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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE 2 — OPÉRATIONS FINANCIÈRES SUSPECTES ET PLANIFICATION FISCALE ABUSIVE

Les témoins du Comité ont fait diverses observations sur les opérations financières suspectes et la planification fiscale abusive. Ils ont parlé, notamment de l’activité criminelle, des comptes extérieurs et des centres financiers extraterritoriaux ainsi que des stratégies de planification fiscale abusive auxquelles recourent les entreprises.

A. Activité criminelle

Certains de nos témoins croient que c’est en partie à cause d’une planification fiscale abusive qui se distingue à peine de l’activité criminelle qu’on s’est intéressé aux revenus de source étrangère et au respect des obligations fiscales. À propos des techniques de planification fiscale abusive du secteur bancaire, l’OCDE a déclaré que des banques étrangères recrutaient clandestinement des clients aux États-Unis tandis qu’un fonctionnaire du ministère des Finances a fait état des obligations que le gouvernement compte imposer aux promoteurs de stratagèmes de planification fiscale abusive, obligations avec lesquelles Arthur Cockfield s’est dit d’accord.

Un représentant de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a déclaré que, comme les criminels et les organisations criminelles peuvent utiliser le même système financier que les autres, les enquêteurs avaient du mal à distinguer entre les activités légitimes et les activités illégitimes. Par exemple, les organisations criminelles exploitent des entreprises apparemment légitimes afin de pouvoir mêler le produit de leurs activités criminelles à leurs « revenus légitimes ».

Accountability Research Corporation a souligné avec quelle facilité un particulier, une société ou une fiducie résidant au Canada pouvait transférer des revenus gagnés au Canada à l’étranger ou les investir dans des instruments financiers étrangers qui ne sont pas déclarés au Canada, d’où la difficulté pour la police et le fisc canadiens de retracer leur origine et leur destination. En outre, à cause du secret professionnel qui lie les avocats à leurs clients, les comptes de fiducie d’avocat servent souvent à blanchir le produit d’activités illégitimes.

Global Financial Integrity a informé le Comité qu’en interdisant la divulgation du propriétaire bénéficiaire d’un compte ou d’une société, les pays du secret minaient les efforts des pays développés en matière d’aide étrangère puisqu’ils facilitent le transfert des fonds d’aide étrangère à des comptes extérieurs. Selon Walid Hejazi, il est difficile de savoir si une société étrangère appartient à un Canadien puisque des résidents canadiens peuvent créer dans un centre financier extraterritorial une société ou une banque privée et gérer des actifs par leur entremise.

B. Comptes bancaires étrangers et centres financiers extraterritoriaux

Bien qu’il ne soit pas illégal d’avoir un compte bancaire à l’étranger, plusieurs de nos témoins ont fait état de raisons aussi bien légitimes qu’illégitimes de le faire. Stephen Jarislowsky, un conseiller en placements chez Jarislowsky Fraser Limited qui témoignait à titre personnel, a déclaré que les faibles rendements du capital investi et les taux d’imposition élevés sur les revenus de placement poussaient les gens à recourir à des comptes extérieurs. Arthur Cockfield a contré cette affirmation en observant que le taux d’observation fiscale canadien compte parmi les plus élevés au monde. Il a convenu toutefois que l’évasion fiscale à l’égard des revenus de source étrangère était en hausse et soutenu que la mondialisation des services financiers contribuait à l’évasion fiscale du fait qu’il est relativement facile de cacher certaines opérations intérieures au fisc canadien en recourant à des comptes extérieurs et à des cartes de crédit émises à l’étranger. Accountability Research Corporation a cité des raisons d’ouvrir un compte extérieur qui n’ont rien à voir avec l’évasion fiscale puisqu’on peut vouloir, entre autres soutenir financièrement un dictateur, cacher le produit d’activités illégales comme la fraude en valeurs mobilières ou les combines à la Ponzi ou encore mettre des actifs à l’abri de créanciers.

Certains témoins ont expliqué par la mondialisation le recours accru par les contribuables canadiens aux paradis fiscaux et aux centres financiers extraterritoriaux. Walid Hejazi a souligné que les Canadiens investissaient à l’étranger plus que les étrangers investissent au Canada et soutenu que 20 % des investissements directs étrangers des Canadiens se faisaient par l’entremise d’un centre financier extraterritorial. Selon Stephen Jarislowsky, la valeur relativement élevée du dollar canadien incite les entreprises canadiennes à investir dans des centres financiers extraterritoriaux.

Concernant l’échange de renseignements financiers entre succursales bancaires, la Banque HSBC Canada a indiqué que les divisions non canadiennes de HSBC opéraient indépendamment d’elle et qu’elles n’échangeaient pas de renseignements sur les clients. En outre, chaque division respecte la législation du pays où elle opère et la Banque HSBC Canada n’ouvre pas de comptes à l’étranger pour ses clients canadiens; elle les adresse plutôt à la division étrangère de HSBC dans tel ou tel pays.

C. Stratégies de planification fiscale abusive employées par des entreprises

1. Stratégies générales

Certains des témoins du Comité ont parlé du recours des sociétés multinationales à la planification fiscale abusive. Selon Walid Hejazi, elles ouvrent des comptes dans les centres financiers extraterritoriaux pour transférer de l’argent à l’étranger et pratiquent l’évitement fiscal pour rester compétitives avec les sociétés qui font de même. L’OCDE a déclaré que les multinationales recouraient aux paradis fiscaux et aux centres financiers extraterritoriaux à cause de leur réglementation relativement plus souple. Elle a cité l’exemple d’une multinationale américaine qui crée dans un centre financier extraterritorial une société chargée de lui fournir des services d’assurance à elle seulement et à ses filiales américaines et étrangères.

Selon Accountability Research Corporation, les nouvelles Normes internationales d’information financière légitiment la sous-déclaration au fisc des revenus des sociétés cotées en bourse. Elle a précisé que ces normes avaient été adoptées par l’ARC sans débat public et qu’elles avaient été élaborées et approuvées par des organisations vouées à maximiser le retour sur investissement de leurs clients, ce qui risque d’encourager la planification fiscale abusive et de faire perdre de l’argent au fisc.

Brigitte Alepin, une comptable agréée chez Agora Services de Fiscalité Inc. qui témoignait à titre personnel, préconise de distinguer entre les opérations auxquelles les particuliers, les sociétés et les fiducies se livrent dans les paradis fiscaux pour frauder le fisc et les opérations légitimes de planification fiscale auxquelles se livrent les sociétés multinationales dans ces mêmes paradis fiscaux.

Un fonctionnaire du ministère des Finances a noté que le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des premières nations et des textes connexes, contenait des mesures qui limitent le recours aux sociétés d’investissement étrangères, aux fiducies non résidentes et aux générateurs de crédit pour impôt étranger pour éviter et réduire l’impôt sur le revenu au Canada.

2. Déplacement de bénéfices et fixation des prix de cession interne

L’ARC a informé le Comité que le déplacement de bénéfices était pratiqué dans tous les secteurs par des sociétés grandes et petites. Global Financial Integrity a noté que les sociétés multinationales y recouraient pour sous-déclarer les revenus gagnés dans les pays en développement, d’où rétrécissement de leur assiette fiscale. La Halifax Initiative a cité l’exemple de sociétés minières internationales actives en Zambie qui exploitent dans ce pays des filiales non rentables. Pour réduire le déplacement de bénéfices, Global Financial Integrity et la Halifax Initiative préconisent que les sociétés déclarent pays par pays leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices, les impôts qu’elles paient, le nombre de leurs employés, et leurs coûts. Brigitte Alepin et Arthur Cockfield proposent quant à eux de réduire l’évitement fiscal en obligeant les multinationales à communiquer à l’ARC des données ventilées par pays.

Selon l’OCDE, les multinationales transfèrent des investissements et des éléments de propriété intellectuelle à l’étranger à des fins fiscales. Par exemple, une société peut être présente et faire des affaires au Canada, investir dans une filiale européenne et céder des éléments de propriété intellectuelle à une filiale de la Barbade. Les paiements que se versent les filiales pour des biens et des services comme la propriété intellectuelle peuvent servir à déplacer des bénéfices vers des pays à fiscalité nulle ou faible.

Paul Collier nous a dit que certaines multinationales fixaient les prix de cession interne de manière à ne pas avoir d’impôts à payer dans les pays développés comme la Grande-Bretagne, ce qui désavantage les sociétés nationales. Il préconise que les pays du G8 se concertent pour empêcher ces pratiques.

3. Conventions de double imposition

Selon plusieurs de nos témoins, les conventions fiscales bilatérales conçues pour réduire la double imposition des revenus — ou conventions de double imposition — incitent en fait les sociétés canadiennes à pratiquer l’évitement et l’évasion fiscale. Alain Deneault, un chercheur de l’Université du Québec à Montréal qui témoignait à titre personnel, estime que la convention de double imposition Canada–Barbade encourage les multinationales à gonfler leurs prix de cession interne de manière à réduire leur revenu imposable au Canada. L’Association québécoise pour la taxation des transactions financières et pour l'aide aux citoyens a abondé dans ce sens en ajoutant que la convention de double imposition Canada–Barbade permettait le déplacement de bénéfices et rognait les recettes fiscales du Canada.

Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires propose d’abroger les règles permettant aux sociétés des pays qui ont passé une convention fiscale avec le Canada de rapatrier des revenus au Canada en franchise d’impôt. Selon un fonctionnaire du ministère des Finances, cette politique exonère de l’impôt canadien les revenus des filiales étrangères de multinationales canadiennes peu importe le taux d’imposition du pays étranger, ce qui assure la compétitivité du Canada avec les pays qui pratiquent une politique semblable. Gilles Larin estime que le Canada devrait examiner toutes les conventions de double imposition conclues avec des pays à faible fiscalité, réviser les conventions aux dispositions désuètes en matière d’échange de renseignements et abroger les conventions lorsque l’autre partie refuse d’y ajouter des dispositions en matière d’échange de renseignements.

Brigitte Alepin estime que les conventions de double imposition passées avec des paradis fiscaux encouragent l’évasion fiscale en légalisant les mesures d’évitement fiscal. Selon elle, la politique fiscale nationale jointe aux conventions de double imposition peut favoriser l’évasion fiscale ou le recours aux opérations d’évitement. Elle a cité l’article 116 de la LIR, qui vient d’être modifié pour permettre aux Canadiens de vendre des biens admissibles aux résidents de pays avec lesquels le Canada a passé une convention fiscale sans avoir à payer la retenue d’impôt de 25 %. Le fait d’avoir supprimé cette exigence pourrait faire en sorte que l’impôt ne soit pas payé, si le contribuable croit qu’il n’a pas à déterminer si le bien ou l’acheteur est admissible aux fins de l’exemption.