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ACVA Rapport du Comité

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Sortir du bourbier : résorber l'arriéré des demandes d'invalidité à Anciens Combattants Canada

Introduction

Les arriérés actuels dans le traitement des demandes de prestations d’invalidité ont été révélés par une série d’articles de la Presse canadienne publiés en 2017. Le premier, en janvier 2017, affirmait que, selon des documents obtenus par une demande d’accès à l’information, seulement 52 % des 6 023 demandes reçues entre avril et juillet 2016 avaient été traitées à l’intérieur d’un délai de 16 semaines, délai fixé comme norme de service par Anciens Combattants Canada (ACC). Un autre article, en décembre 2017, révélait qu’environ 29 000 demandes étaient en attente de traitement à la fin de novembre 2017. Le ministère a reconnu qu’il peinait à répondre à l’augmentation rapide du nombre de demandes présentées, et s’est engagé à adopter les mesures nécessaires, dont un financement pour l’embauche de personnel temporaire annoncé dans le budget de 2018. Malgré ces efforts, suivis d’autres annonces d’embauche, un rapport de septembre 2020 du Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) prévoit que ces mesures à elles seules seront insuffisantes, et qu’il faudrait que le personnel temporaire soit maintenu en poste pour que l’arriéré puisse se résorber au cours du premier trimestre de 2023.

Le gouvernement du Canada reconnaît l’ampleur du problème et, comme l’a réitéré le ministre des Anciens combattants, l’hon. Lawrence MacAulay, ACC en a fait sa priorité :

L’arriéré est inférieur à 20 000 demandes et c’est inacceptable. Nous avons mis en place un système pour y remédier. Nous avons coordonné le personnel. Nous avons embauché 350 employés supplémentaires, qui travailleront avec 180 employés du ministère, afin de nous assurer qu’ils sont bien formés pour traiter l’arriéré. Maintenant, avec la numérisation et la coordination du personnel, nous avons fait des progrès. Lorsque les 500 autres personnes seront en poste, nous commencerons à traiter l’arriéré beaucoup plus rapidement[1].

Étant donné les proportions qu’a pris le problème, le Comité avait entrepris une étude de l’arriéré au printemps de 2020, mais la pandémie de COVID-19 est venue interrompre ses travaux. Ces derniers ont repris en octobre. En tout, les témoignages de 18 personnes ont été recueillis au cours de six réunions et cinq mémoires ont été déposés. Les membres du Comité souhaitent les remercier chaleureusement.

Historique des arriérés

Selon ACC[2], entre 2015-2016 et 2019-2020, le nombre de demandes reçues s’est accru de 40 %, passant de 45 000 à 63 100. Durant la même période de cinq ans, le nombre de demandes traitées par le ministère s’est accru de 35 %, passant de 42 544 à 57 600. ACC s’attend également à ce que l’augmentation du nombre de demandes se poursuive dans les années à venir. « Je suis à la Légion depuis plus de neuf ans, et je n'ai jamais vu autant de demandes[3] », a déclaré quant à lui M. Raymond McInnis, de la Légion royale canadienne, confirmant les dires du ministère quant à l’augmentation importante et inattendue de la charge de travail des arbitres.

Ces chiffres comprennent les demandes formulées par les anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dont les prestations d’invalidité sont versées en vertu de la Loi sur les pensions et non de la Loi sur le bien-être des vétérans. M. Brian Sauvé, président de la National Police Federation, a affirmé que le nombre de demandes déposées par les vétérans de la GRC étaient en hausse constante, et que les temps d’attente s’allongeaient d’une manière comparable à ce que vivaient les vétérans des FAC[4]. Cette affirmation est confirmée par une étude révélant qu’en 2017-2018, seulement 33 % des premières demandes déposées par des vétérans de la GRC ont obtenu une décision en 16 semaines ou moins[5].

D’après l’analyse du DPB, le nombre de demandes en attente était de 20 693 en mars 2017, et avait atteint 49 216 en mars 2020, soit un accroissement de 28 523 en trois ans. Selon le ministère, une demande en attente fait partie de l’arriéré si elle est complète, c’est-à-dire que toutes les informations nécessaires ont été fournies, et qu’une décision n’a pas été rendue après l’échéance de 16 semaines fixée comme norme de service.

Selon le DPB, cette norme de service n’a été respectée que pour 37 % des demandes reçues en 2018-2019. Des 49 216 demandes toujours en attente en mars 2020, 22 138 faisaient partie de l’arriéré.

Tableau 1 — Évolution de l’arriéré dans les demandes de prestations d’invalidité à Anciens Combattants Canada

Trimestre finissant le :

Incomplètes/non attribuées

Attente moins de 16 semaines

Arriéré

Total en attente

Nombre de personnes

31-mars-19

13 564

9 862

16 879

40 305

29 964

30-sept-19

18 330

3 074

23 260

44 664

30 367

31-déc-19

20 995

4 980

20 233

46 208

33 320

31-mars-20

22 545

4 533

22 138

49 216

39 240

30-juin-20

21 369

2 355

21 572

45 296

33 464

Source : Tableau préparé à partir de données tirées de Anciens Combattants Canada.

Au 30 juin 2020, l’arriéré était de 21 572 demandes, et 17 537 personnes dont le dossier était complet attendaient une décision depuis plus de 16 semaines. Lors de sa présentation au Comité le 27 octobre 2020, M. Steven Harris, sous-ministre adjoint à la prestation des services d’ACC, a affirmé que l’arriéré était passé « à moins de 19 000 au cours des derniers mois[6] ».

Figure 1 — Traitement des demandes reçues

Source : Figure préparée à partir de données tirées de Anciens Combattants Canada.

D’après cette figure, on remarque qu’à chaque trimestre entre le premier de 2019 et le premier de 2020, le ministère a reçu environ 5 000 demandes de plus que le nombre de décisions qu’il a rendues. Pour le trimestre se terminant le 30 juin 2020, on remarque que le nombre de décisions est demeuré stable, mais que le nombre de demandes reçues a chuté de 44 %. Autrement dit, la diminution de l’arriéré entre le 31 mars 2020 et le 30 juin 2020 est due à une diminution du volume des demandes durant la pandémie, alors que la productivité a été maintenue.

Selon M. Sauvé, de la National Police Federation, cette diminution est circonstancielle et le volume de demandes recommencera à augmenter après la pandémie :

Je pense qu'on assistera à une augmentation du nombre de demandes rétroactives, aux Anciens Combattants, parce que, pendant la pandémie, les gens n'y prêtent tout simplement pas attention. Ils n'ont pas le temps où ils se soucient plutôt de leur famille et de choses extérieures au travail et de détails touchant leur travail. Après la COVID […] ce sera le moment de se remettre à penser à ses prestations, à ce à quoi on est admissible[7].

Recommandation 1

Que le gouvernement et le ministère commencent immédiatement à planifier un afflux potentiel de demandes de prestations retardées en raison de la pandémie de COVID-19.

Quant au temps d’attente, le général (à la retraite) Walter Natynczyk, sous-ministre d’ACC, a indiqué qu’il se situait entre 28 et 30 semaines[8]. Selon « l’outil d’estimation des temps d’attente » d’ACC, le temps d’attente moyen pour les premières demandes est généralement deux à trois fois plus long que pour les réévaluations, et un peu plus long que pour les examens ministériels. Le temps d’attente varie également selon les affections. ACC a considérablement accéléré le traitement des demandes touchant les problèmes auditifs et l’état de stress post-traumatique. Dans ces derniers cas, le lien au service militaire est presque toujours présumé. Pour les problèmes auditifs, la gravité de l’invalidité est relativement facile à établir, ce qui est plus rarement le cas pour les problèmes de santé mentale.

Figure 2 — Temps moyen d’attente (semaines) pour une première demande (en date du 11 novembre 2020)

Source : Figure préparée à partir de données tirées de Anciens Combattants Canada.

À quelques reprises, dans le cadre de la présente étude, il fut question des distinctions à faire entre les cas complexes et ceux qui le sont moins, et que cette distinction pourrait avoir une incidence sur la capacité du ministère à traiter l’arriéré. Toutefois, le système de triage qu’utilise ACC n’a pas été expliqué et le Comité n’est donc pas en mesure de poser un jugement sur cet aspect du problème. Afin de remédier à cette lacune, le Comité recommande :

Recommandation 2

Qu’Anciens Combattants Canada soumette au Comité une explication détaillée du processus de triage entre les cas complexes et les autres.

M. McInnis, de la Légion royale canadienne, a expliqué que les données sur le temps d’attente moyen ne reflétaient pas adéquatement les délais réels. Selon lui, cette estimation serait valable si un arbitre commençait à traiter la demande le jour où elle parvenait au ministère. Or, le 30 juin 2020, il y avait 9 200 demandes qui n’avaient pas encore été attribuées, c’est-à-dire sur lesquelles aucun arbitre n’avait encore eu le temps de se pencher en raison de l’arriéré[9]. Une proportion importante de ces demandes non attribuées sera éventuellement ajoutée soit au nombre des demandes incomplètes, soit au nombre des demandes en traitement depuis moins de 16 semaines. Cependant, afin de donner une image plus précise de l’état réel de l’arriéré, ces demandes devraient être comptabilisées dans l’arriéré, car les exclure supposerait qu’elles seront toutes traitées en 16 semaines ou moins une fois qu’elles seront jugées complètes, alors que seulement 37 % des demandes obtiennent une décision à l’intérieur de ce délai. Le Comité recommande donc :

Recommandation 3

Qu’Anciens Combattants Canada inclue la proportion appropriée de demandes non attribuées dans sa comptabilisation de l’arriéré des demandes de prestations d’invalidité.

Une grande partie des discussions liées à l’arriéré se sont révélées dépendantes de données statistiques fiables sur son évolution dans le temps en fonction des types de vétérans qui risquaient d’être affectés plus directement. Le Comité recommande donc :

Recommandation 4

Qu’Anciens Combattants Canada dépose au Comité et publie sur son site web, à tous les six mois à compter du 1er juillet 2021, un rapport complet sur l’état de l’arriéré dans le traitement des demandes de prestations d’invalidité, incluant :

  • le nombre de nouvelles demandes reçues;
  • la proportion de nouvelles demandes qui sont jugées complexes;
  • le nombre de décisions prises;
  • le nombre total de demandes en attente, incluant :
    • les demandes non attribuées;
    • les demandes incomplètes;
    • les demandes complètes en attente depuis moins de 16 semaines;
    • les demandes complètes en attente depuis plus de 16 semaines (arriéré); et
  • le nombre de personnes en attente et le nombre de personnes dont la demande est en arriéré;
  • le temps d’attente moyen et médian pour les vétérans de la GRC et les vétérans des FAC;
  • le temps d’attente moyen et médian pour les femmes et pour les hommes;
  • le temps d’attente moyen et médian pour les francophones et pour les anglophones.

Ces temps d’attente moyens ne permettent cependant pas de rendre compte de situations portées à l’attention des membres du Comité où le temps d’attente fut beaucoup plus long et où certains vétérans eurent le sentiment de devoir naviguer à l’aveuglette dans un océan de procédures. La perception qui ressort de la majorité des témoignages entendus a été bien résumée par l’Association nationale des retraités fédéraux :

Actuellement, on s’attend à ce que les vétérans dont les demandes se trouvent dans l’arriéré assument le fardeau financier associé aux maladies et blessures liées au service, ou attendent pour accéder aux ressources nécessaires, tant que leur demande n’aura pas été approuvée. C’est là un risque considérable pour les personnes qui ne savent pas si leur demande sera approuvée ni quand elle le sera. Cela sous-entend également que les vétérans ont une autre source de revenus en attendant l’approbation, à un moment où ils sont les plus vulnérables[10]

Par exemple, lors de son témoignage, M. Charles Scott a décrit son incompréhension face à des règles et des politiques qui, à des non-initiés, peuvent paraître arbitraires. Il a dit :

Le système actuel de trois régimes d'avantages, en plus des politiques et procédures en constante évolution, constitue un obstacle majeur à l'accès des anciens combattants aux prestations et aux services. Cela aggrave souvent les blessures et les maladies des anciens combattants et les amène à abandonner leurs réclamations.[11]

M. Scott Maxwell, a fait ressortir les conséquences dévastatrices de cette attente sur les membres de la famille des vétérans :

Concernant nos programmes de soutien qui sont destinés à ces gens — partenaires, conjoints, enfants de nos anciens combattants blessés — , il est important de souligner que le stress et les pressions supplémentaires qui découlent des retards exacerbent les effets qu'ont les blessures de stress opérationnel, comme le trouble de stress post-traumatique, tant sur les membres que sur leurs familles.[12]

Ces témoignages ont clairement mis en lumière le stress important qu’une telle incertitude fait endurer aux vétérans et aux membres de leur famille. À cet égard, la lettre émouvante de Mme Christine Shepherd est éloquente. Cette épouse de vétéran blessé décrit sans détours le cheminement absurde et l’incompréhension qu’ont vécus les membres de sa famille face à des règles dont on leur a répété qu’elles étaient pourtant en place pour leur venir en aide :

Mon mari s’est blessé pendant son service, il était fier de servir, il croyait qu’il faisait une différence. Son service lui a coûté sa santé (physique et mentale). Les Anciens Combattants « refilent » toutes leurs responsabilités aux familles. Bien que je sois fière et heureuse de soutenir et d’aider Jeffrey dans tous ses problèmes de santé, je me sens seule, abandonnée, blessée et fâchée que notre gouvernement traite ses propres anciens combattants avec si peu de respect et qu’il les fasse se sentir comme si leur service n’a jamais fait de différence! [13]

De tels témoignages sont malheureusement trop nombreux pour qu’on puisse les traiter de manière anecdotique, et le Comité reconnaît qu’il faut continuer de s’en occuper.

Causes des arriérés

Selon ACC, l’augmentation du nombre de demandes est principalement attribuable à plusieurs facteurs :

  • Nouvelles prestations et changements aux prestations existantes;
  • sensibilisation accrue aux services et aux avantages d’ACC;
  • demande croissante de services de santé mentale;
  • augmentation du nombre de vétérans libérés pour des raisons médicales.

Les réductions de personnel entre 2010 et 2016 ont également été invoquées comme l’une des causes possibles de l’arriéré. Entre 1994-95 et 2004-05, en excluant les employés de l’Hôpital Sainte-Anne-de-Bellevue, le nombre d’équivalents temps-plein est demeuré stable à environ 2 600. Il s’est alors mis à croître en raison de la mise en œuvre de la Nouvelle Charte des Anciens combattants, dont les programmes sont entrés en vigueur à partir du 1er avril 2006. Le nombre d’ÉTP a augmenté jusqu’à environ 3 200 en 2009-2010 et a diminué ensuite jusqu’à environ 2 300 en 2015-2016 pour atteindre environ 2 900 à la fin de 2018-2019.

Figure 3 — Équivalents temps plein, Anciens Combattants Canada

Note :     Compilé à partir des informations d’ACC. Excluant les employés de l’Hôpital Sainte-Anne dont le nombre a été estimé constant à 738.

L’effet réel des réductions de personnel sur la croissance de l’arriéré est difficile à établir. Si le lien entre les deux était direct, on verrait augmenter l’arriéré à mesure que le nombre d’ÉTP diminue, et inversement lorsqu’il se met à remonter. Or, on sait que l’arriéré se situait à un peu plus de 7 000 à la fin de 2014, après cinq années consécutives de réduction du nombre d’ÉTP[14]. Malgré les embauches qui ont suivi, l’arriéré a atteint 11 500 en octobre 2016[15], puis environ 14 000 à la fin de 2018. Si on suppose que la croissance de l’arriéré s’est fait sentir une année ou deux après la diminution du nombre d’employés, l’arriéré aurait alors dû redescendre à partir de 2017-2018, alors que c’est durant cette période qu’il s’est mis à croître à un rythme plus important.

Dans un témoignage d’octobre 2016, Gary Walbourne, alors ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, avait déclaré :

Comme certains d’entre vous le savent peut-être, j’ai été ombudsman adjoint des vétérans pendant près de quatre ans. Je peux vous dire qu’il y a toujours eu un arriéré des demandes à Anciens Combattants Canada. Même si son importance variait d’une année à l’autre, les dossiers en retard se comptaient par milliers.[16]

Il est nettement plus facile d’établir un lien direct entre l’augmentation du nombre de demandes reçues et l’accroissement de l’arriéré.

Lors de son témoignage au Comité en décembre 2018, M. Michel Doiron, alors sous-ministre adjoint à ACC, avait affirmé que le changement important s’était produit lorsque l’allocation pour perte de revenus était passée de 75 à 90 % du revenu avant libération[17]. Lors de sa création, en 2006, l’allocation pour perte de revenus était surtout destinée aux vétérans qui n’avaient pas été libérés pour raisons médicales, et qui, après avoir quitté les FAC, éprouvaient des problèmes, en particulier des problèmes de santé mentale. N’ayant pas été libérés pour raisons médicales, ils n’avaient pas droit aux prestations d’assurance invalidité du Régime d’assurance revenu militaire (RARM) des FAC qui garantissaient 75 % de leur revenu. C’est pourquoi l’allocation pour perte de revenus avait également été fixée à 75 % du revenu militaire, et était versée tant et aussi longtemps qu’un vétéran participait à un programme de réadaptation. En octobre 2016, lorsque l’allocation pour perte de revenus (rebaptisée prestation de remplacement du revenu) a été majorée à 90 % du revenu militaire, les prestations du RARM, elles, sont demeurées à 75 %. Ainsi, les vétérans qui recevaient des prestations d’assurance invalidité des FAC et qui désiraient recevoir la majoration à 90 % devaient démontrer que leur libération pour raisons médicales était liée à leur service militaire et qu’ils avaient des besoins en réadaptation. Étant donné que c’est la responsabilité d’ACC de déterminer si un problème de santé est attribuable ou non au service militaire, cela a entraîné une augmentation importante du volume de demandes de prestations d’invalidité et de la demande en services de réadaptation. Le nombre de bénéficiaires a triplé au cours des deux exercices financiers ayant suivi la majoration à 90 %.

M. McInnis a expliqué qu’une autre part de l’augmentation était attribuable à la modification, en février 2018, de la politique sur « l’admissibilité partielle » [18]. Selon cette politique, ACC peut juger qu’une affection médicale n’est que partiellement attribuable au service militaire, par exemple dans le cas où une condition préexistante aurait été aggravée par le service, et attribuer une proportion allant de 1/5 à 4/5. M. Christopher McNeil a expliqué le changement de la manière suivante :

Le système était inéquitable, puisque deux anciens combattants se trouvant dans la même situation pouvaient recevoir des prestations d'invalidité différentes. [Le ministère] a donc instauré une politique statuant essentiellement qu'en cas d'admissibilité partielle, tout le monde aurait quatre cinquièmes ou cinq cinquièmes. Ce changement a évidemment incité une foule de gens s'étant vu accorder un cinquième à réclamer une nouvelle évaluation plus favorable, et selon les principes fondamentaux d'équité, il n'existe tout simplement pas de disposition ou de loi pour leur refuser l'occasion de faire valoir leur cause[19].

Tous ces dossiers font donc maintenant l’objet d’une révision.

L’exemple de la prestation de remplacement du revenu et celui de la politique touchant l’admissibilité montrent que ce sont surtout des changements aux programmes qui ont entraîné une augmentation du nombre de nouvelles applications qui ont à leur tour causé le problème des arriérés.

Plan du ministère

Le 10 juin 2020, ACC a publié Prise de décisions en temps opportun relatives aux prestations d’invalidité : Orientation stratégique pour améliorer les temps d’attente. Dans ce document, le ministère présente une stratégie s’appuyant sur quatre axes d’intervention afin de résoudre le problème des arriérés. Ces quatre axes d’intervention seront assortis de plans d’action dont les détails restent à préciser.

Axe 1 : augmenter la capacité de la fonction publique

Le budget de 2018 avait accordé un financement de 42,8 millions de dollars afin d’embaucher du personnel temporaire. Ce financement a permis de réaffecter certains employés au traitement des demandes et d’embaucher du personnel temporaire. En comptant les employés réaffectés et les employés temporaires, environ 160 employés de plus ont été affectés au traitement des demandes depuis 2018.

Le gouvernement s’est par la suite engagé à verser 192 millions de dollars de plus au cours des exercices financiers 2020-2021 et 2021-2022. Cela se traduira par l’embauche de 300 nouveaux employés à temps plein durant une période de deux ans. Ce groupe sera suffisamment formé pour commencer à traiter les demandes moins complexes « d’ici janvier 2021[20] ».

La conjonction de ces deux mesures permet au ministère d’espérer que « d’ici mars 2022, […] moins de vétérans attendront au-delà de la norme de service de 16 semaines[21] ». Selon le DPB, cette cible signifie « qu’avec ces ressources supplémentaires, le ministère réduira l’arriéré d’environ 10 000 demandes d’ici mars 2022 ». Puisque l’arriéré se situait à environ 22 000 demandes lorsque le DPB a établi ses projections, cela signifie qu’il se retrouverait à environ 12 000 en mars 2022. Si ces ressources n’avaient pas été ajoutées, le nombre de demandes en attente aurait atteint 140 000 en mars 2022.

Les estimations d’ACC sont plus optimistes. Selon M. Harris, l’objectif est plutôt d’en arriver à un arriéré de moins de 5 000 en mars 2022[22]. Les écarts entre les estimations du DPB et celles d’ACC s’expliqueraient selon lui par des gains de productivité et par le fait que le rapport du DPB a inclus dans son analyse des personnes qui ne prenaient pas de décisions sur les demandes de prestations, ce qui a eu comme résultat de diminuer la productivité moyenne par employé dont s’est servi le DPB pour faire ses estimations[23].

M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, a rétorqué à ces critiques en affirmant que les données utilisées avaient été fournies par le ministère, et que les conclusions devraient donc être les mêmes, à moins que des changements aient été apportés sans que le DPB en ait été informé[24]. Il a ajouté que son rapport avait tenu compte des autres mesures mises en œuvre par le ministère (axes 2, 3 et 4 ci-après) au moment de faire ses projections[25].

Recommandation 5

Qu’Anciens Combattants Canada soit tenu de fournir toutes les données et informations demandées au Directeur parlementaire du budget dans les délais impartis, à condition que le Directeur ne fasse aucune demande qui violerait le secret du Cabinet ou divulguerait des secrets commerciaux.

Si le personnel temporaire embauché depuis 2018 était maintenu en poste au-delà de l’exercice financier 2021-2022, le DPB estime que l’arriéré pourrait se résorber au cours du premier trimestre de 2023, et que l’investissement supplémentaire requis serait de 103 millions de dollars jusqu’à la fin de l’exercice financier 2024-2025. Un second scénario présenté par le DPB a estimé que, si un investissement supplémentaire de 159 millions de dollars était accordé dès 2020-2021, l’arriéré pourrait se résorber en 12 mois[26].

ACC se dit en accord avec les principaux constats du DPB. Selon le général (à la retraite) Walter Natynczyk, sous-ministre d’ACC, « nous souscrivons à ce rapport et nous convenons de la nécessité de pouvoir compter sur du personnel additionnel pendant un certain temps[27] ».

Comme plusieurs autres témoins, Mme Doreen Weatherbie, qui représente les membres du syndicat des professionnels de la santé qui traitent des cas complexes à ACC, s’est dite inquiète du caractère temporaire des embauches :

le projet d’embauche relevé dans le rapport est temporaire. Bien que l’analyse montre clairement que ces ressources permettront à peine d’amener la main-d’œuvre à un niveau durable, ce n’est qu’après quelques années d’expérience des nouvelles recrues que l’on peut s’attendre à un début de diminution significative de l’arriéré, moment auquel le plan actuel écarterait toutes les ressources nouvellement formées[28].

Il semble y avoir un lien direct à établir entre l’arriéré, le volume des demandes que doit traiter le ministère et le nombre de décisions qu’il est en mesure de rendre à chaque mois. Cette dernière variable dépend directement du nombre d’arbitres capables de prendre de telles décisions. Comme il en sera question plus loin, cela ne signifie pas qu’il ne faille pas envisager des transformations plus profondes des manières de faire propres à ACC, mais en attendant que de telles réformes puissent être mises en œuvre, la solution la plus efficace pour régler l’arriéré dans une perspective à court et à moyen terme consiste à avoir le personnel nécessaire pour rendre un nombre de décisions supérieur au nombre des nouvelles demandes. Selon M. Scott Maxwell, de Wounded Warriors Canada :

C'est frustrant: on connaît le problème, son ampleur, son étendue, immense, puis on entend des mots comme « temporaire ». Ce n'est pas un problème temporaire. C'est la même chose depuis des années. Nous avons besoin de mettre des ressources en place. Cela réglerait le problème, donc pourquoi ne le ferions-nous pas? [29]

Le Comité recommande donc :

Recommandation 6

Qu’Anciens Combattants Canada mette en œuvre la solution présentée par le directeur parlementaire du budget à l’effet de maintenir en poste au-delà du 31 mars 2022 les 160 employés temporaires ou réaffectés grâce au financement du budget 2018, ainsi que les 300 employés supplémentaires embauchés grâce au financement temporaire de 192 millions accordé jusqu’à la fin de l’exercice financier 2021-2022.

Mme Virginia Vaillancourt, présidente du syndicat des employé-e-s d’Anciens Combattants Canada, a fait remarquer que, malgré la promesse d'embaucher 300 nouveaux employés à temps plein, certains d'entre eux sont recrutés au sein d'ACC, ce qui entraîne des lacunes potentielles ailleurs au sein du ministère :

Même si le ministère affirme qu'il a recruté 300 nouveaux employés pour s'attaquer à l'arriéré des demandes de prestations d'invalidité, certains candidats recrutés pour ces postes arrivent en fait d'autres unités au sein du ministère, ce qui ralentira le travail dans ces unités et amenuisera les équipes. Comme je l'ai dit, j'ai l'impression que c'est une hydre, dont les têtes repoussent sans cesse. Nous tentons de régler un problème, mais en fait, nous en créons d'autres ailleurs[30].

Le Comité recommande donc :

Recommandation 7

Qu’Anciens Combattants Canada, lorsqu'il embauche à partir d'un bassin interne d'employés, s'efforce de prévenir les lacunes du ministère en s'assurant que les postes de ceux qui ont été déplacés ailleurs au sein du ministère soient comblés promptement, et que les autres secteurs du ministère commencent immédiatement à planifier une augmentation de la charge de travail dans sa prestation de services à mesure que les vétérans dont les demandes sont en arriéré passent à la gestion des cas.

Axe 2 : intégration

Cet axe vise à mettre en œuvre divers moyens permettant d’augmenter l’efficacité des équipes chargées du traitement des demandes de prestations. Les mesures identifiées sont coordonnées par le Centre d’innovation d’ACC. Depuis juin 2020, un projet pilote a ainsi permis d’anticiper l’amélioration de la productivité de 11 %[31].

Axe 3 : innovation des processus

Cet axe vise l’identification de toute mesure susceptible de réduire le temps d’attente d’une décision. Selon le ministère, cela a permis que, en 2018-2019, 40 % des décisions soient rendues en vertu d’un processus dit « simplifié ».

Les efforts menés par le ministère dans le cadre des deux axes précédents sont importants et les membres du Comité tiennent à le souligner en appuyant les propos de M. McInnis :

Nous comprenons que l'arriéré est considérable. Nous applaudissons le ministère pour essayer de rendre plus efficace le processus de décision, au moyen d'équipes responsables des prestations aux vétérans, en limitant le transfert des dossiers et en donnant aux équipes le pouvoir de prendre des décisions plutôt que d'exiger une consultation médicale. Elles peuvent également trier les demandes de prestations d'invalidité pour accélérer le traitement des demandes provenant de vétérans exposés à un risque plus élevé. Nous appuyons également le ministère dans sa décision de rassembler les affections qui, d'après leur historique, découlent d'une affection initiale, pour autant qu'un diagnostic le confirme[32].

Ces efforts ont certainement empêché que l’arriéré ne prenne des proportions incontrôlables et le Comité continuera d’appuyer toutes les initiatives qui aideront les vétérans à obtenir une décision dans un délai raisonnable.

Axe 4 : solutions numériques

Cet axe vise à optimiser l’utilisation du portail « Mon Dossier » ACC, à faciliter la numérisation des éléments de preuve nécessaires à la prise de décision dans le cas de demandes pour des affections courantes, ainsi que la transmission numérique des informations par les professionnels de la santé.

En 2020-2021, environ la moitié des demandes étaient soumises en version papier, mais la pandémie a fait diminuer ce pourcentage à environ 30 %[33].

Selon le général Natynczyk, « nous continuons de progresser conformément au plan communiqué aux membres du Comité dans le cadre de nos efforts pour atteindre notre objectif en matière de normes de service et d’élimination de l’arriéré[34] ».

Traitement des demandes des francophones et des femmes

Dans un rapport de septembre 2018, l’ombudsman des vétérans avait constaté que le délai de traitement des demandes soumises à ACC par des francophones était plus long que pour celles soumises par des anglophones[35]. Selon son analyse d’un échantillon aléatoire de 300 demandes au cours de l’exercice 2016-2017, les francophones ont obtenu une décision après 45 semaines en moyenne, alors que les anglophones ont obtenu une décision après 24 semaines en moyenne. Lorsque les mêmes dossiers étaient comparés en fonction de la médiane (50 % des dossiers ont un délai supérieur et 50 % des dossiers ont un délai inférieur), le délai augmentait à 52 semaines pour les francophones contre 19 semaines pour les anglophones. La majorité des demandes rédigées en français ont pris plus de 48 semaines à traiter contre 20 semaines pour la majorité des demandes rédigées en anglais.

ACC a analysé toutes les premières demandes de prestation d’invalidité déposées en 2016-2017 et, à partir d’une méthode de calcul différente, en est arrivé à des écarts moins prononcés : 28 semaines en moyenne pour les francophones contre 21 semaines pour les anglophones, et une médiane de 26 semaines pour les francophones contre 18 semaines pour les anglophones[36]. Selon M. Doiron, cette différence s’expliquait par la trop faible proportion d’arbitres bilingues, mais la situation serait en voie de se régler[37].

Selon M. Harris, il est important de recruter du personnel dont la langue maternelle est le français à certains postes exigeant une connaissance du vocabulaire médical :

C'est vrai que le traitement des demandes provenant de francophones accuse un retard depuis un certain temps. Nous avons entrepris des démarches pour accroître notre effectif francophone, afin de nous assurer que la prise de décision se fait dans les mêmes délais pour toutes les demandes que nous recevons.
À l'heure actuelle, près de 28 % de nos employés qui prennent ces décisions ont le français comme langue maternelle ou sont bilingues. Cela inclut ceux que nous avons embauchés récemment, et nous embauchons toujours. […] En effet, nous voulons nous assurer d'avoir plus d'employés responsables de la prise de décision ayant le français comme langue maternelle. Nous nous efforçons donc d'avoir le plus grand effectif francophone possible.[38]

Mme Weatherbie a fait remarquer que ces évaluateurs médicaux ne se trouvaient pas tous à Charlottetown :

Nous en avons un bon nombre au Québec parce qu'ils s'occupent de certaines des questions relatives au français. Nous en avons également à Ottawa et dans l'Ouest. En raison de la pandémie de COVID, nous sommes en train d'en embaucher d'autres. Grâce au monde virtuel, ils peuvent s'occuper des dossiers depuis leur domicile[39].

Selon M. Harris, la parité entre francophones et anglophones devrait être atteinte d’ici la fin de 2021[40]. Afin d’assurer que cet objectif sera atteint, le Comité recommande :

Recommandation 8

Qu’Anciens Combattants Canada augmente ses efforts de recrutement d'arbitres bilingues et francophones à travers le Canada, y compris au Québec.

En ce qui concerne les délais plus importants dans le traitement des dossiers provenant de vétérans féminins, l’étude de l’ombudsman avait révélé des problèmes de nature plus systémique. Selon M. Doiron :

Par le passé, on ne comprenait pas totalement les conséquences que pouvait avoir le port de l'équipement, notamment, sur le corps d'une femme. […]
Les cas sont donc, souvent, plus complexes. Je ne les aborderai pas tous, mais permettez-moi d'en citer un. La semaine passée, j'ai été surpris, au cours d'une réunion de breffage, d'entendre parler de cas liés aux organes reproducteurs. Les hommes peuvent aussi avoir ce type de problème. Par exemple, dans les cas de syndrome de stress post-traumatique, c'est assez facile de comprendre en quoi cela peut mener à des problèmes d'impuissance. Cependant, chez les femmes, cela se manifeste de différentes façons, qui sont méconnues[41].

Dans son mémoire, l’Association nationale des retraités fédéraux se désole du peu d’attention que le Comité a portée à cette question et demande une intervention énergique de la part du ministère[42]. M. Simon Coakeley a rapporté des cas de vétéranes qui avaient dû attendre deux ans avant d’obtenir une décision :

ACC devrait déterminer pourquoi les retards se produisent dans le traitement des demandes des anciennes combattantes, et élaborer un plan ciblé pour régler ces problèmes de toute urgence. Les préjugés systémiques et les lacunes en matière de recherche doivent être éliminés. Les questions et les besoins sexospécifiques des anciennes combattantes doivent être traités équitablement au sein d'ACC et du gouvernement fédéral. Des objectifs spécifiques et mesurables, assortis de la responsabilisation, sont essentiels pour rétablir la confiance dans le système[43].

Sachant que l’on s’attend à ce que, d’ici quelques années, 20 % des nouveaux clients d’ACC soient des vétéranes, le Comité recommande :

Recommandation 9

Qu’Anciens Combattants Canada développe un plan permettant de faire face à l’augmentation prévue du nombre de femmes vétéranes dans les années à venir.

La décision d’attribuer une invalidité au service militaire

Dans le cadre de son étude de 2018 sur la transition, le Comité s’était penché sur la recommandation de M. Gary Walbourne, alors ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes, à l’effet de transférer d’ACC aux FAC la responsabilité d’attribuer les causes d’une invalidité au service militaire :

Les Forces armées canadiennes savent quand, où et comment une personne devient malade ou blessée. Les Forces armées canadiennes devraient indiquer à Anciens Combattants Canada si la maladie ou la blessure est attribuable au service militaire, et Anciens Combattants devrait accepter cette conclusion. Cette recommandation permettrait de réduire considérablement les délais d’attente dans l’octroi des prestations et des services aux vétérans. J’ai formulé la recommandation en 2016. Anciens Combattants Canada et les Forces armées canadiennes se sont renvoyé cette patate chaude, trouvant des excuses très créatives pour expliquer pourquoi cela ne pourrait ou ne devrait pas avoir lieu. La seule chose sur laquelle les deux organisations semblent s’entendre, c’est le maintien coûte que coûte du statu quo. Le problème en est un de bureaucratie au service d’elle-même[44].

M. Walbourne a réitéré les mêmes propos lors de son témoignage de novembre 2020 :

Le but ultime, d'après moi, ce serait de mettre en place un système de demande en ligne qui pourrait approuver les demandes de prestations et de services à partir de la déclaration, émise par les Forces armées canadiennes, que l'état est attribuable au service. Cette déclaration servirait de clé pour approuver la demande[45].

Malgré les désaccords manifestés autant par les FAC que par ACC, le Comité avait tout de même recommandé de transférer cette responsabilité aux FAC. Dans sa réponse au rapport du Comité, le gouvernement avait répondu à cette recommandation :

Même si le gouvernement n’est pas d’accord avec cette recommandation, ACC et les FAC explorent des solutions pour augmenter la qualité de l’information échangée entre les ministères et la rapidité avec laquelle elle est communiquée. Ceci contribuera à la simplification et à l’accélération du processus d’attribution d’une blessure ou d’une maladie au service militaire.
La décision d’attribuer ou non une blessure ou une maladie au service militaire n’en est pas une d’ordre médical; il s’agit plutôt d’une décision administrative indépendante qui tient compte non seulement des renseignements médicaux, mais également de résultats d’enquête et de renseignements sur la carrière du militaire comme l’historique des déploiements et des affectations, des informations auxquelles les fournisseurs de soins de santé des FAC n’ont pas accès.
ACC possède le mandat, le personnel et l’expérience requises pour mener ce processus décisionnel et il devra maintenir cette capacité pour traiter les demandes des militaires et des vétérans. La grande majorité des vétérans qui présentent une demande de prestations d’invalidité le font après avoir été libérés. Seuls environ 25 % des militaires qui présentent une telle demande le font avant leur libération, et le gouvernement travaille sans relâche pour s’assurer que ces demandes sont traitées rapidement et que les prestations sont versées avant la libération. En faisant en sorte qu’ACC demeure le seul décideur pour l’attribution de la cause ou de l’aggravation d’une blessure ou d’une maladie au service militaire pour tous les vétérans, on assurera l’uniformité du processus décisionnel en plus d’éviter les doubles emplois.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance du lien de confiance entre le médecin et le patient. La création d’un système permettant aux FAC de décider si la cause ou l’aggravation d’une blessure ou d’une maladie est attribuable au service militaire compromettrait considérablement les relations docteur-patient et l’intégrité des médecins et autres fournisseurs de soins de santé des FAC.
Par ailleurs, conformément aux politiques de leur ordre professionnel, les médecins traitants ne sont pas autorisés à faire une détermination de faute ou de causalité afin d’éviter les conflits d’intérêts potentiels et de préserver le lien de confiance entre le docteur et le patient. Cette responsabilité revient à des examinateurs de tierce partie appelés à présenter des conclusions objectives. Par conséquent, les médecins militaires et civils des FAC ont le droit de refuser de se plier aux directives qui contreviennent aux politiques de leur ordre professionnel, car le non-respect de celles-ci risque d’entraîner la révocation de leur permis d’exercice[46].

Dans le cadre de cette discussion sur l’attribution au service, M. Michel Doiron, alors sous-ministre adjoint à ACC, avait critiqué les FAC de ne pas insister assez pour que les commandants des unités remplissent le Rapport en cas de blessure ou de maladie (formulaire CF 98) lorsqu’un incident survenait. Il avait alors affirmé que la décision d’attribuer un problème de santé au service militaire devrait demeurer la responsabilité d’ACC, mais que le diagnostic médical lui-même devrait être posé par les médecins des FAC en remplissant le formulaire CF 98, ce qui faciliterait grandement le travail d’ACC[47]. Dans sa réponse au rapport du Comité, le gouvernement avait alors annoncé que « [l]’importance de s’acquitter de cette tâche sera soulignée dans une prochaine directive du chef d’état-major de la défense[48] ».

M. Christopher McNeil, président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), a tenu à relativiser l’importance réelle du formulaire CF-98. Puisqu’il est habituellement rempli par le supérieur du militaire blessé, et que ce supérieur n’est pas médecin, il ne peut pas être utilisé pour confirmer un diagnostic. Il peut toutefois faciliter grandement l’attribution au service militaire[49]. Il est donc recommandé :

Recommandation 10

Que les Forces armées canadiennes veillent à ce que toutes les blessures soient consignées dans un CF 98 dûment rempli afin que de meilleures informations possibles soient transmises à Anciens Combattants Canada pour les aider à évaluer les invalidités et les conditions médicales.

Selon M. Brock Heilman, du ministère de la Défense nationale, la fluidité du transfert d’informations s’est grandement améliorée, au point où il est possible d’envisager qu’ACC ait accès aux dossiers de santé électroniques des vétérans aussi rapidement que si c’était le personnel des FAC qui y accédait :

Notre dossier de santé électronique, appelé Système d’information sur la santé des Forces canadiennes, est disponible dans nos cliniques, dans le cadre des opérations de déploiement et à bord des navires de la marine.. […] Le SISFC est aussi un outil utile pour la communication de renseignements médicaux à ACC. Comme vous le savez, les FAC ont travaillé en étroite collaboration avec ACC au cours des deux dernières années pour créer les conditions propices, sur les plans technique et logistique et sur le plan de la protection des renseignements personnels, pour offrir aux arbitres d'ACC un accès direct aux dossiers du SISFC, pour les membres des FAC qui ont demandé des prestations d'ACC[50].
Récemment — l'année dernière, en fait —, pour la toute première fois, nous avons élargi le Système d'information sur la santé des Forces canadiennes et avons permis à six arbitres d'Anciens Combattants Canada de Charlottetown d'accéder directement aux antécédents médicaux des membres. Ainsi, nous n'avons plus besoin de fouiller notre système électronique pour accéder aux renseignements sur la santé et les envoyer à Anciens Combattants Canada[51].

M. McInnis a qualifié ce projet pilote de prometteur[52], mais en attendant son élargissement à l’ensemble des arbitres d’ACC, les délais dans le transfert de l’information médicale demeurent problématiques, et sont aggravés par la pandémie qui empêche le personnel militaire de consulter les dossiers qui se trouvent sur les bases. Selon lui, ces délais atteindraient maintenant jusqu’à un an. Lorsqu’on sait qu’ACC ne commence à comptabiliser les semaines de sa norme de service qu’à partir du jour où les dossiers sont complets, de tels retards dans le transfert de l’information médicale viennent s’ajouter à un arriéré déjà inacceptable.

Ces délais affectent même les militaires alors qu’ils sont encore en service. Par exemple, M. Robert Thomson, un militaire avec 30 ans de service, attend une décision depuis plus d’un an, alors qu’il est en voie d’être libéré pour raisons médicales[53]. Cela a mis en évidence la relation parfois difficile qui s’est établie entre les médecins militaires et les arbitres d’ACC. Selon M. McNeil, cette relation semble s’être améliorée récemment :

Les médecins des Forces canadiennes ont toujours été peu disposés à donner un avis ou à poser un diagnostic, particulièrement quand ça concernait des demandes au ministère des Anciens Combattants. Depuis un an et demi ou deux ans, je constate une évolution, comme en témoigne le nombre beaucoup plus élevé d'évaluations ou de diagnostics des Forces canadiennes ou des Forces armées canadiennes que je vois[54].

M. Jacques Bouchard, du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), a également souligné l’importance d’encourager les militaires à faciliter le transfert d’information entre les FAC et ACC, par exemple en leur offrant de signer une lettre de consentement à ce transfert alors qu’ils sont encore en service[55].

Constatant que l’un des écueils entraînant un rallongement des délais tient à la difficulté d’obtenir un diagnostic médical confirmant la nature de l’invalidité dont ACC doit déterminer si elle ouvre droit à une indemnisation, le Comité recommande :

Recommandation 11

Que les Forces armées canadiennes fournissent automatiquement à Anciens Combattants Canada les diagnostics ayant soutenu la décision de libérer un membre pour raisons médicales, au moins six mois avant la libération et avec l’approbation du membre.

Recommandation 12

Que les Forces armées canadiennes encouragent les militaires, y compris les recrues au moment de l’enrôlement, à signer d’avance une lettre de consentement au transfert à Anciens Combattants Canada des informations contenues dans leur dossier médical.

Préautorisation des demandes

Certaines organisations de vétérans, dont le Conseil national des associations d'anciens combattants au Canada, recommandent de préautoriser toutes les demandes se retrouvant présentement dans l’arriéré et de mettre en place un processus de vérification de la conformité plus léger que le processus actuel de traitement[56].

Il faut distinguer deux définitions de ce que signifie une approbation automatique. La première implique l’accélération du processus d’approbation des demandes pour certains problèmes de santé dont la probabilité d’avoir été causés par le service militaire est élevée.

Il s’agit, dans ce premier cas, de présumer que le problème de santé diagnostiqué est lié au service militaire :

Pour nous, il ne s'agit pas d'approbation automatique, mais plutôt présomptive. En effet, si elle est automatique, les gens pensent qu'il suffit de dire qu'ils sont blessés pour que nous leur disions oui. Nous devons être un peu prudents et exiger un diagnostic d'invalidité. Un médecin doit confirmer que la personne a un handicap, un problème permanent. Il nous faut aussi confirmer que la personne a servi dans nos rangs et que la blessure y est en quelque sorte reliée. […]
Je parle de présomption par opposition à automatique, parce que dans l'esprit des gens, « automatique », veut dire qu'il suffit de se faire mal au genou en sautant d'un avion pour obtenir une prestation d'invalidité. Oui, d'accord, nous convenons que c'est lié au service, mais à quel point? C'est ce qu'il nous reste à déterminer[57].

C’est cette présomption de lien au service dont l’extension a été incluse dans la lettre de mandat du ministre des anciens combattants. Selon le général Natynczyk : « L’approbation automatique des demandes fait partie du mandat du ministre. Selon l’engagement prévu dans le mandat, nous devons songer à l’approbation automatique pour les blessures et maladies les plus communes, comme celles qui touchent la santé mentale et les troubles musculo-squelettiques[58]. »

L’autre définition est beaucoup plus large, et est indépendante de la nature du problème de santé faisant l’objet d’une demande. Elle implique que toute demande initiale soit approuvée et que les vérifications des preuves soient faites plus tard, sur le modèle des déclarations de revenus. Selon M. Harris, l’adoption d’une telle mesure nécessiterait une modification législative : « La loi nous oblige à passer par toutes les étapes relatives à l’allocation. Nous devons donc procéder à l’attribution des services et à l’évaluation connexe. Nous ne pouvons actuellement pas faire d’approbation préalable[59]. »

En effet, la Loi sur le bien-être des vétérans stipule que

  • 63 Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements :
    • a)  concernant les règles de preuve et les présomptions applicables aux demandes d’indemnité pour blessure grave, d’indemnité pour douleur et souffrance et d’indemnité de décès;

Le règlement pris en vertu de cet alinéa stipule que :

  • 49 La demande d’indemnité pour douleur et souffrance est accompagnée des renseignements et documents suivants :
    • a)  tout dossier ou bilan médical concernant les blessures, les maladies, les diagnostics, l’invalidité ou toute augmentation du degré d’invalidité du militaire ou du vétéran;

L’article 49 du règlement semble donc contraindre le ministère à considérer qu’une demande a été présentée seulement si elle est accompagnée de toutes les informations médicales nécessaires. Toutefois, l’article 63 de la loi semble déléguer au gouvernement le pouvoir de modifier le règlement sans devoir passer par un projet de loi. Le ministre pourrait ainsi modifier les dispositions réglementaires de manière unilatérale.

Dans son mémoire, le Conseil national des associations d’anciens combattants a jugé que cette contrainte réglementaire ne justifiait nullement le rejet du système d’approbations automatiques provisoires qu’il préconise[60]. M. Walbourne s’est également dit en accord avec ce modèle d’approbation provisoire :

Pourquoi ne versons-nous pas les fonds à la première étape du processus, avant le départ du membre, en fonction d'un modèle semblable à celui de l'ARC? Le ministère des Anciens Combattants pourra alors faire le travail d'évaluation qui se doit et veiller à ce que le membre se trouve sur la bonne voie et dispose de tout ce dont il a besoin. Je pense simplement que nous mettons la charrue devant les bœufs[61].

Cette solution suppose que les militaires ont l’occasion de déposer une demande de prestations d’invalidité avant de quitter les FAC. Elle ne serait donc pas applicable dans le cas où un problème de santé se développe ou se découvre après la libération, mais permettrait tout de même d’accélérer le processus dans un grand nombre de situations. Elle fait écho à une recommandation formulée à maintes reprises par le Comité, par l’ombudsman des vétérans, et par plusieurs associations représentant des vétérans. Elle consiste à garder un militaire au sein des FAC tant et aussi longtemps que ses demandes de prestations d’invalidité et d’autres services d’ACC aient fait l’objet d’une décision. M. Maxwell a fait ressortir l’allégement du fardeau psychologique qu’un tel changement entraînerait :

Pour reprendre ce que je viens d'entendre, je pense que cela fait des années maintenant que nous disons qu'il faut en faire le plus possible avant la libération d'une personne. Imaginez si toutes les demandes pouvaient être traitées. L'ancien combattant, à ce moment-là, saurait à quoi s'attendre de la transition vers la vie civile dans le processus de libération. Une fois que les gens que nous aidons sont libérés pour des raisons médicales, le chemin devant eux devrait être clair, non seulement pour eux, mais pour les membres de leur famille également[62].

Selon le général Misener, cette recommandation fait partie du projet pilote de révision du processus de transition mis en œuvre à la base de Borden[63].

La mise en œuvre du système d’approbation automatique fait face à deux difficultés principales. Premièrement, pour qu’une demande soit assignée à des fins de décision, il faut qu’un diagnostic médical ait été confirmé. Contrairement à une déclaration de revenus, l’obtention d’un diagnostic exige l’intervention d’un professionnel de la santé. Cette exigence peut rallonger le temps nécessaire à la constitution d’un dossier complet. Or, sachant que le calcul de la norme de service de 16 semaines ne commence qu’une fois que le dossier est complet, cette exigence ne devrait pas avoir de conséquences importantes sur l’arriéré, mais pourrait faire augmenter le nombre total de dossiers en attente. La seconde difficulté découle de la première. Si une demande est déposée sans qu’un diagnostic médical ait pu être confirmé, il est difficile pour les arbitres d’ACC de déterminer un montant temporaire à verser au vétéran en attendant de pouvoir faire les vérifications nécessaires.

Par exemple, le montant forfaitaire de l’indemnité pour douleur et souffrance peut varier entre environ 19 000 et 381 000 $ selon le pourcentage d’invalidité établi et la portion de ce pourcentage attribuable au service militaire. Il serait risqué de fixer un montant approximatif et de demander par la suite aux vétérans de rembourser les sommes versées si la demande était rejetée. La solution préconisée par le Conseil national des associations d’anciens combattants serait d’établir un montant approximatif temporaire, mais dont le versement serait fait sur une base mensuelle. L’Association nationale des retraités fédéraux recommande, quant à elle, de la tester par un projet pilote afin d’éviter de surcharger les employés[64].

Présentement, si un vétéran choisit de recevoir cette indemnité en versements mensuels à vie, le versement mensuel maximal, pour une invalidité de 100 %, est de 1 172 $. Si ACC choisissait de verser automatiquement 50 % de ce montant mensuel, 586 $, à tout vétéran qui dépose une première demande dont les informations semblent crédibles à première vue, le risque serait minime pour le ministère et pour le demandeur. Cette somme mensuelle continuerait d’être versée jusqu’à ce qu’une décision soit rendue, et pourrait ensuite être déduite du montant forfaitaire versé, si ce mode de paiement était l’option privilégiée par le vétéran.

Les membres du Comité désirent appuyer toutes les initiatives qui contribueront à réduire le temps que les vétérans doivent attendre avant d’obtenir les indemnisations et les services auxquels ils ont droit. Le Comité recommande donc :

Recommandation 13

Qu'Anciens Combattants Canada continue d'approuver automatiquement les demandes relatives aux affections médicales présumées liées au service dans les Forces armées canadiennes ou la Gendarmerie royale du Canada, qu'il dépose devant le Comité sa liste de ces affections et qu'il continue de l'étoffer par des recherches au Canada et dans les pays alliés.

Recommandation 14

Qu'Anciens Combattants Canada mène une étude sur les conditions médicales spécifiques aux femmes liées à leur service dans les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada, et, le cas échéant, les ajoute à la liste des conditions médicales présumées liées au service militaire.

Recommandation 15

Que le ministre des Anciens combattants amende le Règlement sur le bien-être des vétérans afin de permettre la préapprobation automatique des demandes de prestations d’invalidité, et Qu’Anciens Combattants Canada mette en œuvre un projet pilote permettant d’identifier les avantages et les risques de la préapprobation automatique des demandes de prestations d’invalidité.

Les mesures mises en place durant la pandémie de COVID-19

Pour s’informer des effets que pouvait avoir la pandémie sur les vétérans et les mesures à mettre en œuvre pour assurer que tous et toutes continuent d’avoir accès aux programmes et services, ACC a dû compter sur les groupes de vétérans. À cette fin, le général Natynczyk a affirmé qu’ACC « ne manque jamais d’utiliser les voies législative et réglementaire pour appuyer nos vétérans dans le besoin qui sont aux prises avec des problèmes de santé résultant de leur service militaire. C’est ainsi que nous avons adapté certaines de nos exigences quant aux documents à fournir[65]. » Ces mesures, mises en œuvre avant la pandémie, font qu’il est possible de commencer à traiter les demandes soumises par les vétérans, même s’ils n’ont pas été en mesure de consulter un médecin. « Nous avons élargi l’accès au Fonds d’urgence pour les vétérans et les autorités connexes pendant la pandémie. Ainsi, le personnel de M. Harris peut maintenant approuver l’octroi d’un montant maximal de 10 000 $ en fonction des besoins des anciens combattants, avant même qu’ils ne présentent une demande. Un montant de 10 000 $ peut être octroyé selon certaines circonstances[66]. » Lors de son témoignage, M. Robert Thomson a déclaré qu'il n'avait jamais entendu parler du Fonds d'urgence pour les vétérans[67]. Pour garantir que les vétérans qui pourraient en avoir besoin aient accès à ce fonds, le Comité recommande :

Recommandation 16

Qu'Anciens Combattants Canada procède à un examen approfondi du Fonds d'urgence pour les vétérans dans le contexte de son utilisation pour aider les vétérans dont les demandes sont en arriéré et fasse part de ses conclusions au comité.

Selon M. Harris, des exceptions ont aussi été consenties quand les vétérans ont eu besoin de soins urgents ou palliatifs[68].

Conclusion

À la lumière des témoignages entendus dans le cadre de cette étude, on peut affirmer que le problème des arriérés dans le traitement des demandes de prestations d’invalidité est largement imprévisible. Il serait donc vain de blâmer qui que ce soit pour les proportions qu’il a prises depuis que le ministère s’est mis à remarquer un accroissement anormal du volume des demandes qui lui étaient transmises. En rétrospective, il serait facile d’affirmer qu’Anciens Combattants Canada aurait dû savoir que la bonification de ses programmes entraînerait une telle augmentation soudaine de la demande, ou que, sans savoir combien de temps durerait cet afflux, il aurait dû maintenir des niveaux de dotation plus élevés.

En revanche, ce sur quoi tous les membres du Comité s’entendent, c’est que la situation actuelle est inacceptable et que la plus grande part de la solution à court et moyen terme doit passer par des embauches soutenues. Le gouvernement du Canada a déjà mobilisé des ressources financières importantes, ce qui témoigne du sérieux de son engagement à régler le problème. Les analyses du directeur parlementaire du budget tendent cependant à démontrer que si ces ressources ne sont pas reconduites, elles seront insuffisantes pour mettre fin à l’arriéré d’ici le printemps de 2023.

On peut toujours espérer que le volume des nouvelles demandes diminuera, ce qui contribuerait à résorber l’arriéré plus rapidement, mais une telle tournure des événements est improbable. Tout semble plutôt indiquer que c’est le contraire qui se produira et que la diminution du nombre de nouvelles demandes depuis le printemps dernier est liée aux circonstances de la pandémie de COVID-19, et que, dès que la vie des Canadiens et des Canadiennes retrouvera un semblant de normalité, le rythme des applications s’accroîtra.

C’est pourquoi l’une des recommandations de ce rapport consiste à mettre en œuvre la solution préconisée par le directeur parlementaire du budget, et qui consiste à maintenir en poste les 160 employés temporaires ou réaffectés à la suite des mesures du budget de 2018, et de maintenir en poste les 300 employés de plus pour lesquels un financement important, mais temporaire, a été accordé jusqu’au 31 mars 2022.

Cette mesure est nécessaire, mais elle ne suffira pas à régler les difficultés plus profondes auxquelles fait face Anciens Combattants Canada depuis trop longtemps, et qui ont été exacerbées par ce problème des arriérés. La complexité croissante des règles a fini par créer une lourdeur dans le fonctionnement du ministère qui rend la tâche de plus en plus difficile aux fonctionnaires dans leurs efforts de répondre aux besoins et aux attentes des vétérans canadiens qui méritent mieux.

 Afin de traiter l'arriéré actuel, le Comité recommande que les employés temporaires qui ont été embauchés ou réaffectés pour traiter l'arriéré soient maintenus au-delà de la date limite initiale de mars 2022. Pour éviter que l'arriéré ne réapparaisse lorsque le nombre de demandes recommencera à augmenter de manière inattendue, le Comité recommande de tester par un projet pilote une procédure d’approbation provisoire automatique de toute demande de prestation d’invalidité qui paraîtrait fondée à première vue. La très grande probabilité que ces demandes finissent par être au moins partiellement approuvées assure que le risque demeure minime pour les contribuables canadiens.

L'adoption de ces mesures permettrait de faire preuve de bonne foi dans le traitement de l'arriéré existant et de respecter le principe fondamental qui a guidé tous les programmes d'indemnisation des vétérans canadiens depuis la Première Guerre mondiale : le bénéfice du doute. Les membres du Comité veulent réaffirmer ce principe et rassurer les vétérans et leurs familles en leur disant que leur bien-être est la seule et unique raison d’être d'Anciens Combattants Canada.


[1]              Chambre des communes, Comité permanent des anciens combattants [ACVA], Témoignages, 12 novembre 2020, 1115 (Hon. Lawrence MacAulay, ministre des Anciens combattants).

[3]              ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1610 (M. Raymond McInnis, directeur, Services aux vétérans, Direction nationale, Légion royale canadienne).

[4]              ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1625 (M. Brian Sauvé, Président, National Police Federation).

[7]              ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1650 (M. Brian Sauvé). Voir également : ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1655 (M. Christopher McNeil, président, révision et appel, Tribunal des anciens combattants).

[8]              ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1120 (Général [à la retraite] Walter Natynczyk, sous-ministre, ministère des Anciens Combattants).

[9]              ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1605 (M. Raymond McInnis).

[10]            Association nationale des retraités fédéraux, Mémoire soumis à ACVA, p. 2.

[11]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1220 (M. Charles Scott, à titre personnel).

[12]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1625 (M. Scott Maxwell, directeur exécutif, Wounded Warriors Canada).

[13]            Mme Christine Shepherd, Mémoire soumis à ACVA, p. 5.

[14]            ACVA, Témoignages, 6 décembre 2018, 1710 (M. Michel Doiron, sous-ministre adjoint, Prestation des services, ministère des Anciens Combattants).

[15]            ACVA, Témoignages, 6 octobre 2016, 1535 (M. Gary Walbourne, ombudsman, ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes).

[16]            Ibid.

[17]            ACVA, Témoignages, 6 décembre 2018, 1715 (M. Michel Doiron).

[18]            ACVA, Témoignages, 12 mars 2020, 0900 (M. Raymond McInnis).

[19]            ACVA, Témoignages, 12 mars 2020, 1015 (M. Christopher McNeil).

[20]            Ibid.

[21]            Ibid.

[22]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1630 (M. Steven Harris).

[23]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1655 (M. Steven Harris).

[24]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1255 (M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, bureau du directeur parlementaire du budget).

[25]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1300 (M. Yves Giroux).

[26]            Bureau du directeur parlementaire du budget, Traitement des demandes de prestations d'invalidité à Anciens Combattants Canada, 28 septembre 2020, p. 6.

[27]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1605 (Gén Walter Natynczyk).

[28]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1235 (Mme Doreen Weatherbie, présidente, Membres, Institut professionnel de la fonction publique du Canada).

[29]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1715 (M. Scott Maxwell, directeur exécutif, Wounded Warriors Canada).

[30]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1655 (Mme Virginia Vaillancourt, présidente nationale, Syndicat des employé(e)s d’Anciens Combattants Canada).

[32]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1610 (M. Raymond McInnis).

[33]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1705 (Gén Walter Natynczyk).

[34]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1600 (Gén Walter Natynczyk).

[35]            Ombudsman des vétérans, Répondre aux attentes : décisions opportunes et transparentes pour les vétérans malades ou blessés du Canada, septembre 2018, p. 17, note 12.

[36]            Ibid.

[37]            ACVA, Témoignages, 27 février 2020, 1000 (M. Michel Doiron).

[38]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1620 (M. Steven Harris).

[39]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1345 (Mme Doreen Weatherbie, présidente, Membres, Institut professionnel de la fonction publique du Canada).

[40]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1620 (M. Steven Harris).

[41]            ACVA, Témoignages, 27 février 2020, 1020 (M. Michel Doiron).

[42]            Association nationale des retraités fédéraux, Mémoire soumis à ACVA, p. 5.

[43]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1230 (M. Simon Coakeley, directeur général, Association nationale des retraités fédéraux).

[44]            ACVA, Témoignages, 13 février 2018, 1105 (M. Gary Walbourne).

[45]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1250 (M. Gary Walbourne, à titre personnel).

[47]            ACVA, Témoignages, 20 mars 2018, 1250 (M. Michel Doiron).

[49]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1640 (M. Christopher McNeil).

[51]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1630 (M. Brock Heilman).

[52]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1700 (M. Raymond McInnis).

[53]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1610 (M. Robert Thomson, à titre personnel).

[54]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1635 (M. Christopher McNeil).

[55]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1725 (M. Jacques Bouchard, vice-président, révision et appel, Tribunal des anciens combattants).

[56]            Voir Brian Forbes, « Veterans Affairs’ backlog and wait-times ‘a perfect storm’ », Hill Times, 14 octobre 2020 [disponible en anglais seulement].

[57]            ACVA, Témoignages, 27 février 2020, 0945 (M. Michel Doiron).

[58]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1715 (Gén Walter Natynczyk).

[59]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1720 (M. Steven Harris).

[60]            Conseil national des associations d’anciens combattants, Mémoire présenté au Comité, novembre 2020, p. 6.

[61]            ACVA, Témoignages, 12 novembre 2020, 1255 (M. Gary Walbourne).

[62]            ACVA, Témoignages, 18 novembre 2020, 1635 (M. Scott Maxwell).

[63]            ACVA, Témoignages, 12 mars 2020, 1035 (Bgén Mark Misener, Commandant, Groupe de transition des Forces armées canadiennes, ministère de la Défense nationale).

[64]            Association nationale des retraités fédéraux, Mémoire soumis à ACVA, p. 4.

[65]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1605 (Général [à la retraite] Walter Natynczyk).

[66]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1720 (Général [à la retraite] Walter Natynczyk).

[67]            ACVA, Témoignages, 16 novembre 2020, 1650 (M. Robert Thomson, à titre personnel).

[68]            ACVA, Témoignages, 27 octobre 2020, 1605 (M. Steven Harris).