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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mars 2021

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Étant donné que nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte.
    Je tiens d'abord à souligner que nous nous réunissons, à Ottawa, sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 25 février 2021, le Comité poursuit son étude de l'objet du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
    La séance d'aujourd'hui remplace celle de jeudi dernier, qui a dû être annulée en raison des votes à la Chambre. Malheureusement, MM. Dwight Newman et Ken Coates ne pourront pas se joindre à nous aujourd'hui. Je me suis assuré, par l'entremise du greffier, qu'ils disposent des renseignements nécessaires pour nous envoyer leurs observations par écrit.
    Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, les participants sont priés de parler et d'écouter dans la langue officielle de leur choix. Au bas de votre écran, en cliquant sur l'icône du globe, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Vous pouvez passer d'une langue officielle à l'autre sans avoir à changer la langue dans Zoom. Lorsque vous prenez la parole, assurez-vous que la vidéo fonctionne et que vous vous exprimez lentement et clairement. Quand vous avez terminé, veuillez mettre votre micro en sourdine.
    Conformément à la motion adoptée le 9 mars 2021, j'informe le Comité que Mark Podlasly et Stephen Buffalo n'ont pas terminé les essais techniques préliminaires.
    Nous recevons aujourd'hui, par vidéoconférence, Mark Podlasly, directeur de l'économie politique pour la First Nations Major Projects Coalition. Nous accueillons également deux représentantes de l'Association minière du Canada: Kara Flynn, vice-présidente des affaires gouvernementales et publiques chez Syncrude Canada, et Tara Shea, directrice principale de la réglementation et des affaires autochtones. Enfin, le président du Conseil des ressources indiennes, Steven Buffalo, que je viens de mentionner, se joindra également à nous au cours de la première heure.
    Je remercie tous les témoins d'avoir pris le temps de comparaître. Chaque organisation aura droit à six minutes, tout au plus, pour faire un exposé, après quoi nous passerons aux questions.
    Monsieur Podlasly, nous allons commencer par vous.
    Je m'appelle Mark Podlasly, et je suis membre de la nation Nlaka'pamux, dans le Sud de la Colombie-Britannique. Je vous parle aujourd'hui depuis le territoire des Salish du littoral, dans le Sud-Ouest de la Colombie-Britannique.
    Je suis directeur de l'économie politique à la First Nations Major Projects Coalition, un collectif national de 70 nations autochtones dont le mandat est de veiller à ce que les Premières Nations reçoivent une part équitable des avantages découlant des projets réalisés sur leurs territoires grâce à la prise de participation dans des projets de pipelines, d'infrastructures électriques, de voies de transport et d'autres initiatives pouvant générer des revenus.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler au nom de nos membres en faveur du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Pour nos membres, la Déclaration encadre déjà la façon dont nous considérons les projets de développement et notre capacité d'orienter des décisions qui vont dans le sens de nos intérêts.
    La Déclaration permet aux peuples autochtones de se concentrer sur la façon dont le développement soutenu par les Premières Nations peut favoriser l'autodétermination, comme le décrit l'article 3 de la Déclaration. Cependant, c'est l'article 4 qui, selon notre coalition, sera indispensable pour la mise en œuvre réussie de la Déclaration dans le contexte canadien.
    L'article 4 prévoit ceci:
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.
    Cette composante financière est essentielle pour garantir que les Premières Nations aient les moyens de poursuivre l'autonomie prévue par la Déclaration. Aucun gouvernement, qu'il soit autochtone ou non, n'est véritablement doté du pouvoir d'autodétermination s'il dépend d'un gouvernement extérieur pour sa viabilité financière. Il est impossible pour un gouvernement de fonctionner, à n'importe quel palier, sans une source de revenus pour payer ses coûts de fonctionnement.
    C'est la raison pour laquelle nos membres considèrent que les revenus provenant des capitaux propres détenus par des Autochtones fournissent les moyens financiers propices à l'autodétermination et que les Premières Nations doivent appliquer ce principe conformément à la Déclaration. Sans cela, la mise en œuvre de la Déclaration sera impossible.
    Pour les Premières Nations, une source multigénérationnelle de revenus issus de capitaux propres leur permettra d'établir et de financer leurs propres priorités en matière d'autodétermination, au sens de la Déclaration.
    Au nombre de ces priorités figurent la culture et la langue. Il s'agit, comme l'énonce l'article 11, d'observer et de revitaliser notre culture, nos traditions et nos coutumes; selon l'article 12, il s'agit aussi de manifester, de pratiquer, de promouvoir et d'enseigner nos traditions, coutumes et rites religieux et spirituels.
    S'ajoutent à cela l'éducation et les médias. Comme le précisent les articles 14 et 16, il s'agit d'établir et de contrôler nos propres systèmes et établissements scolaires, de dispenser un enseignement et d'établir nos propres médias dans notre propre langue.
    Mentionnons aussi les améliorations économiques, sociales et sanitaires. Il s'agit, comme l'indique l'article 21, d'améliorer notre situation économique et sociale.
    Soulignons ensuite les revenus tirés des territoires traditionnels. L'article 26 prévoit le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources que nous possédons parce qu'ils nous appartiennent ou parce que nous les occupons ou les utilisons traditionnellement.
    Enfin, il y a les priorités en matière de développement. Il s'agit, aux termes de l'article 32, d'établir et de présenter des priorités et des stratégies pour la mise en valeur et l'utilisation de nos terres ou territoires et autres ressources et, comme le décrit l'article 34, de promouvoir, de développer et de conserver nos structures institutionnelles.
    L'article 39 précise que nous devons avoir accès à une assistance financière et technique, de la part des États, pour jouir des droits énoncés dans la Déclaration.
    Ces articles de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dépendent tous d'une source de revenus pour en financer la mise en œuvre. Une nouvelle composante financière, contrôlée par les Autochtones, présente des avantages considérables pour les Premières Nations et le Canada, notamment une plus grande certitude en matière d'investissements et une opposition réduite aux projets; des gouvernements autochtones autosuffisants; des flux de revenus stables pour financer les priorités des gouvernements des Premières Nations; la possibilité pour les Premières Nations d'accéder à des sources de capitaux afin de maximiser leurs flux de revenus pour investir davantage dans l'économie canadienne; une nouvelle relation de nation à nation avec la Couronne, en tant que véritable partenaire aux termes de la Déclaration; une participation directe des Premières Nations aux divers aspects de l'économie canadienne ayant trait à la production de richesses; et, enfin, la mise en application de la Déclaration.
     Ces avantages ne se concrétiseront que si les Premières Nations disposent d'un moyen pour acquérir une source de revenus en vue d'appuyer l'autodétermination. À l'heure actuelle, il est très difficile, voire presque impossible, pour les Premières Nations de réunir d'importants capitaux ou d'y accéder afin d'investir dans des projets d'envergure.
    Voici le conseil que je souhaite vous donner aujourd'hui: pour que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones fonctionne au Canada, la clé est de commencer par l'article 4, qui porte sur les moyens de financer les activités autonomes des peuples autochtones. La façon dont cette disposition sera mise en œuvre déterminera si la promesse du projet de loi C-15 et de la Déclaration sera remplie.

  (1105)  

    Je vous remercie.
     Merci beaucoup à notre premier témoin, M. Podlasly.
    Nous allons maintenant passer à Kara Flynn et à Tara Shea, de l'Association minière du Canada. Vous disposez de six minutes.
    La parole est à vous.
    Bonjour, monsieur le président, distingués membres du Comité et chers témoins.
    J'aimerais commencer par souligner que je participe à la séance à partir d'Ottawa, qui est le territoire traditionnel des Algonquins. Mme Flynn se joint à nous depuis Edmonton, qui se trouve sur le territoire du Traité no 6 et les terres ancestrales des Métis.
    Je vous remercie beaucoup de nous avoir invitées à comparaître aujourd'hui afin de vous faire part du point de vue des membres de l'Association minière du Canada sur le projet de loi C-15.
    Les membres de notre association ont toujours entretenu des relations respectueuses et mutuellement avantageuses avec les Inuits, les Métis et les Premières Nations. Nos membres comptent parmi les principaux employeurs de personnes autochtones du secteur industriel au Canada et ils sont d'importants clients auprès d'entreprises appartenant à des Autochtones. Dans tout le pays, on trouve des exemples de partenariats entre des sociétés minières et des communautés qui font progresser la réconciliation et qui contribuent à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies.
    Notre association s'est inspirée de la Déclaration des Nations unies et de la Commission de vérité et réconciliation pour rédiger son protocole de relations avec les Autochtones et les communautés — protocole qui a récemment été mis à jour — dans le cadre de son initiative de développement durable, intitulée Vers le développement minier durable. Nous avons établi des pratiques exemplaires qui visent notamment l'obtention du consentement préalable, libre et éclairé avant d'aller de l'avant avec de nouveaux projets ou des expansions susceptibles d'avoir une incidence sur des droits. Il s'agit d'un des nombreux critères énoncés dans la norme, qui est conçue pour favoriser des relations solides grâce à des processus efficaces d'échange et de prise de décisions.
    Nous appuyons l'objectif de mettre en œuvre la Déclaration, de façon graduelle et réfléchie, par la collaboration. Nous estimons que le projet de loi C-15 pourrait, s'il est bien mis en œuvre et accompagné des ressources adéquates, améliorer les relations entre la Couronne et les peuples autochtones, mais il faudra apporter des précisions supplémentaires sur certaines questions clés.
    D'après ce que nous comprenons du projet de loi C-15, il s'agit d'une loi habilitante qui obligera le gouvernement fédéral à travailler avec les peuples autochtones en vue d'élaborer conjointement un plan d'action visant à assurer la poursuite des progrès réalisés à ce jour. Le projet de loi reconnaît que la Déclaration constitue déjà une source d'interprétation, mais il ne vise pas à lui donner un effet juridique direct au Canada.
    Si nous parlons aujourd'hui de notre interprétation du projet de loi, c'est parce que nous savons qu'il existe des points de vue divergents quant à son objet et que la présence de plus en plus d'interprétations finit par créer de la confusion au sujet du sens et de l'intention du projet de loi. Nous craignons qu'en l'absence d'une compréhension commune de l'intention de la mesure législative, il risque d'y avoir des conséquences involontaires, notamment des attentes non satisfaites, des contestations judiciaires et une incertitude accrue, qui ont toutes une incidence sur la viabilité des projets d'exploitation des ressources naturelles et sur les avantages connexes pour les personnes, les communautés et les entreprises autochtones.
    Pour éviter que les attentes ne divergent davantage, le gouvernement fédéral doit faire preuve de transparence quant à la façon dont il interprète la Déclaration et les obligations qui, selon lui, découlent du projet de loi C-15. À cet égard, il faut entre autres que le Parlement communique mieux l'intention du projet de loi aux peuples autochtones, aux gouvernements provinciaux, aux autres Canadiens et aux investisseurs.
    Il est particulièrement important de clarifier l'approche du gouvernement fédéral en matière de consentement préalable, libre et éclairé et son lien avec les obligations actuelles concernant le devoir de consulter. Le ministre de la Justice et d'autres personnes ont récemment expliqué ce que signifie, en principe, le consentement préalable, libre et éclairé. Ainsi, ils ont notamment précisé que cette notion n'accorde pas de droit de veto sur les décisions prises par le gouvernement.
    À notre avis, il y a un besoin urgent de clarifier davantage le processus, au-delà de la question de savoir si le consentement préalable, libre et éclairé équivaut à un droit veto. En particulier, il faut préciser les circonstances qui donnent lieu à l'obligation de consulter et, dans certains cas, de demander le consentement, ainsi que les processus précis pour chaque cas. Il faut aussi définir l'approche retenue par le gouvernement lorsque les efforts visant à obtenir le consentement échouent ou lorsque le consentement est accordé par certaines, mais pas la totalité, des communautés autochtones touchées. Enfin, il reste à déterminer si les processus de consultation avec les Autochtones peuvent être modifiés et, le cas échéant, il faut indiquer quels changements précis sont envisagés.
    Même si nous reconnaissons que, dans une certaine mesure, les décisions du gouvernement seront prises au cas par cas en tenant compte d'éléments comme le fondement des revendications, les conséquences sur les droits et les avantages globaux des projets, le manque de clarté entraînera une incertitude quant aux investissements, d'où la nécessité de clarifier ces questions avant l'adoption du projet de loi.
    Dans notre mémoire, nous recommandons que les directives, les politiques et la formation soient améliorées pour faire en sorte que les fonctionnaires fédéraux puissent favoriser la création de liens et l'établissement d'un dialogue avec les communautés autochtones. D'ailleurs, en ce qui concerne le document Consultation et accommodement des Autochtones — Lignes directrices actualisées à l'intention des fonctionnaires fédéraux pour remplir l'obligation de consulter, c'est très désuet.
    En plus de mettre à jour ces lignes directrices, il y a lieu de prendre d'autres mesures concrètes dès maintenant pour assurer une certaine cohérence au sein du gouvernement fédéral, notamment la publication d'une directive à l'intention des fonctionnaires fédéraux pour les informer de la façon dont le gouvernement interprète le consentement préalable, libre et éclairé et pour leur expliquer l'objet du projet de loi C-15. Cela doit se faire immédiatement afin d'éviter toute confusion sur le terrain quant au sens du projet de loi C-15.

  (1110)  

    Voici quelques mesures supplémentaires: intégrer l'interprétation gouvernementale du consentement préalable, libre et éclairé et le projet de loi dans les directives, la formation et les politiques; mettre en œuvre des mécanismes de surveillance pour assurer le respect constant des directives et des politiques; et accorder des ressources aux initiatives de formation continue afin de répondre au besoin créé par le taux de roulement élevé parmi les titulaires de postes clés au sein du gouvernement fédéral. On ne peut plus continuer à remettre à plus tard ces mesures. Il faut des directives sur-le-champ.
    En ce qui a trait au plan d'action, il sera essentiel que le processus d'élaboration soit transparent et bien défini, compte tenu des multiples attentes à l'égard du projet de loi et des nombreux résultats possibles. Il s'agit notamment d'établir un plan de consultation valable, de déterminer comment les mesures seront recensées et classées par ordre de priorité et d'assurer l'octroi des ressources nécessaires.
    Nous respectons et soutenons l'intention de faire en sorte que le plan d'action soit élaboré conjointement avec les peuples autochtones, et nous avons demandé à participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce plan en ce qui concerne tout élément susceptible d'avoir une incidence sur notre secteur.
     Sur ce, monsieur le président, nous vous remercions encore une fois d'avoir invité notre association à prendre part aux discussions d'aujourd'hui.
    Nous avons hâte de répondre aux questions des membres du Comité.

  (1115)  

    Merci beaucoup, madame Shea.
    Accueillons maintenant notre troisième témoin: le président du Conseil des ressources indiennes, M. Stephen Buffalo.
    Vous avez la parole pour les six prochaines minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui, depuis le territoire du Traité no 7. Je m'appelle Stephen Buffalo, et je suis président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes du Canada.
    Notre organisation représente plus de 130 Premières Nations, de partout au Canada, qui s'occupent de la production ou qui ont un intérêt direct dans l'industrie pétrolière et gazière. Notre mandat consiste à promouvoir des politiques fédérales qui amélioreront et augmenteront les possibilités de développement économique pour nos Premières Nations. Peu de gens seront plus durement touchés dans l'immédiat que les 130 membres du Conseil des ressources indiennes si le projet de loi en question manque de clarté. Le cas échéant, cela compromettra leur capacité de participer à l'exploitation des ressources.
    Les membres du Conseil des ressources indiennes, à l'instar de toutes les Premières Nations, trouvent évidemment beaucoup d'éléments positifs dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, que nous appuyons sans réserve. Je suis personnellement membre de la même nation que M. Willie Littlechild, l'un des architectes de la Déclaration. J'ai longuement discuté avec lui pour en comprendre l'esprit et l'intention, mais je m'inquiète beaucoup des conséquences involontaires du projet de loi. Je crois que, dans la pratique, cette mesure législative freinera, voire annulera les progrès en matière de développement économique que nous avons accomplis dans nos nations.
    Au sein de nos communautés, la majorité de nos membres — pas tous, mais la plupart — appuient la participation à l'industrie pétrolière et gazière. C'est parce que les redevances et les profits générés par ce secteur ont été essentiels au bien-être de nos peuples. Ces revenus permettent de financer des choses comme les services aux aînés, le logement, les programmes culturels, les frais de deuil, les centres de loisirs et d'autres programmes et services qui sont chroniquement sous-financés par le gouvernement fédéral ou qui ne sont carrément pas financés. Ils nous offrent une certaine autonomie en matière de dépenses, ce qui n'est pas le cas avec le financement fédéral. Ils nous permettent d'exercer notre droit à l'autodétermination.
    Dans ma propre communauté, Maskwacis, nous avons créé une société de fiducie, Peace Hills Trust, ainsi qu'un fonds de bourses d'études pour encourager nos jeunes à poursuivre des études postsecondaires. Le secteur de l'énergie nous a procuré de nombreux avantages, et nous n'avons pas besoin d'autres obstacles susceptibles d'entraver ou d'éliminer ces avantages. La création d'un environnement d'investissement concurrentiel et stable au Canada permettrait d'attirer de nouveaux projets de développement dans nos territoires. Par exemple, une capacité suffisante en matière de pipelines permettrait à nos membres d'obtenir la pleine valeur de leurs produits, au lieu d'avoir à consentir un rabais en raison des contraintes liées au transport et au marché, comme c'est le cas aujourd'hui.
    Nous avons déjà assisté à la perte d'un nombre incalculable d'emplois, de possibilités d'approvisionnement et de capitaux propres à la suite de l'annulation de projets énergétiques dans l'Ouest canadien, d'une valeur de plusieurs dizaines de milliards de dollars, à cause de mesures législatives comme les projets de loi C-48 et C-69. Nous avons beaucoup à perdre si le projet de loi à l'étude, dans sa forme actuelle, nous empêche encore plus d'attirer des investissements.
    Permettez-moi de vous faire part de la plus grande inquiétude que suscite le projet de loi C-15. Celui-ci prévoit que les peuples autochtones doivent donner leur consentement pour qu'un projet puisse aller de l'avant, mais il ne précise pas qui peut donner ou refuser le consentement et comment il faut le démontrer. Si vous dites que le consentement est accordé par le chef et les conseils, au moyen d'une résolution du conseil de bande ou d'un référendum, c'est une chose. Mais si vous dites que le consentement d'un petit groupe d'activistes autochtones est également requis, comme ils le réclament, et que ces derniers ont le droit de bloquer tout projet qui ne leur plaît pas ou de le contester devant les tribunaux, alors c'est courir à l'échec.
    Ce serait beaucoup mieux si le Comité pouvait définir le « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » dans le projet de loi et déterminer qui peut représenter les peuples autochtones et prendre des décisions en leur nom aux fins d'approbation de projets. Mieux encore, le Comité peut amener les peuples autochtones de tout le Canada à parvenir à un consensus sur ce que signifie le « consentement » avant d'adopter le projet de loi, car vous savez aussi bien que moi que certaines personnes pensent qu'il s'agit d'un droit de veto, et si le Comité n'est pas de cet avis, alors il devra le dire clairement.
    Le fait d'intégrer la Déclaration, mot pour mot, dans la législation fédérale, sans y ajouter ces définitions, permettra aux groupes d'intérêts spéciaux d'utiliser la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme une arme pour empêcher tout projet d'extraction qui ne leur plaît pas. Ce n'est pas de la paranoïa de ma part. C'est ce qui se passe en permanence dans nos communautés et dans le cadre de nos projets. J'ai même entendu certains députés invoquer la Déclaration comme raison pour annuler le projet TMX, par exemple.

  (1120)  

    Bon nombre de nos membres participent aux négociations et aux achats, mais que vous soyez ou non en faveur de l'industrie pétrolière et gazière, les 130 Premières Nations de notre organisation ont le droit de mettre en valeur leurs ressources comme elles l'entendent.
    Au bout du compte, si le projet de loi reste vague, comme c'est le cas dans sa forme actuelle, je crois qu'un juge finira, tôt ou tard, par décider ce que signifie le consentement préalable, libre et éclairé dans le contexte de l'exploitation des ressources. D'ici là, personne ne voudra investir dans des projets d'envergure au Canada.
    Les membres du Conseil des ressources indiennes souhaitent une meilleure protection des droits des Autochtones, et il est évident que l'utilisation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones comme bouclier et cadre pour la réconciliation peut apporter beaucoup de bonnes choses. Toutefois, la certitude est de rigueur pour les investissements, et si nous voulons exercer notre droit à l'autodétermination, réduire notre dépendance à l'égard du gouvernement et aller au-delà des maigres redevances, nous devrons attirer nos propres investissements.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter. Je serai heureux de répondre aux questions.
    Monsieur Buffalo, merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à une série d'interventions de six minutes chacune. Voici les députés qui prendront la parole au premier tour: M. Melillo, M. van Koeverden, Mme Normandin et Mme Gazan.
    Monsieur Melillo, vous êtes le premier à intervenir. Vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Vous nous avez déjà donné beaucoup de matière à réflexion. J'ai hâte d'entendre vos réponses à nos questions et d'en savoir plus sur ce que vous avez à nous dire.
    Mes questions s'adressent à l'Association minière du Canada. N'importe qui peut intervenir.
     Je représente la circonscription de Kenora, dans le Nord-Ouest de l'Ontario. Il y a beaucoup de projets d'exploitation minière là-bas. La mine de Red Lake, la mine de Musselwhite et bien d'autres se trouvent dans ma circonscription. Il s'agit manifestement d'un important moteur économique pour notre région et d'un important employeur pour les Premières Nations.
    Je me demande, pour commencer, si vous pouvez nous parler de certains des mécanismes et processus que les sociétés minières ont actuellement mis en place pour s'assurer qu'elles travaillent en partenariat avec les communautés autochtones et que tout projet d'exploitation joue en faveur de ces communautés. La question s'adresse à qui veut bien y répondre.
    Je vais profiter de cette occasion pour parler des ententes de relations entre les sociétés minières et les communautés. À l'heure actuelle, on compte près de 500 ententes en vigueur entre des sociétés et des communautés au Canada. Le ministère des Ressources naturelles tient un registre à ce sujet sur son site Web.
    Les ententes de relations, les ententes sur les répercussions et les avantages ou les ententes de collaboration — appelez-les comme vous voulez — établissent les modalités des relations entre une entreprise et une communauté. Elles tiennent compte des circonstances uniques de l'activité minière, des répercussions sur les droits et des relations. Elles comportent des dispositions sur l'éducation, la formation, la gérance de l'environnement, la remise en état, l'emploi, le développement commercial et les investissements communautaires. Elles précisent les responsabilités des deux parties.
    Les premières ententes étaient de nature transactionnelle. Aujourd'hui, ces ententes ne se limitent plus aux paiements financiers destinés à compenser les effets néfastes potentiels, puisqu'elles servent de plus en plus à favoriser la participation des Autochtones dans notre secteur.
     En fait, nous observons déjà d'excellents résultats. Les ententes officielles ont permis d'augmenter le nombre d'Autochtones qui participent à notre secteur. Toutes proportions gardées, c'est notre secteur qui emploie le plus d'Autochtones. C'est aussi un important client auprès d'entreprises appartenant à des Autochtones, comme en témoignent les millions de dollars que de nombreuses sociétés dépensent chaque année au titre des contrats avec des fournisseurs de services autochtones.
    Il existe d'autres exemples de partenariats entre des entreprises et des communautés dans des domaines tels que la surveillance environnementale et les activités de remise en état, et c'est ce qui garantit l'intégration des connaissances autochtones dans notre façon de faire des affaires.

  (1125)  

     Si vous me le permettez, monsieur Melillo, je pourrai peut-être ajouter quelques observations à la réponse de Mme Shea.
    Les sociétés minières et toutes les entreprises du secteur des ressources naturelles comptent vraiment sur nos relations, non seulement au début d'un processus réglementaire, mais aussi tout au long de la durée des activités d'exploration, de mise en valeur, d'exploitation, d'assainissement et de remise en état de nos installations.
    Comme Mme Shea l'a dit, il faut conclure des contrats commerciaux, offrir des emplois et appuyer le renforcement des capacités à l'échelle communautaire. Cependant, on a également commencé à miser sur des investissements en capital et des initiatives qui mènent réellement à d'excellents partenariats entre une entreprise du secteur des ressources et une ou plusieurs communautés, selon l'installation. Il s'agit non seulement d'assurer la réalisation d'un projet précis, mais aussi d'être de bons partenaires alors que nous conjuguons nos efforts en matière de développement.
    Merci beaucoup.
     Je vous suis reconnaissant, à toutes les deux, de ces observations.
    Je vais poser une question toute simple, mais je sais que la réponse n'en sera pas autant. Compte tenu de tout le travail qui a déjà été effectué et de certaines des incertitudes que vous avez évoquées dans vos exposés relativement à la Déclaration et au projet de loi C-15, pensez-vous que l'adoption du projet de loi C-15 risque de mettre en péril certains de ces processus et accords?
    Puis-je intervenir?
    Excusez-moi, madame Shea. Je vous laisse parler en premier.
    Non, allez-y, monsieur Podlasly.
    Je parle au nom des membres de notre coalition, et il est question ici de projets d'envergure.
    Selon nous — et j'entends par là les 70 Premières Nations —, la Déclaration permet en fait d'accroître la certitude quant aux projets de développement au Canada. Nous sommes d'avis que la clarté que procure la Déclaration — en faisant savoir aux Premières Nations qu'elles participeront activement à tout projet de développement — donne aux investisseurs et aux promoteurs une certitude quant à leurs investissements futurs.
    Nos membres ne sont pas contre le développement. Nous sommes en faveur de projets de développement intelligents, et les dispositions de la Déclaration fourniront cette assurance.
    Merci.
     Si je peux me le permettre, j'aimerais revenir à Mme Shea en lui posant la question...
     Je veux simplement savoir ce que vous en pensez. Je crois qu'ensuite, j'aurai peut-être à céder la parole.
    Bien sûr.
    Dans notre mémoire, nous avons souligné que le projet de loi nous paraît prometteur, à condition qu'il soit plus précis, bien mis en œuvre et accompagné des ressources adéquates.
     Je me contenterai d'ajouter que si nous devons attendre trois ans pour que les questions clés soient clarifiées, il y aura une période d'incertitude. C'est pourquoi nous insistons sur certaines mesures que nous pouvons prendre dès maintenant afin de réduire cette incertitude et de tirer au clair ces questions clés, surtout en ce qui a trait au processus fédéral pour le consentement préalable, libre et éclairé.
    Grâce à des directives pratiques, à des séances de formation et à des politiques, il y a lieu d'éviter cette confusion sur le terrain. Nous craignons qu'en l'absence de directives adéquates à l'intention des fonctionnaires fédéraux, l'incohérence subsiste en ce qui concerne les approches adoptées par le gouvernement fédéral pour identifier les groupes autochtones devant être consultés, le degré de consultation requis, la nature des adaptations susceptibles d'être nécessaires et le moment auquel elles le seraient.
    D'une certaine façon, nous nous servons de cette occasion pour demander quelque chose qui est déjà nécessaire afin d'assurer une uniformité dans l'ensemble des ministères fédéraux.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Votre temps est écoulé. J'en suis désolé.
    D'accord.
    C'est maintenant au tour de M. van Koeverden.
    Vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de toutes les réflexions dont ils nous ont fait part aujourd'hui. Ce sont des sujets importants, et vos idées et perspectives comptent vraiment.
    Je me joins à vous aujourd'hui du territoire traditionnel des Haudenosaunee, des Hurons-Wendat, des Anishinabe, des Attawandaron et, plus récemment, de la Première Nation des Mississaugas de Credit.
    Ma question s'adresse à Mark Podlasly. Je vous envie un peu, car vous vous trouvez sur le territoire des Salish du littoral, un des plus beaux endroits du Canada. J'espère qu'il n'y a pas trop de gens de Milton qui nous écoutent en ce moment, alors que je vante avec envie la beauté de votre territoire. Ayant moi-même le pied marin, j'adore forcément votre territoire. Cette région du pays est magnifique.
    J'ai pris note de votre référence à l'article 4, que vous avez cité à plusieurs reprises tout au long de votre témoignage aujourd'hui. J'ai vérifié le libellé, et j'aimerais le lire pour ma gouverne et celle de toute autre personne qui s'y intéresse.
    Le voici:
Les peuples autochtones, dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.
    J'ignore à qui attribuer les paroles suivantes, mais j'ai entendu dire que l'ajout de nouveaux droits de la personne n'est jamais une mauvaise chose. Je sais que c'est Martin Luther King qui a dit: « Un droit différé est un droit refusé. »
     Je suis fermement convaincu que ces droits ont été différés pendant trop longtemps. Le projet de loi, aussi succinct soit-il, permettra de remédier à la situation et de donner aux peuples et aux personnes les droits qu'ils méritent tant.
    Nous avons passé beaucoup de temps à discuter des nuances et des différences entre le droit de veto et le consentement préalable, libre et éclairé. De plus, nous avons récemment entendu un ancien député, Romeo Saganash, définir ou distinguer les deux notions.
    Je vais lire un extrait, après quoi j'inviterai M. Podlasly à nous faire part de ses réflexions à ce sujet.
    M. Saganash a dit:
Le droit de veto et le consentement libre, préalable et éclairé sont deux concepts juridiques différents. L'un est absolu, il s'agit du veto, tandis que l'autre est relatif. Comme tous les droits de la personne, le droit à un consentement libre, préalable et éclairé est relatif. Il faut tenir compte de toutes sortes d'autres facteurs, des faits, des éléments de droit et des circonstances.
    Monsieur Podlasly, j'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez, et j'en profite pour vous remercier de votre témoignage d'aujourd'hui.

  (1130)  

     Merci.
    La question des moyens de financer notre propre autonomie, comme vous l'avez mentionné, à l'article 4, est la clé de toutes les autres dispositions de la Déclaration. Lorsqu'il s'agit d'éducation, de services sociaux, de langue, tout cela dépend d'une source de revenus. Les Premières Nations ont besoin d'une source de revenus, comme tout autre gouvernement, pour offrir ces services.
    C'est pourquoi notre coalition estime que cette disposition est au cœur de la Déclaration et que, sans un tel financement, la mise en œuvre de la Déclaration et de toutes ses promesses ne sera pas possible.
    Pour ce qui est de la question que vous avez soulevée à propos du droit de veto, que ce soit dans la pratique ou par défaut, notre coalition est d'avis qu'en faisant participer les Premières Nations, dès le début, à des projets de développement intelligents en tant que partenaires financiers, nous devenons essentiellement des copromoteurs. Par conséquent, la question de savoir si le consentement préalable, libre et éclairé est un droit de veto ou non devient sans importance puisqu'aucune partie intéressée, ou aucune partie qui a été consultée et qui donne son consentement en acquérant des parts, ne se heurtera jamais à ce problème.
    C'est pourquoi nous tenons beaucoup à ce qu'il y ait une sorte de programme ou de politique d'accès au capital permettant aux Premières Nations d'investir dans des projets afin que ce problème ne se pose jamais.
    Je vous remercie vraiment de cette réponse.
    En écoutant les interventions et en y réfléchissant, bien que je sois nouveau dans cette discussion en ma qualité de membre du Comité, j'ai l'impression que la conversation revient sans cesse à la question de savoir qui va profiter de bon nombre de ces grands projets et exploitations.
    Nous avons toujours parlé d'emplois, entre autres pour les gens de la classe ouvrière, mais dans ce contexte, nous parlons, me semble-t-il, d'une forme de participation au capital. Il s'agit en fait d'un projet qui appartiendrait, dans la plupart des cas, aux Premières Nations. Il ne s'agit pas de gagner sa vie, mais bien de générer de la richesse et d'assurer la viabilité à long terme de diverses communautés.
     J'aimerais, là encore, savoir ce que vous pensez de la participation au capital et de la capacité de dicter ses propres activités, de s'administrer soi-même et de décider pour soi-même, sachant que l'autonomie, l'administration autonome et l'autodétermination sont des thèmes sous-jacents dans ce contexte.
    Je tiens à souligner que les ententes sur les répercussions et les avantages, les ententes de participation, celles qui sont actuellement en vigueur dans tout le pays et qui sont conclues entre des promoteurs et des Premières Nations, ne concernent pas seulement les revenus. Elles portent sur les emplois, la protection de l'environnement et les projets de marchés. De nombreux moteurs économiques entrent en jeu.
     Comme l'a souligné Mme Shea, ces ententes comportent des dispositions qui prévoient la sollicitation de commentaires sur la fermeture d'une mine et la remise en état d'un site. Ces ententes sont très complètes. Il ne s'agit pas seulement de revenus, je tiens à le préciser. Toutefois, les Premières Nations qui veulent exercer leur droit à l'autodétermination, comme le prévoit la Déclaration des Nations unies, auront besoin d'une certaine forme de financement.
    Je dois également souligner que toutes les promesses de la Déclaration ne seront pas réalisables s'il n'y a qu'un seul gouvernement qui en assure le paiement. Le gouvernement fédéral n'aura pas la capacité de financer tout ce que prévoit la Déclaration. Il doit y avoir un partenariat, d'une manière ou d'une autre, parce que nous, les Premières Nations, voulons offrir un grand nombre de ces services, maintenir les acquis linguistiques et nous occuper des enjeux qui sont importants pour nos communautés, comme pour toutes les autres communautés du pays.
    Quels sont les autres paliers de gouvernement ou les divers intervenants que vous considérez comme des partenaires efficaces ou viables dans le cadre de cette mise en œuvre?
    C'est la Couronne, mais il y a deux Couronnes au Canada — les provinces et le gouvernement fédéral. Selon les arrangements et la façon dont se déroulera la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à l'échelle nationale, ces deux acteurs devront participer à la discussion.
    Je viens de la Colombie-Britannique, une province qui a déjà mis en œuvre une législation semblable à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et qui avance dans cette direction, mais, du moins dans ma province, la Couronne aura également besoin de la contribution de la Couronne fédérale, et cela nous ramène à votre comité.

  (1135)  

    Merci beaucoup.
    Je suis désolé, monsieur van Koeverden, mais nous avons maintenant dépassé le temps qui nous était imparti.

[Français]

    La parole est maintenant à Mme Normandin pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs présentations très instructives.
    Ma première question s'adresse à M. Podlasly.
    Je me permets de faire un petit préambule. Vous ne serez pas surpris d'entendre qu'à titre de députée du Bloc québécois, je m'intéresse particulièrement à la question de l'autodétermination des peuples. Dans le cas du Québec, il est arrivé par le passé qu'on tente à postériori de définir l'autodétermination des peuples. Je pense notamment à la clarté référendaire.
    Est-ce quelque chose qui pourrait vous préoccuper? Si les critères prévus dans le projet de loi C-15 n'établissent pas clairement ce qui constitue un consentement libre, préalable et éclairé, pourrait-on tenter de diluer le projet de loi et de le vider de son sens? Est-ce que les mesures d'accès au financement que vous annonciez sont suffisantes pour empêcher cela?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    J'ai juste une précision à apporter. L'accès au capital n'est pas la même chose que le financement. Nous investirions ce capital dans nos propres services et dans les priorités d'autodétermination de nos nations, ce qui est distinct. J'espère que je n'ai pas donné l'impression qu'il n'y avait pas de distinction entre les deux.
    Devons-nous définir maintenant ce que nous entendons par « consentement », afin que cela ne pose pas de problèmes plus tard? Je pense que c'est là la deuxième partie de votre question. Ce serait utile. Toutefois, cela doit être fait de concert avec les Premières Nations. Si le gouvernement fédéral se contente de définir la notion de consentement —  en disant « voici ce qu'elle signifie » —, cela causera des problèmes. De par sa nature, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est censée être un accord de collaboration permettant aux peuples autochtones et à leurs États hôtes de construire ensemble un meilleur avenir. La définition du consentement exigera du temps, et elle devra être négociée entre les parties.
    Je dois également souligner que le désaccord est un concept très canadien. Lorsque nous sommes pressentis au sein de la coalition et qu'on nous demande pourquoi nous, les Autochtones, ne sommes pas en mesure d'adopter une sorte d'approche unifiée, notre réponse est la suivante: « Tout comme le Canada et l'ensemble des provinces adoptent une approche unifiée? »
     Nous sommes en train de construire une société meilleure, et cela prendra du temps. Les Premières Nations n'évoluent pas en vase clos. Nous comprenons que la question du consentement est importante. Cependant, au sein de la coalition, nous nous concentrons sur les aspects économiques, et nous pensons que, dans de nombreuses situations, cette question ne posera pas de problèmes majeurs si elle concerne une participation au capital et une participation directe aux projets en question.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Podlasly.
    Je vais me permettre de préciser ma question.
    Vous avez mentionné qu'il faudra travailler en collaboration pour définir le concept de consentement libre, préalable et éclairé et que cela pourrait prendre un certain temps.
    Or, ce concept ne risque-t-il pas d'être dilué s'il n'est pas défini préalablement à l'adoption du projet de loi C-15? Cela ne pourrait-il pas nuire, même, à l'objectif du projet de loi?
    Croyez-vous au contraire que ce n'est pas un problème et qu'on peut s'en tenir au projet de loi C-15 tel qu'il est rédigé, sans y ajouter la définition du consentement libre, préalable et éclairé?

[Traduction]

    Merci.
    Je pense que la notion de consentement sera définie en temps voulu. Je ne crois pas qu'elle doive être définie à ce stade. Je voudrais également souligner que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est elle-même un document international. Par conséquent, la notion de consentement évoluera dans de nombreux pays en même temps.
     S'il en ressort quelque chose qui est — comme vous le dites — « dilué », est-ce que cela résistera à l'esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui vise à construire ensemble de meilleures sociétés? Si le résultat constitue quelque chose qui n'est pas compatible, disons, avec les concepts des deux parties, c'est-à-dire le gouvernement fédéral et les peuples autochtones, il sera peaufiné au fil du temps, et le précédent établi par les accords internationaux est que tout le monde surveille le processus — y compris les peuples autochtones du monde entier.
    Une autre question que j'aimerais soulever, c'est qu'au sein de la coalition des grands projets, nous avons récemment organisé une conférence sur les normes ESG (environnementales, sociales et de gouvernance). Les capitaux afflueront vers les pays qui offrent des certitudes à l'égard des questions de ce genre. Le Canada devra également suivre cette voie.

  (1140)  

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Podlasly.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Buffalo.
    Le concept de consentement pourrait évoluer dans le temps et se rapprocher d'un droit de veto. Or vous avez émis certaines réserves à cet égard. À la lumière de ce constat et des réponses de M. Podlasly, maintenez-vous votre appui au projet de loi C-15 tel qu'il est rédigé ou le remettez-vous en question?

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
    La façon dont nous voyons les choses, c'est que nous voulons évidemment que la déclaration des Nations unies aille de l'avant. Du point de vue des droits de la personne, vous pouvez constater qu'au Canada, les peuples autochtones ont contesté la violation de certains de leurs droits et, neuf fois sur dix, cela n'a pas joué en leur faveur. En ce qui concerne la définition du consentement, cela exigera certainement du temps, et vous savez quoi? Je pense que bon nombre de membres des Premières Nations sont prêts à travailler dans ces conditions tant qu'il y a une certaine certitude que les questions seront abordées.
    Comme mon collègue, M. Podlasly, l'a mentionné, il faudra un certain temps pour établir ces définitions, mais on peut évidemment voir les débouchés qui se présentent actuellement, à notre époque. On peut voir l'application des normes ESG, et on peut remarquer les possibilités.
    Nos organisations, ainsi que la coalition de grands projets des Premières Nations, préparent nos communautés, afin qu'elles soient prêtes à tirer parti de ces possibilités et de ces investissements. Nous voulons nous assurer qu'une certitude est offerte pour attirer les capitaux, les investissements, et pour trouver un partenaire. Lorsque nous définirons le « consentement », cela consistera en fait à nouer une relation qui n'existait pas depuis...
     Le temps qui nous était imparti est maintenant écoulé, monsieur Buffalo. Je vous remercie de votre réponse.
    Madame Gazan, vous disposez de six minutes. Veuillez prendre la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'adresse mes premières questions à M. Buffalo.
    Considérez-vous que les droits inscrits dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones sont des droits de la personne?
    Absolument. Ce sont assurément des droits de la personne. C'était la raison d'être du document dès le départ.
    Pensez-vous qu'il est essentiel de faire respecter les droits de la personne de tous les peuples, y compris les peuples autochtones, en tout temps et sans contredit?
    Oui.
    Je pose cette question parce que nous savons que le droit commercial international comporte des exigences ou des règles concernant la divulgation des risques. Cela sert en quelque sorte d'avertissement aux investisseurs potentiels. Dans de nombreuses régions de notre pays, des droits autochtones fondamentaux sont attachés à des terres et à des ressources. Pourtant, nous négocions souvent des accords commerciaux sans informer nos homologues que les terres et les ressources en question font toujours l'objet de litiges. Je suis sûre qu'en ce moment même, nous pourrions citer de nombreux exemples de ce genre en Colombie-Britannique.
    Dans cette optique, ne sommes-nous pas en train de négocier ces accords commerciaux à partir d'un mensonge?
    Oui. À cet égard, vous pouvez remonter jusqu'à notre traité. Lorsque nous examinons notre traité et la façon dont nous avons défini nos terres lorsque nous avons signé le Traité no 6, nous constatons qu'on nous avait dit que nous avions obtenu telle superficie de terrain, mais ensuite, la Convention sur le transfert des ressources naturelles a été adoptée. Je crois que cela s'est produit en 1932. Par conséquent, nous avons perdu notre position, sans savoir...
    Maintenant, nous faisons partie du système qui a été élaboré comme étant le Canada et qui ne fonctionne pas. Nous sommes assujettis au système découlant de la Loi sur les Indiens. La déclaration nous aide à faire entendre notre voix et notre consentement, et à faire avancer...
    J'ai posé cette question parce que le droit commercial international comporte des exigences qui incluent la divulgation. Il s'agit notamment d'indiquer à tous les investisseurs les endroits qui présentent des risques en raison d'un différend en matière foncière qui n'a pas été réglé. Il y a de nombreux exemples de différends de ce genre en Colombie-Britannique.
    J'aimerais poser la même question à M. Podlasly.

  (1145)  

    Je ne comprends pas la question. Elle semble maintenant dire que, oui, le Canada devrait divulguer aux signataires des traités internationaux que la question de la propriété des terres au Canada est remise en question. En Colombie-Britannique, il y a surtout des territoires non cédés.
    Est-ce là votre question? Me demandez-vous si le Canada négocie des accords à partir d'un mensonge?
    Oui. Une partie du droit commercial international exige la divulgation complète des risques. Je dirais que le fait que le développement se déroule sur des terres qui font encore l'objet de litiges serait considéré comme un risque. Nous constatons souvent qu'un grand nombre de ces développements finissent devant les tribunaux pour cette raison. Le fait de ne pas reconnaître pleinement les répercussions des litiges fonciers dans les négociations ne permet-il pas de négocier des accords commerciaux à partir d'un mensonge?
    Il s'agit là d'une question complexe.
    En Colombie-Britannique, une grande partie du territoire n'est pas cédée. Cela signifie qu'il n'a pas fait l'objet d'un traité. Il n'y a pas eu d'accord répondant à la Proclamation royale de 1763. Oui, cela représente un risque. Le titre de propriété du territoire est remis en question. Les Premières Nations en sont conscientes et tentent d'y remédier, du moins en Colombie-Britannique, en concluant des ententes sur les avantages qui tiennent compte de cette réalité.
    Les milieux de l'investissement commencent à en prendre conscience. Les normes d'investissement environnementales, sociales et de gouvernance — ou ESG — tentent d'en tenir compte, et les investisseurs institutionnels en tiennent compte.
    Du point de vue des Premières Nations, nous sommes tout à fait d'accord pour dire que le Canada et les Couronnes — qui comprennent aussi la Colombie-Britannique — doivent reconnaître ce fait. S'ils ne le reconnaissent pas d'emblée dans les accords commerciaux, les tribunaux finiront par le faire, comme vous l'avez souligné. Au cours des 10 dernières années, les tribunaux canadiens ont, à plusieurs reprises, pris le parti des droits des Autochtones au sujet de la question des terres.
    Diriez-vous qu'à l'avenir, une meilleure façon d'aller de l'avant — et je sais que vous avez indiqué votre appui au projet de loi C-15 — consisterait à faire en sorte que tout accord respecte, à tout le moins, les normes minimales énoncées dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en tant que moyen d'appuyer un développement qui est ancré dans la protection de droits de la personne et encadré par ces droits?
    Oui, et j'insiste sur le fait que cela doit être fait. Il y a encore des accords qui lient directement le Canada et les Premières Nations.
    Je vous remercie infiniment tous les deux.
    Merci, madame Gazan.
    Chers membres du Comité, comme le temps presse, je vais donner la parole une seule fois à chaque parti au cours des séries d'interventions de cinq minutes et de deux minutes et demie. Les intervenants seront MM. McLean et Podlasly, et Mmes Normandin et Gazan.
    Le prochain intervenant est M. McLean, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je me joins à vous aujourd'hui depuis le centre-ville de Calgary, qui est bien sûr le territoire traditionnel de la Confédération des Pieds-Noirs, qui comprend les nations Siksika, Piikani et Kainai, de la Première Nation de Stoney Nakoda, qui comprend les nations Chiniki, Bearspaw et Wesley, et de la nation Tsuut'ina. Le centre-ville de Calgary abrite également la nation métisse de la région no 3 du sud de l'Alberta.
    Monsieur Buffalo, je dois être très bref, mais pouvez-vous nous en dire plus sur l'écart des prix que nous recevons en extrayant des ressources de vos terres et sur l'effet que cela a sur les revenus que vous tirez de ces ressources?
    Habituellement, lorsque nous produisons du pétrole et du gaz, cette production est contrôlée par le gouvernement fédéral, et à l'heure actuelle, il semble que nous n'ayons qu'un seul client, c'est-à-dire les États-Unis. La capacité pipelinière qui était censée acheminer ces produits vers les marchés étrangers n'existe pas compte tenu des mesures législatives qui ont été mises en oeuvre dans le cadre du projet de loi C-48. Le défi consiste maintenant à construire d'autres infrastructures dans le cadre du projet de loi C-69.
    Compte tenu du niveau actuel des prix du pétrole et du gaz, il est de plus en plus difficile de le faire. Dans le passé, le gouvernement fédéral a considéré certaines nations productrices comme riches, ce qui n'est pas le cas. Il est évident que nous avons de nombreux besoins. Nos populations s'accroissent, et nos données démographiques sont en hausse. De nombreux problèmes sociaux qui affligent bon nombre de nos communautés sont endémiques, et nous devons nous en occuper. Le prix de nos ressources est très important, mais pour l'instant, il n'atteint pas le niveau qu'il avait auparavant.

  (1150)  

    Je suis désolé de vous interrompre, mais pourriez-vous quantifier l'argent que vos nations, vos organisations, ont perdu à cause de l'écart des prix que nous recevons, artificiellement, en raison des restrictions dont les infrastructures font l'objet?
    Nous travaillons avec un organisme de service spécial appelé Pétrole et gaz des Indiens du Canada, qui recueille les ressources. Jusqu'à il y a quatre ans, ils percevaient plus de 500 millions de dollars de redevances, et au cours du dernier trimestre, ils n'ont perçu que 35 millions de dollars pour toutes les nations productrices du Canada.
    Merci beaucoup.
    Peut-on dire qu'avec la Loi sur l'évaluation d'impact, la probabilité de résorber l'arriéré et d'acheminer ces ressources sur les marchés plus efficacement est limitée dans un avenir proche?
    Assurément, cela rend les choses plus difficiles.
    Merci.
     Monsieur Podlasly, merci beaucoup.
    Je pense que la question de la souveraineté économique est fondamentale pour ce qui est des propos que nous échangeons au sujet de la mesure législative liée à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, car vous avez raison: sans la capacité de financer ses développements, il n'y a pas d'autonomie.
    Vous avez parlé des problèmes et de la façon dont le monde observe la situation. Vous avez parlé de la façon dont les capitaux afflueront s'il y a une certitude en matière de normes ESG. La semaine dernière, Ehren Cory — qui a été nommé à la tête de la Banque de l'infrastructure du Canada — a parlé du risque et de l'incertitude qui freinent les projets au Canada.
    Ne prévoyez-vous pas que ce terrain non nivelé créé par une détermination de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui évoluera avec le temps, comme vous le dites, pourrait créer des risques et de l'incertitude?
     Je tiens à souligner ce qui suit. En ce qui concerne les normes ESG (normes d'investissement environnementales, sociales et de gouvernance), les marchés financiers recherchent la certitude. Ils recherchent des rendements et savent qu'ils les obtiendront. À l'heure actuelle, l'incertitude relative aux questions foncières au Canada cause des problèmes à ces investisseurs.
    Au sein de la coalition, nous avons organisé une conférence à ce sujet il y a une semaine. Nous avons parlé à toutes les grandes sociétés d'investissement du Canada et aux caisses de retraite, et elles sont d'avis que si les Autochtones sont clairement impliqués dans ces projets, par exemple par le biais de participations, d'investissements en capital, cela envoie un signal au marché qu'il s'agit d'un investissement sûr. Il ne sera pas perturbé par des manifestations ou par les problèmes qui se produisent actuellement. Cela apportera une plus grande certitude non seulement aux Autochtones, mais aussi aux investisseurs et à l'économie canadienne.
     D'accord, mais comment peut-on déplacer ces leviers sans nuire à un autre levier? Vous avez parlé de l'obtention de certitudes, mais en même temps, vous avez une définition évolutive de ce à quoi le cadre juridique réel ressemble en fin de compte. Je crains que d'autres personnes considèrent comme une grande incertitude ce que vous voyez comme une certitude, à mesure que nous faisons évoluer ces définitions.
    Il y a un problème auquel nous allons faire face. Nous avons parlé de la Loi sur l'évaluation d'impact et de l'absence de développement réel futur, mais vous pouvez voir à quel point les Premières Nations ont renoncé à des développements qui n'ont pas eu lieu au cours des dix dernières années en raison de l'incertitude des perspectives canadiennes. Il sera essentiel d'atteindre le degré de certitude requis pour que toutes les parties au Canada en bénéficient sur le plan économique et, en particulier, les Premières Nations.
    Comment pouvons-nous arriver à un niveau de base qui offre réellement cette certitude? Pour l'instant, j'entends deux équations différentes à ce sujet.
    M. Podlasly devra soumettre cette réponse par écrit à moins que la question ne soit soulevée au cours de la prochaine intervention. Nous avons largement dépassé le temps prévu, et nous nous hâtons dans le cadre de la journée réservée à notre comité.
    Monsieur Powlowski, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci.
    Je suis très encouragé par l'ensemble de nos échanges. C'est ainsi que je comprends la mise en oeuvre de la Déclaration...
    Je suis désolé, monsieur Podlasly.
    Est-ce que vous m'avez posé une question?
    Non. Nous n'avons plus de temps.
    Je suis désolé. Je croyais que vous m'adressiez une question.
    Non, nous n'avons plus de temps pour cet intervenant.
    Monsieur Powlowski, à vous la parole.
    Je suis désolé. Nos deux noms sont très semblables.
    Je pense que mon ordinateur me joue des tours. Il a décidé de redémarrer.
    Vous avez un très beau nom, soit dit en passant.
    Merci. J'aime bien aussi votre nom. Un de ces jours, il faudra aller prendre un café ensemble.
    Oui.
    Je vais passer à ma question. Je ne suis pas certain de pouvoir le faire avant qu'il y ait réinitialisation.
    Ma question fait suite à celle qui vient d'être posée. Est-ce que l'incertitude augmente ou diminue? Je suppose que ce sont les titres autochtones qui sont d'abord et avant tout en cause.
    Je ne sais pas dans quelle mesure le projet de loi C-15 change vraiment quoi que ce soit à la définition juridique de titre autochtone établie par les différents jugements des tribunaux, de Sparrow jusqu'à Tsilhqot'in. Il a été déterminé dans ce dernier arrêt concernant les Tsilhqot'in que le titre ancestral a un caractère unique. Le titre est assorti d'un intérêt bénéficiaire sur les terres et la province a le droit de réglementer l'utilisation du territoire dans l'intérêt public.
    Je ne connais pas toutes les subtilités du droit territorial autochtone, et je sais qu'il y a eu un cas en Colombie-Britannique où il n'existait pas de traité antérieur, mais je ne vois pas en quoi la Déclaration des Nations unies change véritablement ce qui a déjà été juridiquement établi quant à la notion de titre autochtone. En outre, je sais que les tribunaux qui ont des décisions à rendre quant à l'application des lois consultent des instruments juridiques internationaux comme cette déclaration.
    Peut-être puis-je d'abord adresser ma question à M. Podlasly.
    Dans quelle mesure cela change-t-il vraiment les choses? Certains font assurément valoir que cela crée de l'incertitude, mais il m'apparaît un peu difficile de souscrire à un tel argument.

  (1155)  

    Merci. Je constate que nous avons aussi les mêmes initiales et des prénoms qui se ressemblent.
    Je suis d'accord avec vous. Les mesures proposées dans la Déclaration permettent en fait un certain rattrapage par rapport à la façon dont l'industrie traite déjà avec les Premières Nations dans bien des endroits au pays.
    Il y a des ententes sur les répercussions et les avantages qui sont conclues pour les infrastructures électriques et la production d'électricité, de même que des projets miniers qui intègrent déjà bon nombre des éléments que l'on retrouve dans la Déclaration. Cela s'explique du fait que les entreprises se sont rendu compte qu'elles pouvaient bénéficier ainsi de la certitude qu'elles recherchent, non seulement pour entreprendre ou poursuivre leurs activités, mais aussi pour attirer les investissements dont elles ont besoin. Elles mettent ces éléments en valeur en les intégrant à leurs normes environnementales, sociales et de gouvernance, ce qui attire l'attention des investisseurs, et toutes les parties en sortent gagnantes.
    Notre coalition a diffusé des rapports fournissant des exemples d'ententes semblables conclues au Canada et ailleurs dans le monde dans de nombreux secteurs. Vous avez donc raison. La Déclaration permet un rattrapage par rapport à ce que font déjà de nombreuses entreprises et Premières Nations du pays.
    Il s'agit ici de concrétiser le tout dans le droit canadien de telle sorte que d'autres nations et d'autres communautés puissent bénéficier des approches mises de l'avant et des avantages qui en découlent. On établit en fait une norme.
    Vous avez raison. Les Canadiens font déjà ce qui est prévu dans la Déclaration des Nations unies.
    Peut-être pourrais-je poser la même question à M. Buffalo et Mme Shea.
    Merci pour la question.
    Je suis d'accord avec M. Podlasly. On se dirige lentement vers cette façon de faire les choses. Nous constatons que les gens de l'industrie pétrolière et gazière ouvrent assurément la porte toute grande à l'établissement d'une relation semblable. Nous officialisons le tout en parlant de consentement, mais c'est en fin de compte quelque chose qui doit exister dans la pratique depuis des années. La dégringolade du prix du pétrole sur les marchés mondiaux a entraîné violemment l'industrie dans sa chute. Elle s'est alors rendu compte qu'elle avait un partenaire dans cette histoire et que l'on pourrait mieux se tirer d'affaire en travaillant tous ensemble.
    Pour ce qui est de la certitude, je pense que c'est un objectif vers lequel nous tendons tous en constatant en définitive que l'on ne peut pas laisser régner un climat d'incertitude dans le cadre duquel un petit groupe peut faire obstacle à un projet national d'infrastructure alors que des représentants démocratiquement élus — ils étaient 10 — ont pris la décision d'aller de l'avant en investissant et en acquérant des parts, avec des emplois en jeu et tout le reste à la clé. Nous devons poursuivre nos efforts pour établir une relation de telle sorte que chacun puisse bien comprendre tous les enjeux.
    D'accord.
    J'ai une question pour M. Podlasly. La Déclaration des Nations unies a déjà été mise en oeuvre en Colombie-Britannique. Avez-vous pu observer une plus grande incertitude dans les projets de développement en Colombie-Britannique?
    La mise en oeuvre de la Déclaration en Colombie-Britannique est toute récente et les pourparlers à ce sujet se poursuivent encore. On a vu en fait les gens de l'industrie se présenter à la table pour entreprendre ces échanges avec les Premières Nations et le gouvernement. C'est un processus qui exige un certain temps, mais il est bien enclenché.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mmes Shea et Flynn.
    Lorsqu'on a posé une question à M. Podlasly sur l'incertitude associée à certains projets, il a donné une réponse très intéressante. Il a dit que la participation des Premières Nations à ces projets permettrait de diminuer le taux d'incertitude associé à ceux-ci.
    Selon vous, l'incertitude ne pourrait-elle pas plutôt être causée par la possibilité que des compagnies pétrolières et gazières contestent devant les tribunaux la définition du consentement préalable, libre et éclairé?

  (1200)  

[Traduction]

    Peut-être pourrais-je commencer. Je crois que M. Podlasly parlait plus précisément des enjeux territoriaux. Ma réponse va s'articuler dans le contexte plus général du risque.
    L'investissement est largement déterminé par le risque et tous les facteurs qui l'entourent. Plus le niveau de risque est élevé, plus l'investisseur cherchera à obtenir un rendement substantiel. C'est dans cette optique que nous considérons le projet de loi. Il faut qu'il soit bien clair qu'il s'agit d'une loi habilitante qui n'a pas d'effet direct en droit et qui doit être mise en oeuvre par des fonctionnaires formés à cette fin et disposant des ressources nécessaires. Il faut aussi que chacun comprenne bien qu'il faut que tous travaillent de concert pour en arriver à un résultat, plutôt que de voir certains considérer par exemple le consentement préalable, libre et éclairé comme un droit de veto.
    Ce sont donc également des risques dont il faut tenir compte dans ce contexte, au même titre que les enjeux territoriaux soulevés par M. Podlasly.

[Français]

    Monsieur le président, je crois qu'il ne me reste pas assez de temps pour poser une autre question et obtenir une réponse.

[Traduction]

    Non. Je suis désolé. Merci.
    Madame Gazan, vous avez vous aussi deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma dernière question est pour Mme Shea ou Mme Flynn. On peut lire ce qui suit au paragraphe 49 de l'étude réalisée par le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones des Nations unies:
Dans le secteur privé, le consentement préalable, libre et éclairé est en train de devenir une norme internationale pour les entreprises opérant sur des terres autochtones. En novembre 2014, l'organisation First Peoples Worldwide a publié un rapport consacré aux risques liés aux droits des peuples autochtones, dans lequel elle concluait que 89 % des projets évalués présentaient un risque élevé ou moyen de se heurter à l'opposition des communautés autochtones ou de porter atteinte aux droits des peuples autochtones...
    Que fait actuellement votre organisation pour atténuer ce risque?
    Je vais commencer, et Mme Flynn pourra peut-être intervenir.
    Je vais profiter de l'occasion pour vous parler de notre initiative intitulée Vers le développement minier durable. C'est un programme obligatoire pour nos membres. Il exige la production d'un rapport public annuel et une vérification externe. Nous avons intégré à ce programme une composante sur les échanges avec les Autochtones. Depuis 2004, nos membres font ainsi état des résultats obtenus avec leurs mesures visant la mobilisation des Autochtones.
    En 2019, nous avons mis à jour cette composante du programme. Nous nous sommes inspirés pour ce faire de la Déclaration des Nations unies et du travail de la Commission de vérité et réconciliation. Nous considérons qu'il convient de s'engager à chercher à obtenir le consentement préalable, libre et éclairé pour les nouvelles initiatives ou les projets d'expansion qui ont des répercussions sur les droits des Autochtones. Il n'est indiqué nulle part dans le protocole que le consentement préalable, libre et éclairé a pu être obtenu, car nous considérons en fait qu'il s'agit d'un processus continu. Nous estimons plutôt qu'il faut d'abord et avant tout que la haute direction s'engage à travailler avec les communautés autochtones. C'est ce que nous appelons le niveau A. Les responsables doivent démontrer que leurs mesures de mobilisation sont adaptées au contexte local et élaborées avec la participation des communautés concernées.
    Aux niveaux supérieurs du programme qui correspondent à l'excellence en leadership, on exige des entreprises et des communautés qu'elles travaillent ensemble pour concevoir des mécanismes de collaboration et en établir les modalités. Le...
    Comme je dispose de très peu de temps, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit concernant certains projets où vous avez eu de la difficulté à obtenir le consentement préalable, libre et éclairé, quand cela n'a pas été tout simplement impossible.
    Lorsque vous ne parvenez pas à obtenir le plein consentement préalable, libre et éclairé des gens ou des nations avec lesquels vous êtes en partenariat, allez-vous tout de même de l'avant avec les projets sans ce consentement?
    Je veux m'assurer de bien comprendre.
    Oui.
    Veuillez répondre très brièvement, s'il vous plaît.
    Je crois que vous m'avez peut-être mal comprise.
    C'est un système de gestion dans le cadre duquel nous ne confirmons pas par une attestation vérifiée qu'une entreprise a obtenu le consentement préalable, libre et éclairé. Le programme Vers le développement minier durable mise davantage sur un processus continu d'échanges.
    Merci pour cette réponse.
    Je suis vraiment désolé pour les contraintes de temps, mais cela fait partie des règles avec lesquelles nous devons composer.
    Merci à nos témoins. Vous nous avez tous présenté des points de vue vraiment intéressants qui seront très utiles à notre comité.
    Nous allons maintenant interrompre nos travaux, le temps de prendre les dispositions nécessaires pour accueillir nos prochains témoins.
    Nous reprendrons dans quelques instants.

  (1205)  


  (1215)  

    Nous pouvons maintenant reprendre nos travaux.
    Je vous prie de nous excuser pour ce retard. Nos séances de comité sont assujetties à des contraintes de temps qui vont nous obliger à procéder rapidement.
    Chacun des témoins a droit à six minutes pour nous présenter ses observations préliminaires. Je vais me montrer assez strict à ce sujet, de manière à nous garder suffisamment de temps pour au moins un tour de questions avec les membres du Comité.
    Monsieur Joffe, je vais vous demander de bien vouloir partir le bal. Vous avez six minutes.
    Bonjour, honorables membres du Comité.
    Je vous parle depuis Saint-Lambert, au Québec, sur le territoire traditionnel des Mohawks.
    Je tiens à souligner le travail essentiel accompli par l'ancien député Romeo Saganash. Comme le gouvernement fédéral l'a confirmé, le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Saganash, le C-262, représente la norme minimale, et non maximale, à atteindre avec le projet de loi C-15. Les normes établies dans le projet de loi C-262 doivent donc nous servir de base pour aller de l'avant.
    On continue de porter atteinte aux droits fondamentaux des Autochtones du Canada. Cela se manifeste notamment par le racisme et les autres formes de discrimination; la dépossession des terres, des territoires et des ressources; l'appauvrissement; le manque de services essentiels; l'insécurité alimentaire; les femmes et les filles disparues et assassinées; et l'assimilation forcée et la destruction des cultures et des langues. Trop souvent, le traumatisme intergénérationnel des pensionnats indiens continue d'être ressenti. Il est grand temps de procéder à de véritables changements.
    Dans ce contexte, il vaut la peine de noter qu'à au moins 10 occasions déjà, l'Assemblée générale des Nations unies a réaffirmé la Déclaration par voie de consensus. Aucun pays du monde ne s'oppose officiellement à cet instrument de défense des droits de la personne. On confirme ainsi son importance et sa valeur juridique.
    Je voudrais maintenant traiter du sens que l'on donne au consentement libre, préalable et éclairé tel qu'énoncé dans la Déclaration des Nations unies, tout particulièrement dans le contexte des projets de développement sur les territoires des peuples autochtones. Pour parler d'un consentement « libre », il faut qu'il n'y ait ni coercition ni manipulation. Par « préalable », on entend que le consentement doit être obtenu avant que l'activité soit approuvée. On dit que le consentement est « éclairé » lorsque l'information n'est pas cachée, trompeuse ou inexacte. En l'absence de ces trois éléments, il ne saurait y avoir de consentement valable en droit international ou en droit canadien.
    Le consentement préalable, libre et éclairé et les autres dispositions de la Déclaration des Nations unies sont d'application relative, et non absolue. On retrouve au paragraphe 46(3) de la Déclaration l'une des dispositions les plus détaillées qui soient dans un instrument international de défense des droits de la personne pour exiger l'appréciation des intérêts en jeu. Voici ce que prévoit ce paragraphe:
Les dispositions énoncées dans la présente Déclaration seront interprétées conformément aux principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l'homme, d'égalité, de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi.
    Ce sont les mêmes principes fondamentaux qui sont au cœur des systèmes juridiques canadiens et internationaux. Ce sont également les mêmes principes dont on a refusé l'application aux peuples autochtones tout au long de notre histoire.
    Le consentement préalable, libre et éclairé n'est pas assimilable à un droit de veto. On ne retrouve d'ailleurs pas le terme « veto » dans la Déclaration. Le droit de veto s'entend d'un pouvoir entier et absolu sans égard aux faits en cause et aux lois applicables.
    Le consentement préalable, libre et éclairé (CPLE) recueille en outre une adhésion de plus en plus large dans le secteur privé au Canada et à l'échelle internationale. À titre d'exemple, le Conseil canadien pour le commerce autochtone recommande dans son guide de 2019 de « s'engager à tenir des consultations significatives, établir des relations respectueuses et obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones avant de lancer des projets de développement économique ».
    Pour sa part, le Pacte mondial des Nations unies — la plus importante initiative de responsabilité des entreprises au monde avec plus de 12 000 sociétés dans plus de 160 pays — a exprimé un soutien bien senti aux peuples autochtones dans son exhaustif Guide de référence des entreprises concernant la Déclaration des Nations unies. Voici ce qu'on peut y lire:
Le CPLE doit être obtenu à chaque fois qu'il y a incidence sur les droits essentiels des peuples autochtones (dont les droits à la terre, aux territoires et ressources et les droits à l'autodétermination culturelle, économique et politique).

  (1220)  

    On ne peut pas raisonnablement faire valoir que le respect des droits de la personne peut être un obstacle au développement économique. Ce projet de loi va mener à de meilleures relations, une plus grande certitude et une diminution des contestations.
    Le Canada agit en véritable chef de file à l'échelle internationale en proposant un projet de loi fédéral sur la Déclaration des Nations unies. Il n'en demeure pas moins que certaines modifications importantes au projet de loi C-15 continuent de s'imposer. À titre d'exemple, je vous exhorterais à ajouter le racisme au huitième paragraphe du préambule ainsi qu'aux problèmes visés par le plan d'action au sous-alinéa 6(2)a)(i).
    On peut dire d'une manière générale que le projet de loi C-15 est un outil précieux pour la coopération, la justice, la guérison et le respect mutuel.
    Merci.
    Merci beaucoup. C'est exactement le temps que vous aviez. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Madame Langlois, à vous la parole pour les six prochaines minutes.

[Français]

    Monsieur le président, madame et monsieur les vice-présidents, mesdames et messieurs les députés membres du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, bonjour.
    J'aimerais commencer par reconnaître que les bureaux d'Amnistie internationale Canada francophone sont situés sur un territoire autochtone qui n'a jamais été cédé.
    Je vous remercie de cette invitation faite à Amnistie internationale Canada francophone de participer aux audiences sur le projet de loi C-15, C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ci-après nommée simplement « la Déclaration ».
    L'adoption de la Déclaration dans les différentes lois canadiennes est une question prioritaire de droits de la personne pour Amnistie internationale Canada francophone et Amnistie internationale Canada anglophone. Amnistie internationale a œuvré activement en faveur de l'adoption de la Déclaration par l'Assemblée générale des Nations unies en 2007, et les deux sections canadiennes ont réclamé l'adhésion du Canada à la Déclaration jusqu'à ce que ce soit chose faite en 2010. Nous sommes intervenus dans le cadre de plusieurs instances qui ont pris place au Canada, et nous avons chaque fois réitéré l'importance de la mise en œuvre effective de la Déclaration dans les lois canadiennes.
    Les diverses enquêtes, qu'il s'agisse de la Commission de vérité et réconciliation, de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ou encore de la commission Viens, pour ne nommer que celles-là, ont toutes recommandé la mise en œuvre de la Déclaration. Il s'agit du principe no 1 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada: « La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones constitue le cadre pour la réconciliation à tous les niveaux et dans toutes les sphères de la société canadienne. »
    Nous avons appuyé précédemment le projet de loi C-262, parrainé par le député du NPD Romeo Saganash, dont la finalité était la même que celle du projet de loi C-15. Malheureusement, ce projet de loi n'a pas pu être adopté avant le déclenchement des élections en 2019. En revanche, nous avons accueilli favorablement l'annonce du gouvernement de la Colombie-Britannique, en 2019, de la mise en œuvre de la Déclaration dans ses lois.
    Le 10 mars dernier, le Hill Times publiait une lettre ouverte signée par plus de 200 organisations et individus majoritairement autochtones et appuyée par Amnistie internationale réclamant l'adoption du projet de loi C-15 avant la fin de la présente session parlementaire.
    Vous l'aurez compris, Amnistie internationale est en faveur du projet de loi C-15. Cela n'a que trop tardé et il est plus que temps que le Canada mette en œuvre la Déclaration. L'heure n'est plus aux enquêtes et aux études, mais à l'action. Cela fait 13 ans que la société civile travaille afin que la Déclaration soit enfin une réalité. Les peuples autochtones du Canada ont subi et continuent de subir l'oppression de la colonisation. Le Parlement du Canada a une occasion historique de faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones.
    La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un instrument de consensus mondial en matière de droits de la personne. Elle élabore les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones. La mise en œuvre de ces normes est essentielle à l'amélioration de la vie des peuples autochtones au Canada et dans le monde ainsi qu'au respect des engagements officiels et pressants du Canada en matière de droits de la personne. Le présent projet de loi n'est pas parfait, tant s'en faut. Il n'en demeure pas moins de la plus haute importance. Nous ne pouvons nous permettre de voir échapper une autre fois un projet de loi d'une importance aussi cruciale.
    Amnistie internationale aurait souhaité que les questions propres aux femmes autochtones soient plus apparentes dans le projet de loi C-15. Certes, l'enquête nationale y est mentionnée, mais ce n'est pas suffisant. Les femmes autochtones du Canada sont victimes d'une double discrimination, du fait qu'elles sont à la fois femmes et autochtones. Par conséquent, il serait important que les femmes autochtones soient incluses à toutes les étapes de la mise en œuvre du projet de loi et que le plan d'action porte une attention particulière à leur inclusion. Il faut que justice leur soit rendue et que réparation leur soit faite pour toutes les formes de discrimination, de sévices, de blessures et d'attentat à leur vie qu'elles ne cessent de subir. De plus, elles doivent être partie prenante de la construction d'un Canada juste et équitable pour tous ses peuples.
    Amnistie internationale souhaiterait également que les mécanismes de consultation des peuples autochtones et de collaboration avec ceux-ci soient plus explicites dans le projet de loi C-15. Selon nous, plusieurs questions demeurent en suspens: qui sera consulté, comment et quand?
    Enfin, Amnistie internationale souhaite que le projet de loi soit adopté, qu'un plan d'action soit élaboré et que les lois canadiennes soient harmonisées avec la Déclaration selon les principes minimaux du droit international relatif aux droits de la personne.

  (1225)  

    La Déclaration contient plus de 20 dispositions affirmant le droit des peuples autochtones de participer à la prise de décisions, notamment: l'article 3, qui porte sur l'autodétermination; l'article 4, qui porte sur le droit à l'autonomie ou à l'autonomie gouvernementale; l'article 18, qui porte sur le droit de participer à la prise de décisions; l'article 23, qui porte sur le droit d'être activement impliqué dans la prise de décisions; l'article 19, qui porte sur l'obligation des États d'obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé; les articles 32.2, 36.2 et 38, qui portent sur l'obligation de consulter les peuples autochtones et de coopérer avec eux; les articles 22.2, 27 et 31.2, qui portent sur l'obligation de prendre des mesures de concert avec les peuples autochtones; l'article 26.3, qui porte sur l'obligation de respecter les coutumes des peuples autochtones.
    Nonobstant les quelques réserves que nous venons d'émettre, Amnistie internationale invite les députés de la Chambre des communes et les membres du Sénat à agir avec diligence, sans partisanerie et conformément à l'engagement du Canada envers les peuples autochtones. Nous invitons les députés de la Chambre des communes et les membres du Sénat à ne se laisser guider que par les plus hautes normes en matière de droits de la personne et de dignité humaine, afin que le projet de loi C-15 soit adopté d'ici la fin de la session parlementaire.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Passons maintenant aux représentants de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Nous accueillons Mme Shannon Joseph, vice-présidente, Relations gouvernementales et affaires autochtones; et M. Brian Schmidt, président et directeur général, Tamarack Valley Energy.
    Madame Joseph, c'est vous qui allez commencer?
    Monsieur Schmidt, vous avez six minutes.
    : Je remercie les membres du comité permanent de nous donner l'occasion de présenter nos points de vue aujourd'hui.
    Je tiens à souligner que je vous parle depuis les territoires traditionnels visés par le traité 7 et la région 3 de la Nation Métis de l'Alberta. Ma collègue, Mme Shannon Joseph, vous parle depuis le territoire traditionnel algonquin.
    Je m'appelle Brian Schmidt, Aakaikkitstaki. Je suis le président et directeur général de Tamarack Valley Energy, et je participe à la séance d'aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des producteurs pétroliers en ma qualité de président de notre comité sur les affaires autochtones.
    Je fais aussi des affaires avec le peuple Kainai depuis des décennies à titre d'exploitant de plateformes de forage pétrolier et gazier sur la réserve de la tribu des Blood. C'est avec grande fierté que j'ai reçu il y a quelques années le titre de chef honoraire des Kainai.
    Notre association a exprimé pour la première fois son soutien à la Déclaration des Nations unies en 2016, au même moment où le gouvernement fédéral l'a fait. Nous continuons à appuyer la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies dans le respect de la Constitution canadienne et de nos lois. La création de partenariats mutuellement bénéfiques avec les communautés, les entreprises et les travailleurs autochtones est un élément clé du mode de fonctionnement des membres de notre association et de notre contribution au processus de réconciliation.
    L'industrie pétrolière et gazière est actuellement au Canada celle qui s'approvisionne le plus auprès des entreprises autochtones, ce qu'elle fait — si je puis me permettre — dans une mesure beaucoup plus large que le gouvernement fédéral dans son ensemble. Entre 2017 et 2019, nos dépenses totales au bénéfice d'entreprises autochtones ont atteint 5,9 milliards de dollars. En 2019, l'apport des entreprises autochtones comptait pour 11 % de nos approvisionnements. Nous sommes en outre l'un des plus importants employeurs de main-d'œuvre autochtone, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. C'est dans notre industrie qu'ils touchent la rémunération la plus élevée, comparativement à tous les autres secteurs au Canada.
    Ces relations et débouchés ont été parmi les éléments les plus déterminants pour assurer une plus grande prospérité aux Autochtones du Canada. Il y a maintenant des groupes autochtones qui songent à acquérir des intérêts dans l'expansion du pipeline Trans Mountain et de nouvelles prises de participation autochtones dans des projets pétroliers et gaziers sont annoncées presque chaque mois.
    Enfin, des communautés autochtones de tout le Canada touchent des centaines de millions de dollars par année en redevances et autres avantages découlant de l'exploitation des ressources dans les réserves. Il en ressort pour mes collègues autochtones que l'exploitation des ressources offre des possibilités concrètes de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'autodétermination économique, ce que j'ai pu constater de visu.
    Nous ne sommes pas ici pour vous demander de choisir entre les intérêts de notre industrie et ceux des Autochtones. Je souhaite plutôt vous faire bien comprendre que nous partageons les mêmes intérêts dans cette affaire. Nous désirons que les droits des Autochtones soient protégés, et nous voulons également une industrie pétrolière et gazière saine et prospère de telle sorte que nous puissions tous bénéficier d'une économie canadienne forte.
    Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-15 va créer une plus grande incertitude pour notre industrie et l'ensemble du secteur de l'exploitation des ressources naturelles au Canada. Il nous sera dès lors impossible d'intéresser des investisseurs sur les marchés financiers de telle sorte que des projets tout à fait valables, y compris ceux qui ont l'appui de la majorité des communautés autochtones, ne pourront aller de l'avant. Nous voulons éviter cela, car c'est tout notre secteur qui en souffrira. Qui plus est, ce sera également dommageable pour les communautés autochtones qui considèrent l'exploitation des ressources comme un moyen précieux de créer de l'emploi et de générer des revenus. Le respect des droits de la personne passe notamment par le développement économique.
    Selon les calculs du Financial Post, le Canada aurait perdu l'équivalent de 150 milliards de dollars au cours des cinq dernières années en raison de projets énergétiques qui ont été abandonnés ou suspendus parce que les investisseurs ne voulaient pas prendre le risque de les financer. Pas plus tard que la semaine dernière, nous apprenions que Chevron s'est retiré du projet Kitimat LNG, qui mise sur une très importante participation autochtone. Si on fait le calcul, des approvisionnements auprès des Autochtones à hauteur de 11 % pour des projets d'une valeur de 150 milliards de dollars se traduisent par des pertes de revenus de 16,5 milliards de dollars pour les Autochtones. Le manque de clarté et de certitude a donc des conséquences bien réelles dans la vie des gens en minant notamment leurs perspectives de prospérité et d'autodétermination.
    L'industrie voudrait en fait qu'aucun élément ne demeure mal défini. Il faut qu'il soit plus facile, et non plus difficile, pour nous de faire des affaires avec les communautés autochtones. Notre association a quelques amendements bien précis à proposer pour contribuer à atténuer les principales préoccupations de notre industrie et des investisseurs concernant le projet de loi C-15. Il faudrait premièrement préciser que ce projet de loi n'aura pas une application directe à titre de loi fédérale canadienne, mais servira plutôt à établir un processus pour l'évaluation de nos lois déjà en vigueur. Deuxièmement, il convient de définir le consentement libre, préalable et éclairé dans le contexte canadien.
    À notre avis, ce consentement doit s'inscrire dans un processus à suivre, plutôt que d'être un objectif à atteindre, et — comme plusieurs, dont le ministre Lametti, l'ont déclaré — n'équivaut pas à un droit de veto. Nous avons d'ailleurs une définition à vous suggérer en ce sens conformément au sixième des 10 principes établis par le gouvernement fédéral pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies. Il permet en outre aux gouvernements fédéral et provinciaux de conserver leur pouvoir de prendre les décisions finales.
    Nous vous recommandons enfin de veiller à ce que le plan d'action soit le principal moyen utilisé pour assurer la mise en œuvre de la Déclaration au Canada. Il faut que ce plan soit élaboré conjointement avec les peuples autochtones en prévoyant la possibilité pour les parties prenantes comme nous d'avoir leur mot à dire dans les échanges relatifs aux enjeux qui les concernent. Toutes les ressources nécessaires doivent être investies dans la mise en place de ce plan d'action qui doit être assorti de mécanismes clairs pour la reddition de comptes.

  (1230)  

    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Schmidt.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous allons faire au moins un tour d'interventions de six minutes. Nous dépasserons ainsi l'heure convenue pour la fin de la séance, qui devait se terminer à 13 heures. Est-ce que quelqu'un s'oppose à ce que nous prolongions brièvement la réunion au-delà de 13 heures pour conclure le tour?
     Puisque personne ne se manifeste, j'en déduis que nous sommes tous d'accord pour prolonger la séance. Nous allons commencer nos questions de six minutes par M. Vidal.
     Allez-y, je vous prie.

  (1235)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Nous avons entendu de nombreux excellents témoignages ces dernières semaines dans le cadre de notre étude du projet de loi C-15.
    Ma première question s'adresse à M. Schmidt ou à Mme Joseph — vous aurez tous les deux l'occasion de répondre, si vous le souhaitez. J'ai lu un mémoire que vous avez soumis il y a quelque temps et dans lequel vous abordiez plusieurs des mêmes concepts que ceux de votre témoignage d'aujourd'hui. Il y était question de l'excellent travail que les gens de votre organisation ont accompli en collaboration avec les Autochtones et les Premières Nations, ainsi que des relations que votre industrie entretient avec ces communautés. Vous avez parlé des investissements et des contributions.
    La semaine dernière, j'ai dit à un de nos témoins que ceux qui croient que la réduction de la pauvreté passe par le développement économique sont souvent critiqués pour leur manque de compassion. À mes yeux, c'est exactement le contraire. Je vous invite à aborder ce volet dans le contexte du travail que vos organisations membres réalisent dans ces communautés.
     Monsieur Schmidt, vous avez parlé des relations que vous avez nouées, plus particulièrement au sein de votre entreprise. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Parlez-nous de la façon dont le travail que vos organisations accomplissent, les relations que vous entretenez et la quantité incroyable d'acquisitions et d'emplois que vous créez dans ces communautés... sur la possibilité de mettre fin à la pauvreté, de créer des conditions gagnantes pour de nombreuses Premières Nations et de leur permettre de prospérer à l'avenir, en investissant notamment dans le logement, les loisirs et les problèmes sociaux qu'ils rencontrent. Ma communauté, ma circonscription est frappée par une sorte d'épidémie de suicides. L'industrie investit énormément pour régler ce genre de problèmes dans les collectivités des Premières Nations.
    J'aimerais que vous nous en parliez. Je voudrais également que vous nous disiez en quoi l'incertitude découlant du projet de loi C-15 pourrait contribuer ou nuire à ces efforts, compte tenu de l'excellent travail que vous avez déjà accompli.
    Bien sûr. Permettez-moi de vous parler de mon engagement personnel et de l'importance que j'accorde à cette question.
    J'ai également dit que puisque je siège au conseil d'administration du Conseil des ressources indiennes du Canada — l'association de Stephen Buffalo, qui a parlé plus tôt —, j'ai vu les revenus des Autochtones partir en fumée. C'est vraiment intéressant, car les marchés financiers peuvent déplacer les capitaux d'une région ou d'une province à une autre. En revanche, les Premières Nations ne peuvent pas relocaliser leurs réserves, ce qui a une incidence sur leurs collectivités que je vois de mes propres yeux. Alors que le nombre de cas de COVID descendait, le manque à gagner des Autochtones gagnait en importance, si bien que nous avons fini par aider la nation Kainai à obtenir un soutien lié à la COVID. J'ai de la sympathie pour ce que Stephen Buffalo et ses membres ont vécu.
    Pour notre part, nous apportons une aide relative aux activités culturelles. Nous créons des films pour rapprocher les aînés et les jeunes. Pour bien des choses que j'ai entendues aujourd'hui, nous travaillons main dans la main avec eux. Je pense que le Canada est vraiment un modèle d'excellence dans sa façon de collaborer avec les Premières Nations. En ce qui a trait aux partenariats en capitaux propres, nous faisons participer les Autochtones au milieu des affaires. Nous collaborons actuellement avec la nation Kainai à un projet relatif aux puits abandonnés pour donner du travail aux gens. C'est essentiel à leur existence. Je peux vous dire qu'ils sont fiers. Ils ne veulent vraiment pas de charité. Ils préfèrent être le moteur de leur propre activité économique, et ce projet leur en donne l'occasion.
    En ce qui concerne le risque, la députée Gazan a évoqué la divulgation des risques. C'est très important. Je suis vraiment ravi que vous ayez soulevé la question, car il faut divulguer les risques de tous les projets d'envergure. Je rencontre des investisseurs à New York, à Houston, en Europe et partout dans le monde, et selon eux, il est très difficile d'investir en territoire canadien. Comme je l'ai mentionné, le Financial Post estime la valeur des projets annulés à 150 milliards de dollars, parce que les investisseurs n'ont pas voulu prendre le risque. J'ai vu des investisseurs préférer la Sibérie à la Colombie-Britannique parce qu'ils trouvaient que l'exploitation du gaz naturel liquéfié, ou GNL, était trop difficile. Nous avons aussi vu Warren Buffett se retirer d'un projet de 9 milliards de dollars à Saguenay, au Québec.
    Je trouve intéressant de constater qu'un certain nombre d'intervenants ont parlé du milieu de l'investissement, comme s'il faisait partie du portrait. Je vous dirai que chez les investisseurs, il suffit de regarder le registre du nombre de projets annulés et du nombre de nouveaux projets proposés pour savoir que le Canada est un pays très risqué. Le projet de sables bitumineux Frontier, d'une valeur de 20 milliards de dollars, a été annulé. C'est un projet dont le cadre environnemental, social et de gouvernance était parmi les plus stricts à ce jour. Nous avons vu des pipelines... Même la participation des peuples autochtones ne garantit pas que les projets iront de l'avant.
    Les seuls grands projets linéaires qui voient le jour sont ceux qui sont financés par le gouvernement fédéral ou les Autochtones eux-mêmes, mais pas vraiment par les joueurs privés de l'industrie. Gateway était détenu à 20 ou 30 % par les Premières Nations, et il a pourtant été annulé. Le projet Keystone XL vient d'être annulé malgré sa propriété autochtone. Ce n'est donc pas une garantie. Je pense que le pays est un autre élément qui entre en compte.
    Puisque nous cherchons à faire la lumière sur la situation, nous pensons pouvoir changer la donne, et nous sommes prêts à travailler au sein du comité d'action pour y parvenir.
    Je vous remercie.

  (1240)  

    Merci beaucoup.
    Le temps est écoulé, monsieur Vidal. Je vous remercie.
    Monsieur Battiste, vous avez six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais poser une question à Paul Joffe.
    Monsieur Joffe, vous avez fait un excellent exposé sur les raisons pour lesquelles les droits de la personne faisaient partie intégrante de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Vous avez vraiment parlé de ces principes fondamentaux, mais pouvez-vous m'expliquer brièvement pourquoi la Déclaration a été nécessaire pour fixer des normes minimales en matière de droits de la personne?
    Les États-nations et les industries ne respectaient-ils pas déjà ces droits fondamentaux avant l'adoption de la Déclaration?
    Je travaille dans le domaine des droits de la personne pour les peuples autochtones depuis 1974. J'ai participé à des processus internationaux tant aux Nations unies qu'à l'Organisation des États américains, à Washington. Je peux vous affirmer que dans les deux cas, l'ONU a inclus les peuples autochtones de tous les pays du monde, et qu'il y a environ 470 millions d'Autochtones répartis dans près de 90 pays.
    Par exemple, nous avons appris que l'obligation de consulter n'a aidé les peuples autochtones d'aucune région. Ils se sont adressés à l'ONU et à l'Organisation des États américains — c'étaient des peuples autochtones différents, mais parfois les mêmes —, et ils ont décrit toutes les violations qu'ils subissent, notamment en matière de droits de la personne, ainsi que la pauvreté attribuable à la dépossession de leurs terres, de leurs territoires et de leurs ressources.
    Je n'ai pas entendu bien des gens... Il y en a toujours quelques-uns, mais j'ai rencontré des milliers de personnes, et ces gens n'ont pas dit être contre le développement. En fait, dans la Déclaration des Nations unies, aux articles... Eh bien, il s'agit de leur droit à l'autodétermination et de leur droit de s'administrer eux-mêmes. Les articles 20, 23 et 32(1) prévoient que les peuples autochtones ont également droit au développement. Les gens n'étaient pas contre le développement, mais plutôt contre les violations colossales qui entraînent la pauvreté.
    Il s'agit d'un instrument en matière de droits de la personne. Il est reconnu comme tel par l'ONU et partout ailleurs. Il vise à travailler ensemble. C'est pourquoi il parle de « consultation » et de « coopération ». C'est pourquoi le projet de loi de la Colombie-Britannique sur la Déclaration parle lui aussi de consultation et de coopération. L'objectif n'est pas d'adopter une vision, mais plutôt de se mobiliser de façon équitable en respectant des principes et des droits universels. J'ignore si ma réponse vous aide, mais c'est une réponse rapide.
    C'est utile. J'aimerais prendre les trois dernières minutes pour dire que, en tant qu'Autochtone, je suis un peu inquiet d'entendre l'industrie et les entreprises nous dire que les Autochtones veulent seulement participer au développement économique du Canada. Pourtant, les jeunes Autochtones de tout le Canada luttent contre le racisme systémique, revendiquent leurs droits et font ce qu'ils peuvent pour protéger l'environnement, puisque les changements climatiques sont bien réels, comme nous le savons désormais. C'est une préoccupation urgente, surtout pour les Autochtones.
    Comment trouver l'équilibre au pays entre reconnaître des droits qui devraient être accordés à tous les humains, et instaurer un climat de certitude visant à attirer les investissements des entreprises à but lucratif et d'autres investissements?

  (1245)  

    Pour notre part, il a toujours été question de coopération. Si nous travaillons ensemble... Pour persuader l'Afrique, on nous a dit que nous devions rencontrer les pays les plus endurcis du continent, parce qu'il faut toujours miser sur le plus petit dénominateur commun pour rester ensemble. C'est ce que nous avons fait, et nous avons eu de très bonnes relations. Il s'agissait surtout d'être authentique, de parler des vrais problèmes, de comprendre le point de vue des personnes ou des pays en question, puis de parvenir ensemble à une sorte de consensus.
    C'est ce qui s'est passé pendant 24 années dans le cas de la Déclaration des Nations unies. Je pense que de nombreux peuples autochtones — je ne peux pas parler en leur nom; chaque peuple peut se représenter lui-même — décelaient une grande confiance dans le monde pour procéder de cette façon. Chaque année, les pays réitèrent la Déclaration des Nations unies. Ils confirment également le consentement préalable, libre et éclairé. Ce n'est pas considéré comme un veto. Il est vrai que différentes entités voient les choses de cet oeil, mais l'ONU ne considère pas cela comme un veto.
    En général, les droits de la personne ne sont pas absolus. Ils sont relatifs, ce qui signifie que vous devez automatiquement trouver un équilibre entre vos droits de la personne, ceux des autres ou d'autres droits. Il peut vraiment y avoir une véritable coopération dans laquelle personne ne s'appauvrit.
     Je vous remercie.
    Il ne reste que 10 secondes.
     Je vous remercie, monsieur Battiste.

[Français]

    La parole est maintenant à Mme Gill.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie l'ensemble des témoins qui comparaissent aujourd'hui.
    Mes questions s'adressent à Mme Langlois. J'en profite pour souligner tout le travail qu'Amnistie internationale accomplit.
    Dans votre allocution, vous avez mentionné qu'il fallait agir de façon diligente pour adopter le projet de loi C-15. Cela sous-entend peut-être qu'il pourrait y avoir des difficultés à aplanir. Nous n'avons pas eu le temps d'adopter le projet de loi C-262; nous ne voulons pas que cela se reproduise dans le cas du projet de loi C-15.
    Est-il possible de prévoir les difficultés qui pourraient nous empêcher d'agir de façon diligente? Quelles difficultés ne pourraient être réglées par la mise en œuvre subséquente du projet de loi C-15?
    Je vous remercie de la question, madame Gill.
    Les députés de la Chambre des communes ainsi que les membres du Sénat doivent agir avec diligence et sans partisanerie, tout en étant être guidés par des idéaux en matière de droits de la personne. Je ne peux qu'approuver tout ce que M. Paul Joffe vient de dire. Il ne faut pas s'empêtrer dans de faux arguments, comme celui qui prétend que la mise en œuvre de la Déclaration accorderait nécessairement un veto aux peuples autochtones. Ce n'est pas ce que la Déclaration prescrit. Elle parle plutôt de droits de la personne, de négociation et de collaboration entre tous les peuples, ainsi que de réparation des injustices qui ont été commises et qui continuent d'être commises à l'égard des peuples autochtones. Le but de la Déclaration est de construire ensemble un présent et un avenir meilleurs, justes et équitables pour tous les peuples du Canada.
    Merci, madame Langlois. En fait, vous avez commencé à répondre à une autre question que je voulais vous poser.
    Vous avez parlé du veto et du consentement préalable, libre et éclairé. Nous avons entendu plusieurs témoignages selon lesquels le développement économique et l'adoption du projet de loi C-15 au sujet de la Déclaration sont des éléments inconciliables.
    Quelle est votre interprétation de cette situation?

  (1250)  

    Il n'y a aucune opposition entre les droits de la personne et le développement économique. Les peuples autochtones ont droit au développement économique, eux aussi, et ils veulent en faire partie. Nous devons donc faire ce développement économique avec les peuples autochtones lorsque cela les concerne ou concerne leurs territoires, notamment. Il n'y a aucune opposition entre la Déclaration, le respect des droits des peuples autochtones et le développement économique.
    Dites-le-moi si je me trompe, mais c'est donc dire que l'adoption du projet de loi C-15 et sa mise en œuvre subséquente seraient profitables aux Premières Nations.
    L'adoption du projet de loi C-15 serait profitable non seulement aux peuples autochtones, mais à nous tous. Lorsqu'on met en œuvre des projets de développement économique avec le consentement des populations concernées, ceux-ci se portent mieux et se développent mieux, et ce, dans l'intérêt de toutes et de tous.
    Merci beaucoup, madame Langlois.
    J'ai une dernière question pour vous.
    Nous recevons des témoins depuis quelques semaines, mais vous avez soulevé un élément que nous n'avions pas encore entendu, soit la question des droits des femmes et de la double discrimination qu'elles subissent, d'une part parce qu'elles sont des femmes et d'autre part parce qu'elles sont des Autochtones.
    Sauf erreur, vous avez dit qu'il faudrait apporter des améliorations à cet égard au moment de la mise en œuvre du projet de loi. J'aimerais savoir si nous pouvons faire quelque chose avant même d'adopter le projet de loi. Par exemple, pouvons-nous apporter des modifications pertinentes au préambule du projet de loi?
    Bien entendu, il faut en arriver à un consensus afin d'adopter ce projet de loi, mais nous accueillerions favorablement des amendements visant à affirmer davantage l'importance de la consultation non seulement des peuples autochtones, mais particulièrement des femmes autochtones, ainsi que des amendements précisant qu'elles sont partie prenante de ce projet de loi et de sa mise en œuvre.
    J'aimerais vous poser rapidement une dernière question.

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.

[Français]

    Certaines personnes nous ont dit que, même si elles étaient en faveur du projet de loi C-15, elles estimaient que les droits des peuples autochtones étaient déjà protégés par l'article 35 de la Constitution.
    Croyez-vous que l'adoption du projet de loi C-15 apporterait quelque chose de plus? Quelles sont les distinctions entre l'article 35 de la Constitution et le projet de loi C-15? Qu'est-ce qui rend l'adoption du projet de loi nécessaire pour les Premières Nations? Bien sûr, comme vous l'avez dit, tout le monde bénéficierait de l'adoption du projet de loi C-15.

[Traduction]

    Je vous prie de répondre très brièvement.

[Français]

    En fait, la Déclaration va plus loin que l'article 35 de la Constitution, qui est une affirmation politique. La Déclaration fournit un cadre sociétal qui reconnaît plus précisément les droits des peuples autochtones et qui en régit la mise en œuvre. De plus, la Déclaration propose des lignes directrices en ce qui concerne le vivre-ensemble.

[Traduction]

    Veuillez m'excuser, mais je dois vous interrompre pour passer à notre dernière intervenante.
    Madame Gazan, vous avez six minutes.
    Je vous remercie infiniment, monsieur le président, ainsi que tous les témoins d'aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à M. Joffe.
    Pourriez-vous présenter au Comité certains des développements internationaux importants qui sont attribuables à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, depuis son adoption par l'Assemblée générale des Nations unies en 2007?
    Comment les autres États et pays ont-ils abordé sa mise en œuvre? Dans quelle mesure les tribunaux d'ici et d'ailleurs ont-ils fait référence à la Déclaration pour interpréter les droits des Autochtones?
    Je vous remercie de la question.
    Il y a une chose qui progresse et qui ne cesse d'augmenter: le nombre de pays d'Amérique latine qui incluent la Déclaration de l'ONU ou des dispositions déterminantes à leurs lois, voire à leur constitution. C'est une avancée considérable.
     Par ailleurs, la Déclaration est très importante à des endroits comme l'Afrique et l'Asie. Il y a encore des défis à relever dans ces régions. Je ne dis pas que tout est parfait, mais c'est une avancée d'envergure. Je vais vous donner un exemple.
    Peu avant de passer au vote, j'ai demandé à un représentant d'un pays africain pourquoi ces gens étaient contre la Déclaration des Nations unies. La personne m'a répondu que celle-ci les obligeait à conclure des ententes avec les peuples autochtones, ce qu'ils ne faisaient jamais. Au fil de nos échanges, j'ai constaté qu'en discutant davantage, les Africains ont pu changer d'opinion suffisamment pour soutenir la Déclaration des Nations unies. C'est un changement colossal pour des millions d'Autochtones. Il en va de même pour l'Asie.
    Je ne prétends pas qu'il n'y a aucun défi de taille à relever sur ces deux continents, comme partout ailleurs, mais la Déclaration des Nations unies est une sorte de langue commune relative aux droits de la personne. C'est un instrument dont les gens peuvent s'inspirer puisque ces pays ont leur propre loi sur les droits de la personne. Ces législations sont parfois préférables, parfois pires, mais j'ai pu constater que la Déclaration a permis de véritables discussions.
     Par exemple, les principaux organes des Nations unies comptent désormais des experts sur les Autochtones dans le but d'établir une jurisprudence, ce que les pays ont accepté. Ce sont toutes des avancées très positives pour aujourd'hui et pour demain.

  (1255)  

    Étant donné la confusion qui semble régner à propos de la formulation, que comprenez-vous du paragraphe 18 du préambule et de l'alinéa 4a) du projet de loi C-15, où il est confirmé que la Déclaration est une source d'interprétation du droit canadien qui trouve application en droit canadien?
    De quel article du projet de loi parlez-vous?
    Je fais référence à l'alinéa 4a).
     L'alinéa 4a) est déterminant. Tout d'abord, il pose problème. L'article dit « La présente loi a pour objet », ce qui est suivi des alinéas a) et b). Or, il n'y a pas un seul objet. C'est bien en deçà de la norme que Romeo Saganash avait établie dans le projet de loi C-262. Il faudrait plutôt dire « La présente loi a pour objets » avant de présenter les alinéas a) et b).
    L'alinéa 4b) invite au plan d'action, tandis que l'alinéa 4a) constitue une affirmation indépendante. L'instrument trouve application en droit canadien. Différents tribunaux à l'échelle provinciale et fédérale ont déjà appliqué la Déclaration de l'ONU sans ce projet de loi. C'est le cas du Québec. L'Ontario l'a aussi fait dans un certain nombre d'affaires. Je parle des tribunaux provinciaux de même que fédéraux.
    Voilà qui nous ramène à l'essence même du projet de loi. Il ne fait aucun doute que la Déclaration de l'ONU est applicable, car c'est ainsi dans de nombreux pays, même sans loi.
    Certains prétendent que le projet de loi pourrait entraîner des conséquences non voulues, comme je l'ai entendu aujourd'hui. Tout projet de loi peut être interprété et avoir des conséquences inattendues, mais la jurisprudence établit assez clairement comment les choses évoluent. La situation progresse en Australie. En Nouvelle-Zélande, de nombreuses affaires reposent sur la Déclaration de l'ONU. L'Indonésie a même une cause importante entourant la Déclaration des Nations unies.
     Je considère que la disposition est essentielle, mais que le mot « objet » devrait être au pluriel. Il n'a jamais été question d'avoir un seul objet.

  (1300)  

    J'ai une dernière question…
    Le temps est écoulé, madame Gazan.
    Je vous remercie infiniment, monsieur Joffe.
    Je remercie le président.
    Mesdames et messieurs les témoins, si vous avez l'impression qu'une chose n'a pas été abordée ou est essentielle pour éclairer le Comité et les analystes, n'hésitez pas à nous soumettre d'autres mémoires. Malgré nos contraintes de temps, nous voulons avoir le plus d'information possible. Je vous remercie infiniment pour cette réunion fort instructive et productive.
    Malheureusement, comme la séance n'a pas eu lieu le jeudi, certains d'entre nous ont dû jongler avec leur emploi du temps pour qu'elle se déroule aujourd'hui. Nous allons donc devoir conclure la réunion.
    Je remercie tout le monde. La séance est levée.
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