.

[246]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.

[247]         Ibid.

[248]         Ibid.

[249]         Ibid.

[250]         FAAE, Témoignages, 21 mars 2013.

[251]         Ibid.

[252]         Ibid. Selon un autre article du New York Times, des pourparlers sur la gestion des pêches dans l’océan Arctique central étaient prévus pour la fin avril 2013 entre la Norvège, le Danemark, le Canada, les États-Unis et la Russie. L’article laisse entendre que les gouvernements des cinq pays bordant l’Arctique ont conclu que la calotte glaciaire fondait maintenant suffisamment pendant l’été pour justifier une entente sur la réglementation des pêches commerciales près du pôle Nord. Voir Andrew E. Kramer, « Accord would Regulate Fishing in Arctic Waters », The New York Times, 16 avril 2013.

[253]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[254]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[255]         FAAE, Témoignages, 26 février 2013.

[256]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[257]         Senior Arctic Officials (SAO) Report to Ministers, Nuuk (Groenland), mai 2011, p. 6. Ce document est affiché sur le site du Conseil de l’Arctique, « Main Documents from the Nuuk Ministerial Meeting ». [traduction]

[258]         FAAE, Témoignages, 28 février 2013.

[259]         Ibid.

[260]         FAAE, Témoignages, 19 mars 2013.

[261]         FAAE, Témoignages, 27 novembre 2012.