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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 094 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 septembre 2018

[Énregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

     La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les besoins et les enjeux propres aux anciens combattants autochtones.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue à la première réunion. J’espère que tout le monde a passé un bel été.
    Aujourd’hui, j’aimerais souhaiter la bienvenue à trois nouveaux membres du Comité. Nous accueillons Shaun Chen, député de Scarborough-Nord, et Karen Ludwig, députée de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest. Bienvenue au Comité. Nous avons aussi un nouveau secrétaire parlementaire, Stéphane Lauzon.
    Au printemps dernier, le Comité a entrepris sa première étude sur les besoins et les enjeux propres aux anciens combattants autochtones. Nous avons tenu six réunions et entendu 26 témoins. En mai, nous avons fait un voyage en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Et comme nous le savons tous, nous prévoyons un autre voyage à Yellowknife la semaine du 20 octobre, aux fins de notre étude.
    Aujourd’hui, nous sommes heureux d’accueillir le Ralliement national des Métis. Ses membres devaient comparaître par vidéoconférence, mais ils ont décidé d’intervenir en personne. Bienvenue.
    De la Fédération des Métis du Manitoba, j’aimerais vous présenter M. David Chartrand, ministre des Anciens Combattants, et Al Benoit, chef de cabinet.
    Nous allons commencer par entendre votre témoignage de 10 minutes, puis nous passerons aux questions.
    Merci.
     Merci beaucoup, Neil. Vous et moi avons quelque chose en commun. Nous avons un problème d’accent — avec les Métis et différents noms.
    À titre de représentants de la nation métisse, nous sommes évidemment très honorés de comparaître devant vous pour transmettre le message de nos anciens combattants.
    Je devrais prendre le temps de faire un bref rappel avant de commencer. Le Ralliement national des Métis représente la nation métisse de la mère patrie, qui comprend une partie de l’ouest de l’Ontario et s’étend jusqu’à certaines régions de la Colombie-Britannique, des États-Unis et, bien sûr, des Territoires du Nord-Ouest. C’est notre patrie traditionnelle et historique. Notre peuple vit là depuis plusieurs centaines d’années, sans interruption, et il se consacre à notre développement entrepreneurial.
    Je suis sûr que la plupart d’entre vous connaissent l’histoire, laquelle ous a enseigné différentes choses au fil du temps. À une époque, la personne que nous considérons comme notre grand chef a été qualifiée de traître à ce pays. Aujourd’hui, Louis Riel est reconnu à juste titre comme l’un des fondateurs du Manitoba. Le gouvernement métis s’étend de l’Ontario à la Colombie-Britannique. Je suis membre du conseil d’administration et vice-président du Ralliement national des Métis. Je suis également président de la Fédération des Métis du Manitoba.
    Notre population est estimée à environ 400 000 habitants dans l’ouest du Canada. Nos gouvernements comptent, je dirais, près de 1 500 employés dans tout le pays. Au Manitoba seulement, nous avons 750 employés et nous gérons toutes sortes de programmes et de services pour nos citoyens. La plupart du temps, ce sont nos propres entreprises qui gèrent ces programmes de façon économique. Nous dirigeons beaucoup d’entreprises et elles sont très rentables. Nous avons réalisé plusieurs succès de cette façon.
    L’histoire de notre pays nous a aussi fait beaucoup souffrir. Lorsque nous nous sommes joints au Canada en 1870, nous l’avons fait parce qu’on nous avait promis certaines choses. Comme l’histoire le démontre, nous avons enfin eu gain de cause devant la Cour suprême en 2013 en regard de nos revendications territoriales. Toutefois, cela a jeté les bases de la lutte que nous menons maintenant, près de 150 ans après 1870, un anniversaire qui aura lieu dans deux ans à peine.
    La nation métisse est probablement l’une des nations les plus connues, en raison de Louis Riel et de notre histoire, mais nous avons eu un passé turbulent en essayant de définir notre identité et de tailler notre place au Canada.
    C’est intéressant. Je ne lis pas habituellement de discours. Je parle d’après ce que je sais. J’appelle un chat un chat lorsque j’en vois un. Je n’ai pas peur de défendre mes convictions. J’ai un discours préparé devant moi. Je m’excuse pour ceux qui parlent français. Nous n’avons pas de traducteurs français à notre emploi, bien qu’un grand nombre de nos gens parlent français. Pour ma part, je parle l’ojibway. Nous sommes une nation multilingue. La langue que nous avons créée, qui est maintenant reconnue, s’appelle le michif. Il s’agit d’un mélange de français, de cri et d’ojibway. Nos peuples l’ont créé, et on vient des quatre coins du monde pour l’étudier. On vient étudier la façon dont nous avons créé cette langue.
    Permettez-moi d’abord de vous remercier tous de me donner l’occasion de comparaître devant votre Comité. En ma qualité de ministre des Anciens Combattants du Ralliement national des Métis et de président de la Fédération des Métis du Manitoba, je le fais avec des sentiments partagés. J’ai bon espoir qu’une entente sera bientôt conclue pour nos anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, une entente qui reconnaît les inconvénients et la discrimination qu’ils ont subi à leur retour au Canada, ce qui les a privés d’une démobilisation aussi avantageuse que celle des autres anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. J’ai le coeur lourd parce que cette entente a pris tellement de temps à se manifester que la grande majorité des héros de la Seconde Guerre mondiale ne sont plus parmi nous. Le temps presse pour quelques-uns d’entre eux. Dans l’ouest du Canada, très peu d’entre eux vivent toujours.
    Faites attention à mon accent. Je ne prononce pas le « h  », mais je ne parle pas français.
    Pour comprendre l’ampleur de la participation de la nation métisse à l’effort de guerre du Canada, je vous encourage à visiter le Monument commémoratif national des anciens combattants métis à Batoche, en Saskatchewan. Nous l’avons érigé il y a quelques années seulement. Je suis sûr que la plupart d’entre vous savent ce que représente Batoche. Je suis sûr de ne pas avoir à me répéter, mais au cas où, Batoche est l’endroit où se sont déroulées les dernières batailles historiques entre la nation métisse et le Canada. Nous avons gagné deux des escarmouches et perdu la dernière. À ce moment-là, bien sûr, peu de temps après, notre chef a été pendu.
    Inauguré en juillet 2014, le monument honore et commémore le service de guerre de nos patriotes de la Nation métis, en commençant par ceux qui ont combattu sous la direction de Louis Riel et du commandement militaire de Gabriel Dumont, à Batoche. La dernière bataille de notre Résistance du Nord-Ouest a eu lieu en 1885, et seulement une trentaine d’années plus tard, le Canada nous a enrôlés dans la Grande Guerre.

  (1540)  

     Pendant la Première Guerre mondiale, notre pays a demandé à nos garçons de se battre et à nos femmes de servir dans le corps médical.
    J’aimerais que les gens réfléchissent à cela pendant un instant. Imaginez que quelqu’un vous attaque, entre dans votre territoire — dans vos maisons — et attaque vos familles. Peu de temps après — 30 ans plus tard — ils frappent à votre porte et vous demandent de venir vous battre pour eux, de vous battre contre quelqu’un que vous ne connaissez même pas. C’est vraiment ce qui s’est passé. Il est bien de constater que notre peuple n’a pas hésité. Nous avons participé en grand nombre à la Première Guerre mondiale pour aller nous battre au nom du Canada, pour combattre ceux que nous ne connaissions même pas afin de protéger la démocratie et la liberté.
    Ces patriotes se sont battus pour les droits et la dignité de la nation métisse, par soif de justice et pour protéger notre mode de vie. Malgré notre défaite à Batoche, l’exécution de notre chef, la dépossession et la dispersion qu’on nous a infligées, et notre marginalisation, la réponse des Métis lorsque le Canada a été menacé a été immédiate et vaste.
    L’inscription initiale gravée sur le monument porte le nom de plus de 5 000 anciens combattants de la nation métisse, dont la plupart ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous y avons aussi inscrit les noms des anciens combattants qui ont participé aux batailles de 1885, à Batoche. Il y a aussi ceux de la guerre de Corée et, bien sûr, il y a encore des recrues aujourd’hui dans la guerre qui se déroule dans la partie est de notre planète.
    Le recrutement était si élevé dans les communautés métisses qu’il a fallu le suspendre lorsqu’il menaçait les économies locales. Nos jeunes hommes et nos garçons étaient nombreux. Dans mon village à lui seul, je sais qu’un grand nombre d’hommes se sont rendus outre-mer. Certains ne sont jamais revenus; d’autres sont revenus blessés, bien sûr, avec un bras ou une jambe, mais nous savons tous ce qui leur est arrivé. Ils ont été abandonnés à eux-mêmes.
    Pourquoi tant de gens se sont-ils engagés pour défendre notre pays pendant la Seconde Guerre mondiale? Naturellement, un élément d’intrigue et d’aventure a convaincu certains d’entre eux à servir outre-mer. C’était peut-être la possibilité de trouver un emploi intéressant à une époque où les perspectives d’emploi des Métis des Prairies étaient sombres. Cependant, connaissant ces hommes et ces femmes, je sais que leur principale motivation était la ferveur de combattre le fléau du fascisme et de contribuer à créer un monde meilleur et un Canada meilleur — un Canada où ils ne seraient plus la cible de discrimination et de racisme continus et où ils auraient des chances égales de trouver un gagne-pain et de bâtir une vie meilleure pour eux-mêmes, leur famille et leur collectivité.
    A-t-on répondu à leurs attentes et à leurs espoirs lorsqu’ils ont été démobilisés? Malheureusement, non. Le nouveau Canada pour lequel ils se sont battus ne devait pas voir le jour.
    Je suis ministre responsable de ce dossier depuis plus de 15 ans. Je me suis battu avec le Canada pour essayer de trouver une solution et de traiter comme il se doit ceux qui sont revenus. On leur a fait tellement de promesses lorsqu’ils sont partis, à savoir qu’ils auraient un nouveau départ économique s’ils survivaient et que le Canada serait là pour eux.
    Permettez-moi de vous dire que j’ai rencontré beaucoup de gens, que nous appelons maintenant des aînés en raison de leur âge, et qui ont pleuré devant moi — ce qui m’a fait pleurer — en me racontant le traitement qu’ils ont reçu à leur retour au pays. En gros, on leur a dit de retourner sur leurs territoires de piégeage. Même lorsqu’ils manifestaient leur désaccord, ils m'ont rapporté que les jeunes fonctionnaires utilisaient un langage différent, ou disons un langage beaucoup plus dur : « Vous n’étiez là que pour trois mois. Croyez-vous que votre travail a autant de valeur? Vous pensez que nous devrions vous donner... » C’est le genre de choses qu’on leur disait à l’époque. Bien sûr, ils sont partis et ne sont jamais revenus, à cause de la façon dont ils ont été traités.
    Je les ai vus et je les ai entendus exprimer la douleur qu’ils avaient au coeur. Ce n’était pas censé leur arriver au retour. On devait les aider; il devait y avoir quelqu’un pour s’occuper d’eux. Quelqu’un était censé leur donner une autre chance de reconstruire leur vie. Bien sûr, cela ne s’est pas produit. J’ai rencontré tous les gouvernements autour de cette table à ce sujet. Vous pouvez retourner dans le passé et voir que je vous ai rencontré, vous et votre gouvernement, à un titre ou à un autre.
    Le nouveau Canada pour lequel ils se sont battus n’existerait pas pour eux à leur retour. En 1995, un de nos anciens combattants a dit au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones que lorsqu’il a été démobilisé en 1945, il voulait travailler pour le bureau de poste parce qu’il aimait l’uniforme et la façon dont les employés étaient traités. Il s’agit de l’étude effectuée par le Sénat en 1995. J’en ai une copie, et je vais la laisser ici si vous voulez la consulter. L’ancien combattant a déclaré : « Le plus important pour moi était de me joindre au bureau de poste et d’être facteur. La seule chose qui m’a bloqué, c’est que j’étais Métis et qu’on ne voulait pas de moi. »
    L’accès aux prestations des anciens combattants serait particulièrement problématique pour les Métis. Un autre de nos anciens combattants a dit au Comité sénatorial:
Tous les avantages étaient annoncés à la radio et dans les journaux, mais je n’ai jamais vu un journal où je vivais, et nous n’avions pas de radio. Nous étions éloignés. La première route de gravier aménagée là-bas remonte à 1959.
    Lors d’une réunion antérieure, ce même vétéran avait dit que la plupart des anciens combattants métis n’avaient « pas été informés des possibilités d’apprentissage et des avantages fonciers, ni des prêts à faible taux d’intérêt qui étaient disponibles pour le logement et le démarrage d’entreprises. » Il a dit que de nombreux anciens combattants métis « ne pouvaient pas lire l’anglais, mais que le ministère ne rendait pas les demandes disponibles en cri, en michif ou en français. »

  (1545)  

     Comme je vous l’ai dit plus tôt, beaucoup de gens dans nos villages parlent couramment le français et c’est leur langue principale. La Légion royale canadienne était une autre source d’information possible, mais nos anciens combattants ont dit au Comité qu’ils vivaient loin de la filiale la plus proche et qu’ils ne se sont pas joints à la Légion ou n’y ont pas adhéré pendant de nombreuses années après leur service de guerre. Ces anciens combattants métis n’ont pas été mis au courant des avantages et, parfois, on a refusé de les laisser en faire plein usage. C’était le cas des Métis de l’Alberta et de la Saskatchewan qui voulaient obtenir des concessions de terres pour anciens combattants et qui se sont plutôt fait dire de déménager dans des établissements métis ou des fermes collectives métisses. Ils n’ont pas eu accès au prêt de 6 000 $ accordé aux anciens combattants qui se sont établis sur des propriétés privées.
    Je m’en souviens aussi clairement que si c’était hier. J’ai rencontré des anciens combattants qui m’ont parlé de leurs difficultés et de ce qu’ils ont ressenti lorsqu’on leur a promis des possibilités de développement économique à leur retour. Certains ont versé des larmes. Ils ont décrit très clairement l’existence de deux files d’attente. Premièrement, si leur teint était assez foncé, on leur disait d’attendre dans la file réservée aux Premières Nations — le mot qu’ils utilisaient à l’époque était « Indien ». Je suis simplement plus diplomatique. Une fois sur place, on refusait de traiter leur demande sous prétexte qu’ils n’étaient pas « Indiens ». On leur disait d’aller faire la queue avec les « blancs ». Encore une fois, on refusait de traiter leur demande. Personne ne voulait s’occuper d’eux. C’est ainsi qu’ils se décrivaient le mieux lorsqu’ils essayaient de savoir à qui s’adresser. À l’époque, le Canada ne reconnaissait toujours pas le peuple métis comme étant titulaire de droits et, en fait, niait son existence. C’est un défi pour notre pays depuis longtemps. Il n’y avait vraiment pas de file pour eux. C’est la meilleure façon de décrire leur expérience. Je n’oublierai jamais ces larmes.
    Comment nos anciens combattants ont-ils réagi à ce traitement? Certains ont repris les rôles qu’ils avaient joués avant la guerre en organisant nos communautés et en dirigeant nos associations politiques pour revendiquer les droits de notre peuple, sa reconnaissance et l’amélioration de ses conditions sociales et économiques . D’autres, en raison des conditions de logement et de vie médiocres dans les villes et les régions éloignées, ont sombré dans le désespoir et l’alcool.
    Lorsque le Canada a enfin agi pour régler la question de l’accès des Autochtones aux prestations des anciens combattants auxquelles ils avaient droit, nos anciens combattants ont encore une fois subi un déni de justice. En 2002, le Canada a consacré 39 millions de dollars à des programmes destinés aux anciens combattants des Premières Nations en réponse aux demandes de traitement différentiel en vertu de la Charte des anciens combattants. Pour les Métis, cela a fourni un certain financement pour la recherche sur les griefs concernant l’accès des Métis aux avantages offerts après leur démobilisation. Par la suite, on a invoqué la protection de la vie privée pour refuser de nous donner l’information dont nous avions besoin pour appuyer les revendications.
    En fait, c’est ironique. Je m’en souviens très bien. Ce sous-ministre n’est plus avec nous. Il nous a quittés pour un autre monde, mais quand j’ai rencontré Albina — elle était ministre à l’époque, et le Parti libéral était au pouvoir — nous semblions faire des progrès en vue d’une discussion éventuelle sur un règlement comme celui des Premières Nations. Je ne saurais trop vous dire — je l’ai vu de mes propres yeux, et j’ai une excellente réputation, alors je ne dis pas de faussetés — à quel point le sous-ministre s’y opposait catégoriquement. Je ne saurai jamais — il est mort du cancer par la suite — ce qui s’est passé et pourquoi il s’opposait si farouchement aux Métis. Il ne nous a pas permis d’examiner les dossiers, comme on l’a fait pour l’étude sur les Premières Nations. Nous avons eu le même consultant qui a fait l’étude sur les Premières Nations, mais nous n’étions pas autorisés à choisir des dossiers au hasard afin de démontrer la discrimination systémique. Je ne saurai jamais, et probablement personne ne le saura jamais, pourquoi il s’opposait tellement aux Métis. Il a refusé de nous donner la chance de prouver l’existence d’une discrimination systémique et de démontrer clairement que les Métis n’avaient pas été traités aussi équitablement que les autres.
    La première lueur d’espoir d’une reconnaissance s’est manifestée le jour du Souvenir de 2009, lorsque le ministre des Affaires autochtones, Chuck Strahl, et moi avons dirigé une délégation d’anciens combattants métis qui ont participé au débarquement du jour J qui s’est rendue sur les plages de Normandie et au Centre de la plage Juno. C’est là, au Monument commémoratif métis, au Centre de la plage Juno, que nos héros ont été honorés par le gouvernement du Canada, représenté par M. Strahl, et par des citoyens de France.
    Le premier rayon d’espoir pour la reconnaissance a eu lieu le jour du Souvenir de 2009, après de nombreuses années de discussions et de luttes. Cela a mis fin à la discussion ce jour-là; cela semblait mourir. Au cours des discussions, il semblait que le Parti libéral et le gouvernement de l’époque étaient en faveur d’une certaine forme de discussion et d’un éventuel règlement, mais la lutte avec la bureaucratie... Elle était tout simplement trop puissante. Je pense que le gouvernement a tout simplement perdu espoir à cet égard parce que le ministère s’y opposait si farouchement.
    Le Monument commémoratif comprend la charrette de la rivière Rouge, l’un des symboles les plus reconnaissables de la nation métisse. Mais avant cela, nous avons procédé à une première inauguration sur la plage Juno. J’encourage tous ceux d’entre vous qui ne l’ont pas fait de visiter cet endroit. Le sentiment qui vous anime lorsque vous apprenez combien de nos jeunes garçons sont morts là-bas, sur les rivages et au moment où ils ont livré combat... Certains d’entre eux ont été capturés. L’un d’eux vit toujours au Manitoba. Il a été fait prisonnier après avoir parachuté trop loin et trop profondément en territoire ennemi. On commence à contempler la plage Juno. Nous y sommes allés à pied. En qualité de gouvernement métis, nous avons recueilli 100 000 $ et nous nous y sommes rendus avec une importante délégation de survivants de la plage Juno. Lorsque nous sommes arrivés là-bas, il était clair pour nous que les gens ressentaient une grande fierté. Nous nous sommes d’abord rendus dans tous les cimetières pour manifester notre respect et l’honneur que nous ressentions. Nous avons fait des prières dans les cimetières que nous avons visités. Les anciens combattants sont allés rendre visite à plusieurs de leurs amis — ils les appellent frères. Ils se sont arrêtés près de leurs pierres tombales et priés pour eux.

  (1550)  

     Enfin, le premier jour où nous allions couper le ruban avant d’y entrer, j’avais l’impression qu’ils étaient comme des enfants. J’ai vu un tel enthousiasme, un tel enthousiasme, sachant qu’ils allaient entrer dans ce musée où leur histoire serait racontée, pour rappeler qu’ils étaient venus ici pour défendre des gens qu’ils ne connaissaient même pas et se battre pour un pays qui les respectait peu.
    Lors de la cérémonie d’inauguration — personne n’avait été autorisé à examiner l’intérieur des lieux — nous y sommes entrés pour constater que pas un seul des artefacts ne représentait la nation métisse, pas un seul. Tous les artefacts provenaient des Premières Nations. À l’extérieur, un Inukshuk représentait les Inuits, et j’ignore combien d’Inuits ont participé à la Seconde Guerre mondiale, voire même s’il y en a eu. Mais il ne s’y trouvait aucun artefact pour prouver que les Métis étaient venus se battre pour notre pays et pour la planète.
    Nous avons donc travaillé très fort et, à l’époque, Chuck Strahl avait compris — et il est toujours mon ami — qu’il fallait faire quelque chose. Or, nous y avons installé la charrette de la rivière Rouge. Nous y avons dépêché une deuxième délégation cinq ans plus tard; toutefois, bon nombre de nos anciens combattants étaient déjà décédés. Ils n’ont pas eu la chance de voir ce moment historique et de constater que nous avions corrigé les erreurs commises par le musée sur le plan de ses expositions.
    Aujourd’hui, l’histoire des Métis se trouve sur la plage Juno. Nous nous sommes assurés que le monument s’y trouve toujours et qu’on ne mettra pas de côté notre message historique, afin que les gens du monde entier sachent que les membres de notre nation sont allés se battre pour eux.
    La meilleure façon de décrire cette histoire est de dire que j’ai vu des gens d’apparence non autochtone — j’utiliserai cette expression sans connotations négatives — prier avec leurs enfants. Je croyais que seuls des Canadiens étaient enterrés là, alors j’ai cru bon de leur parler au cas où ils connaissaient l’un des membres de la nation métisse. Je leur ai demandé s’ils avaient des proches ici parce qu’il s’agissait de cimetières canadiens. Ils ont dit que non. Je leur ai demandé pourquoi ils priaient devant ces stèles en particulier. Ils ont dit que leur père les avait fait visiter l’endroit quand ils étaient enfants. Ils venaient ici prier pour ces gens qui ne les connaissaient même pas, mais qui ont combattu pour eux, qui sont morts pour eux et qui leur ont légué la liberté dont ils jouissent aujourd’hui. Cela m’a profondément touché, alors j’enseigne à mes enfants aujourd’hui qu’ils doivent rendre hommage aux gens qui sont enterrés ici, qui ont sacrifié leur vie pour notre liberté et qui ne nous connaissaient même pas.
    Je me serai attendu à ce que notre pays manifeste une telle passion lorsque nos anciens combattants sont revenus de la Seconde Guerre mondiale, mais les choses n’étaient vraiment pas les mêmes pour les Métis.
    Soulignant la contribution des soldats, marins et aviateurs métis qui se sont noyés pendant la guerre mondiale et lors du débarquement des Canadiens sur la plage Juno en 1944, les anciens combattants qui ont pris la parole devant le Comité sénatorial il y a plus de 20 ans, au cours de l’étude de 1995, faisaient alors partie d’un groupe comptant des milliers de personnes. L’année 2020 marquera le 150e anniversaire du moment où les Métis ont fait entrer le Manitoba et le reste des Prairies de l’Ouest dans la Confédération canadienne.
    Au cours de notre histoire et celle de notre pays, toutes nos batailles métisses visaient à protéger les droits de notre peuple et de tous les Canadiens. Les Métis sont des patriotes du Canada, ils l’ont toujours été et ils le seront toujours, même si notre pays nous a parfois abandonnés. Le Canada ne peut pas continuer à abandonner les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont sacrifié leur famille et une grande partie de leur vie en luttant pour défendre une liberté dont plusieurs d’entre eux ne jouissaient pas pleinement lorsqu’ils se sont embarqués pour la guerre et qu’ils n’avaient toujours pas lorsqu’ils sont rentrés chez eux.
    Aujourd’hui, je m’adresse à vous au nom des quelques centaines qui sont encore en vie. À titre de ministre des Anciens Combattants de la nation métisse, je collabore avec le ministre O’Regan à l’élaboration d’un programme pour les anciens combattants que nous espérons pouvoir mettre en oeuvre bientôt. Je ne saurais trop insister sur le fait que le temps presse vraiment. J’encourage le Comité à appuyer l’élaboration et la mise en oeuvre de cet ensemble de mesures visant à rendre justice et à respecter ceux qui ont tant sacrifié pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous avons toujours honoré, respecté et appuyé nos anciens combattants qui ont servi en Corée, en Afghanistan et dans d’autres missions de maintien de la paix, et qui continuent aujourd’hui de se sacrifier pour notre grand pays.
    Pourquoi faire une telle déclaration? Si vous regardez ce que le Canada a tenté de faire à l’égard des torts du passé, il s’est occupé des Premières Nations. Ils ont donné 20 000 $ à chaque ancien combattant, en fonction de ce qui avait vraiment été promis après son retour en 1945. Ils se sont également entendus avec les Japonais et les Chinois pour régler la question du tort qu’ils croyaient que le Canada leur avait fait pendant la guerre.

  (1555)  

     Si vous regardez aussi la société non autochtone — sans vouloir lui manquer de respect — certains de ses membres estiment toujours qu’ils n’ont pas été bien servis par la justice. Tous les gouvernements et tous les partis tentent de résoudre le problème. Au bout du compte, cependant, nous savons pertinemment que les Métis ont été abandonnés à eux-mêmes, qu’ils ont dû retourner sur leurs territoires de piégeage et régler des problèmes. Nous tentons d’obtenir justice ici, de trouver une façon de bien faire les choses, pour que notre pays puisse dire qu’il a réglé le cas de ces gens qui sont allés se battre pour que nous puissions tous jouir des libertés que nous avons aujourd’hui.
    Si vous avez toujours de la difficulté a comprendre cela, je vous demanderais de réfléchir à l’idée de voir votre fils ou votre fille partir à l’âge de 18 ou 19 ans pour se battre pour un pays, se faire promettre quelque chose et voir ces promesses s’envoler à leur retour. Cela me dit que le Canada a encore beaucoup de problèmes à régler. Je sais que, du côté de la nation métisse, il y a encore beaucoup de ressentiments. Cela fait mal. Nous construisons actuellement nos propres monuments partout au Manitoba. Nous payons pour ces monuments nous-mêmes en faisant des collectes de fonds et ainsi de suite. Nous avons de beaux monuments en l’honneur de nos anciens combattants.
    J’annonce à mon assemblée que je désire, à titre de gouvernement, donner 20 000 $ à tous les anciens combattants qui sont toujours vivants. C’est pour ceux qui sont encore en vie afin que nous puissions au moins leur rendre hommage avant qu’ils ne partent. Je ne veux pas qu’on les remercie quand ils seront décédés. Je ne veux pas que nous leur disions que nous sommes désolés après leur départ. Je veux que nous leur disions que nous sommes désolés maintenant, alors que certains d’entre eux sont encore en vie. Il y en a très peu qui sont encore en vie et qui sont tous, évidemment, âgés bien au-delà des 80 et 90 ans. Il est temps que notre pays fasse ce qui est juste et équitable.
    Je demande à tous les partis présents aujourd’hui d’appuyer et de défendre cette cause afin que, au bout du compte, ces anciens combattants soient traités avec la dignité qu’ils méritent. Aujourd’hui, nous sommes chanceux d’avoir ce qu’ils nous ont légué.
    Cela met fin à mon exposé, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons commencer par les questions. Les membres disposent de six minutes chacun pour leurs questions.
    Nous allons commencer par Mme Wagantall.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, David, de votre exposé d’aujourd’hui. Nous avons eu l’occasion, comme vous le savez probablement, de nous rendre à certains endroits et de parler notamment des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Je viens de la Saskatchewan...

  (1600)  

    D’accord, très bien.
    — et nous sommes allés à Beauval, en Saskatchewan. Nous avons eu d’excellentes rencontres avec la communauté métisse.
    J’ai trouvé cette expérience enrichissante. J’accorde une grande valeur à ce que vous partagez avec nous et je vous en suis très reconnaissante. De Vimy à Juno est une exposition qui parcourt le pays. Je la visiterai lorsqu’elle sera dans ma circonscription. Je veillerai très attentivement à ce que les Métis soient reconnus comme il se doit à travers le pays, notamment les soldats des deux guerres mondiales.
    Vous avez mentionné certaines recherches qui ont été faites. Le même consultant qui avait travaillé avec les Premières Nations travaillait pour le Métis. Toutefois, vous n’avez pas pu obtenir de renseignements à l’appui de vos revendications pour des raisons de protection de la vie privée. Qu’est-il arrivé?
    C’est la dernière étude qu’on a tenté de faire. Le Canada cherchait un moyen de justifier, je suppose, son processus pour en arriver à une conclusion quant aux raisons pour lesquelles des règlements devraient être négociés. Bien sûr, cela a mené à un règlement financier. Une fiducie a été créée pour les Premières Nations, parce que la plupart des anciens combattants étaient déjà décédés. Cet argent a été versé dans une fiducie. Le Canada allait essayer de trouver une façon de justifier le but ou la raison d’un règlement de cette nature. Il le soumettrait probablement au Conseil du Trésor ou au Cabinet. L’étude visait à démontrer exactement ce qui était arrivé aux Premières Nations qu’une discrimination systémique avait existé sans l’ombre d’un doute.
    C’est pourquoi j’ai dit que j’ai trouvé remarquable que... J’étais assis dans cette pièce. Le sous-ministre n’a même pas voulu partir lorsque la ministre le lui a demandé. Je n’ai jamais vu cela, et je suis en politique depuis 22 ans. Lorsque la ministre a demandé au sous-ministre de partir — je pense qu’elle voulait parler aux anciens combattants et à moi en privé — il n’a pas quitté son fauteuil. Je vous dis que je n’invente rien. J’étais étonné. Je le fixais des yeux. Je ne pouvais pas le croire. Ce n’est que lorsqu’elle a levé la voix très haut qu’il s’est enfin levé de sa chaise. Il voulait rester là, parce qu’il croyait, je suppose...
    Je ne sais pas. Je ne sais toujours pas pourquoi il s’y est opposé aussi catégoriquement. Je ne le comprends pas et je ne le comprendrai jamais. Pourquoi a-t-il...? Je ne sais pas. Il ne l’a pas fait pour les Premières Nations. En fait, dans le cadre de l’étude sur les Premières Nations, ils ont été très ouverts à l’idée de permettre à l’expert-conseil de choisir au hasard différents dossiers afin de dresser un échantillon aléatoire pour en arriver à une conclusion, en utilisant une formule scientifique quelconque. Pour une raison ou une autre, il nous interdisait d’en faire de même. Selon lui, tous les Métis ont eu ce qu’ils méritaient. Ils ont obtenu ce qu’on leur avait promis. C’était sa position et elle n’a pas changé.
    On ne peut même pas le lui demander maintenant, parce qu’il n’est plus de ce monde.
     D’accord. C’est malheureux.
    Oui.
    Vous avez parlé des problèmes liés à la bureaucratie de l’époque. Si tous les membres autour de cette table sont réellement honnêtes... Il s’agit d’un défi pour ceux qui jouent un rôle au sein du gouvernement semblable à celui de persuader un dinosaure de changer de cap en un tour de main, comme on dit parfois.
    Pensez-vous que cela a joué un rôle important dans les défis que vous avez dû relever?
    Bien sûr. Il ne fait aucun doute que les bureaucraties sont des créatures très puissantes au sein des gouvernements, y compris le mien. Au bout du compte, quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit parfois qu’il s’agit beaucoup plus de convaincre les fonctionnaires que le ministre.
    Cela devient difficile lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’éducation au sein de leur ministère. Les fonctionnaires ne prennent pas le temps de vraiment comprendre pourquoi cette question est devant eux ou devant le ministre et l’opposition, comme moi. Ils ne comprennent pas pourquoi nous présentons un argument ou une position. Ils semblent trouver un moyen de défense pour expliquer pourquoi cela ne devrait pas se produire plutôt que le contraire. Je pense que c’est ce que l’on observe dans plusieurs bureaucraties.
    Je crois que le défi est toujours... Je crois que nous nous sommes lentement éloignés de cela, mais il a fallu cet intervalle, depuis l’époque Chrétien. Si vous examinez ce cadre temporel, vous voyez que la roue tourne lentement, et qu’ils commencent à comprendre qu’il reste du travail à faire pour régler la question des Métis.
    Me reste-t-il un peu de temps?
    Il vous reste une minute et 20 secondes.
     C’est avec consternation que j’ai appris vous deviez créer et payer pour vos propres monuments en plus de les installer vous-mêmes. Je sais qu’un monument a été érigé tout récemment à Beauval et que le gouvernement a débloqué des fonds à cette fin.
    Avez-vous fait des démarches auprès du gouvernement?

  (1605)  

    Je reviens à votre question précédente sur la bureaucratie et la paperasse.
    D’accord.
    Nous avons entrepris... Par exemple, nous exerçons également des pressions sur le Canada pour régler ce problème. Un grand nombre d’anciens combattants n’ont toujours pas de pierres tombales. C’est une des promesses qui a été faite.
    Il est difficile d’obtenir l’appui des gouvernements pour la construction de monuments en raison de leur situation financière et de la bureaucratie, plus que toute autre chose, voire le ministre lui-même. Je sais que le ministre précédent, qui était là pour le gouvernement libéral, a indiqué qu’il aimerait travailler avec moi sur la question des pierres tombales et des monuments. Lorsque j’ai demandé à mon personnel d’entamer ce processus, je pouvais déjà imaginer ce qui allait se produire, en raison de la bureaucratie et des tracasseries administratives.
    Ces gens sont en train de mourir. Je voulais leur rendre hommage avant qu’ils ne nous quittent, alors nous avons déjà construit deux beaux monuments au Manitoba. Notre moteur économique très fort au Manitoba. Nos entreprises génèrent de très bons revenus, et nous les finançons nous-mêmes. Plus tard, le gouvernement m’a approché pour me dire: « Écoutez, nous voulons participer. » J’ai dit: « Écoutez, vous participerez quand vous me ferez la démonstration que vous êtes réellement en mesure de le faire et que je ne serai pas forcé d’attendre un an ou deux et de passer par la bureaucratie avant d’obtenir un accord. Nous aurons alors un partenariat. »
    Nous allons continuer à construire des monuments seuls. Si le gouvernement veut intervenir, nous l’accueillerons, mais je ne vais pas consacrer une année pour essayer d’obtenir 10 000 $. Il m’en coûte plus de 10 000 $ pour essayer d’obtenir ces 10 000 $.
    Oui, je vous entends.
     Merci.
    Monsieur Eyolfson, allez-y.
     Je suis heureux de vous revoir, David.
    Bienvenue, Al. Excusez-moi, est-ce à l’envers? Est-ce que Al...?
    C’est un nom parfaitement bilingue.
    Je voulais dire que je n’étais pas certain si c’était votre prénom ou votre nom de famille.
    Al est mon prénom.
    D’accord, très bien. C’est ce que je croyais.
    Je suis heureux de vous revoir.
    Comme vous le savez, nous avons grandi à Winnipeg et nous connaissons très bien le nom de Tommy Prince. Nous devrions tous nous rappeler qu’il est la fierté de Winnipeg, car c'est un fait. Mais nous connaissons tous son destin, et il y a un sentiment de honte collective en raison de la façon dont il a fini ses jours. C’est pourquoi je suis heureux que nous fassions cette étude, parce que nous savons qu’il y a tellement d’anciens combattants autochtones qui n’ont pas été bien servis comme ils le méritaient vraiment.
    J’entends les histoires que j’ai déjà entendues et je les entends maintenant. C’est tout à fait honteux.
    Vous parlez des événements, comme vous l’avez dit, qu’ont vécus les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Au fil du temps, y a-t-il eu une amélioration, particulièrement pour les anciens combattants qui sont revenus de conflits plus récents, comme la Corée, le maintien de la paix des années 1990 ou l’Afghanistan? La façon dont les anciens combattants métis sont traités, en particulier, s’améliore-t-elle?
     Ils sont en bien meilleure posture qu’ils ne l’étaient après la Seconde Guerre mondiale. Je peux vous le dire. Au moins, il y a certaines conditions de reconnaissance, et il y a des programmes — ou du moins des programmes qu’on a tenté de mettre en oeuvre — pour essayer de les servir.
    Mais les gens ne sont pas conscients des effets psychologiques. En marchand le long de la plage Juno, lorsque nous nous rendions à un cimetière, deux anciens combattants, un membre d’une Première Nation et un Métis, se sont arrêtés et ils ont éclaté en sanglots, et nous ne savions pas pourquoi. Nous étions tous sous le choc. Nous nous sommes arrêtés et nous nous sommes demandé ce qui se passait. En marchand côte â côte, ils se sont souvenus d’avoir rencontré deux enfants, à moitié nus, sales, trempés et souffrant de froid — il pleuvait — et qu’ils n’avaient pas le droit de s’arrêter parce qu’ils devaient se rendre à la ligne de front. Ils ne pouvaient pas s’arrêter pour sauver ces enfants. Ils ont crié si fort — tout le monde s’est arrêté pour former un cercle — et ils ont dit qu’ils avaient été en quelque sorte juges et jurés et qu’ils avaient joué le rôle de Dieu. Ils ont laissé ces enfants mourir, et ils savent dans leur coeur que ces enfants sont morts. C’est ce qu’ils ont ressenti. Ils ont souffert de ce souvenir toute leur vie, et ils ont bu. Tous deux sont devenus alcooliques. Au bout du compte, ils en sont sortis — ils se sont lancés dans l’évangélisme ou la spiritualité des Premières Nations — mais ils ont été alcooliques la plupart du temps après la Seconde Guerre mondiale. On devrait commencer à y réfléchir.
    C’est l’élément manquant de ce qui est arrivé à beaucoup de nos anciens combattants à leur retour. Les gens ne s’en rendent pas compte. Ils se trouvaient probablement dans la situation la plus dangereuse de leur vie, et ils devaient parfois tuer des gens ou juger d’une action qui coûterait la vie à quelqu’un. Ils ne peuvent pas oublier cela. Ils ne peuvent pas oublier, et s’ils n’ont pas les programmes et les services nécessaires, nous les abandonnons à eux-mêmes. Beaucoup d’entre eux se tournent vers l’alcool ou une autre substance pour soulager cette douleur dans leur tête. Je peux affirmer ouvertement qu’un grand nombre d’anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale — des anciens combattants métis — ont été confrontés à cette situation à leur retour au pays. Il y a tellement d’alcooliques dans nos collectivités, et beaucoup d’entre eux étaient des alcooliques très violents, parce qu’une grande colère couvait en eux à la suite de ces événements.
    C’est la raison pour laquelle nous sommes si troublés par le fait que le Canada les a laissé tomber. Il n’a même pas tenté de résoudre le problème ou de leur présenter des excuses. Nous n’avons jamais présenté d’excuses à la nation métisse parce que nous n’avons pas respecté le retour de ses membres. Nous ne leur avons pas donné le coup de pouce qu’on leur avait promis à leur retour. Nous ne nous sommes pas occupés d’eux. Nous n’avons pas essayé de les aider. Nous leur avons dit de retourner sur leurs territoires de piégeage. En fait, comme je l’ai dit, certains d’entre eux ont même été mis au défi: « Vous croyez avoir servi assez longtemps pour obtenir de l’aide? » Certains d’entre eux n’ont pas duré une journée. Certains d’entre eux sont morts peu de temps après leur retour.
    Si vous regardez M. Godon, il souffre encore de traumatismes aujourd’hui. Au moins, le Canada l’a aidé sur le plan psychologique et médical, mais il ne l’a jamais indemnisé. Il a été fait prisonnier de guerre après le débarquement de la plage Juno. Comme je l’ai dit, il est parachuté trop loin derrière les lignes. Ils l’ont torturé là-bas. Il m’a dit que, lorsque les prisonniers se levaient le matin l’un d’eux était fusillé. Il a dit: « Je crois qu’ils ne m’ont pas tué parce que je parlais français. Ils pensaient probablement que j’étais de France, alors ils ne m’ont pas tué, mais ils en ont choisi d’autres qu’ils faisaient sortir pour les fusiller. » Il a dû vivre avec cela. Il vit toujours avec cela et, encore une fois, personne ne lui a jamais présenté d’excuses.

  (1610)  

    Vous avez dit que les Métis se situaient entre les Premières Nations et tous les autres. Ce problème est-il toujours d'actualité, à savoir que les anciens combattants métis ont l’impression d’être coincés entre deux systèmes ou entre deux identités, lorsqu’ils essaient d’avoir accès aux services et au soutien auxquels ils ont le droit en qualité d’anciens combattants?
     Nous avons beaucoup changé cela dans ce pays. Dans les Prairies, il ne fait aucun doute que vous êtes Métis ou que vous appartenez à une Première Nation. Les Indiens non inscrits n’existent pas. J’entends cette phrase tout le temps et je ne sais pas de quoi il s'agit. Dans l’Ouest, dans les Prairies, vous faites soit partie de la nation métisse soit d’une Première Nation.
    La situation est désormais claire et distincte, elle a évolué au fil du temps dans les organismes gouvernementaux. Peu importe le parti au pouvoir, il a adopté la même position à l’égard des Métis, c’est-à-dire que nous n'avons aucune relation juridique fiduciaire avec le Canada. Nous avons été mis à l’écart de toute relation avec AANC, Affaires autochtones et du Nord Canada et même vis-à-vis de Santé Canada et de tous les autres. Cependant, depuis Daniels, tout cela a changé. Il y a un changement de cap et les gouvernements autochtones reçoivent le respect qui leur est dû.
    Partout dans ce pays, je peux aujourd'hui dire ouvertement que je suis très, très fier. La nation métisse trouve enfin sa place dans la Confédération. Il nous a fallu un sacré bout de temps pour en arriver là et je suis impatient de m’assurer que la question sera réglée de mon vivant. J’ai été élu lors de sept élections. Ce sont des mandats de quatre ans et trois mois. Nous avons un vote provincial au scrutin. Cela fait maintenant 22 ans que je suis président.
    Je viens du ministère de la Justice. J’ai un doctorat et j’ai reçu un doctorat honorifique de... J’ai reçu des tonnes de prix de tous côtés pour toutes mes années de service et de travail.
    Cependant, il n’y a rien de plus important pour moi. C’est pourquoi je voulais également venir ici pour ce dossier. J’ai une assemblée qui a lieu en ce moment même; elle commence demain matin. J’ai 3 000 délégués qui viennent de partout au Manitoba et nous organisons l’un des plus grands rassemblements de l’Ouest canadien. La nation métisse du Ralliement national des Métis est un gouvernement très puissant dans l’Ouest.
     Je tenais à venir ici personnellement pour vous envoyer le message le plus fort possible: n’abandonnez pas. Je ne veux pas qu’une étude prenne 3 ans, 5 ans ou 10 ans pour que vous décidiez enfin qu'il faut rétablir la justice lorsqu’il n’y aura plus un seul ancien combattant encore en vie. Vous pouvez maintenir votre étude. Vous pouvez tenir votre promesse. Vous pouvez conserver tout ce que vous voulez, parce que vous avez déjà raté l’occasion de dire « Nous sommes désolés ». C’est ce que je ne supporterai pas de voir ici; de rater une chance comme celle-ci. Il en reste si peu qui soient encore en vie et si nous ne réglons pas ce problème, ce tort, alors nous méritons tous de vivre avec cette honte.
    Allez-y, monsieur MacGregor, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Chartrand. Je suis ici au nom de mon ami et collègue Gord Johns, qui est notre porte-parole en matière d’anciens combattants. En son nom, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de vos déclarations.
    Merci.
     Je sais que c’est une histoire plutôt sordide quand on la présente ainsi. C’est quelque chose que nous devons absolument entendre. Je veux simplement vous dire que j’ai été personnellement très touché par votre exposé de la question.
     Au bout du compte, le Comité veut produire ce rapport et nous ne voulons pas qu’il soit simplement archivé, alors il nous faut entrer dans les détails.
    Étant donné la nature démographique et géographique unique de la nation métisse, pouvez-vous nous dire si les anciens combattants métis ont des besoins particuliers en matière de services? Je pense à la langue ou à différents programmes que nous pourrions recommander.
     Parmi les éléments clés, il y a le fait que nous sommes une nation multilingue. Comme vous l’avez vu dans le rapport de 1995, il est dit qu’ils n’ont pas eu accès aux journaux ou à la télévision et en même temps, ils parlaient une langue différente. Parfois, nous oublions cela si...
    Même quand je parle, je vous assure que je peux passer d’un niveau universitaire à un niveau de neuvième année, tout simplement, parce que cela correspond à mon auditoire. Lorsque je parle dans ma province, j'utilise souvent un niveau de langue d'élèves de neuvième année. La scolarisation de beaucoup de ces anciens combattants — ces aînés et ces personnes âgées — a été très restreinte, alors nous essayons de régler les problèmes à un niveau qu’ils sont à même de comprendre. Même quand Ottawa essayait d’envoyer des documents à l’époque, pour tenter de résoudre ces problèmes ou de les aider, ils ne les comprenaient pas. Personne ne s'est adressé à eux.
    Songez à l’hypocrisie de la chose. Nous sommes une nation multilingue. Nous avons une très grande population francophone dans une partie de notre nation et nous n’obtenons pas un sou pour la traduction en français, pourtant, en vertu de la loi, nous sommes censés traduire. C’est pourquoi je me suis excusé plus tôt. J’étais censé apporter deux documents, un en anglais et l’autre en français.
    Si à l'avenir des services sont offerts, je pense que la meilleure façon de procéder est de reconnaître que c’est la raison pour laquelle nous avons un gouvernement. Notre gouvernement métis sait exactement où les gens vivent. Nous savons exactement quels sont leurs problèmes et comment les régler. Vous pouvez vous rendre à des réceptions n’importe où au Manitoba, mais vous n’aurez peut-être pas une bonne idée de ce qui se passe si vous ne savez pas à qui vous adresser ni comment vous devriez le faire. C’est la fonction de notre gouvernement métis. Nous le faisons mieux que quiconque. Comme je l’ai dit, nous avons le gouvernement le plus puissant. Vous verrez 3 000 personnes assister à mon assemblée.
    C’est bien de l’exprimer. Je vous remercie de votre question. Je vous encourage à le faire, si vous voulez travailler avec nos gouvernements métis. Nous sommes sur place. Nous avons des bureaux dans toute la province. Nous avons des institutions locales qui représentent la voix de la communauté. Nous pouvons retrouver ces personnes et les faire participer à une réunion à laquelle vous tenez vraiment et nous pouvons, au besoin, assurer la traduction pour vous. Certaines personnes parlent encore très bien. Je parle couramment les langues Saulteaux—Ojibwe, c'est la même langue avec un accent légèrement différent. C’est la même chose, Ojibwe et Saulteaux. Nos membres parlent les langues Michif et Cri, selon la région de la province où vous vous rendez.
    Vous venez de dire quelque chose au sujet de votre étude. Il s’agit d’une étude de 1995. C’était il y a longtemps vous savez. Il y avait déjà des preuves que l'injustice se répétait. Nous sommes en 2018 et 2019 approche à grands pas. Comme je l’ai dit, il n’y a plus qu’une poignée d’anciens combattants de la nation métisse. Si vous faites une étude et que les recommandations sont semblables, cette étude a aidé les Premières Nations. Ils en sont venus à une conclusion, à une résolution de leurs problèmes et un règlement a été conclu.
    J’encourage ce pays et j’ai travaillé avec le ministre O’Regan pour essayer de régler ce problème une fois pour toutes. Je m'en suis approché à trois reprises, même avec Strahl. Strahl et moi sommes toujours de bons amis et nous le serons toujours. Il a compris, mais il n’a toujours pas pu obtenir le soutien nécessaire pour passer à l’étape suivante, parvenir à un règlement et présenter des excuses à ces anciens combattants métis. Ils ont persisté à ne pas permettre... Pour eux, Autochtones était suffisant.
    Nous ne faisons pas partie des Premières Nations. Nous sommes complètement différents, tout comme les Inuit, et ce n’est pas parce que vous avez traité avec un seul peuple autochtone que vous avez traité avec nous tous. Je pense qu’il est important que vous le sachiez.
    La nation métisse n’a jamais été traitée comme il se doit au Canada. Ses membres se sont battus pour vous. Ils se sont battus pour vos familles. Ils se sont battus pour vos enfants et pour ceux qu’ils ne connaissaient même pas. Imaginez cela. Trente ans après que vous nous ayez attaqués à Batoche, que vous nous ayez tués à Batoche, que vous ayez largement compromis notre avenir et que vous ayez pendu notre chef, nous sommes quand même venus nous battre pour vous. Personne n’a jamais dit merci. Personne n’est jamais venu dire: « Comment pouvons-nous vous aider? Comment pouvons-nous réparer les torts? »
    Si vous pouvez régler ce problème, je pense que vous rendrez justice à vos familles et à vous-mêmes.

  (1615)  

    Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des anciens combattants métis qui vivent dans des collectivités éloignées? Avez-vous quelque chose à dire au sujet des services existants ou de la façon dont nous devrions les modifier pour les collectivités éloignées?
    Avec la technologie d’aujourd’hui, pourquoi avons-nous encore des difficultés à trouver des pierres tombales pour ceux qui n’en ont pas? C’est la chose la plus stupide que nous puissions... Avec le grand gouvernement, avec toute l’intelligence et le génie que nous avons, nous ne pouvons toujours pas élaborer un processus pour nous assurer que chaque ancien combattant a la pierre tombale promise. Mon père fait partie de ceux-là. Il n’a pas de pierre tombale. Commencez donc à examiner cela. À dessein, je ne lui ai pas donné de pierre tombale. J’achète des pierres tombales pour toute ma famille, mais je n’en ai pas mis pour lui parce que je pense qu’il mérite cette pierre tombale. Il y en a tellement qui n’ont pas de pierres tombales et pourtant, en 2018, nous ne trouvons toujours pas de solution.
    C’est la même chose lorsque nous essayons d’établir la reconnaissance et l’honneur. Je n’ai pas perdu mon temps à essayer de demander de l’argent, parce que je savais qu’il me faudrait trop de temps pour passer par la bureaucratie. Il me faudrait trop de temps pour obtenir un « oui » de quelqu’un, alors je me suis débrouillé tout seul. Elles nous coûtent cher. Je vous dis que les aînés et les anciens combattants font eux-mêmes des collectes de fonds. Ils organisent de petits barbecues et de petites soirées de bingo. J'en suis très fier, je leur rends leur argent et je paie pour tout. Ils veulent quand même contribuer parce que cela les honore de rendre justice à leurs frères et soeurs, comme ils se qualifient eux-mêmes. Encore une fois, pourquoi y a-t-il autant de formalités administratives pour régler un problème simple? Si vous répondez à cela, vous réglez le problème. Il n’y a donc plus de problème.

  (1620)  

     Monsieur Bratina, vous avez six minutes.
    Merci d’être venus. C’est toujours mieux que l’écran. C’est bien d’avoir l’écran, mais j'admire votre volonté de vouloir nous rencontrer pour nous regarder dans les yeux et parler de ces questions.
    Cathay et moi, ainsi que d’autres députés, avons eu l’occasion d’aller à Beauval. J’ai mis une photo sur ma page Facebook de Louis Roy, 98 ans ce qui a provoqué la plus importante réaction que j’ai jamais eue sur Facebook. C’était un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale qui a parcouru 110 milles à pied pour s’enrôler. Il a perdu son meilleur ami en Italie. Beaucoup de ces gens s’étaient enrôlés. Son histoire est vraiment touchante, parce qu’il est revenu et a marché pendant 110 milles jusqu'à Beauval et est retourné dans les bois jusqu’à sa ligne de piégeage. Il ne connaissait aucun des avantages.
    J’ai quelques questions. Connaissez-vous le nombre exact d’anciens combattants métis?
    Au cours, je crois, des deux dernières décennies, nous nous sommes efforcés de formuler les questions et les préoccupations de nos anciens combattants. Dans plusieurs livres nous avons répertorié tous les anciens combattants que nous pouvions connaître. Comme je l’ai dit plus tôt, le monument de Batoche porte le nom de 5 000 anciens combattants. C’est un grand monument et je pense que le Canada y a contribué. Il s’agissait en grande partie de recueillir des fonds. La Manitoba Metis Federation elle-même a investi 35 000 $ en qualité de gouvernement. À partir de là, nous pouvons certainement recenser le nom de tous les vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
    Y a-t-il beaucoup de dialogue entre les Métis et les Premières Nations au sujet des anciens combattants autochtones? Existe-t-il une communication entre vous à quelque niveau que ce soit?
    Lorsque nous parlons des anciens combattants, il n’y a pas de différence dans la lignée. Disons les choses ainsi. Qu’ils soient autochtones ou non, ils sont tous frères. Ils ont une très bonne relation de travail et un très bon dialogue, mais encore une fois, cela fait mal quand on est traité différemment, quand l'un obtient un règlement et que l’autre n’obtient rien. Mais cela n’empêche pas leur amitié. Ce sont encore des amis et des frères et ils s’entraident dans des dossiers comme les monuments et la collecte de fonds ou lorsqu’un ancien combattant décède. Nous recueillons des fonds pour nous assurer que la personne reçoit les plus grands honneurs lors d’un service funéraire.
    Y a-t-il des anciens combattants métis au-delà des frontières canadiennes? Y en a-t-il aux États-Unis? Sont-ils nombreux à s'être enrôlés aux États-Unis?
    Certains d’entre eux ont essayé de traverser parce qu’ils tenaient tellement à s’enrôler. Pour une raison ou une autre, on ne voulait pas d'eux ici, alors ils se sont enrôlés du côté américain. J’ai déjà entendu parler à maintes reprises de ces grandes distances qu'ils ont du parcourir à pied.
    Certains d’entre eux ont menti dans leur demande. Ils avaient seulement 16 ans et ils ont essayé de dire qu’ils avaient 18 ans pour pouvoir accompagner leurs amis. Je ne sais pas s’ils étaient au courant de l’horreur et de la terreur vers lesquelles ils se dirigeaient, mais ils étaient prêts à se présenter comme adolescents. Certains se sont fait prendre et ont été refusés, mais d’autres ont été acceptés. Je pense que M. Godon a essayé de s'enrôler à 16 ans et qu'il y est parvenu à 17 ans. Il a menti dans sa candidature au sujet de son âge.
    Si vous regardez nos gens, vous verrez que certains sont allés aux États-Unis. Pour que vous compreniez mieux, si vous regardez les noms de famille aux États-Unis, à Belcourt, au Dakota du Nord et ailleurs, vous verrez que ce sont nos noms. Ce sont les noms de famille des Métis du Manitoba et des Prairies. On les appelle la tribu des Chippewas aux États-Unis parce qu’il n'y a pas la reconnaissance des Métis aux États-Unis. Si vous allez dans leurs bureaux de bande, vous n’y verrez que des artefacts métis. En fait, le premier dictionnaire michif, qui est la langue créée par notre peuple, vient de Belcourt, au Dakota du Nord. Certains d’entre nous sont en fait des citoyens métis, mais des civils américains parce que nous nous sommes enrôlés de ce côté-là, mais ce sont nos gens.
    J’avais des réserves au sujet de vos commentaires concernant les monuments et les pierres tombales. J’ai vérifié les chiffres et dans notre budget, nous fournissons 24,4 millions de dollars sur cinq ans pour nettoyer, réparer et remplacer les pierres tombales, etc. Les pierres tombales sont offertes par l’entremise du Fonds du Souvenir, qui relève du ministère des Anciens Combattants.
    Mettez-vous des renseignements exacts à la disposition des anciens combattants métis au sujet des prestations qui leur sont offertes?

  (1625)  

     Non, la situation n'est absolument pas celle-là dans notre bureau. Nous n’avons pas de personnel qui travaille directement avec nos anciens combattants, par exemple, mais je pense que la plus grande partie de cette ressource est consacrée aux cimetières militaires. Vous parlez de Beauval. Vous parlez de différents endroits. Plus au nord, vous allez à Pinehouse ou ailleurs et dans les cimetières en Saskatchewan ou au Manitoba. Si vous allez encore plus au nord, ils sont enterrés dans leur communauté, pas dans un cimetière militaire.
    Oui, les cimetières militaires sont impeccables: je reconnais le mérite du Canada à cet égard. Les plus beaux cimetières que j’ai vus se trouvent en Europe et nos soldats canadiens y sont chéris. Comme Canadien, j’en suis très fier, mais en ce qui nous concerne, nous nous débrouillons tous seuls. Nous n’avons aucun moyen de les aider, alors nous employons même notre propre argent lorsque les gens décèdent. Nous avons eu de la chance. Si c’est plus près de Winnipeg, les légions sont venues faire une cérémonie, faire honneur au style militaire des inhumations; mais s’ils sont trop loin, c’est juste nous et nos façons de faire culturelles. S’ils sont plus près d’une ville ou d’une légion, il y aura au moins une sorte d’enterrement militaire, mais ce n’est pas que nous ayons un lien avec qui que ce soit. Nous sommes livrés à nous-mêmes.
    M. Samson est le suivant.
    Je vous remercie de votre exposé.
    Comme d’autres l’ont indiqué, tout au long de notre voyage pour visiter de nombreuses collectivités, les témoignages que nous avons reçus au cours des derniers mois de notre étude nous ont ouvert les yeux. Cela ne fait aucun doute. Il est difficile de comprendre comment tout cela s’est passé et les erreurs qui ont été commises.
    Quels seraient les obstacles aux services offerts par ACC aux Métis et aux autres groupes autochtones? Y a-t-il quelque chose de différent aujourd’hui dans les services? Les règles du jeu sont-elles suffisamment équitables aujourd’hui?
    Je ne crois toujours pas que les règles du jeu soient équitables. Je ne m’appuie sur aucune donnée scientifique, mais je pense sans l’ombre d’un doute — et je ne veux pas utiliser ce mot trop ouvertement — que le racisme était clairement un problème à leur retour. Ils n’ont tout simplement pas été traités de la même façon. Je ne sais pas pourquoi. Nous ne saurons jamais pourquoi.
    À l’époque, l'état d'esprit de la bureaucratie de notre société était différent. Comme je l’ai dit, même en réponse à la question qui m’a été posée plus tôt aujourd’hui, si vous demandez à un ancien combattant non autochtone, à un ancien combattant métis et à un ancien combattant des Premières Nations s’ils sont frères, sans hésiter, ils vous répondront oui et pourtant ils n’ont pas été traités de la même façon lorsqu’ils sont rentrés à la maison. Combien de temps a-t-il fallu aux Premières Nations pour obtenir justice? Ils ont fini par l'obtenir. Ils ont obtenu leur règlement et ils ont maintenant une fiducie pour leurs anciens combattants.
    Nous encourageons — en tant que président, c’est mon cas — nos membres à continuer de se joindre à l’armée. Nous avons encore besoin d’une armée forte pour protéger notre pays et nous devons être prêts, quelles que soient les circonstances. Quant à savoir s’ils sont mieux traités aujourd’hui, c’est probablement le cas, mais je parle ici d’une génération qui a tant perdu. Il n’y a pas de rattrapage possible. Pour ceux après 1946 et même ceux de 1945, posez-vous la question: « Nous sommes en 2018. Vont-ils enfin être bien traités maintenant alors qu’il ne leur reste qu’un an à vivre? » Ce n’est pas une situation confortable.
    Oui. Il est choquant de demander à se joindre à l’équipe 30 ans plus tard.
    Puis-je conclure que les Métis n’ont pas reçu d’excuses?
    Jamais, je vous le garantis.
    Les Premières Nations en ont obtenu.
    Oui.
    Les Métis n’ont pas obtenu de règlement.
    Ils n’ont rien obtenu.
    Il n’y a pas eu de règlement.
    Non. Nous sommes les seuls à n'avoir rien obtenu.

  (1630)  

    Aujourd’hui, si je parle à un ancien combattant métis qui est allé à la guerre et que je parle à un Autochtone ou à un Canadien de race blanche, les Métis sont les seuls qui n’ont rien obtenu.
    Les Métis sont les seuls qui restent. Comme je l’ai mentionné dans mes observations, même les prisonniers de guerre japonais et chinois au Canada ont obtenu des règlements. Je crois que c’était 25 000 $ et 20 000 $. Pour les Métis, il n’y a jamais eu de règlement ni d’excuses pour négligence et pour la discrimination évidente dont ils ont été victimes. Pour l'essentiel ce ne sont pas les politiciens qui en sont responsables, mais la bureaucratie.
     C’est triste quand on parle du sous-ministre, bien sûr, mais...
    Je vous le dis, j’étais encore choqué, mon ami. À ce jour, je ne peux pas croire... J’étais là et j’étais sous le choc. Je suis en politique depuis un certain temps. Il ne voulait pas quitter son fauteuil jusqu’à ce qu’Albina lève la voix.
    Dans le cadre de la sensibilisation auprès d’Anciens Combattants Canada, avez-vous l’impression que les Métis ont des difficultés à recevoir des services, comparé à d’autres?
    Tout dépend où vous êtes. Comment fonctionne le système de sensibilisation? Entendez-vous des plaintes sur le fait de ne pas savoir quels services sont offerts aujourd’hui ou de ne pas en recevoir?
    Comme je l’ai dit, il reste très peu de vétérans de la Seconde Guerre mondiale encore en vie. J’en connais qui sont allés en Afghanistan. Le fils d’un de mes amis proches est parti. Il a eu de la chance. Il était censé faire partie du bataillon qui a été tué par erreur par les Américains. Quelqu’un d’en haut a décidé de ne pas le prendre ce jour là, car on l’a envoyé ailleurs, mais c’était son bataillon.
    Il a eu des problèmes et sa mère a essayé de les comprendre. Sa mère ne blâme pas trop le ministère, parce qu’il a maintenant des problèmes psychologiques. Je ne sais pas si l’Afghanistan a été le dernier point de rupture pour lui. Il travaille, puis il quitte le monde pendant un certain temps jusqu’à ce qu’il téléphone un jour; puis il y retourne. Il parle ensuite de ses cauchemars.
    Il est certain qu’il y a maintenant un meilleur service.
    Est-il difficile de joindre certains Métis?
    Eh bien, ils ne se donnent même pas la peine de venir. Ils ne viennent pas. Ils sont trop loin dans le Nord; ils sont trop loin dans diverses collectivités éloignées. Le ministère des Anciens Combattants ne s’adressera pas à eux. Il faut aller les voir.
    Avez-vous une solution? Quels sont les domaines que nous ne couvrons pas, mais que nous devrions couvrir?
    Cela répond à la question de M. MacGregor. Si vous regardez la situation, si vous voulez toucher les anciens combattants qui sont encore en vie et que vous voulez vous occuper des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale — prenons cet exemple — vous devez trouver la manière de leur procurer des services. S’ils vivent à Pinehouse, dans le nord de la Saskatchewan, comment allez-vous les atteindre? Ils ne feront pas toute cette route. Ils ont probablement beaucoup de mal à survivre avec leur revenu, mais pour parcourir de grandes distances vers les centres urbains... La plupart des bureaux ou des services se trouvent en milieu urbain; ils n’existent pas en milieu rural. Vous savez, si vous venez d’une région rurale, qu’il n’y a pas de services et la plupart des Métis, surtout les aînés, vivent dans des villages. À Winnipeg, 50 % de la population métisse est rurale et 50 % est urbaine.
    Parmi les anciens combattants qui sont encore vivants aujourd’hui, je n'en connais aucun... Il n’y a que quelques vétérans de la guerre de Corée.
    Il y en a un qui est un vétéran de la Corée et je pense que notre pays l’a aidé. Je le rencontre à mon retour. Il va mourir du cancer. Nous lui rendons hommage lors d’une assemblée. Nous lui accordons l'honneur de la nation métisse et nous le reconnaissons devant notre assemblée. Il va mourir du cancer. Le médecin lui a donné quatre mois.
    C’est un vétéran de la Corée. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises et je ne l’ai jamais vraiment entendu se plaindre des services. Il a dû recevoir des services du ministère des Anciens Combattants. En général, cependant, la plupart de nos gens vivent dans des régions rurales; ils n’ont aucun moyen d’y accéder.
    Encore une fois, ce sont des gens peu scolarisés; il faut bien le comprendre. Certains d’entre eux ont quitté l'école après une cinquième ou une sixième année; ils étaient de jeunes garçons lorsqu’ils sont partis. Ils ne sont jamais retournés à l’école. C’étaient des trappeurs. C’étaient des gens qui travaillaient dans les bois, c’était leur mode de vie.
    C’est pourquoi vous êtes venus nous chercher, d'ailleurs. Vous êtes venus et nous avez demandé de vous rejoindre en grand nombre, parce que nous sommes de bons chasseurs; nous savons nous servir d'un fusil. Vous êtes venus nous demander de l’aide et nous avons répondu à l'appel, mais personne n’est revenu pour prendre soin de nous par la suite.
    Aujourd’hui, je pense que le défi que vous aurez à relever sera de trouver la façon d'aider les gens. Premièrement, il faut arriver à comprendre ce qui se passe de leur côté. Le deuxième élément est d’avoir un dialogue et d’aborder la question de leurs préoccupations.
    Certains anciens combattants me disent qu’ils n’ont pas pu obtenir de lunettes du ministère des Anciens Combattants, alors leur fils leur en a acheté. C’est ce genre de choses. Je n’ai pas fait de recherche pour vérifier si c’est vrai ou non, mais je vais considérer ce qu’ils me disent comme étant vrai.

  (1635)  

    C’est au tour de M. Waugh.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur Chartrand.
    J’habite à Saskatoon, au sud de Batoche. Les anciens combattants métis sont oubliés parmi les anciens combattants. Vous avez été oubliés parmi les oubliés. J’en suis témoin dans ma province depuis un siècle.
    Une partie du problème — je crois que M. Samson en a parlé — concerne les anciens combattants qui sont en transition entre la vie militaire et la vie civile. La plupart des Premières Nations, pas toutes, sont retournées dans la réserve. Vous vous êtes éparpillés et avez été oubliés. Je ne cherche pas d'excuses, mais je pense que c’était une partie du problème, quand on regarde le passé, lorsqu’ils sont revenus de la Deuxième Guerre mondiale après 1945.
    Peut-être que votre groupe, la nation métisse, aurait du se faire entendre davantage. Je pense que vous avez fait un excellent travail. Vous avez été un chef de file pour eux et vous devriez peut-être maintenant demander ces excuses. Nous nous excusons tous les trois ou quatre mois à la Chambre des communes pour quelque chose que nous avons fait. C’est peut-être votre tour. Pourquoi n’exigez-vous pas, au nom de la nation métisse, des excuses pour ceux qui vivent encore ici aujourd’hui?
     Voici comment je vois les choses. Je vous ai raconté mon histoire. Je suis là depuis longtemps. J’ai demandé des excuses à deux gouvernements, libéral et conservateur et je n’en ai pas encore reçu pour nos anciens combattants.
    Continuez de demander.
    Croyez-moi, je le ferai. Je n’arrêterai jamais de demander. Je ne manque pas de respect à l’égard des excuses. Je pense que des excuses sont nécessaires. Il suffit parfois de présenter des excuses et les gens ont l’impression d’avoir été entendus. Si notre pays continue de s’excuser pour ses torts historiques, je le félicite. Peu m’importe le gouvernement en place, qu’il soit néo-démocrate, conservateur ou libéral, s’il continue de s’engager à comprendre qu’il doit s’occuper des affaires en suspens. Si vous prenez nos revendications territoriales, par exemple, il nous a fallu 132 ans d’attente et 32 ans devant les tribunaux. Il nous a fallu tout ce temps pour obtenir justice.
    C’est un défi. Les gens ne se sont pas dispersés. Je débattrais avec n’importe qui, croyez-moi, mais ils ne se sont pas dispersés. Ils sont retournés dans leur famille. Comme Bob vient de le dire, l’un d’entre eux a parcouru 110 milles pour s’enrôler.
    Allez à Saint-Eustache. Si jamais vous venez au Manitoba, appelez-moi et je vous conduirai à Saint-Eustache. C'est un petit village métis. Un très grand pourcentage d’entre eux sont partis de Duck Bay, d’où je viens. Beaucoup d’entre eux sont sortis de là et de Camperville. J’ai toujours été très fier de Saint-Eustache. Nous y avons érigé notre monument. Je vous montrerais des photos si vous voulez. Vous serez très impressionnés par sa beauté.
    L’une des choses qui m’impressionnait lorsque j’entrais dans leur salle — et c'était comme cela avant même que j’y sois, dans les années 1950 et 1960 —, est que toutes les photos des anciens combattants sont sur le mur, de vieilles photos de tous les anciens combattants, mais ils ressemblaient tous à des enfants à leur retour. Ils ont toujours rendu hommage à ces anciens combattants. Dans nos collectivités, c’est automatique. Quand j’étais jeune, nous étions élevés très strictement par ma mère célibataire. Si un aîné entrait, surtout un ancien combattant, vous quittiez immédiatement votre chaise pour les laisser s’asseoir et vous leur serviez du thé ou quelque chose. C’est simplement la façon dont nous avons été élevés.
    Pour moi, comme je l’ai dit, des excuses sont parfois nécessaires dans ce pays parce que, pour une raison ou une autre, nous avons commis une grande injustice envers les différentes personnes et envers nous-mêmes. Je pense que nous pourrons régler ce problème un jour et ce sera formidable. J’espère que notre pays s’excusera un jour. Pourquoi les Métis ne sont-ils toujours pas traités avec le plus grand respect en tant qu’anciens combattants? Comme je l’ai dit, ils se sont battus pour nous sans hésitation, mais notre pays semble avoir un défi à relever. Pourquoi ses représentants ne présentent-ils pas des excuses? Ils pourraient dire : « Nous sommes désolés; nous avons commis une grave erreur. Nous sommes désolés. Nous vous remercions beaucoup de ce que vous avez fait pour nous. Nous vous remercions de ce que vous avez fait pour nos enfants. »
     Avant de partir, ils auraient au moins l’impression d’avoir été honorés. C’est ce qui est important, à mon avis.
    Comme je l’ai dit, il en reste une poignée. C’est pourquoi, lors de mon assemblée, j’annoncerai samedi que ceux qui résident au Manitoba... Et ce n’est pas de l’argent fédéral, c’est mon propre argent. Je passe beaucoup de contrats d’affaires. Nous avons fait pas mal d’argent pour certains projets. Je vais donner à chacun des anciens combattants vivants 20 000 $, soit le montant que les Premières Nations ont reçu, afin qu’ils soient honorés avant leur décès. Lorsque votre étude sera terminée, je vous garantis que la plupart d’entre eux seront partis.
    Oui. Bravo à vous. Ne vous excusez pas de faire de l’argent.
     Je ne m’excuserai jamais.
    En 2009, vous êtes allé à Juno Beach et deux ans plus tard, à Batoche avec Clem Chartier, vous avez déposé une couronne et permettez-moi de dire que cela signifiait beaucoup pour notre collectivité. J’étais radiodiffuseur à l’époque, mais je m’en souviens. Batoche est un endroit merveilleux. Il regorge d'histoire et il nous a fallu beaucoup de temps dans notre province pour l’apprécier. Je vous remercie, vous et Clem, d’avoir déposé la couronne ce jour-là.

  (1640)  

    Merci.
    C’est un endroit cher à notre province.
    À juste titre, parce que c’est un endroit très honorable. Des gens des deux côtés ont perdu la vie. Au bout du compte, c’est un grand honneur pour tous. Comme je l’ai dit en réponse à la question posée par Bob ou par Darrell, il n’y a pas de différence entre nos soldats aujourd’hui. Ce n’est pas une question de lignée ou de couleur. Ce sont des frères et des soeurs. À leur retour, ils maintiennent cette mentalité dans leur idéologie. Ce sont des frères et des soeurs jusqu'à leur dernier souffle. C’est nous qui semblons voir un problème en raison de la différence idéologique entre la façon dont les gens devraient être et la façon dont nous devrions les traiter.
    Comme je l’ai dit, si vous regardez seulement le témoignage que je vous ai donné ici aujourd’hui — et si vous voulez plus de faits, je vais vous en donner d’autres —, je vous garantis que cela peut montrer que les Métis sont les derniers habitants et anciens combattants de ce pays à n'avoir pas obtenu de règlement et pourtant, pour une raison ou une autre... Nous avons fait des progrès avec Seamus. J’ai fait des progrès avec Strahl. J’ai fait des progrès avec Albina. Je ne me souviens pas du nom de famille d’Albina et je m’en excuse, mais le problème, au bout du compte, c’est que je me suis approché à chaque fois de ce que ce pays devrait faire et pour une raison ou une autre, cela a échoué. Soit le gouvernement a changé, soit quelque chose s’est passé.
     J’espère que cette fois-ci, notre pays fera ce qu’il faut pour les quelques-uns qui sont encore vivants et j’espère que le Sénat appuiera la mesure et exigera que cela soit fait. Si cela se produit, la nation métisse sera très heureuse.
     Nous allons terminer notre témoignage par les questions de Mme Ludwig.
    Merci. Je vais également partager mon temps avec Shaun Chen.
    Je suis très heureuse de faire partie de ce Comité. Je suis nouvelle ici, mais je ne découvre pas les anciens combattants. Mon père était un ancien combattant et mon frère était un ancien combattant, alors je vous remercie du travail que vous faites et je vous félicite d’avoir été élu ces 15 dernières années. C’est long.
    Mes questions sont un peu différentes. Je me demande quelles ont été les occasions de saisir les récits et l’histoire de toutes les personnes qui ont servi et qui n’ont pas été reconnues, mais aussi d'en saisir la narration. Vous faites un travail formidable, monsieur Chartrand, en partageant cela, mais je me demande si nous pourrions voir cela dans les livres, comme partie intégrante de l’histoire.
    C’est une chose que vous devriez recommander. Même en ce qui concerne la jeune génération de la nation métisse, nous continuons de les éduquer et de leur transmettre d'emblée une partie de nos usages culturels et nous rendons hommage aux anciens combattants à chacune de nos assemblées. C’est essentiel. Cela fait partie de nos usages culturels et nous essayons de les enseigner à nos jeunes parce qu’aujourd’hui, nous oublions parfois les anciens combattants et nous les considérons comme des personnes âgées. Nous essayons de dire les choses à nos jeunes générations. Ils ne se rendent pas compte que les anciens combattants n’étaient que des jeunes garçons lorsqu’ils sont partis. Maintenant, ils sont vieux, oui et ils ont du mal à survivre. La jeune génération, dans tous les milieux, oublie parfois de faire preuve d’honneur et de respect et de dire merci. Je pense que nous devons examiner cela de plus près. On peut le faire grâce aux livres. On peut le faire par l’enseignement à l’école.
    Soyons honnêtes avec nous-mêmes. La Journée nationale des anciens combattants au Canada n'est rien d'autre qu'un sacré jour férié, pour une raison ou une autre. Il ne s’agit pas d’honorer les anciens combattants. Les gens vont magasiner et s’en servent comme congé. Autrefois, les magasins fermaient à midi, maintenant, les grands magasins sont ouverts toute la journée. Il fut un temps où tout était arrêté. On ne pouvait acheter que du lait et du pain parce que c’était le moment de rendre hommage aux anciens combattants de ce pays et à ceux qui ont donné leur vie pour notre liberté.
    Notre système a changé et, encore une fois, on les oublie. Même pendant le congé spécial que nous avons dans ce pays, on ne leur fait pas cet honneur, alors peut-être devrions-nous vraiment commencer à sensibiliser la jeune génération à l’importance de tout cela, parce qu’une guerre viendra un jour, mais ce sera un autre genre de guerre. Il s'agira d'appuyer sur des boutons. Ce sera une guerre différente, mais à nouveau beaucoup de gens mourront.
    Les gens doivent savoir que nous devons faire preuve d’un grand respect envers tous ceux qui... Lorsque les gens s'enrôlent... Vous savez mieux que moi que lorsque votre père ou que votre frère se sont enrôlés, vous vous êtes immédiatement rendu compte qu’ils le faisaient en sachant qu’ils risquaient d’être tués. Ils se joignaient à quelque chose en sachant qu’ils ne reviendraient peut-être jamais.
    Aujourd’hui, les gens se sentent à l’aise, comme si nous savions qu’il n’y aura plus de grande guerre, mais il pourrait y en avoir une. Vous irez peut-être en Afghanistan. Vous ne rentrerez peut-être pas à la maison ou vous aurez peut-être des séquelles psychologiques.
    Je pense donc que nous devrions commencer à écrire des livres. Je pense que nous devrions revenir en arrière et changer notre façon de penser dans ce pays. Pourquoi la journée nationale de reconnaissance des anciens combattants de notre pays n’est-elle pas traitée comme elle devrait l’être? Des légions qui font des prières — il y en beaucoup dans différentes régions de ma province — et c’est tout. C’est terminé. Tout le monde rentre chez lui, prend son petit gâteau, son sandwich et s'en va. Personne ne se souvient que sans ces gens, nous pourrions être sous la domination de l’Allemagne aujourd’hui.
    Ne vous leurrez pas. Cela aurait pu se produire. Que faisons-nous en qualité de gouvernements? Nous ne faisons pas cet effort supplémentaire nécessaire pour mettre fin à cette situation et changer la psychologie notre jeune génération. Comme je l’ai dit au sujet de cette personne et de sa femme et de ses deux enfants qui priaient dans ce cimetière sans savoir pour qui ils priaient, ils le faisaient parce que leur père le faisait. Leur père les a emmenés quand ils étaient jeunes, ils le font encore et ils enseignent à leurs enfants à le faire.
    Si nous pouvions avoir un peu de cela dans notre âme, ce genre d’honneur dans ce pays, peut-être que nous témoignerons d'un respect et de soins différents à nos anciens combattants, même à ceux qui sont décédés. Nous ne pouvons pas oublier cette journée ou cet événement. Nous devrions oeuvrer à changer la mentalité de notre pays et faire véritablement preuve de respect envers les anciens combattants.

  (1645)  

    Merci.
    Merci, monsieur Chartrand et monsieur Benoit, de votre témoignage d’aujourd’hui.
    Vous avez clairement décrit les sacrifices incroyables consentis par les Métis, leur patriotisme envers le Canada et leur croyance, comme vous l’avez dit, que le nouveau Canada pour lequel ils se battaient serait là pour eux à leur retour. Malheureusement, l’histoire a prouvé le contraire et les Canadiens devraient tous en avoir honte.
    Vous avez dit que les Métis sont les seuls à ne pas avoir reçu d’excuses et à ne pas avoir obtenu de règlement, mais comme nous l’avons également entendu, nous devons offrir le soutien et les services nécessaires aux anciens combattants métis qui continuent de souffrir.
    J’aimerais savoir comment le gouvernement peut aider à faire amende honorable, à aider ces anciens combattants à entamer un nouveau chapitre, à leur fournir le soutien dont ils ont besoin et à réparer les torts qui leur ont été causés. Comment pouvons-nous les soutenir par l’entremise du gouvernement?
     La meilleure façon d’analyser le succès d’une recommandation et de voir vos recommandations suivies et respectées... C’est pourquoi nous faisons avancer ces questions distinctes entre nous, les Premières Nations et les Inuits. Il y a une raison très claire pour laquelle nous avons insisté sur cela en tant que gouvernements autochtones. Nous pouvons analyser et mesurer le succès ou l’implication de l’une ou l’autre des trois identités dont je viens de vous parler.
    Je peux vous donner les noms des 5 000 anciens combattants là-bas. Je peux établir, en partenariat avec le ministère des Anciens Combattants, combien d’entre eux étaient des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Cela pourrait facilement se faire. Ensuite, on pourrait examiner ce qui arrive à ceux qui sont encore en vie aujourd’hui et voir s’il y a des services et s’ils font face à des problèmes.
    Comme ils ne sont que quelques-uns, il devrait être très simple de savoir où ils se trouvent et de comprendre ce qui leur est arrivé. Nous pourrions peut-être en tirer une leçon pour que cela n’arrive jamais aux nouveaux anciens combattants qui sortent des différentes guerres qui se déroulent dans la partie orientale du monde.
    Rétrospectivement, nous devons faire des évaluations. C’est pourquoi nous nous sommes battus vigoureusement sur cette question distincte, parce que lorsque la plupart des Canadiens ont appris que les anciens combattants autochtones avaient obtenu un règlement, ils pensaient que nous avions obtenu quelque chose. Ils pensent que nos anciens combattants ont été traités de la même façon. Ils croient que nos anciens combattants ont eu leur dû dans ce pays. Ce n'est pas le cas, mais le mot « autochtone » signifie que nous l’avons tous reçu. Ce n'est pas le cas. La nation métisse n’a jamais reçu ce lui a été promis, alors si nous voulons le faire, faisons-le comme il faut et évaluons cela correctement. Il est facile d'en faire l'évaluation si quelqu’un prend la peine de le faire. Si vous avez une base distincte, vous pourriez facilement faire cette évaluation, très rapidement, mais il faut que le ministère le fasse.
    Merci.
    Voilà qui met fin à notre témoignage d’aujourd’hui. Au nom du Comité, j’aimerais vous remercier tous les deux d’être venus aujourd’hui. S’il y a des renseignements que vous voulez nous faire parvenir, envoyez-les au greffier, celui-ci les fera parvenir à tous les membres du comité.
    Puis-je avoir une motion d’ajournement?
    M. Bratina...
    Avant que vous ne leviez la séance, monsieur le président, il est d’usage pour mon peuple de faire des cadeaux lorsque nous allons à diverses réunions. J’ai apporté un cadeau pour chacun des partis parce que je respecte la façon dont cette assemblée est structurée. Vous êtes le président et un député néo-démocrate et un conservateur sont coprésidents. J’ai apporté un cadeau à chacun de vous. Je n’ai pas apporté de cadeau à tout le monde parce que je ne savais pas à quel point le groupe devant lequel j'allais m'exprimer serait important.
    J’aimerais vous transmettre ceci. J’espère que vous le porterez avec beaucoup de fierté. C’est un coquelicot en perles de l’art métis. J’espère que vous le porterez lors de la Journée des anciens combattants et lorsque vous tiendrez des audiences sur les anciens combattants partout au Canada. Croyez-moi, lorsque les anciens combattants autochtones verront cela, surtout les Métis, vous serez traités avec le plus grand respect.
    Encore une fois, je tiens à remercier chacun d’entre vous de vos questions. J’espère avoir été en mesure de clarifier les choses. Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter quand vous voulez. Mon gouvernement est toujours prêt, tout comme la nation métisse, à vous donner plus d’informations. Si vous avez besoin de précisions sur une petite question, n’hésitez pas à nous appeler et nous ferons de notre mieux pour vous éclairer.
    Merci beaucoup de nous permettre de prendre la parole ici aujourd’hui.

  (1650)  

    Merci.
    Oh, j’ai aussi apporté ceci. Vous verrez qu'au dos on voit Juno Beach, mais ce que je voulais vous dire, c’est qu’apparemment, je n’ai pas été autorisé à le donner à tout le monde parce qu’il n’est pas traduit en français, alors je vais le laisser ici si vous voulez.
    Je pense qu’il a été distribué.
    Parfait. On m’a dit que je n’avais pas le droit de le donner parce qu’il n’était pas traduit en français. Si vous voulez y jeter un coup d’oeil, vous verrez qu’il s’agit de certains des fiers anciens combattants. La plupart d’entre eux sont décédés. Je reconnais la plupart d’entre eux. J’espère que vous regarderez cela avec un sourire quand vous verrez les sourires sur leurs visages.
    Merci. Êtes-vous dedans?
    Je suis juste là, le gros gars en blanc à l’avant.
    D’accord, je dois mettre mes lunettes.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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