Passer au contenu
;

ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 091 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 29 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 91e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes.

[Français]

     Je vous rappelle que nous poursuivons notre étude sur la transition à la vie civile.

[Traduction]

    Je veux aussi souhaiter la bienvenue à M. Doug Shipley.

[Français]

     La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Les députés peuvent y participer en personne ou par l'entremise de l'application Zoom.
    Je vais maintenant faire quelques rappels importants qui ont pour but d'éviter les incidents acoustiques.

[Traduction]

    Monsieur le président, je m'excuse de vous interrompre. Je n'entends rien dans mon oreillette — ni l'interprétation ni aucun audio. Je ne vous entends même pas dans la langue originale. J'ai monté le volume, et j'ai débranché et rebranché l'oreillette.
    Je vais réessayer.

[Français]

    Madame Blaney, nous entendez-vous?
    Il semble n'y avoir aucun audio, malheureusement.
    Faudrait-il faire une pause pour régler ce problème technique?

[Traduction]

    Une voix: J'entends le français et l'anglais.

[Français]

     Cela fonctionne bien en français, mais Mme Blaney ne reçoit aucun audio jusqu'à maintenant. Nous allons donc suspendre la réunion pour un moment. Cela va nous permettre de corriger ce problème technique et d'accueillir notre collègue M. Desilets.
(1105)

(1110)
    Nous reprenons maintenant le cours de la séance.
     Comme j'avais commencé à le dire, j'ai un avertissement important à faire concernant les incidents acoustiques. J'aimerais rappeler à tous les députés et aux participants à la réunion présents dans la salle les importantes mesures préventives qui suivent.
     Pour prévenir les incidents acoustiques perturbateurs, potentiellement dangereux et susceptibles de causer des blessures, je rappelle à tous les participants de garder leurs oreillettes éloignées de tous les microphones, et ce, à tout moment.
     Comme l'indique le communiqué du Président du lundi 29 avril, qui s'adresse à tous les députés, les mesures suivantes ont été prises pour aider à prévenir les incidents acoustiques.
    Toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité d'un incident acoustique.
    Les nouvelles oreillettes sont noires alors que les anciennes oreillettes étaient grises. Veuillez utiliser uniquement une oreillette noire approuvée.
    Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées au début d'une réunion seront débranchées.
    Lorsque votre oreillette n'est pas utilisée, veuillez la placer, face vers le bas, au milieu de l'autocollant sur la table, à votre droite.
    Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents acoustiques.
     La disposition de la salle a aussi été ajustée pour augmenter la distance entre les microphones et réduire le risque de retour acoustique lié à une oreillette avoisinante. Ces mesures sont en place afin que nous puissions exercer nos activités sans interruption et protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
     Je vous remercie de votre collaboration.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.

[Traduction]

    Avant de commencer, j'aimerais vous présenter des excuses au nom du Comité. Je sais que nous voulions vous convoquer à une autre réunion, mais que notre horaire ne le permettait pas. Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui.

[Français]

     Nous accueillons maintenant le premier groupe de témoins.

[Traduction]

    Nous recevons, à titre personnel, M. Phillip Lopresti et M. Mark Meincke. M. Meincke est caporal à la retraite et animateur d'Operation Tango Romeo, un balado sur le rétablissement après un traumatisme pour les militaires, les anciens combattants, les premiers répondants et leurs familles. Il se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous recevons également le major-général à la retraite Paul Bury, directeur de l'organisme Du régiment aux bâtiments.
    Vous disposerez de cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire. Ensuite, les membres du Comité vous poseront des questions.
    Nous commencerons sans plus tarder par M. Phillip Lopresti.
    Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. La parole est à vous.
    Bonjour. Je m'appelle Phillip Lopresti et je tiens à exprimer ma reconnaissance pour l'invitation et l'occasion qui m'a été donnée de m'adresser au Comité aujourd'hui. Merci.
    Comme certains d'entre vous le savent peut-être, j'ai participé à la pièce de théâtre Contact! Unload, qui met en scène les histoires personnelles d'anciens combattants qui rentrent chez eux et les difficultés qu'ils rencontrent lors de leur retour à la vie civile. Bien que je serve actuellement dans les Forces armées canadiennes, je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que civil, à titre personnel, pour parler de mes expériences d'étudiant de cycle supérieur à l'Université de la Colombie-Britannique et de mon rôle dans Contact! Unload. Par conséquent, je vous informe que je ne ferai pas de commentaires sur mon travail dans les Forces armées canadiennes, compte tenu de mon grade inférieur.
    Je souhaite profiter de cette occasion pour expliquer plus en détail la pièce et son influence.
    Les histoires personnelles et les données inestimables qui ont émergé de la création de Contact! Unload ne sont pas seulement les miennes, mais représentent plutôt les expériences partagées par d'innombrables et courageux militaires qui se sont consacrés à la protection des intérêts de leur pays et au bien-être de ses citoyens. Les scènes émouvantes et les dialogues de la pièce n'illustrent pas seulement les difficultés du service militaire et du retour à la vie civile, mais font également place à l'émergence d'enjeux nuancés qui ont échappé à l'attention du public pendant des dizaines d'années.
    Contact! Unload a permis aux spectateurs, aux éducateurs, aux praticiens et à tous ceux et celles qui le souhaitaient d'accéder aux expériences vécues par les anciens combattants canadiens et par ceux de nombreux autres pays alliés. Le personnel militaire est exposé à des traumatismes dans des proportions bien plus importantes que le reste de la population. Étant donné la nature de leur travail, ces personnes sont susceptibles d'être mises en présence de conditions extrêmes qui ont une incidence sur leur état physique, physiologique et émotionnel, plus particulièrement lorsqu'elles interviennent dans divers types de situations d'urgence, tant au pays qu'à l'étranger. Durant leur service, les soldats sont confrontés à répétition à la souffrance humaine, à la mort et au danger, dans de plus fortes proportions que la population générale. Cette réalité augmente leur risque de souffrir d'un trouble de stress post-traumatique et d'autres problèmes de santé mentale. Si les militaires ne sont pas affectés par le service actif, ils le sont simplement par les mécanismes nécessaires pour vivre et travailler au sein de l'armée.
    Les exigences de l'armée exercent une forte pression sur les militaires pour qu'ils se conforment et se plient à une façon particulière de penser et d'agir. Si cet état d'esprit permet aux personnes qui l'adoptent de réussir dans l'armée, il crée également des obstacles à la transition vers la vie civile lorsque la carrière militaire d'un soldat prend fin. La littérature dans ce domaine suggère que le personnel militaire constitue un sous-groupe qui, dans une large mesure, subit fréquemment des effets négatifs ayant une incidence sur des secteurs clés du fonctionnement et sur la qualité de vie. De plus, les personnes souffrant d'un TSPT lié à leur emploi connaissent invariablement de piètres résultats professionnels à long terme. En effet, leur parcours professionnel est souvent marqué par un stress important, par de nombreux congés de maladie et par une baisse de productivité. Beaucoup prennent une retraite anticipée ou se retrouvent au chômage.
    En ce qui concerne la meilleure façon dont les professionnels de la santé mentale peuvent soutenir ce groupe, il est important de comprendre que les militaires, quel que soit leur genre ou leur orientation, ont tendance à adhérer à des rôles hypermasculins liés à la culture disciplinaire militaire. Ce facteur clé exacerbe la façon dont ils sont touchés par la stigmatisation. Si l'adhésion à certaines formes traditionnelles d'éthos et de culture militaires présente de nombreux aspects positifs, elle est également associée à toute une série de problèmes, tels qu'une faible estime de soi, une intimité interpersonnelle réduite, la dépression et l'anxiété. Les personnes qui adhèrent à ces idéaux se retrouvent souvent dans une double impasse: si elles parviennent à se rallier aux idéologies hypermasculines irréalistes et contradictoires, elles risquent de restreindre les mécanismes d'adaptation qui leur sont accessibles, souvent en refusant de se faire aider. En revanche, si elles s'écartent des normes masculines, elles s'attendent souvent à être sévèrement jugées ou mises à l'écart.
    Lorsqu'il y a violation des rôles liés au genre, la tension qui en résulte peut être extrêmement désagréable, et de nombreuses personnes compensent en adhérant de manière encore plus rigide à ces idéaux irréalistes. Cette situation est problématique, car de plus en plus d'études montrent qu'il existe un lien étroit entre le degré d'adhésion des individus aux idéologies masculines dominantes et l'adoption de comportements malsains. L'évitement de la thérapie est un exemple de ces comportements. En effet, la thérapie nécessite souvent de révéler ses faiblesses ou ses problèmes. Pour beaucoup, elle représente donc une menace à l'identité de soldat et peut renforcer l'isolement émotionnel.
(1115)
    Bien que la pièce Contact! Unload n'était pas une tentative de corriger ces facteurs de risque, son contenu a été extrêmement efficace pour souligner les difficultés auxquelles les anciens combattants font face lorsqu'ils laissent derrière eux leur identité militaire et réintègrent la vie civile. Je suis fier d'avoir contribué à ce projet à titre de chercheur, d'acteur et de défenseur, et je suis heureux d'avoir eu l'occasion de vous faire part d'une petite partie de ce dont j'ai été témoin au cours de ma participation.
    Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci, monsieur le président.
(1120)
    Merci beaucoup, monsieur Lopresti.
    J'invite maintenant M. Mark Meincke à prendre la parole pour cinq minutes.
     Merci beaucoup de me recevoir. C'est la deuxième fois que je témoigne devant le Comité. La première fois, j'étais là en personne.
    D'abord, pourquoi est‑ce moi qui suis devant le Comité aujourd'hui? C'est parce que j'ai attendu 23 ans avant de recevoir un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Le TSPT est un traumatisme neurologique ancré dans la terreur. Il s'agit d'un trouble neurologique physique qu'on peut détecter par imagerie cérébrale. Le TSPT n'est pas causé par la faiblesse, et il n'y a pas de moyens de l'éviter.
    En 2017, après avoir vécu 23 ans sans diagnostic, j'ai accédé au système d'Anciens Combattants. J'ai eu de la chance: ma relation avec Anciens Combattants a bien commencé. Toutefois, j'ai dû me démener pendant cinq ans avant de commencer à en retirer des avantages. Je ne savais pas que ces avantages existaient; ce sont des anciens combattants qui m'en ont parlé. Les programmes sont là; c'est l'accès aux programmes qui pose problème.
    J'anime Operation Tango Romeo, un balado sur le rétablissement après un traumatisme pour les anciens combattants, les premiers répondants et leurs familles. Grâce à ma position centrale au sein de la communauté des anciens combattants, j'entends beaucoup d'histoires. J'entends des histoires positives, des histoires négatives et des histoires neutres sur la transition à la vie civile et sur les expériences vécues auprès d'Anciens Combattants Canada.
    Dans l'ensemble, Anciens Combattants Canada n'a pas très bonne réputation chez les anciens combattants. Le ministère est vu comme un prédateur et comme une agence d'assurances dont le rôle principal est de « nier, nier jusqu'à ce qu'ils meurent ». C'est le dicton le plus populaire.
    Cela dit, je connais des histoires positives. Je connais des gens qui ont vécu une transition relativement harmonieuse, mais malheureusement, c'est la minorité. Il existe de bons programmes; cependant, il est difficile d'y accéder.
    L'une des raisons pour lesquelles il est difficile d'accéder aux programmes, c'est que le trouble de stress post-traumatique se caractérise entre autres par un sentiment d'accablement, notamment par rapport aux fardeaux administratifs. À titre d'exemple, même le processus bureaucratique que j'ai dû suivre pour me joindre à vous aujourd'hui était lourd. Pour beaucoup, c'est trop.
    J'ai compté le nombre d'étapes que je dois franchir pour accéder à mes courriels d'Anciens Combattants Canada. À un moment donné, il y en avait 16. Je pense qu'actuellement, il y en a neuf. Je dois cliquer neuf fois juste pour lire un courriel. Pour beaucoup, c'est tout simplement décourageant. Voilà un exemple où il est possible de faire mieux.
    La majorité des anciens combattants que je rencontre qui sont blessés et qui devraient présenter des demandes auprès d'ACC ne le font pas, soit à cause des histoires qu'ils ont entendues, soit parce qu'ils se sont senti dépassés dès qu'ils ont essayé. C'est ce que j'ai vécu la première fois que j'ai essayé de présenter une demande. La tâche m'a semblé insurmontable, et j'ai abandonné.
    J'ai une question pour tous les membres du Comité: quel pourcentage des demandes que reçoit Anciens Combattants sont faites par l'intermédiaire des officiers d'entraide? La plupart des officiers d'entraide sont des bénévoles de la Légion ou de diverses organisations d'anciens combattants qui agissent comme ambassadeurs entre les anciens combattants et le ministère. C'est malheureux qu'on ait besoin d'eux, mais telle est la réalité. Étant donné l'ampleur du sentiment d'accablement, les officiers d'entraide ont l'habitude de parcourir le dédale d'Anciens Combattants Canada. Leur nécessité est alarmante. Elle témoigne des obstacles à franchir pour accéder au système. Il ne devrait pas en être ainsi. La plupart d'entre nous ne peuvent pas y arriver seuls. Nous avons besoin d'aide juste pour nous y retrouver dans le système.
(1125)
    Les solutions sont nombreuses. J'espère qu'on me posera des questions sur toutes les bonnes idées qui ont été proposées. Mon émission rassemble les modes de guérison et les différentes voies à suivre pour accéder à de l'aide, à des outils et à des ressources. Je suis la personne la mieux placée. Je suis probablement le plus grand expert en matière de ressources de guérison au Canada parce que j'ai réalisé plus de 317 épisodes à ce sujet. Pourtant, les gens d'Anciens Combattants ne m'ont jamais demandé d'avoir une discussion avec eux. Je pourrais peut-être vous servir de ressource. Je serais ravi de collaborer avec le ministère des Anciens Combattants à la création d'une série sur les services et les avantages qu'il offre afin que les anciens combattants aient une meilleure compréhension du ministère et de ce qu'il peut faire pour les aider.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Meincke.
    Nous passons maintenant au major-général Paul Bury, qui représente l'organisme Du régiment aux bâtiments.
    Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire.
    Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, de m'avoir invité à discuter avec vous aujourd'hui des enjeux relatifs à la transition des anciens combattants. En ma qualité d'ancien combattant, je suis conscient de l'importance de votre étude et j'applaudis vos efforts. Comme beaucoup d'anciens combattants, j'attends avec impatience les résultats de vos travaux et les répercussions qu'ils auront pour l'ensemble des anciens combattants.
    Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom de l'organisme Du régiment aux bâtiments, ou DRB Canada. DRB est un organisme national sans but lucratif financé en partie par le secteur de la construction et soutenu par le gouvernement. Son personnel est composé d'anciens combattants et de vétérans du secteur. DRB a pour mission d'aider les anciens combattants des forces armées, les réservistes en service et les membres des organisations de cadets du Canada à trouver des possibilités de carrières civiles enrichissantes dans les secteurs syndiqués du bâtiment et de la construction au Canada.
    Grâce à son réseau pancanadien, DRB entretient des liens étroits avec les sections locales des syndicats et leurs entrepreneurs affiliés. Il dirige les participants inscrits vers des possibilités d'apprentissage et d'emploi dans le secteur canadien des métiers de la construction. Les programmes d'apprentissage de métiers spécialisés permettent aux anciens combattants d'acquérir la formation et les compétences nécessaires pour obtenir le statut de compagnon dans plus de 60 métiers.
    DRB offre des services professionnels et personnalisés aux participants militaires inscrits; il les guide dans leur transition vers une nouvelle carrière et il aide les syndicats et les employeurs dans leur recherche d'employés potentiels. DRB favorise l'adhésion aux syndicats et l'accès aux avantages syndicaux, y compris la formation et la mobilité de la main-d'œuvre partout au Canada.
    Quand j'ai témoigné devant le Comité il y a un peu plus d'un an, j'ai parlé en termes généraux du programme DRB et des occasions qu'il offre aux anciens combattants canadiens et aux personnes ayant des liens avec les forces armées. J'ai aussi mentionné que les anciens combattants faisaient de plus en plus appel à nos services, y compris les anciens combattants sous-représentés, dont les femmes et les Autochtones. Je vous assure que c'est toujours le cas: la demande pour nos services continue d'augmenter. En 2023, DRB a dirigé 365 anciens combattants vers des programmes d'apprentissage de métiers spécialisés auprès de partenaires syndiqués du secteur de la construction partout au pays.
    Du régiment aux bâtiments renouvelle continuellement ses services en vue de demeurer pertinent et de servir les anciens combattants de la manière la plus efficace et la plus rentable possible. Grâce à une subvention du gouvernement de l'Ontario, nous avons réussi à éliminer des obstacles à la réussite professionnelle pour les anciens combattants de l'Ontario en offrant des cours de sécurité gratuits sur des sujets comme le travail en espace clos, le travail en hauteur et les plateformes de travail élévatrices. Nous sommes aussi en mesure d'offrir des trousses de démarrage gratuites à nos clients qui commencent un programme d'apprentissage. Ces trousses contiennent des articles comme des casques de protection, des protecteurs auditifs et oculaires, des bottes de sécurité et des vêtements à haute visibilité. Tous ces articles sont fournis sans frais, ce qui permet aux anciens combattants d'économiser environ 500 $ chacun et de se joindre au secteur de la construction peu importe leur situation financière personnelle. Nous espérons pouvoir commencer à offrir ces programmes partout au pays au cours des prochaines années. De pair avec les services que nous offrons sans frais aux anciens combattants, ces programmes éliminent les obstacles à la réussite professionnelle.
    Nous recevons souvent des témoignages d'anciens combattants sur les effets positifs que leur participation au programme DRB a eus sur leur situation personnelle et familiale. Nombre d'anciens combattants envisagent la transition des forces armées à une carrière civile avec appréhension. Beaucoup d'anciens combattants inscrits à DRB communiquent avec nous avant de quitter les forces armées. DRB travaille avec eux et avec les sections locales des syndicats pour leur offrir des choix de carrière et, idéalement, pour faire en sorte que la date de début de leur programme d'apprentissage soit confirmée avant leur départ. La collaboration avec des organismes communautaires voués aux anciens combattants comme DRB permet de réduire considérablement le stress que les anciens combattants et leurs familles ressentent par rapport à la transition à la vie civile et à un emploi civil.
    Chez DRB, nous croyons que les organismes communautaires comme le nôtre peuvent servir de compléments importants aux programmes gouvernementaux de soutien aux anciens combattants. Ensemble, nous pouvons aider les anciens combattants à faire la transition à la vie civile. De concert avec les Syndicats des métiers de la construction du Canada, DRB continuera à offrir des services pertinents et opportuns aux anciens combattants canadiens et aux personnes ayant des liens avec les forces armées qui souhaitent faire carrière dans les secteurs de la construction et du bâtiment.
    Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je répondrai volontiers aux questions du Comité. Merci.
(1130)
    Merci beaucoup, monsieur Bury.
    J'aimerais vous remercier tous les trois de vos remarques liminaires et de votre service. Nous avons un major-général et un caporal parmi nous.
    Nous allons maintenant passer au premier tour de questions. Chaque parti disposera de six minutes. Je calculerai la longueur du deuxième tour après cela. Vous pouvez partager votre temps de parole.
    Nous allons commencer par M. Richards pendant six minutes.
    Allez‑y, je vous prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre témoignage d'aujourd'hui et de votre service envers notre pays.
    Je vais commencer par vous, monsieur Meincke. Vous avez brièvement parlé de votre expérience. Vous avez dit que vous avez dû vous démener pendant cinq ans pour obtenir les prestations dont vous aviez besoin dans votre condition. Vous avez parlé de votre balado. Vous parlez assez souvent à des vétérans dans votre balado, et dans d'autres contextes également.
    Pouvez-vous me dire si l'expérience que vous avez vécue, ces cinq ans d'acharnement, est assez typique?
    Oui. Nous naviguons le système à l'aveugle. Lorsque j'animais un groupe de soutien par les pairs, j'étais devant un groupe formé d'une demi-douzaine d'habitués. Malgré cela, personne ne savait vraiment ce qui se passait ou quels étaient les services disponibles.
    Cela est notamment dû au fait que les programmes changent constamment de nom. Il y a toutes sortes de rajustements, et nous perdons le fil. La seule façon de s'y retrouver... Je compare cela à des élèves de sixième année qui se donneraient des cours d'éducation sexuelle entre eux. Ils ne savent vraiment pas de quoi ils parlent. Voilà ce que c'est que d'essayer de s'y retrouver dans ACC. Les choses changent constamment, et dès que vous établissez une relation avec un gestionnaire de cas, il démissionne ou est renvoyé, et vous repartez à zéro avec un autre. Je pense que j'en ai eu quatre ou cinq depuis 2017.
    Il n'y a aucun moyen de suivre ce qui se passe et ce qui est disponible...
    Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Meincke, mais nous avons souvent entendu parler de l'impossibilité d'avoir un gestionnaire de cas avec lequel on peut travailler et faire un suivi.
    Nous avons également souvent entendu parler de la difficulté d'avoir accès à un médecin, surtout au moment de quitter les forces armées. Nous entendons souvent dire que beaucoup de médecins semblent être réticents à prendre des vétérans comme patients, compte tenu de toute la paperasserie qu'ils doivent remplir pour le ministère des Anciens Combattants. Les vétérans avec lesquels vous vous entretenez vous en ont-ils parlé?
    C'est vrai. J'en ai entendu parler, et je l'ai personnellement vécu. Je n'arrive d'ailleurs toujours pas à trouver un médecin de famille, si jamais quelqu'un en connaît un dans les environs de Stettler.
    Voici comment le système fonctionne: il faut un billet d'un médecin ou une référence d'un médecin pour avoir accès à quoi que ce soit. Si vous voulez consulter un chiropraticien, ou qui que ce soit d'autre, pour des blessures liées à votre service, vous devez d'abord obtenir l'accord d'un médecin, et il est difficile d'en trouver un qui accepte que vous consultiez un chiropraticien ou que vous suiviez une thérapie par flottaison. Cet obstacle est presque impossible à franchir.
(1135)
    Parfois, ce qui semble très simple ne l'est pas pour quelque raison que ce soit, et il faut le simplifier.
    J'aimerais vous entendre sur une affirmation que j'ai souvent entendue, à savoir qu'Anciens Combattants Canada a vieilli en même temps que ses vétérans. Je suis certain que vous l'avez déjà entendue également. Autrement dit, on entend généralement que les anciens combattants qui ont combattu pendant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale ont eu l'impression d'être assez bien servis par le ministère des Anciens Combattants, et que ce dernier a en quelque sorte vieilli avec eux afin de répondre à leurs besoins qui évoluaient avec l'âge.
    Une des choses qui revient, de nos jours, c'est que le vétéran moyen est désormais pas mal plus jeune, surtout depuis la mission en Afghanistan. ACC n'a pas su bien répondre aux besoins de ces jeunes vétérans. Les besoins sont très différents lorsqu'on essaie de passer à autre chose, d'élever une famille, de s'occuper de toutes ces choses, de trouver un emploi intéressant, etc.
    Pouvez-vous nous parler un peu de ce que vous disent les jeunes vétérans, surtout ceux qui ont servi en Afghanistan? Ma description reflète‑t‑elle leur réalité?
    Je pense que oui. Juste pour jeter la Légion aux lions un instant... Je pense que c'est un bon exemple, même si cela ne faisait pas partie de votre question. Lors de la dernière cérémonie du jour du Souvenir à laquelle j'ai assisté à Stettler, on a uniquement parlé de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale. Ils n'ont même pas mentionné la Corée, les Balkans — où j'ai servi — ou l'Afghanistan.
    Il y a encore beaucoup de gens au sein de la bureaucratie qui ne nous considèrent même pas comme des vétérans, et c'est là le problème. J'ai l'impression qu'il y a un certain chevauchement au sein d'Anciens Combattants Canada. Même avec ma classification — j'ai servi en Croatie pendant le génocide en 1994, en pleine guerre — je ne suis pas considéré comme un vétéran parce que j'étais avec l'ONU. J'étais dans une « zone de service spécial ». Je crois que c'est comme cela qu'on l'appelle. Il existe différentes catégories de vétérans. Nous avons droit à différents niveaux de prestations en fonction de l'endroit où nous avons servi. C'est comme si l'on niait que la guerre en Corée en a été une. C'était une guerre, et j'ai assurément servi dans une zone de guerre, mais c'est l'un des défis...
    Puis‑je vous interrompre? Vous avez parlé de la Corée. Les vétérans se sont battus pour obtenir une désignation de service en temps de guerre et ont fini par l'obtenir, mais le service de nombreux vétérans — dont vous — n'est pas considéré comme un service en temps de guerre. Nous entendons souvent parler de la guerre du Golfe ou de la mission en Afghanistan, qui sont généralement considérées comme des guerres par les Canadiens, incluant ACC. Or, elles ne sont pas considérées comme telles lorsque vient le temps de percevoir des prestations et des services. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Il ne vous reste que 30 secondes, monsieur Meincke. Allez‑y, je vous prie.
    Une guerre est une guerre. Que vous serviez à titre de Casque bleu des Nations unies ou que vous ayez combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'agit toujours d'un rôle de combat. Mon ami Tommy Anderson a perdu ses deux jambes. Mark Isfeld a été réduit en miettes et a perdu la vie. J'ai personnellement touché un fil-piège. D'autres ont touché des mines terrestres avec leur élévateur.
    Une guerre est une guerre est une guerre, et le fait d'appeler l'endroit où j'ai servi une « zone de service spécial », par opposition à... Il ne devrait pas y avoir de catégories. Nous avons tous été impliqués jusqu'au cou, et nous devrions donc tous être traités de la même façon.
    Merci, monsieur Meincke.
    Merci, monsieur Meincke.
    Nous allons maintenant passer à M. Miao pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres aujourd'hui, et, bien sûr, de leur service.
    Ma première question s'adresse à M. Lopresti.
    Je vous remercie d'avoir fait le voyage depuis la Colombie-Britannique. Je comprends que vous êtes ici à titre personnel, mais vous êtes également l'officier responsable du centre de transition de Vancouver pour les FAC. Pourriez-vous nous dire quel type de services de transition les vétérans britanno-colombiens reçoivent de nos jours?
    Je ne peux pas répondre à la question à titre d'officier responsable du centre de transition de Vancouver. Je ne peux répondre qu'à des questions sur mon rôle dans la pièce Contact! Unload et les recherches que nous avons effectuées.
(1140)
    Pas de problème. Parlons de la pièce Contact! Unload.
    Je crois que vous avez également participé à la publication « Road to Civilian Life » pendant vos recherches en tant qu'étudiant de deuxième cycle de l'Université de la Colombie-Britannique. Pouvez-vous nous expliquer quel type de recherche vous avez dû mener à cet égard?
    Oui, bien sûr.
    La pièce ne cherchait pas nécessairement à répondre à des questions, mais plutôt à obtenir des informations et des histoires des participants et de ceux qui en avaient été témoins. Nous nous sommes concentrés sur l'idée qu'un vétéran doit abandonner ou changer d'identité lorsqu'il quitte son rôle de membre des FAC pour devenir un civil. C'est ce qu'on appelle parfois « déposer les bagages » de façon plus décontractée.
    Tous ceux qui ont participé à la pièce ont suivi un programme précis, à savoir le programme de transition des vétérans, qui est financé par le Réseau de transition des vétérans. Il utilise une modalité appelée mise en scène thérapeutique, qui consiste à recréer et à traiter, en groupe, des scènes traumatisantes du passé du vétéran, qu'elles soient directement liées au service militaire ou qu'elles se soient produites à la maison. Cela permet au vétéran de déposer ses bagages et de se réinsérer pleinement dans la vie civile. C'est l'objectif de la transition, et c'est ainsi que nous avons abordé la question. C'est ce que nous avons examiné dans la pièce.
    Au cours de nos études, de nombreux témoins nous ont fait part de difficultés rencontrées par les vétérans lors de leur retour à la vie civile. Pouvez-vous nous parler de la rétroaction que vous avez reçue du public? En quoi la pièce aide‑t‑elle les vétérans dans leur transition après leur libération?
    Je pense que votre question comporte deux volets.
    Les participants ont clairement dit que leur participation à la pièce les a aidés. C'était une autre façon d'être vu par le public canadien. Les recherches sur la santé mentale, le syndrome de stress post-traumatique et les traumatismes laissent croire que les personnes qui se sentent écoutées, entendues et comprises sont plus à même d'avancer dans leur cheminement. Le simple fait d'avoir eu une scène et une plateforme pour être vu et entendu a été bénéfique pour les participants.
    La pièce a permis aux spectateurs, qu'ils soient des membres de la famille ou des vétérans, de savoir que ce qu'ils vivaient était normal. Les familles ont vu qu'elles n'étaient pas les seules à avoir un fils, une fille ou un être cher qui vit dans leur sous-sol, ou qui n'en sort pas pendant plusieurs mois. Cela leur a permis d'être plus à l'aise de parler de leur histoire et de demander de l'aide, parfois simplement en interpellant l'un d'entre nous impliqué dans la pièce tout de suite après la représentation, ou en utilisant l'une des ressources que nous avons offertes en ligne après la pièce, comme un lien vers le Réseau de transition des vétérans ou le programme de transition des vétérans.
    Voilà ce que nous avons constaté et comment nous avons aidé la communauté. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Merci.
    Vous avez parlé des membres de la famille, qui sont également très importants dans ce processus. Avez-vous des recommandations à formuler à cet égard pour améliorer le processus actuel de transition des vétérans?
    D'après la recherche et la rétroaction des participants, des spectateurs et des autres collaborateurs, nous estimons que le plus utile serait probablement d'offrir les mêmes prestations et les mêmes ressources aux familles dont bénéficient les vétérans.
    Nous entendons beaucoup d'histoires de familles qui ont souvent leur propre forme de traumatisme, qu'elles vivent avec le membre de leur famille qui a servi dans les FAC. Le traitement de ce traumatisme nécessite parfois les mêmes ressources ou quelque chose de différent. Nous avons constaté que les familles qui allaient mieux avaient accès aux mêmes ressources que celles dont bénéficiait leur proche vétéran, alors que celles qui allaient moins bien n'y avaient pas accès.
    Ces membres de la famille se voient-ils offrir des ressources par l'entremise du centre de transition de Vancouver?
    Je ne peux pas parler de mon travail au centre de transition, mais nous avons entendu des histoires tout au long des spectacles et en discutant avec des spectateurs qui recevaient des prestations par l'entremise de centres comme le Centre de ressources pour les familles des militaires. Parfois, des organisations extérieures, comme le programme de transition des vétérans, organisent des programmes distincts pour les membres de la famille uniquement.
    Nous avons entendu des témoignages sur l'accès aux ressources, mais il ne semble pas y avoir de point central pour les familles.
(1145)
    En ce qui concerne les recommandations relatives à l'étude que nous menons, que nous suggériez-vous de faire pour améliorer la situation de nos vétérans et les aider à s'adapter à la vie civile?
    Ce qui est ressorti de notre travail et de commentaires semblables de témoins, c'est l'importance d'avoir quelqu'un comme un paraprofessionnel qui vous accompagne dans les étapes de la transition, quelqu'un qui reste là tout au long du processus et qui vous guide dans cette transition, que ce soit pour accéder aux ressources d'ACC ou à celles de toute autre organisation.
    Merci beaucoup, monsieur Miao.

[Français]

     Monsieur Desilets, vous avez la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
    Je salue tous mes collègues.
    Je remercie nos invités de leur présence et de leur service.
    Monsieur Lopresti, je trouve le processus littéraire dans lequel vous vous êtes embarqué extrêmement intéressant, mais je veux essayer de comprendre certains éléments.
    Avez-vous fait votre maîtrise après votre service militaire?

[Traduction]

    En fait, je l'ai faite en même temps. J'ai fait ma maîtrise pendant mon service militaire.

[Français]

     Sur quoi portait votre mémoire de maîtrise?

[Traduction]

    Il portait sur le SSPT et les traumatismes et sur leur impact sur la transition de la vie militaire à la vie civile.

[Français]

     D'accord.
    Vous avez essayé de combiner cela et c'est de là que vient l'essai Contact! Unload".

[Traduction]

    Je ne peux pas m'attribuer le mérite de l'élaboration du scénario. C'est Marvin Westwood et George Belliveau, qui étaient mes superviseurs tout au long du programme, qui s'en sont chargés. Ils ont offert leur contribution. Les départements de psychologie de l'orientation et de théâtre de recherche ont participé à l'élaboration du scénario. Graham Lea y a lui aussi grandement contribué.

[Français]

    Je suppose que vous avez mis à contribution votre formation en psychologie là-dedans.

[Traduction]

    Oui, absolument. J'en fais encore bon usage aujourd'hui.

[Français]

    La pièce est-elle encore jouée dans des théâtres?

[Traduction]

    Non, pas en ce moment. On l'a présentée de 2015 à 2018, et il y a eu plusieurs versions. Elle a été jouée près de 20 fois et il y a eu près de 2 000 spectateurs.

[Français]

     D'accord.
     Je trouve cela très intéressant, particulièrement parce que je suis allé le projet Monarques une deuxième fois. Je ne sais pas si mes collègues en ont entendu parler. C'est une pièce qui donne la parole à des vétérans. On peut donc faire un parallèle entre celle-ci et celle à laquelle vous avez participé. Elle est encore jouée au Canada, en français et en anglais. Je l'ai trouvée totalement extraordinaire.
    D'ailleurs, les salles étaient combles, ce qui m'a énormément surpris, parce qu'au Québec, les vétérans ne sont pas la préoccupation première du commun des mortels. Il y avait beaucoup de non-vétérans et de civils.
    Était-ce aussi le cas de la pièce à laquelle vous avez participé?

[Traduction]

    Oui. Il y avait des témoins vétérans et non vétérans dans le public. Ils sont venus et ont apprécié la pièce. Nous avons joué pour de nombreux éducateurs au Royaume-Uni, en Australie et même ici à Ottawa.
    L'une des particularités de la pièce — et je ne sais pas si c'est le cas de la pièce que vous avez mentionné — est que les interprètes étaient eux-mêmes des vétérans. Il est difficile de se mettre à nu et de partager les moments les plus traumatisants de sa vie 20 fois, sans compter les répétitions. Ce n'était pas nécessairement quelque chose qui aurait pu se poursuivre indéfiniment avec les mêmes participants.
    Je pense qu'on aurait besoin de participants différents si on souhaitait la rejouer. De plus, il faudrait limiter la durée de participation, car cela pourrait les retraumatiser. À un certain moment, on n'en peut plus.
(1150)

[Français]

    Ma question pourrait paraître bête, mais quel était l'objectif initial de la pièce?

[Traduction]

    C'est une excellente question, en fait, mais il m'est difficile d'y répondre parce que je ne l'ai pas créée. Cependant, mon objectif initial avec la pièce était de mieux comprendre notre communauté de vétérans. J'étais un jeune militaire à l'époque, et je voulais approfondir ma compréhension de la communauté et savoir dans quoi je m'engageais. C'est l'idée du consentement éclairé. Savez-vous ce que vous signez lorsque vous apposez votre signature sur la ligne pointillée? Connaissez-vous le type de carrière dans lequel vous vous engagez? Êtes-vous sûr de vous? Disposez-vous des outils nécessaires pour survivre et apporter des contributions significatives tout au long de votre carrière?

[Français]

    Quelle est votre conclusion?

[Traduction]

    C'était le bon choix, sans aucun doute.
    Je crois fermement qu'il est important d'avoir plus d'omnipraticiens et de médecins militaires dans l'armée. J'espère devenir médecin militaire. Je n'ai pas l'intention de bouger de sitôt, et c'est pourquoi je ne peux répondre aux questions à titre de commandant. Je perdrais mon emploi si je le faisais.

[Français]

     D'accord.
    Après avoir participé, si j'ai bien compris, à l'écriture de la pièce et après avoir vécu un peu le travail de militaire sur le terrain, avez-vous déterminé qu'il manquait quelque chose à votre pièce?
    Quel message avez-vous eu de la difficulté à faire passer par la pièce?

[Traduction]

    Le message qui était plus difficile à faire passer dans la pièce a trait aux blessures invisibles ou aux blessures morales. Ce sont des blessures que subissent les membres des Forces armées canadiennes et que personne ne voit à la surface. C'est terrible d'entendre les histoires de gens qui ont perdu une jambe ou qui ont perdu la vie, mais il y a de nombreux autres types de blessures qui sont invisibles et que personne ne voit. Les blessures morales surviennent lorsque les gens vont à l'encontre de leurs croyances morales dans l'exercice de leurs fonctions.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Desilets.

[Traduction]

    Nous allons entendre Mme Blaney, qui dispose de six minutes.
    Allez‑y, madame Blaney.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie tous nos invités d'aujourd'hui pour leurs témoignages.
     Je vais commencer avec M. Lopresti.
     Je suis vraiment fascinée par votre témoignage d'aujourd'hui. Je suis heureuse de vous entendre utiliser certains termes, de savoir que vous qualifiez la pièce de théâtre de moyen d'obtenir un consentement éclairé sur le service — ce qui est vraiment profond, à mon avis — et de reconstitution thérapeutique. D'après les études que j'ai réalisées sur le sujet, je sais que cela peut vraiment changer les choses, alors je vous remercie d'avoir recours à ce langage. Je crois que c'est vraiment important.
     Dans le cadre de mon travail auprès de nombreux anciens combattants, ce que j'ai constaté à maintes reprises... Je ne cherche pas à blâmer ou à dénigrer qui que ce soit. Je ne vais pas blâmer un ancien gouvernement. Je pense qu'il y a quelque chose qui cloche dans notre société. Les fonctionnaires d'ACC ne reçoivent pas de formation approfondie sur les traumatismes, de sorte qu'ils n'ont pas toujours la bonne façon d'aborder les grands enjeux. Je crois que les vétérans qui vivent des expériences répétées sont ceux qui connaissent le plus de difficultés; il est donc très important de les aider en tenant compte de leurs traumatismes.
    L'un des témoins — merci, monsieur Meincke — nous a parlé du roulement des gestionnaires de cas et du manque de stabilité à cet égard tout au long du processus. Il faut répéter les mêmes choses à de nombreuses reprises, ce qui peut être très difficile. Nous savons également qu'ACC embauche des gens dans le cadre de contrats à court terme, ce qui signifie que le taux de roulement est très élevé. Nous ne voulons pas que ce soit le cas pour ce groupe de personnes en particulier.
    Étant donné la pièce de théâtre que vous avez créée et les recherches que vous avez réalisées, pouvez-vous nous parler un peu de vos réflexions sur l'importance d'obtenir divers services pour assurer la transition? C'est très important, car si on ne forme pas tout le monde sur la façon de fournir des soins qui tiennent compte des traumatismes, les choses finissent par s'effondrer. Je me demande si vous pourriez nous en parler et si vous en avez appris au sujet de l'importance de ces services au cours de la période de transition.
(1155)
     Je vous remercie de votre question, madame, et de la placer dans le contexte de la recherche. Cela m'aide à y répondre.
     Ce qui est intéressant avec le nombre de représentations que nous avons faites, c'est que même une personne aussi expérimentée que Marvin Westwood, qui travaille auprès des anciens combattants depuis longtemps, était toujours en apprentissage, comme nous tous. Les générations d'anciens combattants sont différentes et leurs besoins le sont aussi. Les capacités d'apprentissage — la façon d'apprendre, d'interpréter et d'échanger — d'il y a 50 ans étaient différentes de ce qu'elles étaient il y a 10 ans et de ce qu'elles sont aujourd'hui. Ce que nous avons constaté, d'après nos conversations avec d'autres praticiens du domaine, c'est qu'ils devaient constamment s'adapter au groupe.
     Il est vraiment difficile d'offrir un seul cours et que toutes les personnes qui travaillent avec les vétérans le suivent afin de tenir compte des traumatismes, parce que la façon dont ces traumatismes sont perçus et dont les gens les gèrent change.
     Ce que j'ai constaté personnellement avec la pièce, c'est qu'il était important de s'immerger dans la communauté. Il est impossible de le faire tous les jours ou toute la journée, mais à différents moments, on peut s'imprégner de la collectivité, pour avoir une idée de ce qui se passe aujourd'hui avec la population que l'on sert, et ainsi orienter la pratique en fonction des tendances observées. Il faudra le faire à intervalles réguliers pour adopter la meilleure approche possible et tenir compte des traumatismes d'aujourd'hui par rapport à ceux d'hier.
     C'est logique. Dans mon bureau, presque tous les membres de l'équipe ont été formés par des vétérans — des gens très instruits — sur les soins adaptés aux traumatismes, et cela a vraiment amélioré nos vies. Il est très difficile d'entendre ces histoires, alors je pense qu'il est important d'essayer de trouver un équilibre, et il faut s'occuper de soi si l'on veut prendre soin des autres.
     Vous avez parlé d'hypermasculinité dans l'expression de genre, alors j'aimerais en savoir un peu plus sur ce que cela signifie pour vous. Nous allons bientôt terminer — je l'espère — une étude sur les anciennes combattantes. Elles nous ont dit à maintes reprises qu'elles se sentaient totalement invisibles et que leur réalité n'était pas prise en compte. Souvent, lorsqu'elles portent leurs médailles alors qu'elles sont en tenue civile, les gens pensent que ces médailles appartiennent à quelqu'un d'autre, à un homme qui a un lien quelconque avec elles. Je m'intéresse à l'hypermasculinité dans l'expression de genre, à ce qu'elle signifie et à ses répercussions.
     J'aimerais aussi savoir si la pièce aborde des histoires qui sont propres aux femmes. Avez-vous eu de la difficulté à amener les femmes à parler de leur service, comparativement aux hommes? Quelle était la réalité des deux côtés?
     Dites-le-moi si j'ai mal compris la question, mais la première partie portait sur l'hypermasculinité et son incidence sur les anciens combattants en transition et dans leur service.
     Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons constaté que plus une personne adoptait une idée irréaliste d'hypermasculinité, plus son système de croyances devenait rigide et plus elle dressait des obstacles qui l'empêchaient d'obtenir de l'aide. Lorsqu'on obtient de l'aide, on s'avoue à soi-même que l'on est blessé et que l'on a besoin d'aide. C'est une chose extrêmement courageuse et difficile à faire.
     Beaucoup de participants du Programme de transition des vétérans disent que c'est la chose la plus difficile qu'ils aient jamais faite, parce que cela les rend vulnérables et qu'on n'a jamais abordé ce sujet dans le cadre de leur formation. L'école primaire ou secondaire n'offre pas nécessairement de cours sur les émotions et sur la façon de traiter les traumatismes. L'hypermasculinité et la rigidité associées à ce rôle sont donc très difficiles à gérer.
     C'est une priorité pour moi, et j'adopte une approche féministe dans le cadre du counselling. Cela signifie que nous nous penchons sur les rôles sociaux et sexospécifiques et sur la façon dont ils façonnent le cheminement d'une personne dans sa carrière. À qui les gens peuvent-ils s'adresser pour obtenir de l'aide en fonction de la norme sociale qu'ils adoptent en matière de genre? C'est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur.
     La deuxième partie de votre question portait sur les participantes. Nous avions une participante qui n'était pas une ancienne combattante, et elle a travaillé en étroite collaboration avec les familles et certaines anciennes combattantes pour essayer d'intégrer ces éléments de l'histoire. Elle faisait un doctorat en counselling psychologique à ce moment‑là, et elle était en mesure de faire entendre cette voix. Dans le cadre de nos discussions après la pièce, nous n'avons jamais eu l'impression que les anciennes combattantes ou que d'autres personnes dans la salle hésitaient à nous approcher. À notre avis, il n'y avait pas d'obstacle qui les empêchait de le faire.
(1200)
    Merci, madame Blaney.
    Il est déjà midi, mais comme nous avons eu des problèmes techniques au début de la réunion et que nous devons suivre une procédure en matière d'acoustique, je peux vous offrir une minute chacun avant que nous passions au prochain groupe de témoins, si vous avez d'autres questions.
    Monsieur Tolmie, vous avez la parole.
     Je vais parler vite. Je remercie les témoins de s'être joints à nous aujourd'hui.
     J'aimerais simplement vous demander votre avis sur un sujet. L'idée traditionnelle du service en temps de guerre était d'envoyer nos militaires dans une zone de conflit, avec pour conséquence la mort, la perte d'un membre et d'autres blessures physiques que l'on pouvait voir. Ensuite, la Première Guerre mondiale est arrivée et nous avons commencé à voir des traumatismes dus aux bombardements, puis le TSPT avec les conflits modernes.
     Les Canadiens vivent dans une société pacifique. La plupart de nos conflits se sont déroulés à l'étranger, de sorte que nos civils et nos organisations ont de la difficulté à accepter les anciens combattants sur le marché du travail parce qu'ils ne les comprennent pas et qu'ils n'ont pas connu les mêmes expériences. Ces gens ont beaucoup de compétences, comme nous l'avons remarqué. Ils travaillent fort et sont organisés.
     Monsieur Bury, êtes-vous de cet avis? Pourriez-vous nous parler de certains des défis auxquels les anciens combattants font face lorsqu'ils font la transition vers un travail civil avec leurs compétences?
     C'est une excellente question.
     Au cours des 100 dernières années, nous avons été témoins de divers conflits, qu'il s'agisse de la guerre des tranchées pendant la Première Guerre mondiale ou d'un conflit contre-insurrectionnel en Afghanistan. Peu de Canadiens se portent volontaires. Vous avez donc raison de dire qu'il y a un nombre limité de civils qui comprennent les traumatismes liés au stress opérationnel et les conséquences du TSPT découlant des conflits au Canada.
    Ce que j'ai constaté, c'est une grande volonté de la part de l'industrie de la construction d'accueillir les anciens combattants. Leurs membres comprennent ce que les anciens combattants ont à apporter, et ils sont conscients des problèmes que peuvent vivre les anciens combattants sur le marché du travail... Les blessures de stress opérationnel, le TSPT ou peut-être un problème médical. Il y a des procédures à suivre.
    Merci, beaucoup, monsieur Bury.
    Nous allons maintenant entendre M. Sarai.
    Vous pouvez poser une question, en une minute. Allez‑y.
     Merci. En fait, j'en ai deux.
    La première n'est pas une question. Je veux simplement demander à M. Lopresti s'il peut nous transmettre le document qu'il a rédigé avec d'autres et qui s'intitule Mental Health and Well-Being of Military Veterans during Military to Civilian Transition: Review and Analysis of the recent Literature. Si vous pouviez l'envoyer à la présidence, ce serait formidable. Nous pourrons ainsi l'intégrer à notre étude.
     Ma question s'adresse à vous, monsieur Bury. À votre avis, comment pouvons-nous améliorer l'intégration des anciens combattants à une nouvelle culture du milieu de travail par les employeurs? Vous avez vu beaucoup de choses, vous en avez fait beaucoup et vous continuez d'en faire beaucoup. Quelles sont les meilleures façons d'aider les membres des Forces armées canadiennes et les anciens combattants à faire la transition vers la vie civile?
    Il y a un certain nombre de choses que j'aimerais dire à ce sujet.
     Je dirais qu'il faut maintenir le Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille d'Anciens Combattants Canada. Ce processus de subvention est idéal pour les organismes sans but lucratif et les autres organismes communautaires qui travaillent directement avec les anciens combattants. À l'heure actuelle, je ne crois pas qu'il y ait de subventions en jeu, mais il s'agit d'un outil très bénéfique pour ceux d'entre nous qui travaillent quotidiennement avec les anciens combattants dans les collectivités.
     Je pense aussi à un forum régional organisé par Anciens Combattants qui pourrait réunir des organismes sans but lucratif pour essayer de combler certaines des lacunes qui existent lorsqu'il s'agit d'aider les anciens combattants et leur famille à faire face à des problèmes continus ou d'assurer une transition réussie. Il existe de nombreuses organisations. Je pense qu'il faut une meilleure coordination pour veiller à combler ces lacunes.
(1205)
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Bury.

[Français]

     Monsieur Desilets, auriez-vous une question à poser? Vous disposez d'une minute.
    J'en ai des milliers, monsieur le président.
    Monsieur Bury, ma question s'adresse à vous. Qu'est-ce qu'une transition réussie pour vous? Vous avez évoqué cela tantôt.

[Traduction]

     Je dirais qu'une transition réussie, c'est lorsque les vétérans et leur famille sont en mesure de passer du monde militaire au monde civil avec un minimum de problèmes, et lorsqu'ils se sentent soutenus et peuvent bénéficier financièrement de cette transition.
     Nous voyons de nombreux cas — nous l'avons entendu aujourd'hui de la part des autres témoins — des effets d'une transition négative, avec des répercussions financières, mentales et émotionnelles sur les vétérans. Certaines organisations au sein de la collectivité s'efforcent d'atténuer ces facteurs de stress pour les anciens combattants et leur famille. Je dis cela de façon précise, car il ne s'agit pas seulement des anciens combattants. Leur famille élargie doit également être prise en compte.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Blaney, vous avez le dernier mot.
    Allez‑y.
    J'adore avoir le dernier mot. Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Bury, il semble que cette série de questions vous soit destinée, alors je vais moi aussi m'adresser à vous. J'aimerais en savoir plus sur la transition et sur le lien avec Du régiment aux bâtiments.
    Est‑ce que vous établissez des liens avec les personnes avant qu'elles ne quittent l'armée, afin d'assurer une transition vers les métiers de la construction? Comment peuvent-elles entrer en contact avec vous et comment cela se passe‑t‑il? Si ce n'est pas le cas, quelles mesures pourraient être prises en ce sens?
     Nous travaillons à la libération des membres. Idéalement, nous entreprenons le travail avant leur libération. Nous nous rendons sur les bases des Forces armées canadiennes et nous participons à ce qu'étaient les séminaires du Service de préparation à une seconde carrière. On a fait la transition vers les salons de l'emploi. Nous intervenons de façon proactive avant la libération du membre.
     Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous parlons aux membres avant leur libération. Nous parlons à leur famille. Nous offrons également des possibilités d'emploi pour les conjoints. Idéalement, lorsque la personne fait cette transition, elle a déjà une profession d'apprenti ou de soutien dans l'industrie de la construction. Cela contribue à atténuer les facteurs de stress liés aux carrières civiles.
    Si une personne s'est enrôlée dans l'armée ou dans les Forces armées canadiennes à 18 ans, elle n'aura pas eu d'autre carrière civile avant sa libération à 32 ou 34 ans. Si elle est mariée et a deux jeunes enfants, par exemple, cela représente un facteur de stress important.
     Idéalement, nous intervenons avant la libération et nous accompagnons la personne pour l'aider à franchir les étapes du processus. Le système fonctionne bien maintenant. Nous cherchons toujours à améliorer les choses au fur et à mesure, mais à l'heure actuelle, le système fonctionne.
    Merci, monsieur Bury.

[Français]

     Au nom des membres du Comité et en mon nom personnel, je remercie tous les témoins d'avoir participé à cette étude sur la transition à la vie civile.
    Nous recevions M. Philip Lopresti, qui a témoigné à titre personnel, et M. Paul Bury, major-général à la retraite, qui dirige Du régiment aux bâtiments. Nous recevions également M. Mark Meincke, caporal à la retraite, qui anime le balado Operation Tango Romeo, sur le rétablissement après un traumatisme pour les militaires, les anciens combattants, les premiers répondants et leurs familles.
    Encore une fois, je vous remercie de votre contribution.
    Nous allons faire une courte pause pour accueillir le deuxième groupe de témoins.
(1205)

(1215)
     Nous reprenons la séance.
    Je veux tout simplement rappeler qu'il faut continuer de faire très attention à l'acoustique, au microphone et aux écouteurs pour protéger la santé de nos interprètes.

[Traduction]

    Je suis heureux d'accueillir les deux témoins qui se joignent à nous pour la deuxième heure.
    Au nom du Comité, je tiens à vous offrir mes excuses. Je sais que vous étiez ici lors d'une réunion précédente — en particulier Mme Aristocrat — et que nous n'avons pas pu tenir la réunion. Cette fois‑ci, nous allons discuter de la transition à la vie civile.
    Je vous souhaite la bienvenue à toutes les deux.
    Nous recevons, à titre personnel, Mme Rima Aristocrat, présidente de TeKnoWave Inc.; et Mme Stephanie Hayward, par vidéoconférence, qui est également ici à titre personnel.
    Vous disposerez de cinq minutes chacune pour vos déclarations liminaires. Ensuite, les membres du Comité seront heureux de vous poser des questions plus approfondies aux fins de l'étude.
    Nous allons commencer par Mme Rima Aristocrat pour cinq minutes.
    La parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour à toutes et à tous. J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à vous faire part de mes observations et de mes expériences.
     J'ai occupé le poste de présidente-directrice générale du Willis College pendant plus de 35 ans, jusqu'à ma retraite. Le Willis College est un établissement privé d'enseignement professionnel situé à Ottawa. Maintenant que je suis à la retraite, je suis plus occupée que jamais avec mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants. J'ai eu l'honneur d'être nommée colonelle honoraire du Centre d'opérations des réseaux des Forces canadiennes, ou CORFC. Je siège à des conseils consultatifs et j'entame mon huitième forum mondial sur l'engagement des femmes dans le domaine de la cybersécurité. Je dois aussi mentionner TeKnoWave Inc., qui est une source de fierté et de joie, et dont je suis la fondatrice et la présidente. TeKnoWave Inc., qui fêtera ses 25 ans l'année prochaine, est le premier organisme national sans but lucratif dans le domaine des technologies de l'information au Canada.
    Pendant mon mandat à titre de présidente du Willis College, j'ai créé le programme de transition pour les anciens combattants. Une question a été posée aujourd'hui au sujet de la transition, et je suis très heureuse de pouvoir y répondre.
     J'avais décidé de mettre ce programme sur pied après avoir constaté les nombreuses difficultés que les anciens combattants qui étudiaient au collège avaient connues et connaissaient encore au moment de leur transition de la vie militaire à la vie civile. Pour ce faire, j'ai réuni d'anciens étudiants qui avaient servi dans les Forces armées canadiennes et des experts dans les domaines du développement professionnel, de l'emploi, de la santé mentale, de l'éducation et de la formation.
    Le programme de transition pour les anciens combattants offrait aux anciens combattants un milieu d'apprentissage et de carrière souple pour les aider à obtenir un emploi rémunéré et valorisant après leur service dans les Forces armées canadiennes. Élaboré par et pour les anciens combattants, le programme comprenait trois volets: un programme de soutien professionnel et à l'emploi, un programme de soutien personnel et un programme de soutien à la formation.
    Le programme de transition pour les anciens combattants veillait à ce que les anciens combattants possèdent les compétences et les aptitudes nécessaires pour effectuer la transition de la vie militaire à la vie civile avec succès. Des coordonnateurs du soutien aux anciens combattants, qui étaient eux-mêmes d'anciens membres des Forces armées canadiennes, avaient été embauchés à temps plein pour aider et guider les étudiants de leur arrivée au collège jusqu'à l'obtention de leur diplôme, et, dans certains cas, jusqu'à bien après l'obtention de leur diplôme.
    Nos principes directeurs étaient de nous concentrer sur les anciens combattants, de fonder toutes nos décisions sur eux, de veiller à ce qu'ils soient traités avec compassion et respect, de leur fournir le soutien et les services dont ils avaient besoin pour s'épanouir pendant leur participation au programme, et de former des partenariats. L'équipe du programme a noué une foule de partenariats merveilleux pour contribuer au succès des anciens combattants.
     Pendant la conception du programme, j'ai constaté à quel point les familles des militaires étaient importantes. Ces familles sont les héroïnes méconnues qui appuient ceux qui servent et qui ont servi dans les Forces armées canadiennes. Ces familles restent au pays pendant le déploiement de leurs proches, sans savoir s'ils reviendront sains et saufs.
    C'est ce qui m'a motivée à créer la bourse « Soldier's Hero ». Chaque année, cette bourse permettait à un conjoint de militaire de s'inscrire gratuitement aux programmes de son choix au Willis College. Le comité de sélection était composé de deux membres du Centre de ressources des familles militaires, du maire d'une ville en périphérie où se trouvait une base importante, du directeur général d'un organisme qui offrait une thérapie équine aux militaires, et de membres actifs des Forces armées canadiennes.
    J'aimerais souligner l'importance de soutenir les familles de militaires, car elles sont l'épine dorsale de la réussite de nos anciens combattants. Permettez-moi de vous faire part de quelques observations tirées de mes années d'expérience avec les anciens combattants.
(1220)
    Lorsque le programme a été lancé, le problème le plus important auquel les anciens combattants étaient confrontés était l'emploi. Depuis quelques années, les anciens combattants sont désormais aux prises avec des problèmes d'itinérance, de toxicomanie et de santé mentale, et doivent composer avec le coût de la vie. Les efforts déployés pour les aider à perfectionner leurs compétences et à les soutenir dans leur transition sont affaiblis en raison de la crise du coût de la vie que nous traversons. Je ne cesse d'entendre dire qu'il existe des mesures de soutien pour les anciens combattants. Or, ce ne sont pas tous les anciens combattants qui sont en mesure d'y accéder.
    À titre d'immigrante, j'ai de la chance, et je suis fière de notre pays. Par contre, cela fait 50 ans que j'habite ici, et j'ai aussi été témoin de difficultés, en particulier de celles qu'endurent nos anciens combattants. Il y a la crise du coût de la vie, l'inflation qui ronge l'aide que peut fournir le ministère, le gouvernement qui retarde la construction du monument commémoratif national de la mission du Canada en Afghanistan, la crise du logement, l'itinérance et bien d'autres; il serait trop long de toutes les énumérer. De nombreux anciens combattants qui étudient au collège ont servi en Afghanistan. L'année dernière, le lendemain du jour du Souvenir, je les ai entendus parler de la construction de leur monument, et ils disaient qu'elle n'était toujours pas terminée. Certains étaient contrariés; ils avaient servi leur pays et voulaient que l'on se souvienne de leurs camarades tombés au combat.
    Je n'ai jamais servi dans les Forces armées canadiennes. Cependant, je vois à quel point les militaires sont fiers de servir leur pays. Nous leur devons toute notre gratitude pour leur service. Nous ne pouvons pas oublier le sacrifice qu'ils ont fait.
(1225)
    Excusez-moi, madame Aristocrat. Vous avez dépassé les cinq minutes qui vous étaient imparties. Je peux vous donner 15 secondes pour vous permettre de conclure.
    Je vous remercie.
    J'ai lu un article au sujet du ministère de la Défense nationale et du manque de formation. Il est tellement important d'offrir des occasions aux militaires. Ils sont habitués aux procédés offensifs et défensifs. Ils ont une habilitation de sécurité de niveau secret et, plus important encore, ils veulent continuer à servir leur pays.
    Sur ce, monsieur le président, je vais m'arrêter là pour ne pas dépasser le temps imparti. Je vous remercie à nouveau de m'avoir invitée. Je suis prête à répondre à toutes les questions auxquelles je pourrai répondre.
    Merci beaucoup de votre déclaration liminaire.
    Nous passons maintenant à Mme Stephanie Hayward pour environ cinq minutes.
    Lors de leur transition à la vie civile, les anciennes combattantes sont toutes confrontées au manque de soutien ou d'intérêt envers les affections liées à leur genre qui découlent de leur service, ou sont tout simplement oubliées ou mises de côté. Elles ne devraient pas avoir à abandonner toute leur fierté ou être au creux du plus profond désespoir — au point où le suicide est la seule issue pour mettre fin à toute souffrance —, pour enfin recevoir l'aide des Forces armées canadiennes ou du ministère des Anciens Combattants.
    Je sais que les Forces armées canadiennes, le ministère des Anciens Combattants et la plupart des gens ne me considèrent pas comme une ancienne combattante en raison de mon service qui a été bref. Ils aiment souligner que je suis une « victime de l'emploi », comme l'ont déclaré certains employés du ministère. Je ne peux pas parler de la transition des anciennes combattantes qui ont fait toute leur carrière dans l'armée, que je respecte beaucoup. Cependant, comme je l'ai souligné dans la déclaration écrite que j'ai soumise avec ma déclaration liminaire, j'ai communiqué avec quelques réseaux d'anciennes combattantes et elles m'ont parlé des obstacles concrets auxquels elles ont été confrontées lors de leur transition à la vie civile.
    Je n'ai jamais bénéficié de services de transition lorsque j'ai été libérée des forces armées. Mes droits de la personne et mes droits en matière d'emploi ont été bafoués. J'ai gardé le silence par crainte d'être tuée, violée à nouveau ou placée dans un établissement correctionnel militaire, car il est dans l'intérêt du ministère de la Défense nationale que les Canadiens ne sachent pas qu'il existe un groupe de violeurs en série dans les Forces armées canadiennes.
    J'avais 19 ans lorsque j'ai commencé mon service dans les Forces armées canadiennes. J'avais toute la vie devant moi. Je m'étais enrôlée pour voir le monde. Au lieu de cela, je me suis retrouvée avec un traumatisme débilitant qui a eu des répercussions sur tous les aspects de ma vie. Mes deux accouchements présentaient un risque élevé en raison des blessures que j'avais subies pendant mon service militaire et qui n'avaient pas été traitées. Ma fille a développé une nécrose graisseuse sous-cutanée néonatale avec hypercalcémie parce que j'ai dû pousser, à neuf centimètres, à cause des cicatrices laissées par mon agression sexuelle. Elle a passé les deux premières années de sa vie à faire des allers-retours à l'hôpital et a développé des restrictions alimentaires par la suite. Son état s'est stabilisé à l'âge de trois ans.
    J'ai été alitée pendant la majeure partie de ma deuxième grossesse. À 20 semaines, j'ai eu des contractions et un accouchement prématuré présentait un risque élevé. J'ai été alitée et j'ai passé de longs séjours à l'hôpital, alors que personne ne pouvait s'occuper de mon enfant de quatre ans qui était à la maison. Entre la 33e et la 34e semaine, j'ai eu des saignements, et il y avait un risque d'infection. Il était donc plus prudent d'accoucher à ce moment‑là. Lorsqu'il est venu au monde, mon bébé n'était pas capable de respirer tout seul et il a dû rester à l'unité de soins intensifs néonatals.
    Même si je participais au programme de réadaptation du ministère des Anciens Combattants — cela n'a duré que peu de temps —, je n'ai reçu aucun soutien. J'ai dû me débrouiller seule. Alors que je tentais de fuir une situation de violence conjugale, j'ai reçu très peu d'aide...
    Excusez-moi, madame Hayward. Vous allez trop vite. Les interprètes ont de la difficulté. Pourriez-vous parler un peu plus lentement? Il vous reste plus de trois ou quatre minutes.
    Vous pouvez continuer.
    Alors que je fuyais une situation de violence conjugale, j'ai reçu très peu d'aide pour trouver un logement ou des meubles. J'ai dû attendre cinq mois avant de recevoir ma première indemnité pour douleur et souffrance liées au stress post-traumatique, ce qui m'a permis de payer des déménageurs, de quitter mon logement social et d'emménager dans un foyer sûr. Ma fille et moi avons dormi sur un matelas gonflable pendant trois mois et demi, tandis que mon fils dormait dans un berceau. Honnêtement, tout ce qui comptait, c'était que mes enfants et moi soyons en sécurité dans une belle maison confortable.
    Même si je suis extrêmement reconnaissante pour la prestation de remplacement du revenu qui m'a permis de loger et de nourrir mes enfants, étant au seuil minimal de 90 % du montant le plus bas, je n'ai pas droit au rajustement annuel de 1 % — le facteur pour avancement professionnel —, même si je suis touchée par une diminution de la capacité de gain, ou DCG. Je ne suis pas capable d'exécuter un emploi rémunérateur. Je crains donc de ne pas avoir la stabilité nécessaire pour subvenir aux besoins de mes enfants à l'avenir.
    En 2022, ma demande de prestations d'invalidité de longue durée des FAC, ou ILD, a été approuvée, à partir de la date de ma libération. Le ministère des Anciens Combattants n'utilise pas le même taux de prestations que le régime d'assurance-revenu militaire, pour un caporal. En 2011, les anciens combattants libérés pour raisons médicales avaient des difficultés financières et s'enlevaient la vie. C'est pourquoi la prestation minimale a été portée à 4 500 $ en 2011.
    Pour le seuil minimal de 90 % qui est payé, le ministère des Anciens Combattants utilise le seuil de 4 500 $ sans augmentation de prestations pour la perte d'avancement professionnel et la diminution de la capacité de gain, de sorte que le taux actuel de mes prestations est le même qu'en 2009. J'ai du mal à subvenir aux besoins de mes enfants et à couvrir les dépenses élevées que doit assumer une mère célibataire. L'inflation a atteint un niveau record. Je n'ai pas les moyens de payer une place en garderie à temps plein pour mon fils, mais j'en ai besoin pour pouvoir aller à mes rendez-vous médicaux afin de traiter les blessures que j'ai subies lors de mon service militaire. Ces traitements m'ont été refusés pendant 15 ans, jusqu'au début du mois d'avril 2024.
    La vérité, c'est que la mise à jour des prestations de santé pour les femmes est une incroyable réussite. Cependant, sans soutien pour les services de garde — qui permettrait aux femmes d'aller à des rendez-vous médicaux —, les femmes qui veulent obtenir des traitements ne sont confrontées qu'à un autre obstacle énorme et invisible. Le ministère des Anciens Combattants va payer quelqu'un pour me conduire à mon rendez-vous, mais il ne couvrira pas les services de garde, qui offrent une plus grande sécurité à la mère et à l'enfant. Je dois choisir entre payer mon hypothèque et payer les frais de garde d'enfants.
    Je sais que la majorité des anciennes combattantes ne sont plus en âge de procréer, ou qu'elles ont des problèmes de fertilité et un risque plus élevé de complications liées à l'accouchement, comme la mortinaissance, ou qu'elles sont tout simplement incapables d'avoir des enfants, en raison des blessures qu'elles ont subies pendant leur service. Or, en 2025, un très grand nombre de femmes en âge de procréer seront libérées des Forces armées canadiennes pour raisons médicales. Si le ministère des Anciens Combattants ne donne pas la priorité à la santé des anciennes combattantes actuelles et futures, nous serons confrontés à une épidémie de souffrance chez ces enfants et ces femmes.
    Pendant 15 ans, je n'ai reçu aucun traitement pour mon plancher pelvien. Au début du mois, j'ai dû emmener mon jeune fils à mon rendez-vous d'évaluation pour un traitement en physiothérapie. Il y a eu tant d'éléments déclencheurs pendant cet examen que cela m'a rendue malade. Je n'avais pas le choix. Si je ne commence pas les traitements dès que possible, je risque fort de devoir subir une hystérectomie. Mon fils m'a vue vomir à l'extérieur de mon véhicule et pleurer de façon incontrôlée, et il ne devrait pas avoir à être témoin de cela.
    J'entends les expériences de toutes les anciennes combattantes, et le silence du gouvernement me donne l'impression d'avoir été oubliée. À vrai dire, j'ai l'impression que c'est une question de chiffres. Plus les anciennes combattantes doivent attendre avant de recevoir des soins médicaux essentiels, plus leur qualité de vie en pâtit et plus leur espérance de vie diminue. Cependant, pour le gouvernement canadien, cela représente des économies à long terme.
    Tous les droits de la personne, les droits médicaux et les droits du travail des anciennes combattantes continueront d'être bafoués et ignorés si l'étude sur les vétéranes n'est pas déposée au Parlement, et ce, le plus rapidement possible. Nos Forces armées canadiennes sont confrontées à des menaces mondiales extrêmes. Les députés assis à cette table ont la possibilité d'avoir une énorme incidence sur la qualité de vie des anciennes combattantes. Même s'il est difficile de parler du viol collectif dont j'ai été victime et de ce que j'ai vécu par la suite, je prends la parole pour aider d'autres femmes à ne pas avoir à subir le même préjudice extrême.
    J'aimerais terminer mon témoignage en rendant hommage aux anciennes combattantes qui ont perdu la vie parce que leurs blessures liées au service n'ont pas été traitées, aux anciennes combattantes qui n'ont pu se prévaloir de leurs droits et de leurs avantages, et aux anciennes combattantes qui n'ont pu surmonter les défis en matière de santé mentale, de santé et de pauvreté liés au service. Je suis de tout cœur avec les familles de nos militaires qui ont perdu la vie, mais que nous n'avons pas oubliées. Je prie pour les femmes des Forces armées canadiennes et les anciennes combattantes qui ont dû composer avec des problèmes de fertilité, des fausses couches, la mortinaissance, et je prie pour toutes les petites vies que nous avons perdues à cause du traitement inéquitable de la santé reproductive des femmes pendant et après leur service.
    Je demande à ce comité de déposer l'étude sur les vétéranes au Parlement sans tarder pour protéger la sécurité des anciennes combattantes et de leurs enfants.
    Je vous remercie.
(1230)
     Merci beaucoup, madame Hayward.
    Je tiens à vous remercier toutes les deux pour votre contribution au pays, et pour le courage dont vous avez fait preuve en venant témoigner aujourd'hui. Je peux vous assurer que le Comité travaille d'arrache-pied sur le rapport que vous avez évoqué sur les anciennes combattantes, et que nos travaux progressent très bien.
    Nous allons maintenant entamer nos séries de questions. Les membres du Comité sont prêts à vous poser des questions à toutes les deux.
    Je vais demander à M. Richards de commencer. Vous avez six minutes, allez‑y, je vous prie.
    D'abord, je tiens à vous remercier toutes les deux de votre présence avec nous aujourd'hui.
    Madame Hayward, je tenais à vous remercier tout particulièrement. Je sais à quel point il doit être difficile et éprouvant de livrer un témoignage de ce type. Vous êtes pourtant parvenu à le faire à deux reprises devant le Comité. Je partage bien entendu votre désir de voir le rapport en question présenté dès que possible, car je pense qu'il est très important d'honorer le courage dont des personnes comme vous ont fait preuve.
    Madame Aristocrat, dans votre discours d'ouverture, vous avez beaucoup parlé des différents problèmes auxquels sont confrontées nos anciennes combattantes depuis plusieurs années; la crise du coût de la vie à travers le pays, l'itinérance, la toxicomanie, et ainsi de suite. Je me demande si vous pourriez nous parler un peu plus des conséquences de ces problèmes sur la vie de nos anciennes combattantes. Par ailleurs, pourriez-vous nous fournir des exemples précis de ce que vivent les anciennes combattantes avec lesquelles vous avez travaillé dans le cadre de vos activités?
(1235)
    Je vous remercie, monsieur Richards.
    Comme je l'ai dit, j'ai pris ma retraite du Collège Willis il y a trois ans maintenant, et je n'ai pas vraiment été en contact avec mes étudiantes anciennes combattantes. Par contre, jepeux vous dire que mes cinq années de travail au sein de cet organisme m'ont fait prendre conscience de toute la souffrance vécue par les anciennes combattantes. J'ai tout appris sur le SSPT, sur les différentes épreuves que traversent les anciennes combattantes, et sur ce dont elles avaient besoin pour être à l'aise, y compris des détails apparents comme l'agencement des salles de classe. Je n'avais pas réalisé, comme l'a évoqué un autre témoin, l'ampleur des cicatrices invisibles portées par plusieurs de ces femmes. Certaines anciennes combattantes avaient même des pensées suicidaires.
    J'avais pour habitude de rencontrer tout le monde en personne. Je voulais que mes étudiantes viennent à moi pour les serrer dans mes bras. Je me disais que j'étais assez âgée pour que personne ne prenne mal ce genre de démonstrations d'affection. À l'époque, je travaillais avec mon mentor, le lieutenant-général à la retraite Walter Semianiw, que certains d'entre vous connaissent probablement. J'ai beaucoup appris de cet homme, qui m'a montré la meilleure manière d'aborder les défis auxquels nous étions confrontés dans notre travail.
    Je me souviens d'un étudiant en particulier. Nous avions annoncé la création du Programme pour les familles des vétérans, le PFV, sur la Colline du Parlement, en présence de l'ensemble des diplômés du Collège Willis, dont M. Sparks, diplômé en 1958 et héros de la Seconde Guerre mondiale. Tout le monde était fier de la mise en place de ce programme. Un étudiant m'a pourtant dit qu'il ne comptait pas venir à la cérémonie. Je lui ai demandé pourquoi, et il m'a répondu que nos soins, nos câlins, et nos tentatives de lui faire réaliser que la vie vaut la peine d'être vécue avaient fini par porter ses fruits. Je lui ai demandé ce qu'il voulait dire. Il m'a répondu qu'il s'apprêtait à visiter sa mère qu'il n'avait pas vue depuis Noël, et qu'il avait hâte de la serrer dans ses bras.
    En entendant ce témoignage, M. Semianiw et moi-même avons eu les larmes aux yeux. L'important, c'est d'essayer de comprendre la part d'humanité et de compassion qui anime chacun d'entre nous. Il n'est pas nécessaire que ce soit énorme, mais il faut se souvenir d'eux. Ces anciens combattants ont besoin d'être respectés, d'être aimés, et d'être honorés pour ce qu'ils ont fait pour notre pays.
    Dans bien d'autres situations, les étudiants n'avaient pas les moyens financiers de se déplacer à l'autre bout du pays pour assister à tel ou tel événement les concernant. En tant qu'immigrante, ce constat m'a beaucoup attristée. Nous avons tous déjà croisé des sans-abri dans la rue, ou entendu parler d'un aîné décédé dans une maison de retraite sans que personne lui tienne la main. J'ai été moi-même témoin de ce genre de moments tragiques, mais également de plusieurs scènes heureuses qui m'ont redonné espoir. Je pense à tous ces jeunes pleins de vitalité, le cœur sur la main, et qui ne devraient pas vivre de tels drames.
    Je pense qu'une telle situation est impensable pour chacun d'entre nous. C'est l'idée que de nombreux anciens combattants qui ont servi ce pays et qui étaient prêts à sacrifier leur vie pour lui se retrouvent complètement démunis après leur départ des forces armées. Plusieurs n'ont même plus les moyens de se nourrir et se retrouvent à la rue.
    Je me suis rendu dans des banques alimentaires pour anciens combattants partout au pays. Ces organismes enregistrent un nombre record d'utilisateurs. Y a‑t‑il une raison pour que nos anciens combattants se retrouvent dans une telle situation de précarité? Le gouvernement doit‑il prendre de nouvelles mesures pour éviter que nos anciens combattants se tournent vers les banques alimentaires et finissent dans la rue?
    Je ne trouve aucune justification, et je crois que chacun d'entre vous dirait la même chose. Il n'y a pas d'excuse, pas de justification.
    Ces anciens combattants se sont battus pour défendre nos libertés, et plusieurs ont même sacrifié leur vie. La liberté dont les Canadiens sont si fiers ne s'est pas imposée d'elle-même; son triomphe a nécessité bien des sacrifices sur le plan personnel.
    J'aimerais également parler des familles de nos militaires. En effet, il n'y a pas que les anciens combattants; leurs familles sont des héros méconnus. Elles font d'énormes sacrifices pour eux et pour notre pays. Que faisons-nous pour les honorer? Une fois par an, nous leur offrons des remerciements de manière officielle. Mais qu'en est‑il du reste du temps, lorsque ces mêmes familles n'ont pas les moyens de payer leur loyer? Qu'en est‑il des moments où ces familles n'ont plus les moyens de nourrir et de vêtir leurs propres enfants? Qu'en est‑il de toutes ces fois où nous devons porter assistance aux anciens combattants abandonnés à leur sort dans la rue, en train de geler?
    Absolument rien ne justifie une telle situation. Ce n'est pas digne de la grandeur du Canada. Notre pays, qui se targue d'être riche, puissant et humaniste, ne doit pas laisser cela se produire. Dans cette salle, vous avez le pouvoir de changer les choses. Nous pouvons y arriver tous ensemble. C'est si important.
(1240)
    Je n'aurais pas pu mieux le dire, et je vous remercie infiniment pour ces paroles touchantes et éloquentes.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez également parlé de plusieurs anciens combattants que vous connaissez et qui ont servi en Afghanistan. Vous avez souligné l'importance d'honorer ces hommes et ces femmes au quotidien, et de veiller à leur fournir toute l'aide dont ils ont besoin.
     Vous avez également parlé de l'importance que nombre d'entre eux accordent au monument qui rend hommage aux sacrifices consentis par 158 Canadiens en Afghanistan, et des souvenirs chers à leurs familles. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'importance de veiller à ce que nos anciens combattants continuent d'être honorés par ce monument qu'ils méritent?
    Lorsque je travaillais au Collège Willis, j'ai eu la chance de discuter avec de nombreux anciens combattants qui avaient servi en Afghanistan, ce qui m'a permis de me familiariser avec les missions qu'ils ont menées là‑bas. Je ne peux que vous transmettre ce que j'ai entendu de leur bouche, car je ne suis pas moi-même une ancienne combattante. Mais en tant que mère et en tant que femme, ce genre de récits me touchent profondément, et c'est pourquoi je tiens à les partager. Je peux vous dire par exemple que les anciens combattants à qui j'ai parlé étaient très contrariés par le fait que le monument honorant leurs sacrifices en Afghanistan ne sera inauguré qu'en 2027.
     Ce n'est que plus tard que j'ai été nommée colonel honoraire. La semaine dernière, j'ai eu l'honneur, dans le cadre de mes fonctions, de remettre des médailles de promotion à plusieurs anciens combattants. Je me souviens qu'il y avait 350 personnes présentes à la cérémonie. Alors que je remettais les onze médailles, la fierté et le bonheur se lisaient sur les visages de ces anciens combattants. Leurs conjointes se sont avancées à leurs côtés, et elles aussi ne cachaient pas leur joie et leur fierté.
    Cet événement m'a permis de réaliser que même les petites attentions suffisent à redonner de l'espoir aux anciens combattants et à leur famille. Ce genre de cérémonies de commémoration leur rappelle leurs exploits et leurs sacrifices. On se souvient d'eux. Ils sont reconnus. Ils sont honorés. Pour un militaire, il est fondamental que ses camarades tombés au combat puissent être honorés comme il se doit. Je ne les blâme pas.
     Merci beaucoup.
     Je tiens à vous remercier pour votre témoignage et pour le travail que vous accomplissez pour nos militaires et nos anciens combattants. Nous vous en sommes reconnaissants.
     J'invite à présent Mme Hepfner à prendre la parole pour six minutes.
     Merci, monsieur le président.
     Je souhaite m'adresser à Mme Hayward.
    Tout d'abord, je souhaite vous remercier pour ce témoignage fort percutant. Nous pouvons tous constater à quel point cette situation a dû être traumatisante pour vous. Je viens de me joindre au Comité, et je n'ai donc pas eu l'occasion d'assister à vos témoignages précédents. Je dois dire que vos révélations d'aujourd'hui m'ont vraiment remué.
     Je tiens à vous assurer que j'ai beaucoup appris de l'étude que nous menons sur les anciennes combattantes. Par ailleurs, je ne prévois aucun retard par rapport à la présentation de cette étude. À mon avis, il est très important que tout le monde prenne connaissance du contenu de cette étude dès que possible.
    En ce qui concerne les traumatismes sexuels dans le contexte militaire, je suis consciente que vous estimez ne pas avoir bénéficié d'un soutien suffisant lorsque vous avez essayé de quitter les Forces canadiennes. Selon vous, que pouvons-nous faire concrètement pour aider les anciennes combattantes qui quittent les forces armées après avoir vécu un traumatisme sexuel?
    Je pense que l'essentiel pour nous est de ne plus être considéré comme un fardeau. Je n'ai pas été traité comme un être humain, mais comme un fardeau gênant, parce que le milieu dans lequel j'évoluais n'était vraiment pas en ma faveur. Je me suis retrouvé face à une clique d'hommes influents, qui pouvaient faire ce qu'ils voulaient et s'en tirer à bon compte, car ils étaient familiers avec tous les rouages du système. En revanche, si j'avais eu accès à une tierce personne en dehors de la Défense nationale, comme un travailleur social, et si je n'avais pas été enfermée dans cet hôpital, je n'aurais pas été aussi... C'était une expérience tellement effrayante et traumatisante, et je ne pouvais même pas faire confiance au personnel médical.
    À ce moment, on ne m'a accordé aucun droit, et on m'a même refusé l'accès à une trousse de prélèvement en cas de viol. Je n'avais droit à rien. Mes agresseurs m'ont ciblé parce qu'ils ont vu en moi une victime idéale. Ils ont bien compris que j'étais une nouvelle recrue isolée, et que je n'oserais probablement pas les dénoncer, de peur de compromettre ma carrière et de quitter les forces armées sans indemnités.
    Pendant le processus, on m'a intimé de me taire pour pouvoir terminer ma formation et espérer avoir une carrière enviable au sein des forces armées. Mais à ce moment‑là, j'avais peur d'être à nouveau agressée, et même de mourir ou d'être envoyé en prison, parce que c'est ce que mes agresseurs m'ont dit: si je ne me taisais pas, ils m'accuseraient de désertion. Tout cela était absurde. Je ne parlais pas français, je n'avais pas de permis de conduire, et je ne savais même pas comment prendre un taxi, alors comment aurais‑je pu m'enfuir? Et pour aller où? Je ne savais même pas où se situait l'hôpital dans lequel on m'avait enfermée.
    En fin de compte, je pense qu'il faut renforcer la sécurité des campus en luttant contre la circulation des stupéfiants et des médicaments qui n'ont pas encore été approuvés. Je pense également qu'il faut mettre en place un système de soutien, et affecter un agent de la paix pour aider les hommes et les femmes qui ont subi une agression sexuelle. Cet agent de la paix agirait donc en tant que tierce partie.
    Le traumatisme que j'ai subi n'aurait normalement pas dû mettre définitivement fin à ma carrière militaire. J'aurais pu être traitée dans la dignité et le respect, et avoir accès à des traitements post-traumatiques adéquats. Si j'avais été traité comme un être humain... Il y a de mauvaises personnes dans tous les milieux de travail. Dans chaque entreprise, il y a quelqu'un de douteux, mais si j'avais été traitée avec dignité et respect... Je sais que la manière dont j'ai été traitée a eu un impact énorme sur la façon dont je perçois maintenant le gouvernement, car je n'étais qu'un fardeau à leurs yeux.
(1245)
     C'est tout à fait compréhensible. Je pense que ce qui est choquant, c'est la fréquence à laquelle les femmes au sein des forces armées subissent ce genre de situations traumatisantes. C'est très choquant.
    Je peux constater qu'il ne s'agit pas seulement d'un traumatisme mental pour vous. Il s'agit également d'un traumatisme physique, qui s'est d'ailleurs manifesté lorsque vous avez eu vos enfants. Je comprends en écoutant votre témoignage à quel point cela vous affecte encore, et affecte votre relation avec vos enfants.
    Lorsque des militaires quittent les forces armées après avoir vécu de tels traumatismes, il est important de leur accorder du soutien sur le plan financier. En effet, il ne leur est pas toujours possible de se remettre au travail à court et moyen terme. Quels autres types de soutien devraient être mis en place pour les femmes dans votre situation?
    Le problème, dans mon cas, c'est que comme mon agression s'est produite au sein des forces armées, je n'ai pu accéder à aucun service d'aide aux victimes dans la vie civile. Je n'avais accès à rien. En gros, on m'a dit de m'adresser aux forces armées pour demander de l'aide, et c'est ce que j'ai fait. Pendant 11 ans, j'ai demandé de l'aide à de nombreuses reprises. J'ai supplié pour obtenir de l'aide. J'étais sans abri, je logeais dans un refuge pour femmes enceintes, et je demandais de l'aide à ACC. On m'a répondu que je n'avais droit à aucune prestation et qu'ils ne me laisseraient même pas faire une demande.
    Peut-être devrions-nous embaucher des intervenants dont le rôle serait de contacter les victimes d'agression sexuelle et de s'assurer qu'elles aient le droit de faire appel ou d'effectuer une demande séparée auprès d'une tierce partie. Pendant 11 ans, on m'a empêchée de demander des prestations, alors je peux imaginer le nombre de femmes qui n'ont pas réussi à s'en sortir, et qui ont même perdu la vie.
     Je comprends très bien.
    Auriez-vous des suggestions à faire en matière de soutien aux familles? Il ne s'agit pas seulement des anciens combattants, comme nous l'avons entendu aujourd'hui. Leurs familles servent également le pays, à leur manière. Je crois que nous avons entendu parler aujourd'hui de « héros méconnus ». Quelles autres mesures de soutien proposeriez-vous aux familles des anciens combattants?
    La triste vérité, c'est que mes enfants ont reçu plus d'aide lorsque j'étais bénéficiaire de l'aide sociale que je n'en ai reçu moi-même de la part d'ACC. Mes enfants ne bénéficient présentement d'aucune protection médicale ni d'aucun traitement. Même si mon revenu est suffisant et que je peux subvenir à leurs besoins, c'est un gros morceau, surtout lorsqu'ils subissent les répercussions de mon traumatisme. J'ai dû payer de ma poche une thérapie pour ma fille, qui a suivi 12 séances différentes, mais je suis heureuse de l'avoir fait, car cela l'a énormément aidée.
    Le traumatisme générationnel est un phénomène qu'il ne faut pas négliger. Je sais que mon grand-père souffrait du TSPT. Il a servi dans les forces armées pendant la Seconde Guerre mondiale, et les traumatismes générationnels subis par ma mère et ma tante ont été énormes. Mon grand-père n'a jamais été soutenu. Sa famille n'a jamais été soutenue. Dans ma propre famille, je reçois très peu de soutien.
    Je continue de supplier ACC de m'aider à trouver un service de garde pour mes enfants, afin que je puisse me rendre à mes rendez-vous, et que mon fils n'ait pas à y assister. Je ne veux pas que mon fils continue de voir sa mère souffrir lors de ce genre de rendez-vous. C'est très éprouvant pour lui. Je trouve étrange que ACC embauche un agent de sécurité pour m'escorter lors de mes rendez-vous, mais refuse de m'accorder toute prestation visant à assurer un environnement sécuritaire à mon garçon. Participer à ce genre de rendez-vous est bon pour ma santé, et je dois continuer les traitements, mais en même temps, je ne comprends pas ce système. Une fois de plus, je constate qu'il s'agit d'un programme conçu en fonction d'une perspective masculine.
    Je suis tout à fait d'accord favorable à des programmes de soutien pour les anciens combattants, mais nous devons également prendre en compte les besoins des femmes. Par ailleurs, le gouvernement doit réaliser l'ampleur du retard accumulé par rapport à la modernisation des services de garde d'enfants, des mesures de soutien aux familles, et des services pour les enfants de militaires.
(1250)
    C'est une excellente proposition. Merci beaucoup.
    Je vous remercie.

[Français]

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Luc Desilets.
    Monsieur Desilets, vous avez environ six minutes de temps de parole pour poser vos questions.
     Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à Mme Hayward. Quand avez-vous quitté les forces armées?

[Traduction]

    Je suis désolée. Quelle était la question ?

[Français]

     Je vais répéter la question.
    En quelle année avez-vous quitté les forces armées?

[Traduction]

    Je n'arrive pas à entendre les interprètes.
     Je vous demande pardon. Attendez une minute. Nous allons nous assurer que nous entendons bien les interprètes.
    Madame Hayward, avez-vous sélectionné sur votre ordinateur...
    Je viens tout juste de le faire. Je m'excuse.
    Il n'y a aucun problème.

[Français]

    Je parle en français maintenant. Entendez-vous, en anglais, ce qu'on dit en français?

[Traduction]

    Oui, j'entends bien.
    Monsieur Desilets, vous pouvez reprendre la parole.

[Français]

    On reprend.
    Ma question s'adresse à vous, madame Hayward. En quelle année avez-vous quitté les forces armées?

[Traduction]

    C'était en 2009.

[Français]

    Peut-on dire que vous avez cessé de faire confiance aux forces armées et à Anciens Combattants Canada?

[Traduction]

    J'ai perdu espoir pendant longtemps, et j'ai atteint le fond du baril. J'ai sombré dans la pauvreté, et j'ai été forcée de vivre dans des conditions qui n'étaient pas convenables. J'ai vécu dans la peur pendant la plus grande partie de ma vie, et c'est toujours le cas.
    En même temps, je constate certains changements au sein de la Défense nationale et d'ACC. Je pense qu'il faut des voix comme la mienne pour que nos dirigeants prennent conscience de la dimension humaine dans ce genre de situation. Les traumatismes que j'ai vécus n'affectent pas seulement ma vie; il y a tout un effet d'entraînement.
    Je constate certains progrès, mais je crains qu'ils ne soient pas mis en œuvre assez rapidement. J'ai l'impression que beaucoup de femmes continuent d'être agressées sans que des mesures de soutien appropriées soient mises en place. Dans le même temps, des hommes sont également blessés, mais j'ai le sentiment que les inconduites sexuelles... À ma connaissance, la parole des femmes commence enfin à se libérer, et les mentalités sont en train d'évoluer. Il y a au moins des gens qui posent des questions, qui demandent la mise en place de certaines politiques et procédures, et qui font de leur mieux pour aider les victimes.
    Dans mon cas précis, le problème est que je viens d'une famille de militaires, et cela me brise le cœur de ne pas avoir pu servir mon pays comme je l'aurais souhaité. En revanche, je pense que mon témoignage d'aujourd'hui permettra à d'autres anciennes combattantes de retrouver espoir. J'ai toujours espoir que les choses s'améliorent, et je pense que je dois cultiver cet espoir.

[Français]

     On peut donc dire que vous êtes en train de recommencer à faire confiance au système.

[Traduction]

    Oui, je le suis, et surtout au regard de l'étude sur les femmes que vous allez présenter au Parlement. Je pense que si l'on y donne suite, nos récits personnels n'auront pas été inutiles. Je pense que ces nouvelles mesures vont améliorer la protection des anciennes combattantes et des militaires en service qui nous soutiennent.

[Français]

     Nous vous remercions beaucoup de la confiance que vous nous accordez. Tout comme vous, nous espérons que notre rapport portera ses fruits. Ce rapport volumineux contient 54 recommandations découlant des 23 réunions que nous avons tenues avec des vétéranes.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes sortie des Forces armées canadiennes sans aucune rémunération ni aucun avantage?
(1255)

[Traduction]

    J'ai refusé de changer ma version des faits et de dire ce qu'ils souhaitaient entendre. Ils voulaient que je prétende qu'il s'agissait d'un simple bizutage, et que j'allais m'en remettre. Ils voulaient que je décrive mon agression comme un banal malentendu, et non un geste criminel.
    À ce moment‑là, j'ai jeté un regard vers le passé, et j'ai réalisé que j'aurais dû me taire. Ma vie aurait été beaucoup plus facile. Je ne sais pas si je serais encore en vie aujourd'hui, car des agressions de ce type se seraient probablement reproduites. Dès que vous vous placez en position de vulnérabilité et que vous acceptez d'être maltraité, vous risquez de demeurer une victime pendant le reste de votre vie. Même si j'étais une jeune femme de 19 ans dotée d'un fort caractère, j'ai décidé de quitter les forces armées, car je craignais réellement pour ma vie.
    Par ailleurs, les criminels qui commettent ces actes savent que si une femme est agressée en début de carrière à l'extérieur d'une base militaire, ils risquent fortement de s'en tirer à bon compte. Ce genre de prédateurs ciblent les jeunes femmes qui entrent en formation de base, parce qu'ils savent qu'elles n'auront pas la possibilité d'amorcer une poursuite ou d'obtenir des indemnités. Nous sommes des proies faciles pour eux, car ils savent que nous risquons de nous taire et de quitter les forces armées.
     Honnêtement, et j'espère ne froisser personne en disant cela, nous devrions ouvrir les yeux et considérer la Défense nationale comme un vaste réseau de traite de personnes, parce que les prédateurs qui évoluent dans ce milieu parviennent la plupart du temps à agir en toute impunité.

[Français]

    Par la suite, et jusqu'à la fin de votre service, avez-vous croisé certains de vos agresseurs dans les fonctions que vous occupiez?

[Traduction]

    J'étais menacée au quotidien. Ils étaient assis juste derrière la porte de ma chambre à l'hôpital. Ils étaient sur leurs gardes pour s'assurer que je ne contacte pas la GRC ni d'autres responsables. Ils m'ont raccompagné à bord de l'avion. Néanmoins, ils n'ont jamais songé à me fournir du soutien en matière de santé mentale ni à m'aider à voir un médecin.
    Mes agresseurs ont été complètement réhabilités... Ils sont habiles et connaissent parfaitement le système, un système qui les protège. En vérité, cette situation est courante au sein des forces armées. Mes agresseurs savaient très bien comment se servir du système pour me tenir à l'écart et m'invisibiliser.

[Français]

     Madame Hayward, de combien d'agresseurs s'agit-il approximativement, ou même précisément, si c'est possible?

[Traduction]

     Il s'agissait d'un groupe de huit hommes.

[Français]

    Huit! Un de ces agresseurs a-t-il été poursuivi en cour martiale?

[Traduction]

    Non, parce que les preuves ont été détruites. Par ailleurs, j'ai été enfermée, et je n'ai donc pas eu accès à une trousse de prélèvement en cas de viol. Je n'avais aucun moyen de prouver qui était impliqué dans l'agression que j'ai subie. Ils ont réussi à dissimuler les renseignements incriminants et m'ont retirée du service, ce qui leur a permis de s'en tirer facilement.
    Je sais que d'autres femmes ont subi le même type d'expérience traumatisante de la part du même groupe d'hommes qui s'en sont pris à moi. Ces prédateurs sexuels n'ont jamais été inquiétés par la justice, et continuent de travailler au sein des forces armées. La vérité, et je ne sais toujours pas pourquoi, c'est que l'un de mes agresseurs a fini par avoué son crime auprès de ses supérieurs. Les officiers se sont alors montrés davantage préoccupés par le risque que cet individu s'enlève la vie que par ce que j'ai subi. La vérité, aussi déplorable soit-elle, c'est que ACC et les FAC estiment que le bien-être des criminels passe avant celui des victimes. Bon nombre d'individus ayant participé à la dissimulation de ces crimes sont toujours en poste à cause de l'implication du gouvernement.
    En même temps, je tiens à préciser que mon objectif n'est pas de me venger. Je souhaite simplement tourner la page. Je veux obtenir les services dont j'ai besoin pour guérir et aller de l'avant, car je sais qu'il n'y a aucune chance que je puisse porter des accusations criminelles contre mes agresseurs. Je veux juste pouvoir continuer à mener ma vie.

[Français]

     Je vous comprends tout à fait.
    Dans le système civil, une personne victime de viol peut poursuivre son agresseur des années plus tard. Vous serait-possible de poursuivre votre agresseur quinze ans après les faits?
(1300)

[Traduction]

    Ce serait une quête futile, car pour ce faire, je dois commencer par retrouver les noms de ces individus et leurs rangs. Je ne sais même pas si une telle démarche risque de mettre ma vie en danger. Pour être honnête, étant donné le rang élevé des individus impliqués, j'ai l'impression que toute démarche en ce sens pourrait mettre ma vie en danger.
    Je crains de m'exprimer à ce sujet maintenant, parce que je sais que je ne suis pas la seule victime. Des responsables au Centre de soutien et de ressources sur l'inconduite sexuelle m'ont confirmé que des individus accusés au sein du système militaire étaient liés à des viols semblables à celui que j'ai subi, et qu'ils ne peuvent pas être poursuivis deux fois. Je crois que certains de ces individus ont quand même fini par être arrêtés. Par contre, même si tel est le cas, personne ne va m'en informer.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Hayward.
    Je peux vous garantir que nous avons tous beaucoup d'empathie à votre égard.
    Je vous félicite d'avoir dénoncé votre agression.
    Merci beaucoup, monsieur Desilets.
    Nous allons terminer le tour de questions par Mme Blaney.

[Traduction]

    Vous disposez d'environ six minutes pour poser des questions. Vous pouvez y aller.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos deux témoins, et à saluer Mme Hayward pour les services qu'elle a rendus au pays. Mes questions s'adressent justement à Mme Hayward.
    Bonjour, c'est un plaisir de vous revoir. Merci de prendre le temps d'effectuer ce genre de démarche alors que vous vous occupez aussi de vos enfants. J'ai vu l'un d'entre eux venir passer un peu de temps avec vous. Je vous remercie de nous avoir accordé cet espace dans votre maison aujourd'hui.
    Ma première question concerne l'étude sur les femmes. Nous avons entendu à maintes reprises que les femmes se sentent invisibles. En écoutant votre témoignage et vos réponses aux questions, j'ai eu l'impression que votre transition vers la vie civile ne s'est pas déroulée comme vous l'auriez voulu. J'ai le sentiment que des gens influents ont tenté d'invisibiliser votre présence et votre prise de parole au cours de cette transition.
    Il serait utile que le Comité comprenne à quoi aurait ressemblé une transition à la vie civile réussie pour vous, compte tenu des circonstances auxquelles vous avez été confrontée.
     S'ils m'avaient transféré dans un autre hôpital ou dans un centre de traitement complètement différent, et si j'avais eu accès à une personne tierce et impartiale, je sais pertinemment que je n'aurais pas été traitée de la même manière. J'aurais également eu les ressources nécessaires pour assembler un dossier de preuves contre mes agresseurs. On aurait dû me fournir une trousse de prélèvement en cas de viol, et me permettre d'accéder à un examen médico-légal. Je ne connais aucune femme qui consentirait à ce que son corps contienne la trace d'ADN de plusieurs hommes en même temps. Bref, rien n'a été mis en place pour coincer les coupables.
    C'est bien là le problème. On ne m'a jamais laissé l'occasion d'amasser des preuves et de faire valoir mes arguments. Je pense que si j'avais eu accès à un examen médico-légal pour le viol que j'ai subi, j'aurais eu les preuves suffisantes pour envoyer les coupables derrière les barreaux, quitte à ne pas avoir droit à certaines indemnités. J'aurais eu droit à la dignité et au respect, et la négligence médicale que j'ai subie n'aurait pas été pour moi un déclencheur de stress post-traumatique. Je n'aurais pas peur des médecins. Je n'aurais pas vomi à l'extérieur de ma voiture après avoir essayé de subir un examen pelvien. Je n'aurais pas eu à subir pendant tout ce temps l'inhumanité du système médical militaire. J'ai reçu les soins de base pour me maintenir en vie, mais je n'ai jamais été traitée avec respect et dignité.
    Merci beaucoup d'avoir livré ce témoignage. Je salue le courage exceptionnel dont vous faites preuve. Je suis vraiment désolée, parce que je sais que votre franchise risque de vous attirer de nouveaux ennuis. J'espère sincèrement que vous êtes entourée de proches aimants qui pourront vous soutenir tout au long de ces épreuves.
    Il y a une autre chose dont j'aimerais discuter avec vous, madame Hayward. Plus je m'entretiens avec des anciennes combattantes dans le cadre de mes fonctions au Comité, et plus je suis convaincue que les FAC et ACC doivent investir dans des soins tenant compte des traumatismes. Nous avons également besoin que les responsables à tous les niveaux reçoivent des formations sur une base régulière sur les soins tenant compte des traumatismes.
    Au regard de votre parcours et des défis auxquels vous êtes confrontée aujourd'hui encore, vous avez évoqué l'impossibilité d'accéder à des services de garde pour vos enfants. Vous avez également décrit la difficulté d'obtenir les prestations en matière de santé et les autres formes d'aide dont vous avez désespérément besoin. Je me demande si vous pensez que le fait de sensibiliser les différents responsables aux soins tenant compte des traumatismes leur permettrait de mieux comprendre le processus que vous traversez dans toute sa complexité, et pourrait influencer la prise de décisions des intervenants en première ligne.
(1305)
    J'ai eu affaire à quatre gestionnaires de cas depuis que j'ai commencé à recevoir des services d'ACC en 2020. Ce fut une confrontation perpétuelle avec chaque gestionnaire de cas. J'ai dû me battre pour chaque service, chaque prestation, et j'ai parfois été débouté. Mon combat a commencé avec l'indemnité pour blessure grave, puis avec le RARM. Je ne comprends pas comment cela a pu devenir un combat, une lutte profondément personnelle.
    Je n'ai reçu aucun service tenant compte des traumatismes. L'une des gestionnaires de cas a même envoyé une agente au refuge pour femmes où je logeais pour m'expliquer que j'avais choisi d'être une victime plutôt qu'une survivante. Cette scène a eu lieu pendant que je tenais mon fils d'un an dans les bras. Je ne comprenais pas comment une femme pouvait me regarder dans les yeux et tenir ce genre de discours.
    C'est parce que les fonctionnaires d'ACC n'arrivent pas à comprendre et à croire tout ce que j'ai vécu. Ils pensent que j'invente des choses, parce qu'un tel drame ne peut pas à leurs yeux se produire sur le sol canadien. C'est le genre d'histoires d'horreur qui nous parviennent des pays du tiers-monde. Et comme ces gens ne peuvent pas concevoir que cela puisse arriver aussi au Canada, ils en déduisent que je dois exagérer, voire mentir.
    Aucun employé d'ACC avec qui j'ai eu affaire n'a vécu l'expérience traumatisante qui a été la mienne. Ils ont sans doute leurs propres problèmes, mais en même temps, j'en suis venu à penser que les anciennes combattantes en viennent à énerver les employés d'ACC. J'avais en effet l'impression de faire le travail qui incombe à un gestionnaire de cas à la place de ma propre gestionnaire de cas. C'est moi qui prenais l'initiative d'effectuer des recherches, de consulter des dossiers et de soumettre des demandes, ce qui a fini par frustrer ma gestionnaire de cas, qui ne faisait pas grand-chose.
    Les gestionnaires de cas ont même essayé de me priver du RARM, prétendant qu'il était impossible que je sois totalement invalide depuis le moment de ma blessure. Ils ont essayé d'obtenir l'annulation de la décision, au point que, tout en reconnaissant que je ne recevais pas mes prestations, ils essayaient de me priver de nouvelles prestations parce qu'ils ne croyaient pas que j'étais totalement invalide, même si tous les médecins et les autres prestataires de soins étaient de cet avis.
    Pourquoi un gestionnaire de cas serait‑il autorisé à déterminer les conditions médicales d'une prestataire, quitte à faire fi de l'avis des médecins et des autres professionnels de la santé? Pourquoi prennent-ils des décisions allant de toute évidence à l'encontre des intérêts et du bien-être d'une ancienne combattante? Les employés d'ACC disent qu'ils doivent se plier à certaines contraintes, mais ils permettent au gestionnaire de cas d'aller à l'encontre de l'avis professionnel des fournisseurs de soin. C'est tout simplement absurde, car si n'importe quelle compagnie d'assurance agissait de la sorte, elle serait poursuivie en justice. En tout cas, c'est mon avis.
    Merci de nous faire part de votre avis.
    Mon temps de parole est presque écoulé, et je sais que nous devons lever la séance. Madame Hayward, je vous remercie sincèrement d'avoir pris ce temps. Je salue l'honnêteté et la transparence dont vous avez fait preuve. J'entends ce que vous dites et j'y crois. J'ai hâte que nous continuions à travailler ensemble pour faire en sorte que vous ayez toutes les chances de votre côté pour poursuivre votre vie.
    Merci beaucoup, Mme Blaney.
    Nous devons mettre fin à la séance.
    Au nom du Comité, je voudrais vous remercier toutes les deux pour votre courage.
    Madame Hayward, j'espère que vous n'êtes pas seule. Si c'est le cas, prenez le temps de respirer à fond et de vous détendre un peu. Heureusement, je sais que votre fils est avec vous. Je peux vous assurer que nous travaillons très fort à la rédaction du rapport sur les anciennes combattantes. J'espère qu'il sera bientôt prêt.
    Nous avons reçu aujourd'hui Mme Rima Aristocrat, présidente de TeKnoWave Inc.; et, par vidéoconférence, Mme Stephanie Hayward. Je vous remercie encore une fois.
     J'aimerais demander aux membres du Comité si nous pouvons lever la séance.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Je vous remercie. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU