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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 048 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 mars 2017

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue, tout le monde. Bienvenue à tous au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la décision de l'ARLA concernant le pesticide néonicotinoïde imidaclopride.
    Je veux souhaiter la bienvenue aux membres. Je pense que M. Shields remplace M. Anderson. Bienvenue, monsieur Shields.
    M. Maguire devrait également se joindre à nous sous peu.
    Je veux remercier le groupe de témoins d'être des nôtres aujourd'hui. Nous avons M. Craig Hunter, de l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario. De l'Ontario Greenhouse Vegetable Growers, nous recevons Mme Justine Taylor, gestionnaire des relations gouvernementales et des sciences. De la Fondation David Suzuki, nous avons Lisa Gue, chercheuse et analyste principale à l'Unité de la science et de la politique, à Ottawa. Et d'Équiterre, nous accueillons Annie Bérubé, directrice des relations gouvernementales.
    Bienvenue à vous tous. Nous allons accorder 10 minutes par témoin.
    Monsieur Hunter, vous allez faire votre déclaration liminaire en premier, pour un maximum de 10 minutes. Merci.
    Monsieur le président Finnigan, monsieur le coprésident Brosseau, et mesdames et messieurs les membres du Comité, merci beaucoup de l'occasion que vous me donnez aujourd'hui.
    Après près de 30 ans de carrière au sein du ministère de l'Agriculture de l'Ontario, 18 années à l'Association des fruiticulteurs et des maraîchers de l'Ontario à examiner les questions entourant les pesticides, et plus de 20 années à siéger au Comité consultatif sur les pesticides de l'Ontario, je suis ici aujourd'hui pour vous faire part de mes expériences avec les pesticides. Je suis ici pour représenter 2 500 fruiticulteurs et maraîchers en Ontario et plus de 10 000 au Canada.
    Les producteurs sont les premiers environnementalistes du Canada. Ils vivent de la terre; ils n'habitent pas dans des appartements en ville. Ils élèvent leur famille et boivent l'eau des puits sur leurs terres. Ils font de la culture sans labour. Ils aménagent des voies d'eau gazonnées et des bandes tampons. Ils ne veulent pas détruire les terres. Ils veulent en fait les léguer à leurs enfants en meilleur état qu'ils les ont eues, pour la prochaine génération. Ils connaissent l'environnement, car ils y vivent tous les jours.
    Les fruiticulteurs et les maraîchers de l'Ontario et du Canada utilisent l'imidaclopride depuis 1995. La première fois, c'était pour des pommes de terres dans une situation d'urgence après que tous les autres insecticides homologués ont été infructueux en raison d'une résistance aux ravageurs.
    Au cours des 20 années suivantes, les producteurs en sont venus à dépendre de ce produit chimique pour un vaste éventail de cultures et pour de nombreuses espèces d'insectes. En fait, une utilisation en cas d'urgence a été approuvée l'automne dernier, quelques semaines avant que la décision de l'ARLA soit rendue publique, et c'était pour lutter contre une nouvelle espèce envahissante que l'on appelle la punaise marbrée, qui peut s'en prendre à plus de 200 cultures. Elle a détruit la totalité d'une culture de pommes et d'une culture de pêches en Pennsylvanie, ce qui est assez près de l'Ontario, alors je sais à quel point cet insecte est dévastateur.
    Si l'on perd tous les usages homologués à l'heure actuelle, ce sera un défi de taille d'homologuer des produits chimiques de rechange qui sont efficaces et appropriés pour les plus de 200 cultures et les multiples espèces d'insectes qu'ils contrôlent. Bien qu'il y ait actuellement quelques solutions de rechange homologuées pour bon nombre de ces ravageurs, l'imidaclopride est le produit de choix. Par conséquent, une seule application d'imidaclopride pourrait devoir être remplacée par trois ou quatre applications d'autres produits. Vous perdez un produit, puis vous avez trois ou quatre solutions de rechange chaque fois que vous devez lutter contre les parasites.
    La majorité des autres produits homologués comportent des lacunes qui nous empêchent de les utiliser dans les systèmes de production commerciale. Même après 22 saisons d'utilisation, la résistance à l'imidaclopride n'a pas encore été un problème. Un grand nombre des solutions de rechange, cependant, doivent être des produits à large spectre dans un programme de rotation des pesticides pour empêcher que les parasites acquièrent une résistance. L'imidaclopride a permis de combattre très efficacement ces parasites jusqu'à présent.
    Puisque toutes les cultures horticoles sont considérées comme faisant partie du programme des pesticides à usage limité, les pressions exercées sur ce programme d'Agriculture Canada pourraient largement dépasser ses capacités actuelles. Aucune de nos cultures horticoles n'attire les investissements, dans la recherche, nécessaires pour homologuer des pesticides directement des titulaires. C'est pourquoi nous avons ce programme. Pire encore, de nombreux autres produits devront faire l'objet d'une réévaluation. Avant qu'ils soient approuvés de nouveau, personne ne veut investir dans ces produits, par crainte de s'exposer à une double pénalisation.
    J'ai de nombreuses autres remarques à faire sur l'examen, la façon dont il a été effectué, le manque de temps pour recueillir des observations utiles, le manque de temps pour mener de nouvelles recherches afin de remettre en question quelques-unes des conclusions de l'ARLA et la précipitation indue pour rendre publique une décision définitive avant décembre de cette année, neuf mois après que nos dernières observations ont été formulées. C'est 12 mois plus tôt que la plupart des réévaluations qui ont été effectuées ces dernières années.
    Nous sommes très inquiets que les données de surveillance de 2015-2016, qui n'ont pas été prises en compte dans le processus décisionnel, révèlent des données très différentes — moins élevées — sur les résidus à ces mêmes emplacements. Ces données n'ont pas été prises en compte.
    Les études sur le mésocosme qui ont été rejetées par l'ARLA pour diverses raisons doivent être réexaminées. Ce que nous appelons les données probantes révèlent une toxicité jusqu'à 25 fois moins élevée dans l'environnement réel par rapport aux études dans des conditions vierges effectuées en laboratoire. Il faut peut-être examiner différemment les données utilisées pour décrier l'imidaclopride.
    Je suis également inquiet de l'annonce qu'Environnement Canada a faite la semaine dernière selon laquelle il n'assurera plus de surveillance à ces emplacements, même si des préoccupations ont été soulevées. Il faut examiner la question davantage.
    Pour terminer, les comptes d'oiseaux à la Pointe-Pelée ont permis de constater une augmentation du nombre d'oiseaux, surtout dans les bassins de poissons, et les quotas de pêche dans le lac Érié sont en hausse. L'industrie de la pêche se concentre à l'extrémité ouest du lac, si bien que s'il y avait réellement un problème, ce serait les indicateurs, à mon avis. Ces conclusions sont différentes de ce que l'ARLA décrit dans sa proposition. S'il reste du temps plus tard, je pourrais parler plus longuement de ce sujet.
    Je vais céder la parole à Justine.

  (1110)  

    Merci encore une fois de l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Nous représentons plus de 200 producteurs de légumes de serre dans la province, qui sont responsables de près de 2 900 acres de tomates, de piments et de concombres de serre. Le secteur des légumes de serre est l'un des secteurs qui connaissent la plus forte croissance de l'industrie agricole de l'Ontario. Avec plus de 820 millions de dollars de ventes à la ferme, une contribution de plus de 12 000 emplois dans le marché du travail et un taux de croissance constant, le secteur contribue grandement à l'économie de l'Ontario.
    J'aimerais faire quelques observations additionnelles qui reflètent le point de vue des producteurs en serre de l'Ontario. Permettez-moi de commencer par vous dire que nos membres, comme la majorité des agriculteurs, s'efforcent d'être des intendants des terres et de minimiser leurs répercussions environnementales. L'imidaclopride est utilisé pour lutter contre les pucerons et les aleurodes dans les serres et n'est seulement homologué pour une seule utilisation par saison. Le produit est utilisé avec modération et conjointement avec des biopesticides.
    Les biopesticides sont des insectes utiles qui sont libérés dans les serres pour lutter contre des organismes nuisibles et qui réduisent grandement la nécessité de recourir à des pesticides. Les résultats d'un récent sondage mené par le Conseil canadien de l'horticulture révèlent que 76 % des répondants utilisent l'imidaclopride comme outil pour lutter contre les éclosions lorsque d'autres méthodes ont été infructueuses. Ce produit, comme de nombreux autres néonicotinoïdes, joue un rôle essentiel pour lutter contre les organismes nuisibles dans le cadre d'un programme de lutte antiparasitaire intégrée. Un programme de lutte antiparasitaire intégrée fructueux s'appuie sur un certain nombre d'outils, dont des mesures de lutte biologique, des pratiques culturelles, des mécanismes de surveillance et, au besoin, l'utilisation responsable de produits chimiques.
    Il est clair que l'augmentation des échanges commerciaux mondiaux et des répercussions des changements climatiques nous exposeront davantage à des espèces envahissantes et à des maladies. Par conséquent, il est primordial de s'assurer que les outils appropriés sont disponibles pour gérer ces nouvelles pressions. Dans un environnement de serre, le risque que les pesticides s'échappent dans l'environnement est réduit grâce aux mêmes mesures mises en place pour atteindre les cibles de réduction du phosphore établies dans le cadre de l'Accord Canada-Ontario concernant la qualité de l'eau et la santé des écosystèmes des Grands Lacs. À l'heure actuelle, plus de 90 % du secteur des légumes de serre utilise le procédé de recirculation, où l'eau d'alimentation excédentaire est stockée et traitée avant d'être utilisée pour arroser les cultures. De plus, le secteur des serres, en collaboration avec le gouvernement provincial, a mis au point un ensemble d'outils pour gérer l'eau d'alimentation qui doit être retirée des serres.
    Enfin, les producteurs de serre de l'Ontario cherchent et continuent de chercher de nouveaux produits qui appuient un programme de lutte antiparasitaire intégrée fructueux. Ces dernières années, les producteurs se sont tournés vers des produits pour lesquels il est moins nécessaire de recourir à des agents de lutte biologique. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive et, à cette fin, un nouveau produit prometteur a été ciblé par l'entremise du programme des pesticides à usage limité qui pourrait réduire davantage l'utilisation de l'imidaclopride. Ce projet a été sélectionné en tant que projet conjoint des pesticides à usage limité entre le Canada et les États-Unis.
    On ne saurait trop insister sur l'importance d'un processus d'examen harmonisé puisqu'il équilibre les règles du jeu avec notre plus important partenaire commercial du Sud. Nous croyons que compte tenu de la disponibilité relativement faible de produits de rechange viables, du potentiel d'acquisition d'une résistance et de la nécessité de continuer de rivaliser avec les États-Unis, le retrait de l'imidaclopride en tant qu'outil de lutte contre les parasites serait une décision malavisée.
    Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé et nous avons hâte de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Taylor.
    Nous allons maintenant passer à la Fondation David Suzuki et à Mme Lisa Gue.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    La Fondation David Suzuki est un organisme de bienfaisance canadien qui a été fondé en 1990. La fondation estime que nous devons protéger la biodiversité et le droit des Canadiens de vivre dans un environnement sain. Ces deux impératifs d'égale importance sont à la base du travail de longue date que nous faisons pour renforcer la réglementation des pesticides au Canada.
    J'ai demandé à ma collègue d'Équiterre de se joindre à moi ce matin, car nos deux organismes collaborent étroitement dans le dossier des pesticides.
    Je vais passer en revue les préoccupations d'ordre écologique qui nous poussent à revendiquer l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes, puis Annie parlera brièvement du processus de prise de décisions de l'ARLA et des solutions de rechange aux néonicotinoïdes.
    Premièrement, permettez-moi de signaler aux fins du compte rendu que la Fondation David Suzuki et Équiterre souscrivent à la conclusion de l'ARLA selon laquelle l'imidaclopride pose des risques inacceptables pour l'environnement et qu'il devrait graduellement être éliminé au Canada. À notre avis, l'évaluation de l'ARLA sous-estime les risques pour les organismes terrestres et la santé humaine. En tenant mieux compte de ces aspects, on ne fait qu'étayer la conclusion selon laquelle l'utilisation continue de l'imidaclopride n'est pas viable. Nous encourageons donc Santé Canada à annuler les principales utilisations de l'imidaclopride, conformément à ce qui a été proposé, et à raccourcir la période d'élimination graduelle. La décision proposée n'offre aucune justification pour retarder l'adoption de mesures entre trois et cinq ans, et ce retard prolongera inutilement les risques environnementaux ciblés.
    Quelques mois seulement avant que l'ARLA rende publique sa décision sur l'imidaclopride, la France a adopté une loi pour interdire tous les néonicotinoïdes avant septembre 2018. Nous recommandons que le Canada se fixe le même délai que le Canada.
    La preuve des dommages causés par les néonicotinoïdes exige l'adoption de mesures urgentes.
    Le Groupe de travail sur les pesticides systémiques, un groupe de 29 scientifiques indépendants qui a été mis sur pied par l'Union internationale pour la conservation de la nature, a réalisé l'examen systématique le plus exhaustif jusqu'à présent des répercussions environnementales des néonicotinoïdes. L'examen a analysé plus de 1 000 études scientifiques publiées et a permis de conclure que l'utilisation prophylactique à grande échelle des néonicotinoïdes a d'importantes conséquences écologiques involontaires. Cet examen novateur a présenté des preuves de torts causés aux invertébrés aquatiques et terrestres, aux insectes pollinisateurs et aux oiseaux, et d'effets en cascade qui menacent l'ensemble des écosystèmes.
    Le groupe de travail a publié ses conclusions en janvier 2015 dans la revue à comité de lecture Environmental Science and Pollution Research. Cette publication a présagé les conclusions les plus récentes de l'ARLA, et je vais citer un passage de l'article:
La combinaison de la persistance [...] et de la solubilité dans l'eau, et le potentiel d'accumulation dans les sols et les sédiments, ont conduit à une combinaison à grande échelle de l'eau souterraine et de surface et de la végétation traitée et non traitée.
    Comme on vous l'a fait savoir mardi, l'évaluation de l'ARLA confirme que les concentrations d'imidaclopride dans les milieux aquatiques au Canada pourraient présenter des risques graves et chroniques pour les invertébrés lorsqu'on examine les concentrations dans l'environnement modélisées et les données de surveillance disponibles. Les insectes aquatiques sont un maillon essentiel de la chaîne alimentaire dans les milieux marins et d'eau douce. L'ARLA souligne que les concentrations modélisées sont généralement considérées comme étant plus élevées que les concentrations réelles dans l'environnement, mais dans le cas de l'imidaclopride, les estimations modélisées ne peuvent pas être conservatrices car les données de surveillance chevauchent les concentrations dans les eaux de surface prévues. De plus, il est généralement reconnu que les données de surveillance sous-estiment probablement l'exposition actuelle, puisque l'échantillonnage ne relève pas les concentrations maximales.
    En ce qui concerne la question des abeilles, sujet sur lequel vous vous pencherez avec le prochain groupe de témoins aujourd'hui, le groupe de travail a relevé des preuves irréfutables que les néonicotinoïdes présentent des risques graves de préjudices, y compris des effets sublétaux sur la navigation, l'apprentissage, la quête de nourriture, la longévité, la résistance aux maladies et la reproduction. Un examen distinct des études menées après 2013 qui vient d'être publié a confirmé ces conclusions, et je vais fournir au Comité un exemplaire de ce document.
    La réévaluation de l'ARLA de l'imidaclopride ne considère pas les risques pour les pollinisateurs, qui sont évalués séparément. Néanmoins, l'élimination graduelle de l'imidaclopride réduira considérablement l'exposition des pollinisateurs à ce produit chimique. Nous estimons que c'est un avantage secondaire important de la décision proposée, surtout en raison de l'importance de la pollinisation pour l'agriculture et la sécurité alimentaire.
    L'évaluation du groupe de travail a également relevé des preuves de torts causés aux lombrics et à d'autres invertébrés terrestres et aquatiques. Elle a également dégagé le potentiel de torts causés aux populations d'oiseaux exposées aux semences traitées aux néonicotinoïdes.
    La déclaration qu'a faite le titulaire du produit mardi selon laquelle la décision du Canada sur l'imidaclopride a été prise à la hâte est tout simplement farfelue. Les organismes de réglementation d'Amérique du Nord ont tardé à répondre aux preuves de risques écologiques, les premières restrictions réglementaires provisoires en Ontario étant entrées en vigueur l'an dernier seulement.

  (1115)  

    Comme vous le savez, l'Union européenne interdit l'utilisation des néonicotinoïdes sur les cultures en fleur depuis 2013. Cette politique fait actuellement l'objet d'un examen et pourrait être étendue à d'autres utilisations. L'Italie a interdit le traitement des semences aux néonicotinoïdes en 2008 et, comme je l'ai mentionné plus tôt, la France interdira tous les néonicotinoïdes à compter de l'année prochaine. En se joignant enfin à d'autres pays influents qui se détournent des néonicotinoïdes, le Canada peut être à l'avant-plan d'un mouvement pour mettre en place plus de pratiques agricoles durables.
    Avant de conclure mes remarques, j'aimerais attirer l'attention du Comité sur un rapport portant sur les effets des pesticides sur le droit à l'alimentation, qui a été déposé mardi par le rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation des Nations Unies. Le rapport décrit notre dépendance actuelle à l'égard des pesticides comme étant une préoccupation mondiale en matière de droits de la personne et signale ceci:
Les efforts déployés par l'industrie des pesticides pour influencer les décideurs et les organismes de réglementation ont fait obstruction à des réformes ou ont paralysé des restrictions de l'utilisation de pesticides dans le monde.
    Le rapporteur spécial réclame un nouveau traité mondial pour réglementer et éliminer progressivement l'utilisation de pesticides dangereux, y compris les néonicotinoïdes, et adopter des pratiques agricoles durables. Nous croyons que le Canada pourrait et devrait jouer un rôle de premier plan dans cette transition.

  (1120)  

[Français]

     Bonjour. Je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de présenter certaines de nos idées sur l'agriculture durable au Canada.
    Équiterre est un organisme environnemental qui oeuvre depuis 1993 et qui a des bureaux à Montréal, à Québec et à Ottawa. Sa mission est de proposer des solutions concrètes pour accélérer la transition à une société où les citoyens, les organisations et les gouvernements font des choix écologiques sains et équitables.
    Nous désirons réitérer aujourd'hui notre appui à la proposition de la ministre de la Santé d'éliminer l'imidaclopride de l'agriculture. Nous tenons à ajouter toutefois que les risques que pose ce pesticide sont tels qu'il faudrait une élimination plus rapide que ce que propose l'échéancier.
    Nous sommes préoccupés part le fait qu'il soit nécessaire de préserver la crédibilité du processus de réévaluation des pesticides des scientifiques de l'ARLA ainsi que l'indépendance de la décision de la ministre de la Santé dans ce dossier. Il ne doit pas y avoir d'interférence relativement à cette décision. Tout intervenant, comme Équiterre, a eu la possibilité de soumettre ses commentaires durant la période de commentaires prévue à cet effet. Pourquoi donc donner une plateforme publique à un nombre limité de parties prenantes, des parties ayant un intérêt commercial clair à ce que ce produit continue d'être vendu au Canada?
    Nous encourageons donc le Comité à élargir l'étendue de sa revue pour y inclure les effets sur les écosystèmes et la santé humaine comme l'a mentionné ma collègue Mme Gue. De plus, vous devez considérer l'expertise et les connaissances présentement disponibles au Canada en tant que solution de rechange à l'utilisation de l'imidaclopride dans le domaine de l'agriculture.
    Nous avons également certaines inquiétudes quant au manque de transparence du processus de décision de l'ARLA. Il y a place à amélioration dans ce domaine à notre avis.
    Selon nous, il est particulièrement critique que l'ARLA démontre comment elle considère les recherches scientifiques indépendantes dans le cadre de son processus de décision, les données récentes telles que celles démontrées par les chercheurs universitaires, ainsi que les données des agences de protection de l'environnement des provinces et du ministère de l'Environnement du Canada.
    Nous sommes également préoccupés par la dépendance à la façon dont les études sont effectuées et sont considérées par l'ARLA. Il n'y a aucune façon pour les chercheurs ni pour le grand public d'avoir accès aux données soumises par les fabricants.
    Il y a un besoin urgent de considérer les solutions de rechange à l'utilisation de l'imidaclopride et des autres néonicotinoïdes en agriculture au Canada. Nous avons appris mardi la mise en place de groupes de travail au ministère de l'Agriculture pour appuyer la transition menant à l'abandon de l'utilisation de l'imidaclopride par les agriculteurs au Canada.
    Toutefois, les travaux et les recommandations de ces groupes de travail devraient être transparents. Ils doivent inclure des représentants du secteur agricole qui ont déjà mis en place des méthodes de dépistage de prévention des infestations des insectes et autres ravageurs en agriculture ainsi que des méthodes de lutte intégrée efficace pour éviter l'utilisation inutile des néonicotinoïdes. Il est important que ces groupes de travail ne se limitent pas simplement à tenter de commercialiser d'autres pesticides synthétiques comme étant la seule solution.
    De plus, ces groupes de travail sur les solutions de rechange se doivent d'inclure des représentants du secteur de l'agriculture biologique au Canada qui cultivent déjà le maïs, le soya, les pommes de terre et plusieurs autres cultures sans avoir recours à l'imidaclopride. L'intégrité de l'agriculture biologique est d'ailleurs menacée par la contamination des néonicotinoïdes dans l'environnement. Ce secteur est donc partie prenante de ce débat.
    J'aimerais souligner très brièvement certaines études publiées qui remettent en question l'efficacité de plusieurs types d'utilisation des néonicotinoïdes du point de vue du rendement agricole et du traitement des ravageurs. Mentionnons, par exemple, les recherches sur le terrain...
     Veuillez conclure, madame Bérubé.

[Traduction]

    Je vais avoir une phrase clé pour vous dans une minute.
    On vous écoute.
    De nombreuses études montrent l'inefficacité de certaines utilisations des néonicotinoïdes au Canada. Bon nombre de ces recherches sont menées à l'extérieur du Québec, et j'ai un grand nombre de ces études avec moi ici que je serais ravie de remettre au Comité.

[Français]

    La Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture a développé des outils très efficaces qui évitent l'utilisation inutile des nicotinoïdes au Canada. Cela inclut la rotation des cultures, les cultures intercalaires et une bonne gestion des fertilisants et de l'irrigation.
    En conclusion, j'encourage le Comité à se pencher, peut-être lors d'une prochaine étude, sur la question très importante de savoir quelles sont les solutions de rechange à l'utilisation des pesticides synthétiques en agriculture au Canada.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Bérubé.
    Nous passons maintenant à la période des questions et commentaires.
    Monsieur Gourde, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici ce matin.
    Je vais commencer par poser une question sur la fin de votre présentation, madame Bérubé.
    Avez-vous aussi des études qui démontrent la rentabilité et le rendement obtenu sur ces fermes au Québec, confirmant ainsi qu'on pourrait peut-être se passer de ces pesticides?

  (1125)  

    Oui. Je citerais les études du Centre de recherche sur les grains au Québec, notamment les travaux de la Dre Labrie. J'ai toutes les études ici. Les gens de ce centre se sont surtout penchés sur le rendement agricole et sur l'efficacité des semences traitées aux nicotinoïdes du soya pour éloigner les ravageurs. Ils ont constaté qu'il n'y a pas de différence significative entre les semences traitées au soya à titre préventif et celles qui ne sont pas traitées. À la suite à ces recherches, la Stratégie québécoise sur les pesticides 2015-2018 prévoit offrir des incitatifs financiers aux agriculteurs québécois pour l'achat de semences non traitées aux nicotinoïdes.
     Les résultats sont semblables en ce qui concerne les cultures de maïs. On constate qu'il n'y a pas de différence significative dans le rendement agricole quand on utilise des nicotinoïdes pour lutter contre les ravageurs et les insectes dans les cultures du maïs. Ces études ont également été effectuées aux États-Unis par l'agence de protection de l'environnement.
    Allez-vous pouvoir remettre toutes ces études au Comité?
    Certainement.
    D'accord.
    Le retrait des produits ayant déjà été homologués au Canada sera tout un précédent. Y a-t-il d'autres produits qui pourraient également être retirés? Comment fera l'industrie pour s'adapter très rapidement à cette situation?
    Selon nous, la solution mérite un débat plus élargi et plus éclairé. Il faut sortir de ce paradigme très étroit selon lequel chaque fois qu'on restreint ou qu'on élimine un pesticide utilisé en agriculture, la seule solution est de le remplacer par un autre pesticide synthétique. C'est une perspective très étroite de la gestion agricole, alors qu'on sait qu'il y a des méthodes de lutte intégrée, de dépistage, de prévention, de rotation des cultures et d'utilisation des prédateurs naturels, par exemple, qui sont tout aussi efficaces que les pesticides synthétiques.
    C'est ce que nous encourageons le Comité à faire. Il est du ressort d'Agriculture et Agroalimentaire Canada d'appuyer très tôt dans le processus de décision les agriculteurs canadiens, afin qu'ils ne soient pas pris au dépourvu chaque fois qu'on doit limiter l'utilisation d'un pesticide en agriculture.
    La taille des fermes des agriculteurs qui ont adopté une agriculture plus durable est-elle similaire à celle des autres fermes au Canada? Sont-elles relativement plus petites ou sont-elles comparables?
    Je peux seulement parler de la situation au Québec.
    Dans les études que je vais vous donner sur l'efficacité, il est question de grands hectares et de grandes cultures de maïs, de soya et de pommes de terre. Ces cultures ont un rendement agricole supérieur grâce à une gestion durable des infestations et des ravageurs.
    Ma question vise surtout à savoir si c'est applicable à des fermes de 1 000, 2 000 ou 3 000 acres, ou si c'est seulement applicable à des fermes de 100 ou 150 acres. En agriculture plus durable, il faut sarcler plus souvent. On passe plus souvent et on a le temps de le faire, tandis que les fermes commerciales et plus grandes sont limitées par le temps et la température. Au Canada ou au Québec, les agriculteurs sont très limités pour ce qui est des périodes de semis, de sarclage et d'arrosage.
    Certains agriculteurs choisissent d'arroser avec des produits pour passer une seule fois parce qu'ils ont une trop grande superficie à traiter, tandis que ceux qui ont une ferme moyenne ou plus petite peuvent se permettre de passer plus souvent dans le champ.
    Dans cette étude, s'agit-il de fermes petites et moyennes ou, plutôt, de grandes fermes?
    Il faudrait que je vérifie le nombre exact d'hectares pour répondre à votre question.
     Je vous encourage à inviter la Dre Labrie, qui a fait ces recherches au Québec. Elle pourrait vous présenter plus en détail les résultats des essais en champ qu'elle a faits au Québec.
     D'accord.
     Dans ce cas, M. Craig Hunter pourrait-il répondre à cette question?
    De votre côté, pensez-vous que les fermes de moyenne ou de grande dimension auraient de la difficulté à utiliser d'autres modes de culture?

[Traduction]

    L'industrie de la pomme de terre de l'Ontario a 35 000 acres, et il y a environ 200 producteurs. La taille moyenne d'une ferme est de quelques centaines d'acres. Lorsque nous avons perdu tous les pesticides efficaces pour lutter contre le doryphore de la pomme de terre jusqu'en 1995, la seule option qui nous restait était des brûleurs au propane placés sur les terres qui étaient suffisamment chauds pour brûler les pattes des doryphores pour qu'ils ne puissent plus marcher, ainsi que d'énormes aspirateurs qui passaient dans les rangs. Le coût du propane pour les brûleurs était très élevé, et le coût du passage de ces aspirateurs dans les rangs deux fois par jour est exorbitant.
    En fait, nous n'avions rien qui fonctionnait.

  (1130)  

[Français]

    Combien de temps de parole me reste-t-il?
    Il vous reste 30 secondes. Je vais vous donner une minute, parce que nous perdons du temps.
    D'accord.
    La question s'adresse à tous ceux qui veulent bien y répondre.
    Croyez-vous qu'en matière de compétitivité le Canada sera défavorisé face à nos voisins du Sud dans un avenir rapproché?

[Traduction]

    Tout à fait, oui, car lorsque l'ARLA interdit l'utilisation d'un produit pour des motifs autres que les résidus dans les aliments, elle ne modifie pas les LMR. Tous les autres pays au monde qui utilisent ce produit — y compris notre géant voisin du Sud — continueront à l'utiliser, ils continueront à jouir d'un meilleur coût de production que nous et ils pourront inonder notre marché de produits moins coûteux que les nôtres.
    Si nos producteurs perdent le droit d'utiliser ce produit pour nombre de cultures, leurs cultures en souffriront sur les plans du rendement et de la qualité, et ils ne pourront peut-être pas poursuivre ces cultures de manière rentable. Ils les poursuivront peut-être, mais ils ne réaliseront pas de bénéfices. C'est la position dans laquelle ils seront placés.
    Merci, monsieur Hunter.

[Français]

    Merci, monsieur Gourde.
    Monsieur Drouin, la parole est à vous pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je l'ai dit la dernière fois, mais je tiens à réitérer l'indépendance du Comité. Nous ne nous rapportons ni au ministre ni au gouvernement. Nous nous rapportons au Parlement. Le Comité est maître de lui-même. Nous pouvons faire ce que nous voulons. Nous pouvons faire les études que nous voulons.
    Madame Bérubé, aviez-vous l'impression que le Comité n'avait pas invité certaines parties prenantes? D'ailleurs, vous êtes devant nous, aujourd'hui.
    Pour ma part, je n'ai pas refusé de témoin. J'essaie de comprendre où vous vouliez en venir.
    Effectivement, je crois que plusieurs parties prenantes pourraient faire une contribution très importante à votre étude. J'en ai mentionné plusieurs, dont les agriculteurs du secteur biologique qui cultivent de façon très efficace ces grandes cultures sans pesticide. D'autres secteurs de l'agriculture canadienne ont aussi déjà mis en place des outils de lutte intégrée, sans avoir recours aux néonicotinoïdes. Selon moi, ce sont vraiment ces experts qui devraient être à la table, ici. Je vous encourage également à inviter des chercheurs universitaires. J'ai déjà mentionné le nom de certains d'entre eux qui ont publié plusieurs études et plusieurs essais sur le terrain qui mettent en doute l'efficacité des néonicotinoïdes.
    D'accord.
    Je dis toujours que mon rôle en tant que parlementaire est de faire la part des choses entre ce qu'on veut bannir et le prix que vont payer les consommateurs. Les produits biologiques coûtent plus cher aux consommateurs. En ce moment, au supermarché, les produits biologiques coûtent plus cher que les produits non biologiques.
     Oui, c'est beau de fermer la lumière, mais il faut avoir une transition qui soit raisonnable tant pour les consommateurs que pour nos agriculteurs. C'est notre rôle.

[Traduction]

    Monsieur Hunter, si vous vous réveilliez demain dans un monde où il n'y a pas de néonicotinoïdes, qu'arriverait-il à votre industrie? Par quels pesticides pourriez-vous les remplacer, ou quelles pratiques pourriez-vous employer demain dans un monde sans néonicotinoïdes?
    Les agriculteurs seraient obligés d'utiliser des pesticides qui ont tendance à créer de la résistance; ils ne pourraient donc pas les employer pendant très longtemps, à moins qu'ils puissent les remplacer alternativement par des produits à large spectre, car les néonicotinoïdes protègent contre plusieurs espèces différentes. La plupart des nouveaux produits ont un champ d'action très limité: ils protègent très bien contre cette espèce, pas très bien contre celle-ci et pas du tout contre celles-là. Si vous devez lutter contre toutes ces espèces, vous seriez obligés d'utiliser une, deux, trois, voire quatre différentes méthodes de défense. Vous emploieriez différents produits chimiques chaque fois que vous soigneriez vos cultures; vous augmenteriez donc...
    Vous finiriez par utiliser plus de pesticides.
    Il faudrait certainement utiliser plus de pesticides, et malgré tout, ce ne serait peut-être pas aussi efficace. Toutefois, la grande préoccupation, ce serait que l'efficacité diminuerait petit à petit comme les populations deviendraient résistantes. Pour un agriculteur, la menace de la résistance est un problème énorme.

  (1135)  

    Pouvez-vous m'expliquer les pratiques de confinement employées dans les serres? Mme Taylor voudra peut-être répondre. Comment confinez-vous...
    Une partie du problème, c'est que nous avons trouvé — je ne vais pas essayer de prononcer le terme — des néonicotinoïdes dans les plans d'eau. Je ne comprends pas du tout comment cela pourrait se produire avec une serre, à moins qu'il n'y ait pas de confinement. Pouvez-vous m'expliquer les pratiques de confinement utilisées par l'industrie?
    Oui. Je pense que c'est important de comprendre qu'il y a eu une transition dans la technologie et que les serres ont évolué. Comme je l'ai dit durant mon exposé, environ 90 % de nos agriculteurs recyclent l'eau. Grâce au recyclage, les cultures reçoivent les nutriments qui se trouvent dans l'eau au moyen de l'irrigation au goutte-à-goutte; l'eau se retrouve ensuite dans un récipient, puis elle se déverse dans un lieu central, où elle est traitée avant d'être utilisée à nouveau pour arroser les cultures, et ce, indéfiniment. C'est l'état actuel de l'industrie.
    Pour les cas où il devient impossible de recycler l'eau et de l'utiliser pour les cultures — par exemple, s'il y a une accumulation de sels, ce qui est la raison principale —, nous avons créé, avec le gouvernement provincial, une trousse d'outils qui offre plusieurs façons d'en disposer.
    Voulez-vous que je vous donne plus de détails?
    Non, ce n'est pas nécessaire.
    Cela concernerait tout le monde. Par rapport au processus de l'ARLA — la question s'adresse à tous les témoins —, avez-vous eu assez de temps pour soumettre vos documents à l'ARLA? Allons-y de la droite vers la gauche. M. Hunter est à ma droite.
    Merci.
    L'an dernier, l'ARLA a proposé une nouvelle façon de mener les examens. La plupart des parties prenantes étaient pour la nouvelle méthode, et l'ARLA aussi. Elle a écouté ce que nous avions à dire et elle a mis en ligne une nouvelle façon de faire ce genre d'exercice.
    Avec la nouvelle méthode, l'ARLA consulte les parties prenantes au début du processus. Elle obtient de l'information auprès des agriculteurs et d'autres utilisateurs pour comprendre comment et où ils emploient le produit, en quelles quantités, quels sont les problèmes, etc., au début du processus.
    Puis, durant les deux années qu'elle prend habituellement — c'est parfois plus — pour faire son examen, si des problèmes ont été soulevés au début, les parties prenantes ont deux ans pour faire de la recherche, pour procéder à d'autres évaluations, pour recueillir d'autres données et pour l'aider tout au long du processus. Dans ce cas-ci, l'ARLA nous refuse cela. Elle utilise l'ancienne méthode.
    Merci, monsieur Hunter. Je vais devoir vous arrêter là. Les autres auront peut-être le temps d'élaborer en répondant aux autres questions.
    Avant de donner la parole à Mme Brosseau, je constate qu'elle a encore sa pomme. Nous étions tous là ce matin à croquer notre pomme. J'ai mangé la mienne. Je n'ai pas pu résister. Je l'ai mangée.
    Tout cela pour dire que j'invite tout le monde à croquer une pomme aujourd'hui.

[Français]

     Madame Brosseau, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Voulez-vous conclure brièvement? Je vais vous donner quelques instants si vous voulez finir votre réponse.
    Merci beaucoup.
    Pour le dire simplement, l'ancienne méthode ne fonctionnait pas et elle était injuste. La nouvelle méthode, si elle avait été utilisée, serait très juste, car elle nous donnerait le temps de faire part de nos observations au début et à la fin du processus, en plus de la période de commentaires de 60 ou de 90 jours. Nous avons seulement eu droit à une période de commentaires de 60 jours, qui a maintenant été prolongée à 90 jours, mais des commentaires ne suffisent pas s'il faut plus d'information, et on nous a refusé ce droit.
    Il faut plus d'information, plus de transparence.

[Français]

     Tout d'abord, je remercie nos témoins de leur présence, aujourd'hui, pour participer à cette étude.
    Nous avons déjà passé deux heures à traiter de cette question. Nous avons entendu des représentants du ministère de la Santé et d'Agriculture Canada, ainsi que de compagnies multinationales de produits pharmaceutiques. Nous abordons maintenant la deuxième partie de l'étude.
    En fait, ce n'est ni noir ni blanc, c'est vraiment complexe. J'ai beaucoup apprécié votre témoignage et votre présentation, madame Bérubé. Je crois que nous aurions besoin de plus de temps pour nous assurer de pouvoir consulter des experts. Personnellement, je ne suis pas experte en la matière, je ne suis pas chercheuse, mais il faut respecter la décision du gouvernement et de l'ARLA parce qu'elle est fondée sur la science. Je suis vraiment désireuse de lire tous les rapports dont vous avez parlé aujourd'hui. Aussi, il serait peut-être intéressant que le Comité invite d'autres experts, comme Mme Labrie.
    Hier, j'ai lu un article intéressant, publié dans Le Devoir, au sujet de l'étude et du rapporteur spécial de l'ONU. Je sais qu'au Québec, en juin dernier, le commissaire au développement durable a conclu que le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques ne fait pas un suivi adéquat de l'utilisation des pesticides dans la province. Je crois que le gouvernement du Québec a promis de réduire le recours aux pesticides de 25 % d'ici 2020-2021. Alors, nous avons du travail à faire à cet égard.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance d'approfondir une étude et de s'assurer que le comité, le groupe de travail sur l'agriculture, demande plus de transparence? Aussi, il y aurait lieu de s'assurer que d'autres groupes voués à l'agriculture biologique viennent nous parler de la réduction de l'utilisation des pesticides.

  (1140)  

    Certainement. Je vous inviterais, si vous êtes intéressés à élargir l'étendue de votre étude, à consulter le ministère de l'Environnement du Québec, mais surtout le ministère de l'Agriculture du Québec, et de vous pencher sur la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture. Comme je l'ai mentionné dans mon témoignage, on est à mettre en place des outils et du soutien pour les agriculteurs québécois qui désirent réduire l'utilisation des néonicotinoïdes — qui, soit dit en passant, sont très coûteux — et qui obtiennent un rendement agricole équivalent, sinon plus élevé, grâce à cette pratique.
    J'aimerais également vous encourager à demander aux agriculteurs qui souhaitent faire la transition hors des pesticides synthétiques quels seraient leurs besoins d'appui technique et financier. On sait qu'effectuer une transition vers une agriculture biologique ou vers la lutte intégrée est coûteuse et, selon nous, c'est la responsabilité d'Agriculture Canada d'offrir ce soutien technique et financier aux agriculteurs qui désirent y arriver. Ce serait donc une question importante, selon moi, à soulever. Plusieurs chercheurs, de plusieurs universités canadiennes, pourraient vous fournir des avis d'experts à ce sujet.
    Dans ma circonscription, il y a des producteurs qui ont fait la transition, et cela a pris plusieurs années. Une aide financière serait donc vraiment appréciée.
    Pourriez-vous commenter l'accessibilité à des semences non traitées? Est-il possible d'obtenir ces semences?
    J'aimerais par la suite céder la parole à M. Hunter et à Mme Taylor.
    Oui, c'est possible. En fait, au Québec, les données démontrent que, en ce qui concerne le maïs et le soya, environ 50 % des grandes cultures sont produites à partir de semences traitées. Il y a donc 50 % des semences qui sont non traitées. Comme je l'ai mentionné, dans le cadre de la Stratégie québécoise sur les pesticides 2015-2018, le gouvernement du Québec prévoit offrir des mesures incitatives pour que les agriculteurs puissent avoir accès à des semences non traitées. Elles sont donc disponibles sur le marché et elles sont accessibles.

[Traduction]

    Est-ce que Craig ou Justine pourrait répondre? Ensuite, je veux poser une autre question sur la santé humaine, car les pesticides peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine et sur les abeilles.
    Je vais vous donner la parole. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je vais essayer de poser une autre question.
    Pardon?
    Avez-vous accès à des semences non traitées?
    Pour la production de légumes, les seules semences de légumes qui sont produites au Canada sont les semences d'asperges. Toutes les autres semences de légumes que nous utilisons viennent d'ailleurs, surtout des États-Unis, mais aussi de la Hollande et du Japon. Elles sont traitées là-bas et nous les importons.
    Prenez le brocoli, par exemple. Le Canada importe un total de 20 kilogrammes de semences de brocoli par année pour tous les acres de brocoli qu'il cultive. Une maison de semences de la Californie traite les semences de brocoli avant que nous recevions nos 20 kilogrammes. Ce serait très difficile pour elle d'avoir un terrain spécial ailleurs pour la très petite quantité dont nous avons besoin.

  (1145)  

    Merci, monsieur Hunter.

[Français]

     Merci, madame Brosseau.
    C'est tout le temps que nous avons.

[Traduction]

    Monsieur Longfield, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de leur présence et de l'ampleur de la discussion.
    Notre objectif est d'examiner le processus. Nous ne tentons pas de remplacer le travail de qualité accompli par l'ARLA. Nous nous interrogeons simplement sur le processus.
    J'aimerais reprendre la question de M. Drouin concernant l'ancien processus d'examen. Un seul témoin a répondu; j'aimerais donc savoir quelle a été votre participation au processus. Nous pourrions commencer avec Mme Bérubé. Comment avez-vous contribué au processus d'examen et qu'en avez-vous retenu?
    Puisque nous sommes un organisme sans but lucratif voué à la protection de l'environnement, la seule façon dont nous pouvons participer au processus, c'est en présentant des observations durant la période de commentaires publics. Nous ne sommes pas considérés comme une des parties prenantes dont M. Hunter a parlé, qui sont consultées au début du processus.
    Je peux aussi vous dire qu'un grand nombre de chercheurs universitaires indépendants qui ont publié des articles ou qui mènent des études sur les néonicotinoïdes ne sont pas consultés au début du processus; il en va de même pour beaucoup d'autres parties prenantes du secteur de l'agriculture. Nous ne faisons qu'envoyer nos commentaires.
    Il nous arrive de demander des entretiens à l'ARLA en vue de comprendre son processus décisionnel. C'est très difficile. Je vais me contenter de cette observation.
    Excellent, merci.
    Madame Gue.
    J'ai juste une chose à ajouter, je crois. Je vais confirmer que la Fondation David Suzuki et Équiterre ont préparé conjointement des observations sur la décision en question, et nous les présenterons avant l'échéance du 23 mars. Nous aurions été ravis de les envoyer avant l'échéance du 23 février aussi.
    Comme Annie l'a dit, nous avons des idées pour consolider le processus de l'ARLA. Toutefois, j'aimerais dire quelque chose ici ou présenter un autre point de vue par rapport à l'affirmation selon laquelle la décision était inattendue et elle a pris les détenteurs d'homologation et les agriculteurs par surprise. L'ARLA publie un plan de travail pour ses réévaluations des pesticides. La réévaluation périodique des pesticides est exigée par la loi; on pouvait donc savoir quand la réévaluation aurait lieu, et elle n'aurait dû surprendre personne. Je ne pensais pas que quelque chose empêchait...
    Par rapport à votre contribution, toutefois, vous allez présenter un mémoire...
    Oui, et à mon avis, toute personne concernée aurait pu prendre l'initiative de fournir des renseignements additionnels à l'ARLA puisqu'on savait qu'il y aurait une réévaluation.
    D'après ce que j'entends, divers mémoires seront présentés.
    Madame Taylor, allez-vous...
    Oui, nous allons aussi déposer un mémoire, mais nous n'avons pas été consultés non plus au début du processus.
    D'accord, merci.
    J'ai parlé aux chercheurs de l'Université de Guelph et à des représentants de l'industrie, qui étaient préoccupés parce qu'ils n'avaient pas été consultés. Il semble y avoir un nouveau processus, et ce sera peut-être un sujet de discussion lorsque nous examinerons les témoignages dans le but de formuler des recommandations.
    Nous sommes des députés, nous faisons de notre mieux pour représenter les idées, nous tentons d'équilibrer le mieux possible nos discussions, mais nous recevons parfois des renseignements très divergents. Par exemple, selon les données publiées en janvier par HFFA Research pour l'Union européenne, il faudra produire 912 000 tonnes d'oléagineux ailleurs que sur le territoire de l'Union européenne, où les néonicotinoïdes sont interdits depuis deux ans, en raison de la diminution du rendement.
    Madame Bérubé, vous avez affirmé que selon vos recherches, le rendement ne changeait pas. On nous a dit qu'il y avait une différence de rendement allant jusqu'à 30 % entre l'utilisation de semences traitées et de semences non traitées. Comment...
    Je le répète, cela dépend vraiment de la culture, de l'environnement et des conditions dans lesquelles les semences traitées sont utilisées. Les recherches dont j'ai parlé portent précisément sur le soya et le maïs cultivés au Québec, et l'EPA américaine a aussi fait de très bonnes recherches qui montrent les mêmes résultats.
    En Ontario, le point de vue est tout à fait différent; ainsi, la seule chose que nous pouvons vraiment dire en tant que députés, c'est que nous espérons que l'ARLA tient compte de certains rapports dans son processus décisionnel.
    Un autre élément est la quantité d'eau utilisée. La différence en Union européenne est de 2,8 milliards de mètres cubes d'eau. Il faut plus d'eau parce qu'on utilise des semences non traitées au lieu de semences traitées, et il faut ajouter 533 000 hectares de terres pour pallier la baisse de productivité. Le milieu agricole est obligé de tenter d'augmenter sa production avec moins de terres; l'Union européenne essaie de trouver 533 000 hectares pour remplacer les terres, mais il n'y a pas de terres.
    Manifestement, il y a des conséquences économiques. Je sais que cela ne fait pas partie des préoccupations de l'ARLA, mais c'est certainement une de nos préoccupations à nous qui tentons de soutenir le milieu agricole canadien.
    Monsieur Hunter, pouvez-vous nous parler des aspects économiques et scientifiques du processus d'examen? Vous avez mentionné la responsabilité de votre organisme. C'est très étonnant que nous ne produisions pas plus de semences au Canada. Pourquoi ne le faisons-nous pas et quelles seront les répercussions économiques si nous prenons une voie différente du reste des pays?

  (1150)  

    L'industrie des semences n'a tout simplement pas la capacité de produire toutes nos semences de légumes et de réaliser des bénéfices. Notre marché est trop petit. Le désavantage, c'est que nous acceptons des variétés qui ne sont peut-être pas parfaitement adaptées à notre climat, à notre environnement, à nos maladies et à nos insectes sur le plan de la résistance. Je le répète, les facteurs économiques ne le permettent pas.
    Toutefois, il y a une grande industrie des semences pour le maïs, le soya, le blé et l'orge, et elle produit des semences ayant des profils génétiques rentables pour nos agriculteurs.
    Nous recevrons des représentants de ces industries plus tard aujourd'hui.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Longfield.
    Merci, monsieur Hunter.

[Français]

     Monsieur Breton, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être présents aujourd'hui pour l'étude de ce dossier complexe, comme certains de mes collègues l'ont dit.
     Nous devons, évidemment, nous assurer que vous, les gens de l'industrie, demeuriez efficaces et compétitifs dans le contexte du marché que l'on connaît. Nous voulons également le faire dans un contexte de production durable et en respectant l'environnement. Il semble assez clair que ce produit, l'imidaclopride, est un insecticide largement utilisé dans l'industrie.
    N'y a-t-il pas d'autres produits disponibles qui pourraient être utilisés et qui seraient moins nuisibles à l'environnement, comme les études semblent le démontrer?

[Traduction]

    D'abord, l'imidaclopride est un produit de remplacement. Il a remplacé les organophosphates, les organochlorés et les carbamates utilisés dans le passé, qui étaient très toxiques pour les humains. Les néonicotinoïdes sont considérés comme étant beaucoup moins toxiques pour les agriculteurs et les travailleurs agricoles. C'est important que vous le sachiez.
    Pour ce qui concerne l'effet sur l'environnement, tous les pesticides homologués au Canada ont été soumis à une batterie de tests, et l'utilisation de tous ces pesticides dans les conditions canadiennes a été approuvée. Par rapport à ce qui est moins nuisible, ma préoccupation, c'est que s'il faut remplacer un seul pesticide par trois ou quatre, quel sera l'effet net sur l'environnement? Personne n'a répondu à cette question.

[Français]

    Madame Gue, la parole est à vous.

[Traduction]

    Je vais ajouter que nous devons faire attention. On dit souvent que l'utilisation des néonicotinoïdes représente une diminution générale de l'emploi de pesticides parce que le volume de l'ingrédient actif est plus faible. Or, ce qui les rend nuisibles à l'environnement, c'est que leur persistance et leur hydrosolubilité font en sorte qu'ils sont actifs et toxiques en très, très petites quantités dans l'environnement, et ils y restent.
    Nous devons donc élargir un peu notre réflexion sur les avancées liées aux pesticides et nous tourner vers d'autres méthodes d'agriculture. Nous ne pouvons pas tenir compte uniquement du volume utilisé. Il faut aussi évaluer la toxicité. Je veux répéter la suggestion de ma collègue et encourager le Comité à mener une étude plus vaste pour déterminer comment le Canada pourrait soutenir un virage afin d'éviter que nous tombions de mal en pis, que nous remplacions un produit chimique toxique par un autre et que nous répétions sans cesse les mêmes erreurs. Nous pourrions faire un virage vers une agriculture non axée sur les produits chimiques.

[Français]

     Nous entendons ici des points de vue différents et intéressants. Je vous en remercie.
    Mesdames Gue et Bérubé, vous avez dit être favorables à la décision de l'ARLA mais avoir des réserves concernant l'élimination graduelle, sur une période de trois à cinq ans. Vous avez toutes deux exprimé ce point de vue.
     Ne pensez-vous pas que c'est un délai intéressant, dans la mesure où il permettrait à la science et aux chercheurs de trouver des produits susceptibles d'aider l'industrie, qui, en fin de compte, inclut les consommateurs, donc chacun d'entre nous?
     J'aimerais que vous reveniez sur le point de vue que vous avez exprimé.

  (1155)  

    En ce qui concerne la Loi sur les produits antiparasitaires, la ministre de la Santé est tenue de déterminer si les risques liés à l'utilisation d'un pesticide sont acceptables quant à la santé humaine et à l'environnement. Considérer si un autre choix est disponible ne relève pas de ce processus de décision. Ce n'est pas un facteur qui détermine la décision ultime. Celle-ci consiste à déterminer si ce produit représente ou non un risque acceptable pour l'environnement et la santé.
    Comme nous l'avons mentionné, cette réévaluation est en cours depuis plusieurs années. Nous savions que la décision était imminente. Nous savons aussi que d'autres pays ont déjà mis en vigueur ces restrictions et qu'ils ont mis au point des produits de substitution pour remplacer ce pesticide.
     Selon nous, l'échéance de trois à cinq ans n'est pas nécessaire. En outre, elle est injustifiée compte tenu des risques que représente ce produit pour les écosystèmes.

[Traduction]

    Madame Gue, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je me contenterai de répéter que l'ARLA ne donne aucune justification pour le calendrier qu'elle propose concernant la décision sur la réévaluation. Autrement dit, je suis d'accord avec ce qu'Annie vient de dire.

[Français]

     Merci.
    J'ai terminé.
    Malheureusement, c'est pratiquement tout le temps dont nous disposons aujourd'hui.

[Traduction]

    C'est tout pour la première heure.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus et d'avoir présenté des observations fort intéressantes et très diversifiées. C'est exactement ce que nous voulons, afin d'avoir des renseignements justes.

[Français]

    Merci, madame Bérubé, madame Gue,

[Traduction]

    madame Taylor, monsieur Hunter, d'être avec nous aujourd'hui.
    Nous allons faire une pause. Il y a un buffet chaud à l'extérieur de la salle. J'invite tout le monde à se servir. Revenez le plus tôt possible pour que nous pussions entreprendre la deuxième heure.
    Merci.

  (1155)  


  (1205)  

    Reprenons. Regagnez vos places le plus rapidement possible pour que nous puissions poursuivre.
    Je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins pour la deuxième heure de notre étude sur la décision de l'ARLA concernant les insecticides de la catégorie des néonicotinoïdes. Pour cette deuxième heure, nous accueillons M. Rod Scarlett, directeur général du Conseil canadien du miel. Bienvenue, monsieur Scarlett.
    Nous accueillons également le président de Grain Farmers of Ontario, M. Mark Brock. Bienvenue, monsieur Brock.

[Français]

     M. Pierre Giovenazzo est professeur en sciences apicoles au Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, à l'Université Laval.
    Bienvenue, monsieur Giovenazzo.
     Chacun d'entre vous va disposer de 10 minutes.
    Cela dit, je dois d'abord mettre une motion aux voix.

[Traduction]

    Nous devons adopter cette motion concernant le titre de notre étude liée à notre visite aux États-Unis. Essentiellement, ce serait le titre que nous utiliserions tout au long de l'étude. La motion se lit comme suit:
Que le Comité entreprenne une étude sur la coopération Canada-États-Unis en agriculture.
    Ce titre vous convient-il?

[Français]

    Il y a consensus. Merci à tous.
    Nous allons maintenant passer aux présentations.
    Voulez-vous commencer, monsieur Giovenazzo?
     Merci de cette invitation. Cela me permet d'exprimer non seulement mon opinion personnelle, mais également l'opinion des gens que je représente en apiculture au Québec et au Canada.
    Je vais commencer par vous parler du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, le CRSAD, puis du problème apicole au Canada. Je vais aussi parler du sujet à l'étude, soit l'examen de l'imidaclopride.
    La mission du CRSAD est de réaliser des activités de recherche-développement en sciences animales. Nous n'étudions pas seulement les abeilles, mais également tous les animaux de la ferme.
    Le CRSAD se distingue par sa façon novatrice de faire dans le soutien de la recherche en sciences animales et par la diversité de ses domaines d'intervention.
    Le CRSAD maintient environ 300 colonies d'abeilles uniquement pour la recherche en sciences apicoles.
    Le CRSAD collabore avec l'Université Laval, où je suis professeur et titulaire d'une chaire de leadership en enseignement en sciences apicoles. Il collabore également avec d'autres universités et même avec des compagnies privées pour faire de la recherche en sciences apicoles.
    Les domaines de recherche sur lesquels nous avons publié des résultats sont les suivants: la sélection génétique; les colonies performantes et adaptées au climat québécois; la reproduction des abeilles; la qualité et la fertilité des reines et des mâles; les besoins nutritifs, qui sont très importants maintenant; la maladie et les parasitoses des abeilles; les services de pollinisation; la dynamique du développement des colonies; enfin, l'impact des pesticides sur les colonies d'abeilles mellifères.
    Le problème lié à l'apiculture au Canada est intéressant pour deux raisons, que je vais essayer de vous expliquer.
    Actuellement, au Québec et au Canada, il y a une croissance assez remarquable des services de pollinisation; on a besoin d'abeilles. Dans une étude du gouvernement canadien publiée l'an dernier, on estime que la valeur des services de pollinisation par l'abeille domestique s'élève à environ 2 milliards de dollars. C'est ce que l'abeille apporte à l'industrie agricole canadienne, qu'il s'agisse de bleuets, de canneberges, de pommes et même de semences de canola qui sont produites en Alberta.
    Malgré tout cela, les colonies d'abeilles subissent des pertes importantes depuis les 10 dernières années: il y a entre 20 et 25 % de mortalité chaque hiver et à peu près 20 % durant l'été. C'est une industrie qui subit beaucoup de pertes de productivité.
    Malgré ces pertes annuelles, l'industrie de l'apiculture au Canada est en croissance. Il y a là une sorte de contradiction. Il y a une croissance assez intéressante de l'industrie apicole, car il y a plus de colonies qu'avant. Cette croissance est assez importante au Québec: il y a maintenant environ 60 000 colonies, alors qu'il y en avait 35 000 il y a 10 ans. Cette croissance est assez rapide, malgré la réduction de la biodiversité et l'augmentation des surfaces agricoles. L'abeille évolue dans cet environnement.
    Pour soutenir cette croissance, le Canada importe des paquets d'abeilles de différents pays, dont des reines. Depuis 2011, les importations de reines ont augmenté de 92 % et celles de colonies, de 66 %. Donc, notre apiculture n'est pas autosuffisante. C'est un point assez important à souligner.
    Je vais maintenant parler de la décision d'éliminer graduellement l'imidaclopride.
     L'abeille est vraiment une sentinelle de l'environnement. Dans une colonie, il peut y avoir 20 000 abeilles qui se promènent et qui touchent à plein de fleurs. Elles récoltent l'environnement.
    L'apiculture est une industrie qui mène ses activités dans les zones agricoles. Dans ces zones, il y a de l'épandage de pesticides et de produits phytosanitaires, et les abeilles vivent avec cela. On doit réaliser que c'est l'environnement de l'abeille et que ces produits pesticides combattent des insectes. Or l'abeille est un insecte. Il est clair qu'il y a un problème.

  (1210)  

     Le premier message que je veux transmettre est qu'il est très important que l'industrie apicole et l'industrie agricole collaborent lorsque de nouveaux produits sont lancés sur le marché.
    Une bonne collaboration a permis de modifier les méthodes de plantation. On a cerné un problème et tout le monde a collaboré à le régler. On a ainsi modifié la plantation pour diminuer l'épandage de poussières d'imidaclopride. Cela a permis de réduire l'impact sur les abeilles. C'est là une belle collaboration dans l'industrie et il faut travailler dans ce sens.
    J'aimerais également vous parler de l'utilisation déraisonnable des semences enrobées. On a parlé tout à l'heure de lutte intégrée. Cela ne consiste pas seulement à utiliser des pesticides organiques. C'est une stratégie qui nous permet d'utiliser tous les outils à notre disposition, y compris les pesticides de synthèse. Or l'utilisation de semences enrobées en prophylaxie, ou à titre préventif, ce n'est pas de la lutte intégrée. L'utilisation abondante de semences enrobées constitue probablement un problème. Il faudrait faire un ajustement afin de ne pas utiliser ces semences de façon abusive.
    J'aimerais terminer en mentionnant que, même si on mesure les niveaux d'effets sous-létaux découlant de ces produits, on doit réaliser que ces effets ne sont pas sous-létaux tout le temps. Cela dépend de l'état de santé de l'abeille, de ses parasites et des maladies qu'elles peuvent avoir. Un pesticide dans l'environnement à un niveau sublétal peut avoir un effet létal s'il atteint une abeille malade ou s'il est associé à d'autres produits phytosanitaires qui se trouvent dans l'environnement et, surtout, si d'autres produits synergiques sont présents.
    Je suis membre de la Table filière apicole du Québec . Nous sommes préoccupés par l'élimination graduelle de ce pesticide, parce que cela signifie qu'un autre produit ou d'autres produits comme ceux qui ont été mentionnés tout à l'heure arriveront sur le marché. Pour nous, c'est très préoccupant parce que nous devrons probablement étudier l'impact de ces nouveaux produits sur les abeilles. On devra utiliser des fonds fédéraux pour faire de la nouvelle recherche. C'est malheureux, car l'apiculture a actuellement besoin de ces fonds pour faire de la recherche et faire avancer les connaissances dans ce domaine, et non pour vérifier si un pesticide est néfaste ou pas.
    Je travaille en recherche en apiculture et je veux que cette industrie croisse. Je ne veux pas étudier les pesticides, mais la dynamique d'une population d'abeilles, les reines et leur fertilité. C'est ce qui fera avancer notre industrie apicole. Les nouveaux produits sont toujours très inquiétants pour nous.
    Merci.

  (1215)  

    Merci, monsieur Giovenazzo.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Brock, pour 10 minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous donner l’occasion de faire part de nos commentaires concernant la décision proposée de l’ARLA sur l’imidaclopride.
    Je m’appelle Mark Brock. Je suis le président de Grain Farmers of Ontario. J’exploite une ferme en partenariat avec ma femme, Sandy, à Hensall, en Ontario. Nous cultivons du maïs, du soya et du blé, en rotation. Nous élevons aussi du bétail.
    Grain Farmers of Ontario est la plus importante organisation de produits de base en Ontario. Elle représente 28 000 producteurs d’orge, de maïs, d’avoine, de soya et de blé. Les cultures des agriculteurs membres de Grain Farmers of Ontario s’étendent sur quelque six millions d’acres de terres agricoles dans la province, génèrent des recettes à la ferme de plus de 2,5 milliards de dollars et procurent un emploi à plus de 40 000 personnes dans la province.
    Les néonicotinoïdes, dont fait partie l’imidaclopride, sont des outils que nos agriculteurs membres utilisent pour protéger leurs cultures contre les dommages causés par les insectes. Les insectes peuvent causer plusieurs problèmes pour nos cultures. Ils peuvent priver une plante des nutriments dont elle a besoin pour grandir. Ils peuvent tuer une plante, diminuant du même coup le rendement global des agriculteurs. Ils peuvent causer des dommages importants qui empêcheront des plantes d’être acheminées vers des marchés d’exportation à valeur élevée.
    Certains insectes vivent sous le sol et se nourrissent des racines des plantes, tandis que d’autres insectes volent et mangent les feuilles et les fruits des plantes. Les néonicotinoïdes que nous utilisons servent principalement de produits d’enrobage pour les semences, un procédé appelé traitement de semences qui protège les semences sous la terre et durant la germination, et qui procure une certaine protection contre les insectes qui mangent les feuilles pendant les premières étapes de la croissance.
    Les traitements de semences constituent une méthode d’application très efficace, et le système utilisé pour enrober les semences assure la santé et la sécurité de nos agriculteurs membres. Les semences sont enrobées en usine avant d’être livrées aux fermes; par conséquent, l’exposition des agriculteurs au pesticide est faible. Par le passé, avant l’apparition des néonicotinoïdes, des produits étaient appliqués par les agriculteurs sur leurs terres, ce qui augmentait les risques pour la santé de ces personnes. Grâce au système moderne, les fermiers reçoivent des semences de maïs ou de soya déjà enrobées, de sorte que les semences et les pesticides nécessaires sont plantés ensemble. Cela a pour effet de diminuer la quantité de pesticides nécessaire, car ils sont appliqués directement sur les semences, plutôt que sur les terres. Il s’agit d’une approche isolée et ciblée en matière de protection des cultures.
    Les traitements de semences constituent un outil important dans le cadre des pratiques écologiques et durables des agriculteurs. Plusieurs producteurs de céréales et de graines oléagineuses ont adopté des systèmes de culture sans labour qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre sur leurs terres. Plusieurs d’entre nous recourent à des cultures de couverture qui améliorent la santé des sols et réduisent l’écoulement de phosphore dans les Grands Lacs et d’autres affluents.
    Ces types de pratiques agricoles seraient impossibles sans des outils comme les traitements de semences aux néonicotinoïdes. Les cultures de couverture et la culture sans labour entraînent l’augmentation de populations d’insectes qui prolifèrent dans les terres non travaillées. Les traitements de semences permettent aux agriculteurs de protéger chacune de leurs plantes contre les insectes qui grandissent dans ce milieu. Sans les traitements de semences, moins d'agriculteurs seraient portés à recourir à des cultures de couverture et à opter pour la culture sans labour parce que leurs cultures n’auraient aucune chance de survivre aux dommages causés par les insectes.
    À l’heure actuelle, il n’existe aucune solution de remplacement sur le marché ou dans la filière technologique qui procure le même degré de protection et de sécurité pour nos agriculteurs membres. L’année dernière, un produit semblable aux néonicotinoïdes a commencé à être commercialisé, mais il n’est pas offert pour le soya et il n’assure pas une protection contre le même éventail d’insectes que les trois néonicotinoïdes. De plus, le coût de ce produit est quatre fois supérieur à celui des traitements de semences aux néonicotinoïdes, et ce, même s’il n’offre pas une protection aussi efficace. Certains agriculteurs ontariens ont commencé à utiliser ce produit; toutefois, il est encore trop tôt pour en connaître les faiblesses et savoir contre quels insectes il sera efficace.
    Les néonicotinoïdes demeurent des produits importants pour nous, et il s’agit de produits auxquels nos concurrents aux États-Unis ont accès. Le Conference Board du Canada a établi que le fait de ne pas avoir accès aux traitements de semences aux néonicotinoïdes entraînerait des coûts s’élevant à 600 millions de dollars annuellement pour les producteurs de maïs et de soya en Ontario seulement. Ce chiffre ne comprend pas les coûts pour les autres cultures, mais il comporte les coûts liés à l’utilisation de produits de remplacement.
    Il est essentiel que nos agriculteurs membres aient accès à des technologies variées, non seulement pour composer avec les pressions associées aux ravageurs et aux maladies, mais aussi pour demeurer concurrentiels dans les marchés internationaux où ces produits sont autorisés.
     Les agriculteurs membres de Grain Farmers of Ontario ont depuis longtemps, pris l'habitude de modifier leurs pratiques en fonction des risques. Nous sommes satisfaits de notre collaboration avec les organismes de réglementation pour trouver des solutions d’atténuation des risques. À titre d’exemple, soulignons les mesures prises par l’industrie de l’agriculture pour s’attaquer aux problèmes qui sont survenus il y a quelques années relativement à la santé des abeilles. L’ARLA avait fait état des risques pour la santé des abeilles, et les agriculteurs ont adopté de nouvelles pratiques pour protéger les abeilles dès la saison de végétation suivante. Jusqu’à présent, ces nouvelles pratiques ont porté leurs fruits: la santé des populations d’abeilles à miel s’est améliorée depuis leur adoption par les agriculteurs.
    L’accès à des technologies comme les néonicotinoïdes est essentiel pour que les agriculteurs membres de Grain Farmers of Ontario puissent produire des cultures de manière durable et se tailler une place sur les marchés internationaux. Nous nous fions à l’ARLA pour ce qui est de l’évaluation de la sécurité de ces produits et nous préférerions, si possible, avoir l’occasion de modifier nos pratiques pour atténuer les risques plutôt que de perdre l’accès à ces produits. L’abandon progressif de ces produits a pour effet de restreindre le coffre à outils de nos membres et pourrait freiner d’éventuels investissements dans l’industrie agricole canadienne.

  (1220)  

    Nous sommes heureux de la création du forum sur les néonicotinoïdes qui est présidé par AAC. Ce forum a été créé pour traiter des enjeux soulevés par la décision proposée sur l’imidaclopride et il permet en outre de se pencher sur les examens spéciaux sur la clothianidine et le thiaméthoxame. Les employés d’AAC, de l’ARLA et d’Environnement Canada, de même que le milieu universitaire et d’autres parties intéressées, ont consacré leur temps et leur expertise à ce processus. Nous avons bon espoir de voir ces efforts aboutir à l’élaboration d’un protocole national pour les pratiques de surveillance de l’environnement et d’atténuation des risques qui peuvent être adoptées par les agriculteurs.
    Nos agriculteurs membres comprennent et prennent très au sérieux l’obligation de protéger l’environnement au Canada, notamment l’air, l’eau, les terres ainsi que les écosystèmes florissants qu'on y trouve. Nous sommes les protecteurs des terres. Le temps que nous passons sur nos terres nous permet d’acquérir une compréhension unique de l’environnement et des différents écosystèmes. Nous savons que les décisions que nous prenons sur nos terres ont des effets sur l’environnement. Nous accordons une grande importance à l’environnement, pas seulement parce qu’il s’agit de la bonne chose à faire, mais aussi parce que notre gagne-pain en dépend. Voilà pourquoi Grain Farmers of Ontario est d’accord pour que l’ARLA remplisse son mandat de protéger les Canadiens et l’environnement contre les risques inacceptables que présentent les produits antiparasitaires.
    Notre organisation est déterminée à travailler avec le gouvernement et d’autres intervenants pour trouver des solutions aux problèmes environnementaux et mettre en oeuvre des stratégies qui sont respectueuses de l’environnement. Les invertébrés aquatiques font partie intégrante des milieux humides, des ruisseaux et des cours d’eau en santé partout au Canada. Nous sommes déterminés à réduire les risques et à nous assurer que les invertébrés aquatiques continuent à se développer dans les écosystèmes canadiens. Pour réussir à réduire les risques pour les invertébrés aquatiques, il faut tout d’abord comprendre les risques, et nous comptons sur l’ARLA pour réaliser des évaluations des risques crédibles et approfondies pour signaler les risques inacceptables. Nous estimons que le travail qui est effectué dans le cadre du forum concernant l’atténuation des risques, la surveillance de l’environnement et les solutions de remplacement est précieux.
    Nous espérons que le travail du forum aboutira à une évaluation des risques qui peut être affinée au cours de la prochaine période des semis avec un système de surveillance de l’environnement plus rigoureux. Nous espérons également que ce travail donnera, en définitive, l’occasion de maintenir l’accès à ces produits de protection des cultures vitaux pour nos agriculteurs membres, si la bonne stratégie d’atténuation des risques est mise en oeuvre pour contrer les risques. Si les risques ne peuvent pas être contrés, notre organisation est déterminée à collaborer avec le gouvernement et les intervenants en vue de l’élimination graduelle des produits qui présentent des risques inacceptables.
    Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je suis prêt à répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Brock.
    Nous passons maintenant au Conseil canadien du miel. Monsieur Scarlett, vous avez 10 minutes, tout au plus.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je suis heureux d'avoir l'occasion de contribuer, au nom du Conseil canadien du miel, à votre étude sur la décision récemment proposée par l'ARLA concernant l'imidaclopride.
    Le Conseil canadien du miel représente plus de 9 000 apiculteurs canadiens qui gèrent plus de 750 000 colonies. Leur contribution au secteur agricole canadien dépasse les 4,5 milliards de dollars. Les apiculteurs et les agriculteurs ont des relations mutuellement avantageuses. En effet, les apiculteurs dépendent souvent des agriculteurs pour l'accès au territoire, tandis que l'avantage pour les agriculteurs est une meilleure pollinisation des cultures, ce qui leur permet d'avoir un rendement accru.
    Comme vous êtes nombreux à le savoir, l'état de santé des abeilles au Canada a été — et est toujours — au centre des préoccupations dans la sphère publique. Contrairement à bien des idées préconçues, le nombre de colonies d'abeilles domestiquées est en hausse constante au Canada, et ce, malgré les pressions associées aux ravageurs, aux agents pathogènes, à un habitat réduit ou en évolution constante et à l'exposition aux pesticides. En effet, les dernières données de Statistique Canada indiquent que le nombre de colonies au Canada a atteint un sommet en 2016. Ces chiffres peuvent être un peu trompeurs, étant donné que cette augmentation n'est pas seulement attribuable à des facteurs économiques, mais découle également des efforts soutenus des apiculteurs, efforts qui ont souvent entraîné une hausse des coûts.
    La collaboration entre l'industrie et les gouvernements pour l'atténuation des risques d'exposition des abeilles domestiques aux pesticides est remarquable. Le travail de la Table ronde pour la santé des abeilles d'Agriculture et Agroalimentaire Canada en est un exemple parfait.
    Le Conseil canadien du miel a toujours maintenu, depuis le début, que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire devait servir de baromètre scientifique pour l'élaboration de politiques et la prise de mesures concrètes. Les mesures prises pour réduire l'exposition des abeilles domestiques aux pesticides ont pour la plupart donné de bons résultats, en particulier les mesures liées à l'exposition associée aux semences enrobées. Des questions demeurent sans réponse, évidemment, notamment celles sur les engrais foliaires et sur l'incidence d'une exposition cumulative à long terme — en particulier aux néonicotinoïdes —, mais dans l'ensemble, les gouvernements, les fabricants d'équipement, les entreprises des sciences de la vie, les semenciers, les associations agricoles et les apiculteurs eux-mêmes ont fait un travail admirable.
    Le Conseil canadien du miel ne peut se prononcer sur le fondement scientifique du retrait progressif prévu de l'imidaclopride, étant donné que la décision a été prise sans tenir compte des abeilles domestiques. En effet, dans son évaluation préliminaire de l'imidaclopride axée sur les pollinisateurs, l'ARLA a indiqué que le risque pour les abeilles peut être atténué.
    Nous pouvons toutefois faire des commentaires sur l'aspect qui nous préoccupe: les répercussions possibles sur les abeilles des produits de remplacement auxquels les agriculteurs auront accès. Si on choisit comme solutions de rechange d'anciens produits chimiques pour lesquels peu d'études d'impact sur les pollinisateurs ont été réalisées, cela pourrait être plus néfaste pour les abeilles et autres insectes utiles que les produits utilisés en ce moment.
    Nous sommes conscients que l'ARLA n'a pas analysé les répercussions possibles de tous les produits de remplacement sur la santé des abeilles. Les options qui seront offertes aux agriculteurs devront être peu coûteuses et assorties d'une stratégie d'atténuation des risques acceptable, tant pour les agriculteurs que pour les apiculteurs. Il n'est dans l'intérêt de personne d'avoir le choix entre des produits de remplacement coûteux, mais sans danger pour les pollinisateurs, ou des produits peu coûteux, mais comportant un risque élevé.
    Il convient de procéder immédiatement à des évaluations exhaustives et comparatives des risques que posent les produits de remplacement pour les insectes pollinisateurs, en particulier les anciens produits chimiques, afin d'éviter que la stratégie d'atténuation des risques proposée ne crée plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.
    Le Conseil canadien du miel part du principe que les solutions obtenues par la collaboration sont toujours gagnantes. Étant donné que l'ARLA propose l'élimination graduelle de l'imidaclopride, nous devons veiller à ce que l'avenir soit véritablement meilleur pour tous les intervenants.
    Merci.

  (1225)  

    Merci, monsieur Scarlett.
    Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

     Monsieur Gourde, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. Giovenazzo.
    Vous avez parlé, dans votre énoncé, des pertes dans les colonies d'abeilles, qui sont de 25 % l'hiver et de 20 % l'été. Ces pertes ont-elles augmenté au cours des cinq ou dix dernières années? Quelles seraient des pertes normales pour une colonie?
    Ce sont des pertes qui oscillent, si on peut dire.
    Au cours des dernières années, cela a été quand même beaucoup mieux au Canada, où les pertes se situent en-dessous des 20 %. Toutefois, il y a eu des pertes dans certaines provinces, par exemple au Manitoba et en Ontario, au cours des cinq dernières années, qui ont excédé les 30 %. Ce n'est donc pas égal à la grandeur du pays et ce n'est pas égal d'année en année.
    Depuis les trois dernières années, il semble y avoir une réduction des mortalités hivernales. C'est la mesure la plus facile à prendre: nous comparons le nombre d'abeilles qui rentrent à la ruche à l'automne à celui qui en sort l'année suivante. L'été, c'est très difficile à gérer, et ce sont toujours des estimations un peu moins précises.
    Pour répondre à votre question, ce sont des pertes qui, en moyenne, au cours des dix dernières années, dépassent les 20 %. Je crois que le taux de mortalité hivernal au Canada est de 24 %.

  (1230)  

    Est-ce que la totalité des colonies au Canada sont importées? Y a-t-il une industrie de fabrication des abeilles?
    C'est une très bonne question. Un des objectifs de l'apiculture canadienne, du Conseil canadien du miel, au Québec et dans toutes les provinces, est de se diriger vers l'autosuffisance, ce qui est actuellement impensable.
    Par exemple, si 20 % des abeilles ont disparu au mois de mai, pour compenser les pertes, il faut acheter des abeilles qui viennent d'ailleurs, de la Californie, du Chili, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie. On importe alors des reines pour remplacer les reines décédées, et on importe des paquets d'abeilles de 1,5 kilo qui viennent principalement de la Nouvelle-Zélande actuellement.
    C'est la façon dont les apiculteurs procèdent pour rebâtir rapidement les colonies. Ensuite, aux mois de juin et de juillet, les apiculteurs peuvent augmenter le nombre d'abeilles quand les colonies deviennent plus fortes. Ils peuvent alors faire des séparations, ce qu'on appelle des « nucléis ». On peut alors procéder à une augmentation des essaims de cette façon. Je peux vous dire que ça roule ces temps-ci, parce qu'on a besoin d'abeilles.
    Y a-t-il une similarité entre les colonies issues du Canada? Sont-elles plus résistantes que les colonies immigrantes importées au pays?
    Il y a un très grosse différence. Certains groupes font la sélection génétique d'abeilles mellifères, comme, par exemple, le CRSAD. Dans ces centres, on sélectionne les colonies d'abeilles pour leur rusticité, c'est-à-dire la survie à l'hivernage. On sélectionne les colonies pour le développement printanier, pour qu'elles soient fortes lorsqu'arrive la saison des bleuets, des canneberges. Cela fait une grosse différence lorsqu'on importe des abeilles avec d'autres génétiques.
    Assurément, les apiculteurs adorent la génétique locale.
    Serait-il correct de dire que les abeilles qui survivent à un premier hiver sont mieux adaptées à notre climat canadien, quand elles sont nées de mères qui ont vécu au Canada?
    C'est l'un des principes de sélection. Nous sélectionnons donc en premier celles qui survivent à l'hiver, évidemment.
    Est-ce que les colonies d'abeilles produites au Canada sont plus résistantes dans les milieux où il y a des pesticides, comme c'est le cas au Canada?
    Est-ce que les deuxièmes colonies sont mieux adaptées qu'une colonie qui arrive de l'étranger et qui n'a jamais été en contact avec un environnement de pesticides?
    C'est une bonne question. Il n'y a pas de travaux sur la sélection phénotypique, donc la sélection d'un caractère en vue de produire des abeilles tolérantes aux pesticides. Je n'ai jamais vu cela.
    Ce qu'on observe, par contre, dans une région qui est fortement agricole, par exemple la Montérégie, et où il y a beaucoup de maïs, c'est qu'il est très difficile de garder des abeilles dans de tels endroits.
    Je ne dis pas nécessairement que c'est à cause des pesticides, mais c'est parce qu'il n'y a pas de biodiversité florale.
    Y aurait-il un lien...
    Le problème de nutrition des abeilles est important.
    Exactement. Dans ces régions, ne serait-il pas avantageux d'établir un programme qui permettrait de semer des plantes vivaces dans les plate-bandes, de semer des fleurs pour essayer d'augmenter la superficie florale?
    Dans une région où l'agriculture est très concentrée et où 80 % de la superficie est consacrée aux cultures, il ne reste pas de place pour les fleurs, à part celles autour des maisons dans les villages.
    C'est un domaine de recherche très actif actuellement, non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, où l'on travaille beaucoup à l'aménagement du territoire agricole.
     Est-ce qu'en Europe, on n'a pas planté des champs de fleurs pour aider...
    Oui, dans des jachères. Cela se développe peu à peu, lentement. Il s'agit aussi de choisir les bonnes plantes. Il faut qu'elles fleurissent tout le temps. Les abeilles se nourrissent en tout temps. Cela n'est pas aussi simple que cela paraît. Il ne s'agit pas que de planter des fleurs dans des plates-bandes. Il faut quand même qu'il y ait une variété de floraisons qui continue tout au long de la saison pour que les abeilles puissent se nourrir. Cela est beaucoup plus important pour les pollinisateurs naturels. L'abeille agricole, l'abeille domestique, on peut la nourrir, comme le bétail. On a de la nourriture pour les abeilles.
    Personnellement, je travaille sur les probiotiques pour les abeilles, un domaine de recherche qui se développe actuellement et où on essaie d'élaborer des aliments pour l'abeille. L'abeille vit dans le milieu agricole ou dans un endroit qui est peu diversifié du point de vue floral.

  (1235)  

    Merci, monsieur Gourde.

[Traduction]

    Monsieur Peschisolido, vous avez six minutes.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins. Vos exposés ont été extrêmement instructifs.

[Français]

    Je vais d'abord m'adresser à M. Giovenazzo. Avez-vous trouvé le processus d'examen utile? Avez-vous eu l'occasion d'y participer?
    Je n'ai pas eu l'occasion d'y participer. Je ne suis pas toxicologue, mais chercheur apicole. Cependant, j'observe de très près ce qui se passe du côté de l'ARLA. À mon avis, l'ARLA est une entité gouvernementale qui travaille très bien. Elle est formée de scientifiques qui procèdent à des analyses, mais ce n'est pas facile. En fait, le processus d'homologation tient compte d'un pesticide en particulier. Quand cela survient dans un milieu normal, il n'y a plus seulement qu'un pesticide, mais un pot-pourri de pesticides.
    Parlons de mes abeilles, par exemple. Lorsqu'on introduit un nouveau produit, comme cela va se produire après l'élimination graduelle dont nous traitons, le nouveau produit sera homologué par l'ARLA en fonction de sa toxicité. On ne cherche pas à savoir si l'abeille est malade, qu'est-ce qui se produit à ce moment-là ou s'il y a d'autres produits dans l'environnement. Ces considérations ne font pas partie du processus de l'ARLA. Ce serait beaucoup trop. Cela déborde de son mandat.
    C'est donc ma crainte. Il va revenir encore une fois aux chercheurs indépendants de travailler sur cette question et de vérifier quel sera l'impact de ces nouveaux produits qui vont arriver sur le marché.
    Mardi dernier, nous avons parlé de modèles utilisés pour examiner ces produits. En tant que chercheur, avez-vous des suggestions à présenter au sujet du modèle que nous pourrions utiliser?
    Je ne peux pas répondre à cette question. C'est trop difficile pour moi et ce n'est pas mon domaine. Comme je vous le disais, je ne suis pas toxicologue. En fait, les toxicologues sont des spécialistes qui savent comment gérer ce genre de questions et je leur fais confiance. Ils produisent des résultats à partir des outils qu'ils ont.
    Vous avez dit que les abeilles étaient des sentinelles de l'environnement. Pourriez-vous en dire davantage à cet égard?
    En fait — ce n'est pas moi qui l'ai inventé —, le terme est né de l'Apimondia de Montpellier, en 2009. Le thème de l'Apimondia était « L'Abeille, sentinelle de l'environnement ». Une seule colonie d'abeilles peut avoir une dizaine de butineuses, c'est-à-dire que, aussitôt qu'il commence à faire chaud, il y a 10 000 abeilles qui partent et qui touchent à tout. Ensuite, elles reviennent dans la colonie en rapportant tout ce qu'il y a autour, tous les résidus qui se trouvent dans l'environnement. Des travaux ont été menés pour récolter le pollen dans les ruches et mesurer les variétés de pesticides ou de produits présents dans la nature. C'est incroyable! Les abeilles vivent dans ces milieux et accumulent ces substances. Elles sont de bons indicateurs.
    Il y avait une compagnie près de notre centre de recherche qui avait deux ruches et, toutes les semaines, elle prélevait des échantillons pour vérifier si les émanations de sa cheminée se répercutaient dans l'environnement. Ce n'est donc pas nouveau.

[Traduction]

    Très bien.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur Brock. Je vais vous poser la même question qu'à M. Giovenazzo. Avez-vous trouvé le processus d'examen utile? Avez-vous eu l'occasion d'y participer? En outre, quels changements pourrions-nous apporter pour améliorer le processus?
    Je vous remercie de la question.
    Nous faisons partie intégrante du processus et nous y participons. Essentiellement, lorsque je prends un peu de recul et que j'examine la situation dans son ensemble, je constate que nous accordons beaucoup d'importance à l'environnement lorsque des préoccupations sont soulevées quant aux produits utilisés par les agriculteurs. Nous voulons atténuer les risques le plus possible. Le forum créé avec AAC a tenu des discussions, a recueilli les observations et a divisé le tout en trois volets: l'atténuation des risques, la surveillance environnementale et les solutions de rechange. Je pense que c'était un excellent processus pour discuter de l'atténuation des risques.
    Je suis préoccupé lorsqu'on demande le retrait d'un produit du marché. Je pense que nous devrions examiner ce qui a été fait en Ontario dans le cas des abeilles. Nous avons réussi à modifier légèrement nos pratiques de gestion et à réduire les répercussions sur les abeilles. À mon avis, c'est un modèle dont nous pourrions nous inspirer à l'avenir. Avant le retrait d'un produit du marché, il convient d'examiner les risques et de déterminer quels risques liés à l'utilisation d'un produit sont acceptables pour la société. Nous pouvons ensuite utiliser ces produits avec la confiance de la population.
    Le processus de consultation vient de commencer. À mon avis, il serait souhaitable d'avoir cette possibilité avant que des décisions soient prises. Ainsi, nous aurions une idée précise de la voie à suivre et de ce que nous considérons, en tant que société — avec l'apport de producteurs primaires comme nous —, comme un risque acceptable. Nous pourrons ensuite aller de l'avant, avec l'appui des consommateurs sur cette question.

  (1240)  

    Monsieur Brock, vous avez mentionné des solutions de rechange ainsi, je crois, que l'expérience avec le gouvernement de l'Ontario. Quelles leçons vous et votre organisme en avez tiré? Y a-t-il des solutions de rechange qu'il soit possible d'utiliser selon votre expérience?
     Comme je l'ai souligné dans mes remarques liminaires, il existe des solutions de rechange en ce qui concerne de nouveaux traitements de semences homologués pour le maïs. Ils sont plus coûteux et offrent moins de contrôle, ou un spectre du contrôle plus étroit, si bien qu'ils ne sont pas aussi efficaces sur le marché. Nous ne savons pas exactement comment ils nous aideront à atténuer les risques ou quelle incidence économique ils auront sur les fermes.
    Dans la situation de l'Ontario, nous avons aussi essayé de discuter de la possibilité d'adopter des stratégies d'atténuation des risques. Nous nous sommes retrouvés avec une réglementation visant à en restreindre l'utilisation. Je pense qu'il aurait été beaucoup plus efficace de privilégier un dialogue plus constructif et une approche concertée à l'égard de ce que nous essayons d'accomplir.
    Merci, monsieur Brock, et merci, monsieur Peschisolido.

[Français]

     Madame Brosseau, vous avez six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs remarques liminaires.
    Monsieur Brock, pouvez-vous nous parler un peu de la disponibilité ou des prix des semences traitées et non traitées?
    Bien sûr. D'habitude dans le cas du maïs, il est possible d'acheter des semences qui ont été traitées ou non avec un insecticide, en fonction de l'entreprise auprès de laquelle un agriculteur les achète. Les semences traitées aux néonicotinoïdes coûtent environ 4 $ ou 5 $ le sac. Quant à lui, le nouveau traitement des semences dont j'ai parlé pourrait se vendre de 25 $ à 35 $ de plus l'unité.
    D'où proviennent-elles?
    Il est possible de se procurer les semences par l'intermédiaire des sections responsables de la génétique des entreprises de sciences de la vie. Ces types d'entreprises fournissent des semences, des produits chimiques et ce genre de choses.
    Elles viennent d'autres pays?
    Oui. On produit des semences de soja en Ontario et au Canada, et une quantité très limitée de semences de maïs au Canada. Une bonne partie des semences nous arrivent des États-Unis simplement parce qu'ils sont capables de mieux les produire et les gérer. On en produit une petite quantité au Canada, mais la vaste majorité des semences sont importées, surtout celles de maïs.
    L'ARLA a proposé une élimination graduelle de trois à cinq ans. J'ai vraiment aimé votre commentaire, monsieur Scarlett, selon lequel les solutions obtenues par la collaboration sont toujours gagnantes. Je pense que c'est vraiment important. J'estime qu'il faut collaborer et discuter. Il y a du travail à faire pour aller de l'avant et procéder à cette élimination graduelle. On l'a fait dans d'autres pays. C'est possible.
    Quels types de recommandations pourriez-vous donner au Comité pour assurer une transition ou comment verriez-vous cette transition s'opérer?
    Ma question s'adresse à M. Brock, à M. Scarlett ou à quiconque voudra y répondre. C'est, en quelque sorte, une question vaste.
    De mon point de vue, je préférerais ne pas opter pour une élimination graduelle, mais plutôt pour une approche convenue afin de déterminer les risques acceptables du produit et de prendre ensuite des mesures pour les atténuer.
    Peut-être que pendant la période de trois ans, nous pouvons réévaluer la façon dont les mesures de ces stratégies d'atténuation des risques ont fonctionné. À ce stade, s'il y a toujours un problème ou s'il y a de nouvelles données scientifiques, nous pourrons discuter à nouveau de la question de savoir si la proposition de valeur des risques est suffisamment importante.
    Je pense qu'on s'est entendu pour dire plus tôt que si ce produit est retiré, si on n'est plus autorisé à l'utiliser, on s'inquiète du produit qui le remplacera. Lorsque nous avons reçu des témoins mardi... Un autre produit sera mis en marché. On le remplacera par autre chose. Pouvez-vous vous prononcer là-dessus?
    De toute évidence, nous voulons faire en sorte d'atténuer les risques, car l'environnement assure votre subsistance. Nous voulons nous assurer de travailler fort, et les agriculteurs font un travail remarquable pour défendre et protéger l'environnement. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?

  (1245)  

    Bien sûr. J'estime que si on retirait ce produit du marché demain, il est clair que les entreprises de sciences de la vie s'efforceraient de le remplacer, mais je m'inquiéterais de la période entre l'interdiction d'utiliser ce produit et la commercialisation de son substitut. Quelles seraient les conséquences pour ma ferme sur le plan de la viabilité environnementale? Par défaut, je devrais me rabattre sur certains de ces produits plus toxiques pour l'environnement, moins stratégiques dans leur approche et dommageables pour certains des insectes dont je dépends, des insectes auxquels les néonicotinoïdes ne causent pas de tort.
    Je m'inquiéterais de la période pendant laquelle nous aurions à utiliser de l'ancienne technologie, qui aurait une incidence plus marquée et serait moins durable, en attendant que les nouveaux produits soient commercialisés.
    Monsieur Scarlett, avez-vous des commentaires à formuler?
    Je ne peux pas vraiment me prononcer sur l'évaluation en ce moment, car elle ne se rapporte pas aux abeilles à miel.
    Nous estimons que l'ARLA a mené de très bonnes évaluations des risques pour les insectes pollinisateurs indépendamment de ce qui se passe en ce moment. Nous en revenons, encore une fois, aux produits de rechange et à la nécessité de s'assurer que l'ARLA dispose de suffisamment de temps pour procéder à des évaluations efficaces des risques pour les insectes pollinisateurs. En raison des lacunes qui existent actuellement dans ces évaluations — notamment sur les effets cumulatifs, comme je l'ai mentionné — cela ne peut pas se faire en une journée ou une année. Il faudra peut-être prévoir quelques années pour obtenir les résultats adéquats. À cet égard, quoi qu'il arrive, il faut du temps pour bien mener ces évaluations.

[Français]

     Je crois que nous avons vraiment besoin d'investir davantage dans la recherche sur la santé des abeilles.
    Monsieur Giovenazzo, vous avez parlé d'autosuffisance. Je sais qu'on importe des reines. Est-ce possible qu'un jour le Canada devienne autosuffisant dans le domaine de l'apiculture?
    J'aimerais cela et les apiculteurs aussi.
    Est-ce que l'autosuffisance pourrait être atteinte? Cela serait très difficile, en raison de l'hiver.
    Les apiculteurs ont besoin d'abeilles au printemps, et nous ne sommes pas prêts à produire à ce moment.
    Il y a actuellement des industries canadiennes qui s'installent en Californie pour produire des reines avec une génétique canadienne dans les pays plus chauds. C'est une stratégie qui pourrait être adoptée.
    Toutefois, l'objectif d'autosuffisance passe par une génétique adaptée à notre apiculture.
    Merci, monsieur Giovenazzo.
    Merci, madame Brosseau.

[Traduction]

    Madame Lockhart, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aussi à nos témoins.
    Je vous sais gré de vos témoignages, car je suis le type de personne qui essaie d'aborder chaque défi en trouvant un terrain d'entente. Si on en juge par ce que nos témoins nous ont dit ce matin, il est clair que l'environnement est une priorité pour tout le monde. Nous comprenons tous quelles peuvent être les conséquences de jouer avec l'environnement.
    Cela étant dit, je crois comprendre que vous, et surtout les apiculteurs... Nous avons mené des travaux sur la santé des abeilles en juin dernier. Nous avons entendu dire que de nombreux facteurs influaient sur leur santé et nous avons parlé des néonicotinoïdes à l'époque. Êtes-vous en train de dire que l'industrie apicole n'estime pas que les néonicotinoïdes soient les seules à avoir des conséquences négatives sur elle?
    Si je peux répondre, vous avez parlé des « seules à avoir des conséquences négatives » et c'est juste; il y en a d'autres.
    Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, il existe un certain nombre de répercussions sur la santé des abeilles. Les néonicotinoïdes représentent une catégorie de pesticides qui ont des répercussions. Nous utilisons des pesticides pour tuer les acariens qui se trouvent dans la colonie en tant que telle. Ils ont un certain nombre de conséquences.

  (1250)  

    Je pense que c'est pendant cette période que nous avons aussi parlé d'atténuation et de ce qui s'était passé en Ontario.
    Je me demande, monsieur Brock, si vous pouviez donner de plus amples détails concernant certains des processus d'atténuation. Qu'est-il arrivé avec le traitement des semences et ce genre de choses pendant cette période?
    Je pense que la perspective est encore plus générale en ce qui concerne les traitements des semences. Voilà ce qui s'est passé: conformément à la réglementation qui a été mise en place, il nous a fallu prouver que nous avions besoin d'utiliser les semences traitées aux néonicotinoïdes par le truchement de protocoles d’analyse des sols. Nous étions tenus de trouver un nombre donné d'insectes sur un site pour prouver que nous avions besoin d'utiliser ces produits. Cette règle est entrée pleinement en vigueur pendant la présente période des semailles, avec un type de système de vérification par un tiers qui sera mis en oeuvre l'an prochain.
    Au-delà de cela, je pense que les agriculteurs en Ontario ont cerné les risques et décidé qu'ils voulaient prendre des mesures en ce sens. Nous voulions le faire de façon non réglementaire. Le gouvernement a décidé d'opter pour la réglementation, alors il l'a fait.
    Pour ce qui est d'accroître l'adoption des cultures de couverture, je plante des tournesols et du sarrasin après le blé d'hiver, et ils regorgent littéralement d'insectes pollinisateurs sauvages et de toutes les autres sortes d'insectes pollinisateurs qui soient.
    Voici certaines des stratégies que les producteurs utilisent de leur propre initiative. Nous ne nous attachons pas uniquement aux traitements des semences; nous étudions aussi les conséquences environnementales générales sur nos fermes et les risques. Il est naïf de penser que nous n'avons pas d'incidence sur l'environnement. Notre tâche est de minimiser les répercussions ou de les amener à un niveau qui soit acceptable pour la société.
    Parfois, je pense que nous ne nous entendons pas avec la société sur le niveau en question, et je crois que nous avons besoin d'en discuter davantage. Cependant, voilà certaines des stratégies qui ont été mises en place.
    Très bien. Merci.
    Avec le groupe précédent, nous avons parlé de l'ancien processus de l'ARLA et du nouveau. Nous avons parlé de la différence entre avoir deux ans et un an pour faire l'examen. Qu'en pensez-vous?
    Personnellement, lorsque j'observe la situation — et je ne suis pas scientifique; je suis un agriculteur qui aime être dans les champs —, je m'en remets à l'ARLA, notre organe de réglementation scientifique qui travaille à faire en sorte que les produits qui sont commercialisés présentent des risques acceptables.
    Je pense que si l'ARLA a soulevé des préoccupations concernant les produits que nous utilisons, je préférerais discuter avec les membres de son personnel de stratégies d'atténuation des risques et leur laisser à eux et aux titulaires d'homologation le soin de mener les études scientifiques nécessaires. Lorsqu'on s'engage dans certaines discussions délicates concernant les risques acceptables, je pense que c'est à ce moment-là qu'il faut tenir des consultations pour essayer de minimiser l'incidence environnementale. Nous aimerions y participer, à titre de principaux producteurs qui utilisent les produits.
    Cela nous amène à un sujet dont nous avons beaucoup discuté au sein de ce comité, en l'occurrence la perception publique de l'agriculture et la collaboration pour que les gens aient confiance en leur source de nourriture, d'autant plus qu'il est primordial de continuer à stimuler la croissance de notre secteur agricole. Merci beaucoup.
    Je vais partager la minute qui me reste avec quiconque voudra la prendre.
    Allez-y, Lloyd.
    C'est génial d'avoir deux apiculteurs dans la pièce, ou des gens qui sont rattachés à cette industrie, car nous nous y intéressions vivement.
    Une expression qui est ressortie de notre étude précédente a été « faits de l'Internet ». Les opinions concernant les abeilles sont nombreuses, et les situations aux États-Unis et au Canada ne sont pas identiques. Un des secteurs dans lesquels nous avons remarqué une grande différence a été celui de la nutrition des abeilles durant l'hivernage.
    Je représente la circonscription de Guelph, et à l'Université de Guelph, nombre de scientifiques étudient la nutrition pour accroître les taux de réussite chez les apiculteurs pendant l'hiver. Dans notre dernier rapport, il était question de pertes de 14 % au cours de l'hiver, et non de 25 %, si bien qu'il y aura des différences d'une région à l'autre du Canada.
    Selon vous, est-ce que la question de l'hivernage est un problème plus important ou moins que les traitements des semences?
    Il est clair que l'hivernage pose problème et qu'il est devenu, en fait, un indicateur public de la santé des abeilles, mais cette une question très régionale, en fait.
    Vous avez raison de dire que dans certaines régions, les taux se situent à 14,8 % ou à 14 %, mais qu'en Ontario, si nous retournons trois ou quatre ans en arrière, ils pouvaient aller jusqu'à 50 %. C'est un problème régional et saisonnier, mais il est aussi très important, car il donne une idée de la situation. Il ne montre pas de tendance globale, disons, d'une année à l'autre, mais d'une année à l'autre, nous observons un nombre de pertes attribuables à l'hivernage qui n'est parfois pas viable au plan économique pour les apiculteurs. Il est important d'essayer d'aller en deçà de ce niveau.

  (1255)  

    Merci.
    Nous allons simplement continuer. Vous avez eu votre minute, et c'est maintenant à votre tour pour six minutes, alors nous allons continuer.
    Une voix: Vous êtes l'homme de la situation, Lloyd.
    C'est extraordinaire. Merci.
    Nous espérons que le Comité se prononcera sur la question. Nous ne menons pas une étude complète, mais nous voulions avoir la chance de tenir des consultations. Lorsque nous avions déposé une motion pour tenir ces consultations, nous n'avions pas prolongé le temps que l'ARLA avait prévu à cette fin. Cela a été fait, et quand nous aurons terminé nos discussions ici, les consultations auront presque été menées à bien.
    Avez-vous suffisamment de temps pour tenir les consultations? Estimez-vous avoir pris suffisamment de temps? Un des témoins précédents a parlé d'un nouveau système d'examen auquel participeraient les groupes d'étude qui ont été formés pendant la prolongation que nous avons obtenue, qui n'existaient pas lorsque les premières consultations ont été tenues, et qui compteraient peut-être les apiculteurs et les membres d'industries connexes. Pourriez-vous dire ce que vous pensez de la période prévue pour l'examen? De plus, qu'aimeriez-vous que nous disions à l'ARLA en ce qui concerne nos prochaines étapes?
    En tant qu'agriculteur, il m'est difficile, dans une certaine mesure, de vraiment comprendre le processus d'examen à l'ARLA. De mon point de vue et de celui de notre organisation, nous nous en remettons aux titulaires d'homologation pour comprendre la nature du processus et nous voulons nous assurer qu'il y ait du temps pour eux.
    Comme je l'ai mentionné, je pense qu'il faut privilégier une approche collective dans le cadre du processus d'examen, surtout si le personnel de l'ARLA cerne des secteurs qui le préoccupent, de façon à pouvoir en discuter et ne pas être pris de court ou voir l'industrie se démener pour fournir une partie des renseignements demandés.
    Nous savons qu'une partie du travail qui doit être fait devra l'être pendant la saison de culture de cette année. Nous aurons besoin de temps pour déterminer les zones sensibles, leurs causes et les mesures que nous pouvons prendre pour les atténuer. Il s'agit d'un processus raisonné à long terme. Au bout du compte, en tant que producteur, je ne veux pas que nous dérivions vers le système réglementaire européen fondé sur les dangers. J'apprécie beaucoup le système que nous avons au Canada, qui est fondé sur des données scientifiques et sur les risques. Je pense que, en ce moment, nous nous heurtons à la question de savoir ce qui constitue un risque acceptable, mais des consultations solides pourraient faciliter ce processus.
    Merci.
    Je discutais de la question avec la responsable de la chaire de recherche à l'Université de Guelph. Elle m'a donné accès à un rapport public que HFFA Research a préparé au sein de l'Union européenne et auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Il a révélé que les Européens avaient pris une décision dont ils constatent les répercussions deux ans plus tard.
    L'ARLA a une excellente réputation à l'échelle internationale pour ses décisions éclairées fondées sur des données scientifiques, et nous voulons la préserver. Cependant, nous devons aussi assurer la survie de notre industrie. Peut-être que je vais un peu loin mais, pour mettre les choses en balance, comment faire pour intégrer les questions économiques à cette discussion?
    Je pense qu'il faut absolument qu'il y ait une proposition de valeur en ce qui concerne les produits chimiques que nous utilisons. Comme je l'ai dit, peu importe ce qui arrive, je pourrais quitter mon hôtel et être heurté par un autobus, mais j'ai quand même décidé de venir ici aujourd'hui. Il y a une balance des risques que nous devons assumer. Dans le cas de ma ferme, ce sont les décisions que je prends constamment. Je me demande toujours si quelque chose est une bonne décision au plan économique, si le jeu en vaut la chandelle. C'est là que les méthodes de lutte antiparasitaire intégrée entrent en ligne de compte. Le problème que nous posent les traitements des semences et les stratégies sous la surface du sol est qu'elles ne sont pas aussi intuitives que les stratégies au-dessus de la surface du sol; c'est ce qui nous préoccupe lorsque des choses semblables surviennent. Voilà ce que j'en pense.
    Merci.
    J'ai terminé. Je pourrais continuer toute la journée. Je sais gré à tous les témoins de leur contribution, y compris ceux qui étaient déjà ici à la séance précédente. C'est un processus difficile pour nous parlementaires qui, contrairement à certains témoins, ne travaillons pas dans les champs tous les jours ou qui lisons les rapports que nous devons lire pour essayer de prendre des décisions dans le cadre de nos fonctions.
    Je vous sais gré d'être venus et de nous avoir livré vos témoignages.

  (1300)  

    Je pense que M. Longfield a assez bien résumé la chose. Je tiens à remercier les témoins d'être venus. Je sais que nous sommes toujours pressés, mais vous avez fait un excellent travail, et nous tiendrons assurément compte des renseignements que vous nous avez fournis.
    Merci, monsieur Giovenazzo, monsieur Brock et monsieur Scarlett, et merci aussi aux autres qui sont restés pour entendre ce groupe.
    La séance est levée.
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