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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 034 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 septembre, le Comité reprend son étude de la santé mentale et de la prévention du suicide chez les vétérans. Aujourd'hui, nous recevons un excellent groupe de témoins.
    Comme je vous l'ai dit, vous aurez jusqu'à 10 minutes. Vous n'avez pas besoin de toutes les utiliser. Je vais vous faire un signe de la main lorsque votre temps est presque écoulé.
    Nous allons donc commencer avec notre premier groupe de témoins qui comparaissent tous aujourd'hui à titre personnel, que ce soit en tant que membre de la famille ou militaire.
    Nous allons commencer par Jeanette McLeod et John McLeod.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité de nous avoir invités à témoigner dans le cadre de cette étude importante.
    Encore une fois, je m'appelle Jeanette McLeod. Je suis depuis 16 ans l'épouse de l'homme à mes côtés, le vétéran John Kelley McLeod.
    Lorsque nous nous sommes rencontrés, Kelley avait déjà été libéré du service militaire. La première impression qu'il m'a laissée, c'était celle d'un homme honnête et intègre, mais j'ai aussi constaté qu'il manquait de direction. Le fait de perdre sa carrière militaire a eu un impact majeur sur son estime de lui. Il s'est senti abandonné par l'armée. Il n'arrivait pas à comprendre de quelle façon il pouvait intégrer la vie civile et il exprimait souvent ses regrets de ne pas avoir pu poursuivre sa carrière militaire.
    La douleur est à la fois physique et mentale, et il y a cette impression constante que quelque chose n'allait pas, tout en étant difficile à comprendre. Il a commencé à consommer beaucoup d'alcool, pour ressentir certaines émotions et en cacher d'autres. À mesure que sa consommation d'alcool a augmenté, ses pensées dépressives ont suivi le pas. Rapidement, je me suis retrouvée mariée à un homme dont les gestes reflétaient un refus de vivre.
    Je suis passée au travers des nombreuses tentatives de suicide de mon époux, qui étaient toujours suivies d'excuses et de promesses creuses. Cette période de notre vie a été dévastatrice, difficile et éclairante. Elle m'a montré non seulement à quel point mon époux pouvait être fragile, mais aussi qu'il avait une force intérieure dont je n'avais jamais soupçonné l'existence. Personne ne devrait avoir à découvrir son pouvoir de cette manière.
    Après de nombreuses tentatives en vue d'obtenir du soutien pour panser la blessure psychologique et régler le problème de dépendance de mon époux, Anciens Combattants Canada a refusé de l'aider, et l'organisation a déterminé que les nombreuses tentatives de traitement infructueuses étaient des exemples de non-conformité. Essentiellement, il a été déterminé qu'il n'était pas digne des efforts subséquents de l'organisation.
    Lorsque je demandais des avis pour accroître le potentiel d'avenir sain de mon époux, des représentants d'ACC me disaient que l'organisation avait utilisé tous les outils à sa disposition et qu'elle n'avait tout simplement plus rien à offrir. Je refusais d'accepter qu'il n'y avait rien d'accessible. Il est assis ici à côté de moi aujourd'hui et il est vivant. Il est vivant parce que nous n'avons pas baissé les bras. Il n'a pas baissé les bras et je n'ai pas baissé les bras non plus.
    Le fond du baril n'était pas un endroit beau à voir. Je l'ai vu dans cette position, et j'ai refusé de le laisser là. Après avoir formulé une demande publique à l'échelle nationale, nous avons réussi au bout du compte à susciter l'attention des personnes qui avaient le pouvoir d'offrir à mon époux l'aide dont il avait besoin. Il a été admis à Ste. Anne's, à Sainte-Anne-de-Bellevue, pendant un certain temps et on a mis à sa disposition d'incroyables compétences et de très bons outils pour l'aider.
    À ce moment-là, c'était le bon endroit pour lui, mais, malheureusement, mon niveau de colère ne diminuait pas, parce qu'on ne m'a pas offert d'outils lorsqu'il a été libéré et renvoyé à la maison. J'ai eu de la difficulté à l'aider à maintenir le niveau de progrès sain, parce qu'on ne m'a pas expliqué de quelle façon je pouvais mieux l'aider à continuer son processus de rétablissement. Une fois qu'il a été de retour à la maison, on lui a offert un traitement continu sous forme d'un programme de jour, mais la distance entre notre domicile et l'hôpital ne nous a pas permis de nous prévaloir de cette option. Encore une fois, nous étions laissés à nous-mêmes.
    Le refus catégorique de tout service est nuisible pour nos vétérans. Durant la période difficile que nous avons vécue, le refus de service a joué un rôle important. Si des services avaient été accessibles immédiatement lorsque nous avons demandé publiquement de l'aide, mon époux ne se serait jamais vu refuser cette occasion d'entrée de jeu.
    On entend souvent l'expression « centré sur le vétéran » qui était utilisée pour souligner que chaque vétéran a des besoins différents. Si le ministère d'Anciens Combattants Canada comprend et reconnaît que chaque personne est différente, alors il ne devrait jamais y avoir de limite aux services offerts à chacun.
    Je suis heureuse que mon époux puisse être assis à mes côtés aujourd'hui. Beaucoup d'époux et d'épouses et de membres de la famille des disparus n'ont pas la même chance que moi. J'ai reconnu les efforts de mon époux et je savais que mes propres efforts étaient essentiels à la poursuite de son progrès. J'ai commencé à effectuer des recherches sur les façons de l'aider et j'ai demandé du soutien dès que possible.
    Les améliorations aux services offerts ont commencé il y a quelques années. Je suis reconnaissante des programmes supplémentaires qui ont été offerts, comme le soutien en matière de santé mentale à l'intention des époux et des épouses dans notre situation. Nous sommes très heureux que le gouvernement canadien et Anciens Combattants reconnaissent maintenant la valeur des soignants. Tandis qu'on nous offre plus d'outils pour aider nos épouses et nos époux, la fatigue, l'anxiété et les difficultés diminuent dans chaque famille.
    Encore une fois, monsieur le président et membres du Comité, Kelley et moi sommes extrêmement reconnaissants de cette occasion de témoigner aujourd'hui. Nous croyons fermement que des améliorations peuvent être apportées pour aiguiller les familles vers un avenir plus reluisant.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions au sujet de notre situation et nous accueillerons avec plaisir vos commentaires.
    Merci.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je vais faire de mon mieux pour passer au travers. Je suis debout depuis presque 24 heures. Je n'ai pas dormi depuis des années.
    Pour comprendre les vétérans, vous devez comprendre ce qu'est être un soldat. Il n'y a pas d'honneur plus grand que de servir son pays. Chaque génération a ses guerres. Les technologies changent, et les conflits changent, mais les noms ne changent jamais. Les mêmes familles se retrouvent à la guerre fois après fois. Cinq de mes oncles ont participé au débarquement du jour J. Nous étions là en Corée, en Somalie et au Rwanda, et je suis sûr que, quelque part, il y a un McLeod qui a servi en Afghanistan.
    Avec de tels antécédents, lorsqu'on a un problème, on se demande: « Pourquoi moi? Pourquoi pas eux? Je vais être la honte de ma famille .» En réalité, les trois dernières générations de ma famille étaient dysfonctionnelles, mais nous ne savions pas de quoi il s'agissait à l'époque. On se saoulait, on frappait nos enfants, et la vie suivait son cours.
    Une famille militaire n'est pas différente des autres familles. C'est la même dynamique. Il y a un lien qu'aucun civil ne peut comprendre. On nous prépare à endurer le pire que l'humanité a à offrir, et, malgré tout, nous réussissons à trouver ce qu'il y a de meilleur — et de pire — chez l'autre. Lorsque chaque décision que vous prenez au quotidien signifie la vie ou la mort de quelqu'un que vous aimez, c'est un lourd fardeau à porter, mais c'est aussi ce qui fait de nous une famille, liée à vie.
    Pourquoi participons-nous aux conflits dans le monde entier? Peu importe. Ce qui importe, c'est la personne à sa droite et la personne à sa gauche. C'est essentiellement la seule raison pour laquelle nous y allons. Notre gouvernement nous a demandé d'y aller. Les gens veulent que nous y allions. Nous y allons, mais nous sommes là les uns pour les autres, et c'est la seule chose qui compte en cours de route.
    Il y a une différence cruciale cependant entre ces deux types de famille. Si je suis malade, ma famille m'épaulera, tandis que ma famille militaire se débarrassera de moi. Si vous retirez à un homme sa carrière et sa famille et que vous ajoutez dans le lot la maladie mentale, le suicide semble une solution très raisonnable. Ajoutez à cela le processus d'ACC, et ça devient quelque chose de très probable.
    Dire qu'on a un problème au sein de l'armée constitue, à tout le moins, un suicide professionnel. Si vous le faites, vous êtes intimidé, ostracisé et accusé de toutes sortes de choses stupides, le but étant de se débarrasser de vous.
    Se faire tirer dessus en Somalie, c'est quelque chose à quoi on peut s'attendre. On a peur, mais on fait notre travail et on essaie de protéger tout le monde. Mais vivre parmi les morts, jour après jour, mois après mois, au Rwanda, personne n'est conçu pour ça. On ne peut rien y changer. On ne peut pas arrêter le drame. On peut seulement en être témoin. Aucun soldat n'est conçu pour l'inaction.
    Pour ce qui est de la comparaison entre la Nouvelle Charte des anciens combattants et l'ancien régime de la Loi sur les pensions, la Nouvelle Charte permet à l'armée de se débarrasser de nous de façon beaucoup plus efficace parce qu'il n'y a pas d'engagement financier à l'égard du soldat. La Loi sur les pensions éliminait le fardeau financier, ce qui nous donnait la paix d'esprit.
    Chaque soldat fait vraiment de son mieux pour cacher toute forme de maladie mentale, mais il finira toujours par faillir. La question n'est pas de savoir si un soldat s'effondrera, mais plutôt à quel point la chute sera dure. Lorsque cela se produit, le soldat se retrouve habituellement avec un casier judiciaire. Il perd sa carrière, et c'est la fin de son mariage, comme ça a été le cas pour moi.
    Maintenant, je n'ai aucun choix de carrière réel, et n'eût été ma pension, j'aurais fait partie des statistiques sur les suicides il y a des années. Personne ne peut être surpris du fait que, lorsqu'on retire tout à quelqu'un, le suicide est le résultat final. Personne ne saurait le nier. Des soldats morts, ça coûte moins cher au gouvernement. Quel est le prix acceptable que les soldats doivent payer?
    Un ministre du Parlement travaille pendant six ans et obtient une pension à vie. Cela dit à chaque soldat que leur service pour le pays n'est pas aussi précieux que celui d'un député, même si nous payons un coût beaucoup plus élevé. Les vétérans sont la meilleure source de recrutement. J'ai dit aux jeunes que la vie militaire est la meilleure expérience qu'ils auront dans leur vie, tant qu'ils restent en santé. S'ils sont blessés ou tombent malades, ou s'ils sont jugés inaptes au service, c'en est fini du reste de leur vie.
    L'armée n'a aucune idée de la façon de gérer les personnes. Elle déploie les mêmes personnes fois après fois jusqu'à ce qu'elles ne puissent plus poursuivre et soient libérées, tandis qu'il y a des personnes aptes au service qui, tout au long de leur carrière militaire, ne seront jamais déployées. J'ai deux amis qui ont été déployés de nombreuses fois au fil des ans. Pour le premier, c'est neuf fois, et pour l'autre, 10 fois. Vous ne pouvez pas les manquer: ce sont ceux qui transportent leurs médailles dans une brouette. Les deux ont dû demander leur libération pour que ça arrête. Imaginez la vaste expérience qui a été perdue à ce moment-là. Ils avaient tous les deux une riche expérience à transmettre à titre d'instructeurs, mais on leur a refusé cette occasion. Selon moi, plus de vies auraient été sauvées si on avait gardé nos membres expérimentés en place pour former la prochaine génération de soldats, plutôt que de s'en débarrasser.

  (1540)  

    Malheureusement, les soldats sont comme des rasoirs, on les utilise tant qu'ils sont aiguisés, puis on les jette. Il serait préférable de rétablir l'ancien système de pensions. Retirez le fardeau financier qui pèse sur les vétérans. Faites-nous travailler, utilisez-nous. Si vous dites à un vétéran: « tu ne peux pas rester dans l'armée, tu ne peux pas travailler pour le gouvernement », quelle organisation privée voudra de nous? Ajoutez à cette situation la maladie mentale, et personne ne veut de nous. Si vous ne nous acceptez pas... Mon Dieu, il y a des emplois partout dans les bases, à l'échelle du Canada, dans tous nos bâtiments fédéraux. Nous pouvons laver les planchers, conduire vos véhicules. Il y a des choses que nous pouvons faire pour rester productifs. Vous nous payez déjà, alors utilisez-nous.
    Une autre chose, il y a trois vidéos que j'aimerais que vous regardiez. Vous les trouverez toutes sur YouTube. La première s'appelle « The Sound of Silence ». Le nom du groupe, c'est Disturbed, c'est un hommage aux militaires canadiens. La vidéo a été réalisée par le gouvernement conservateur, alors prenez-la comme vous la voulez, mais elle a été bien faite, et je crois que c'est l'un des plus beaux hommages à nos soldats jamais réalisés. L'autre s'appelle « We Are Canadian Soldiers ». Encore une fois, c'est une vidéo sur une chanson. La troisième, c'est « When the War Comes Home » de Mark Tapsell. C'est un court documentaire sur moi, qui explique mon histoire beaucoup mieux que je ne peux le faire ici, aujourd'hui.
    Je vous demande de regarder ces trois vidéos et de vous demander si la situation actuelle est vraiment celle que vous voulez pour vos vétérans.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité. Je vous remercie de l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai heureux d'écouter vos commentaires et de répondre à vos questions.

  (1545)  

    Merci à tous les deux de votre témoignage.
    Nous passons maintenant à Brian McKenna.
    Merci, monsieur le président.
    Lorsque la plupart des gens témoignent, ils commencent par dire merci au début. C'est une forme de salutation ou d'accueil. Dans mon cas, c'est un peu différent. Je dis merci parce que c'est une occasion pour nous de laisser tomber l'intermédiaire entre les représentants du gouvernement et ceux d'entre nous qui reçoivent les services à l'autre bout du spectre, une occasion de vous dire vraiment de quelle façon votre ministère fonctionne. Parfois, il fonctionne, d'autres fois, non. Cela dit, merci de m'accueillir ici, aujourd'hui.
    Je suis l'adjudant à la retraite Brian McKenna, de Delta, en Colombie-Britannique. J'ai récemment été libéré des Forces canadiennes, l'année dernière au titre de l'alinéa 3b), c'est-à-dire une libération pour des raisons de santé. Pendant que je servais dans les Forces canadiennes, on m'a diagnostiqué un important syndrome du côlon irritable et un problème de saignements intestinaux liés à une maladie que j'ai attrapée à Mazar-i-Sharif, en Afghanistan. J'avais aussi un TSPT lié à mon service à l'étranger.
    Aujourd'hui, je vais vous parler du processus de libération lorsqu'on présente un certain nombre d'affections.
    Pour commencer, même si l'intégration des femmes est une des politiques des Forces canadiennes, il n'en demeure pas moins que c'est une société dominée par les hommes. Par conséquent, je vais commencer par ce qui m'a causé le plus de chagrin, en tant qu'homme, et ce que, selon moi, nous devrions faire à ce sujet. Beaucoup d'hommes qui ont été dans une situation semblable à la mienne pensent comme moi. Nous, les hommes, sommes ce que nous faisons. Mettez deux hommes qui ne se connaissent pas dans une situation où ils doivent parler, et, en moins de 20 secondes, ils demanderont à l'autre ce qu'il fait. C'est de cette façon-là que nous apprenons à nous connaître. Le Comité doit comprendre ce point. Une libération des Forces canadiennes, ce n'est pas la fin d'un emploi, c'est une crise identitaire. Qu'est-ce que je suis maintenant? Même les membres de notre famille nous présentent aux autres comme étant des soldats. Ils diront que leur frère est dans l'armée, que leur soeur est dans la marine. Ils diront que leur père était dans la force aérienne, comme si c'était une partie de son identité, pas seulement un groupe auquel il appartenait. C'est quelque chose qu'on est, en fait. C'est une culture. Un vétéran d'Afghanistan canadien âgé de 25 ans aura plus de choses en commun avec un ancien combattant du Vietnam de la Caroline du Nord qu'avec son voisin, qui a le même âge que lui et qui est du même sexe. C'est une culture.
    J'utilise l'exemple des Autochtones canadiens pour expliquer la douleur causée lorsqu'une société essaie de nous enlever notre culture et notre identité. Vous avez vu ce qui leur est arrivé, alors arrêtez de nous faire la même chose. Arrêtez de vous dire que chaque membre des Forces canadiennes qui ne peut pas monter à bord d'un avion demain doit abandonner l'identité qui est la sienne aujourd'hui. Il y a des cas où la libération est nécessaire, bien sûr, mais ce devrait être dans des situations extrêmement rares. Il ne devrait pas y avoir des centaines ou des milliers d'hommes et de femmes par année pour qui nous n'avons pas de place.
    Deuxièmement, que faut-il faire avec les personnes libérées? Une bonne partie de l'identité du personnel en service est liée de près à leur amour de leur travail et de leur pays, le Canada. Il y a de nombreuses façons de poursuivre sur cette lancée. En cas de libération, les emplois de fonctionnaires devraient être immédiatement ouverts aux anciens militaires blessés, et ce, avant leur libération des forces et immédiatement après la libération, dans le cas de ceux qui ne sont pas blessés. Et ces libérations ne doivent pas être imposées, mais être le fruit d'une décision.
    Si un employé du ministère des Pêches ne peut plus travailler là, on lui offre des emplois au sein d'Immigration ou de Patrimoine canadien avant qu'on ne le libère de la fonction publique. Pourquoi ne pas faire la même chose pour nos vétérans? Il y a des programmes et des politiques liés à l'embauche prioritaire qui aident en ce moment nos vétérans, mais, dans ces cas, la libération doit être totale.
    Si l'armée décide qu'elle a brisé un soldat et qu'il doit partir, ce serait une bonne idée qu'on permette à ce soldat de regarder les postes disponibles au sein de la fonction publique civile avant sa libération. Le gouvernement ne devrait pas considérer les militaires comme des ressources où il pourra piger à l'avenir, mais plutôt comme des personnes qu'il n'aurait jamais dû laisser partir en premier lieu. Même s'il n'y a plus aucun rôle pour elles dans le domaine militaire.
    Troisièmement, le fait de trouver des médecins et des soignants durant cette période de transition est très important. Durant le service, l'armée s'occupe des soins de santé. Les militaires appartiennent à l'armée. Après la libération, la seule chose que l'armée fait pour ce qui est des soins, c'est de nous remettre une prescription pour trois mois de médicaments d'avance — une seule fois — alors les soldats partent avec 90 jours de médicaments dans leurs poches.
    Dans de nombreuses provinces, le délai d'attente pour trouver un médecin de famille est beaucoup plus long que trois mois, et les médecins nous voient arriver. Ils connaissent les processus d'ACC. Ils savent que les évaluateurs d'ACC, qui ne sont pas des médecins, renversent souvent les décisions des médecins et exigent de remplir de nouveaux formulaires encore et encore ou exigent qu'ils fassent des déclarations tristement évidentes au TACRA, après un refus. Sans formation médicale, les membres du TACRA peuvent tout de même rejeter les déclarations de ces médecins.
    D'après mon expérience avec les professionnels de la santé, en fait, ils n'ont pas de problème avec l'armée. L'armée renvoie un patient, et elle écoute habituellement les conseils formulés par cette personne. Ils détestent ACC. Lorsque vous prenez des mesures qui compliquent la vie des médecins, vous prenez des mesures pour fragiliser les soins de santé des vétérans.

  (1550)  

    Je vais vous donner un exemple d'une situation qui, je le sais, nous causera des difficultés très bientôt. L'idée que les vétérans qui ont une prescription pour du cannabis médical pourront, d'une façon ou d'une autre, se retrouver devant un spécialiste d'ici mai est farfelue. Ces hommes et ces femmes n'auront même pas trouvé de médecin de famille d'ici là, et je crois que vous le savez tous. Aucun spécialiste qui est à son affaire n'autorisera leur dossier lorsqu'ils se présenteront. Il va devoir établir un dossier pour ces personnes, les étudier, voir leur progrès. Il y aura une tonne d'anciens combattants qui, en mai, n'auront pas pu avoir ce rendez-vous. C'est ce qui arrive lorsqu'on applique à la va-vite une politique en six mois pour sauver de l'argent: c'est une immense source de frustration pour ma communauté.
    Nous argumentons avec le gouvernement depuis 11 ans sur la façon de réparer la Charte, et il n'y a pas eu de progrès. Mais là, vous commencez à essayer d'économiser un peu d'argent au moment d'appliquer la politique sur le cannabis, et vous tentez de la faire adopter rapidement, en six mois, et votre empressement laisse entendre que je peux trouver un spécialiste de la douleur à Vancouver d'ici le mois de mai... Allez, vous savez que c'est impossible.
    Quatrièmement, et c'est le dernier point que je vais soulever, très rapidement, avant de passer à la question du suicide.
    ACC doit financer d'avance les soins de la même façon que le RPC et l'AE sont financés. Dans le système actuel, les dépenses pour les prestations des vétérans proviennent du budget ministériel. Par conséquent, il y a des pressions constantes et extrêmes pour que le ministère réduise les coûts. Les gestionnaires de cas peuvent avoir l'impression d'être des protecteurs de budget plutôt qu'être les facilitateurs de soins de santé qu'ils sont censés être.
    Ce n'est pas surprenant que la demande de prestations d'Anciens Combattants compte plusieurs pages, tandis que le formulaire de l'AE compte cinq questions. Lorsque les prestations sont capitalisées d'avance ou tirées d'un passif capitalisé, la fonction publique délie les cordons de la bourse beaucoup plus facilement. Lorsque chaque sou a un impact sur le résultat final du budget ministériel, les crayons sont plus aiguisés, et les refus s'accumulent.
    Tout ça me pousse à parler de suicide. Je ne peux pas vous donner des éléments de preuve scientifiques, mais j'ai perdu beaucoup d'amis et de confrères soldats de cette façon. La plupart d'entre nous... et ces personnes disparues ne sont pas des Canadiens moyens, alors affirmer que le niveau de suicide correspond au niveau national, ce que le ministère a fait dans le passé, n'est pas suffisant. On parle de personnes évaluées mentalement et physiquement pour qu'il soit possible de déterminer s'ils peuvent faire le travail. Elles font ensuite l'objet d'une évaluation psychologique et physique encore plus poussée pour que l'on voie si elles sont aptes au déploiement. Si ce n'est pas le cas, on les retire des exercices de préparation au combat.
    Mais alors, pourquoi en perd-on autant? Selon moi, c'est en raison de l'accumulation. Ce n'est peut-être pas la période de service, mais le divorce après cette période. C'est peut-être la dysfonction sexuelle qui découle des antidépresseurs et des anxiolytiques que nous sommes forcés de consommer. Ce n'est peut-être pas le déploiement en Iraq, mais l'affectation à Shilo tout de suite après la période de service ou le refus ou les deux refus essuyés par le vétéran. C'est peut-être le fait de se rendre compte qu'il est difficile de chercher un emploi ou de parfaire son niveau de scolarité durant des attaques à la roquette à Kandahar.
    Je crois qu'on ne cherche pas au bon endroit lorsqu'on tente de trouver la grosse raison, la cause profonde qui a mené au suicide. Je crois que vous avez besoin de fonds d'urgence afin de pouvoir payer instantanément le chèque de pension des gens qui se retrouvent dans une mauvaise situation, afin d'éviter les faits d'accumulation. Arrêtez de libérer les membres en cochant les éléments d'une liste de vérification et planifiez une vraie stratégie de sortie plutôt que de simplement cocher les cases pour confirmer que le vétéran a participé à toutes les séances d'information nécessaires. Et déjà, libérez beaucoup moins de militaires.
    Le suicide est une tragédie. Je ne crois pas que nous pourrons un jour éliminer ce problème complètement. Cependant, je crois que nous pouvons atténuer les pertes en protégeant les vétérans de l'accumulation des problèmes multiples qu'ils essuient. Ces décès à petit feu. Si nous nous assurons que le ministère maîtrise la situation et que toute la structure administrative est bien définie et qu'on s'assure que les évaluateurs d'ACC cessent de privilégier les décisions négatives, nous pouvons réduire le nombre de suicides sans nouvelles politiques ni nouvelles initiatives.
    Merci à vous tous.
    Merci.
    Monsieur Grant.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, j'ai revêtu l'uniforme des cadets de l'Aviation quand j'avais 13 ans. En vérité, ma famille est une famille militaire et, à 12 ans, je connaissais déjà tous les exercices, alors je savais ce à quoi je me destinais. J'ai enlevé l'uniforme à 54 ans. J'ai passé 41 ans en uniforme. J'ai représenté mon pays dans le cadre de huit déploiements.
    Selon Anciens Combattants, je suis maintenant officiellement brisé à 136 %; c'est de la mathématique gouvernementale. J'ai lutté pendant 15 ans contre mon TSPT avant de faire détruire complètement mon véhicule et de participer à un traitement. C'est difficile de regarder l'arrière d'un autre véhicule et de ne pas comprendre comment on en est arrivé là. Mais je suis plus qu'un simple soldat. J'ai terminé ma carrière en tant que rédacteur en chef du Journal de l'Armée canadienne. J'ai écrit, publié et dirigé plus de 11 livres et 30 articles soumis à un comité de lecture. Depuis ma libération, j'ai participé à au moins une demi-douzaine d'événements majeurs de type Sans limites partout au pays. Je connais la plupart des acteurs du domaine et j'ai eu de longues discussions sur la façon de prévenir le suicide et sur la nature des effets du TSPT.
    Je ne suis pas venu ici pour vous parler de tous les enjeux liés au TSPT, des traitements et de je ne sais quoi d'autre. Ces choses font partie de la relation entre le médecin et le patient. De toute façon, vous savez déjà tout ça. La question —, pour revenir sur ce que vous avez dit —, c'est comment peut-on trouver une raison de vivre lorsqu'on nous retire quelque chose qui est non seulement un emploi, mais une profession? Dans mon cas, je suis écrivain. Mon dernier livre s'appelle « Shiny Side Up on the Road to Recovery », et j'y décris mon aventure au sein du système de santé. J'y raconte aussi mon périple pancanadien à moto, la première chose que j'ai faite lorsque j'ai quitté l'armée.
    Je suis aussi responsable de deux événements de pêche qui permettent à des gens qui ont un TSPT — des premiers répondants ou des militaires — d'apprendre à pêcher et de se retrouver dans un environnement où ils peuvent parler sans crainte de leurs problèmes. Vous allez entendre et vous avez peut-être déjà entendu dans le cadre de vos diverses réunions un paquet d'histoires du genre: « je ne voulais pas en parler », « c'était difficile ». La première témoin de la journée a décrit en détail ce genre de choses. La stigmatisation entourant le TSPT est immense. Peu importe à quel point nous voulons le nier, même si nous voulons prendre un peu de recul et nous dire: « vous savez quoi, nous allons régler ce problème », ça ne se fera pas. Il faut un changement de culture.
    La question qu'on se pose actuellement, c'est de quelle façon prévenir le suicide. La réponse est la suivante: vous ne pouvez pas. En guise d'exemple, je vous dirai: regardez la personne à côté de vous. À quel point la connaissez-vous bien? Pouvez-vous dire si elle est suicidaire ou non? Comment se passe sa vie à la maison? Ce gars souffre-t-il d'une dysfonction érectile? Vous ne le savez pas plus que moi. En tant que soldats, nous mettons ces choses en arrière-plan et nous réalisons la mission. C'est notre travail. C'est ce que nous faisons. Nous ne parlons pas de nos émotions.
    La plupart des suicides sont liés au stress, ce qui nous amène à nous poser les questions suivantes: de quelle façon peut-on atténuer le niveau de stress vécu? Il y a deux composantes à la réponse. La première, c'est le stress inutile au sein de l'armée. Pour commencer, il s'agit d'une structure militaire inventée dans les années 1700. N'oublions pas non plus la Loi sur la défense nationale qui a été rédigée dans les années 1800, et malgré tout, on nous demande de l'utiliser au XXIe siècle. Déjà là, c'est un peu problématique.
    Le gouvernement, en raison de sa nature même et de sa réticence à apporter de vrais changements concrets, essaie d'utiliser une Chevette pour faire le travail d'un camion.

  (1555)  

    Bref, l'armée est conçue pour une chose, et une seule, et c'est de trouver et de détruire l'ennemi. Pourquoi la moitié des dirigeants s'occupent-ils de gestion dans le cadre de projets en ne sachant absolument pas ce qu'ils font? On leur attribue de telles tâches parce qu'ils ne sont plus utiles au sein d'un bataillon, et ils sont confrontés à une courbe d'apprentissage abrupte. C'est une mauvaise utilisation de bons chefs.
    Cela nous amène à la question suivante: voulons-nous nous attaquer à l'approche des 50 à 60 dernières années, qui consiste à « boucher les trous du bateau qui coule »? Si c'est le cas, je vous suggère de vous pencher sur Anciens Combattants Canada tout particulièrement pour en faire une vraie organisation de prestation de services. Faites venir les gens, demandez-leur de s'asseoir, remplissez les formulaires avec eux, aidez-les à cheminer dans le cadre du processus et à comprendre, et vous aurez beaucoup plus de succès lorsque les formulaires sont soumis. Comme Brian l'a souligné, dites plus souvent oui plutôt que non, et vous obtiendrez de meilleurs résultats.
    Les CISP sont des organisations importantes, particulièrement le programme de SSBSO, parce que ce programme mise sur « les personnes qui connaissent quelqu'un », et c'est la meilleure façon de trouver les gens qui sont dans le besoin. Si vous continuez à constamment chercher des puces et à retirer des fonds à ces organisations, vous allez perdre de plus en plus de soldats.
    La question que j'ai posée tantôt était la suivante: combien de balles faut-il pour former un militaire? Personne ne le sait, alors on ne peut pas s'asseoir pour compter les balles et ensuite en donner trois ou quatre aux soldats et s'attendre à ce qu'ils passent leur examen. C'est exactement ce qu'on fait actuellement, parce qu'on n'a pas assez d'argent pour fournir aux militaires une caisse de munitions, ce qui leur permettrait d'être bons dans ce qu'ils font.
    Enfin, vous ne faites pas de suivi des suicides. Vous n'avez aucune idée du nombre de suicides qu'il y a. L'armée ne fait pas un tel suivi. Le plus dur, ou l'une des choses les plus dures, c'est que vous devez vous rendre compte qu'il y a deux organisations dont vous devez faire un suivi. Ce n'est pas seulement la Force régulière, mais aussi les réserves, parce que ce qui se passe, c'est qu'une fois les déploiements terminés, les réservistes retournent à la maison, et personne ne fait de suivi.
    Vous avez demandé de quelle façon on peut prévenir les suicides? Essayez de faire un suivi auprès de certains de ces femmes et de ces hommes pour découvrir ce qui se passe. L'une des organisations auxquelles j'appartiens est la Société pour les troubles de l'humeur du Canada. Je suis un consultant spécial auprès de cette organisation dans le cadre d'examens par des pairs. Elle a mis en oeuvre une étude qui compte trois phases. La question que je veux vous poser est la suivante: pourquoi est-ce qu'une organisation civile doit réaliser une étude sur le suicide au sein de l'armée alors que l'armée ne le fait même pas elle-même? Je ne comprends pas.
    Si vous voulez plutôt adopter une approche de changement systémique, alors il y a deux ou trois choses sur lesquelles il faut se pencher. Dans un premier temps, les déploiements auxquels nous participons, auxquels nous avons tous participé à plusieurs reprises sont séparées en trois phases: le prédéploiement, le déploiement et le postdéploiement. Tout ça est logique.
    Le problème, c'est que tout est fondé sur une routine qui dure six mois, ce qui découle des Nations unies, parce que c'est la durée habituelle d'un déploiement. Je crois qu'il serait beaucoup plus efficace d'utiliser une période de neuf mois ou de un an.
    Je propose, comme je l'ai fait dans le passé, de séparer la phase postdéploiement en plusieurs portions. Une portion serait réservée à des cours pour sensibiliser les personnes au trouble de stress post-traumatique. Je veux revenir un peu en arrière ici. À la fin des années 1990, il y a eu une mutinerie au sein des Forces armées canadiennes. Cette mutinerie a eu trois résultats directs: premièrement, de meilleures communications entre les réserves et les forces régulières, deuxièmement, tout le système de formation a été revu, et, troisièmement, la formation sur le CPHR a été mise en place, et c'est la composante sur le harcèlement sexuel.
    Pourquoi est-ce important? Parce que c'est la preuve que vous pouvez vous tourner directement vers l'armée et dire: « On ne fait plus les choses ainsi, voici comment il faut faire. »

  (1600)  

    La période de postdéploiement est importante. Il faut intégrer la notion de sensibilisation, chose qui a été négligée jusqu'à maintenant. On ne peut pas y aller de haut en bas, il faut y aller de bas en haut. Cela signifie des groupes, du conditionnement physique, du repos et une période de rétablissement. Et il faut des médecins pour aider les gens à régler leurs problèmes.
    Brian a souligné un point extrêmement important — en fait, il en a souligné plusieurs, mais il y en a un qui ressort du lot —, et c'est qu'on ne peut pas utiliser les statistiques civiles pour mesurer ce qui nous arrive. La réalité, c'est que les hommes et les femmes sont évalués à répétition avant d'être déployés, et, au bout du compte, ils ont quand même des problèmes.
    Le principal problème auquel nous sommes confrontés, c'est cette notion d'obligation morale. Pourquoi est-ce que nous, les vétérans, avons toujours l'impression d'avoir à nous battre contre vous?
    Pour ce qui est de la marijuana consommée à des fins médicales, pourquoi le ministre des Anciens Combattants essaie-t-il de me dire combien de marijuana je peux consommer? C'est une décision qui revient à mon médecin et à moi. Si vous voulez régler le problème, réparer le système, ne vous en prenez pas aux personnes.
    Commencez à penser à embaucher plus de vétérans au sein d'Anciens Combattants, afin que le ministère comprenne ce qui se passe. Il y a beaucoup de raisons dont nous pouvons parler, mais, au bout du compte, cette idée de nous contre eux, de nous contre vous, doit cesser.

  (1605)  

    Merci.
    Monsieur Westholm.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui.
    Je vous ai déjà envoyé ma biographie. J'ai passé plus de 32 ans au sein des Forces armées canadiennes. J'ai pris ma retraite en raison de la façon dont elle traitait les gens malades et blessés dans le cadre du programme de transition.
    J'ai préparé une déclaration, et j'ai aussi une présentation PowerPoint si nous avons le temps. Cela dit, je me lance.
    La plaie qu'est la transition des militaires blessés reste vive, parce que trop de chefs d'état-major de la Défense successifs l'ont laissée telle quelle, comme une vilaine plaie qui entache la bonne réputation des Forces armées canadiennes. C'est une plaie qui a eu raison de nombreux bons soldats blessés, marins, et membres de la Force aérienne, des hommes comme des femmes, des vétérans et des familles militaires, que ce soit un époux ou une épouse, un enfant, un parent, des membres de la famille élargie ou des amis. C'est une plaie qu'on a laissé s'infecter depuis près de 10 ans, tandis que les officiers supérieurs des Forces armées canadiennes mettent plutôt l'accent sur des priorités qui, selon eux, sont plus importantes, comme la révision des tenues de cérémonie militaires.
    En procédant ainsi, les officiers supérieurs des Forces canadiennes et le bureau du chef d'état-major de la Défense ont favorisé un climat qui a mené au suicide de nombreux membres des Forces canadiennes. Ce n'est pas la faute du soldat, ni la faute de sa famille. Ceux qu'il faut blâmer directement, ce sont les hauts gradés et, plus précisément le bureau du chef d'état-major de la Défense, qui accordent si peu d'importance à la transition des soldats blessés, maintenant, tout comme il l'a fait dans le passé. Le fait de dire qu'il en a été autrement, comme le CEMD actuel l'a déclaré récemment, ne peut être le résultat que de trois actions.
    Premièrement, le bureau du CEMD a obtenu comme directive du ministre de la Défense nationale de ne pas s'attarder à la question de la transition de soldats blessés et fournit à dessein des renseignements inexacts au public.
    Deuxièmement, le bureau du chef d'état-major de la Défense défie une directive ministérielle sur la transition des soldats blessés, ordonnant à du personnel subordonné de tarder à agir et trompe sciemment le gouvernement et le public.
    Troisièmement, le bureau du chef d'état-major de la Défense est incompétent et n'arrive pas à appliquer la directive du ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense trompe sciemment le gouvernement et le public.
    Il n'y a pas d'autres possibilités: c'est l'une des trois. Il n'y a aucune autre raison à trouver. On n'a pas à regarder très loin; pensez seulement à tout le temps qui s'est écoulé, puis dites-vous que le bureau du chef d'état-major de la Défense ne s'est pas encore penché sur le problème de la transition des soldats blessés. Vu l'examen des FC actuellement réalisé, il faudra neuf ans avant de régler la situation de l'UISP, et ça, c'est si jamais on la règle.
    Nos forces armées peuvent faire un nombre impressionnant de choses durant la même période. Par exemple, en tout, les deux guerres mondiales ont duré 10 ans. Durant quasiment le même laps de temps, les dirigeants des Forces canadiennes ont échoué à la tâche, bâclé leur travail et accumulé les retards dans le cadre du programme de transition des soldats blessés, un programme qui n'en est même pas encore sorti des blocs de départ. Ce n'est pas parce que les Forces canadiennes actuelles ne sont pas motivées ni qu'elles n'ont pas les capacités. Les FC ont créé, de toutes pièces — l'infrastructure comme les hangars et la machinerie, le personnel, les activités d'approvisionnement, la formation et la vérification complète de la préparation opérationnelle — une escadre entière d'hélicoptères de transport lourds, le 450e Escadron, à Petawawa. C'est une réalisation impressionnante qui montre bien que les FAC sont motivées et dirigées par un chef d'état-major de la Défense qui l'est tout autant.
    Le problème, c'est que les FAC ne sont pas motivées lorsqu'il est question de transition des soldats blessés. Les indicateurs les plus tragiques de cette situation sont l'épidémie de suicides associée à l'Unité interarmées de soutien du personnel et le manque d'intérêt continu des Forces armées canadiennes à l'égard d'un plan de transition des soldats blessés efficace. Le coût à payer pour ce manque d'intérêt a été extrêmement élevé.
    Par exemple, les Forces armées canadiennes n'ont pas réussi à veiller à ce qu'un employé de l'UISP puisse rencontrer un soldat blessé, le caporal Collins, qui avait trouvé le courage d'enfin demander l'aide de l'UISP. Je cite un article que je vous fournirai plus tard:
Durant la première journée que le caporal Collins a passée à l'UISP, l'adjudant du peloton et le coordonnateur des services n'étaient pas là pour le rencontrer. Il a quitté l'unité de soutien frustré et est allé boire dans un bar de la base pour des caporaux et soldats. Un barman a essayé de l'empêcher de partir à bord de son VUS, mais le caporal ne l'a pas écouté. Lorsqu'il est parti, le barman a appelé la police militaire.
    Peu de temps après cet incident, le caporal Collins s'est enlevé la vie dans une cellule d'une prison de la PM, qui, il semble, n'était pas bien équipée pour accueillir une personne comme lui. Cet incident s'est produit à une époque où les lacunes de l'UISP avaient été décrites avec vigueur et clarté aux commandants supérieurs, y compris le bureau du commandant de l'Unité interarmées de soutien du personnel et le directeur de la gestion du soutien aux blessés, comme vous pouvez le voir dans mon courriel de février 2011. Ce courriel date d'avant le suicide du caporal Collins. Je cite:
Conséquences de l'inaction. À ce point-ci, les conséquences de l'inaction seront ressenties, ou, dans certains cas, sont ressenties, principalement au niveau du CISP. Par exemple, si on ne tient pas compte de l'expansion, cela aura un impact sur les éléments suivants:
1) la capacité de réaliser efficacement notre mission [soutenir le personnel blessé] — si notre accent se déplace du soutien au personnel à la dotation des postes/à l'infrastructure, notre capacité de réaliser notre mission en souffrira;

  (1610)  

2) Épuisement professionnel du personnel — si le ratio d'employés par rapport au personnel soutenu — ce sont nos soldats malades et blessés — devient insupportable, les employés du CISP eux-mêmes deviendront au bout du compte de bons candidats pour l'UISP;
    C'est quelque chose qui est bel et bien arrivé, et certains de nos employés ont été victimes d'épuisement professionnel au point où ils sont eux-mêmes devenus des membres de l'UISP.
3) Personnel soutenu — si les ressources sont exploitées à l'excès, ce sont les bénéficiaires qui le ressentiront en raison d'une réduction des services de soutien et du leadership dont bénéficient les militaires affectés à l'UISP.
    Un bon exemple, c'est ce qui est arrivé au caporal Collins, et nous savons quel a été le résultat.
    Plutôt que de régler les problèmes prévus grâce à des mesures rationnelles, tangibles et efficaces, les dirigeants de l'UISP ont plutôt produit ce qu'on pourrait décrire comme un document FAB, la stratégie d'atténuation du suicide, qui a été distribuée à des gens comme vous. La stratégie d'atténuation du suicide de l'UISP est un document particulièrement cruel, puisque le personnel de l'UISP n'avait absolument aucun moyen de mettre en oeuvre cette stratégie importante pouvant peut-être sauver des vies en raison du manque de personnel et du fait que les employés étaient surchargés.
    Cependant, comme cette stratégie était destinée aux membres de ce personnel, c'était donc à eux de l'utiliser et c'était leur responsabilité, et ils devenaient les seuls responsables de son échec. En 2013, la situation à laquelle le caporal Collins a été confronté en 2011 était devenue la norme. Les cadres supérieurs et les employés ne faisaient toujours rien pour régler une situation qui était maintenant critique et bien connue au sein de l'Unité interarmées de soutien du personnel, et le personnel de première ligne de l'unité devait effectuer un triage logistique du personnel blessé en transition qui se présentait. Voici un extrait du courriel du commandant de peloton de l'UISP:
En raison des niveaux d'effectif actuels du peloton de soutien [de l'UISP], nous devons adopter une approche différente pour gérer les soldats malades et blessés qui nous sont affectés ainsi que dans le cadre de certaines tâches administratives de routine [...] les soldats affectés au peloton de soutien [de l'UISP] ne seront pas nécessairement affectés à une section ou à un commandant de section précis.
    Le document explique ensuite la situation à laquelle ces personnes étaient confrontées en 2013.
    Ce courriel a été écrit après le suicide d'un autre membre de l'UISP, le caporal-chef Matiru, du CISP de la base des Forces canadiennes de Kingston, un détachement de l'UISP extrêmement débordé. Je vais vous fournir les chiffres à cet égard.
    Les lacunes très bien connues de l'Unité interarmées de soutien du personnel ont eu un impact non seulement sur les militaires vivants et leur famille, mais aussi sur les familles des personnes récemment libérées de l'UISP, comme celles du caporal Brunsey, et je vais vous donner de l'information à ce sujet. La situation a été découverte en 2015. Je cite:
La dépouille d'un membre des Forces canadiennes à la retraite qui avait une maladie mentale est restée jusqu'à quatre mois dans sa résidence avant d'être découverte, affirme sa soeur.
    Je poursuis:
Lisa Brumsey blâme la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, qui n'en ont pas fait plus pour aider son frère, mais les représentants des deux ministères ont affirmé qu'il y avait une limite à ce qu'ils pouvaient faire.
« Je veux qu'ils mettent un système en place afin que cela ne se reproduise jamais », a-t-elle dit.
« Je ne veux pas qu'une autre famille ait à vivre une telle situation, ni aucun autre soldat, ni aucune autre personne au sein de l'armée. C'est [si] traumatisant. »
    Je vais répéter les mots utilisés par Anciens Combattants Canada et les Forces canadiennes: « il y avait une limite à ce qu'ils pouvaient faire ». C'est un truisme. Je suis d'accord. Il y a une limite à ce qu'une personne peut faire, mais on ne peut pas dire une telle chose lorsqu'on sait sciemment qu'on n'en fait pas assez. C'est le cas du caporal Brumsey, comme on peut le lire dans le courriel du chef d'état-major de la Défense, un document que j'inclus dans la trousse, et dans laquelle il est dit qu'il faut en faire plus après la libération des militaires.
    Le mandat de l'UISP inclut le suivi après la libération. Dans le cadre de ce processus, on communique avec les personnes malades ou blessées — surtout les cas plus complexes — pour voir comment ils se portent. En raison du problème de sous-effectif, l'UISP n'arrive même pas à le faire.
    Le problème de la transition des familles militaires persiste depuis 2008. À cette époque, l'Unité interarmées de soutien du personnel était encore sur la planche à dessin, et on a beaucoup parlé des lacunes de cette unité depuis, y compris dans une recommandation de l'ombudsman des Forces armées canadiennes, dans les commentaires de l'ombudsman des vétérans, dans le rapport Hitachi, dans le rapport du général Anderson, dans de nombreux reportages des médias et dans des communications internes des médias.
    Pour panser cette plaie, ce qu'il faut faire pour offrir un soutien durant la transition, c'est que le gouvernement du Canada doit passer un message sans équivoque au chef d'état-major de la Défense selon lequel on ne tolérera plus aucun retard dans le dossier du système de soutien à la transition des militaires blessés.
    Voici certaines des mesures. Il faudrait mettre davantage l'accent sur le recrutement et la transition au sein des Forces armées canadiennes. Il ne devrait plus y avoir de missions OUTCAN ou de missions hors Canada pour les Forces armées canadiennes ni de déploiements de personnel des Forces armées canadiennes. Ces dernières doivent offrir une prolongation aux familles de militaires qui sont actuellement en processus de transition des Forces armées canadiennes. Les postes dans les bureaux de première ligne d'Anciens Combattants doivent être pourvus de façon appropriée par des employés à temps plein, pas des employés à temps partiel.

  (1615)  

    Anciens Combattants Canada doit procéder à l'examen des familles militaires récemment libérées pour évaluer leur santé. Un fonds d'urgence doit être créé à l'intention des membres du personnel d'Anciens Combattants Canada afin qu'il soit possible d'aider les familles militaires dans le besoin. Ce fonds pourrait être utilisé à leur discrétion en temps de besoin. L'indemnité pour blessure grave d'ACC devrait être donnée à titre d'indemnisation à toutes les familles militaires libérées des Forces canadiennes pour des raisons de santé depuis la mise sur pied de l'UISP, en 2009, et jusqu'à ce que les problèmes soient réglés et que l'unité fonctionne de façon respectueuse.
    Il est totalement irresponsable de la part des Forces armées canadiennes de continuer à recruter et à déployer du personnel alors que, si quelqu'un devait être blessé, le système nécessaire pour lui fournir du soutien n'existe pas. Les documents que j'ai déposés aujourd'hui et que je vous ai déjà remis précisent un moyen de régler le problème.
    Je serai heureux de répondre à vos questions et je vous remercie de m'avoir accordé cette occasion.
    Merci.
    Encore une fois, je tiens à souligner à tous les témoins que, s'ils ont oublié quelque chose, vous pouvez fournir l'information au greffier, qui la donnera à tous les membres du Comité. De plus, si vous avez des questions auxquelles vous voulez que nous répondions par courriel ou relativement auxquelles vous voulez des détails, n'hésitez pas à les poser.
    Nous allons commencer notre première série de questions. Les interventions sont établies à six minutes.
    Madame Wagantall.
    Je vous remercie sincèrement d'être là aujourd'hui, d'avoir servi votre pays. Vous êtes au bout du compte les personnes qui ont les meilleures réponses. Je ne sais pas pourquoi, mais, souvent, c'est la condition humaine qui nous fait dire que nous pouvons trouver les réponses ailleurs que chez les gens qui ont vraiment vécu l'expérience et qui veulent améliorer le système. C'est ce que j'entends aujourd'hui.
    Barry, nous avons discuté de bon nombre des choses que vous avez dites. Je crois que le Comité veut des changements réels et importants. À la lumière de ce que l'ombudsman a dit, des discussions que nous avons ici durant nos audiences et des témoignages des témoins, c'est un problème qui, comme vous l'avez dit, traîne depuis trop longtemps, et d'importantes améliorations s'imposent.
    Une partie du problème est vraiment liée à ce que vous avez dit au sujet de la culture de nos forces armées. Je commence à comprendre ce qu'il faut pour créer des soldats qui sont prêts à aller faire ce que vous faites et ce que vous avez fait. Cependant, comme nous l'avons dit au sein du Comité au sujet de cette responsabilité, il faut faire preuve du même niveau d'engagement pour remercier les anciens soldats et devenir d'importants partenaires pour les aider dans le processus de libération et pour les aider à continuer à avoir du succès d'autres façons.
    Diriez-vous que les vétérans qui quittent les forces armées sont nombreux à voir la fonction publique comme une organisation pour laquelle ils aimeraient beaucoup travailler? Et quelles en seraient les raisons?
    C'est assurément quelque chose qu'on remarque.
    Pour commencer, en ce qui concerne les libérations régulières des Forces canadiennes, si une personne est libérée à la fin de sa vingtaine ou durant sa trentaine, je peux presque vous garantir que les emplois vers lesquels ils se tournent sont des postes au sein de la GRC, des postes d'agent des pêches ou des postes au sein de l'ASFC. C'est tout simplement la suite normale des choses. Ils veulent continuer à porter la feuille d'érable. Ils ont peut-être terminé de le faire pendant qu'ils portaient l'uniforme avec dessin de camouflage canadien en même temps. Les femmes et les hommes blessés voient les choses de la même façon. Selon moi, c'est vraiment quelque chose qu'il faut exploiter, ici.
    Et là, je vous avertis: le syndicat des fonctionnaires sera réticent. Pour que vous compreniez bien ce à quoi vous devez vous attaquer, sachez que ce n'est pas toujours un problème gouvernemental. C'est le problème du « gouvernement de tout le Canada ». En tant que défenseur des droits, c'est un dossier sur lequel il faut travailler. Souvent, lorsque nous avons un problème, nous nous tournons vers le gouvernement, vers vous.
    En fait, parfois, c'est un SMA important dans un ministère qu'il faut congédier pour régler le problème; ce n'est pas nécessaire de tout changer le gouvernement. Cependant, puisque nous avons seulement accès au gouvernement, au bout du compte, c'est surtout vous qui êtes pris pour écouter nos réprimandes.
    C'est ce qu'il faut faire si on veut vraiment commencer à régler ces problèmes. Vous devez explorer ce ministère. Ne parlez pas seulement aux dirigeants supérieurs. Vous devez les contourner et aller deux ou trois niveaux plus bas et ne pas avoir peur d'y aller. C'est là où vous réglerez le problème.
    Mais, la réponse simple, c'est oui, je connais des tas de personnes qui aimeraient continuer à servir leur pays, mais ils n'en en ont pas l'occasion, ils n'ont jamais cette chance.

  (1620)  

    Merci.
    J'aimerais parler un peu plus longuement de la frustration qui a découlé de ce qui vient de se produire au sujet de la marijuana. En parlant à un ancien combattant qui veut de l'aide, mais qui, pour une raison ou pour une autre, n'arrive pas à en obtenir, nous avons fini par comprendre que la raison, c'est parce qu'il consomme de la marijuana médicale en guise de traitement — un traitement prescrit — et que les organisations tierces avec lesquelles ACC travaille refusent de traiter des personnes qui consomment de la marijuana thérapeutique. Les gens doivent arrêter de consommer de la marijuana pour...
    Vous parlez de Homewood?
    C'est exact, ce genre de choses.
    La principale cause, ici, c'est que Homewood est un centre de traitement de la toxicomanie. Dans la hiérarchie des choses qui concernent les TSPT, la toxicomanie est la principale méthode facile de masquer le problème. Ce peut être l'alcool, la pornographie, la marijuana, toutes sortes de choses, la toxicomanie. Le mandat principal de Homewood, c'est de mettre fin au problème de dépendance avant de faire quoi que ce soit d'autre.
    C'est parfait si une personne prend un ISRS et des médicaments sous ordonnance. Il n'y a pas de problème dans un tel cas. Les responsables du centre s'attaqueront à vos problèmes psychologiques à ce niveau, mais le vrai problème, ici, c'est que, en tant que société, nous n'en sommes pas arrivés au point où nous acceptons que la marijuana thérapeutique soit une solution de rechange viable et efficace pour gérer la douleur. Elle est là, la cause principale. Dès que nous en serons là, nous pourrons aller de l'avant.
    L'autre chose, aussi, c'est qu'il y a une perception erronée. La marijuana compte deux composantes: le TCB et le CBD.
    Le THC.
    Merci. Je les mélange.
    Un des composés a un effet psychotrope, l'autre permet d'atténuer la douleur. Une bonne partie des personnes que je connais qui prennent de la marijuana thérapeutique ne prennent pas le genre qui a un effet psychotrope. Ils obtiennent le type qui soulage bien la douleur. En fait, je suis sur le point d'en obtenir moi aussi parce que j'ai des douleurs chroniques.
    Cela dit, tant qu'il n'y aura pas eu un changement sociétal et qu'on n'acceptera pas que le fait que la marijuana est une solution de traitement viable, nous n'irons jamais très loin.
    Je suis désolé, mais vous devez faire vite, Brian.
    Bien sûr.
    À ce sujet, je crois que vous avez souligné l'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de soins axés sur les vétérans et une des raisons, en fait, pour lesquelles nous avons besoin d'un endroit où fournir de tels soins axés sur les vétérans, parce que nous n'arrêtons pas d'envoyer des gens sur le marché civil, où ils sont à la merci des politiques et des programmes des endroits où vous les envoyez.
    De très bons amis à moi ont été envoyés dans un centre — que ce soit un centre de traitement du stress, du stress opérationnel ou de la toxicomanie — et ils ont dû composer avec les règles de l'endroit. De plus, ils se sont retrouvés entourés de criminels. Et après, les gens se demandent pourquoi ils ne veulent pas parler de leurs expériences traumatisantes. Ça en fait partie aussi, toute la question de savoir de quelle façon se rendre où on veut aller? Il faut commencer à exercer de l'influence pour définir ce à quoi ça doit ressembler. Nous devons pouvoir contrôler cela. C'est une façon d'y arriver.

  (1625)  

    Merci.
    Monsieur Eyolfson.
    J'ai exercé la médecine d'urgence pendant près de 20 ans. Je suis souvent retourné à la maison en revoyant des choses qui m'avaient bouleversé, mais rien ne me dérange de façon aussi soutenue que ce que j'apprends dans les témoignages, ici. Je retourne souvent chez moi après avoir écouté de tels témoignages et je ne me sens pas bien, parce que j'entends parler de ce qui arrive aux gens et je sais que nous pouvons faire mieux. C'est la raison pour laquelle je suis honoré d'être ici, de pouvoir participer à la réussite.
    Madame McLeod, vous avez parlé du fait que les familles et les soignants ont souvent l'impression d'être oubliés dans le cadre de ce processus. De quoi les familles et les soignants ont-ils besoin de la part d'Anciens Combattants pour les aider à cet égard?
    Nous avons besoin de soutien. C'est ce qu'il y a de plus important. Il n'y a pas de soutien encore.
    D'accord.
    Y a-t-il des obstacles qui empêchent les membres de la famille d'obtenir des renseignements sur la situation de leur époux et épouse? Trouvez-vous qu'il est souvent difficile d'obtenir l'information dont vous avez besoin?
    Anciens Combattants a fait d'excellents progrès à ce chapitre. À une époque, il n'y avait aucun renseignement et aucune communication avec les époux. La situation a changé, maintenant. Dans mon cas, mon époux a donné son consentement, et je peux obtenir de l'information.
    D'accord, merci.
    Monsieur McKenna vous avez parlé — et je l'ai pris en note, ici — du fait que les vétérans ont besoin de pouvoir faire quelque chose parce que, comme vous l'avez dit, les gens sont libérés et ils veulent une identité, ils veulent quelque chose à faire pour rester dans le réseau, et servir d'une façon ou d'une autre.
    Est-ce que le principe de l'universalité du service aide à cet égard?
    Je pense que c'est une béquille. Je pense que l'armée fait du bon travail pour nous aider, mais pas de l'excellent travail. Puis, une fois qu'elle a fait cet effort, elle nous libère.
    Il y a une expression que l'armée utilise « être sur une catégorie temporaire », et les gens grincent des dents lorsqu'ils l'entendent. Essentiellement, lorsqu'une personne se blesse, elle se voit attribuer une catégorie temporaire ou elle bénéficie d'une levée temporaire de ses tâches pendant qu'elle se soigne. Il y a un nombre limité de ces catégories temporaires avant l'attribution d'une catégorie permanente, puis il y a une évaluation: on garde le soldat ou il est libéré?
    Au plus fort de notre engagement militaire, au Canada, durant la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale, il reste tout de même plus de 30 % de nos forces ici. L'idée que, dès demain, la Troisième Guerre mondiale pourrait exiger l'envoi à l'étranger de chacun des 30 000 réservistes et des 68 000 membres des forces régulières n'est tout simplement pas crédible. Si c'était vrai, y en a-t-il vraiment 1 300 chaque année?
    Je le croirais, si on parlait de 40. Si cette personne avait fait l'objet d'un examen des pieds à la tête, et qu'on avait dit que c'était impossible... je vous dis qu'il y a une façon, parce qu'un des emplois auxquels j'ai été affecté lorsque j'étais visé par cette catégorie... eh bien, une fois qu'on m'a libéré, ils ont dû muter quelqu'un pour me remplacer. Une autre famille a dû déménager sans que ce soit nécessaire. J'ai fait ce travail pendant deux ans pendant que j'étais blessé; c'est la preuve que je pouvais le faire. Puis, j'ai été libéré, et une autre famille bien établie dans l'Est du Canada a dû déménager dans l'Ouest pour combler un manque qui n'existait pas.
    Ce manque était provoqué par la politique sur l'universalité du service. Je ne nie pas que le CEMD a besoin de l'autorité nécessaire pour s'assurer qu'il a un certain niveau de force combattante, et déterminer que certaines personnes ne sont pas aptes, mais c'est une politique qu'on utilise beaucoup trop, monsieur.
    D'accord.
    Y a-t-il des rôles ou des postes qui pourraient être réservés qui sont parfois occupés par des civils dans l'armée ou qu'on pourrait donner à... Y a-t-il de tels postes au sein de l'armée canadienne de nos jours?
    Oui, il y en a.
    Est-ce qu'on les utilise assez ou pas assez?
    Ces postes sont maintenant pourvus par des civils. Ce sont des postes civils syndiqués. On devrait les fournir à des vétérans qui sont encore capables de servir d'une façon ou d'une autre, mais on rejette les soldats...
    L'autre côté de la médaille, aussi, c'est que la formation d'un soldat coûte des centaines de milliers de dollars. Il a un problème, et, plutôt que de le maintenir en poste dans un rôle d'instruction ou un autre rôle, on le rejette et on le remplace par une nouvelle recrue fraîchement arrivée. Et là, il faut encore dépenser tout cet argent pour former le nouveau et lui permettre d'atteindre ce même niveau. On n'arrête pas de laisser partir cette expérience et de perdre cet argent. Si vous voulez parler d'économies, gardez ces personnes. Gardez-les à proximité. Prenez certains de ces postes civils et, peut-être, donnez-les à des vétérans qui peuvent servir, mais qui ne peuvent plus servir comme militaire, mais qui sont tout de même capables de contribuer dans un rôle quelconque.

  (1630)  

    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, l'armée a une organisation parallèle qui s'appelle le quartier général de la Défense nationale. C'est une organisation civile. Ce serait un endroit où il serait tout à fait logique de réemployer des gens.
    Je sais qu'il y a beaucoup de personnes au sein du QGDN qui sont d'anciens militaires. Ils sont passés d'un emploi à l'autre. Certains ne quittent jamais leur bureau, mais c'est une occasion parfaite. Paul Franklin, par exemple, a perdu ses deux jambes en Afghanistan. L'armée ne sait pas quoi faire avec les gens brisés. Ils lui ont fait passer le balai plutôt que de le mettre dans une salle de classe pour enseigner aux gens les premiers soins d'urgence parce qu'il était infirmier.
    Du point de vue culturel, nous avons fait beaucoup de chemin. En 1995, lorsque j'ai été déployé, les services à la famille étaient considérés comme une tâche de troisième ordre, après la collecte des cotisations de mess. Les choses ont changé. La courbe d'apprentissage a été abrupte, et nous essayons de faire du mieux que nous pouvons. Le problème, c'est que nous devons vous sensibiliser en cours de route. Vous ne comprenez pas ce à quoi vous avez affaire. Nous sommes une machine agressive et bien huilée et nous devons comprendre exactement là où vous nous envoyez et de quelle façon vous nous traiterez lorsque nous serons brisés. En vérité, on ne parle pas de beaucoup de personnes. De façon générale, on parle d'environ 5 000 personnes lorsqu'on fait tous les calculs.
    Merci.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être là. Merci de votre service, et merci de votre soutien et de votre amour à l'égard de ceux qui ont servi. Je vous remercie de ce que vous avez fait et de ce que vous apportez au Comité.
    Je voulais avoir la possibilité de parler à chacun d'entre vous, surtout parce que je veux obtenir quelques précisions.
    Monsieur Grant, vous avez dit que le volet postdéploiement devait être séparé en composantes. Vous avez mentionné la sensibilisation, afin que la personne puisse comprendre ce qui lui arrive lorsqu'elle est victime de stress post-traumatique. Je me demande quelles étaient les autres composantes. Je ne suis pas sûre de les avoir bien comprises.
    Lorsque le bataillon revient, il faut prévoir du temps pour récupérer, les occasions pour les personnes de s'asseoir et de parler de leur expérience, en groupe. Il faut prévoir le conditionnement physique, les rendez-vous médicaux, les rencontres avec un psychologue, au besoin, l'occasion de reconnecter avec la ramille, plutôt que de recommencer tout de suite le processus de préparation pour le prochain déploiement ou de poursuivre la formation du bataillon.
    Cette occasion de se reposer et de récupérer est très importante. Fait plus important encore, selon moi... et je parle aussi d'un problème contractuel, j'ai mentionné la LDN et le fait qu'elle a été rédigée dans les années 1800. Le simple fait de renvoyer nos réservistes chez eux ne leur permet pas de se retrouver dans un environnement familial. Et ce que je veux dire par famille, ici, c'est que si Brian est l'adjudant de mon peloton, pouvoir lui parler pendant neuf mois durant une période de service, c'est une chose, mais ensuite, soudainement, on part et je ne peux plus lui parler... c'est difficile, parce qu'il sait ce que j'ai vécu. C'est important d'avoir accès à un tel environnement et d'avoir l'occasion de me reposer et de récupérer avant le retour dans la société civile.
    Merci.
    Monsieur Westholm, lorsque vous avez comparu précédemment devant le Comité, vous avez mentionné le piètre état de la seule unité de soutien à la transition des FAC. Vous en avez parlé à nouveau aujourd'hui. À ce moment-là, vous aviez recommandé que l'armée offre une prolongation si la famille militaire n'était pas prête pour la transition en raison de sa situation. Est-ce que les choses ont bougé du côté de cette extension? Avez-vous eu vent d'améliorations quelconques de la situation de l'UISP?

  (1635)  

    Non. Il y a maintenant un an, j'ai suggéré pour la première fois que ce soit fait au sein du comité de surveillance de la transition responsable de l'examen de l'UISP, mais rien n'a été dit à ce sujet. Cependant, c'est lié à quelque chose d'autre qui a été mentionné à d'autres occasions ici. Lorsqu'une personne est affectée à l'UISP, elle est retirée de l'ordre de bataille des Forces armées canadiennes. Cela signifie que, lorsque la personne est transférée à l'unité, elle y est transférée avec toutes ses expériences. Elle a peut-être un genou amoché, mais cela ne signifie pas qu'elle oublie les 35 ans qu'elle a passés à un poste. De plus, l'UISP est en situation de sous-effectif, et ne comptera jamais sur un effectif complet, et, malgré tout, on continue à laisser partir des gens qui pourraient pourvoir ces postes.
    Et on en revient à ce que M. McKenna a dit.
    M. Barry Westholm: C'est exact.
    Mme Irene Mathyssen: Ça me semble tellement approprié et intelligent de miser sur ces compétences et de continuer à les utiliser, mais il y a une résistance. D'où vient cette résistance?
    La notion de l'universalité du service est archaïque. Elle vient probablement de la Première Guerre mondiale, où il fallait se déplacer en transportant des canons. Certaines des compétences que possèdent ces personnes... Encore une fois, je regarde ce qui se passe dans nos collectivités autochtones. Il y a des ingénieurs, des sapeurs de combat, des spécialistes de la purification de l'eau. Il y a toutes sortes de personnes qui pourraient aller là-bas et qui accepteraient d'y aller. On pourrait les utiliser dans des missions sans combat en raison de toutes les compétences qu'elles possèdent; leur expérience pourrait aider les Canadiens.
    On en revient à M. Grant.
    Monsieur McKenna.
    Je crois aussi, madame, à l'égard de ce que vous demandez, que cela démontre seulement qu'à première vue, l'appareil militaire est trop petit. Lorsque vous enlevez les effectifs supplémentaires, ce sont en fait les ressources d'urgence qui nous permettent de faire des choses comme cela. Lorsque vous n'avez toujours que le strict minimum en tout temps, vous ne pouvez pas vous permettre qu'il y ait des gens brisés dans votre organisation. Lorsque vous en avez deux ou trois qui perdent leurs moyens, vous devez les transférer afin de pouvoir affecter une personne apte à leur poste. C'est l'approche que vont privilégier les forces armées, dans la mesure où elles ne disposent que des trois sur trois ou des quatre sur quatre qu'il leur faut. Si vous avez quatre personnes capables de faire quelque chose au pays, il vous en faut six parce que vous allez en briser deux. Tant qu'elles feront face à cette réalité, les forces armées continueront de mettre les gens à la porte parce qu'elles ne sont pas en mesure de composer avec un si grand nombre de personnes brisées.
    Il est facile de les regarder et de pointer du doigt, ce que nous faisons à juste titre, mais il faut des plans d'urgence pour être capable de fonctionner lorsqu'on perd des éléments.
    Voici un exemple concret: lorsque nous avons envoyé 3 000 soldats en Afghanistan, cela voulait dire 9 000, puisque 3 000 revenaient, 3 000 étaient là et 3 000 se préparaient à partir. C'est le cycle dont Kurt vous parlait ici, où vous ne pouvez prendre congé à votre retour. Vous pourriez en fait vous retrouver dans un peloton de mortiers dans la prochaine mission parce qu'on n'a pas de peloton de mortiers, parce qu'on l'a prêté au RCR, qui l'a prêté au Royal 22e, et c'est comme cela que les choses se passent. Si vous voulez voir se réaliser ce dont Barry parlait — je veux voir cela aussi — et cette pause dont Kurt parlait, alors c'est une question d'argent dès le début, pour veiller à ce que les forces armées soient capables de composer avec des imprévus. Tant qu'elles n'en seront pas capables, elles vont transférer tous les gars brisés parce qu'elles n'ont pas de place pour eux.
    Madame Lockhart.
    C'est vraiment une bonne table ronde, j'apprécie toute l'expérience que vous apportez ainsi que vos commentaires. Comme vous le savez, ou le savez peut-être, nous venons tout juste de terminer un examen de la prestation de services, et nous avons fait cela afin de jeter un coup d'oeil à certains des petits feux que vous avez mentionnés — cette mort à petit feu — dans le processus de prestation de services, et à ce que nous pouvons faire pour améliorer le processus.
    L'une des choses qui sont ressorties de quelques-uns de vos commentaires aujourd'hui concerne le fait d'avoir le sentiment de faire oeuvre utile, et de ne pas avoir ce sentiment. Nous avons également parlé de la transition. Jugez-vous suffisant — je crois savoir ce que vous allez répondre — ce qui est en place actuellement pour aider les militaires à redéfinir leur but dans la vie, leur identité et tout le reste au moment de leur libération?
    Il y a de bonnes choses. Le programme Sans limites change des vies, je l'ai constaté. Il est fantastique. Je ne sais pas grand-chose de sa structure ni de son financement, mais je dirais à quiconque active ce levier de continuer à le faire, car c'est un programme qui fait de très bonnes choses.
    À part cela, surtout pour les hommes, c'est un moment dans la vie où il est facile de perdre ses repères. Vous ne savez plus qui vous êtes. J'ai eu plus de mal à composer avec cela qu'avec ce qui se passait dans ma tête, ce qui se passait en moi. Qui suis-je maintenant? Pendant un moment, on ne tient pas à grand-chose.
    Voici un autre petit secret: pour nombre d'entre nous, il s'agit de trouver un moyen de contribuer un peu à nouveau. J'avais autour de moi un peloton qui n'est plus là, mais j'ai toujours la possibilité de l'aider. Si je peux vous aider à orienter l'aide dans la bonne direction, j'aurai l'impression d'avoir fait oeuvre utile. C'est une autre façon de le faire.

  (1640)  

    Monsieur Grant.
    En fait, je peux ajouter à cela. La principale chose que nous recherchons, c'est un réseau. Nous sommes uniques de bien des façons parce que nous sommes brisés. Il y a de l'humilité dans les personnes qui sont devant vous. Nous avons vu assez de merde pour toute une vie, plus que la personne moyenne, et nous ne nous jugeons pas entre nous. Quand Brian parle de sa douleur et du reste, je comprends. Il n'a pas besoin de m'expliquer ces choses, car nous comprenons.
    La résolution de tous ces problèmes tient à deux choses. La première est l'argent, comme toujours, et la deuxième est l'acceptation du fait que le gouvernement du pays a une obligation envers nous. C'est probablement la plus grande gifle pour nous, le fait de devoir constamment nous battre.
    Nous nous sentons abandonnés. Nous avons l'impression que le gouvernement... Pat Stogran m'a dit ce qui suit l'autre jour: « Je n'ai jamais souffert de stress post-traumatique lorsque je me faisais bombarder en Yougoslavie. Ce trouble s'est manifesté lorsque j'ai eu affaire aux bureaucrates du gouvernement. » Cela devrait vous en dire beaucoup.
    Tout ce que nous voulons, c'est un peu de soutien, un appui, un peu d'aide pendant le processus.
    Est-ce que cela vous a aidé, John?
    Nous sommes des gens motivés. Nous sommes des gens aptes lorsque nous sommes en service. Nous ferions tout pour notre pays, y compris donner notre vie. Comme je l'ai souvent dit, il aurait été plus facile pour moi de perdre une jambe ou deux ou de perdre deux bras lorsque j'ai servi en Somalie et au Rwanda, au lieu de souffrir d'un TSPT. Les gens comprennent cela.
    Lorsque vous revenez, on ne vous comprend pas lorsque vous dites que vous faites des cauchemars toutes les nuits, que vous n'arrivez pas à vous adapter à la vie quotidienne, que vous vous sentez mal à l'aise dans une foule. Pour moi, en tant qu'adjoint médical, comme toute personne dans ce domaine, tout ce que je faisais était une question de vie ou de mort. Des gens meurent lorsque vous prenez des décisions, et parfois vous ne pouvez rien faire.
    Je vis avec cela tous les jours, et il y a des choses dans mon esprit qui sont aussi claires aujourd'hui qu'il y a 20 ans. Ces choses ne vont jamais me quitter. Ensuite, comme si ce n'était pas assez, parce que j'ai servi en Somalie et au Rwanda, j'ai passé un an à prendre de la méfloquine.
    Je prends de l'âge maintenant. Mon TSPT devrait commencer à s'atténuer. Je devrais me rétablir, mais je ne me rétablis pas. La situation s'aggrave. En plus, je souffre d'une maladie terminale. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais chaque jour, quand je me réveille, je dois prendre une décision: est-ce que je vais vivre ou me tuer aujourd'hui?
    C'est mon quotidien. Je livre ce combat depuis longtemps, et je suis toujours au même point. J'ignore ce qui m'attend demain. Je fonctionne un jour à la fois, et j'espère que demain sera une bonne journée, mais ce n'est pas toujours le cas. Certains jours sont difficiles. Ce matin, c'était pénible.
    Merci, John.
    La raison pour laquelle je reviens au fait d'avoir un but dans la vie, c'est que, même si votre expérience est différente de celle de nombreux civils, je sais qu'il y a des gens possédant l'expérience voulue pour aider les gens à faire une transition... à rebâtir leur identité. Je pense à un mineur, par exemple, qui ne travaille plus à la mine après 25 ans. Mais il se considère toujours comme un mineur, vous comprenez? Il y a de l'expérience à ce chapitre.
    Est-ce un aspect que nous devons intégrer à nos services d'aide à la transition?
    Absolument.
    C'est l'un des aspects où l'UISP peut jouer un rôle important. Lorsque vous êtes dans le processus de transition de sortie, vous êtes en train de quitter les Forces armées canadiennes. Vous allez redevenir un civil. C'est à ce moment-là que vous devriez être en mesure d'essayer une diversité d'emplois et de professions, de voir comment c'est de vivre dans une collectivité civile et de travailler dans un cadre autre que le cadre militaire. Vous devriez lâcher prise, et les forces devraient lâcher prise également, mais les choses ne se passent pas de cette façon.
    À l'heure actuelle, vous pourriez rester au garde-à-vous à côté d'un bureau la veille de votre libération. L'aspect « transition » est totalement brisé, et c'est comme ça depuis le début.
    C'est pourquoi nous aimerions vraiment voir Anciens Combattants Canada assumer un rôle de premier plan et aider les militaires libérés à jeter des bases fantastiques pour leur transition vers la vie civile. Ainsi, lorsqu'ils termineront leur carrière militaire, ils le feront en tant que personnes conscientes de ce qui les attend.
    Merci.
    Monsieur Bratina.

  (1645)  

    Puis-je vous demander à quelle fréquence vous rencontrez vos camarades? Vous avez déclaré que vous faites cela pour aider vos gars, mais est-ce que vous prenez le temps de vous asseoir avec eux? Comment se déroulent ces rencontres?
    C'est une question vraiment intéressante. En fait, j'ai une anecdote réconfortante à ce sujet. Je suis allé au dîner militaire des sous-officiers supérieurs de mon régiment, il y a deux ou trois semaines. Avant cela, nous nous sommes vus pour le jour du Souvenir, et avant cela, à un tournoi de golf, et avant cela, à un autre tournoi de golf.
    C'est surtout parce que je me trouve à être dans une zone urbaine, la région de Vancouver. L'équipe de commandement de l'unité au sein de laquelle j'avais servi a toujours fait du bon travail à ce chapitre. Cela fait ressortir une partie du problème. Les soins médicaux et le soutien par les pairs que je peux obtenir à Vancouver ne sont pas ceux qu'on obtiendrait à Shilo. Il y a du bon monde à Shilo, mais il reste que c'est Shilo. C'est l'un des problèmes que nous connaissons à l'échelle des forces.
    Je ne peux pas vous dire que le processus de libération est médiocre, car j'ai en fait été traité plutôt bien à nombre d'étapes et atrocement à d'autres. Toutefois, pour ce qui est de garder le contact, oui, je le fais. Je garde constamment le contact. La possibilité de communiquer en ligne s'avère utile, certes, mais cela peut aussi vous donner l'impression d'avoir vu une personne davantage que vous ne l'avez vue en réalité. Il faut se rencontrer en personne, se serrer la main, prendre une bière et faire ce genre de choses.
    Un aspect intéressant est la prolifération de clubs de moto. Je peux vous en nommer une dizaine actuellement où on mise sur l'entraide. Ils sont constitués strictement d'anciens combattants. Nous utilisons le mot « frère », et lorsque j'utilise ce mot, cela veut dire que je suis là et qu'ils peuvent m'appeler, le jour comme la nuit. C'est comme ça. Il y a une humilité dans tout ça. Nous nous comprenons.
    Est-ce que nous gardons le contact? Oui. Si j'organise mon activité de pêche, c'est en partie pour créer ce réseau de personnes qui, lorsque les choses vont mal, peuvent téléphoner à quelqu'un qui est tout près alors qu'elles ne savaient pas que cette personne vivait dans leur localité.
    C'est à nous, en tant qu'anciens combattants, qu'il revient de garder le contact. C'est notre devoir. C'est là que j'ai trouvé mon but dans la vie. Le problème, c'est que le médicament que je prends m'enlève tout désir de faire quoi que ce soit. Je m'endors constamment. C'est horrible. Je le répète: c'est une lutte quotidienne.
    Jeanette, puis-je vous poser une question au sujet de Kelley? Le document indique « John », mais vous l'appelez Kelley.
    M. John Kelley McLeod: C'est comme ça qu'elle m'appelle, désolé.
    M. Bob Bratina: Est-ce que Kelley voit ses anciens camarades régulièrement?
    Non.
    Il a commencé tout récemment à renouer sur Facebook. À mon avis, c'est un pas très positif et très thérapeutique pour lui. Il aime ça. Il aime partager cela avec moi. C'est le début.
    Alors, Dieu merci...
    Et vous, Barry?
    La plupart de mes contacts se font par Internet. Dans le passé, j'ai tendu la main à des gens qui sont à l'UISP, et je sais qu'ils connaissent des difficultés. J'utilise mon expérience pour les aider — par exemple, à obtenir une prolongation ou quelque chose comme ça —, mais pas de contact social comme tel, non.
    Y aurait-il un avantage à cultiver ce genre de relation entre les anciens combattants, comme c'était le cas autrefois avec la légion? Je suis certain que c'est totalement...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bob Bratina: Mais on peut voir comment cela fonctionnait après la Seconde Guerre mondiale, peut-être après la guerre de Corée.
    Premièrement, la légion doit mourir.
    Je tenais à le dire. Et je vais vous expliquer pourquoi. Ces gars-là ont grandi à une époque où on pouvait gifler sa femme, donner une correction à ses enfants et donner un coup de pied au chien. Aujourd'hui, on ne peut être en état d'ébriété en public. La société a changé.
    La Légion royale canadienne a renoncé au mandat que lui avait confié le gouvernement de soutenir les anciens combattants. C'est pourquoi il y a 63 groupes de défense des droits qui comparaissent devant des comités comme le vôtre pour essayer de conseiller le ministre sur la façon de procéder. La question des pensions est un exemple parfait de cela. Selon le mandat original de la légion, elle est chargée « d’obtenir des pensions, allocations, subventions et gratifications de guerre adéquates pour les ex-militaires, hommes et femmes, leurs personnes à charge, et les veuves ».
    C'est tiré directement de la déclaration du gouvernement. La légion ne fait pas cela. Le fait que nous soyons passés d'une pension dans la première charte à un montant forfaitaire dans la deuxième est complètement insensé. Je crois que nous avons assumé nos responsabilités à notre façon. Nous avons adopté ce concept de créer des clubs de moto, des clubs de pêche ou des clubs d'art, peu importe. Nous faisons de notre mieux pour garder le contact, mais le problème tient au fait que le TSPT nous amène à nous isoler. Nous devenons des ermites, et c'est à nous qu'il revient de continuer à tendre la main aux autres.

  (1650)  

    Merci.
    Monsieur Brassard.
    Merci, monsieur le président.
    Comme mes collègues l'ont fait avant moi, je vous remercie tous d'avoir servi. Jeannette, je tiens tout particulièrement à vous remercier d'avoir été là pour votre mari autant que vous l'avez été. Je suis certain qu'il y a d'innombrables histoires d'épouses militaires comme la vôtre. Ayant évolué dans le domaine des services d'urgence, je sais à quel point les conjoints jouent un rôle important dans notre carrière au fil des ans, grâce au soutien qu'ils offrent, alors je veux vous remercier d'avoir fait cela également.
    Vous serez tous contents d'apprendre que les témoins nous ont uniformément parlé du sentiment de perte d'identité ressenti par les ex-militaires. L'autre chose dont nous avons beaucoup parlé avec certains des témoins est la question des perspectives d'emploi ou de l'absence de celles-ci.
    Brian, vous avez parlé de la formation lorsqu'on est en situation de combat militaire. L'une des choses dont nous avons également parlé concerne non seulement l'absence de recyclage, mais aussi le fait qu'un fort pourcentage de militaires quittant les forces armées n'ont pas un diplôme d'études secondaires. Comment pouvons-nous réagir à cette situation?
    Toujours au sujet de l'éducation, des titres de compétence et de l'emploi, l'autre chose que nous avons entendue, c'est que le ministère des Anciens Combattants exige maintenant un degré de scolarisation plus élevé de ses employés. Je crois énormément au soutien par les pairs. Je crois fermement que les personnes qui ont fait l'expérience de la vie militaire et de la transition devraient être en mesure d'aider celles qui vivront la même chose dans l'avenir.
    Voici ma question. Je vais commencer par vous, Brian. Comment pouvons-nous régler le problème de la réintégration des gens à la population active, par l'entremise soit d'ACC, soit de la fonction publique, dont vous avez parlé plus tôt? Quel serait le meilleur moyen d'accomplir cela?
    Je crois que vous avez tout à fait raison sur ce point. On a presque l'impression, lorsqu'on passe en revue certains des postes offerts au ministère, qu'on s'est arrangé pour exclure les militaires du rang. Je vais vous dire une chose: je préfère avoir affaire à un adjudant-maître qu'à une personne avec un diplôme.
    À cause de l'expérience...
    Oui.
    Et je ne veux pas dénigrer les gens qui ont fait des études postsecondaires. J'en ai fait moi aussi, et je connais leur valeur. Cependant, que devons-nous vous enseigner pour vous faire comprendre comment traiter avec ces gens? Il n'y a pas de programme pour cela. De fait, nous sommes tous ici à vous parler aujourd'hui parce que vous tentez d'obtenir cette information; vous tentez de comprendre cela.
    Barry n'a pas besoin d'apprendre ces choses. Il devrait être votre gestionnaire de cas, la prochaine personne que vous embauchez. Assurément, c'est l'homme qu'il vous faut, et il est mieux que moi parce qu'il a fait certaines de ces choses. Le gouvernement devrait être en train de faire des pieds et de mains pour embaucher Barry Westholm. Au lieu de faire cela, il préfère embaucher un diplômé en sociologie qui va aller travailler avec d'anciens combattants et courir à l'épuisement professionnel parce qu'il ne sait pas comment parler à 25 anciens combattants. Voyons donc, il est flagrant que le ministère des Anciens Combattants doit établir un quota de recrutement d'anciens combattants.
    La fonction publique fédérale n'a pas de mal à dire qu'elle doit intégrer un nombre X d'employés autochtones ou un nombre Y de femmes. De toute évidence, le ministère devrait compter un nombre minimum d'anciens combattants dans son effectif.
    Parallèlement à cela, vous devez emprunter de bonnes idées, et les forces armées ont une très bonne idée au sujet du contrôle de la qualité. C'est le jeu du téléphone. Le commandant qui rend visite aux troupes serre des mains, mais il voit aussi comment les choses se déroulent et si le message qu'il a lancé du haut de la hiérarchie s'est rendu jusqu'en bas. Il faut que la même chose se produise au ministère, en particulier sur le plan de l'emploi. Ce qui arrive vraiment maintenant, monsieur, sur le dossier de l'emploi, c'est qu'on s'en remet à des organisations civiles. La fondation La patrie gravée sur le coeur est fantastique, mais le gouvernement fédéral ne devrait pas avoir pour politique de vous diriger vers La patrie gravée sur le coeur pour le recyclage. Elle devrait plutôt servir d'ajout à ce qui existe déjà.
    Ce sont les deux choses que j'examinerais dès maintenant.

  (1655)  

    Monsieur Westholm, maintenant que M. McKenna a chaudement recommandé vos services, partagez-vous son opinion à cet égard?
    Encore une fois, pour presque tout ce qui a été dit, je reviens à l'UISP et à ce qu'elle devrait faire. Si vous êtes blessé — disons, que vous perdez la vue —, ce que les forces armées veulent faire maintenant, c'est attendre jusqu'à vos six derniers mois de service, environ, avant de commencer votre recyclage. Pourquoi? Si vous partez et qu'il vous reste trois ans, c'est maintenant qu'il faudrait commencer. Les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada devraient déployer un effort concerté — sous la direction d'Anciens Combattants — pour déterminer ce que la personne veut faire, effectuer quelques essais et voir comment vont les choses, puis pointer la personne dans la bonne direction.
    Si, par exemple, une personne veut travailler comme charpentier à Moose Jaw, cela ne va pas fonctionner, alors nous lui cherchons autre chose à faire. Si, par contre, elle veut faire cela à Windsor, qu'il y a une forte demande pour des gens de ce métier à Windsor et que nous pensons qu'elle peut y arriver, alors ce sera son dernier lieu d'affectation. Nous allons étudier les différents endroits à Windsor où nous pouvons faire cela, et nous allons essayer de l'aider. On travaille avec cette personne dès qu'elle entre dans cette phase de transition de sortie, nous travaillons avec sa famille en tant que groupe, pour arriver à la fin avec une personne faisant son entrée dans la vie civile qui a été bien formée pour faire quelque chose et qui peut compter sur tous les atouts liés au fait d'avoir été un militaire. C'est très simple.
    C'est un très bon conseil.
    Monsieur Grant, j'aimerais aborder la question des préjugés au sein des forces armées.
    Nous avons entendu dire que les préjugés à l'égard de la maladie mentale et du suicide s'atténuent au sein des forces armées, qu'on commence à mieux comprendre ces phénomènes. Ce que vous avez dit plus tôt contredit cela, en quelque sorte. Pourriez-vous nous en parler un peu?
    Vous avez toujours affaire à des dinosaures. Il y a toujours au sein de l'organisation des gens qui pensent que le TSPT n'est pas une vraie blessure, malgré toutes les données probantes mises de l'avant par le milieu médical.
    Le problème fondamental est l'éducation. Encore une fois, je reviens au CPHR, dans le cadre duquel on forçait les militaires — on ne leur demandait pas — de s'asseoir et d'endurer toute une série d'exposés sur ce qui est considéré comme un bon comportement. On devrait appliquer la même formule afin de sensibiliser la hiérarchie militaire au TSPT et aux blessures psychologiques.
    L'éducation est cruciale à ce chapitre. C'est pourquoi j'associe cela au processus postérieur au déploiement, car, même s'il est vrai que de nombreux bébés sont nés 9 mois après le déploiement, je peux vous dire que 37 requêtes en divorce ont été présentées. Il y a eu de nombreuses séparations, et je ne saurais vous dire combien de couples ont éclaté lorsque les gars sont revenus à la maison. Il y a la réintégration d'abord dans la famille, puis dans la société, et il faut reconnaître le fait que, lorsqu'on prend un emploi où il faut faire passer la mission avant tout, tout signe de faiblesse est une mauvaise chose. Nous devons changer ce type de culture.
    Disons-le franchement: il n'est pas facile d'être l'homme que nous nous imaginons tous être, l'homme au passe-montagne noir, le parfait pilote, le parfait marin. La route est trop longue, et les collines sont trop hautes et escarpées. Lorsque nous finissons par mettre un genou à terre, à cause de la pression que nous subissons du fait d'être en sous-effectif, d'être surchargés et d'essayer de trop en faire avec trop peu de ressources, même si nous y arrivons... Je peux vous dire que Brian n'arrive pas à faire ce qu'il voudrait faire pour ses soldats, car il a trop de rapports et de déclarations à produire.
    Tout ce que nous demandons, c'est qu'on reconnaisse, à un moment donné, que les forces accomplissent une tâche difficile, et qu'on nous donne un peu d'aide en cours de route.
    Merci.
    Monsieur Fraser.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. C'est vraiment un privilège de vous accueillir parmi nous et de pouvoir compter sur votre aide afin de nous attaquer aux enjeux importants que vous décrivez. Je vous remercie également, Jeanette, d'avoir servi en soutenant votre mari. Nous apprécions tous votre dévouement.
    J'aimerais poursuivre avec vous, monsieur Grant, si possible, et revenir à la question précédente au sujet des préjugés. Au sein des forces, à l'heure actuelle, y a-t-il un problème de préjugés, où les gens gardent le silence pour éviter des problèmes au sein de l'unité ou craignent d'être écartés d'une possibilité de promotion? Est-ce le genre de problèmes de préjugés que vous décrivez?

  (1700)  

    Oui. En partie, cela revient essentiellement à la situation suivante: si je reconnais que j'ai un problème, on va m'envoyer à l'UISP. Toute possibilité d'avancement professionnel disparaît aussitôt. Si j'admets que j'ai un problème, que je ne suis pas capable d'accomplir mes tâches, les gens vont commencer à me percevoir différemment. Ils vont décider de ne pas retenir ma candidature et d'opter pour l'autre personne, qui n'a pas de problème. Que mon RAP soit aussi impeccable que celui de l'autre candidat est sans importance. Cela veut dire que j'ai un problème que je refuse d'affronter ou que j'ai déclaré avoir un problème. Cela va vous nuire.
    À cause de cela, personne ne veut reconnaître qu'il a un problème. D'ailleurs, soyons francs: nous sommes des gars, d'accord? Nous sommes des êtres primitifs à bien des égards. Nous n'aimons pas admettre que nous avons un problème. Toute notre société est bâtie sur l'idée que le gars répare les choses, et puis soudainement, vous admettez que vous avez un problème et que vous ne pouvez être tout ce que vous voulez être, ce qui a un impact profond sur votre perception de vous-même et sur la façon dont vous faites votre travail. Vous commencez à douter de vous-même, et c'est un gros problème. Au lieu de faire face à leurs démons, les militaires préfèrent continuer de foncer et dire que tout va bien.
    L'une des choses que vous avez mentionnées dans votre exposé concernait la période postérieure au déploiement et le besoin d'éducation.
    Pourriez-vous nous en parler un peu plus? Parlez-vous d'éducation officielle pour une personne qui veut se recycler en vue de réintégrer la population active, ou... Qu'entendez-vous par cela?
    Non. La période postérieure au déploiement est celle au cours de laquelle vous revenez à la maison et vous réparez tout ce qui est brisé. Vous vous réintégrez à la vie au sein du régiment. Ce que je dis, c'est qu'on devrait mettre l'accent sur le rétablissement sur le plan physique — c'est-à-dire l'entraînement physique habituel —, sur l'éducation, sur le travail avec des psychologues et de psychiatres et sur la compréhension du TSPT au lieu d'insister sur l'entraînement, comme se rendre au champ de tir au pas de course, pratiquer les techniques de plein air, ce genre de choses.
    N'oubliez pas que le TSPT ne se manifeste pas immédiatement. Il m'a fallu 15 ans avant de m'écrouler enfin sous l'effet du stress post-traumatique. Si vous informez les gens, si vous prenez le temps de vous asseoir avec eux et de leur décrire les signes et les symptômes... et je n'entends pas par cela un exposé de deux minutes donné à la fin de la mission par un Calinours de l'extérieur. Je parle de gars assis autour d'une table, en petits groupes, qui parlent de leurs expériences. Plus ils parlent de leurs expériences, plus ces problèmes peuvent faire surface.
    Une partie de cela pourrait consister à tenter proactivement de déterminer qui souffre peut-être d'un TSPT ou qui affiche des signes précurseurs...
    Écoutez. Je peux vous dire beaucoup de choses au sujet de mes amis. L'un d'eux en particulier a un problème de consommation d'alcool. Nous ne savions pas qu'il avait un problème. Son camarade de chambrée ne savait pas qu'il avait un problème. Nous ne l'avons appris qu'à Noël, lorsqu'il a explosé et s'en est pris à quelqu'un; on a dû physiquement plaquer ce gars et l'envoyer à Kingston pour le faire traiter.
    Pourquoi était-il comme ça? Parce qu'il faisait partie de la compagnie Bravo de la PPCLI lorsque celle-ci a été frappée par un mortier: il a été blessé et renvoyé à la maison plus tôt que prévu. Son plus gros problème était qu'il ne pouvait pas retourner.
    D'accord.
    Barry.
    Lorsque j'ai reçu un diagnostic de TSPT, j'étais adjudant-maître, responsable d'une compagnie de maintenance qui soutenait un bataillon des services. Lorsque le médecin me l'a dit, j'ai pensé: « Oh, merde. D'accord, j'ai un TSPT. » Je lui ai aussitôt demandé si j'étais apte à m'acquitter de mes fonctions, car j'avais beaucoup de responsabilités; il a dit oui.
    Ensuite, comme j'étais un adjudant-maître responsable de ces militaires, j'avais la responsabilité connexe — c'était du moins ce que je pensais — de dire aux gens avec qui je travaillais que je savais que je souffrais d'un TSPT. C'est une question de leadership aussi. Lorsque vous êtes dans une telle position — à partir du rang de sergent —, on doit se rappeler que des gens comptent sur nous, et on doit être honnête et leur faire savoir qu'on souffre d'un TSPT, qu'on est incapable de remplir nos fonctions, et on doit demander de l'aide. On ne peut garder le silence.
    Pour ma part, je m'étais présenté à mes partenaires de l'équipe de commandement. Lorsque le bon moment est venu, après qu'ils ont eu la possibilité d'apprendre à me connaître, j'ai dit: « En passant, je souffre d'un TSPT. » Il s'est passé deux choses après cela. Dans un cas, le gars ne voulait plus me parler. La relation était terminée. Il était major, j'étais adjudant-maître. Il était décontenancé par le fait que son sergent-major était aux prises avec un TSPT, et il n'était pas vraiment capable d'accepter cela. La relation n'a pas tenu le coup.
    L'autre gars m'a posé beaucoup de questions sur ce qui c'était passé, comment j'allais, ce que je faisais. C'était devenu une occasion d'apprendre des choses, et c'est la façon parfaite de fonctionner.
    Personne ne veut souffrir de ce trouble — je le comprends —, mais tout le monde peut parler de son expérience surtout si on est au sommet ou près du sommet de la hiérarchie. Faites savoir aux gars que ce n'est pas la fin de leur carrière. Vous devez leur faire savoir, car vous êtes dans les forces armées, vous êtes responsables d'armements et, vraiment, c'est pour assurer le bon fonctionnement du bataillon que vous devez démontrer que tout va bien et que vous pouvez fonctionner.

  (1705)  

    D'accord.
    Le temps est écoulé, désolé.
    Le temps est insuffisant.
    Oui.
    Monsieur Kitchen.
    Merci, monsieur le président.
    À tous les témoins, je vous remercie d'être venus aujourd'hui, et je vous remercie d'avoir servi notre pays. J'inclus Mme McLeod dans mes remerciements. Je viens d'une famille militaire, et je sais que lorsqu'on épouse un militaire, on fait partie de l'équipe. Beaucoup de gens au Canada ne comprennent pas cela, et c'est un aspect qui a été mentionné dans nombre de discussions que nous avons eues.
    Juste par curiosité, pourriez-vous lever la main, ceux qui ont pris de la méfloquine? Merci. Vous savez peut-être que nous avons mené une étude et possédons de l'information sur cette question. Nous pouvons en parler.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais passer à autre chose.
    Dans le cas des réservistes, lorsqu'ils servent et sont déployés, comme vous le savez, on leur réserve essentiellement un poste de façon à ce que leur emploi soit protégé. Ou il censé l'être, je devrais dire. Ils s'engagent, et on les envoie. Lorsqu'ils reviennent, ils sont censés retourner à leur emploi.
    Comme vous l'avez dit, Brian, bien souvent, ils ne sont tout simplement plus suivis par le système. Où vont-ils? Je me pose la question. Avez-vous des suggestions de façons de les suivre? Quelle serait une bonne façon de veiller à ce que nous suivions cette information afin que nous sachions ce qu'il advient non seulement de notre force régulière, mais aussi de nos réservistes?
    Certainement. L'une des choses que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'il y a une loi qui protège l'emploi des personnes déployées. Or, cela peut s'avérer une arme à double tranchant. Aux États-Unis, par exemple, les employeurs sont conscients de cela, et maintenant, sur de nombreux formulaires de demande d'emploi aux États-Unis, on voit des questions comme: « Êtes-vous membres de la Garde? Appartenez-vous à la Réserve? » Cela peut s'avérer une arme à double tranchant, mais je vous le dis — c'est un autre aspect très intéressant —, la vaste majorité de ces gens sont des réservistes en classe A, c'est-à-dire ce à quoi on pense lorsqu'on parle d'un réserviste: une personne qui sert la fin de semaine, un soir par mois l'été, ce genre de choses. Ensuite vient la classe B, c'est-à-dire les personnes auxquelles on offre une place à temps plein et un contrat à temps plein.
    Vous ne le savez peut-être pas, mais l'emploi de ces personnes n'est pas protégé lorsqu'elles sont déployées. C'est paradoxal, lorsqu'on y pense: le gouvernement et les forces armées demandent au secteur civil de protéger l'emploi des réservistes lorsqu'ils sont déployés, mais les réservistes qui se voient offrir un emploi à temps plein ici au Canada ne bénéficient d'aucune protection lorsqu'ils sont déployés. La plupart des gens devront abandonner leur emploi avant leur déploiement, et on vous répond toujours: « Oh, c'est une période d'affectation; ce n'est pas un emploi que vous occupiez. » Sachez seulement que les gens des Forces canadiennes comptent parmi les principaux coupables de la perte de l'emploi des réservistes lorsqu'ils reviennent de leur mission.
    Que pouvons-nous faire pour régler ce problème?
    À l'heure actuelle, nous sommes dans cette situation où, de façon générale, le bataillon dont vous faisiez partie vous téléphone après deux ou trois mois, et c'est une bonne chose. Votre unité d'appartenance fera tout ce qu'elle peut, ce qui est également une bonne chose, et cela ne devrait pas s'arrêter. Mon ami à ma gauche, Kurt, a décrit des étapes, et l'ordre dans lequel il les a présentées est important, alors si vous devez vous attacher à quelque chose, concentrez-vous sur cette partie. Vous revenez à la maison et vous avez besoin de cette pause, car quelqu'un vous présente un breffage dans l'avion — au moment de votre retour — ou le lendemain. Nous pourrions dresser toute une liste de choses qui vous traversent l'esprit, mais ce n'est pas ça. Vous avez besoin de temps pour revenir, réparer le corps, réparer l'esprit, vous ancrer dans une nouvelle routine et laisser les enfants s'habituer à votre présence. Ensuite, nous passons au volet éducation, où on vous montre à être sain et à évaluer votre propre état de santé.
    Vous ne serez pas dans cet état d'esprit dès le premier jour, et vous n'allez pas non plus être bien placé pour chercher un emploi au cours du dernier mois de votre période de service. Une des meilleures façons de se faire tuer en service est de réfléchir à d'autres choses qu'à sa mission. Nous ne pouvons avoir des réservistes qui, une semaine avant leur retour à la maison, se disent: « Oh mon Dieu, je suis en patrouille, mais ce qui occupe vraiment mon esprit, c'est la possibilité de perdre mon emploi. » C'est à ce chapitre que nous devons intervenir. C'est ce que je pense.

  (1710)  

    Merci.
    Jeanette, vous avez parlé de soutien ou de chercher du soutien. Quelle sorte de soutien? Pouvez-vous nous les décrire? À votre avis, quelles formes de soutien seraient utiles à un membre de la famille, et en quoi ce soutien offert à l'époux ou aux enfants va-t-il les aider à composer avec la situation et à donner assistance au soldat qui fait partie de l'unité familiale?
    Je dirais que c'est la formation. À l'époque où j'ai fait la connaissance de mon mari, il avait déjà reçu un diagnostic de TSPT. Je n'avais aucune expérience de cela, et même si vous communiquez avec Anciens Combattants Canada et qu'on sait qu'il est dans une relation, il n'y a toujours aucune communication pour aider les gens à comprendre le trouble de stress post-traumatique.
    Je suis pour elle un emploi à temps plein. Elle ne peut pas travailler parce qu'elle se consacre constamment à moi, à s'assurer que je suis stable, que je suis en mesure seulement de tenir le coup chaque jour, et c'est le lot de nombre de conjoints et de membres de la famille.
    J'ai trois fils que je n'ai pas vus depuis des années parce que mon ex-femme pense que je suis complètement fou et qu'ils ne voudraient pas avoir de contact avec moi, et maintenant ils ne veulent tout simplement pas. Cela m'a coûté très cher. Je ne serais pas ici si ce n'était de Jeanette, ça, je peux vous le dire.
    Ce dont elle parle, l'événement catalyseur qui m'a permis d'obtenir de l'aide, qui a suscité l'attention du National Post et tout le reste, c'est la confrontation que j'ai eue avec une équipe d'intervention tactique à Trenton à l'issue de laquelle je me suis pendu. Après ça, elle n'en pouvait plus. On m'a envoyé à l'hôpital Sainte-Anne à Montréal, seul hôpital pour les anciens combattants qu'il restait à l'époque. Le docteur Provençal lui-même dirigeait un programme de traitement du TSPT de deux mois. Il s'agissait d'un très bon programme, très efficace, et c'était à l'époque où nous n'avions aucun programme. Il offrait le seul programme du genre. On préconisait une approche globale, où les services de conseillers financiers et d'ergothérapeutes étaient offerts. Votre emploi du temps était structuré tous les jours, et c'était un système fantastique. J'ignore ce qu'il est advenu du programme. Maintenant, vous avez fermé l'hôpital Sainte-Anne.
    Quant aux soldats blessés qui sont déployés et qui vont dans des établissements civils, il faut savoir que, premièrement, les civils n'ont pas le temps et que, deuxièmement ils n'ont pas les connaissances pour aider ces gars. Le personnel médical militaire comprend ce qu'il leur faut. Il comprend leurs besoins. Il comprend ce que les militaires vivent, car ils l'ont vécu. Ne mettez pas ces gens avec des civils, car les civils ne vont pas comprendre et vont se frustrer. Ils vont se mettre en colère à cause des sautes d'humeur de l'ancien combattant ou d'autres choses qui se produisent. Confiez-les à du personnel médical militaire qui comprend la problématique.
    Merci.
    Mme Mathyssen va terminer avec une intervention de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais revenir à l'époque où vous receviez des services, après votre libération. Vous rappelez-vous si, premièrement, ces services vous ont aidé? Faisiez-vous confiance aux gens qui offraient ces services, et est-ce qu'on vous expliquait le service de façon à ce que vous puissiez comprendre ce qu'on vous offrait et l'apprécier?
    Je ne sais pas qui est responsable de mon dossier au ministère des Anciens Combattants.
    Une employée s'est chargée de mon cas pendant des années, puis elle n'était plus là. Ensuite, trois autres personnes se sont succédé au cours d'une période de deux ans, et elles ne sont plus là. J'ignore qui se charge de mon dossier à l'heure actuelle.
    Alors, vous n'arriviez pas à nouer une relation personnelle...?
    Non.
    Monsieur McKenna.
    Oui, cela reflète beaucoup mon expérience. On passait en revue une liste de vérification, comme si on préparait l'expédition d'une jeep à l'étranger: est-ce qu'elle a ceci, est-ce qu'elle a cela? C'est l'expérience que j'ai vécue. On passait en revue la liste de vérification: « Avez-vous subi telle chose? Avez-vous telle autre chose? Avez-vous reçu cette trousse? Avez-vous vu cette page? » On ne vous demandait pas si cela vous semblait sensé. Personne n'essayait vraiment de vous garder dans le système. On voulait seulement s'assurer de pouvoir dire — un an plus tard, s'il y avait un problème — qu'on avait coché toutes les cases et fait tout ce qu'il fallait faire.
    On avait certainement l'impression que les choses se passaient comme ça. C'est ce qui se passait.

  (1715)  

    Quelqu'un a-t-il d'autres commentaires?
    Mon expérience des Services aux familles a été plutôt brève. Je me suis retrouvé devant un diplômé universitaire de 22 ans qui me posait des questions au sujet de ma vie familiale, alors ça s'est terminé plutôt vite.
    Nous sommes dans une situation où le mot d'ordre est de protéger ses arrières; tout le monde veut s'assurer d'avoir coché toutes les cases: « Regardez, voici ma liste. » Il a parcouru sa liste, mais cela nous ramène encore au problème du TSPT. En effet, il affecte les capacités cognitives, ce qui veut dire que, lorsque je m'assieds pour un entretien avec vous, je ne vais probablement retenir que la moitié de ce que vous avez dit. L'incompétence administrative est une de mes bêtes noires. Je vais me lever et piquer une crise plutôt rapidement.
    C'est difficile pour nous en tant que membres, mais je crois, lorsqu'il est question de services aux familles, que le plus grand service qu'on puisse rendre à une personne comme Jeanette est de la mettre en contact avec d'autres femmes qui traversent la même épreuve. De cette façon, elle ne se sent pas seule. Nous avons beaucoup parlé de nos groupes et de notre capacité d'entretenir des relations les uns avec les autres, mais les femmes sont laissées à elles-mêmes, et le fait d'offrir des services aux familles ciblant cet aspect...
    Je le répète, les forces armées ont dû apprendre énormément de choses en peu de temps, et les services aux familles — autrefois considérés comme un service de troisième ligne, derrière la perception des cotisations de mess — reçoivent maintenant à peu près l'attention qu'ils méritent. Je crois que ce serait la principale chose, mais encore une fois, c'est une question de volonté politique et de reconnaissance de notre obligation, en tant que pays, de prendre soin des personnes qui se mettent volontairement en danger.
    Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons aujourd'hui.
    Je tiens à remercier tous les témoins. Merci à vous — et à tous les membres de votre famille — de tout ce que vous avez fait pour notre pays.
    Je vais devoir suspendre la séance. Je sais que de nombreux membres du Comité aimeraient vous remercier personnellement d'avoir témoigné aujourd'hui. Nous devons reprendre la séance à huis clos pour cinq minutes. Encore une fois, toutes les connaissances que vous nous avez apportées aujourd'hui sont fantastiques. Merci mille fois d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance, puis nous reprendrons dans quatre minutes, si nous le pouvons.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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