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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 136 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 19 mars 2019

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Cet avant-midi, nous recevons par vidéoconférence M. Hoi Kong, qui est titulaire du poste de professeur de droit constitutionnel en l'honneur de la très honorable Beverley McLachlin à la Faculté de droit Peter A. Allard de l'Université de la Colombie-Britannique.
    Bienvenue, monsieur Kong.
    Nous recevons également, à partir de Moncton, au Nouveau-Brunswick, M. Éric Forgues, qui est directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Bienvenue, monsieur Forgues.

[Traduction]

    Nous entendrons d'abord M. Kong, qui livrera un exposé de 10 minutes.
    Ensuite, nous aurons une discussion avec les membres du Comité.
    Nous sommes heureux de vous accueillir, même si c'est par vidéoconférence.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à votre comité au sujet de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Aujourd'hui, j'aborderai la question de savoir si un tribunal des langues officielles devrait être créé et, le cas échéant, comment il devrait être établi.
    Ma présentation comprend trois volets principaux. Tout d'abord, je ferai un survol des raisons qui motivent la création d'un tribunal des langues officielles. Deuxièmement, j'examinerai les possibilités de conception institutionnelle de la relation entre le commissaire et un tribunal des langues officielles. Troisièmement, j'aborderai certaines questions relatives au fonctionnement d'un tribunal des langues officielles.
    Permettez-moi de commencer par les raisons qui motivent la création d'un tribunal des langues officielles.
    Comme les membres du Comité le savent très bien, les recours judiciaires prévus par la Loi sur les langues officielles sont multiples, surtout à partir de l'article 77. Étant donné l'existence de ces options de recours judiciaires, on peut se demander pourquoi on pourrait penser qu'un tribunal des langues officielles serait une bonne idée. Permettez-moi de suggérer trois raisons possibles.
    La première raison est liée à la séparation des pouvoirs. Le libellé du paragraphe 77(4) accorde à la Cour fédérale un vaste pouvoir discrétionnaire en matière de réparation. En fait, le libellé se fait l'écho de celui du paragraphe 24(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, la Cour fédérale a cité les motifs de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation) pour souligner qu'il existe des limites à la séparation des pouvoirs quant à la mesure dans laquelle une cour fédérale, ou même un tribunal, peut exercer sa compétence en matière de réparation.
    Aujourd'hui, je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si le tribunal s'est montré réticent à utiliser toute la gamme des recours dont il dispose, même si je sais que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada croit que c'est le cas.
    Le point que je fais valoir, c'est que les considérations liées à la séparation des pouvoirs limitent, en principe, les recours qu'un tribunal peut ordonner. En revanche, les tribunaux administratifs ne sont pas limités par de telles considérations. Ils sont donc comparativement plus libres d'ordonner la prise de mesures de réparation qui sont, selon ma collègue Cristie Ford, prospectives, ouvertes et sujettes à une révision et à une élaboration continues.
    Par conséquent, je suis d'accord avec la recommandation de la FCFA selon laquelle toute disposition précisant les pouvoirs en matière de réparation du tribunal des langues officielles proposé comprenne une liste non exhaustive de recours possibles, y compris ceux qui permettent une surveillance continue appropriée. C'est la première raison qui motive la création d'un tribunal des langues officielles, et cette raison se fonde sur des préoccupations relatives à la séparation des pouvoirs.
    Permettez-moi d'aborder la deuxième raison qui motive la création d'un tribunal des langues officielles. Les plaignants qui envisagent de saisir la Cour fédérale d'une instance peuvent être confrontés à des problèmes d'accessibilité auxquels il n'aurait pas à faire face devant un tribunal des langues officielles bien conçu et bien financé. En effet, un tribunal des langues officielles calqué sur les tribunaux des droits de la personne dans les provinces et à l'échelon fédéral aurait des procédures plus simples et fournirait de l'aide aux plaignants qui souhaiteraient lui présenter des demandes de règlement.
    Les préoccupations liées à l'accessibilité justifient depuis longtemps la création de tribunaux des droits de la personne et, bien que l'on se demande toujours si ces tribunaux ont tenu leur promesse d'une plus grande accessibilité, je pense qu'il est généralement reconnu qu'ils sont plus accessibles que les autres tribunaux. Il y a lieu de croire que ce serait également le cas d'un tribunal des langues officielles, et la deuxième raison qui motive la création d'un tribunal des langues officielles se fonde donc sur des questions d'accessibilité.
    Troisièmement, un tribunal des langues officielles aurait probablement une plus grande expertise dans le règlement des différends en vertu d'une loi sur les langues officielles révisée que la Cour fédérale. La source de cet avantage relatif potentiel serait double. Tout d'abord, dans le cadre d'une loi sur les langues officielles révisée, le Parlement pourrait préciser que les membres des tribunaux des langues officielles doivent posséder une expertise particulière en matière d'interprétation et d'application de la Loi sur les langues officielles. Deuxièmement, une fois établi, un tribunal des langues officielles, par l'entremise d'expositions répétées à des différends en vertu Loi sur les langues officielles, pourrait acquérir une expertise liée à l'application et à l'interprétation de ses dispositions.
    Voilà donc trois raisons qui motivent la création d'un tribunal des langues officielles, malgré le fait qu'il existe des recours judiciaires en vertu de la Loi sur les langues officielles.
    Permettez-moi maintenant d'aborder la question des relations possibles entre le commissaire et un tribunal des langues officielles.

  (1110)  

    En général, il y a deux types de relations entre les commissions et les tribunaux des droits de la personne au Canada, et ils peuvent servir de modèles pour structurer la relation entre le commissaire et un tribunal des langues officielles.
    Dans le premier modèle, une commission des droits de la personne contrôle l'accès à un tribunal des droits de la personne. Elle mène des enquêtes et tente de régler des plaintes, elle décide si les plaintes doivent être renvoyées à un tribunal aux fins d'arbitrage et une fois qu'une plainte est devant un tribunal, elle peut offrir son aide à un demandeur, représenter ce dernier ou représenter l'intérêt public.
    Les critiques affirment qu'une commission, dans ce modèle, occupe des rôles potentiellement contradictoires. En effet, une perception de rôles conflictuels peut émerger, car à l'étape de l'enquête, la commission se veut neutre, mais si la plainte est portée devant un tribunal et que la commission participe à l'arbitrage, elle devra adopter une position.
    Dans le même ordre d'idée, il y a une autre critique selon laquelle ce genre de commission s'acquitterait de ses fonctions de façon inappropriée, surtout dans des contextes où les systèmes de protection des droits de la personne sont sous-financés. Les critiques soutiennent que des commissions ont, par exemple, menacé de créer des retards pour pousser des plaignants à accepter un certain règlement de leur différend. Les critiques reprochent également à ce modèle de consacrer des ressources disproportionnées au traitement de plaintes individuelles et de détourner les ressources et l'attention des commissions des questions systémiques.
    C'est une première relation possible entre le commissaire et le tribunal des langues officielles, une relation dans laquelle le commissaire assumerait les fonctions de gardien de l'accès que remplit une commission des droits de la personne dans le premier modèle de relations entre une commission des droits de la personne et un tribunal des droits de la personne.
    Dans le deuxième modèle, qui est celui actuellement en vigueur en Ontario, les plaignants ont directement accès à un tribunal des droits de la personne et le tribunal lui-même traite la demande, offre des services de médiation et statue sur le fond du litige. Dans ce modèle, la commission:
... n’a plus pour fonction de recevoir les plaintes, de les traiter, de fournir des services de médiation et, si elle le juge approprié, de renvoyer les plaintes au Tribunal. Désormais, la Commission a pour mandat d’élaborer des politiques, de diffuser de l’information et de promouvoir la conformité au Code... Elle a en outre maintenu [dans le cadre du modèle ontarien révisé] son pouvoir de déposer des requêtes auprès du Tribunal et d’intervenir dans des requêtes devant celui-ci.
    Ce modèle répond aux préoccupations liées aux rôles contradictoires dont il a été question plus tôt, puisque la commission n'assumerait plus de fonctions liées au contrôle de l'accès, au règlement de différends et aux enquêtes. De plus, dans certaines administrations, le modèle d'accès direct a permis de réduire considérablement les temps d'attente.
    Néanmoins, le modèle d'accès direct a fait l'objet de certaines critiques. Par exemple, Dominique Clément soutient qu'en « Colombie-Britannique, le Tribunal des droits de la personne passe plus de temps à examiner les plaintes de congédiements qu'à statuer sur le fond des plaintes relatives aux droits de la personne. »
    De plus, comme les tribunaux ne mènent pas d'enquête et n'assurent pas la représentation des plaignants, les modèles d'accès direct sont perçus comme étant moins accessibles.
    Ce sont donc les deux types de modèles qui pourraient servir à structurer la relation entre le commissaire et un potentiel tribunal des langues officielles.
    Permettez-moi maintenant d'aborder quelques questions opérationnelles. Dans le cadre du deuxième modèle, le commissaire se concentrerait évidemment sur des préoccupations systémiques plutôt que sur des plaintes individuelles et n'assumerait pas de fonctions liées aux enquêtes ou au contrôle de l'accès, bien qu'il pourrait conserver le pouvoir de participer à une audience du tribunal pour faire valoir des arguments d'intérêt public.
    Si ce modèle était adopté, il faudrait mobiliser suffisamment de ressources pour que les demandeurs puissent présenter des plaintes éclairées et compétentes devant le tribunal. Il y a des modèles qui fournissent ce type de soutien, que ce soit par l'intermédiaire de cliniques ou de centres de soutien.
    Si un tribunal était créé, puisqu'un tribunal serait chargé d'interpréter et d'appliquer une loi quasi constitutionnelle, le tribunal des langues officielles devrait être à l'abri de toute suggestion voulant qu'il soit soumis à une influence partisane. Il serait donc important de prévoir, pour les nominations, des critères clairs en matière d'expertise, des mesures liées à l’inamovibilité pendant la durée du mandat et peut-être même des protections en cas de renouvellement du mandat.
    Enfin, j'aimerais proposer qu'une loi sur les langues officielles révisée contienne une disposition permettant de mener un examen de la loi trois ans après son entrée en vigueur. Une disposition semblable figurait dans le Code des droits de la personne de l'Ontario lors de la révision de ce code.
    De la même façon, tout simplement parce que l'entrée en vigueur d'une nouvelle LLO entraînera d'importants changements systémiques, il serait utile d'avoir des intervenants et des experts en mesure d'évaluer si la LLO révisée a atteint ou non ses objectifs législatifs.

  (1115)  

    Voilà donc quelques réflexions sur la création d'un tribunal des langues officielles, certaines raisons liées à sa création, des enjeux liés à la conception institutionnelle et quelques questions d'ordre opérationnel.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous nous tournons maintenant vers M. Éric Forgues, de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Monsieur Forgues, vous avez une dizaine de minutes. Nous vous écoutons.
    Merci de l'invitation. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer au sein de votre comité.
    Je vais d'abord dire un mot sur notre institut de recherche, pour ceux et celles qui ne le connaissent pas.
    L'Institut a été fondé en 2002. De 2003 à 2012, il a été dirigé par M. Rodrigue Landry, que plusieurs d'entre vous connaissent sûrement. J'en ai ensuite pris la direction en 2012, mais je suis à l'Institut depuis 2003. J'y suis donc depuis les débuts de ses activités.
    L'Institut a été créé grâce à un fonds reçu de Patrimoine canadien, selon l'entente conclue à l'époque par le ministre Stéphane Dion avec l'Université de Moncton. Voilà pour la petite histoire de l'Institut.
    Je vais simplement rappeler la mission. L'Institut veut promouvoir une plus grande connaissance de la situation des minorités de langue officielle du Canada et une meilleure compréhension des enjeux prioritaires qui les concernent. À cet effet, l'Institut s'engage à réaliser, en collaboration avec ses partenaires, les travaux de recherche pertinents pouvant appuyer les divers intervenants des minorités de langue officielle et les artisans des politiques publiques en matière linguistique.
    Pour ma part, je suis sociologue de formation et je m'intéresse principalement au développement et à l'épanouissement des communautés.
    La volonté du gouvernement canadien de moderniser la Loi sur les langues officielles et de consulter les Canadiens et les Canadiennes à cette fin constitue une occasion à saisir pour réfléchir à la loi idéale qui permettrait de répondre aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire. C'est une occasion où nous pouvons faire preuve d'imagination tout en ayant conscience des défis à relever.
    En étant optimiste, je vois au moins trois scénarios pour l'avenir des communautés en situation minoritaire et pour l'avenir des langues officielles. D'une part, je vois des communautés qui s'épanouissent dans leur langue, ce qui entraîne un renversement des tendances assimilationnistes. Ensuite, je vois une plus grande reconnaissance des communautés et de leur autonomie, notamment de leur capacité à décider de leur avenir. Enfin, je vois une meilleure mise en œuvre et un meilleur respect de la Loi sur les langues officielles.
    Je vois aussi au moins deux dangers devant nous.
    Premièrement, le gouvernement investit des montants importants dans le domaine des langues officielles, notamment dans le plan d'action quinquennal sur les langues officielles, mais sans se donner des outils d'analyse rigoureux pour bien cerner les besoins des communautés et pour bien évaluer l'effet de ces investissements sur les communautés. Le gouvernement tient beaucoup de consultations, principalement auprès des organismes, mais il investit peu dans la recherche pour appuyer les politiques publiques en langues officielles.
    Le Comité sénatorial permanent des langues officielles, le commissaire aux langues officielles, votre comité et, maintenant, la ministre Mélanie Joly mènent présentement ou ont mené récemment des consultations sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. J'étais à Moncton, le 12 mars dernier, pour le premier forum organisé par la ministre Mélanie Joly. La grande majorité des intervenants et des intervenantes étaient des dirigeants ou des présidents d'organismes qui répétaient des messages qu'ils avaient déjà eu l'occasion d'exprimer dans d'autres instances.
    Les consultations que mène le gouvernement pour moderniser la Loi sur les langues officielles ou pour élaborer le Plan d'action sur les langues officielles constituent une bonne pratique. Cependant, ces consultations devraient inclure davantage les citoyens et les citoyennes qui ne sont pas nécessairement membres d'organismes.
    De plus, il faudrait que l'élaboration du Plan d'action ou la modernisation de la Loi sur les langues officielles s'appuient sur la recherche. Cela demande d'élaborer un plan de recherche qui puisse produire des connaissances pertinentes eu égard aux objectifs de la Loi. Ne pas le faire accroît le risque de produire des politiques linguistiques qui résultent uniquement ou surtout d'un arbitrage des différents intérêts des organismes. Donc, selon moi, il faudrait accroître davantage les relations de collaboration entre le milieu de la recherche et le gouvernement.
    Un deuxième danger potentiel est le manque de leadership des élus et des dirigeants des agences gouvernementales assujetties à la Loi sur les langues officielles. Ce leadership est essentiel au respect de la Loi et il envoie un message clair concernant l'importance des droits linguistiques et des obligations gouvernementales.
    Lors du premier forum sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, qui s'est tenu à Moncton le 12 mars dernier, Me Michel Bastarache a souligné l'importance de rendre visibles les actions du gouvernement en matière de langues officielles, ainsi que l'importance symbolique qu'on doit accorder à la dualité linguistique. Promouvoir la dualité linguistique passe par des gestes symboliques qui rehaussent le statut du fait minoritaire. Lorsqu'ils sont posés par des dirigeants et des élus, ils envoient un message fort à l'ensemble de la population et ils contribuent à légitimer la langue en situation minoritaire et la dualité.
    Je vais maintenant aborder la question de la relation entre le gouvernement canadien et les communautés de langue officielle en situation minoritaire, puis je vais dire un mot sur l'effectivité de la Loi sur les langues officielles et, enfin, sur le besoin de préciser la partie VII de cette loi.
    Je vais aborder le premier point. Les relations entre le gouvernement et les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont beaucoup évolué depuis l'adoption de la première mouture de la Loi sur les langues officielles. Ces deux interlocuteurs ont établi une forme de collaboration, voire un partenariat, pour mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles, notamment les mesures qui découlent de la partie VII de la Loi. Je crois que la mise en œuvre de la Loi ne peut pas se faire sans un partenariat étroit entre le gouvernement et les communautés, et ce partenariat devrait être mentionné dans la Loi.
    Selon moi, le partenariat va plus loin que le simple fait de consulter les communautés. Dans le projet de loi sur les langues officielles qu'a proposé la Fédération des communautés francophones et acadienne, la FCFA, le 5 mars dernier, elle a inclus l'obligation pour le gouvernement d'élaborer un plan de développement quinquennal pour les langues officielles. Il serait bien de mentionner cette obligation dans la prochaine mouture de la Loi. Je crois que ce plan devrait être élaboré de concert avec les communautés et leurs représentants. Nous devrions tendre vers une élaboration conjointe du plan de développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, car les organismes et partenaires communautaires participent activement à la réalisation du plan d'action. Sinon, il y a un risque que les organismes deviennent de simples exécutants pour le gouvernement.
    Si nous voulons établir un réel partenariat entre les communautés et le gouvernement, cela suppose de reconnaître une certaine autonomie et les capacités des communautés en matière de prise de décisions collectives, de gouvernance et de développement. C'est ainsi, selon moi, que nous pourrons traduire davantage le principe des services élaborés par et pour les communautés directement concernées dans la Loi sur les langues officielles.
    Le deuxième point traite de la mise en œuvre et de l'effectivité de la Loi. Plusieurs intervenants et intervenantes l'ont mentionné, un des défis importants de la Loi sur les langues officielles concerne sa mise en œuvre. Plusieurs intervenants croient que la Loi doit avoir plus de mordant.
    Ce que nous enseignent entre autres les 50 ans de mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, c'est la difficulté pour certaines institutions de respecter la Loi. Cela peut résulter d'un manque de volonté, mais cela peut aussi découler d'une mauvaise compréhension des dynamiques linguistiques qui se créent dans un contexte minoritaire.
    Pour mettre en place une offre active de services dans les deux langues officielles, cela suppose d'apporter des changements organisationnels, de changer des dynamiques et des cultures de travail, des perceptions, des attitudes, des croyances, et ainsi de suite.
    L'approche coercitive a ses limites. On peut obtenir de meilleurs résultats si les personnes adoptent un comportement non pas parce qu'elles sont contraintes de le faire, mais parce qu'elles ont intériorisé les normes de ces comportements. La contrainte et les sanctions demeurent nécessaires, mais elles ne suffisent pas. Une loi qui aurait plus de mordant, mais qui ne s'appuierait pas sur une compréhension des dynamiques sociolinguistiques en milieu de travail ou dans l'organisation des services, ne suffirait pas. Il faut aussi une loi qui a un cerveau, si vous me permettez cette métaphore biologique. La mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles exige une certaine expertise, en gestion notamment, afin de comprendre ce qui favorise les changements organisationnels.
    Le gouvernement canadien doit améliorer son savoir-faire dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles et il doit mieux accompagner les ministères et les agences qui doivent mettre en œuvre la Loi en leur fournissant les ressources et l'expertise nécessaires.
    Les difficultés liées au respect de la Loi soulèvent la question de son effectivité. Une loi est dite effective lorsqu'elle produit l'effet voulu. Le gouvernement a intérêt à se pencher sur les défis de l'effectivité de la Loi sur les langues officielles et à s'interroger sur les conditions qui augmentent son effectivité. On a peut-être sous-estimé les dynamiques sociolinguistiques qui favorisent l'usage de la langue dominante et empêchent ainsi le plein respect de la Loi sur les langues officielles dans un contexte minoritaire, ainsi que les ressources financières, humaines et matérielles nécessaires pour faire respecter la Loi.
    Plusieurs facteurs contribuent à l'effectivité d'une loi. Je vais en mentionner quelques-uns.
    Il y a d'abord les conditions à considérer sur le plan juridique. Il faut s'appuyer sur ce que dit la Loi: il faut savoir quels sont ses objectifs et ce qu'elle prescrit ou interdit, de même qu'il faut prendre en considération la reconnaissance de droits et la nature obligatoire de la Loi. Il y a aussi la clarté et la précision. Plus la Loi est précise, moins elle laisse de place à l'interprétation. La cohérence interne de la Loi est importante, mais sa cohérence externe relativement aux autres lois l'est aussi. La jurisprudence aussi est déterminante: en plus de renforcer le respect de la Loi, les décisions des tribunaux permettent de préciser son sens. Les recours possibles prévus dans la Loi contribuent aussi à son effectivité. Y en a-t-il? Si oui, de quels types sont-ils? S'agit-il de recours judiciaires, de plaintes au commissaire, de plaintes aux institutions concernées? Quel est le pouvoir du commissaire? Quelle est la dimension contraignante des recours existants?
    Il y a aussi les conditions liées à la mise en œuvre de la Loi. Cela renvoie au leadership des dirigeants, dont j'ai parlé rapidement: l'engagement doit venir d'en haut. Cela renvoie aussi aux activités d'information et d'éducation qui visent à faire connaître et comprendre la Loi. Cela renvoie à l'existence de règlements qui précisent la mise en œuvre concrète de la Loi. Cela renvoie à des directives internes, de même qu'à l'allocation de ressources financières, humaines et matérielles et à la formation linguistique quand c'est nécessaire. Cela renvoie également aux ressources accordées au commissaire, à la formation de comités administratifs — on parlait d'un tribunal juste avant —, à la désignation de champions, de coordonnateurs et de responsables dans la mise en œuvre de la Loi. Cela renvoie aux compétences et aux capacités organisationnelles, c'est-à-dire à la prise en compte de la langue dans la gestion du travail et des services.
    Par ailleurs, il y a des conditions sociales qui contribuent à l'effectivité de la loi. Ces dernières renvoient aux contextes social, politique, économique et culturel, aux attitudes et perceptions des personnes, à la légitimité perçue par les personnes qui doivent appliquer, faire respecter et respecter la Loi, ainsi qu'à l'action des groupes d'intérêts favorables ou défavorables aux langues officielles.
    Pour accroître l'effectivité d'une loi comme la Loi sur les langues officielles, il faut adopter une approche globale qui prenne en compte l'ensemble de ces dimensions.

  (1125)  

    Monsieur Forgues, si vous le permettez, nous allons passer immédiatement à la période des commentaires et questions des membres du Comité, si nous voulons être capables de tout faire dans le délai qui nous est imparti. Vous pourrez ajouter des éléments en répondant aux questions.
    Nous commençons ce tour de questions par M. Alupa Clarke.
    Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous, messieurs Kong et Forgues. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Kong, je crois que vous avez livré un exposé très précis. Je reviendrai peut-être à vous, mais avec tout le respect que je vous dois, j'aimerais d'abord m'adresser à M. Forgues, car j'aimerais lui poser de nombreuses questions.

[Français]

    Monsieur Forgues, j'aimerais que vous répondiez le plus succinctement possible.
    Vous avez abordé la notion de l'effectivité de la Loi. Avez-vous pris connaissance de la proposition législative de la FCFA?
    Oui.
    Qu'en pensez-vous, du point de vue de l'effectivité?
     Je trouve que le projet de loi suggéré par la FCFA est très bien fait et contient de bonnes idées. Cependant, j'ai quelques petits commentaires à apporter.
    Quels sont-ils?
    Je vais commencer par les bonnes choses. La mise en place d'un tribunal sur les langues officielles est une bonne idée. Il est également question d'appuyer davantage la mise en oeuvre de la Loi par l'entremise d'activités de recherche. Dans l'ensemble, je considère que c'est très bien.
    Par contre, j'aimerais soulever quelques éléments. En ce qui concerne la consultation, par exemple, c'est une bonne idée d'inclure la formation d'un conseil consultatif dans la Loi, mais je l'aurais peut-être rendu plus représentatif des communautés. Comme c'est formulé, il me semble qu'il est question d'un représentant de la FCFA, d'un représentant du QCGN et d'un représentant de chacune des communautés. Pour ma part, je m'assurerais de former un conseil consultatif qui est vraiment représentatif et qui ne deviendra pas un prétexte pour ne pas consulter les communautés lorsqu'il faudra mettre en place des politiques.

  (1130)  

    Je comprends. C'est aussi une de mes inquiétudes.
    Êtes-vous en faveur d'un tribunal administratif pour les langues officielles?
    Oui.
    La FCFA propose une révision obligatoire de la Loi tous les 10 ans. Premièrement, compte tenu des principes du système de Westminster, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée d'obliger le législateur à faire quelque chose de bien précis tous les 10 ans.
    En tant que sociologue, croyez-vous que, s'il y avait une obligation de réviser la Loi tous les 10 ans, des organismes comme la FCFA risqueraient de se démobiliser? Après tout, une bonne partie de leur entreprise mobilisatrice ou de leur volonté sous-jacente est de réformer la Loi, si besoin il y a. D'un point de vue sociologique, n'y aurait-il pas un risque de démobilisation?
    Non, au contraire. En fait, ils se mobiliseraient davantage autour de la Loi.
    Si on adoptait l'idée d'un plan quinquennal, cela permettrait de tenir compte de l'évolution de la société. La société évolue-t-elle à ce point rapidement qu'il soit nécessaire de réviser la Loi tous les 10 ans? Je pense que c'est bien. Le modèle actuel d'intervention du gouvernement existe depuis les années 1990.
    C'est un peu réactif.
    Oui, mais je pense surtout à ce qui se fait en vertu des ententes Canada-communautés, comme on les appelait à l'origine. Aujourd'hui, on parle d'accords de contribution et d'intervention directe dans les communautés. Le modèle actuel a été conçu dans les années 1990.
    Je vais passer à une autre question. Merci de comprendre la rapidité de mon processus, monsieur Forgues.
    Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Au début de votre présentation, vous avez dit d'entrée de jeu que, selon vous, la Loi sur les langues officielles était davantage respectée aujourd'hui qu'elle ne l'était par le passé, tout en évoquant par la suite le manque de leadership des responsables au sein des agences gouvernementales. Est-ce bien ce que vous avez dit? D'après vous, en quoi la Loi est-elle mieux respectée aujourd'hui?
    Je n'ai pas dit qu'elle était mieux respectée; c'est peut-être un malentendu.
    Il est important de s'interroger sur les conditions qui assurent un meilleur respect de la Loi sur les langues officielles. Je parlais plutôt des principes qu'il faudra considérer quand viendra le temps de réfléchir aux mesures qui permettraient un meilleur respect de la Loi sur les langues officielles. On a peut-être sous-estimé différentes conditions qui font que, dans certains contextes, il peut être difficile de respecter la Loi sur les langues officielles. Je pense, par exemple, à la langue de travail ou à la langue de service. Pour les grandes organisations, cela demande de développer des compétences organisationnelles. Je crois qu'un grand virage doit être fait à ce chapitre. Ce virage pourrait être mieux fait si l'on prenait toute la mesure des ressources et de l'expertise qui sont requises.
    Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas s'attendre à ce que cela se fasse simplement parce que c'est obligatoire. Il y a tout un processus à respecter.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez 30 secondes.
    C'est fantastique, c'est énorme.
    Bien sûr, on veut remplacer le mot « peut » par le mot « doit ». Devrait-on changer ces termes dans la partie VII, tout en prenant en compte la dynamique fédérale et la Loi constitutionnelle de 1867?
    Je crois que cela correspond à une volonté exprimée par la FCFA.
    D'accord, mais vous, monsieur Forgues, qu'en pensez-vous?
    Je crois aussi qu'il est important de faire ce changement. Sinon, ce serait moins contraignant et on laisserait le choix aux gens de respecter la Loi ou non. Avec ce changement, ce serait clair.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Clarke.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs Kong et Forgues.
    Ma première question s'adresse à M. Kong.
    Entendez-vous l'interprétation, monsieur Kong?

  (1135)  

    Je comprends bien le français.
    C'est parfait, c'est merveilleux dans ce beau Canada.
    Monsieur Kong, je suis diplômé de la Faculté de droit de l'Université de Moncton depuis belle lurette. Mon professeur de droit constitutionnel était M. Pierre Foucher, que vous connaissez peut-être. Je faisais partie de ces étudiants pour qui le droit constitutionnel était une plaie. Maintenant que je me trouve au Parlement du Canada, je constate que c'est le parapluie protecteur des droits de tous les Canadiens, de toute la mosaïque canadienne et de toutes les autres lois.
    Dans la question que je vais vous poser, je ne dis pas que je suis pour ou contre un tribunal administratif. Cela dit, deux commissaires aux langues officielles ont dit à notre comité qu'un tel tribunal administratif n'était pas si important. Selon eux, ce qui importait beaucoup plus, c'était d'avoir une loi claire, précise et qui ne laisse aucune ambiguïté. Plus on a une loi claire, précise, qui a du mordant et qui ne laisse aucune ambiguïté, moins on a besoin d'un tribunal administratif. Je voudrais juste connaître votre réflexion là-dessus.
    Vous le savez comme moi, historiquement, dans les pays du Commonwealth, on a délégué des affaires à des tribunaux administratifs afin de désengorger les cours de justice. On a créé en parallèle ce monde de tribunaux administratifs pour permettre à certains secteurs de traiter de choses dites spécialisées. Au départ, c'était pour désengorger nos cours de justice.
    Ces commissaires aux langues officielles ont fait cette réflexion: en créant un tel tribunal administratif, on enverrait ceux et celles qui veulent faire respecter leurs droits linguistiques perdre leur temps dans des procédures longues et souvent onéreuses.
    J'aimerais connaître votre pensée à ce sujet. Vaut-il mieux avoir un tribunal administratif ou une loi claire et précise, ou encore une combinaison des deux?

[Traduction]

    Je ne crois pas que les enjeux soulevés par l'arbitrage de différends liés aux lois sur les langues sont seulement des questions de précision. Manifestement, nous souhaiterons préciser la loi, et je crois que c'est une bonne idée.
    En ce qui concerne la question de savoir si nous devons créer un tribunal, si l'on ne tient pas compte de la précision — car je ne crois pas que la loi la plus précise réussirait à éliminer la nécessité d'avoir un mécanisme d'arbitrage et de résolution des différends —, il faut ensuite se demander quelle institution est la mieux placée pour s'occuper de l'arbitrage.

[Français]

    Sur le plan de l'accessibilité, la création d'un tribunal administratif serait une bonne idée.

[Traduction]

    Il y a des questions liées à la complexité des procédures. Il y a des enjeux liés aux coûts. Si l'objectif est de veiller à ce que les demandeurs puissent faire valoir leurs droits, le système judiciaire, avec ses coûts et ses niveaux de complexité relativement élevés, n'est peut-être pas la meilleure solution.
    En ce qui concerne la question de savoir si nous ne transférons pas tout simplement le travail et le règlement des différends aux tribunaux administratifs, c'est peut-être le cas, mais je pense que nous devons simplement comparer cela aux avantages offerts par la création d'un tribunal plus accessible.
    Enfin, en ce qui concerne la question de l'expertise, comme je l'ai dit dans mon exposé, si un tribunal est précisément formé de membres qui possèdent une expertise en matière de droits linguistiques — surtout des personnes qui connaissent bien la situation des communautés linguistiques —, cela pourrait permettre de régler ces différends un peu plus efficacement, plutôt que d'être simplement une façon de transférer cette responsabilité.

[Français]

    Merci, c'est vraiment intéressant.
    Monsieur Forgues, bienvenue à ce comité. C'est la première fois que je vous vois et je suis enchanté de faire votre connaissance. J'essayais de déterminer de quelle région vous veniez. D'après votre nom de famille, monsieur Forgues, j'imagine que vous venez de Moncton, de la région du sud-est, mais vous avez l'accent du nord.
    Vous avez touché un point extrêmement révélateur. Nous le savons tous, mais nous n'osons pas le dire, ou nous l'exprimons mal: le problème vient de toutes ces institutions qui doivent veiller au grain pour ce qui est de leurs obligations énoncées dans la Loi sur les langues officielles. Le véritable problème se trouve dans la mise en exécution de ces obligations par les institutions. Les institutions sont le premier obstacle auquel se heurtent ceux et celles qui veulent faire reconnaître leurs droits.
    Comment voyez-vous la modernisation de la Loi sur les langues officielles? Vous parliez tantôt de donner du mordant à la Loi. Comment peut-on donner plus de mordant à la Loi pour que ces institutions sentent et comprennent réellement le poids de leurs responsabilités à l'égard des intervenants?

  (1140)  

    J'aimerais préciser que je ne viens pas du Nouveau-Brunswick. Je suis né en Ontario.
    Des voix: Ha, ha!
    Ah! Voilà.
    Cependant, j'ai grandi au Québec et je suis ici depuis une vingtaine d'années. J'ai peut-être pris l'accent de mon coin de pays.
    C'est beau, le grand Canada.
    Pour ce qui est des institutions, oui, elles ont une obligation. On peut renforcer cette obligation dans la Loi, on peut mettre en place un tribunal des langues officielles et donner plus de pouvoirs coercitifs au commissaire. Cependant, au cours de mes travaux sur la prise en compte de la langue quand vient le temps d'offrir des services dans les deux langues officielles, je me suis rendu compte qu'il était important de mentionner l'obligation d'une offre active dans la Loi. Sinon, les services peuvent être offerts de différentes façons. Le fait de mentionner cette obligation aurait l'avantage de clarifier cette question.
    Qu'est-ce qu'on entend par offre active? Il faut définir cette notion avec précision, car elle suscite beaucoup d'incompréhension. Cependant, je me suis rendu compte que, même si on explique ce qu'est l'offre active, l'approche contraignante ne suffit pas. Il faut vraiment privilégier le développement des compétences et des capacités organisationnelles en vue de mettre en place des ressources et des méthodes qui permettront d'offrir dans les deux langues officielles des services de qualité égale.
    C'est là que je dis qu'on ne peut pas compter que sur la Loi. Cette dernière peut nous faire avancer jusqu'à un certain point, mais il faut aussi se préoccuper de tout ce qui entoure la mise en œuvre de la Loi. Il faut réfléchir à cela. On pourrait essayer d'élaborer des règlements ou des directives. Il existe peut-être d'autres ressources auxquelles on ne pense pas maintenant. On pourrait mettre en place un centre d'excellence sur toutes ces questions pour outiller les organismes et les institutions qui ont à assurer une offre active de services dans les deux langues officielles.
    Merci, monsieur Forgues.
    Je cède la parole à M. François Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être là aujourd'hui et de nous éclairer sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Je les remercie de l'expertise qu'ils nous offrent.
    Je vais commencer tout de suite par M. Kong.
    Vous avez bien mentionné les raisons pour lesquelles nous devrions avoir un tribunal administratif. Vous nous avez donné trois bonnes raisons, que vous avez bien expliquées. J'aimerais m'attarder un peu sur le modèle de tribunal en matière de langues officielles que l'on pourrait instaurer et sur la séparation des rôles et des pouvoirs entre le commissaire et ce tribunal. Vous en avez un peu parlé et vous nous avez donné des exemples.
    À votre avis, quel serait le modèle le plus efficace de tribunal administratif des langues officielles?

[Traduction]

    Je crois que cela dépend beaucoup des ressources mobilisées.
    Si on avait un tribunal qui donnait un accès direct aux demandeurs, je crois qu'il faudrait veiller à ce que ces derniers reçoivent suffisamment de soutien lorsqu'ils présentent des demandes, car dans le cas contraire, on perdra essentiellement les gains liés à l'accessibilité.
    Je crois que si les ressources nécessaires sont mobilisées, c'est une bonne idée de créer des tribunaux à accès direct, en partie parce que le modèle d'une commission avec un tribunal a démontré que de nombreux retards sont créés lorsqu'un commissaire a de multiples responsabilités. En effet, le commissaire pourrait avoir de la difficulté à remplir toutes les fonctions qui lui seraient confiées, en plus de recevoir des plaintes et de les renvoyer à un tribunal.
    Si vous avez suffisamment de ressources pour appuyer les demandeurs qui se présentent devant un tribunal à accès direct et que vous veillez à ce que le commissaire dispose de toutes les ressources nécessaires pour accomplir le type de travail systémique dont parlait M. Forgues pour appuyer les communautés, je pense que vous pouvez permettre au commissaire de se concentrer sur des enjeux systémiques plus vastes plutôt que de consacrer tout son temps au traitement de plaintes précises. Si l'on présume que les ressources sont suffisantes et que le commissaire a la liberté et les pouvoirs nécessaires de mener des enquêtes systémiques et si on met en oeuvre le type de changement de culture mentionné par M. Forgues, je crois qu'un tribunal à accès direct serait un bon modèle à adopter.

  (1145)  

[Français]

    J'aimerais maintenant m'adresser à vous, monsieur Forgues.
    Vous avez beaucoup parlé de l'importance non seulement d'adopter une approche coercitive, mais aussi de s'assurer de l'effectivité de la Loi sur les langues officielles. Je pense que ce que vous dites est extrêmement important. Nous ne pouvons pas avoir seulement une approche coercitive, bien sûr. Il faut voir les langues officielles comme un élément de notre identité canadienne, dont nous devons être fiers et que nous devons promouvoir et célébrer. Cette notion est extrêmement importante.
    À l'heure actuelle, percevez-vous cette effectivité de la Loi? Cette célébration est-elle déjà présente dans la Loi? Le cas échéant, dans quelle partie de la Loi trouve-t-on cela? Sinon, dans le contexte de cette révision ou modernisation de la Loi sur les langues officielles, devrions-nous ajouter des éléments qui rendraient la Loi plus effective, dans le sens positif du terme?
    Me Michel Bastarache a soulevé un autre commentaire important lors du premier forum tenu à Moncton, le 12 mars dernier. Il déplorait quelque peu le fait que, désormais, il n'y ait peut-être plus que les communautés de langue officielle en situation minoritaire qui s'intéressent à la question des langues officielles. Si tel est le cas, il est possible que la dualité linguistique et les langues officielles tendent de moins en moins à définir l'identité canadienne. Il y aurait alors matière à s'inquiéter. C'est peut-être le discours sur la diversité, d'autres discours, d'autres valeurs ou une autre vision du Canada qui prendraient le dessus.
    Si tel était le cas, la promotion de la dualité linguistique exigée par la partie VII de la Loi sur les langues officielles nous poserait tout un défi. Nous aurions alors à tenir une bonne réflexion collective sur la façon de définir les différentes caractéristiques culturelles du Canada pour en arriver au point où le respect de la Loi sur les langues officielles va de soi, notamment pour les gens qui doivent mettre en œuvre cette loi et pour ceux qui doivent la respecter. C'est donc au chapitre des valeurs au sein de la population canadienne qu'il y a du travail à faire.
    Je suis absolument d'accord avec vous à cet égard. Plusieurs ont demandé que ce 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles soit notamment l'occasion d'un grand forum auquel pourraient participer divers intervenants, par exemple les premiers ministres, les commissaires et la population en général, et que l'on parle davantage des langues officielles. La promotion de la dualité linguistique, dont vous avez mentionné l'importance au début, est aussi le fait du leadership des dirigeants. Depuis des décennies, les premiers ministres ne parlent pas de langues officielles lors de grands forums. Ce sujet est rarement à l'ordre du jour. Il faut donc continuer à en faire la promotion.
    Merci à vous deux.
    Merci de vos commentaires, monsieur Choquette.
    Madame Fortier, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous deux. Merci d'être avec nous ce matin.
    Monsieur Forgues, j'aimerais vous dire que j'apprécie beaucoup vos études, et ce, depuis très longtemps. À l'époque où j'avais ma petite entreprise, j'ai eu le privilège d'utiliser les résultats de vos recherches quand je montais des dossiers dans le cadre de projets d'établissement d'écoles partout au pays. Ces données étaient très importantes. Si ces écoles existent aujourd'hui, c'est parce qu'au départ nous avions les bonnes données. Je tiens donc à reconnaître le travail que vous avez fait, M. Landry et vous.
    Je voulais justement soulever cette question de la recherche, parce que les données sont très importantes, voire cruciales. Il y a eu beaucoup de discussions pour tenter de déterminer où sont ces données parfois manquantes. Dans ce contexte, pourriez-vous me dire quelles données il est important d'avoir? Est-ce que nous pouvons inclure dans la Loi sur les langues officielles une disposition sur le besoin de statistiques et de données sur les ayants droit? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

  (1150)  

    En effet, il est essentiel de le faire. Une recommandation allant en ce sens a d'ailleurs été formulée par votre comité à Statistique Canada afin que cet organisme mette sur pied un comité consultatif interne pour, entre autres, revoir les questions du recensement afin de mieux dénombrer les ayants droit. L'inclusion d'une telle disposition dans la Loi sur les langues officielles serait vraiment un outil extrêmement utile pour les communautés.
    Nous nous rendons compte que nous n'avons pas accès à ces données servant à évaluer les besoins qui justifieraient la construction d'écoles dans les communautés. Ces données permettraient aux différents paliers de gouvernement de mieux respecter leurs obligations et de construire des écoles là où les besoins l'exigent. Il a parfois fallu faire du porte-à-porte dans les localités. À l'époque, c'était Rodrigue Landry qui dirigeait ces travaux. On embauchait des gens qui faisaient du porte-à-porte pour évaluer le nombre d'élèves potentiels dans chaque localité.
    Nous continuons de le faire à l'aide des données que Statistique Canada met à notre disposition. Ces données sont incomplètes, mais nous permettent quand même d'évaluer en partie les besoins. Nous le faisons pour des districts scolaires. Ce ne sont pas les études les plus visibles. Elles donnent lieu à des rapports. Cela dit, ce sont des outils importants pour déterminer le nombre d'écoles.
    Cependant, je trouve dommage qu'il faille le faire région par région, alors que nous devrions avoir accès à ces données pour l'ensemble du pays afin de nous aider à brosser un portrait des besoins. Nous pourrions ainsi mieux embrasser tout ce dossier non seulement de la construction des écoles, mais aussi de l'agrandissement des écoles partout au pays.
    Je vais pousser la question encore plus loin. L'éducation est une question fondamentale, certainement, mais il faut aussi nous préoccuper de la santé et de l'immigration. Je ne veux pas dire que c'est nouveau pour nous, mais, il y a 50 ans, l'immigration n'entrait pas en ligne de compte dans la Loi. Aujourd'hui, par contre, nous savons à quel point ce domaine est important et essentiel.
    Parlez-moi un peu des études que vous menez et pour lesquelles l'absence de données ou de recherche de la part du gouvernement fédéral vous empêche de faire votre travail et d'aller de l'avant. Avez-vous d'autres exemples de données linguistiques que nous devrions nous assurer de recueillir aux fins de recherche?
    Deux symposiums ont été organisés par le gouvernement canadien sur toute la question de la recherche sur les langues officielles. De mémoire, il me semble que c'était en 2008 et en 2011. Dans les deux cas, la conclusion a été qu'il fallait accroître la collaboration entre les milieux gouvernemental, universitaire et communautaire. Cela ne s'est pas produit, cependant. Le milieu universitaire et les communautés collaborent de façon ponctuelle, mais il y aurait vraiment matière à en faire davantage.
    Nous vivons dans une société du savoir. Or, qui dit société du savoir dit société qui doit se concevoir, se développer et progresser en fonction d'un accès à des données utiles. Ce volet est très négligé, comme je le disais au début de mon intervention. Nous avançons à l'aveuglette, à tâtons, sans trop savoir où nous allons, parce que nous n'avons pas vraiment réfléchi à l'importance de la recherche dans la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles, notamment la partie VII, qui parle du développement des communautés. Or, les besoins des communautés doivent être définis avant que nous puissions réfléchir à la meilleure façon d'y répondre.

  (1155)  

    Pardonnez-moi de vous bousculer, mais je suis pressée par le temps. Je sens que le président va bientôt intervenir.
    C'est presque terminé.
    En somme, la variable linguistique devrait toujours faire partie des études, des recherches ou des enquêtes menées par les institutions fédérales. Est-ce bien ce que vous dites?
    C'est le message que nous vous donnons, effectivement.
    C'est ce que je voulais entendre. Merci.
    Merci, madame Fortier.
    Madame Lambropoulos, vous avez la parole.
    Je vais poser mes questions en anglais.

[Traduction]

    J'aimerais remercier les témoins de comparaître par vidéoconférence.
    Mes questions s'adresseront surtout à M. Forgues.
    Tout d'abord, vous avez déjà mentionné que même si on avait mené des consultations entre le ministre et les communautés en situation minoritaire, on n'avait pas mené beaucoup de consultations à l'extérieur des organismes. Les membres de la communauté anglophone du Québec m'ont dit que pour la première fois, ils avaient eu l'impression qu'on les avait consultés. Manifestement, j'ai seulement parlé aux membres du QCGN à cet égard, et c'est peut-être pour cela. Comment pourrions-nous profiter de la rétroaction d'un plus grand nombre de groupes? À votre avis, pourquoi ne sont-ils pas nécessairement pleinement représentatifs des minorités linguistiques qu'ils représentent?

[Français]

    En ce qui concerne les consultations, j'étais pour ma part à Moncton — cela fait trois fois que je le mentionne — et je me souviens de l'intervention d'un citoyen qui a dit bonjour aux gens, s'est nommé et a précisé qu'il n'était le dirigeant ou le président d'aucun organisme. Cela a fait rire les gens dans la salle, parce que tous ceux que nous avions entendus jusque-là étaient des directeurs et des présidents d'organismes.
    À mon avis, il est important d'entendre aussi cette voix, de consulter ces gens, de prendre le pouls d'une population qui n’est pas nécessairement engagée dans des organismes qui défendent des intérêts très sectoriels, très précis, mais qui offre un point de vue différent. Selon moi, la diversité des points de vue est essentielle quand on fait des consultations. En consultant uniquement ou principalement des organismes, on risque de maintenir le statu quo pour ce qui est des modèles d'intervention dans les communautés.
    Il faut avoir la possibilité de remettre en question certaines pratiques. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas, mais les organismes qui travaillent dans le domaine de la santé vont dire qu'il est important d'intervenir en santé. Dans le domaine de la petite enfance, les gens vont dire qu'il est important d'intervenir dans la petite enfance. Il en va de même pour l'économie, les arts et la culture, et ainsi de suite. Les intérêts sont très définis au sein de l'organisation. Si on se limite à cela lors des consultations, on est assuré de maintenir le statu quo, qui va toujours vers la bonification, en ce sens qu'on en demande toujours davantage. C'est normal, c'est dans la nature de ce genre de consultations.
    C'est pourquoi il est important de varier les consultations, de façon à y inclure aussi des citoyens et des chercheurs libres dont les points de vue peuvent aussi être critiques quant à la réflexion collective que nous sommes en train de faire sur les langues officielles.

[Traduction]

    Étant donné que nous nous concentrons surtout sur les communautés francophones à l'extérieur du Québec, j'aimerais que vous me parliez un peu de la communauté anglophone du Québec. Puisque vous êtes le directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, savez-vous s'il y a des différences évidentes entre la communauté anglophone en situation minoritaire au Québec, qui représente environ 1,1 million de Canadiens, et les 1,1 million de Canadiens qui composent les communautés francophones en situation minoritaire?

[Français]

    Lors de la création de l'Institut, nous avions pour mandat de nous pencher à la fois sur les communautés francophones hors Québec et sur les populations d'expression anglaise au Québec. Or, nous nous sommes très rapidement rendu compte que, du point de vue de la recherche, nous avions affaire à deux réalités très différentes. Du côté anglophone au Québec, on ne se perçoit pas nécessairement comme une minorité. On ne va donc pas définir les problématiques de recherche de la même façon que pour la francophonie hors Québec.
    Non seulement la façon de problématiser le sujet ou de poser des questions de recherche est différente, mais nous nous sommes aussi rendu compte qu'il fallait développer des capacités de recherche et simuler un intérêt de recherche sur les anglophones au Québec. L'enjeu était différent.
    Nous avons choisi de travailler avec des gens qui sont sur le terrain, par exemple Lorraine O'Donnell, qui coordonne le Réseau de recherche sur les communautés québécoises d’expression anglaise.
    Les différences sont donc assez importantes. Je ne suis pas un expert des communautés anglophones au Québec, mais j'ai pu voir qu'il y avait vraiment des dynamiques différentes. On pose les problèmes différemment. Les enjeux sont différents, aussi.

  (1200)  

     Merci beaucoup.
    Madame Boucher, vous avez cinq minutes.
    Je m'adresse à nos deux invités.
    Souvent, j'ai entendu M. Forgues dire que le Comité permanent des langues officielles rencontrait fréquemment les mêmes personnes. Je suis membre du Comité depuis très longtemps, et, en effet, nous rencontrons toujours les mêmes organismes.
    Maintenant que nous nous en allons vers la modernisation de la Loi sur les langues officielles, pensez-vous qu'il serait important d'inclure la majorité linguistique dans le débat? Ne serait-ce pas une bonne chose de voir plus loin que le bout de notre nez pour aller vers l'avant, vers l'avenir, et d'inclure les autres?
    Au lieu de nous considérer comme des ennemis, nous, les minorités linguistiques, il faudrait faire en sorte de devenir des alliés dans notre combat pour la modernisation des langues officielles. Est-ce que ce serait une bonne idée?
    Monsieur Forgues, je vous laisse répondre.
    Je vous remercie.
    En effet, je crois que ce serait une bonne idée justement, si on veut avoir l'adhésion de la communauté anglophone hors Québec, par exemple, ou de la communauté francophone au Québec. Si l'on veut que les gens participent au débat et qu'ils se sentent parties prenantes de toute la question des langues officielles et y adhèrent, il faut les entendre aussi. Il faut les inviter aux discussions et à la réflexion qui est en train de se faire sur le plan collectif.
    À mon avis, c'est très important de les entendre, d'établir un dialogue et de le maintenir.
    Je vous remercie.
    Monsieur Kong, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je suis d'accord. Je pense aussi qu'il faut créer des consultations bien structurées pour que les consultations ne soient pas seulement une occasion d'exprimer les frustrations.
    Je pense que, pour créer un bon partenariat, il faut tenir des consultations qui mènent à cet objectif.
    Nous parlons de la modernisation de la Loi. Nous sommes tous des politiciens autour de la table et, franchement, nous savons tous que parfois la langue devient un sujet politique.
    Cependant, ce n'est pas mon cas. Je pense que notre langue, c'est ce qui nous appartient le plus et c'est ce qui nous définit en tant qu'être humain. Il faut donc s'élever au-dessus de la partisanerie.
    Plus tôt, j'ai bien aimé ce qu'on a dit. Cependant, quand on parle du fédéral, des fonctionnaires, surtout, et de l'appareil gouvernemental, c'est une chose. Or, comment faire comprendre aux politiciens que nous sommes, et ce, tous partis confondus, que la dualité linguistique est importante, que la modernisation de la Loi s'adresse à tous et qu'il faut s'élever au-dessus de la partisanerie, parce que notre langue, c'est ce qui nous définit?
    Pour aller de l'avant, il faut s'appuyer sur quelque chose. Comment peut-on faire en sorte que la modernisation de la Loi devienne apolitique et qu'elle soit le reflet réel de ce qui se passe dans les communautés linguistiques en situation minoritaire?
    Je pose la question aux deux témoins.

  (1205)  

    Allez-y, monsieur Kong.
    À mon avis, il est important de mettre l'accent sur l'importance de la dualité linguistique au Canada. C'est la pierre angulaire de notre identité. Je pense que c'est ce qui est important. Si on met l'accent là-dessus, on pourra voir émerger un processus qui est moins partisan.
    Je vous remercie.
    Monsieur Forgues, vous avez le temps pour une très courte réponse.
    En effet, c'est dans la Loi constitutionnelle de 1982, laquelle est au-dessus de tout jeu politique. Je pense que la dualité linguistique définit l'identité fondamentale du Canada et qu'on ne peut pas la contester.
    Il faut peut-être mieux la promouvoir du côté de certains groupes. Je ne sais pas comment on peut inclure la question du leadership dans la Loi, mais c'est essentiel. Il y a peut-être une partie qui nous échappe sur la façon de favoriser le leadership en matière de langues officielles, mais c'est très important.
     Merci beaucoup, messieurs Forgues et Kong, d'avoir renseigné les membres du Comité.
    Nous allons suspendre la séance pour cinq minutes. Ensuite, nous communiquerons par vidéoconférence avec un autre intervenant, qui se trouve au Royaume-Uni.

  (1205)  


  (1210)  

     Nous reprenons nos discussions.
    Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Meri Huws, qui est la commissaire à la langue galloise, au pays de Galles.
    Madame Huws, soyez la bienvenue au Comité permanent des langues officielles. Je vous remercie d'être présente. Nous aurions aimé que vous soyez réellement parmi nous, à Ottawa, mais nous ferons ce qu'il nous est possible de faire au moyen de la vidéoconférence.
    Nous allons d'abord vous écouter pendant une dizaine de minutes. Les membres du Comité vont ensuite émettre des commentaires et vous poser des questions.
    Vous avez la parole.

[Traduction]

    Diolch yn fawr iawn. Merci beaucoup.
    J'aurais adoré être en personne à Ottawa, mais je ne le pouvais pas aujourd'hui. Je suis désolée.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à votre discussion. Vos travaux sont très intéressants. En effet, vous examinez une loi que vous avez adoptée en 1969, et je travaille sur une loi que nous avons, au pays de Galles, depuis sept ans.
    J'aimerais commencer par vous donner un aperçu de la situation du pays de Galles et vous parler de quelques enjeux qui, selon moi, intéresseront votre comité et de certains des enjeux que j'ai traités à titre de commissaire.
    Je suis maintenant commissaire depuis sept ans. La loi fixe la durée d'une nomination à ce poste à sept ans, et cette période se terminera la semaine prochaine. Je réfléchis donc réellement sur les sept ans pendant lesquels j'ai occupé mon rôle. Je ne peux pas être reconduite dans mes fonctions et c'est pourquoi, à la fin de la semaine prochaine, je quitterai mes fonctions et une autre personne me remplacera à titre de commissaire.
    En ce qui concerne le poste que j'occupe au pays de Galles, j'ai été nommée en vertu de la Welsh Language Measure de 2011, une loi du pays de Galles qui s'appuie sur des lois précédentes. En effet, nous avions adopté des lois sur la langue du pays de Galles en 1942 et en 1967. J'aimerais seulement souligner que ces lois ont été adoptées précisément pour donner aux gens les droits nécessaires pour utiliser leur langue dans le système judiciaire et les tribunaux. Au pays de Galles, les premiers droits liés à l'utilisation de la langue dans un contexte public ont été accordés pour la présentation de preuves devant un tribunal ou la comparution devant un tribunal.
    En 1993, une législation de Westminster a affirmé l’égalité du gallois et de l’anglais au pays de Galles. Toutefois, elle ne lui a pas donné un statut de langue officielle; il a fallu attendre une loi adoptée en 2011, qui a fait trois choses précises. Premièrement, elle a conféré au gallois le statut de langue officielle au pays de Galles pour la première fois depuis 1536. Elle a aussi créé mon rôle de commissaire à la langue, dont je parlerai un peu plus dans quelques minutes, car c'est un rôle hybride. Elle a également mis sur pied un régime exhaustif qui impose des normes aux organismes du secteur public du pays de Galles. En effet, une série d'obligations juridiques très précises ont été imposées aux organismes du secteur public, et j'en parlerai un peu plus tard.
    Tout d'abord, au pays de Galles, une série de normes sont imposées à divers domaines au sein du secteur public. Cela semble complexe, mais nous avons essentiellement imposé, dans un premier cas, des normes au gouvernement, aux autorités locales et à nos parcs nationaux. Nous avons également imposé des normes à nos services de police, à l'éducation après l'âge de 16 ans, ce qui comprend les universités, au secteur de la santé du pays de Galles, ainsi qu'à nos grands organismes nationaux, par exemple notre musée national et nos organismes environnementaux. Au cours des sept dernières années, nous sommes passés par une série de processus qui ont imposé des obligations juridiques à ces organismes.
    L'ensemble des normes imposées à un organisme peut être divisé en cinq catégories de normes. Nous avons d'abord des normes liées à la prestation de services et à la communication avec le public. Nous avons ensuite des normes liées au fonctionnement interne des organismes, c'est-à-dire la façon dont on gère la main-d'oeuvre et les droits accordés aux travailleurs au sein de l'organisme. Nous avons aussi des normes liées à l'élaboration de politiques par l'organisme. Nous avons des normes liées à la promotion de la langue par l'organisme. Enfin, on exige que les organismes fournissent des preuves selon lesquelles leurs activités respectent ces normes.

  (1215)  

    Un organisme normal, comme le gouvernement du pays de Galles, aurait un barème d'environ 100 normes à respecter, divisées entre ces cinq familles. Dans le cadre de mes fonctions de commissaire, je dois réglementer ces normes.
    Les plaintes de non-conformité et les enquêtes connexes me sont adressées. Lorsque j'apprends, grâce à nos activités de surveillance, qu'un organisme ne respecte pas les normes, je peux intervenir et en exiger le respect. J'ai des pouvoirs de contrainte extrêmement solides en matière de conformité.
    J'ai également les pouvoirs nécessaires pour entreprendre des enquêtes sans qu'une plainte m'ait été présentée. C'est davantage un rôle d'ombudsman. Si je suis au courant de problèmes ou que je soupçonne qu'il y en a, je peux mener des enquêtes. Ces enquêtes peuvent se traduire par des mesures juridiques qui peuvent donner lieu, dans le pire des cas, à des amendes ou au renvoi du dossier à un tribunal supérieur. Je peux avoir recours à de solides processus en tant qu'autorité réglementaire.
    De plus, ma fonction de réglementation s'accompagne d'une fonction de promotion. Le poste de commissaire est hybride — très hybride, de toute évidence. Il y a manifestement deux côtés à la médaille: la réglementation et la promotion de la langue.
    La promotion de la langue comporte toute une gamme d'activités, de la sensibilisation aux campagnes d'information. De plus, une activité que je considère comme importante et influente dans ma façon de travailler consiste à mener des enquêtes ou des recherches dans certains domaines politiques où j'estime que des mesures doivent être prises pour améliorer la qualité du service ou de l'expérience pour l'usager, et pour conseiller le gouvernement dans ces domaines.
    Conformément à notre loi, si je recommande au gouvernement ou à un organisme national de prendre des mesures en matière d'élaboration de politiques, il est tenu de l'envisager et de répondre dans un contexte officiel. Il n'est pas tenu d'y donner suite, mais il doit certainement y répondre.
    J'ai pu constater que cette fonction influente de promotion de politiques est très utile, surtout dans les domaines de la santé, des services sociaux et de l'éducation. Nous avons aussi entamé une étude sur l'expérience des prisonniers dans le système carcéral et leur capacité à parler le gallois lorsqu'ils sont internés ou emprisonnés. Nous avons également collaboré très étroitement avec des organismes du domaine de la santé mentale pour examiner les services offerts. Nous nous sommes aussi servis de ces pouvoirs en urbanisme municipal et national.
    Comme je l'ai dit, cela s'est révélé très utile de pair avec ma fonction réglementaire. Ce sont deux côtés à une même médaille; j'estime qu'il est très utile de les avoir regroupés.
    L'avenir nous réserve de grands défis. Je dirais que nous continuerons d'élaborer des politiques, mais il ne fait aucun doute que de nouvelles formes de communication et de technologie s'avèrent être à la fois un défi et une occasion pour donner suite aux exigences relatives à l'élaboration de médias bilingues et pour le faire avec efficacité. Nous avons remarqué que certains organismes ont... Le secteur bancaire a notamment perdu du terrain dans sa transition des services bancaires offerts en personne vers des services numériques. Nous avons également travaillé très fort avec ce secteur.

  (1220)  

    Je suppose que c'est ma dernière observation. Les banques ne sont pas visées par la loi, mais, grâce à ma fonction de promotion, je peux également communiquer avec ces organismes.
    Au cours des sept dernières années, je me suis réjouie de cette dualité fonctionnelle, et je vois que les deux fonctionnent très bien ensemble.
    Je vais dire une toute dernière chose. En tant que responsable de la réglementation, je dois rendre des comptes à un tribunal des langues qui peut essentiellement intervenir si l'on avance que j'agis d'une manière illégale, déraisonnable ou non proportionnelle. Nous avons un tribunal des langues, mais c'est le dernier recours contre mes activités. Je pense qu'il s'est révélé utile. Il n'a heureusement pas été très actif. Il y a eu peu de plaintes relatives à la façon dont j'assume mes fonctions, mais il est là pour surveiller mes activités.
    J'espère que cela vous donne une idée de notre position au pays de Galles, et il y a peut-être des leçons à en tirer. Votre loi est très récente, et il y a peut-être des leçons utiles pour vous alors que vous examinez les fonctions de votre personne responsable et la loi à ce stade-ci.

  (1225)  

    Merci beaucoup, Meri, de votre exposé.
    Je vais donner la parole à mes collègues, qui poseront des questions.
    Nous allons commencer par Alupa Clarke.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Huws, c'est un honneur de vous accueillir par téléconférence. Je savais deux ou trois choses sur le pays de Galles, mais j'ignorais qu'il y avait un si grand nombre de particularités et une commissaire. Merci beaucoup du temps que vous prenez pour nous parler.
    Je vais passer directement au sujet à l'étude. Vos fonctions réglementaires sont assorties de mesures punitives, y compris d'amendes pouvant atteindre 5 000 £. Dans toutes les mesures à votre disposition, laquelle a la plus grande incidence lorsque vous y avez recours?
    J'ai adopté une politique à échelons. Après une enquête, lorsque nous constatons qu'un organisme n'est pas conforme, notre première mesure consiste à trouver un remède rapide et essentiellement à l'obliger à se conformer dans un délai précis.
    J'évite de donner des amendes, car elles ne changent pas le comportement. Il y a toujours un risque qu'un organisme paye une amende et demeure non conforme. Nous travaillons donc très fort avec les organismes pour changer leurs comportements non conformes.
    J'ai trouvé utile d'exiger un plan de travail que nous surveillons pour assurer leur conformité. Plutôt que de s'en prendre avec grande force à un organisme au moyen de pénalités financières, il est beaucoup plus efficace, à mon avis, de travailler avec eux pour qu'ils soient conformes. Je suis heureuse d'imposer des amendes lorsqu'un organisme m'ignore, mais j'ai constaté que la collaboration fonctionne bien.
    Dans les cas où vous infligez une amende, à qui est-elle payée? L'argent est-il versé dans des fonds collectifs ou quelque part où il servira à pallier le manque de services, par exemple?
    L'argent serait remis à l'organisme.
    Je vais juste dire que je n'ai jamais imposé une amende.
    Je vois. C'est intéressant.
    Si vous en aviez imposé une, l'argent aurait été remis à votre organisme, et vous vous en serviriez pour répondre à vos propres besoins structurels ou pour autre chose, n'est-ce pas?
    C'est une bonne question, et je ne peux pas répondre à défaut d'avoir déjà été dans cette situation. Je suis certain que le gouvernement du pays de Galles pourrait avoir une opinion là-dessus.
    À propos de votre relation avec les tribunaux en place, j'aimerais mieux la comprendre, car nous envisageons l'adoption d'un modèle de tribunal administratif.
    Renverriez-vous une affaire au tribunal au nom d'un particulier ou d'une organisation?

  (1230)  

    Non. Le Welsh Language Tribunal a des attributions très précises. Il me surveille. Sa priorité est de s'assurer que je mène mes activités de façon raisonnable, proportionnelle et légale.
    Deux types d'affaires sont renvoyées au tribunal. Il y a les cas où quelqu'un m'a présenté une plainte, en tant que responsable de la réglementation, concernant une organisation qui ne respecte pas les normes linguistiques galloises; j'ai mené une enquête; j'ai déterminé que l'organisation était conforme; et le plaignant n'est pas d'accord avec moi. Il peut alors renvoyer le dossier au tribunal, et un motif juridique doit être invoqué.
    Le deuxième type de cas serait celui où j'ai enquêté sur un organisme; j'ai constaté qu'il n'était pas conforme; et l'organisme estime que j'ai tort. Nous avons actuellement une affaire où un organisme croit que j'ai mal interprété une plainte concernant ses services de réception, et il s'est tourné vers le tribunal.
    Essentiellement, le tribunal me surveille en tant que responsable de la réglementation. Je suis la personne qui examine les dossiers. Si j'ai reçu une plainte et que j'estime qu'elle est très grave, et que j'ai constaté qu'un organisme n'assume pas ses responsabilités, je peux renvoyer le dossier aux tribunaux civiques. Je peux alors demander une injonction d'un tribunal pour exiger qu'il se conforme aux exigences, si je crois qu'il y contrevient.
    Ce que vous examiniez en tant que tribunal chargé d'enquêter et d'appliquer les règles concerne mes fonctions. Notre tribunal est plutôt là pour s'assurer que je ne prends pas de mauvaises décisions.
    C'est intéressant.
    Très peu de dossiers sont renvoyés au tribunal. Cela se compte encore sur les doigts des mains.
    Comment dites-vous « merci » en gallois?
    Diolch.
    Bien, diolch.

[Français]

     Merci, monsieur Clarke.
    Nous passons maintenant à M. Jean Rioux.
    Madame la commissaire, je vous remercie beaucoup de nous faire part de votre expérience avant votre départ vers d'autres soleils, comme vous l'avez annoncé.
    On sait que, au Canada, le bilinguisme fait partie de notre identité. Le souhait est que tout le monde parle les deux langues. Ce n'est pas la réalité; c'est un idéal.
    Considérez-vous que votre pays est bilingue? Avez-vous pour objectif que tout le monde parle les deux langues, ou trouve-t-on réellement une concentration de gens qui parlent gallois dans une région plus particulière?
    On sait que, au Canada, il y a une chose très particulière: il y a des écoles d'immersion où les gens peuvent aller apprendre l'autre langue.
    Pouvez-vous nous donner un portrait de la situation du bilinguisme, s'il en est un, dans votre pays?

[Traduction]

    Oui, bien sûr.
    D'entrée de jeu, nous avons un très petit pays. Il compte environ trois millions et demi de personnes, dont une proportion d'environ 20 % de personnes qui parlent gallois. Donc, le cinquième de la population parle gallois, ce qui est une donnée démographique intéressante, car chez les jeunes âgés de 3 à 18 ans, environ 50 % d'entre eux parlent gallois grâce au système d'éducation.
    Nous avons un programme d'immersion à certains endroits au pays de Galles et des cours de gallois dans les écoles intermédiaires. Nous avons de plus en plus de jeunes qui parlent gallois et une population âgée qui se meurt qui a pu apprendre la langue à la maison. La croissance observée est sans aucun doute chez les jeunes qui apprennent la langue dans le système d'éducation.
    Quand on regarde une carte du pays de Galles, on constate que depuis longtemps, les régions où le gallois est parlé se trouvent surtout sur la côte Ouest, qui fait face à l'Irlande, la côte la plus loin de l'Angleterre. C'est depuis très longtemps l'endroit où l'usage du gallois est répandu.
    Sur le plan économique, c'est une région pauvre. C'est une région agricole qui souffre de l'émigration. En effet, des personnes, des jeunes, s'en vont. Nous perdons les communautés de la région qui parlent traditionnellement le gallois. C'est plutôt dans les villes que la proportion de locuteurs augmente compte tenu de leur profil. Il y a Cardiff, où je me trouve en ce moment, ainsi que des endroits comme Swansea et de grandes villes industrielles dans la partie orientale du pays de Galles, près de la frontière avec l'Angleterre.
    Nous avons une démographie de croissance en évolution dans les régions où la langue n'a pas été naturellement parlée à la maison, depuis un ou deux siècles dans certaines régions. Nous avons une nouvelle population de locuteurs. Notre plus grand défi consiste à faire en sorte que ces personnes continuent de parler le gallois lorsqu'elles sortent du système d'éducation. Nous déployons beaucoup d'efforts pour qu'elles puissent obtenir des emplois pour lesquels le gallois est considéré comme une compétence, comme un atout.
    Une évolution démographique est en cours, et l'éducation est essentielle pour nous, moi y compris. La mise en place d'un marché du travail gallois ou bilingue est un autre élément clé pour permettre à ces jeunes de continuer de parler la langue.

  (1235)  

[Français]

     Merci.
    Nous regardons la possibilité d'avoir un tribunal administratif.
     Je comprends que, en tant que commissaire, vous avez des pouvoirs coercitifs et que le tribunal administratif est un tribunal d'appel en fonction de vos jugements, comme vous l'avez expliqué tout à l'heure.
    L'option que nous envisageons davantage est celle où le commissaire serait là pour faire la promotion du bilinguisme et assurer la sécurité des gens en situation minoritaire, tandis que le tribunal aurait davantage de pouvoirs coercitifs. Que pensez-vous de cette optique?

[Traduction]

    J'ai des pouvoirs de réglementation et de coercition lorsque des organismes publics sont tenus de respecter des obligations juridiques. J'ai également une fonction de promotion. Au pays de Galles, nous avons dû débattre de la pertinence d'accorder les deux fonctions à une seule personne. Après sept ans, je crois fermement que nous pouvons le faire. Nous avons besoin d'une gouvernance adéquate pour nous assurer que ces deux fonctions demeurent séparées au sein du bureau, mais je vois qu'elles fonctionnent très bien ensemble. Les organisations doivent se conformer, mais nous pouvons aussi leur donner des outils dans le cadre de notre travail de promotion, ce qui les aide dans leurs démarches. Par exemple, nous avons donné aux organisations des conseils non législatifs en matière de traduction, dont la traduction simultanée et la traduction textuelle. Nous pouvons exiger la conformité aux règles, mais nous pouvons aussi leur permettre de les respecter. Je trouve que c'est utile.
    Je trouve également utile de pouvoir gérer les plaintes, car d'après mon expérience, un commissaire indépendant peut travailler rapidement lorsque c'est nécessaire. Lorsqu'une plainte est présentée et que la situation est grave et a un effet immédiat, je peux intervenir très rapidement, alors — peut-être — qu'un tribunal administratif ne serait pas en mesure d'être aussi prompt. Je trouve que c'est utile lorsque nous recevons des plaintes graves et que nous devons agir rapidement.

  (1240)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. François Choquette.

[Français]

     Madame la commissaire, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui par vidéoconférence.
    Je vois que c'est quand même une jeune institution. Elle existe depuis sept ans. Tout d'abord, je vous remercie de vos services en tant que commissaire. J'ai cru comprendre que c'était bientôt la fin de votre mandat. Je suis certain que vos services ont été bien appréciés. On sait combien le travail de commissaire est ardu et très important à la fois, surtout en ce qui a trait aux langues officielles. Je pense que le gallois est maintenant une langue officielle au Royaume-Uni.
    Je vous présente une situation ici, au Canada, pour vous expliquer notre réflexion sur le besoin d'avoir un tribunal administratif qui aurait un rôle différent du vôtre. Je vous donne un exemple.
    En 2014, il y a eu des événements sur la Colline du Parlement et la GRC a dû intervenir d'une manière plus importante. Un tireur a fait feu sur la Colline. Certains citoyens n'ont pas eu de services en français à ce moment-là. Des plaintes ont été faites au sujet de la Gendarmerie royale du Canada, la GRC.
    Nous sommes en 2019. Le commissaire a accepté d'étudier ces plaintes et a fait trois recommandations très simples: premièrement, évaluer les compétences linguistiques des gens qui travaillent pour la GRC sur la Colline; deuxièmement, mettre en place un processus d'intervention pour informer les agents des obligations linguistiques; troisièmement, avoir un processus d'acceptation des plaintes, c'est-à-dire déterminer la manière dont on reçoit et traite les plaintes qui sont déposées directement à la GRC.
    Le rapport du commissaire a été fait à peu près en 2015. Il n'y a eu aucune action de la part de la GRC sur la Colline à la suite de ces trois recommandations. Le commissaire a même fait un suivi et, encore une fois, il n'y a eu aucune réponse. On est rendu en 2019 et aucune des trois recommandations, qui sont assez simples, à mon avis, n'a été suivie.
    Alors, on se retrouve devant des agences récalcitrantes. Quel serait votre rôle? Que pourriez-vous faire que le commissaire au Canada ne peut pas faire? Il peut faire des recommandations, mais il n'y a pas de conséquences.

[Traduction]

    La différence initiale serait que, lorsque je mène une enquête à la suite d'une plainte, je présente à l'organisation des exigences plutôt que des recommandations. Ma décision mène donc à des exigences législatives qui doivent être satisfaites. À défaut de quoi, je peux entreprendre d'autres démarches au sein de mon organisme, du commissariat. Nous pouvons infliger une amende ou saisir immédiatement un tribunal de l'affaire afin d'obtenir une injonction. Plutôt que d'avoir une série de recommandations, j'ai une série d'exigences législatives que je peux imposer, comme dans votre cas, à la police.
    Cela a plus de mordant, car plutôt que de recommander des changements, je les exige.

  (1245)  

[Français]

     Si je comprends bien, au cours de ces sept années en tant que commissaire, lorsque vous avez connu des situations similaires, vous n'avez pas fait de recommandations, mais vous avez plutôt imposé ce que vous appelez des exigences légales. Après avoir imposé ces exigences légales, est-ce que vous avez dû aller plus loin ou est-ce que les institutions ont répondu positivement à vos demandes?

[Traduction]

    D'après mes sept années d'expérience, dans 99 % des cas, l'organisme se conforme immédiatement. Nous enquêtons régulièrement sur le gouvernement du pays de Galles, qu'il s'agisse de non-respect... Il a répondu aux exigences réglementaires. Nous commençons à voir peut-être un ou deux organismes qui ne se conforment pas aussi rapidement que ce qui est exigé, et nous voulons intervenir avec plus de force, mais il ne fait aucun doute que j'ai de solides pouvoirs en matière de conformité. Ils sont solides. Je sais certainement, après avoir parlé à d'autres commissaires, que mes pouvoirs sont considérables, ce qui explique la création du tribunal pour s'assurer que je n'en abuse pas.
    Merci beaucoup, madame.
    Nous passons maintenant à Darrell Samson.

[Français]

    Merci beaucoup de votre présentation. C'est très intéressant et cela nous permet de considérer des possibilités différentes, qui pourraient peut-être s'appliquer au Canada dans le cadre de notre importante réflexion sur cette question.
    Ma question fait suite aux propos de mon collègue M. Choquette. Vous prenez ces décisions et les gens doivent agir rapidement, mais ils peuvent également dire qu'ils ne sont pas d'accord sur votre décision et décider d'avoir recours aux tribunaux. Que peut-il se passer, alors? Le tribunal peut faire une chose ou une autre et vous pouvez faire de même.
     Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire le processus qui s'ensuit dans un tel cas?

[Traduction]

    Ce que le tribunal peut faire, c'est confirmer ma décision ou me demander de la revoir. Ce sont les deux véritables options. Tout d'abord, il peut dire que ma décision est bonne et la confirmer. La deuxième option est de renvoyer l'affaire au commissaire pour la réexaminer. Habituellement, le tribunal me donne des arguments juridiques qui portent sur ce que je dois examiner. Ce sont donc les deux étapes possibles: soit que l'on confirme ma décision, soit qu'on me demande de la revoir.

[Français]

    C'est intéressant. En réalité, le tribunal vous appuie indirectement. Il peut dire que vous avez raison et, même s'il n'est pas d'accord, vous fournir des arguments pour que vous réfléchissiez davantage à votre décision. Vous pouvez faire un changement ou confirmer votre décision.
     Continuons le processus. Si vous remerciez le tribunal de vous avoir fourni des arguments pour réfléchir davantage, mais que vous maintenez votre première décision, que va-t-il arriver ensuite?

[Traduction]

    Je suis heureuse de dire que je ne me suis pas trouvée dans une situation où on a remis en question ma décision revue.
    Il est arrivé que le tribunal soit saisi de dossiers et confirme mes décisions. J'en suis heureuse.
    On m'a aussi demandé de revoir une décision à quelques reprises. Dans un cas, je n'ai pas changé de position étant donné que je croyais avoir raison sur le plan juridique. Le dossier n'a pas été renvoyé au tribunal. À d'autres occasions, j'ai changé ma décision, après avoir accepté l'argument juridique ou les éléments de l'argument avancé.
    Je n'ai pas observé de prolongation du processus. Peu d'affaires ont été renvoyées au tribunal, et lorsque c'est arrivé, c'était normalement dans des cas où les conseils étaient les bienvenus.

  (1250)  

[Français]

     D'accord. Nous allons mettre cela entre parenthèses et continuer de parler du cas où vous maintenez votre décision, mais l'institution refuse d'obtempérer. Vous imposez des amendes plus élevées, mais elle oppose toujours un refus ou ne se conforme qu'en partie, ce qui n'est toujours pas acceptable. Vous amenez alors la cause devant la plus haute cour. Que peut-il arriver dans ce cas?

[Traduction]

    La dernière étape serait le recours à une injonction d'un tribunal pour que l'organisation respecte les exigences.

[Français]

    J'aime beaucoup la façon dont vous fonctionnez. Je ne peux pas parler au nom de tous les membres du Comité, mais je pense qu'elle nous ouvre des perspectives intéressantes.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président? Une dizaine de minutes?
    Il vous reste quelques secondes.
    Madame Huws, je voudrais quand même souligner un point que vous avez soulevé plus tôt, à savoir votre rôle réglementaire et législatif, d'une part, et, d'autre part, celui que vous jouez en matière de promotion. Comme vous, je trouve que les deux fonctionnent bien. C'est probablement parce que vous aidez les institutions et le gouvernement en les appuyant et en faisant de la prévention plutôt que de leur livrer chaque fois un combat.
    Je vous remercie de vos commentaires sur cette question.
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Nous passons maintenant à M. Arseneault.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Huws.

[Traduction]

    Mon collègue, Darrell Samson, et moi sommes descendants d'Acadiens, les premiers colons de ce qui était appelé la Nouvelle-France.
    C'est très intéressant. Vous avez été un joyau pour nous aujourd'hui, juste de vous entendre...
    Ce combat — pas un combat; je n'aime pas l'appeler ainsi... Dans la mission que vous réalisez avec vos collègues et votre communauté pour protéger la langue galloise, si je comprends bien, le Welsh Language Tribunal existe seulement pour permettre aux organisations d'interjeter appel après une de vos décisions, n'est-ce pas?
    Il permet à un organisme ou à un plaignant, une personne qui s'est plainte d'un organisme, d'interjeter appel.
    Ce n'est donc pas un outil pour le commissaire, n'est-ce pas?
    Non.
    Seules deux décisions peuvent être rendues par ce tribunal. Il peut demander de revoir la décision ou la confirmer. Une fois que ce tribunal a été saisi d'un dossier, il est impossible pour un citoyen ou une organisation de porter la décision du tribunal en appel auprès d'un autre tribunal, n'est-ce pas?
    Vous avez raison.
    Vous avez dit que très peu de vos décisions se sont retrouvées devant le tribunal. Ai-je raison?

  (1255)  

    Oui.
    En sept ans, combien, en gros, ont été contestées de cette façon?
    D'après le rôle, treize.
    Le tribunal est-il tenu de conserver et de publier ses décisions?
    Oui.
    Dans ce cas, ces renseignements sont accessibles à tous.
    Oui.
    Je m'adresse de nouveau à la commissaire. Vous avez dit quelque chose d'intéressant: que pour obliger une organisation à respecter la loi, vous disposiez seulement, à un niveau supérieur, d'un tribunal. Est-ce exact?
    Oui.
    Le commissaire dispose de deux moyens. Un tribunal, pour tout contestant, personne ou organisation, de vos décisions; un autre, pour vous, pour juger des infractions. Pourquoi importe-t-il à votre commissariat de ne pas compter sur le tribunal pour appliquer la loi, plutôt que de s'adresser à un tribunal et de lui laisser imposer des amendes ou des sanctions?
    Pendant l'élaboration de la loi, il a été décidé — pour assurer l'application ou le respect des normes — d'en confier la responsabilité en première instance au commissaire, qui peut réagir rapidement et efficacement. Le législateur a jugé plus convenable de saisir le commissaire des cas de première instance et de le charger de faire respecter la loi.
    Il existe un modèle gallois. Nous avons des commissaires dans d'autres domaines, dont les pouvoirs sont moindres que les miens. Nous avons une tradition. Nous avons un commissaire à l'enfance, un commissaire aux personnes âgées, dont les pouvoirs leur viennent aussi de la loi. Les miens sont plus forts. Ce modèle nous paraît fonctionnel et, à cause de la croyance selon laquelle un tribunal peut être très impersonnel, le fait de s'adresser à une seule personne, à un commissaire indépendant, c'est un excellent modèle d'administration de la justice.

[Français]

    Ai-je encore du temps de parole, monsieur le président?
    Un peu.
    C'est bien.

[Traduction]

    Ça me paraît très efficace et très rapide avec un tribunal, mais c'est un moyen destiné aux organisations ou aux autres personnes qui ne respectent pas la loi. C'est un outil fait pour eux.
    Pour les Gallois, qui ne peuvent obtenir de solution par votre commissariat, vous devez, en votre qualité de commissaire, en appeler à la justice, à un vrai juge. Pour les personnes qui demandent d'être respectées dans leur langue, c'est un long processus.
    C'est plus rapide pour les contrevenants. Ils peuvent passer rapidement devant un tribunal.
    D'après notre expérience, le commissaire est beaucoup plus rapidement accessible que le tribunal. M'est-il permis de dire que vous parlez de la norme, que des personnes ou organisations enfreignent? D'après mon expérience des sept dernières années — j'ai peut-être été chanceuse —, les organisations du secteur public veulent respecter la loi.
    Les organisations galloises le font peut-être plus volontiers, mais c'est parfois différent dans d'autres pays.
    Prenons un cas des plus simples. Quelqu'un se présente dans un bureau de l'État, dans le pays de Galles, et sa langue, le gallois, n'y est pas respectée. Il s'adresse à votre commissariat. Vous demandez ensuite au ministère de se conformer à la loi, et il refuse. La personne qui a fait appel à votre commissariat devra attendre que vous, la commissaire, saisissiez de ce dossier un tribunal, avec un vrai juge. C'est coûteux. C'est long. Est-ce que j'ai bien compris?

  (1300)  

    Oui, mais j'ai d'autres pouvoirs, pour l'obliger à respecter la loi.
    Oh! Lesquels?

[Français]

     Monsieur Arseneault, je dois vous interrompre parce que votre temps de parole est écoulé.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Désolé, mais c'est le tour de M. Bernard Généreux.

[Français]

    Monsieur Généreux, vous avez trois minutes.

[Traduction]

    Merci, madame Huws.
    Je dois y aller rapidement, parce que nous manquons de temps.
    Collaborez-vous avec un ministre? Devez-vous répondre à un ministre?
    Devant la loi, je suis indépendante, ce qu'on appelle une personne morale individuelle. Je suis donc une personne morale. Notre financement, par le gouvernement gallois, provient du trésor public gallois, mais, en fin de compte, je suis indépendante et je réglemente aussi le gouvernement gallois. La plus grande partie de notre travail...
    Si le contrevenant, qui pourrait être le gouvernement ou un organisme privé... Si vous deviez infliger une amende de 5 000 £ à un organisme de l'État, qui paierait l'amende et à qui? Si le gouvernement est fautif, vous devriez lui imposer une amende, ce que vous n'avez jamais fait — mais ne devriez-vous pas le faire?
    Oui, je pourrais coller une amende au gouvernement gallois, mais ce ne serait pas mon premier choix, parce que ce serait un gaspillage des fonds publics, mais...
    Je pense que ce n'est pas raisonnable. Voilà pourquoi c'est le rire général ici.
    Avez-vous le pouvoir de réglementer un organisme privé aussi, comme un transporteur aérien ou une compagnie privée?
    Non. Nous réglementons les organismes du secteur public. Avant l'adoption du projet de loi, en 2011, on a longuement discuté de la possibilité de viser aussi les banques et les supermarchés. Ils ont échappé à ce sort, grâce à des lobbys très efficaces, mais on en discute toujours. On discute de la possibilité d'assujettir des éléments du secteur privé à notre loi, mais pas tout de suite.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Généreux.

[Traduction]

    Merci beaucoup, Meri, de votre contribution aux travaux de notre comité.

[Français]

    Nous aimerions vous voir en personne à Ottawa, à un moment donné. Ce fut un plaisir.

[Traduction]

     Diolch yn fawr. Merci beaucoup.
    Merci.
    La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.
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