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HESA Rapport du Comité

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Un régime d’assurance médicament universel pour tous les Canadiens : Une nécessité

Sommaire

Beaucoup de questions restent encore sans réponse dans la foulée de l’étude du Comité permanent de la santé (HESA) sur l’instauration d’un régime national d’assurance-médicaments. Fruit de plus de deux années de travail, le rapport Un régime d’assurance médicament universel pour tous les Canadiens : Une nécessité, qui repose sur plus de 99 témoignages, présente les constatations et les recommandations de la majorité des membres du Comité. Or, les provinces et les territoires, qui ont compétence en la matière, n’ont toujours pas été consultées, de sorte que des questions continuent de se poser en ce qui concerne la mise en œuvre d’un tel régime, sans compter les disparités dans le calcul des coûts.

D’abord, il y avait beaucoup d’éléments inconnus et d’estimations des coûts dans le rapport du directeur parlementaire du budget (DPB). Qu’il s’agisse des données qui n’étaient pas à jour ou des incertitudes sur le plan des compétences dans le domaine, de nombreux aspects abordés dans le rapport du DPB méritent d’être étudiés plus en profondeur, à l’aide de ressources adéquates. Par exemple, se fondant sur des données parues en 2002, le rapport suppose que 2 % des Canadiens ne bénéficient d’aucune couverture, alors que des données plus récentes suggèrent que ce taux s’approche plutôt de 10 %. Un tel écart représente des coûts additionnels par rapport aux estimations du DPB. Dans son rapport, le DPB prévoit un coût total des médicaments d’ordonnance au Canada différent de celui avancé selon des données plus récentes. Bref, le coût réel de mise en œuvre du régime proposé pourrait être considérablement plus élevé que le montant présenté au Comité.

Deuxièmement, des pays de l’OCDE, le Canada occupe le premier rang, ayant le coût le plus élevé de médicament d’ordonnance par habitant dans le monde[1]. Avant d’adopter un régime national d’assurance-médicaments, il faut s’attaquer à ce problème pour réduire les coûts et rendre tout plan abordable pour les contribuables. Il faut aussi mettre au point un plan pour financer un tel régime avant toute mise en œuvre, par exemple en misant sur les achats massifs, en passant à des marques génériques, en corrigeant le problème des prescriptions excessives ou en rendant disponibles en vente libre des médicaments d’ordonnance.

Troisièmement, de nombreuses questions se posent quant à l’impact d’un régime national d’assurance‑médicaments sur les compagnies d’assurance privées : pertes d’emplois; volonté des Canadiens qui bénéficient actuellement d’une couverture privée supérieure de passer à un régime public; et compétence des provinces et des territoires en la matière. À l’heure actuelle, 88 % des Canadiens bénéficient d’une couverture des médicaments d’ordonnance par l’entremise de régimes d’assurance privés ou publics[2].

Incertitude quant aux coûts

Le rapport du DPB estime que 2 % des Canadiens n’ont aucune forme de couverture et calcule le coût d’un régime en conséquence, mais ces données remontent à 2002[3]. Selon des rapports plus récents produits par Steve Morgan, près de 10 % des Canadiens n’ont aucune forme de couverture et 10 % ont une couverture comportant des lacunes[4]. De plus, selon le rapport du DPB, les dépenses totales annuelles en médicaments d’ordonnance s’élevaient à 24 milliards de dollars[5]. Or, selon l’ICIS, ce montant s’élève à 39,8 milliards de dollars[6]. L’écart entre ces deux sommes est la preuve qu’il faut mener une étude plus approfondie sur la question[7].

Selon le rapport du DPB, les régimes d’assurance publics ont assumé 13,1 milliards de dollars des dépenses totales en médicaments d’ordonnance, et les régimes d’assurance privés, 10,7 milliards de dollars[8]. On affirme qu’un régime national d’assurance‑médicaments pourrait être mis en place pour un coût additionnel net de 5 milliards de dollars. On n’a toujours pas déterminé où l’on irait chercher cet argent. On mentionne seulement une hausse possible des impôts, ce à quoi les conservateurs s’opposent.

Le rapport du DPB estime également que l’on pourrait réaliser des économies de 4 milliards de dollars en misant sur l’achat massif de médicaments à l’échelle des provinces. L’Association canadienne du médicament générique (ACMG) a toutefois réfuté cet argument, affirmant que les prix sont déjà établis dans le cadre d’une entente convenue en 2014 avec l’Alliance pancanadienne pharmaceutique[9]. Il n’est pas nécessaire de mettre en place un régime national d’assurance-médicaments pour permettre aux provinces et aux territoires d’effectuer des achats massifs.

Il vaudrait également la peine d’examiner d’avantage pourquoi le Canada dépense beaucoup plus en médicaments d’ordonnance que les autres pays de l’OCDE, soit 713 $US par habitant comparativement à une moyenne de 515 $US pour les autres pays[10]. De plus petits pays, comme le Danemark, dépensent aussi peu que 240 $US par habitant[11]. En élaborant des plans pour corriger ces écarts de prix, on pourrait rendre le régime national d’assurance médicament non seulement plus abordable, mais aussi plus réaliste.

Dans la même veine, la recommandation 16 du rapport du Comité propose la création d’un système de données nationales sur l’utilisation des médicaments d’ordonnance au Canada afin de faciliter la gestion de ces médicaments au pays. Nous nous opposons fermement à cette recommandation puisque le présent gouvernement n’a pas démontré qu’il était en mesure de gérer des programmes nationaux de gestion de données, comme Phénix, et parce qu’aucun coût n’a été établi pour cette mesure.

Incidence sur les compagnies d’assurance privées

Les régimes d’assurance privés assument 10,7 milliards de dollars des 28,5 milliards dépensés en médicaments d’ordonnance chaque année[12]. Si un régime national est adopté, il est fort probable que le secteur privé n’assume plus cette part. Il est important de comprendre les pertes d’emploi de l’industrie qui risquent de se produire et de savoir si ces emplois seront tout simplement transférés à la nouvelle entité chargée de l’administration du régime.

Il est également important de se demander si les Canadiens qui sont actuellement couverts par des régimes d’assurance privés sont prêts à passer à un régime public obligatoire qui risque fort de leur offrir une moins bonne couverture que celle dont ils bénéficient déjà. Il faut s’attendre à ce qu’un grand nombre de syndicats, qui se sont battus pour obtenir ce que l’on considère d’excellents régimes d’assurance, soient réticents à passer un régime public et à ce qu’ils contestent ce changement devant les tribunaux. Il est nécessaire de mieux comprendre ce qu’implique le passage de régimes privés à un régime public et de mieux informer le public au sujet des changements proposés.

Le champ de compétence des provinces

L’une des questions qui n’échapperont pas aux discussions, quel que soit le régime national d’assurance-médicaments, est celle du rôle des provinces et des territoires et des limites qui circonscrivent leur champ de compétence. Dans l’état actuel des choses, les provinces et territoires ont compétence relativement à la couverture des médicaments d’ordonnance dans leurs régions respectives. Dès lors, chacun établit son formulaire, ses critères d’admissibilité et ses programmes et procédures pour les médicaments d’exception. L’établissement par le gouvernement fédéral d’un formulaire national suppose des négociations considérables et la possibilité pour les provinces de refuser leur adhésion.

Il faudra également déterminer qui paiera pour assurer sous les régimes provinciaux et territoriaux les personnes qui détiennent actuellement une assurance privée. En comité, le gouvernement a recommandé un partage du coût dans une proportion de 50/50 ou de 75/25 entre l’État fédéral et les provinces et territoires. Cependant, il est probable que plusieurs provinces et territoires demandent à l’État fédéral d’assumer la totalité du coût du programme, d’où l’importance d’en connaître le coût véritable. 

Les solutions de rechange à un régime d’assurance-médicaments

Bien que l’établissement d’un régime d’assurance-médicaments ait été le sujet principal de l’étude et du rapport du comité, il existe déjà beaucoup d’autres moyens d’améliorer l’accès aux médicaments d’ordonnance au Canada.

La majorité des témoins qui ont comparu devant le comité ont convenu qu’il y avait au Canada des écarts dans la couverture des médicaments d’ordonnance et des disparités entre les divers régimes fédéraux, provinciaux, territoriaux et privés. Cependant, tous ne convenaient pas que l’établissement d’un régime national d’assurance-médicaments serait la meilleure solution. Beaucoup ont admis ne pas connaître avec exactitude l’ampleur et la nature des écarts étant donné l’insuffisance, la désuétude et le caractère souvent contradictoire des données citées. Selon Neil Palmer, président et consultant principal de PDCI Market Access, il faudrait recueillir des données additionnelles sur l’ampleur des écarts de couverture pour pouvoir instaurer un programme national de manière responsable[13]. En guise d’options pour remédier à ces écarts, des témoins ont proposé d’améliorer les programmes provinciaux et territoriaux, de créer un programme ciblant les Canadiens non assurés, ou encore d’instaurer un programme universel d’assurance-médicaments.

Une option intéressante et génératrice d’économies consisterait à permettre la vente libre au Canada de médicaments qui sont offerts sans ordonnance aux États-Unis et au Royaume-Uni depuis plus d’une décennie. L’Association des produits de consommation a dit au comité qu’on économiserait ainsi des milliards de dollars par rapport à ce qu’il en coûte pour délivrer ces médicaments sous ordonnance. En appliquant cette mesure aux trois principaux médicaments concernés, on économiserait 1 milliard de dollars[14].

Ces économies, conjuguées aux économies d’échelle et à celles qui pourraient être réalisées grâce à l’utilisation accrue des substituts génériques ou au choix plus judicieux des médicaments (p. ex. dans le cas des médicaments prescrits contre l’hépatite C ou le diabète, qui sont de 5 à 20 fois plus chers que leurs substituts), pourraient servir à combler une partie des fonds requis pour garantir une couverture à tous les Canadiens.

Le tout respectueusement soumis.




[1] ICIS, Fiche d’information : Coup d’œil sur les dépenses en médicaments, 2017, p.1.

[2] Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB), Coût d’un programme national d’assurance-médicaments de régie fédérale, 28 septembre 2017, p.29

[3]DPB, Coût d’un programme national d’assurance-médicaments de régie fédérale, 28 septembre 2017, p. 29.

[4] Steven G. Morgan et. Coll., « Coût estimé d’une couverture publique universelle des médicaments d’ordonnance au Canada », Journal de l’Association médicale canadienne, 16 mars 2015. 

[5] DPB, Coût d’un programme national d’assurance-médicaments de régie fédérale, 28 septembre 2017, p. 35.

[6] ICIS, Fiche d’information : Coup d’œil sur les dépenses en médicaments, 2017, p. 1.

[7] DPB, Coût d’un programme national d’assurance-médicaments de régie fédérale, 28 septembre 2017, p. 35.

[8] Ibid., p. 54.

[9] Emily Haws. “Pharmacare Not Really the Answer to Llowering Drug Prices, Say Industry Associations.” The Hill Times, 17 Nov. 2017. https://www.hilltimes.com/2017/11/15/pharmacare-not-really-answer-say-industry-associations-despite-academic-saying-otherwise/125520

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] DPB, Coût d’un programme national d’assurance-médicaments de régie fédérale, 28 septembre 2017, p. 35.

[13] HESA, Témoignages, 2 mai 2016 (W. Neil Palmer, président et consultant principal, PDCI Market Access). 

[14] Produits de santé consommateurs du Canada – Le Conference Board du Canada. 3 Novembre 2017, Valeurs des produits de santé destinés aux consommateurs, p. iii.