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PROC Rapport du Comité

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Opinion complémentaire du Nouveau parti démocratique du Canada

Bonnet blanc, blanc bonnet : Le complot des libéraux et des conservateurs pour conserver le contrôle et la responsabilité démocratiques

Justin Trudeau n’est peut-être pas le premier premier ministre à avoir abusé du pouvoir de prorogation à des fins politiques, mais il y avait tout de même un peu d’espoir qu’à la fin de cette étude, le Comité pourrait proposer des réformes significatives qui auraient pu limiter, si ce n’est éliminer, ce type d’abus de pouvoir politique.

Deux voies s’offraient au Comité s’il souhaitait régler ce problème récurrent plutôt que de simplement s’adonner à des joutes politiques en réponse à cette prorogation en particulier. Le Comité aurait en effet pu proposer des amendements législatifs pour limiter les pouvoirs du premier ministre de recommander la prorogation, ou il aurait pu proposer des changements au Règlement qui confieraient au premier ministre une plus grande responsabilité en renforçant les exigences de l’article 32(7) du Règlement.

Malheureusement, le Comité n’a choisi aucune de ces deux options. Bien que le premier ministre, en ne venant pas témoigner, ait limité les données empiriques de l’étude du Comité, il n’est pas le seul responsable de l’incapacité du Comité à recommander une solution qui empêcherait les futurs premiers ministres de recourir aux mêmes tactiques sournoises.

L’appui des libéraux ou des conservateurs aurait dû suffire à obtenir une telle recommandation, mais le rapport n’en contient aucune. Voilà qui en dit long.

Alors que les libéraux et les conservateurs sont heureux de critiquer les décisions des premiers ministres de l’autre parti, ils sont unis quand vient le temps de défendre ce pouvoir absolu du premier ministre – qui a été invoqué de façon abusive au cours du présent siècle – et de protéger les premiers ministres de toute forme de responsabilité réelle en ce qui concerne son utilisation, qu’elle soit justifiée ou excessive. Les néo démocrates croient que le Parlement servirait mieux la population canadienne s’il s’attaquait à la maladie, plutôt qu’à ses symptômes.

Le Canada se tourne souvent vers le Royaume Uni pour orienter ses réponses aux questions de procédure parlementaire. Là-bas, les pouvoirs spéciaux du premier ministre en ce qui concerne la prorogation et la dissolution du Parlement sont soumis à des contraintes importantes. Le Parlement et les tribunaux du Royaume Uni ont évalué le recours à ces pouvoirs et peuvent l’influencer.

Solution législative

Les néo-démocrates ne sont pas d’accord avec la recommandation (a), qui préconisent de ne pas limiter les pouvoirs du premier ministre en matière de prorogation. Au contraire, nous croyons que la Chambre des communes élue devrait être tenue d’autoriser une prorogation avant que le premier ministre ne conseille le gouverneur général à cet effet, de préférence par une majorité des deux tiers. Une exigence similaire devrait être mise en place pour autoriser la dissolution du Parlement avant la date d’élection fixée par la loi.

Ces réformes renforceraient concrètement la démocratie au sein du gouvernement du Canada. Les seuls Canadiens qui ont quelque chose à craindre de ces réformes sont ceux qui s’imaginent qu’ils pourraient un jour être en mesure d’abuser de ces pouvoirs pour promouvoir leurs propres intérêts, et le reste d’entre nous ne devrait pas écouter leurs conseils.

Solution procédurale

La solution législative ci-dessus est difficile à mettre en œuvre compte tenu de l’argument invoqué par certains selon lequel un amendement constitutionnel serait nécessaire pour imposer des limites de cette nature aux pouvoirs spéciaux du premier ministre. Des mesures procédurales pourraient être prises entre-temps pour réduire les risques de recours abusif à la prorogation. Le Comité pourrait, par exemple, proposer des améliorations à la procédure prévue à l’article 32(7) du Règlement afin d’obliger au moins le premier ministre à comparaître en tant que témoin lors de toute future étude axée sur les raisons d’une prorogation.

Les néo démocrates croient que le Comité aurait dû insister pour que des mesures concrètes soient prises afin de permettre au Parlement de tenir plus efficacement les premiers ministres responsables des décisions relatives à la prorogation. Voici donc notre recommandation :

Motifs de la recommandation

Un tel changement au Règlement permettrait d’accomplir plusieurs choses. Premièrement, il rendrait le premier ministre personnellement responsable des décisions relatives à la prorogation en obligeant clairement les premiers ministres à déposer eux-mêmes un document présentant les motifs de leur décision.

Deuxièmement, il permettrait de s’assurer que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre étudie les raisons de la prorogation et qu’il dépose un rapport à la Chambre. À de nombreuses reprises au cours de l’étude, les membres du Comité représentant le gouvernement ont dit avoir posé un beau geste en acceptant de participer à l’étude des raisons invoquées par le gouvernement pour justifier la prorogation. De leur point de vue, les députés de l’opposition devraient se réjouir qu’on ait accepté de mener une étude en premier lieu, sans aller jusqu’à exiger d’interroger le premier ministre. En réalité, le gouvernement minoritaire n’avait pas vraiment le choix. Les conséquences pour un parlement majoritaire sont assez claires : l’étude des raisons de la prorogation en vertu de l’article 32(7) du Règlement est, selon eux, un privilège qui peut être écarté. Même dans le contexte de ce parlement minoritaire, il a été trop longtemps incertain que le comité parvienne à déposer un rapport sur la question. L’assurance qu’il y aura une étude et un rapport est donc nécessaire.

Troisièmement, un échéancier relatif à l’étude serait établi. L’obstruction prolongée de cette étude à laquelle se sont livrés les députés libéraux constitue le meilleur argument que l’on puisse invoquer pour justifier l’imposition d’un calendrier pour cette étude.

Quatrièmement, le changement permettrait de régler le principal point problématique de l’étude, qui a mené à l’obstruction, c’est-à-dire l’obligation de comparaître du premier ministre. En permettant à n’importe quel membre du Comité de convoquer le premier ministre en tant que témoin et en conférant à cette demande la force d’un ordre de la Chambre, la proposition clarifie l’obligation de comparution du premier ministre, à moins que le Comité décide de façon unanime que ce n’est pas nécessaire. Si cette règle avait déjà été en vigueur, l’obstruction n’aurait pas duré aussi longtemps et le Comité aurait pu se consacrer à d’autres questions urgentes, comme l’étude du projet de loi C‑ 19 et des propositions sur la façon de tenir des élections pendant une pandémie.

Il est décevant que le Comité ne soit pas arrivé à formuler une recommandation comme celle qui précède. Son conseil consiste simplement à attendre que l’on abuse à nouveau du pouvoir de prorogation et à voir quels points politiques peuvent être marqués à ce moment-là. Après tout le temps consacré à cette étude, les Canadiens méritent un meilleur conseil que celui-là.

Les néo-démocrates appuient néanmoins les conclusions du rapport, ainsi que les recommandations qui ne cherchent pas à protéger le droit absolu du premier ministre d’user et d’abuser des pouvoirs spéciaux que lui confère son poste.