Passer au contenu
Début du contenu

PROC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Opinion complémentaire du Bloc Québécois

Étude sur la Prorogation du 18 août 2021

Le Bloc Québécois trouve déplorable que le Comité ait été pris en otage par les membres qui représentent le gouvernement libéral, ces derniers ayant empêché le Comité de mener à bien la présente étude sur la prorogation du Parlement par l’utilisation de tactiques d’obstruction systématiques et répétées durant trois mois. Trois mois à utiliser, à mobiliser et à gaspiller le temps de travail des membres du Comité ainsi que les ressources humaines et financières nécessaires aux opérations du Parlement, ce, alors que les interprètes, les techniciens informatiques, les analystes et les greffiers sont déjà largement affectés par les difficultés que posent le Parlement en formation hybride depuis le début de la pandémie. Les stratégies purement partisanes qu’ont mené les libéraux devant le Comité, à compter du 23 février 2021, ont fait dévier de l’essentiel les débats et ont empêcher la volonté ferme de la majorité des membres de se réaliser afin que le Premier ministre vienne témoigner au sujet des motifs de la prorogation du mois d’août 2020. Il convient de rappeler que les membres représentant le gouvernement ont tout fait pour empêcher la convocation du Premier ministre devant le Comité, ce qui porte d’autant plus à douter de la véracité des motifs évoqués par le gouvernement dans son rapport sur la prorogation. Selon le Bloc Québécois, le présent rapport est substantiellement incomplet et inachevé. Le Comité a été privé des explications du Premier ministre qui est la seule personne à pouvoir se servir de la prérogative de proroger le Parlement.

Le Bloc Québécois réitère que puisque la décision de proroger relève ultimement du Premier ministre, celui-ci aurait dû s’expliquer devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, ne serait-ce que pour témoigner de sa bonne foi et faire preuve de plus de transparence et de leadership. Nous tenons à mentionner que le Premier ministre a ainsi manqué une belle occasion d’agir en cohérence avec l’intention qu’il avait manifesté en 2015 de faire en sorte que la prorogation soit utilisée dans un processus de transparence et d’honnêteté. Le Bloc Québécois tient à rappeler qu’il s’agissait de la première prorogation du Parlement depuis la modification du règlement de la Chambre en 2015 avec l’ajout du paragraphe 32(7) et qu’il aurait donc été souhaitable que le Premier ministre marque le pas, pour qu’à l’avenir, tout Premier ministre qui décide de proroger le Parlement en explique ses motivations devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

Le Bloc Québécois tient à mentionner que le témoignage livré par le leader parlementaire du gouvernement, Pablo Rodriguez, n’a pas apporté de réponse suffisamment étayée permettant d’élucider les questions du Comité concernant les motifs de la prorogation du 18 août 2020. Malheureusement, les réponses du leader du gouvernement ont été formulées de façon évasive, sous la forme de phrases creuses et non senties. Il n’a pas été en mesure de démontrer une connaissance suffisante du dossier et n’a pas su répondre à certaines questions fondamentales adressées par le Bloc Québécois. Par exemple, Monsieur Rodriguez n’a pas été en mesure de convaincre les membres du Comité qu’une durée de prorogation de 5 semaines était véritablement nécessaire. De plus, celui-ci a mentionné devant le Comité qu’il n’était pas au courant de faits importants concernant son gouvernement tels que la démission de monsieur Bill Morneau de son poste de ministre des finances survenue la veille de la prorogation du Parlement le 17 août, dans la foulée du scandale de l’affaire UNIS et du programme de bourse pour bénévolat étudiant.

Les motifs invoqués par le leader du gouvernement dans son rapport sur la prorogation ne tiennent pas la route. Bien que la pandémie ait donné l’apparence d’un motif élogieux saisi par le Premier ministre pour proroger le Parlement, le gouvernement s’est plutôt servi de ce prétexte pour dissimuler les véritables motifs de la prorogation. Les témoignages de plusieurs experts démontrent que le contexte politique dans lequel se trouvaient le Premier ministre et son gouvernement au moment de la prorogation, ainsi que la durée de celle-ci, permettent de conclure à une prorogation véritablement soutenue et motivée par les circonstances préjudiciables pour le gouvernement libéral, engendrées à la suite de l’attribution d’un nouveau programme de bourse pour le bénévolat étudiant en faveur de l’organisme UNIS (WE Charity).

Nous sommes d’avis que la prorogation a été utilisée afin de protéger les intérêts partisans du Premier ministre et de son gouvernement. Sur cette question, le Bloc Québécois retient les propos qu’a tenus monsieur Daniel Turp, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Montréal devant le Comité qui sous-tendent que le Parlement a été prorogé pour mettre fins aux études menées par les différents Comités parlementaires dans la foulée du scandale We Charity. Le Bloc Québécois tient à souligner, qu’au moment de la prorogation, quatre comités parlementaires (Éthique, Langues officielles, Finances et Opérations gouvernementales) menaient des études afin que le gouvernement rende des comptes au sujet de l’octroi de contrat en faveur de l’organisme UNIS et de ses dirigeants, les frères Kielburger. Il convient de rappeler que cet octroi de contrat avait placé le Premier ministre, certains membres de sa famille, le ministre des finances de l’époque ainsi que certains employés du Conseil Privé dans une situation fort délicate et de nature à causer un préjudice politique important au gouvernement libéral. La prorogation du Parlement de l’été 2020 est l’expression même d’une prérogative utilisée à des fins partisanes et politiques par le Premier ministre dans un moment désespéré afin de créer diversion, en plein cœur d’un scandale qui risquait d’éclabousser durement son gouvernement et d’entacher la réputation du Premier ministre.

Des experts ont sévèrement critiqué le recours à la prorogation qu’ils ont notamment qualifiée de moyen détourner pour éviter un vote de censure, pour réinitialiser les comités qui mènent des enquêtes politiquement préjudiciables au parti qui forme le gouvernement, ou encore pour éviter ou retarder toutes demandes de reddition du compte par les partis d’opposition. L’analyse du professeur et constitutionaliste Patrick Taillon, démontre que la prorogation est utilisée comme tactique à des fins politiques et partisanes afin de se protéger, de rendre des comptes ou comme tactique de retardement.

Ce stratagème a été utilisé en pleine pandémie de COVID-19 alors que de nombreux Québécois et Canadiens luttaient pour leur vie, que tous faisaient de grands sacrifices pour éviter de propager la maladie et pour protéger les aînés et les personnes vulnérables, que des travailleurs perdaient leur gagne-pain et que des entreprises et le milieu culturel faisaient face à des difficultés économiques sans précédent. En prorogeant le Parlement pendant un peu plus de 5 semaines, en pleine crise sanitaire, le Premier ministre a fait passer ses intérêts particuliers et ceux de son gouvernement avant les intérêts supérieurs des Québécois et des Canadiens qui avaient besoin d’un Parlement stable et fonctionnel en cas d’urgence.

En agissant de la sorte, le gouvernement a privé les citoyens qu’il représente de l’appareil législatif, outil pourtant essentiel à un Parlement minoritaire pour pouvoir mettre sur pied des programmes d’aide ou pour adopter rapidement tout projet de loi nécessaire en cas d’urgence et répondre aux besoins de la population. Le Premier ministre aurait pu proroger durant une période beaucoup plus courte, afin d’éviter de priver les Québécois et les Canadiens d’un Parlement efficace et paré à toutes éventualités. Des risques ont été pris inutilement alors que la prudence était de mise dans le contexte de la pandémie. De plus, plusieurs experts ont confirmé que pour se doter d’un nouveau programme législatif et arrimer ses orientations politiques avec la pandémie, le gouvernement n’était pas dans l’obligation de proroger le Parlement.

Pour conclure, il est malheureux que les membres représentant le gouvernement au sein du Comité aient fait de l’obstruction systématique pendant plusieurs mois et que le Comité ait été privé du témoignage du Premier ministre dans le cadre de son étude sur les motifs de la prorogation du 18 août 2020. Le Bloc Québécois déplore le fait que pour ces motifs, le présent rapport n’a pu être véritablement achevé et que le Comité n’a pu mener à bien son travail pour le bénéfice et les intérêts de la population du Québec et de l’ensemble des Canadiens.