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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités


NUMÉRO 078 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la 42e législature. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 4 octobre 2017, nous étudions le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique — de sa merveilleuse côte nord.
    Merci beaucoup à nos témoins.
    Nous entendrons en premier le représentant de Friends of Wild Salmon.
    Monsieur Nobels, allez-y.
    Je témoigne aujourd'hui devant vous pour donner mon soutien au projet de loi. Cette initiative suscite un large appui sur la côte nord où j'habite. Les habitants de la région travaillent depuis près de quatre décennies pour concrétiser ce projet.
    Dans notre mémoire, nous avons des commentaires de diverses municipalités qui ont senti le besoin de soutenir également le projet de loi. Ces municipalités ont écrit au premier ministre et au ministre lui-même. Notre député, Nathan Cullen, a également senti le besoin de prendre la parole sur cet enjeu au fil des ans. Il a proposé un projet de loi d'initiative parlementaire il y a quelques années à ce sujet.
    Pour ceux d'entre nous qui vivent sur la côte nord, c'est un endroit extrêmement important. Nous dépendons énormément des ressources de la région à des fins économiques, récréatives et personnelles. Nous vivons depuis des années dans la crainte d'un déversement d'hydrocarbures et de ses répercussions sur notre quotidien. Je ne sais pas comment vous traduire la valeur de ce qui existe à cet endroit pour nous. Nous vivons sur ce territoire depuis très longtemps. Bon nombre de nos voisins sont des Premières Nations qui occupent ces territoires depuis des siècles. Nous dépendons tous de l'océan dans la région. Nous dépendons tous des ressources. Pour nous, sur le plan économique, ces ressources sont plus importantes que les autres industries qui se sont installées dans la région. L'économie que nous souhaitons voir dans la région a trait aux pêches, aux forêts et à l'océan, soit des ressources sur lesquelles nous pouvons compter pour stimuler le tourisme pour des générations à venir.
    Nous espérons que le projet de loi nous donnera la protection que nous recherchons. Depuis de nombreuses années, nous essayons de lancer une telle initiative en vue de réussir à protéger nos maisons et la région où nous habitons. Ce territoire est un trésor national, à nos yeux. La région regorge de ressources naturelles provenant du milieu marin. Ces ressources naturelles nous permettent en grande partie d'assurer notre subsistance, et nous ne voulons pas les perdre. Nous sommes d'avis que le projet de loi nous donnera l'assurance que nous recherchons, et il en va de même pour les générations à venir. Les ressources de la région sont inestimables. Il est impossible d'en chiffrer la valeur ou de mettre un prix sur ces ressources. Par conséquent, c'est extrêmement important pour nous.
    Le Canada travaille d'arrache-pied à certains égards depuis deux ou trois décennies à protéger les océans qui encerclent notre pays et il cherche à en protéger 10 %. Nous espérons que le projet de loi jouera un rôle à cet égard et contribuera à maintenir cette protection. Pour ceux d'entre nous qui habitent dans la région, ce n'est pas simplement une question économique. Cela concerne notre style de vie et notre qualité de vie. À notre avis, même si c'est le cas depuis longtemps, nous croyons que le temps est venu d'en arriver à cette conclusion et d'enfin protéger cette région extrêmement belle.
    Je ne suis pas certain si le Comité me permet de le faire, mais j'ai apporté un livre de cuisine pour les membres du Comité. Ce n'est pas seulement un banal livre de cuisine; c'est un complément au témoignage que je vous livre aujourd'hui. Cela se veut le témoignage des gens de la région où j'habite. Les recettes sont leurs propres recettes. Les témoignages qui accompagnent les recettes serviront notamment à vous informer de la valeur que nous accordons à ces ressources qui sont à notre porte. C'est quelque chose que nous accepterions de n’échanger pour... rien au monde. Il n'y a rien au monde que nous accepterions en échange. Pour nous, l'océan n'est pas seulement un endroit qui génère une économie; c'est un endroit où nous habitons et qui nous permet de vivre.
    Il est temps de montrer à cette région le respect qu'elle mérite. Je vous demande d'étudier et d'adopter le projet de loi.
    Merci.

  (1545)  

    Merci beaucoup, monsieur Nobels; merci beaucoup de nous offrir ce livre de cuisine.
    M. Nobels a apporté un livre pour chacun d'entre nous. Comme il est seulement en anglais, j'ai besoin de votre consentement unanime pour m'assurer que chaque membre du Comité en reçoit un.
    Est-ce que j'ai le consentement unanime pour distribuer le livre de cuisine?
    Monsieur Donnelly, est-ce que vous dites non?
    Le document doit être dans les deux langues officielles pour l'accepter, mais je crois que ce serait merveilleux si vous pouviez le distribuer d'une autre manière.
    Monsieur Nobels, je vais m'assurer de les distribuer.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous rappelle de lire attentivement les passages dans le livre qui contiennent les témoignages des gens qui ont fourni les recettes. C'est leur vie; c'est leur région.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je souhaite la bienvenue à Mme Vernon, directrice de campagne du Club Sierra de la Colombie-Britannique.
    Merci de nous donner l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-48.
    Le Club Sierra de la Colombie-Britannique appuie fortement la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Cependant, pour véritablement protéger les zones côtières et tous les gens qui en dépendent, nous sommes d'avis que le projet de loi doit être renforcé de quatre manières importantes que nous décrivons dans notre mémoire écrit. Vous devriez le recevoir très bientôt, selon ce que j'ai compris. Il faut limiter l'exemption ministérielle à des situations d'urgence; inclure les hydrocarbures raffinés dans le projet de loi; réduire le tonnage maximal à 3 200 tonnes, soit le tonnage maximal nécessaire pour l'approvisionnement des collectivités en carburant, selon un récent rapport de Transports Canada, et élargir la portée géographique du projet de loi pour interdire aux navires de plus de 3 200 tonnes de transporter du pétrole brut ou des hydrocarbures raffinés dans le détroit d'Hecate, l'entrée Dixon et le détroit de la Reine-Charlotte.
    Nous croyons que ces amendements sont nécessaires, parce qu'il est réellement impossible de procéder à un nettoyage en cas de déversement d'hydrocarbures et que la côte nord de la Colombie-Britannique et la forêt pluviale du Grand Ours sont des endroits uniques et spéciaux et de véritables trésors mondiaux qu'il vaut la peine de protéger.
    Il y a quelques années, j'ai été invitée à participer à un festin organisé par les Gitga’ats de Hartley Bay. La table dans la grande maison était remplie d'aliments provenant de l'océan, soit des aliments que nous ne pouvons pas retrouver à l'épicerie: de l'eulakane fumé, de l'holothurie et de l'otarie. Les algues marines étaient particulièrement délicieuses; j'ai donc demandé aux gens pour voir si je pouvais en acheter pour en rapporter chez moi. Le lendemain matin, une femme m'a donné un gros sac d'algues marines. Elle ne voulait pas de mon argent. En retour, elle m'a dit que je pouvais les aider à arrêter les pétroliers.
    Il est difficile de trop insister sur l'importance des étroites voies navigables de la côte nord qui sont les eaux nourricières, le moyen de subsistance et la culture des collectivités côtières. C'est un endroit où nous pouvons voir un ours esprit attraper un saumon, sentir l'odeur d'une colonie d'otaries et tomber nez à nez avec des loups des côtes qui mangent des fruits de mer. Même sur la terre ferme, la forêt pluviale du Grand Ours qui est reconnue à l'échelle mondiale a besoin d'un océan en santé. Les ours mangent des pouces-pieds, et les arbres connaissent en fait une croissance plus importante les années où nous avons de bonnes remontées de saumon. Il n'y a aucun autre endroit sur terre comme cette région; nous félicitons donc le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi C-48.
    Le projet de loi est une mesure importante en vue de prévenir les déversements d'hydrocarbures. Lors d'un déversement, ce que l'industrie considère comme un succès —  une récupération de 10 à 15 % des hydrocarbures dans les endroits accessibles par beau temps —, c'est vraiment une catastrophe pour les collectivités et les écosystèmes laissés pour compte. Même si le renforcement de nos capacités d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures est une bonne chose, ce n'est pas parce que nous avons une plus grande vadrouille que cela réussira à empêcher que des déversements se produisent.
    L'an dernier, en octobre, le Nathan E. Stewart s'est échoué sur le territoire des Heiltsuks. Il s'agissait d'un remorqueur-chaland articulé qui transportait des produits pétroliers entre l'État de Washington et l'Alaska. Par chance, la citerne à produits pétroliers était vide. N'empêche que le naufrage du remorqueur a provoqué le déversement de plus de 100 000 litres de diesel, ce qui a contaminé d'importants sites de récolte et lieux culturels. L'intervention a été lente, non coordonnée et complètement inefficace compte tenu des conditions. Des barrages flottants ont cédé, et des vagues ont réussi à passer par-dessus les barrages flottants. La pêche est encore interdite. Le Nathan E. Stewart nous rappelle tristement les défis liés à l'intervention en cas de déversement dans des endroits éloignés et que les conséquences sociales, économiques et environnementales peuvent être très graves, même dans le cas d'un déversement relativement petit de produits pétroliers raffinés. Il est important de noter que je ne parle pas seulement de pétrole brut ou d'hydrocarbures persistants; je parle également des conséquences des déversements d'hydrocarbures raffinés.
    Il y a des évaluations environnementales en cours concernant deux raffineries dans le nord de la Colombie-Britannique en vue de permettre à des superpétroliers de transporter des hydrocarbures raffinés. Ces hydrocarbures non persistants sont hautement toxiques pour les organismes marins. Le risque d'un déversement d'hydrocarbures était l'une des principales raisons pour lesquelles un si grand nombre de municipalités, de Premières Nations, de syndicats, de districts régionaux, d'entreprises et de particuliers se sont opposés au fil des ans au projet Northern Gateway d'Enbridge; c'est également la raison pour laquelle des Premières Nations côtières ont interdit la navigation de pétroliers sur leur territoire.
    Le gouvernement profite d'un vaste soutien dans la population concernant une interdiction relative aux pétroliers. Cependant, les gens s'attendent à ce que le projet de loi interdise la navigation de tous les pétroliers et non seulement de certains. Comme je l'ai mentionné, nous pouvons y arriver en adoptant certains amendements qui continueront de permettre l'approvisionnement en carburant des collectivités tout en interdisant aux remorqueurs-chalands articulés ainsi qu'aux pétroliers de transporter des hydrocarbures raffinés.
    Même si le projet de loi C-48 met l'accent sur la côte nord, nous devons rappeler que les pétroliers présentent également un risque important pour les collectivités, l'économie et la faune de la côte sud de la Colombie-Britannique et que les méthaniers sont un danger pour la sécurité. Pour arriver à une véritable protection des zones côtières, il faut interdire la navigation des pétroliers et des méthaniers tant au nord qu'au sud. Ensuite, au lieu d'investir dans les capacités d'intervention en cas de déversement, nous pourrions soutenir le secteur du saumon sauvage et accroître notre production d'énergie renouvelable en vue de créer des emplois sans détruire notre climat ou exposer notre côte à des risques de déversement.
    Merci.

  (1550)  

    Merci beaucoup, madame Vernon.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à Gavin Smith, avocat-conseil de la West Coast Environmental Law Association.
    Merci, madame la présidente. Merci de nous donner l'occasion de prendre la parole devant votre comité.
    La West Coast Environmental Law Association appuie aussi fortement le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Nous avons préparé un mémoire écrit qui n'a pas encore été traduit, selon ce que je comprends. Dans ce mémoire, nous faisons valoir divers points, mais je vais me concentrer en particulier pour l'instant sur l'un de ces points, soit l'article 6 ayant trait à la disposition d'exemption qui permet au ministre d'exempter des pétroliers des interdictions en vertu du projet de loi.
    Cependant, je mentionne que dans notre mémoire écrit il est également question d'autres aspects. Nous recommandons notamment d'établir un pouvoir de réglementation pour assurer une divulgation publique appropriée de l'information ayant trait à la surveillance et à l'application des dispositions en vertu du projet de loi. Nous recommandons aussi de demander de plus amples informations à Transports Canada concernant le tonnage maximal établi à 12 500 tonnes alors que l'étude sur l'approvisionnement en carburant à laquelle a fait référence Mme Vernon mentionne que l'approvisionnement aux collectivités se chiffre actuellement à environ 3 200 tonnes.
    Je serai heureux de répondre à vos questions sur ces aspects, mais je me concentrerai sur l'article 6 et je recommanderai en particulier trois amendements à apporter à l'article 6. Selon nous, ces changements préserveraient l'objectif logique du projet de loi qui est de permettre l'approvisionnement nécessaire en carburant lors de situations d'extrême urgence tout en ajoutant trois mesures cruciales pour protéger l'objectif du projet de loi et l'accès du public aux renseignements. Je vais aborder chacun de ces points à tour de rôle.
    Premièrement, nous recommandons que l'article 6 limite explicitement le recours à la disposition d'exemption à des situations qui, de l'opinion du ministre, constituent une urgence. Actuellement, en vertu de l'article 6, le ministre peut accorder des exemptions à des pétroliers pour toute raison que le ministre estime être dans l'intérêt public ou s'il estime que c'est essentiel au réapprovisionnement communautaire ou industriel. La disposition d'exemption ne se limite pas aux situations d'urgence, et le ministre pourrait avoir recours à cette disposition pour accorder des exemptions à des pétroliers pour d'autres raisons, y compris des raisons qui iraient peut-être à l'encontre de l'objectif du projet de loi.
    Le ministre Garneau a très clairement expliqué devant le Comité et à la Chambre que l'objectif de la disposition d'exemption est d'intervenir uniquement et exclusivement en cas d'extrême urgence. Nous disons que l'article 6 devrait refléter cette affirmation pour nous assurer que la disposition n'est pas utilisée à d'autres fins.
    Deuxièmement, nous recommandons d'imposer une période de validité dans le cas des arrêtés d'exemption concernant des pétroliers en vertu de l'article 6 en permettant au ministre de les prolonger, s'il l'estime nécessaire. Nous proposons une période de validité d'un an pour les arrêtés d'exemption concernant des pétroliers et les arrêtés pour les prolonger, même si nous vous rappelons qu'il n'y a aucun chiffre magique, pourvu qu'il y ait une période de validité relativement courte.
    Actuellement, en vertu de l'article 6, le ministre peut accorder des exemptions à des pétroliers pour toute période de temps sans restriction, y compris de possibles exemptions à long terme, voire indéfinies. Nous affirmons que l'établissement d'une durée par défaut pour les arrêtés d'exemption concernant des pétroliers limiterait grandement la possibilité d'avoir recours à la disposition d'exemption pour atteindre des objectifs à long terme qui seraient incompatibles avec le but du projet de loi et cela correspondrait aussi à la réalité, parce qu'en général les situations d'urgence ne sont pas susceptibles de nécessiter des exemptions à long terme concernant des pétroliers. Parallèlement, la capacité de prolonger ces arrêtés donnerait la possibilité de maintenir plus longtemps ces exemptions, lorsque c'est nécessaire.
    Troisièmement, nous recommandons un ajout en vue de tout simplement exiger que les arrêtés d'exemption concernant des pétroliers soient publiés dans la Gazette du Canada. Actuellement, le paragraphe 6(2) du projet de loi C-48 soustrait explicitement les arrêtés d'exemption aux exigences législatives concernant la publication d'un avis public à cet égard. C'est parce que la Loi sur les textes réglementaires et ses règlements exigent généralement la publication des textes réglementaires dans la Gazette du Canada et qu'ils y donnent accès au public et qu'une personne peut en obtenir un exemplaire.
    Cependant, ces dispositions ne s'appliqueraient pas aux arrêtés d'exemption concernant des pétroliers en vertu du projet de loi, parce que le paragraphe 6(2) prévoit que la Loi sur les textes réglementaires ne s'y applique pas. La justification est apparemment de nous assurer que les arrêtés d'exemption peuvent entrer en vigueur rapidement avec le moins possible d'exigences procédurales en cas d'urgence. Nous ne proposons pas de perturber cette démarche. Nous proposons tout simplement un ajout pour d'exiger la publication des arrêtés dans la Gazette du Canada pour nous assurer que la population est adéquatement informée de ces exemptions.
    En résumé, si la disposition d'exemption à l'article 6 est pleinement utilisée dans sa forme actuelle, il serait possible d'accorder des exemptions très vastes et à long terme pour soustraire des pétroliers aux interdictions prévues au projet de loi et de le faire derrière les portes closes sans que le public puisse les examiner adéquatement, ce qui pourrait vider en gros de sa substance la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Nous comprenons très bien que ce n'est pas l'intention du ministre. Il a été très clair à cet égard. Cependant, comme le ministre l'a mentionné devant le Comité, étant donné que l'objectif du projet de loi est de préserver les côtes vierges du nord de la province pour la postérité, nous disons que les dispositions du projet de loi doivent résister à l'épreuve du temps. Cela nécessite des interdictions fermes qui ne peuvent pas facilement être contournées dans l'avenir en ayant recours à un vaste pouvoir d'exemption.
    Les trois amendements que nous proposons d'apporter à l'article 6 nous permettraient d'atteindre cet objectif et de donner une marge de manoeuvre suffisante pour accorder des exemptions à des pétroliers en cas d'urgence, tout en éliminant l'incertitude qui plane quant à la possibilité d'utiliser dans l'avenir la disposition d'exemption à d'autres fins et potentiellement à des fins qui iraient à l'encontre de l'esprit du projet de loi.

  (1555)  

    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Smith.
    Nous allons entamer la période des questions, en commençant par M. Lobb; vous avez six minutes.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de leurs exposés d'aujourd'hui. Ma circonscription est située sur la côte ouest de l'Ontario, où nous avons à coeur la qualité de l'eau du lac Huron, l'environnement et les écosystèmes qui en font partie.
    Madame Vernon, j'aime bien votre interprétation en ce qui concerne les carburants, comme le diesel, le diesel léger, l'essence, etc. Quelle serait la taille d'un navire à destination de l'une des raffineries proposées dont vous avez parlé?
    Tout d'abord, la récente étude de Transports Canada révèle clairement que, pour les besoins de réapprovisionnement en carburant des collectivités, une capacité de 3 200 tonnes est...
    Non, mais je parle de...
    Vous parlez de la raffinerie.
    Je parle plutôt du volume possible de carburant. Un navire pourrait-il transporter 300 000 ou 250 000 tonnes métriques? Avez-vous fait des analyses à ce sujet?
    Non, et je n'ai pas vu de chiffres à cet égard non plus.
    D'accord. J'étais tout simplement curieux de savoir si vous aviez effectué des analyses. Je sais évidemment que, dans le cas du bitume ou des hydrocarbures, c'est de l'ordre de 12 500, mais je voulais savoir ce qu'il en était pour les combustibles raffinés et si vous aviez analysé la taille des pétroliers pouvant circuler dans la région.
    Les deux projets de raffinerie qui sont envisagés pour la côte Nord en sont aux toutes premières étapes et, par conséquent, il ne s'agit que de propositions pour l'instant, et rien de plus.

  (1600)  

    D'après ce que je comprends, il s'agirait de superpétroliers, c'est-à-dire des navires de taille considérable. Ils ne seraient pas visés...
    C'est exact.
     Permettez-moi d'ajouter un point. Selon les documents déposés par Pacific Future Energy et Kitimat Clean Ltd., leurs produits seraient transportés par de très grands pétroliers. Il s'agit, là encore, de documents préliminaires.
    D'accord.
    La semaine dernière, nous avons reçu ici un témoin du CN et, par vidéoconférence, un représentant d'InnoTech, si je me souviens bien, pour parler de leur produit proposé, CanaPux. Je me demande si vous en avez entendu parler. La technologie n'est pas encore parvenue à maturité, mais il semble que des progrès continuent d'être réalisés, comme en témoigne notamment le dépôt de brevets. Avez-vous des réflexions ou des préoccupations à propos du transport éventuel de ce produit le long de la côte?
    Tout d'abord, je connais très peu le produit CanaPux. Je comprends de quoi il s'agit et je suis au courant de sa raison d'être, mais nous n'avons reçu que peu d'information, voire aucune, sur ce que le CN a l'intention de faire. C'est, en quelque sorte, la première fois que j'entends dire qu'on envisage de transporter le produit dans la région. Il faudrait que j'examine la proposition d'un peu plus près pour être en mesure de répondre à la question.
    Oui, et je crois qu'il faudrait surtout examiner ce qui pourrait arriver en cas de déversement dans les milieux marins. Je n'ai pas cette information, mais ce serait là une de mes préoccupations.
    Les représentants nous ont dit que si le produit se déverse dans l'eau, il finira par flotter, sans se dissoudre.
    J'ai une autre observation à faire à ce sujet, parce que nous savons que le projet Northern Gateway a été annulé et que Trans Mountain travaille encore à franchir les étapes du processus. Bien entendu, les affaires sont les affaires; les promoteurs essaieront donc de trouver un autre moyen de contourner le tout afin que ce soit dans leur intérêt. Pour en revenir au produit CanaPux, il est question des lignes ferroviaires du CN qui desservent Kitimat et Prince Rupert. Si ces deux raffineries voient le jour, il y aura une véritable expansion du trafic ferroviaire pour faire acheminer le bitume vers ces villes portuaires. Avez-vous un mot à dire là-dessus? D'une part, on annule apparemment un projet de pipeline et on propose l'interdiction des pétroliers, ce qui entrera probablement en vigueur, et, d'autre part, on prévoit maintenant un trafic ferroviaire le long de la côte. Qu'en pensez-vous?
    Je suis sûre que nous avons beaucoup à dire à ce sujet. D'ailleurs, c'est pourquoi j'ai parlé d'élargir la portée de la loi afin d'y inclure les hydrocarbures raffinés, car peu importe le mode de transport utilisé pour les acheminer vers une raffinerie — par exemple, le transport de produits pétroliers à bord de superpétroliers dans la région qui abrite la forêt pluviale du Grand Ours, un endroit unique au monde —, nous savons qu'un déversement d'hydrocarbures raffinés cause une toxicité aiguë chez les organismes marins. La question de savoir comment le produit s'est rendu là ou s'il s'agit d'hydrocarbures raffinés n'a pas d'importance. Ce genre d'incident aura toujours d'énormes répercussions sur cette région du monde, qui mérite d'être protégée.
     Les libéraux ont présenté ce projet de loi, et je sais que, de l'avis de certains groupes, ce n'est pas suffisant, mais c'est au moins un pas dans la bonne direction.
    Un des points que j'ai fait valoir, c'est que si vous y croyez vraiment, alors comment pouvez-vous accepter d'avoir 12 500 tonnes métriques d'hydrocarbures, tout en réduisant le potentiel de 300 000 tonnes métriques de carburant diesel?
    Voici donc ma question. Y a-t-il une étude ou une analyse, assortie de données, que nous pourrions consulter afin de comprendre, du point de vue scientifique, la différence entre les répercussions de 300 000 tonnes métriques de carburant diesel sur une collectivité côtière et celles de 12 500 tonnes métriques d'hydrocarbures?
    Merci, monsieur Lobb. Votre temps est écoulé.
    J'invite les témoins à essayer de répondre à cette question dans leurs prochaines interventions.
    Passons maintenant à M. Hardie.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais revenir sur la limite de 12 500 tonnes métriques. Vous avez dit que, selon une étude, une limite de 3 200 tonnes serait adéquate. Mais selon quels critères? S'agit-il de l'approvisionnement auquel aurait droit une collectivité type dans un cycle particulier?
    D'après ce que je crois comprendre, cette limite dépasse en fait ce que la plupart des collectivités recevraient. Il y a eu plusieurs cas où des collectivités ont reçu des cargaisons de cette ampleur, ou même davantage, mais il ne s'agit pas d'un approvisionnement continu. Je ne dispose d'aucune autre information, à part cela.

  (1605)  

    Voyez-vous, d'après ce qu'on peut en déduire, si une limite aussi basse était imposée à l'acheminement de produits vers les collectivités, il faudrait faire un déplacement distinct vers chaque collectivité, au lieu d'avoir une installation qui permettrait d'en desservir deux ou trois, voire même quatre en un seul trajet.
    Ce qui m'inquiète, c'est que la limite que vous proposez risque en fait d'accroître le nombre de mouvements des navires dans la région. Manifestement, plus il y a de mouvements, plus les risques sont élevés.
    Tout ce que je peux dire, c'est que la plupart des collectivités qui reçoivent actuellement ces produits font des démarches pour s'en départir. Elles veulent renoncer au diesel et aux carburants depuis des années, mais elles n'ont pas encore eu la possibilité ou les ressources nécessaires pour y arriver.
    Nous espérons que, grâce à cette initiative, ces collectivités commenceront à obtenir ce genre d'aide et qu'elles seront en mesure de délaisser les hydrocarbures et les générateurs qu'elles utilisent actuellement. Bon nombre de ces produits seront de moins en moins utilisés au fil du temps.
    Beaucoup de gens qui étudient le concept de moratoire relatif aux grands navires ne se souviennent pas de l'incident mettant en cause le Queen of the North.
    Monsieur Nobels, vous pourriez peut-être nous rappeler ce qui s'est passé.
    Je connais très bien le Queen of the North et l'incident qui s'est produit là-bas. Il s'agit d'un navire, plus précisément d'un traversier, qui faisait partie de la flotte de BC Ferries et qui s'est essentiellement échoué. C'était en raison d'une erreur humaine. Ce n'était pas dû à la technologie ou à un autre problème. C'est tout simplement le résultat de la faillibilité humaine. Nous commettons des erreurs. C'est aussi simple que cela.
    Cela demeure un problème pour nous. En effet, ce traversier gît dans les fonds marins, à 200 brasses de profondeur, et il y aura, tôt ou tard, une fuite de carburant. Juste au nord de là se trouve un autre vieux navire américain de la Seconde Guerre mondiale, qui perd du carburant depuis des années. L'année dernière, le gouvernement du Canada a dépensé une somme colossale pour essayer de nettoyer le tout.
    Nous nous attendons donc à un incident, un jour ou l'autre. Le navire ne fait que rester là pour le moment, mais à mesure que les matériaux et les métaux commenceront à se dissoudre et à se dissiper, les hydrocarbures seront relâchés dans l'eau. Il est difficile de dire quelles en seront les conséquences pour les gens de Hartley Bay et l'écosystème de la région, mais tout ce que nous savons, c'est que cela aura des effets dévastateurs.
    En tout cas, c'est beaucoup moins de pétrole que ce qu'il y aurait à bord d'un superpétrolier.
    En effet.
    Monsieur Smith, pourquoi mettre l'accent sur une publication dans la Gazette du Canada? Ce n'est pas nécessairement une publication très consultée. Pourquoi voudriez-vous publier une information en matière d'exemption là-dedans, plutôt que sur un site Web quelconque?
    Bien entendu, nous serions très ouverts à l'idée de publier cette information ailleurs. En fait, dans notre mémoire, nous proposons un pouvoir de réglementation pour permettre au Cabinet de rendre publics, entre autres, les renseignements sur l'application et la surveillance aux termes de la loi. Selon nous, une telle disposition pourrait servir à prévoir toute autre communication de renseignements.
    Si nous mettons l'accent sur la Gazette du Canada, c'est simplement parce qu'il s'agit d'un ajout facile. Ce document a d'ailleurs été utilisé dans le contexte d'autres lois fédérales par le passé, pour des arrêtés d'exemption particuliers aux termes de la Loi sur les textes réglementaires. On exige la publication dans la Gazette afin de s'assurer que la population a accès à l'information.
     Par souci de précision, avez-vous des observations à faire sur le remorqueur qui s'est échoué près de Bella Bella. Son carburant a fini par... mais je crois comprendre qu'il n'y avait aucun pilote à bord.
    Je me demande ce que vous en pensez. D'après vous — et pas nécessairement dans le contexte du projet de loi à l'étude, mais peut-être au regard des modifications apportées à d'autres règlements —, y a-t-il des mesures que nous devrions prendre pour améliorer la sécurité du trafic qui sera maintenu dans cette région.
    De notre point de vue, tous les navires étrangers qui circulent dans les eaux canadiennes devraient relever de l'administration de pilotage canadienne. Nous avons été quelque peu surpris d'apprendre que le Nathan E. Stewart avait été dispensé de l'obligation d'avoir un pilote à bord. À l'avenir, nous croyons que cela devrait être une condition pour tous les navires qui se déplacent dans les eaux internes canadiennes.
    Vous avez 30 secondes.
    Quel est l'état de la remontée des saumons dans les rivières Nass et Skeena?
    Cette année, le bilan est peu reluisant.
    Au final, nous avons géré les échappées. Toutefois, les conditions océaniques n'ont pas été favorables durant le dernier cycle. Voilà pourquoi nous avons eu droit à une année relativement mauvaise. La rivière Nass a enregistré un rendement moyen, alors que la rivière Skeena a fini par avoir un rendement inférieur à la moyenne. Cette année, les remontes étaient en retard d'environ trois semaines. Par conséquent, nous, les pêcheurs, avons raté l'occasion de pêcher certains de ces poissons. Toutefois, nous avons atteint nos objectifs d'échappée et rempli nos exigences en matière de conservation.

  (1610)  

    Monsieur Donnelly.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier nos invités de leur présence, de leurs témoignages ainsi que de leur passion pour ce sujet.
    J'ai quelques questions à poser à M. Smith, mais les autres pourront intervenir s'ils le souhaitent.
    En ce qui concerne la définition d'urgence, pourriez-vous préciser ce qu'on devrait entendre par là, selon vous? Vous avez fait allusion au commentaire du ministre sur les situations d'extrême urgence. Y a-t-il une définition que votre organisation aimerait proposer ou qui pourrait être, selon vous, un bon amendement à ce projet de loi?
    Je suppose qu'il y a deux approches possibles. La première est tout simplement d'ajouter une disposition en vertu de laquelle le ministère a le pouvoir discrétionnaire de déterminer les circonstances qui constituent une situation d'urgence. Il serait également possible d'ajouter une définition de situation d'urgence dans le projet de loi.
    Dans notre mémoire, qui n'est malheureusement pas traduit, nous indiquons en note de bas de page qu'un règlement fédéral en vigueur définit en quoi consiste une situation d'urgence. Nous vous proposons d'y jeter un coup d'oeil pour vous en inspirer. Toujours dans notre mémoire, nous affirmons que le règlement sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone dans le secteur de l'électricité thermique au charbon contient une définition de situation d'urgence.
    Pouvez-vous faire parvenir cette information au Comité?
    Certainement. Le mémoire a été remis, mais on attend que la traduction soit prête. Vous trouverez les références dans les notes de bas de page.
    Je passe en revue les amendements que vous avez proposés. Vous avez choisi une date de validité d'un an. Y a-t-il une raison pour laquelle vous avez choisi un délai d'un an, ou feriez-vous preuve de souplesse à cet égard?
    Non. L'essentiel serait d'avoir une période de validité relativement courte afin d'empêcher que les arrêtés d'exemption soient utilisés à d'autres fins que les situations d'urgence. Il n'y a rien de mystérieux dans le délai d'un an, et certaines raisons pourraient justifier un délai différent. Nous signalons également, et cela devrait être inclus dans l'amendement, que le ministre pourrait fixer un délai plus court dans l'arrêté lui-même. Bref, ce n'est pas un échéancier obligatoire; c'est simplement une limite.
    Ma dernière question concerne le point soulevé par M. Hardie au sujet de la Gazette du Canada. Y a-t-il un inconvénient, selon vous, à publier cette information dans la Gazette du Canada?
    Non, pas à ma connaissance.
    M. Lobb a demandé à un certain nombre d’entre vous de penser à une raffinerie et de vous imaginer que plus de produits étaient expédiés par voie ferroviaire. J’aimerais vous demander de vous représenter quelque chose d’autre. Imaginez-vous que ce changement s’est opéré et que les pétroliers pouvaient maintenant transporter du bitume.
    Pourriez-vous imaginer ce qu’un déversement de bitume…? Vous avez fait allusion à l’accident du Nathan E. Stewart, qui était un déversement de carburant relativement petit.
    Pendant le temps qu’il me reste, pourriez-vous vous imaginer les conséquences d’un grand déversement de bitume sur votre région et la côte Nord-Ouest?
    Peut-être que M. Nobels pourrait commencer.
    Je sais que c’est l’Halloween, mais je préférerais ne pas imaginer un scénario plus terrifiant. Je suis marin depuis toujours. J’ai été pêcheur commercial pendant plus de trois décennies. J’ai vu des déversements de pétrole de différentes tailles. J’ai vu de grandes boules de pétrole, comme on les appelle — des combustibles de soute — sur les plages. Sous le soleil brûlant, elles fondent pour enduire et tuer tout ce qu’elles touchent. Un déversement de l’ampleur de celui que vous avez décrit serait catastrophique. Il signerait l’arrêt de mort de la plupart des collectivités dans la région où je vis. Il détruirait l’économie que nous nous sommes bâtie et mettrait fin au contrôle. Honnêtement, il représenterait la fin de la vie telle que nous la connaissons. Nombre d’entre nous ne pourrions plus vivre dans la région où nous sommes. Voilà pourquoi nous sommes si déterminés à faire en sorte que ce projet de loi soit adopté. On y travaille depuis quatre décennies. Nous croyons que ce serait la pierre angulaire sur laquelle construire une nouvelle économie pour la région et qu’elle hâterait la transition vers une économie durable.

  (1615)  

    Reste-t-il suffisamment de temps pour que les autres témoins ajoutent quelque chose?
    Il vous reste une minute.
    Alors peut-être que chacun d’entre vous pourrait prendre 30 secondes pour nous dire ce que cela signifierait pour les collectivités côtières.
    C’est difficile d’ajouter quelque chose à ce que Des vient de dire.
    J’ai récemment eu le privilège de me rendre aux îles Galapagos, en Équateur, endroit connu dans le monde pour la richesse de sa biodiversité. Honnêtement, l’abondance de vie, marine et terrestre, que j’y ai vue m’a rappelé la forêt pluviale du Grand Ours sur la côte Nord de la Colombie-Britannique. La diversité qu’on y retrouve ne ressemble à aucune autre en Amérique du Nord. C’est un endroit où, sur un bateau, j’ai vu un jour des loutres de mer d’un côté ainsi que des épaulards et des baleines à bosse de l’autre. On ne sait plus où poser le regard. Il existe des cultures qui dépendent de la terre depuis des dizaines de milliers d’années. La terre et la mer sont intimement liées, si bien que la forêt pluviale du Grand Ours, les emplois dans le secteur forestier, la faune, le tourisme, les arbres, les ours, les loups et tout le reste dépendent du saumon. Toute la vie dépend de la santé du milieu marin. Les gens en dépendent. Il est ici question de la richesse de la biodiversité, de possibilités incroyables sur le plan touristique, de l’économie des pêches, des cultures. Tous ces éléments sont tributaires de la santé du milieu marin. Un déversement de pétrole catastrophique à grande échelle détruirait tout cela.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Iacono.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Hardie.
    Le Nord de la Colombie-Britannique est une région dont la nature est vierge et où se trouve la forêt pluviale du Grand Ours, mais une grande partie de la région côtière de la Colombie-Britannique est également recouverte d'une forêt pluviale tempérée.
    D'après vous, quelle incidence aura le moratoire relatif aux pétroliers dans le Nord de la Colombie-Britannique sur l'objectif global de la protection des forêts pluviales côtières dans l'ensemble de la province?

[Traduction]

    Je peux redire quelque chose à ce sujet.
    La forêt pluviale du Grand Ours est la plus grande forêt pluviale tempérée et côtière au monde qui soit restée intacte. Les accords qui ont été conclus entre les Premières Nations, l’industrie, le gouvernement et les groupes environnementaux ont été reconnus mondialement. Nous n'avons nul besoin de sacrifier l’industrie pour stimuler notre économie; nous pouvons trouver des façons de permettre aux collectivités d’être florissantes et prospères en respectant des limites sur le plan écologique. Tous ces accords qui ont été reconnus et signés dépendent d’un milieu marin sain. Le saumon nourrit littéralement les arbres. Les ours dépendent du saumon. Les limites entre la terre et la mer ne sont pas fermes; elles se fondent l’une dans l’autre. Chaque chose dépend des autres, si bien que l’intégrité des écosystèmes de la forêt pluviale du Grand Ours, qui est un véritable trésor mondial, dépend de la santé de l’océan et de mesures législatives comme le projet de loi C-48, et j’insisterais pour dire qu’elle dépend de l’interdiction du transport des pétroles raffinés et des remorqueurs-chalands articulés comme le Nathan E. Stewart, qui ont aussi une incidence sur la forêt pluviale.
    J’ignore si l’un de vous a quelque chose à ajouter.
     Comme Caitlyn l’a mentionné, il n’existe aucune séparation entre la terre et la mer: elles ne font qu’un. La terre nourrit la mer. Les éléments nutritifs arrivent de la terre par le truchement d’une myriade de ruisseaux qui s'y trouvent et qui nourrissent le milieu marin. Quant à eux, les poissons et les saumons qui parcourent ces rivières assurent un échange continuel d’éléments nutritifs entre la terre et la mer. L’un ne peut pas exister sans l’autre, et les deux seront aussi touchés l’un que l’autre en cas de catastrophe.
    Aimeriez-vous ajouter quelque chose?
    J’ajouterais peut-être un seul point.
    Il y a environ un mois, j’ai eu l’honneur de me rendre sur les territoires de la Première Nation Saik'uz, qui se trouve près de ce qui est maintenant connu sous le nom de Vanderhoof, en Colombie-Britannique. La Première Nation Saik'uz était membre de l’Alliance Yinka Dene des Premières Nations qui s’opposait à l’oléoduc Northern Gateway. J’étais présent à l’occasion d’une célébration de la fin de ce projet. Je tenais simplement à souligner que suis venu ici avec la chef Jackie Thomas de la Première Nation Saik'uz, et que les six Premières Nations formant l’Alliance Yinka Dene ont catégoriquement affirmé que la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers est un outil important pour s’assurer qu’ils conservent leurs territoires face aux projets d’oléoducs auxquels ils ont refusé de donner leur consentement. Ces propositions sont aussi de la plus haute importance pour nombre de Premières Nations et d’autres collectivités qui vivent en bordure de ce projet.

  (1620)  

[Français]

     J'aimerais maintenant poser une question au représentant de la West Coast Environmental Law Association.
     Dans une lettre ouverte, vous avez donné votre appui au projet de loi C-48 et, pour ce qui est du moratoire, vous vous êtes interrogé sur le seuil de 12 500 tonnes.
    Quels seraient vos recommandations et vos commentaires à ce sujet?

[Traduction]

    Ce que je vais dire se rapporte en partie à la question de M. Hardie.
    Nous recommandons au Comité de chercher à obtenir un supplément d’informations auprès de Transports Canada pour savoir pourquoi le seuil de 12 500 tonnes a été choisi alors que l’étude publiée par le ministère en octobre de cette année a révélé que les chalands à carburant pour ravitaillement sur la côte Nord de la Colombie-Britannique ont une capacité de chargement allant de 1 600 à 3 200 tonnes. Ce serait la capacité réelle du chaland. De toute évidence, le seuil fixé est environ quatre fois plus élevé que ce nombre. En examinant l’étude, nous n’avons pas bien compris pourquoi il serait nécessaire d’avoir un seuil quatre fois plus élevé que cette capacité de chargement.
    Nous avions suggéré que le seuil soit aussi bas que possible pour protéger la région contre les grands déversements et veiller à ce que les propositions de projets futurs entraînant une hausse considérable du transport maritime de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants dans la région ne soient pas approuvées. Nous suggérons au Comité qu’il demande un supplément d’informations à Transports Canada pour savoir si le seuil de 12 500 tonnes pourrait, dans les faits, atteindre cet objectif, et pourquoi il a été sélectionné.

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Hardie.

[Traduction]

    Merci.
    Y a-t-il autre chose dont ce projet de loi ne tient pas compte?
    Il n’y a rien que je puisse indiquer.
    D’accord. C’est bien.
    Monsieur Smith, les modifications que propose votre organisme visent-elles vraiment à empêcher un gouvernement futur de dépasser les limites fixées par le ministre des Transports actuel?
    Bien que le ministre Garneau ait clairement affirmé que la disposition servirait en cas d’urgence, on s’inquiète qu’il n’y ait aucune exigence voulant qu’elle ne soit utilisée qu’à cette fin à l’avenir. Elle pourrait être utilisée dans le cas de dérogations indéfinies, ce qui crée un risque et de l’incertitude quant à la question de savoir si, dans les faits, la disposition de dérogation pourrait servir à contourner les interdictions prévues par la loi. Cette préoccupation est bien réelle. Voilà pourquoi nous avons suggéré ces modifications — pour nous assurer que la disposition puisse atteindre son objectif de fournir des approvisionnements d’urgence sans être utilisée à mauvais escient.
    Merci, monsieur Smith.
    Nous allons maintenant passer à M. Fraser.
    Merci beaucoup.
    Je vais en revenir où nous étions sur la question de la dérogation et les craintes qu’elle suscite.
    S’inquiète-t-on vraiment du fait que quelqu’un pourrait dire que, pour des raisons économiques, c’est dans l’intérêt du public de permettre la circulation des pétroliers et d’éliminer les protections prévues dans la loi au lieu de ne l’autoriser qu’en situation d’urgence, comme le ministre l’a expliqué? Est-ce vraiment ce dont il est question ici?
    Hypothétiquement, disons qu’une industrie sur la côte voudrait accroître ses opérations de façon à avoir besoin de faire appel à des pétroliers. Il est possible qu’un ministre invoque la disposition de dérogation pour accorder ces dérogations aux fins de réapprovisionnement industriel. Manifestement, de nombreux groupes y seraient opposés.
    Oui, le but est de garantir que les interdictions prévues dans la loi fassent en sorte qu’à l’avenir — et aussi longtemps qu’elle sera en vigueur — les pétroliers ne soient pas autorisés à circuler dans la région en contravention de la loi.
    Je suis curieux d’enchaîner sur la définition d’une urgence. Je comprends que vous ayez fait allusion à un règlement que je n’ai jamais vu, mais selon vous, quel type d’urgence justifierait le pouvoir d’accorder une dérogation? Quelles sont les circonstances que nous pourrions examiner?
    Si les collectivités ont besoin d’un approvisionnement plus important parce qu’elles prennent de l’expansion et qu’elles n’ont pas l’énergie dont elles ont besoin pour réussir ou prospérer, cela pourrait constituer une urgence. À quels types de circonstances pensez-vous lorsque vous dites qu’une urgence le justifierait? Je pense que M. Smith et Mme Vernon ont tous les deux soulevé la question.
     Le ministre Garneau a soulevé une question, et nous avons compris que l’intention du projet de loi était d’intervenir en cas de catastrophe naturelle ou d’autre situation soudaine, urgente et inattendue pouvant nécessiter un approvisionnement d’urgence pour les collectivités. De notre point de vue, l’intention de cette disposition serait d’intervenir dans ces types de circonstances.

  (1625)  

     Madame Vernon.
    J’abonde dans le même sens.
    Toujours sur la question de la dérogation, vous avez parlé de la possibilité de suivre la procédure de la Gazette du Canada. J’ai tendance à croire que personne ne lit la Gazette du Canada. Si vous vouliez rendre cette question publique, il existe probablement de meilleures façons de le faire, et je reconnais que vous pourriez avoir de la latitude à cet égard.
    Ma question s’adresse à chacun des témoins. Trouveriez-vous acceptable qu’un mécanisme prévoie que si le ministre exerce son pouvoir d’accorder une dérogation et qu’il justifie publiquement sa décision pour ce faire — peut-être sur le site Web du ministère des Transports… Je ne sais pas ce que vous estimez être le meilleur mécanisme, mais ce genre de procédure vous donnerait-il le type de transparence que vous recherchez?
    Absolument, et à bien des égards, le fait d’exiger des justifications pourrait rehausser la transparence. La simple publication du décret dans la Gazette du Canada ne le nécessiterait pas, mais ce que vous suggérez serait une exigence de justifier publiquement le décret, que nous appuierions assurément.
    Je suis curieux. D’autres personnes ont-elles une opinion à formuler sur ce point?
     Pas au-delà de cela, non.
    Non.
    Au-delà de cela, je n’ai rien à ajouter.
    Lorsque je me suis penché sur la limite de jauge, fixée à 12 500 tonnes, j’ai été frappé de voir que, bien que la taille des bâtiments dont il est actuellement question a une limite de 3 200 tonnes, je ne veux pas présumer que ce qui est vrai aujourd’hui le sera aussi demain. Ne pensez-vous pas que, au fur et à mesure de la croissance des collectivités, le fait de permettre l’utilisation de bâtiments plus grands pourrait réduire la circulation en général? Le point que M. Hardie a soulevé me préoccupe beaucoup, c’est-à-dire que si vous vous limitez à des bâtiments plus petits, la circulation augmentera.
    Je suis originaire de la côte Atlantique, et nous avons énormément de pétroliers en circulation chez nous. Peut-être que dans la plupart des circonstances, nous n’avons pas les mêmes voies navigables étroites, mais ne devrions-nous pas nous attacher, à l’avenir, à réduire la circulation pour autoriser une limite de jauge plus élevée, ou pensez-vous que je suis complètement à côté de la plaque ici?
    Je pense qu’une des grandes préoccupations actuelles dont nous devons discuter concerne les barges articulées qui vont de Washington à l’Alaska et qui, en plus de n’offrir aucun avantage à la population canadienne, présentent des risques énormes pour les collectivités côtières; nous l’avons observé avec le déversement du Nathan E. Stewart, et ce n’était même pas la barge qui entrait en jeu — simplement le remorqueur. La capacité des barges articulées en question varie de 6 400 à 8 000 tonnes, ce qui est considérablement plus que ce qu’on utilise actuellement pour les collectivités côtières.
    Je comprends ce que vous voulez dire en ce qui concerne la croissance des collectivités. Cependant, j’aimerais faire remarquer que nous vivons dans un monde aux prises avec des changements climatiques et qu’il est question du fait que ces collectivités essaient de ne plus recevoir de cargaisons de diesel. De plus en plus de collectivités délaisseront les carburants fossiles au profit des énergies renouvelables, alors je crois que c’est ce que nous pouvons nous attendre à voir à l’avenir plutôt qu'un accroissement de la taille des cargaisons.
    Certainement.
    Ai-je le temps de poser une autre question ou c'est tout pour moi?
    Non. Désolé, votre temps est écoulé.
    Merci.
    Monsieur Chong, il me reste une minute pour vous.
    J'ai une question très brève.
    Merci aux trois témoins d'être venus dans la capitale nationale depuis la Colombie-Britannique pour nous livrer leur témoignage.
    Caitlyn, je pense que c'est vous qui avez fait allusion au fait que le projet de loi ne vise que la partie septentrionale de la côte Ouest du Canada. Je me demande si vous seriez en faveur d'un moratoire sur le trafic des transporteurs de pétrole brut le long de toute la côte Ouest du Canada.
    Vous avez peut-être manqué ma présentation, mais sur la côte Sud, les pétroliers présentent des risques énormes pour l'économie, les collectivités, la faune, les résidants de la région et l’épaulard, une espèce en voie de disparition qui vit dans la mer des Salish. Nous pouvons trouver d'autres façons de favoriser la création d'emplois et de soutenir nos collectivités. Il est clair que je serais favorable à un moratoire visant l'ensemble de la côte.
    Merci.
    Bien que le moratoire s'attache aujourd'hui à ce qu'on appelle la ZGICPN, soit la zone de gestion intégrée de la côte Nord du Pacifique, celle-ci représente environ les deux tiers de la côte de la Colombie-Britannique. Les habitants de la province sont généralement très favorables à ce projet de loi, aussi bien ceux qui vivent sur la côte que ceux qui vivent à l'intérieur des terres. On y est très favorable, et je suis certain qu'on le serait aussi à l'égard d'une autre prolongation de ce moratoire.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup aux témoins. Nous apprécions beaucoup vos témoignages.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes pour permettre aux témoins de changer de place et pour préparer la vidéoconférence.

  (1625)  


  (1635)  

    La séance est à nouveau ouverte.
    Pendant que nos témoins se préparent, le 9 novembre, nous étudierons le Budget supplémentaire des dépenses. Je présume, comme à l'accoutumée, que nous demanderons aux fonctionnaires ministériels ainsi qu'au ministre d'être présents.
    Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Excellent. Merci beaucoup.
    Nous accueillons maintenant Robert Hage, membre de l'Institut canadien des affaires mondiales.
    Monsieur Hage, aimeriez-vous commencer?
    Je dois dire que je me suis minuté. Mes observations durent cinq minutes et 30 secondes, alors vous m'accorderez sans doute les 30 secondes supplémentaires.
    Au cours de mes 38 ans au Service extérieur du Canada, j'ai eu l'occasion de travailler au Service juridique du ministère, notamment comme directeur général des affaires juridiques. J'ai aussi représenté le Canada à la Conférence des Nations unies sur le droit de la mer.
    J'ai rédigé deux articles en lien avec les travaux du Comité pour l'Institut Macdonald-Laurier. Le premier s'intitule « Legal Aspects of an Oil Tanker Ban: Bill C-211 », et date de 2012, et l'autre, « Risk, Prevention, and Opportunity: Northern Gateway and the Marine Environment », qui date de 2015.
    Le projet de loi C-211 a été le dernier de cinq projets de loi d'initiative parlementaire, libéraux ou néo-démocrates, déposés entre 2007 et 2011 pour interdire la circulation des pétroliers sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique dans une région se trouvant au nord de l'île de Vancouver. Dans un article, j'ai mentionné que cela ouvrait une boîte de Pandore avec les États-Unis sur des sujets comme les revendications historiques du Canada sur ces eaux, la frontière de l'enclave de l'Alaska, le passage des sous-marins nucléaires, le passage inoffensif et les droits de pêche.
    Ces cinq projets de loi visaient à interdire la circulation des pétroliers dans l'entrée Dixon, le détroit d'Hecate et le bassin de la Reine-Charlotte, une zone régie par les lois canadiennes et connue comme la zone de pêche 3. L'enjeu important porte sur la nature de la frontière avec l'Alaska, appelée ligne A-B, adjacente à l'entrée Dixon. Le Canada considère que l'arbitrage anglo-américain de 1903, qui délimite la frontière, s'applique à la frontière terrestre et maritime. Les États-Unis, quant à eux, considèrent que la ligne A-B est une frontière terrestre uniquement, et non maritime. Ils revendiquent une mer territoriale au sud de la ligne, zone que les deux pays se disputent donc, et où chaque pays arrête les bateaux de pêche de l'autre pays.
    Depuis les années 1890, le Canada soutient que l'entrée Dixon fait partie, historiquement, des eaux intérieures du Canada. Il revendique, de la même façon, le détroit d'Hecate et le bassin de la Reine-Charlotte. Alors que les projets de loi précédents interdisaient la circulation des pétroliers dans les eaux définies de la zone de pêche 3, le projet de loi C-48 interdit le transport du pétrole brut en provenance ou à destination des ports situés dans la même région.
    En misant sur l'utilisation des ports canadiens, le gouvernement s'évite une confrontation avec les États-Unis sur le statut des eaux. Le 12 mai 2017, à une question des journalistes qui voulaient savoir pourquoi le projet de loi C-48 n'interdisait pas tout simplement le passage des pétroliers dans l'entrée Dixon, le détroit d'Hecate ou le bassin de la Reine-Charlotte, le ministre Garneau a répondu que le passage est autorisé en vertu du droit international, mais que les États-Unis et le Canada ont convenu d'une zone d'exclusion volontaire des pétroliers il y a une trentaine d'années.
    Toutefois, le Canada revendique depuis des années que ces eaux font partie de ses eaux intérieures, et que le passage y est régi par les lois canadiennes et non par le droit international. Les États-Unis soutiennent quant à eux que c'est le droit international qui s'applique, et ils ont envoyé de nombreuses notes diplomatiques à cet égard.
    Le projet de loi crée la situation bizarre où les pétroliers transportant du pétrole brut peuvent encore naviguer dans ces eaux, tant qu'ils ne fréquentent pas un port canadien. De plus, la loi ne s'applique pas aux pétroliers qui transportent du pétrole raffiné. Il ne s'applique pas aux eaux situées au sud-ouest de la Colombie-Britannique, notamment au détroit de Juan de Fuca et au port de Vancouver-Burnaby, où se trouve le terminal pétrolier de Kinder Morgan.
    Le gouvernement a rejeté le projet Northern Gateway d'Enbridge, et il a toujours le pouvoir de refuser tout nouveau projet de terminal. On se demande donc pourquoi ce projet de loi est nécessaire. Le seul projet d'oléoduc et de terminal que la loi sur le moratoire touche est celui d'Eagle Spirit Energy, qui viserait à construire initialement un oléoduc traversant les terres ancestrales des Premières Nations depuis Fort McMurray jusqu'à un terminal situé sur les terres côtières de Lax Kw’alaams, au nord de Prince Rupert.
    Dans mon article de 2015, je me suis penché sur ce qui s'était passé en Alaska dans le dossier du développement pétrolier et des peuples autochtones. Le gouvernement des États-Unis a créé 12 sociétés régionales autochtones à but lucratif afin de donner aux Autochtones les moyens d'assurer leur indépendance financière grâce à la propriété collective de grandes superficies de terres qu'ils pouvaient exploiter. Les résultats ont été très positifs. Une de ces sociétés qui se trouve sur le versant nord est la plus importante société alaskienne de l'État et compte plus de 10 000 employés. Une autre, qui se trouve dans le golfe de l'Alaska, a conçu, construit et exploite l'oléoduc Trans-Alaska, en collaboration avec une des organisations de préparation et d'intervention en cas de déversement la plus importante au monde.

  (1640)  

    Même si le Canada n'a pas créé de sociétés autochtones similaires, je pense que le projet d'oléoduc d'Eagle Spirit Energy qui traverse des terres ancestrales autochtones ressemble à ce type de partenariat où les peuples autochtones sont aux commandes. Il est paradoxal que ce projet de loi mette un terme à un projet des Premières Nations qu'elles voient comme un pas important vers la réconciliation.
    Je vous remercie de votre attention et je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Leach, professeur agrégé, à l'Alberta School of Business de l'Université de l'Alberta.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Mes observations porteront principalement sur mes domaines d'intérêt, soit les marchés du brut et de l'énergie en général, de même que sur les répercussions du projet d'interdiction sur notre capacité à maximiser la valeur de nos ressources et leur transformation.
    Il importe de souligner que l'interdiction dont il est question aujourd'hui s'applique principalement aux pétroliers qui transportent toute combinaison de pétrole brut et de produits lourds ou raffinés, y compris les bruts synthétiques, tout produit plus lourd que le diesel ou le carburéacteur, en quantité supérieure à 12 500 tonnes métriques, une quantité qui en ferait, essentiellement, un produit commercialisable. Nos distributeurs de brut et de produits raffinés ne peuvent donc plus compter sur les ports stratégiques en eaux profondes de Kitimat, Kitsault et Prince Rupert. Cela offre, bien sûr, une importante protection à l'archipel de Haida Gwaii et aux îles avoisinantes.
    Il importe également de souligner que les importations et les exportations d'essence, de diesel ou de carburéacteur, de même que de GNL, ne seront pas touchées. Le GNL a une importance particulière, bien sûr, car des projets de terminaux ont été présentés ou approuvés pour chacun des trois ports en eaux profondes dont il est question.
    Cependant, j'aimerais attirer l'attention du Comité sur notre marché de produits raffinés, pour lequel on s'attend à une hausse générale de la production en raison de l'entrée en fonction de la raffinerie de Redwater, et de deux autres projets importants sur la côte Ouest, un à Kitimat et l'autre à Prince Rupert. Il est facile de dire que l'interdiction ne touche pas les produits raffinés, mais ce n'est pas tout à fait vrai, puisque certains produits nécessaires à la production seront touchés, en particulier les mazouts lourds, les lubrifiants et les cires, et poseront problème si on va de l'avant avec cette interdiction.
    Si les raisons de l'interdiction sont simples, elles se concilient difficilement avec nos autres aires maritimes protégées de cette nature.
    Pour le ministre Garneau, il s'agit de protéger une zone côtière de 400 kilomètres de forêt pluviale tempérée, un site naturel véritablement spectaculaire. Le premier ministre et le ministre ont tous les deux dit à peu près ceci, soit que la région du Grand Ours n'est ni un endroit pour un oléoduc, ni pour les pétroliers. Je pense que l'essentiel de mon propos est donc de vous rappeler tout d'abord que les déclarations de ce genre ont un coût, et ensuite qu'elles témoignent d'un manque de cohérence dans notre façon de traiter les aires protégées.
    Comme l'a indiqué M. Hage, nous n'avons pas, pour l'heure, de projets d'oléoduc qui touchent ces ports. Ceux qui restent touchent le port de Vancouver, ou l'accès sud pour ce qui est de Keystone XL. Toutefois, ces deux oléoducs ne sont pas certains.
    Je pense qu'il faut bien réfléchir avant d'éliminer des options de ports sur la côte Ouest. Il importe en outre de ne pas faire abstraction du rôle du transport ferroviaire dans les discussions. En effet, le CN transporte des quantités considérables de pétrole et de produits raffinés vers Prince Rupert et considère qu'en l'absence d'autres sites d'exportation, il serait en mesure d'accroître sa capacité à ses installations de Prince Rupert, permettant ainsi au Canada de bonifier la valeur de son pétrole brut.
    J'ai déjà parlé des raffineries, alors je n'y reviendrai pas. Au sujet du manque de cohérence, enfin, j'aimerais dire qu'il incombe au gouvernement d'avoir un plan global au sujet des zones d'importance naturelle. J'ai eu l'occasion de visiter la région. L'endroit est spectaculaire, et les paysages magnifiques, mais c'est loin d'être le seul du genre au Canada.
    J'inviterais le gouvernement à prendre en considération le fait que les pétroliers sillonnent de nombreux cours d'eau auxquels je tiens et auxquels tiennent de nombreux Canadiens, comme la côte de Terre-Neuve, le littoral de la baie de Fundy, le fleuve Saint-Laurent, etc. Je pense qu'il ne faut pas prendre une décision ponctuelle concernant une catégorie spéciale d'aire maritime protégée, mais qu'il faut bien définir les caractéristiques qui s'appliquent dans ce cas, et réfléchir aux régions où des restrictions similaires pourraient très bien s'appliquer ailleurs au pays.
    Il ne me revient pas de décider si cette région mérite une protection spéciale, mais je pense que si elle le mérite, il faudrait définir les conditions qui le justifient et voir si d'autres régions au pays mériteraient le même genre de protection.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur Leach.
    Nous passons à M. Lewis-Manning, président de la Chamber of Shipping, qui témoigne par vidéoconférence.
     Bienvenue, monsieur. Nous sommes heureux que vous puissiez vous joindre à nous aujourd'hui.
    Bonjour, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter quelques observations et de vous soumettre une recommandation au sujet de cet important projet de loi.
    Pour faire mes observations, je me place du point de vue de la navigation commerciale, du transport maritime et du commerce international en général. La Chamber of Shipping représente les intérêts des armateurs, de leurs agents, ainsi que des fournisseurs de services qui sont responsables de plus de 60 % du commerce international canadien par bateau. Nous avons aussi des membres qui transportent des liquides en vrac et des produits de toutes sortes, y compris des produits chimiques et pétroliers, et ce, tant sur la côte Est que sur la côte Ouest.
    Le transport maritime s'étend du transport de passagers à bord des traversiers et des navires de croisière, au transport des marchandises en vrac comme le grain, qui est exporté en Asie, en passant par les gros navires porte-conteneurs qui transportent les biens que les sociétés canadiennes vendent partout sur la planète, et les produits manufacturés que les Canadiens consomment au quotidien. Il va sans dire que le transport maritime et ses nombreuses retombées rejoignent les Canadiens et leur profitent dans leur vie de tous les jours.
    J'ai participé à des initiatives de conservation maritime sur les trois côtes canadiennes et sur les Grands Lacs, et je suis membre du Comité consultatif sur les espèces en péril. À titre d'ancien officier supérieur de la Marine royale canadienne, j'ai aussi été responsable du contrôle et de la coordination de la surveillance liés à la protection du littoral. La mer de la région du Grand Ours sur la côte Nord de la Colombie-Britannique est assurément l'un des écosystèmes maritimes les plus riches au monde, et elle possède une très grande importance culturelle pour ses habitants. Elle renferme en outre des ressources importantes pour l'économie de la Colombie-Britannique. Sa protection devrait donc être une priorité, et je doute que quiconque remette en question cet objectif.
    Protéger nos régions côtières va de pair avec bâtir la confiance de nos clients canadiens et internationaux. En protégeant nos régions côtières de façon responsable, nous pourrons assurer la compétitivité de nos points d'entrée commerciaux, à un moment où la concurrence, venant en particulier des États-Unis, s'accroît. La région est également un point d'entrée commercial d'importance pour le Canada. On y trouve le port qui connaît la plus forte croissance au pays, celui de Prince Rupert, de même que d'autres petits ports aux possibilités futures.
    Cela étant dit, il y a trois aspects du projet de loi qui mériteraient, à mon avis, d'être examinés par le Comité. Premièrement, il faudrait se pencher sur l'étude qui a mené à l'identification et à la liste des produits de l'annexe. La liste en a étonné plusieurs au moment de son annonce en mai dernier, et jusqu'à tout récemment, l'étude qui a mené à la décision de limiter l'accès aux produits de l'annexe n'était pas disponible.
    Dans le cadre de cette étude, il semble qu'on ait omis de consulter les armateurs et les exploitants de navire qui transportent actuellement certains produits de l'annexe. S'ils l'avaient fait, les responsables de l'étude auraient appris que la plupart des armateurs regroupent les commandes pour un même produit lors des expéditions et qu'ils gardent souvent à bord des marchandises qui sont destinées à d'autres ports. Ainsi, en ayant de multiples commandes pour un produit, ou un produit similaire, ils peuvent faire des gains d'efficacité. Le fait de limiter la quantité des produits prévus à l'annexe à 12,5 tonnes métriques pourrait avoir des conséquences imprévues, comme faire augmenter les coûts de transport ou provoquer un bouleversement complet de la chaîne d'approvisionnement.
    Deuxièmement, il y aurait lieu de vérifier soigneusement si le projet de loi ne contrevient pas aux obligations du Canada en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ou UNCLOS. Le but de l'article 9 de la Convention est d'assurer un droit de passage inoffensif à tout navire qui ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre et à la sécurité d'un pays.
    L'article 24 vient donner plus de poids à cette obligation de l'État côtier en précisant qu'il ne doit pas imposer d'obligations aux navires étrangers qui auraient comme effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice du droit de passage. De plus, les articles 194 et 211 donnent aux États le pouvoir de protéger leurs milieux marins et d'harmoniser, autant que possible, leurs lois et règlements avec les États limitrophes, et avec les règles internationales dans leur ensemble.
    Troisièmement, et c'est sans doute le plus important, le projet de loi crée un précédent dans la gestion de notre chaîne d'approvisionnement au pays et ajoute un degré de complexité à une chaîne d'approvisionnement qui comprend déjà de multiples composantes, ce qui fait du Canada un pays où il est de plus en plus difficile de fonctionner. Le projet de loi veut consacrer le principe de précaution, mais il n'offre pas de cadre constructif pour examiner adéquatement la chaîne d'approvisionnement du transport maritime sur la côte Nord de la Colombie-Britannique.
    J'aimerais faire une recommandation simple. Les modifications proposées à une mesure législative du gouvernement, le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, consacrent également le principe de précaution, mais elles exigent en outre une analyse et le recours à des données probantes pour confirmer le plan de gestion à long terme. Nous recommandons donc chaudement que la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers inclue elle aussi un libellé prévoyant une évaluation des risques au moins tous les cinq ans, afin d'éclairer le processus de réglementation des produits de l'annexe.

  (1650)  

    Ainsi, l'approche du projet de loi C-48 serait similaire à celle du projet de loi C-55, et les deux seraient harmonisées. Elle reposerait sur une analyse basée sur des données probantes, qui inclurait la participation des intervenants concernés, et permettrait de mettre en place un cadre législatif responsable et durable à long terme.
    Je vous remercie, encore une fois, de m'avoir donné l'occasion de témoigner, et je serai heureux de répondre à vos questions.
    Excellent. Vous terminez juste à temps, monsieur Lewis-Manning.
    Nous entendons maintenant Misty MacDuffee.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Je parlerai environ cinq minutes et 30 secondes, mais je parlerai peut-être un peu plus vite parce que je suis nerveuse.
    Je vous remercie de nouveau de me donner l'occasion de parler en faveur de la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.
    Comme vous le savez ou l'avez peut-être constaté de vos propres yeux, la côte Nord et centrale de la Colombie-Britannique, ainsi que Haida Gwaii, offrent un environnement sans pareil qui est de plus en plus rare non seulement au Canada, mais dans le monde. Il s'agit d'un archipel où des forêts luxuriantes et des contreforts rocheux accueillent la mer, où les grizzlis creusent le sol à la recherche de palourdes à proximité du Pacifique, où les loups nagent jusqu'à des îles distantes à la poursuite de phoques, où les orques lancent leurs appels aériens en poursuivant des saumons qui migrent sur les milliers de kilomètres pour atteindre des eaux douces entourées de forêts, et où le soleil d'été se couche alors que les baleines à bosse se nourrissent et font jaillir leur jet, entourées de milliers de puffins, d'algues et de mouettes, tous à la poursuite de petits poissons qui se reproduisent sur un rivage sablonneux ou sur le varech géant qui protège le rivage fragile de la côte.
    Tout cela pour dire que ce rassemblement d'animaux emblématiques confère à la côte de la Colombie-Britannique une qualité différente de celle de la plupart des endroits exceptionnels du monde. Ces animaux dépendent de la mer en raison d'un réseau alimentaire qui ne fait aucune distinction entre le terrestre et le marin. Les recherches scientifiques que Raincoast a publiées depuis deux décennies sur les espèces côtières confirment ce que savent les Premières Nations depuis des millénaires: le milieu côtier est un mélange indivisible de la terre et de l'océan. Ce qui arrive à l'océan a des répercussions sur les espèces terrestres. Ce n'est pas un endroit pour laisser passer des pétroliers.
    Raincoast a publié récemment trois documents universitaires qui ont un intérêt direct pour votre étude. Le premier fait suite aux sondages que nous avons effectués sur 10 000 miles marins dans les eaux visées par le projet de loi C-48, une région que nous appelons le bassin de la Reine-Charlotte. Ce document, intitulé Quantifying marine mammal hotspots, a été préparé en réaction à la preuve évidente que les humains contribuent au déclin rapide des espèces marines, particulièrement dans les zones côtières. Cette réalité fait qu'il est urgent d'identifier les endroits importants pour ces espèces, des lieux où les processus océaniques et la grande abondance d'espèces agissent en interaction pour créer des points névralgiques.
    Nous avons constaté que le Sud-Est de Haida Gwaii, la région située au large du détroit de la Reine-Charlotte, les îles Scott, l'entrée Caamaño, l'île Calvert, l'île Aristazabal, le passage de Chatham et l'entrée Dixon sont tous des endroits où on trouve une abondance exceptionnelle de mammifères marins. Ces lieux se situent tous dans les eaux visées par le projet de loi C-48.
    Un deuxième document, traitant des déversements et des mammifères marins, évalue des conséquences de l'exposition potentielle au pétrole sur 21 espèces de mammifères marins en Colombie-Britannique. Tous les mammifères marins sont intrinsèquement vulnérables aux déversements de pétrole, car ils vivent à l'interface entre l'air et l'eau, là où ils peuvent toucher, inhaler ou ingérer du pétrole.
    Nous nous sommes aperçus que les orques, les otaries de Steller et les loutres de mer de la Colombie-Britannique sont tous très vulnérables aux déversements de pétrole. Si leur degré de risque est plus élevé que celui des autres mammifères marins, c'est en raison de leur faible population, de leurs lents taux de reproduction, de leurs régimes spécialisés et de leur tendance à se regrouper en grand nombre à un endroit et à un moment précis.
    Notre troisième document, qui porte sur les oiseaux marins et la pollution chronique par le pétrole, ainsi que le livre de Mme Caroline Fox intitulé At Sea with Marine Birds, dressent la liste des espèces d'oiseaux marins dont le risque d'extinction est élevé et qui sont particulièrement vulnérables aux déversements de pétrole. Les oiseaux marins de la région sont vulnérables à tout déversement, peu importe le volume. Or, le projet de loi C-48 permet de réduire la menace de déversement de pétrole catastrophique pour les oiseaux marins et leurs habitats.
    Enfin, ce projet de loi s'attaque à un problème de plus en plus grave: celui du bruit sous-marin des bateaux qui perturbe la communication et l'alimentation des cétacés, ainsi que le risque accru de collisions. Comme sur la côte Est, le trafic maritime dans le Pacifique est de plus en plus préoccupant en ce qui concerne les grandes baleines comme le rorqual commun, le rorqual de Rudolphi, la baleine à bosse et la poignée de baleines franches du Japon, une espèce sérieusement menacée, qui habite dans ces eaux.
    Au cours de la dernière décennie, Raincoast a tenté d'expliquer ce que ces biens maritimes communs représentent aux yeux des habitants de la Colombie-Britannique. C'est simple: il s'agit d'un archipel côtier inestimable et irremplaçable qui transcende toute valeur monétaire.
    Nous avons également fait la preuve sans équivoque des changements biologiques que les systèmes marins et les espèces subissent depuis des décennies, de la dette écologique et des dangers des conséquences cachées. Nous entretenions toutefois l'espoir que l'industrialisation proposée du bassin de la Reine-Charlotte en Colombie-Britannique aille trop loin. Ma présence ici est la preuve que c'est le cas.
    Alors que nous nous apprêtons à adopter une loi imposant un moratoire sur la circulation de pétroliers, des baleines presque réduites à l'extinction il y a un siècle reviennent dans leurs aires d'alimentation ancestrales. Le projet de loi C-48 honore l'héritage écologique de la côte et les Premières Nations qui y habitent depuis des temps immémoriaux. Nous poursuivrons notre travail afin de veiller à ce que cette côte inestimable et irremplaçable continue son évolution, et nous considérerons que le projet de loi C-48 constitue une étape essentielle vers la concrétisation de cet avenir.

  (1655)  

    Merci.
    Merci beaucoup. Passons maintenant aux questions des membres du Comité.
    Monsieur Chong, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie également tous nos témoins de comparaître aujourd'hui pour nous faire part de leurs points de vue.
    Je veux d'abord poser quelques questions à M. Hage au sujet de la question territoriale dans la région visée par le projet de loi C-48.
     Je crois comprendre que les États-Unis n'adhèrent pas à la Convention sur le droit de la mer et ne reconnaissent donc pas notre souveraineté — ou celle de tout autre pays — au-delà de la limite de 12 miles. Or, nous adhérons à cet accord des Nations unies et avons une position différente à cet égard. Pourriez-vous traiter brièvement de la question dans cette région des eaux côtières canadiennes?
    La Convention, que j'ai ici, relève maintenant en grande partie du droit international coutumier. Certains éléments en faisaient déjà partie. C'était la troisième fois que les Nations unies tentaient d'établir une convention internationale, et elles y sont parvenues. Voilà qui est fort remarquable.
    Les Américains appuient certainement tous les aspects du droit de la mer faisant partie du droit international coutumier. En outre, ils doivent respecter les eaux territoriales, la zone économique, le droit de passage innocent et le droit de navigation dans la zone économique exclusive. Ils honorent toutes ces obligations et s'attendent certainement à ce que le Canada en fasse autant, comme ils nous l'indiquent sans cesse, d'ailleurs.
    Par contre, l'adhésion à l'accord confère certains avantages, comme le règlement de différends et la détermination des limites extérieures du plateau continental, particulièrement dans l'Arctique. Nous pensons que les Américains ne peuvent se prévaloir de ces avantages tant qu'ils n'adhèrent pas à l'accord. S'ils n'y adhèrent pas, c'est en grande partie en raison de l'exploitation minière des grands fonds marins, un autre facteur qui ne pèse pas bien lourd.
    Les Américains respectent tous les aspects du droit de la mer qui ont un lien avec le sujet dont nous discutons aujourd'hui. Le différend relatif à la ligne A-B — qui porte sur les limites de l'Alaska et leur nature — remonte à l'arbitrage du conflit, comme je l'ai dit, en 1903. Avant cette date, le Canada affirmait déjà que l'entrée Dixon faisait partie de ses eaux territoriales. Fait intéressant à souligner, ce n'est que plus tard que les Américains ont soulevé des objections.
     Il importe que nous continuions d'affirmer, comme nous le faisons de plus de 100 ans maintenant, que les eaux de cette région appartiennent au Canada et que nous pouvons y exercer le droit canadien. Voilà pourquoi la première tentative pour imposer un moratoire en vertu d'une loi concerne la région de la zone de pêche 3, où nous pourrions décider, selon notre interprétation, d'interdire la circulation de pétroliers.
    Je pense que le gouvernement a modifié son approche pour éviter un différend avec les États-Unis. Nous avons juridiction sur nos ports et sur tout ce qui y entre et en sort. Les Américains ne peuvent soulever aucune objection à ce sujet; c'est, selon nous, sur ce principe que se fonde le projet de loi.

  (1700)  

    J'ai une autre brève question qui concerne l'entente intervenue en 1987 ou 1988 entre la Garde côtière canadienne et la Garde côtière américaine à propos de la zone d'exclusion volontaire. Pourriez-vous nous indiquer quelle est la circulation de pétroliers autorisée par cette entente datant de 30 ans?
    Oui. Les Américains ont le droit de partir du port de Valdez, en Alaska, pour se rendre jusqu'à leurs raffineries de la baie Puget sans que nous puissions faire quoi que ce soit. Si nous avions jugé que le passage des Américains dans notre zone économique exclusive constituait une menace, nous aurions pu intervenir, mais ils ont le droit de naviguer librement dans notre zone économique exclusive à l'intérieur de la zone d'exclusion volontaire. Heureusement, nous avons convenu avec eux que les pétroliers passeraient à une certaine distance de la côte canadienne, et c'est ainsi que les choses se passent depuis 30 ans, comme vous l'avez souligné.
    C'est une mesure volontaire. Ce n'est pas...
    La mesure vise-t-elle tous les pétroliers?
    Oui, tous ceux qui vont de l'Alaska jusqu'à la baie Puget.
    D'accord.
    Une fois dans le détroit de Juan de Fuca, on se trouve en eau internationale. C'est une limite que nous avons établie avec les Américains vers 1890, et nous avons avec eux une entente à ce sujet également pour que les pétroliers arrivent du côté américain, il me semble, et ressortent du côté canadien.
    Merci.
    J'ai une question pour M. Leach.
    Il vous reste 10 secondes pour poser une question et obtenir une réponse.
    Voici une brève question, monsieur Leach. Peut-être pourriez-vous traiter de la capacité des pipelines afin de nous expliquer quelle est la capacité excédentaire actuellement et quand nous devrions manquer de capacité pour expédier le pétrole des Prairies vers les marchés internationaux.
    Nous fonctionnons essentiellement à capacité maximale aujourd'hui. La situation varie d'un mois à l'autre, mais nous avons pratiquement atteint notre capacité maximale.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fraser.
    C'était une transition parfaite.
    En ce qui concerne notre capacité de transport par pipeline et d'exportation, même si vous avez indiqué que rien n'est certain, jusqu'où les projets qui permettraient d'accroître la capacité d'exportation dans le Sud, c'est-à-dire le projet Keystone et le projet prévu dans le Sud de la Colombie-Britannique, porteraient-ils notre capacité d'exportation par rapport aux prévisions de l'Association canadienne des producteurs pétroliers? Comme nous l'avons indiqué, les exportations devraient atteindre 5,1 millions de barils par jour en 2030, selon les prévisions de l'Association. Si ces deux projets vont de l'avant, aurons-nous besoin d'une capacité supplémentaire pour réussir à atteindre ce volume d'exportation?
    Selon la dernière prévision de l'Association, si on construit le pipeline Keystone XL, élargit le réseau de Trans Mountain et effectue de petits prolongements supplémentaires aux lignes 67 et 3, nous aurions une capacité pipelinière suffisante pour le reste de l'horizon prévu par l'Association. Il n'est pas nécessaire d'accroître cette capacité. Si on revient aux chiffres de 2014 ou 2015, la demande supplémentaire en capacité d'exportation est d'un à deux millions de barils de plus par jour.
    En imposant un moratoire dans le Nord de la Colombie-Britannique, nous ne nuirons pas à notre capacité d'exportation si nous présumons que les projets Keystone et Trans Mountain seront achevés d'ici 2030. Est-ce essentiellement où cela nous laisse?
    Si vous présumez que nous ne nuisons pas à notre capacité d'exportation totale de pétrole brut, je ferais attention à la capacité d'exportation d'autres produits raffinés. Je ferais également attention au concept dont j'ai parlé au début de mon exposé, c'est-à-dire la valeur maximale de nos ressources. Même si on dispose peut-être de la capacité pipelinière, une partie des pipelines transportent du pétrole vers ce qui est et demeure un marché au rabais au centre du continent américain. Il est donc stratégiquement important d'avoir la capacité de transporter des produits vers l'Ouest, même si ces pipelines ne constituent pas un actif crucial sur le plan logistique.
    Je suis curieux. Si le projet Trans Mountain se réalisait, cela ne se traduirait-il pas par une augmentation de la valeur, conformément à l'argument que vous venez de présenter, en nous permettant d'atteindre d'autres marchés extérieurs, de l'autre côté du Pacifique, par exemple?

  (1705)  

    Il permettrait de transporter quelques barils, mais pas la totalité. Nous avons vu, la semaine dernière, l'écart entre le WTI et le Brent dépasser les 5 dollars; la différence entre l'expédition de pétrole brut à destination du milieu du continent américain et le transport par train vers la côte Ouest est telle qu'on en est presque au point où il est préférable d'envoyer le pétrole par train vers l'Ouest que de l'exporter vers le Midwest par pipeline. Si cela continue — étant donné que l'on a la capacité de transporter le produit, particulièrement par train ou par pipeline, ce qui constitue une option intéressante —, je n'exclurais pas la possibilité que même si nous disposons d'une capacité physique suffisante pour transporter nos barils, il y aurait quand même un certain avantage à expédier notre pétrole jusqu'à Prince-Rupert, particulièrement par train.
    Si le projet Trans Mountain se concrétise, dans quelle mesure cela accroîtrait-il notre capacité d'exportation quotidienne?
    Eh bien, on parle de quelque 800 000 barils à partir de l'Ouest canadien. L'influence de ce volume sur notre capacité d'exportation dépend de la configuration des terminaux de chargement et d'autres facteurs. Je dirais toutefois que cela donne une mesure assez juste de l'influence que cela a sur notre capacité d'exportation.
    Abordons maintenant un autre sujet. Au cours de votre exposé, vous avez indiqué que la limite de 12 500 tonnes empêcherait, pour ainsi dire, le trafic commercial. Est-ce parce que cela rendrait cette activité non viable sur le plan économique?
    Oui, et à cela s'ajoute le fait que le projet de loi empêche les transferts entre bateaux également. La plus grande partie du transport aux fins d'exportation commerciale ne s'effectuera pas dans de petits pétroliers à vocation générale, mais dans des navires panamax ou aframax, ou dans des bateaux de plus grande taille. On parle ici de navires 10 fois plus gros.
    Les témoins précédents ont préconisé de réduire cette limite par crainte des conséquences d'un déversement potentiel. Est-ce que la limite de 3 200 tonnes qu'ils ont proposée — laquelle, si je comprends bien, est celle utilisée aujourd'hui — restera la même?
    Oui. Si on la réduit davantage, cela n'influence pas la viabilité commerciale des transactions d'exportation. Que j'expédie 12 500 ou 3 000 tonnes, cela ne change rien. Cela nous ramène toutefois au point que M. Lewis-Manning a soulevé sur le fait que cette réduction empêche l'expédition de produits multiples et groupés, et à ce genre de questions.
    Monsieur Donnelly.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie de nouveau nos témoins de comparaître et de nous faire part de leur opinion.
    Monsieur Lewis-Manning, vous avez exprimé un certain nombre de préoccupations et formulé quelques suggestions. Vous avez recommandé d'effectuer l'évaluation du risque tous les cinq ans; l'avez-vous proposé au Comité? Autrement dit, pourriez-vous soumettre cette recommandation pour que le Comité l'ait sous forme écrite?
    C'est certainement ce que j'avais l'intention de faire dans un mémoire après ma comparution devant le Comité.
    Merci.
    Madame MacDuffee, vous avez indiqué que vous appuyez ce projet de loi. Le soutenez-vous dans sa forme actuelle?
    J'en appuie assurément la portée géographique et la substance, particulièrement si vous élargissiez la portée géographique et la restriction sur les produits pouvant être transportés, particulièrement au chapitre de ce qu'on appelle le passage sécuritaire ou non sécuritaire de petits pétroliers en Colombie-Britannique. Ce serait bien si cela pouvait se faire, peut-être au moyen d'un règlement ou d'une mesure distincte. Ce transport constitue également un risque. Nous appuyons la portée de la mesure telle qu'elle est actuellement.
    Avez-vous des amendements à proposer, comme l'on fait des témoins précédents?
    Si vous amendiez le projet de loi pour modifier la limite de 10 000 ou 12 000 tonnes transportées par des remorqueurs ou la disposition sur le passage dans la région, ce serait avantageux.
    Avez-vous une suggestion concernant...
    Voulez-vous dire au sujet de ce que la limite devrait être? Il ne faudrait pas restreindre l'utilisation que les collectivités de la côte font des carburants locaux, mais seulement le passage de ces gros chalands-citernes.
    Pourriez-vous parler du pouvoir discrétionnaire du ministre? Avez-vous des préoccupations au sujet de ce qu'il y a en ce moment dans le projet de loi concernant la capacité du ministre de décider de permettre la circulation des pétroliers, s'il estime convenable de le faire, sans que cela se limite au libellé actuel, les gouvernements futurs étant aussi inclus?

  (1710)  

    Je ferais écho aux propos de Gavin Smith, à savoir qu'il y a trop de pouvoir discrétionnaire concernant les situations d'urgence, dans ce cas particulier.
    J'ai demandé antérieurement à des témoins d'imaginer des scénarios. Nous avons imaginé des situations où il y aurait plus de navires-citernes, d'oléoducs et de trafic ferroviaire, et plus de raffineries construites dans ce secteur, au large de la partie nord de la côte. Vous avez brossé un portrait de la côte en ce moment, ce que je peux certainement imaginer et que je trouve incroyable.
    Pourriez-vous aussi imaginer ce qu'un important déversement d'hydrocarbures, ou de bitume — si on en transportait dans cette région — ferait à ces eaux et au secteur que vous avez décrits?
    Le plus difficile avec le bitume dilué, c'est qu'il conjugue les pires caractéristiques de tous les carburants. Il est hautement volatile et létal. Ses effets sont persistants à long terme. Nous n'avons pas besoin de chercher bien loin pour voir l'effet des déversements de brut en eau froide, sur cette côte, et leurs répercussions sur les populations se trouvant ailleurs, en particulier en Alaska.
    Nous avons examiné ce genre de choses sur notre côte. Nous examinons ce qui rend les populations vulnérables, les petites populations, les grands regroupements d'animaux en certains endroits ou à certains moments. Tout ce qu'il faut, c'est un déversement au mauvais moment, et les répercussions se font sentir pendant des dizaines d'années, sinon plus longtemps.
    Est-ce qu'il y en a qui vous viennent à l'esprit, concernant le secteur? Je pense au Nathan E. Stewart, par exemple — un déversement de carburant récent qu'on pourrait dire relativement petit.
    Exactement. C'était un petit déversement, d'une substance jugée moins dangereuse que d'autres. Cela vous montre vraiment les conséquences des combustibles légers, du diesel et des combustibles plus raffinés, ainsi que la portée et l'incidence des petits déversements.
    Monsieur Iacono.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
    Le Nathan E. Stewart s'est échoué à Bella Bella, en 2016, déversant plus de 110 000 litres de diésel qu'il transportait. Selon les reportages, le déversement a menacé la faune et compromis les moyens de subsistance de la communauté autochtone de la région.
    Quelles mesures pourrait-on prendre pour atténuer le risque que des déversements de moindre envergure se produisent dans des écosystèmes fragiles, particulièrement lorsque les collectivités dépendent de l'aquiculture pour leur subsistance?

[Traduction]

    C'est une excellente question. Je pense qu'il faut essayer de ne plus avoir à se fier tant à ces combustibles. Je pense qu'il ne faudrait pas en augmenter le transport dans cette région. Le risque est déjà élevé, et nous devons travailler à le réduire, et pour ce faire, les collectivités devront essentiellement s'éloigner des produits pétroliers pour la production de l'énergie dans leurs collectivités.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait ajouter quelque chose à cela?
    Si vous me le permettez, monsieur Iacono, je pense qu'un des principaux aspects — et c'est la raison pour laquelle j'en ai parlé dans mon exposé —, c'est que nous séparons depuis toujours la protection marine et la planification du risque. L'une des préoccupations que j'ai avec ce projet de loi, c'est qu'il n'encourage pas en fait l'intégration de ces deux fonctions, aussi bien au sein du gouvernement fédéral et parmi les intervenants touchés. Il faut absolument le faire. Je crois que l'intention est là, dans le Plan de protection des océans, mais nous n'avons pas encore vu cela se matérialiser. C'est un aspect clé de la façon de protéger et de gérer nos côtes.

[Français]

     Je vais céder le reste de mon temps de parole à mon collègue M. Hardie.

[Traduction]

    Monsieur Hardie.
    Merci, Angelo.
    Monsieur Lewis-Manning, des témoins du groupe précédent ont exprimé des préoccupations concernant la combinaison des unités articulées remorqueurs-chalands. C'était, semble-t-il, le cas du Nathan E. Stewart. Le déversement n'est pas venu du chaland comme tel, mais plutôt du remorqueur. Si le chaland avait été chargé, la situation aurait peut-être été beaucoup plus difficile. Les unités articulées remorqueurs-chalands comportent-elles des risques inhérents additionnels?

  (1715)  

    À première vue, non, mais pensez à mes derniers commentaires. Nous n'avons pas vu de rapport du Bureau de la sécurité des transports, alors je ne veux pas faire de suppositions sur les causes de cet accident, mais je dirais que c'est un aspect particulier du transport maritime sur la côte qui mériterait qu'on l'étudie. L'Administration de pilotage du Pacifique a mené une étude immédiatement après l'échouement, concernant les dispenses de pilotage, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin. Je me répète, mais il est important d'intégrer la planification de la protection marine — fondée sur la compréhension des répercussions — avec la planification du risque. Il faut que cela prenne de l'ampleur dans nos capacités sur toutes les côtes canadiennes, mais je pense qu'il faut accélérer cela dans le contexte de la côte du nord de la Colombie-Britannique.
    J'ai une plus longue question que je vais devoir garder pour plus tard, en espérant avoir l'occasion de la poser.
    Monsieur Leach, on nous a demandé d'inclure tous les produits pétroliers dans l'interdiction. Que savez-vous de la segmentation que nous avons faite, des hydrocarbures ou des produits persistants par rapport aux autres, qui feraient que la liste non incluse dans la loi est acceptable, d'après vous? Quelles sont les propriétés?
    Encore une fois, je ne suis aucunement spécialiste de l'intervention en cas de déversement ou du comportement des hydrocarbures déversés, alors j'évite de faire des observations à ce sujet.
    Là où j'ai signalé la liste et où je trouve qu'il y a des problèmes, premièrement, dans la mesure où cela serait lié à toute installation de raffinage potentielle sur la côte Ouest, il faut comprendre que ces raffineries produisent un vaste éventail de produits. Il ne s'agit pas simplement de dire que nous voulons les produits à valeur élevée, mais pas les autres, ou que nous voulons les produits légers, mais pas les produits lourds. Il faut veiller à avoir les possibilités de déplacer ces produits. Pour une grande partie des produits de raffineries, les marchés ont tendance à être plus limités, et il serait avantageux d'avoir un marché d'exportation.
    Nous avons vu les dernières prévisions de l'Office national de l'énergie. On prévoit que la demande de combustibles fossiles et de produits raffinés atteindra son niveau le plus élevé au Canada. C'est déjà le cas de l'essence, selon leur analyse. Nous allons constater un effort accru de nos raffineries actuelles pour pouvoir acheminer ces produits vers les marchés. Ils ne se trouvent pas aux États-Unis. Les États-Unis vivent les mêmes changements que nous, et ils sont déjà un important exportateur net de produits. Si nous voulons que ces raffineries continuent d'avoir des marchés pour leurs produits...
    L'accent est mis sur l'essence, le diesel et le carburant aviation, mais il faut que tout puisse être acheminé vers les marchés ayant la plus haute valeur pour que ces entreprises soient aussi viables que possible.
    Merci beaucoup, monsieur Leach.
    Monsieur Badawey.
    Merci, madame la présidente. Je vais poser quelques questions rapides, puis je vais laisser le reste de mon temps à M. Hardie, car je suis sûr que c'est d'un plus grand intérêt pour lui, puisqu'il s'agit de son secteur et de sa compétence.
    En ce qui concerne le moratoire volontaire, il est en place depuis 1985. Depuis ce temps, des évaluations environnementales ont eu lieu, et ces évaluations environnementales ont en fait été liées à des évaluations économiques, à la suite desquelles il y a eu des recommandations qui ont inclus des collectivités, des municipalités, des Premières Nations, etc.
    Ma première question est la suivante. Qu'est-ce qui va changer, d'après vous, si le projet de loi visant le moratoire est adopté et devient une loi?
    Une voix: Est-ce que la question s'adresse à moi?
    M. Vance Badawey: À quiconque veut répondre.
    Je crois que la plus grosse différence, c'est que la zone d'exclusion sert au transit et n'est pas une escale, alors qu'il s'agit d'un projet de loi visant les escales. Ce n'est pas un projet de loi inoffensif; c'est un projet de loi qui empêche ce que la zone d'exclusion n'empêche pas en ce moment, soit l'entrée de grands bâtiments dans les ports, principalement à Prince Rupert, mais aussi dans d'autres ports en eau profonde.
    Merci. La Great Bear Initiative des Premières Nations de la côte a commandé une évaluation environnementale, une évaluation économique du développement de la côte nord du Pacifique afin de cerner les activités économiques, traditionnelles et autres qui se déroulent dans cette région. Je suis sûr que vous êtes au courant de cela. De plus, ils ont évalué les répercussions du déversement d'hydrocarbures sur les activités commerciales et traditionnelles des Premières Nations de la côte.
    Là où je voulais en venir, c'est qu'une fois l'analyse complétée, ils ont aussi conclu que les coûts d'un déversement — un seul — pourraient dépasser les profits de la collectivité dans son ensemble sur toute la durée d'un projet. Comment les organismes municipaux et les pétrolières peuvent-ils tenir compte de cela et chercher à atténuer ces risques?

  (1720)  

    Voulez-vous commencer?
    Oui. Pour répondre à la question sur le changement possible, je pense que c'est exactement cela. Les pétroliers peuvent éviter les ports. S'ils veulent expédier dans ce secteur, ce ne serait tout simplement pas à partir d'un port canadien, mais ils auraient encore le droit de naviguer et de faire transiter le contenu dans ce secteur en général. D'une façon, ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais c'est vraisemblablement ce que vous allez obtenir avec cela.
    Pouvez-vous répondre à la deuxième question?
    Pour la deuxième question, cela dépend. Je pense qu'il y a manifestement des mesures que vous pouvez prendre en réponse à cela. J'ai parlé de l'Eagle Spirit, et je pense que vous allez en entendre davantage à ce sujet jeudi. Il y a un groupe de neuf Premières Nations qui est prêt à installer un système qui acheminera le pétrole jusqu'au nord de Prince Rupert. Ce sera quelque chose. Vous pouvez leur demander comment il compte s'occuper de cet aspect en particulier. D'une certaine façon, il n'y a pas d'autre option. La situation, c'est que vous n'aurez pas de terminaux sur la côte du Pacifique, et ce n'est pas à cause de ces mesures législatives, mais parce que le gouvernement exerce un contrôle là-dessus. Encore là, je pense que vous devez vous interroger sur l'objet de ce projet de loi.
    Merci.
    Je vais maintenant laisser la parole à M. Hardie.
    Vous avez une minute.
    Monsieur Leach, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur ce que vous avez mentionné. Il y a des produits dont nous ne permettrons pas l'expédition par pétrolier, alors que d'autres seront permis, et qu'ils seront présents dans les ports, surtout s'il s'y trouve une raffinerie. Si nous avions une raffinerie à cet endroit, est-ce que vous auriez à vous occuper de sous-produits qui rendraient essentiellement une raffinerie non durable sur le plan de l'économie?
    J'imagine qu'il faudrait se demander quelle est la vision des marges de raffinage futures. Construire une nouvelle raffinerie — et j'ai beaucoup écrit à ce sujet — est une proposition difficile sur le plan économique, à moins que vous créiez des restrictions pour la rendre économiquement viable. D'une certaine manière, ces mesures législatives modifieraient les arguments économiques pour une raffinerie, car une façon d'éviter...
    Serait-ce pour le meilleur ou pour le pire?
    Pour le meilleur, mais au détriment de la valeur de notre brut. Cela ne crée pas de valeur; cela ne fait que transférer la valeur à l'intérieur de la chaîne d'approvisionnement. Si vous ne pouvez pas expédier de mazout lourd, de mazout léger, de cires, de lubrifiants ou d'autres produits que vous voulez produire de façon efficace sur le plan économique, vous réduisez la valeur de la raffinerie.
    Pour revenir un peu sur les propos de M. Lewis-Manning, bon nombre de ces navires qui transportent ces produits efficacement ne déplacent pas nécessairement un gros chargement directement à partir de cette raffinerie, mais ils vont ramasser des produits à divers endroits le long de la côte afin de les acheminer ailleurs. En empêchant l'accès à ce navire, même pour ramasser des produits relativement mineurs dans une raffinerie de la Colombie-Britannique ou de l'équipement ferroviaire en Alberta, vous risquez de restreindre la valeur de ce traitement.
    Merci beaucoup, monsieur Leach.
    Monsieur Lobb.
    Je vais céder mon temps à M. Chong.
    Merci, monsieur Lobb.
    Monsieur Leach, j'ai d'autres questions sur la capacité des oléoducs. Si j'ai bien compris, vous avez dit tout à l'heure que les oléoducs fonctionnent presque à plein rendement en ce moment. Selon mes calculs, avec l'approbation par le gouvernement libéral de l'oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, cela permettra l'acheminement d'environ 590 000 barils de plus par jour. Avec l'approbation de Keystone Excel par l'administration Trump, il s'ajoute encore 800 000 barils par jour.

  (1725)  

    Ce sont 830 000 barils de plus par jour.
    Selon mes calculs approximatifs, les oléoducs qui ont été approuvés permettront que 1,39 million de barils de plus par jour soient exportés de l'Alberta.
    En juin dernier, l'Association canadienne des producteurs pétroliers a révisé ses plus récentes prévisions de croissance pour la production de sables bitumineux et la production de pétrole brut classique et a affirmé qu'elle prévoit que la production de pétrole au Canada passera de 3,85 millions de barils par jour l'an passé à 5,1 millions de barils par jours en 2030. Ce sont 1,2 million de barils de plus par jour.
    Il semble que les deux nouveaux oléoducs que le gouvernement actuel a approuvés suffiront à l'acheminement d'une grande partie de l'augmentation de la production pétrolière que nous aurons sur les 12 prochaines années.
    Comptez aussi la raffinerie Redwater et ses 50 000 barils par jour.
    Oui.
    En tant qu'économiste, estimez-vous qu'il faut construire des oléoducs additionnels pour répondre à cette production accrue, ou plutôt que ce que nous avons est suffisant?
    Si ces oléoducs se concrétisent, notre marché sera bien servi. J'ai récemment écrit dans le Globe and Mail que la réalisation d'un autre projet — l'exemple étant Énergie Est à ce moment-là — correspondrait à une surcapacité pipelinière et à un réseau de transport inefficace.
    On peut donc dire que d'ici à 2030, si les projections sont justes — et je dis bien « si » —, le moratoire imposé dans le projet de loi est un peu inutile, car l'offre additionnelle sera acheminée au moyen des deux oléoducs proposés et approuvés.
    Nous acheminons une partie du pétrole par train en ce moment, il faut le préciser. Alors je ne dirais pas que c'est complètement inutile, car je suis sûr que le CN et d'autres transporteurs ne seraient pas d'accord.
    Merci. Je n'ai pas d'autres questions.
    Monsieur Sikand, vous avez deux minutes et vous êtes le dernier sur la liste.
    Je vais poser ma première question à M. Lewis-Manning.
    Avez-vous le nombre de navires en provenance et à destination des ports de la côte de la Colombie-Britannique?
    Je ne l'ai pas à portée de la main, mais le nombre de passages pour toute la côte de la Colombie-Britannique se situe autour de 10 000 à 12 000 annuellement. Cela dépend fortement du sud de la Colombie-Britannique.
    D'accord.
    Connaissez-vous le pourcentage de navires qui transportent des produits pétroliers?
    De manière générale, les produits pétroliers peuvent être très variés — des huiles lourdes, des huiles légères et des produits chimiques. Le pourcentage est assez faible. C'est certainement sous 10 %.
    C'est dans l'ensemble. Ce serait donc encore moins pour les pétroles lourds? Peut-être 5 %?
    Ce serait nettement moins. Je dirais autour de 3 %, mais il faudrait que je vérifie.
    D'accord.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme MacDuffee.
    Si le moratoire prévu dans le projet de loi était adopté, je présume que cela ne ferait que changer la trajectoire des navires. Craignez-vous que le sud de la côte soit touché par un déversement?
    Absolument. Je dirais qu'il faudrait appliquer cela à toute la côte, mais je ne veux pas embrouiller les choses avec le projet de loi dont vous êtes saisis.
    Nous considérons que la partie nord de la côte est périlleuse et rude du point de vue de la navigation, mais au sud, le problème, c'est le volume de trafic maritime, ce qui fait que le risque est très élevé. Nous avons, dans certains cas, des populations plus vulnérables et menacées dans la partie sud de la côte. Pensez seulement au risque que pose aux épaulards résidents du Sud le bruit causé par le trafic accru des pétroliers de Kinder Morgan. Cependant, selon une modélisation que nous avons faite, un déversement pourrait couvrir jusqu'à 80 % de l'habitat essentiel. Les résidents du Sud risquent très fortement de se trouver dans cet habitat essentiel. Les incidences pour une seule population d'épaulards de la partie sud de la côte pourraient être catastrophiques.
    Merci.
    Merci beaucoup à nos témoins. Nous en avons beaucoup appris, cet après-midi, alors je vous remercie tous beaucoup.
    Merci aux membres du Comité.
    La séance est levée.
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