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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 111 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 14 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (1640)  

[Traduction]

     Chers collègues, bonjour.

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 111e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Nous recevons tout d'abord M. Momin Malik, qui est titulaire d'un doctorat et chercheur en sciences des données. Il témoigne à titre personnel et se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous recevons également Mme Christelle Tessono, qui est chercheuse en politiques technologiques à l'Université de Toronto. Elle aussi se joint à nous par vidéoconférence.
    Finalement, nous recevons M. Jim Balsillie, qui est présent dans la salle et que je remercie d'être venu témoigner à nouveau devant le Comité.
    Sans plus tarder, je passe la parole à M. Malik pour cinq minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous cet après-midi.
    Je m'appelle Momin Malik. Je suis chercheur dans le domaine de l'intelligence artificielle en soins de santé, chargé de cours à l'Université de Pennsylvanie et chercheur principal à l'Institute in Critical Quantitative, Computational, & Mixed Methodologies.
    J'ai fait mon doctorat à la School of Computer Science de l'Université Carnegie Mellon, où je me suis intéressé surtout au lien entre l'apprentissage automatique et les sciences sociales. Par la suite, j'ai fait un stage postdoctoral au Berkman Klein Center for Internet & Society de l'Université Harvard sur l'éthique et la gouvernance de l'IA, l'intelligence artificielle.
    Mes recherches portent en ce moment sur la vérification de la validité statistique de l'équité de l'IA, la reproductibilité de l'apprentissage automatique et l'application clinique des résultats de la recherche en soins de santé.
    Quant à la forme, au contenu et aux problèmes que présente la version actuelle de Loi sur l'intelligence artificielle et les données, je vais m'en remettre à ma collègue, Christelle Tessono, qui a été l'auteure principale du rapport présenté au Comité l'an dernier, auquel j'ai contribué. Je serai en mesure de répondre aux questions sur les aspects techniques et les définitions de l'intelligence artificielle, ce sur quoi mes propos porteront surtout.
    Dans mon travail, je soutiens qu'il faut comprendre l'IA non pas en fonction de ce qu'elle semble faire ou aspire à faire, mais plutôt de sa façon de le faire. Je me propose donc de parler de l'IA comme une instrumentalisation des corrélations statistiques. Par exemple, les modèles de langage sont fondés sur les modalités d'agencement des mots pour former des séquences. Les corrélations entre les mots sont au cœur de toutes ces technologies et des grands modèles de langage.
    Nous savons tous qu'une corrélation n'est pas une relation de cause à effet. L'innovation de l'IA qui dépasse ce que les statistiques ont toujours fait consiste non pas à utiliser des corrélations pour comprendre et intervenir, mais plutôt à les utiliser pour essayer d'automatiser les processus. Des modèles peuvent maintenant utiliser les corrélations observées entre les mots pour générer du texte synthétique.
    Soit dit en passant, pour prendre en charge les volumes gigantesques de texte nécessaires pour obtenir des résultats convaincants, il faut d'énormes efforts humains, et les entreprises ont dans une large mesure confié cette tâche à des travailleurs mal rémunérés et victimes d'exploitation dans des pays du Sud.
    En ce sens, les systèmes d'IA peuvent se comparer à une illusion sur scène. Ils nous impressionnent comme un magicien pourrait le faire en faisant semblant de léviter, de téléporter des objets ou de faire apparaître un lapin. Si nous regardons ce qui se passe sous un autre angle, nous apercevons le soutien matériel, le double, le compartiment caché. Dans les cas extrêmes, qui sont loin d'être la moyenne, nous pouvons voir aussi voir qu'ils ratent, qu'ils fonctionnent mal, qu'ils ne sont pas à la hauteur de la tâche.
    Les préjudices découlant de l'utilisation des corrélations par l'intelligence artificielle ont un précédent historique important dans les secteurs de l'assurance et du crédit. Depuis plus d'un siècle, les sciences actuarielles recueillent d'énormes quantités de données, en subdivisant les populations selon divers facteurs: âge, sexe, race, richesse, géographie, état matrimonial, etc., afin d'établir des durées de vie moyennes et de prendre des décisions en conséquence pour offrir des polices d'assurance vie et en fixer les primes.
    Cela se fait depuis longtemps. Je connais très bien le contexte américain. Dans les années 1890, par exemple, les compagnies d'assurance du Massachusetts n'offraient pas de polices d'assurance-vie aux Noirs, soutenant qu'ils avaient une espérance de vie moindre. C'était tout de suite après l'émancipation. Cette pratique a été rejetée à l'époque et, plus tard, il est devenu illégal d'utiliser le facteur racial. Néanmoins, des caractéristiques en corrélation avec la race, comme le code postal, sont toujours utilisées et il est toujours légal de s'en servir aux États-Unis — et, d'après ce que je comprends, au Canada aussi —, et cela finit par désavantager ceux qui, souvent, sont le moins en mesure de payer.
    En général, les personnes marginalisées risquent davantage d'être mal loties. En utilisant les corrélations de la sorte, nous risquons de pratiquer une optimisation qui consolide un statu quo injuste et des inégalités.
    Le système de soins de santé du Canada diffère nettement de celui des États-Unis, et le Canada en est fier à juste titre. Il s'agit d'un exemple de collectivisation du risque, tandis que le secteur privé pratique une optimisation qui le sert au mieux, mais qui n'est peut-être pas à l'avantage du grand public.
    J'exhorte le Comité à tenir compte de cette perspective historique et à essayer de voir comment l'intelligence artificielle peut échouer et causer des préjudices, et à prévoir la réglementation en conséquence.

  (1645)  

     Tout comme dans les domaines essentiels à la vie, à la dignité et au bonheur, comme les soins de santé, la justice pénale et d'autres domaines, la réglementation gouvernementale a un rôle crucial à jouer. La meilleure façon de cerner les problèmes existants et de trouver comment la réglementation peut les résoudre est d'écouter les groupes marginalisés, de consulter sérieusement la société civile et de consulter aussi suffisamment des experts techniques qui sont en mesure d'établir des liens significatifs pour le travail du Comité.
    Merci d'avoir pris le temps de m'écouter. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je passe maintenant la parole à Mme Tessono.

[Traduction]

     Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, merci de m'avoir invitée à vous parler cet après-midi.
    Je m'appelle Christelle Tessono, et je suis chercheuse en politique de la technologie et je fais des études supérieures à l'Université de Toronto. Au cours de ma carrière universitaire et professionnelle à la Chambre des communes, à l'Université Princeton, et maintenant avec la coalition Right2YourFace et The Dais, j'ai acquis des compétences dans un large éventail de dossiers de gouvernance de la technologie numérique, notamment l'intelligence artificielle.
    Mes observations porteront surtout sur la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, et elles s'appuient sur l'analyse soumise au comité de l'industrie l'an dernier. Ce mémoire a été rédigé conjointement avec Yuan Stevens, Sonja Solomun, Supriya Dwivedi, Sam Andrey et Momin Malik, qui fait partie du même groupe de témoins que moi aujourd'hui. Dans notre mémoire, nous faisons état de cinq problèmes clés liés à la LIAD, c'est‑à‑dire la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, mais je vais traiter surtout de trois d'entre eux.
    Premièrement, la LIAD ne tient pas compte des risques liés aux droits de la personne que présentent les systèmes d'intelligence artificielle, ce en quoi elle s'écarte de la Loi sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne. Le préambule devrait, à tout le moins, reconnaître les répercussions disproportionnées bien établies que ces systèmes ont sur des groupes qui ont toujours été marginalisés, comme les Noirs, les Autochtones, les personnes de couleur, les membres de la communauté LGBTQ, les personnes économiquement défavorisées, les personnes handicapées et d'autres groupes en quête d'équité.
    Bien qu'elles prévoient une annexe énumérant les catégories de systèmes qui peuvent être visées par la loi, les modifications proposées par le ministre sont loin de suffire. Il y aurait plutôt lieu d'amender la LIAD pour y faire figurer des ensembles clairs d'interdictions visant les systèmes et les pratiques qui exploitent les groupes vulnérables et nuisent à la sécurité et aux moyens de subsistance, à l'instar de l'interdiction de la loi de l'Union européenne sur l'IA ciblant les systèmes qui occasionnent des risques inacceptables.
    Un deuxième problème que nous avons souligné est que la LIAD ne crée pas un régime de surveillance et d'application de la loi pour le marché de l'intelligence artificielle. Dans sa version actuelle, cette loi ne contient aucune disposition prévoyant une surveillance solide et indépendante. Elle propose plutôt des vérifications appliquées par le secteur même à la discrétion du ministre de l'Innovation, lorsqu'il soupçonne une infraction à la loi.
    Bien que le texte crée le poste de commissaire à l'intelligence artificielle, celui‑ci n'est pas un acteur indépendant, car il est nommé par le ministre et est soumis à son pouvoir discrétionnaire. Le manque d'indépendance du commissaire à l'IA affaiblit le cadre réglementaire et ne protège donc pas la population canadienne contre les préjudices algorithmiques.
    Même si les modifications proposées par le ministre accordent des pouvoirs d'enquête au commissaire, c'est loin d'être suffisant. Je crois plutôt que le commissaire devrait être nommé par le gouverneur en conseil et avoir le pouvoir de mener des audits proactifs, de recevoir des plaintes, d'appliquer des sanctions et de proposer des règlements et des normes pour l'industrie. Les moyens d'application de la loi devraient comprendre le pouvoir d'interdire, de restreindre, de retirer ou de rappeler les systèmes d'IA qui ne respectent pas l'ensemble des exigences de la loi.
    Troisièmement, la LIAD n'a pas fait l'objet de consultations publiques. C'est une lacune flagrante qui est à l'origine des nombreux problèmes graves de la loi. Dans le mémoire quelle a présenté au comité de l'industrie, l'Assemblée des Premières Nations rappelle au Comité que le gouvernement fédéral a adopté le plan d'action de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige du gouvernement « le respect des droits des Autochtones est systématiquement inscrit dans les lois fédérales et les politiques élaborées en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones concernés ». La LIAD n'a pas fait l'objet d'une telle consultation, ce qui est un manquement de la part d'un gouvernement qui a pris un engagement envers les peuples autochtones.
    Si nous voulons que les consultations publiques soient au cœur de la gouvernance de l'IA au Canada, la loi devrait conférer à un comité parlementaire le pouvoir de faire examiner, réviser et mettre à jour la LIAD au besoin et de prévoir des audiences publiques annuelles ou à un intervalle de quelques années, et cela à partir d'un an après l'entrée en vigueur de la LIAD. Le ministre de l'Industrie devrait être tenu de répondre dans les 90 jours à ces examens d'un comité et de proposer des modifications législatives et réglementaires visant à corriger les lacunes relevées par ce comité.
    De plus, je suis en faveur de l'ajout de dispositions qui élargissent les fonctions de rapport et d'examen du commissaire à l'IA, ce qui pourrait comprendre, sans s'y limiter, la présentation de rapports annuels au Parlement et la capacité de rédiger des rapports spéciaux sur des questions urgentes.
    Conclusion? La réglementation de l'intelligence artificielle doit nous protéger contre un nombre croissant de préjudices algorithmiques que perpétuent ces systèmes. La LIAD, dans son état actuel, n'est pas à la hauteur de cette tâche. Conformément aux mémoires et aux lettres ouvertes présentés au Comité par la société civile, je recommande instamment de plutôt retirer la LIAD du projet de loi C‑27 pour l'améliorer au moyen d'un examen attentif et de consultations publiques.
    Il y a d'autres problèmes dont je voudrais parler, notamment le fait que les institutions gouvernementales échappent à l'application de la LIAD.
    Je me ferai un plaisir de répondre aux questions concernant les modifications proposées par le ministre et d'approfondir les points que j'ai soulevés dans mes observations.

  (1650)  

[Français]

    Puisque je viens de Montréal, c'est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions en français.
    Je vous remercie de votre temps.
    C'est nous qui vous remercions.
    Je passe maintenant la parole à M. Balsillie pour cinq minutes.

  (1655)  

[Traduction]

     Monsieur le président Lightbound et honorables députés, bonne Saint-Valentin.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître de nouveau et d'ajouter à mon témoignage précédent en expliquant mes préoccupations au sujet de la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, dont les lacunes sur le plan du processus et du fond ont été bien documentées par les témoins experts. Les propositions subséquentes du ministre ne font que renforcer ma principale recommandation: il faut tout reprendre depuis le début. Il faut retourner à la table à dessin, mais pas pour qu'ISED, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, puisse le rédiger seul. L'adoption précipitée d'un texte aussi imparfait ne fera qu'aggraver les craintes des citoyens à l'égard de l'IA, car la LIAD ne fait que prouver que les décideurs politiques ne peuvent pas prévenir efficacement les préjudices déjà existants ou émergents qui proviennent des nouvelles technologies.
     Mettre l'accent sur des préjudices existentiels non quantifiables, indéterminés et non identifiables, c'est se laisser leurrer par l'industrie. Les récits des risques existentiels détournent l'attention des préjudices actuels comme la surveillance de masse, la mésinformation et l'atteinte à l'autonomie personnelle et aux marchés équitables, entre autres choses. Voici, selon une perspective de haut niveau, certaines des lacunes fondamentales de la LIAD.
    Premièrement, le projet de loi est antidémocratique. Le gouvernement a présenté sa proposition de réglementation de l'IA sans consulter le public. Comme Andrew Clement l'a fait remarquer lors de votre séance du 31 janvier, les consultations subséquentes ont révélé des affirmations exagérées au sujet de réunions pour lesquelles on a encore fait appel de façon disproportionnée aux points de vue de l'industrie plutôt qu'à ceux de la société civile.
    Deuxièmement, ce qu'on avance au sujet des bienfaits de l'IA n'est fondé sur aucune preuve. Un récent rapport sur l'écosystème de l'IA au Québec montre que la promotion actuelle de l'IA au Canada ne donne pas les résultats économiques qu'on prétend. La LIAD réitère bon nombre des affirmations outrancières de l'industrie selon lesquelles l'avancement de l'IA peut apporter de vastes avantages à la société sans pour autant justifier ces affirmations.
    La déclaration du ministre voulant que l'intelligence artificielle offre une multitude d'avantages aux Canadiens n'est appuyée que par une seule source: Scale AI, un programme financé par ISDE et le gouvernement du Québec. Plutôt que de présenter des rapports crédibles sur la façon dont les projets identifiés ont profité à de nombreux Canadiens, les articles produits comme références ne sont que des annonces de projets récemment financés.
    Troisièmement, l'innovation en matière d'IA n'est pas une excuse pour précipiter la réglementation. Ce ne sont pas toutes les innovations en matière d'IA qui sont bénéfiques, comme en témoignent la création et la diffusion d'images pornographiques hypertruquées non seulement de célébrités, mais aussi d'enfants. C'est un facteur important à considérer, car on prétend que la LIAD est nécessaire pour équilibrer innovation et réglementation.
    Quatrièmement, le risque de préjudices est en revanche bien documenté, mais il n'est pas pris en compte dans la proposition actuelle. Les systèmes d'IA, entre autres caractéristiques, ont montré qu'ils facilitent la discrimination en matière de logement, font des associations racistes, empêchent les femmes de postuler certains postes en rendant les listes de postes visibles pour les hommes seulement, recommandent des peines d'emprisonnement plus longues pour les membres des minorités visibles et n'arrivent pas à reconnaître le visage des femmes à la peau foncée. Il y a d'innombrables incidents de préjudice supplémentaires, dont des milliers sont catalogués dans la base de données des incidents liés à l'AI.
    Cinquièmement, à propos de l'utilisation de l'intelligence artificielle, la LIAD insiste trop sur les préjudices causés aux personnes plutôt qu'aux groupes ou communautés. La mésinformation et la désinformation facilitées par l'IA présentent de graves risques pour l'intégrité des élections et la démocratie.
    Sixièmement, Innovation, Sciences et Développement économique Canada est en conflit d'intérêts, et la LIAD lui donne un chèque en blanc en matière de réglementation. Le ministère met de l'avant des lois et règlements visant à atténuer les multiples préjudices potentiellement graves causés par les développements techniques de l'IA, tout en investissant dans l'IA et en en faisant la promotion, notamment en finançant des projets d'IA pour les défenseurs de la LIAD, comme M. Bengio. Comme Teresa Scassa l'a montré par ses recherches, la proposition actuelle ne concerne pas l'agilité, mais se distingue par le manque de substance et de crédibilité.
    Voici mes recommandations.
    Retrancher la LIAD du projet de loi C‑27 et lancer des consultations dans le respect de la transparence et de la démocratie. Pour réglementer sérieusement l'IA, il faut des propositions de politique et une consultation publique inclusive et authentique éclairée par des rapports d'experts indépendants.
    Il faut reconnaître à chacun le droit de contester l'AI qui le touche et de s'y opposer et pas seulement le droit à la transparence des algorithmes.
    Il faut que le commissaire à l'intelligence artificielle et aux données soit indépendant du ministre, qu'il soit un mandataire du Parlement doté des pouvoirs voulus et d'un financement adéquat. Cette fonction exige un engagement plus sérieux que ce qu'on observe dans les cas du Bureau de la concurrence et des organismes de protection des renseignements personnels.

  (1700)  

    Bien d'autres dispositions de la LIAD laissent à désirer. Elles sont toutes décrites en détail dans le mémoire que le Centre pour les droits numériques a remis au Comité, Not Fit for Purpose. La précipitation inexplicable du ministre, qui veut faire adopter cette proposition à toute vapeur, est profondément inquiétante. Le Canada risque d'être le premier pays au monde à créer la pire réglementation sur l'intelligence artificielle.
    Les grands modèles de langage, les GML les plus avancés, intègrent des centaines de milliards de paramètres tirés de données de formation contenant des billions d'unités. Leur comportement est souvent imprévisible et peu fiable, comme l'expert en intelligence artificielle Gary Marcus l'a bien établi.
     Le coût et le pouvoir de calcul des GML sont très élevés, et le domaine est dominé par les grandes entreprises technologiques, comme Microsoft, Google, Meta, etc. Qu'il s'agisse de la façon dont ces entreprises bâtissent leurs modèles ou des risques qu'ils présentent, il n'y a aucune transparence. L'explicabilité de ces modèles est un problème non résolu, et la situation empire avec la taille des modèles construits. Les avantages allégués des GML reposent sur des suppositions, mais les préjudices et les risques, eux, sont bien documentés.
    Je conseille au Comité de prendre le temps d'étudier les GML et de soutenir cette étude en faisant appel aux compétences voulues. Je me ferai un plaisir d'aider à organiser des forums d'étude, car j'ai de solides réseaux dans l'industrie et la société civile. Comme dans le cas de la LIAD, il est essentiel de comprendre toute la gamme des répercussions de la technologie si nous voulons aborder de façon souveraine, à notre manière, une réglementation capable d'appuyer l'économie canadienne et de protéger nos droits et libertés.
    À propos de capacité souveraine, je m'en voudrais de ne pas dire ma déception de voir le ministre Champagne courtiser Nvidia et lui offrir son soutien. Imaginons que nous ayons un ministère qui appuie de tout son poids les entreprises de l'infonuagique et des semi-conducteurs pour faire avancer l'économie et la souveraineté du Canada.
    Les Canadiens méritent une approche de l'IA qui renforce la confiance dans l'économie numérique, appuie la prospérité et l'innovation canadiennes et protège les Canadiens, non seulement comme consommateurs, mais aussi comme citoyens.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Balsillie.
    Pour lancer la discussion, je donne la parole à M. Perkins, qui aura six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Mes premières questions s'adressent à M. Balsillie.
     Vous êtes, à mon avis, un entrepreneur exceptionnel qui réussit dans le domaine de la technologie. Tout le monde sait ce que vous avez créé, inventé et construit avec BlackBerry, mais vous n'êtes pas exceptionnel à cause de cela, même si c'était extraordinaire; vous êtes exceptionnel parce que vous investissez en fait votre capital pour essayer d'améliorer la politique d'intérêt public, en y consacrant beaucoup de temps et d'efforts. Je vous en remercie.
    Vous parlez depuis un bon moment de l'économie de la surveillance et des atteintes aux données personnelles que les grandes entreprises de la technologie se sont permises. Facebook, par exemple, à bien des reprises. Quand avez-vous commencé à parler de cet enjeu?
    Je travaille sur le cadre numérique depuis que j'ai commencé à commercialiser des idées à l'échelle mondiale, en général, parce que j'ai appris à l'échelle mondiale qu'on gagne ou on perd là où se recoupent les grandes politiques d'intérêt public et les activités des entreprises privées. Les deux éléments doivent aller de pair.
    Plus précisément, à propos de l'économie de la surveillance, j'ai écrit un long article pour le Globe and Mail en 2015 qui a vraiment fait bouger les choses et nous a détournés des approches dépassées qui nous ont coûté cher. Et puis, plus publiquement, il y a eu le projet Sidewalk Labs à Toronto en 2017, pour privatiser l'administration. Ensuite, la surveillance, en 2015 et en 2017. Mais je m'intéresse aux biens incorporels depuis 25 ans.
    Lorsque vous avez comparu devant le comité de l'éthique il y a une ou deux législatures, il s'agissait de l'initiative de Toronto ou d'une importante atteinte à la protection des données par Facebook, n'est‑ce pas? Je ne me souviens plus au juste.
    Oui, et je rends hommage à Bob Zimmer, à Nate Erskine‑Smith et à Charlie Angus, qui ont su transcender les lignes de parti et affirmer que si nous ne réglions pas ces problèmes, nous allions payer un prix sur le plan de la sécurité, un prix social et un prix économique. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'une interaction très constructive avec le comité lorsque j'ai pu témoigner.
    Vous faisiez cela à une époque où vous présidiez une fondation de l'État, Technologies du développement durable Canada, ou TDDC. Est‑ce exact?
    Oui.
    Le gouvernement vous a‑t‑il jamais reproché personnellement d'agir comme vous l'avez fait, que ce soit le ministre ou ses collaborateurs, lorsque vous occupiez ce poste où vous aviez été nommé par le gouverneur en conseil?
    Ce n'est arrivé qu'indirectement. Personne ne m'a parlé directement de ces questions. J'essayais d'expliquer que l'initiative non seulement porterait atteinte aux libertés civiles, mais qu'elle saperait aussi fondamentalement les possibilités pour nos entreprises qui préconisaient des villes intelligentes à une époque où la priorité était la transition vers une économie verte. On a besoin de ces entreprises pour croître, et votre ensemble de politiques saperait leurs perspectives et minerait les libertés civiles.

  (1705)  

     Vous n'étiez pas au courant lorsque Leah Lawrence, qui a témoigné devant le Comité, a dit que le gouvernement lui avait demandé de voir si vous pouviez cesser de parler publiquement de cette question, après quoi vous avez fini par être démis de vos fonctions de président de TDDC?
    Leah Lawrence ne m'en a jamais parlé. Personne ne m'a jamais demandé directement d'arrêter.
    Vous avez donc vu son témoignage.
    Oui. C'est là que j'ai appris qu'on lui avait dit de me demander d'arrêter.
    Cela vous a manifestement étonné.
    Oui.
    Si vous avez vu une partie de ce témoignage et saisi le lien avec l'économie numérique et ce que vous avez essayé de réaliser en faisant le ménage à TDDC et dans nos dispositifs concernant technologie, pourriez-vous remettre au Comité un résumé de votre expérience et de ce qui s'est passé à TDDC à cet égard?
    Avec plaisir.
    D'accord.
    Dans votre exposé, vous avez dit...
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je suis désolé, mais je dois vous interrompre.
    Allez‑y, monsieur Turnbull, pour un rappel au Règlement.
    Nous étudions le projet de loi C‑27. Je ne perçois pas la pertinence de ces propos. TDDC est un autre sujet d'étude du Comité, mais je ne comprends pas en quoi les questions de M. Perkins et la demande de documentation sont liées au travail prévu par l'ordre du jour. Ce qui ne veut pas dire que M. Balsillie ne pourrait pas communiquer ce résumé à l'occasion d'autres séances portant sur TDDC, mais ce n'est ni le moment ni l'endroit, à mon avis.
    J'ai tendance à être d'accord, monsieur Turnbull, et j'invite M. Perkins à se concentrer sur la question à l'étude, c'est‑à‑dire le projet de loi C‑27. J'ajoute néanmoins que M. Balsillie est libre de communiquer au Comité, s'il le souhaite, l'information qu'il juge pertinente pour l'ensemble de nos études.
    Allez‑y, monsieur Perkins.
    Je comprends, mais je voulais établir le fait que M. Balsillie œuvre depuis longtemps dans ce domaine, ce qui n'est pas sans intérêt pour l'étude du projet de loi.
    Vous avez dit dans votre exposé liminaire, dans l'une de vos recommandations, qu'il nous faut donner à chacun le droit de contester l'IA et de s'y opposer. Voilà un élément important. Je sais aussi que, lorsque le scientifique de Microsoft, M. Rashid, a élaboré ce premier modèle d'apprentissage, il a rendu la technologie largement accessible. Mark Zuckerberg a également dit qu'il rendra disponible la prochaine génération d'intelligence artificielle.
    Selon vous, quel est le résultat de cette mise à disposition pour tous ceux qui veulent utiliser cette technologie?
    Il ne faut pas confondre les algorithmes de façon très large et les modèles d'apprentissage de façon étroite. Il y a la source ouverte pour un compte Facebook, dont l'utilisateur est contraint d'utiliser les outils de la plateforme. La source est donc plus ou moins ouverte, mais les algorithmes qui manipulent les enfants ou exercent d'autres formes d'influence existent depuis longtemps. Ils existent depuis le début du modèle de capitalisme de surveillance, il y a une vingtaine d'années.
    La LIAD se déploie sur un vaste domaine dont les GML font partie. Vous avez été informés, et il en a été question dans des témoignages antérieurs, du fait que les Premières Nations n'ont pas été consultées à ce sujet et qu'elles vont contester l'initiative devant les tribunaux. Et il y a de nombreux autres aspects de la société civile à prendre en considération. La question est complexe et multidimensionnelle. Les conséquences sont graves. Il y a des incompatibilités avec ce que font certaines provinces et il faut voir qui l'emporte sur qui. Il semble que la loi fédérale l'emporte sur les lois provinciales. Il faut faire correctement les choses dans une zone complexe.
    Donc, oui, les GML sont une question difficile, et l'approche du Canada à cet égard, dont j'ai parlé, ne se limite pas à la LIAD. Impossible de se faire une idée sur cette seule question sans tenir compte de la puissance informatique, de l'infrastructure souveraine et de la façon dont nous allons les aborder correctement pour être un pays souverain, sûr et prospère. Il faut aller jusqu'au bout.
    Il n'y a donc aucun avantage à être le premier.
    Non, pas si la loi est mauvaise. De plus, nous ne devrions pas gaspiller les maigres ressources dont nous disposons si nous voulons continuer à bâtir le genre de pays dont nous avons hérité.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    D'accord.
    Merci à tous les témoins d'être là. Je vous suis vraiment reconnaissant de ce que vous nous apportez.
    Monsieur Balsillie, bienvenue à nouveau au Comité. C'est la deuxième fois que vous comparaissez pour cette étude. Je vous remercie de votre aide.
    Je tiens à dire d'emblée que nous avons entendu 86 témoins, que le comité de l'industrie a tenu 20 séances et reçu 59 mémoires; le ministère a consacré plus de 300 réunions et consultations au projet de loi C‑27, et les règlements à venir nécessiteront deux années de consultations approfondies avant leur publication. Il y a eu des consultations. Je comprends que certains témoins d'aujourd'hui estiment qu'il en faut davantage, et je comprends leur point de vue, mais je tiens à rectifier les faits. Certains ont beau nier qu'il y ait eu des consultations, je pense que les preuves ou les faits permettent d'affirmer le contraire.
     Je voulais simplement commencer par cette mise au point.

  (1710)  

     J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Monsieur Turnbull, attendez un instant. Nous avons un rappel au Règlement.
    Je dois vous interrompre. Les témoins n'ont pas dit qu'il n'y avait pas eu de consultations, mais bien qu'elles avaient été insuffisantes. Je tiens à ce que ce soit clair.
    Merci.
    D'accord. Ce n'est pas un rappel au Règlement, monsieur Vis. J'apprécierais qu'il n'y ait pas d'autres interruptions.
    Cela n'enlève rien à votre temps de parole, monsieur Turnbull. Allez‑y.
    Merci.
    J'ai pris le temps, monsieur Malik et madame Tessono, de lire le rapport auquel vous avez tous les deux travaillé, AI Oversight, Accountability and Protecting Human Rights, que j'ai trouvé très stimulant, intéressant et, je pense, vraiment bien fait. Dans le sommaire des recommandations du rapport, la quatrième se lit ainsi: le projet de loi C‑27 a besoin de définitions cohérentes, technologiquement neutres et à l'épreuve du temps.
    Les deux témoins qui se joignent à nous en mode virtuel voudront-ils expliquer comment on peut concevoir des définitions qui soient à l'épreuve du temps alors que l'intelligence artificielle évolue si rapidement? Monsieur Malik, vous pourriez peut-être commencer, puis je passerai à Mme Tessono.
    Absolument. Les divers modèles et tendances évoluent rapidement, mais il doit y avoir environ 20 ou 30 ans d'apprentissage automatique statistique qui est au cœur de toutes les réussites de l'IA. Et cela revient, ainsi que je l'aborde, à une utilisation des corrélations. L'historien Matt Jones et le scientifique des données Chris Wiggins ont publié un livre fantastique à ce sujet, How Data Happened, qui décrit cette évolution.
    Selon moi, nous pouvons avant tout considérer ce domaine de la même façon que celui de l'assurance: comment régissons-nous le comportement de l'assurance? Si la réglementation porte sur les objectifs, les résultats et les processus, elle va rester valable, quels que soient les nouveaux modèles, s'ils sont effectivement fondés sur des corrélations, comme c'est le cas depuis 30 ans et comme c'est le cas actuellement.
    Je cède la parole.
    Merci.
    Madame Tessono, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? C'est une recommandation d'un des rapports que vous avez corédigé. Pouvez-vous nous faire part de votre point de vue?
    Oui. Lorsque nous parlons de définitions « neutres sur le plan technologique et à l'épreuve du temps », nous entendons également des définitions étroites et spécifiques aux tendances actuelles de l'intelligence artificielle. Par exemple, à l'article 5 du projet de loi, il y a une définition de « résultat biaisé », mais elle met trop l'accent sur les résultats que les systèmes génèrent, alors que des préjudices apparaissent tout au long du cycle de vie de l'IA. Nous devrions avoir des définitions qui englobent davantage le développement, la conception et le déploiement des technologies, au lieu d'être trop centrées sur les résultats.
    Pour rappel, je dirais aussi que les contextes ne changent pas vraiment lorsque nous utilisons la technologie, que ce soit pour l'éducation, les soins de santé ou le gouvernement, alors nous devrions également nous concentrer sur la réglementation des contextes dans lesquels elle est utilisée. L'interdiction des systèmes qui traitent des données biométriques est, à mon avis, un moyen d'être technologiquement neutre et à l'épreuve du temps.
    Oui, je pense que nous avons entendu plusieurs témoins dont je me souviens — il s'agissait de membres ou de grands acteurs de l'industrie qui ont comparu récemment — qui ont dit que le bien-fondé ou l'application de l'intelligence artificielle et le contexte étaient vraiment importants pour évaluer le risque, et déterminer si ce serait un système à incidence élevée ou non. Je me suis dit que cela méritait réflexion, mais qu'il serait très difficile d'établir un cadre législatif. Si le gouvernement devait prédire chaque cas d'utilisation et chaque contexte, je pense qu'il aurait beaucoup de mal à le faire.
    Êtes-vous d'accord sur ce point, madame Tessono?

  (1715)  

    Non, je ne le crois pas.
    Je suis désolé. Pouvez-vous répéter?
    Non, je ne suis pas d'accord, parce que nous avons déjà des systèmes qui sont déployés activement, et nous pouvons nous appuyer sur leur application pour élaborer des cadres qui sont également souples. Je pense qu'il s'agit vraiment de bâtir une infrastructure de réglementation qui soit souple et qui tienne compte des différents intervenants qui participent au déploiement, au développement et à la conception des systèmes d'intelligence artificielle.
     Merci.
    Je vais passer à un sujet légèrement différent.
    La recommandation numéro 5 porte sur les répercussions des systèmes algorithmiques sur les droits de la personne. M. Balsillie a aussi mentionné le droit de s'opposer au traitement automatisé des données personnelles.
    Le projet de loi C‑27 ne règle‑t‑il pas déjà ce problème en exigeant à la fois la tenue de dossiers et l'identification facile d'un résultat généré par l'intelligence artificielle, qui doit être marqué en filigrane ou identifiable? De plus, les renseignements biométriques sont techniquement protégés, alors il faudrait obtenir un consentement éclairé exprès pour pouvoir les utiliser.
    N'y a‑t‑il pas déjà des dispositions très concrètes à cet égard dans le projet de loi? Vous pensez peut-être que nous devrions aller plus loin.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Malik, puis à Mme Tessono.
    Je m'en remets à ma collègue, mais je pense qu'il s'agit aussi de ce qui se passe avec certaines des choses qui sont enregistrées. Encore une fois, si la définition de l'IA n'est pas suffisamment souple, quelqu'un pourrait simplement dire que le produit n'est pas de l'IA, et il pourrait donc ne pas être couvert.
    Je vais m'en remettre à ma collègue pour tout le reste.
    Madame Tessono, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Merci.
    Merci.
    Les exigences en matière de transparence sont très utiles pour les décideurs, les chercheurs et les journalistes qui comprennent les systèmes et la façon de mieux y faire face, mais pour la personne ordinaire confrontée à ces systèmes, je me souviens de cette expression en français:

[Français]

mieux vaut prévenir que guérir.

[Traduction]

    Il est préférable d'éviter les situations où une personne serait exposée à un risque inacceptable lié à l'IA. C'est pourquoi l'interdiction des systèmes qui créent des risques inacceptables est le meilleur moyen de veiller à ce que les droits de la personne soient mis en œuvre dans le projet de loi. C'est ce que fait la loi européenne sur l'IA en établissant différents ensembles d'exigences et d'interdictions. Il ne s'agit pas seulement des risques inacceptables, mais aussi des systèmes d'IA à haut risque, à faible risque et à usage général.
    Je pense que le fait d'être clair protégera les Canadiens contre tout préjudice.
    Mon temps est écoulé.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Turnbull. Je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Garon, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Balsillie, j'ai peut-être mal compris, mais je crois que vous avez dit qu'il pourrait être très difficile pour un gouvernement de réglementer des technologies qui sont nouvelles et émergentes, et qu'il pourrait être difficile, sinon impossible, pour un gouvernement de détecter des menaces existentielles, notamment dans le contexte d'algorithmes d'intelligence artificielle à haut risque ou à incidence élevée.
    Admettons qu'on retire la partie 3 du projet de loi, qui porte sur l'intelligence artificielle, et qu'on mène de nouvelles consultations. En effet, vous avez dit qu'il y avait une lacune en ce qui a trait aux consultations. Qu'est-ce que ça changerait quant à la capacité du gouvernement à réglementer correctement ces technologies?

[Traduction]

    Je vous remercie de la question.
    Tout d'abord, je dirais que cette mesure n'a pas de légitimité démocratique si tous les intervenants n'y ont pas participé, et cela ne s'est pas encore produit.
    La deuxième chose, c'est que, comme je l'ai dit, le risque existentiel est un moyen de détourner l'attention des risques à court terme, que les autres témoins nous signalent, et c'est une véritable tactique.
    Je dirais — et c'est le point le plus important, qui a fait partie de mon parcours d'apprentissage — que ceux qui ne veulent pas d'une mesure efficace ont, comme vous pouvez le voir, déployé d'énormes efforts pour ne pas parler des droits. Nous sommes dans une ère nouvelle et, si nous étions en train de rédiger notre Charte des droits, nous intégrerions ce genre de droits à l'ère de l'information: le droit à la dignité, le droit à la vie privée, la liberté de penser, ainsi que le droit de ne pas être désinformé ou manipulé.
    Je pense qu'il faut bien comprendre les éléments fondamentaux, et pour cela déterminer dès le départ quels droits de la personne sont importants, comment les sauvegarder dans le contexte d'un préjudice réel, et comment ne pas se laisser distraire par des choses qui nous éloignent du véritable problème. Les entreprises utilisent la tactique du détournement cognitif et de la confusion pour détourner l'attention des problèmes fondamentaux.

  (1720)  

[Français]

    Au cours des dernières décennies, on a vu la mondialisation de la culture et la circulation plus rapide de l'information. Ça a été un enjeu culturel pour le Québec, par exemple. On voit la culture devenir plus homogène dans le monde. J'ai l'impression qu'ici, à Ottawa, on traite la réglementation sur l'intelligence artificielle comme un enjeu purement réglementaire et purement technologique, un peu comme si la réglementation de la modernité n'appartenait qu'au gouvernement fédéral, alors que les questions culturelles, à tout le moins au Québec, sont très importantes à l'échelle provinciale, qu'on appelle l'échelle nationale dans notre jargon.
    Selon vous, quel devrait être le rôle des provinces et du Québec dans la réglementation de l'intelligence artificielle? Ne croyez-vous pas qu'il faudrait faire plus de consultations et intégrer davantage le Québec, entre autres, dans cet exercice de réglementation?

[Traduction]

     Oui. J'ai toujours adopté une approche transversale à l'égard des effets et des droits, et non pas une approche technologique. Je suis donc d'accord avec ceux qui présentent les choses de cette façon. Méfiez-vous de ceux qui pensent que la technologie résoudra les problèmes technologiques.
    Je crois que c'est le Québec qui sera le plus durement touché par la LIAD et le projet de loi C‑27. C'est la province qui a de loin le plus à perdre, parce qu'elle a fixé la barre plus haut — au niveau approprié — avec la loi 25, et que cette loi est clairement plus basse. Quelle est la loi qui prévaut? De plus, vous remarquerez que c'est ambigu, et vous savez que la loi fédérale va l'emporter, mais que les sociétés iront en arbitrage à l'extérieur du Québec. C'est comme lorsque les lois sur la pollution sont plus laxistes d'un côté de la rivière que de l'autre, il suffit de traverser la rivière. Je pense que vous allez perdre. Si vous n'adoptez pas de lois sévères, nous serons tous perdants, mais le Québec plus que les autres.
     Il est certain que les questions sociales, culturelles, économiques et sécuritaires constituent le domaine de la médiation contemporaine. C'est extrêmement important, et je pense que les provinces devraient bénéficier d'un accord considérable à ce sujet, et cela devrait être précisé dans ce projet de loi. Toutefois, votre principale protection consiste à rehausser le niveau de ce projet de loi de façon à ce qu'il se conforme au moins à la loi 25.

[Français]

    Il faut éviter une course vers le bas. Je comprends.
    Vous avez parlé de transparence. Au Comité, nous avons beaucoup parlé de transparence, comme le droit d'une personne de savoir qu'elle fait face à une image modifiée par intelligence artificielle ou à un algorithme d'intelligence artificielle, par exemple. Or, si je comprends bien votre témoignage, la transparence n'est pas suffisante, selon vous, parce qu'elle nous permet seulement d'être informés de notre impuissance par rapport à un algorithme. Vous avez dit quelque chose que j'ai trouvé fort intéressant. Selon vous, si j'ai bien compris, les individus devraient pouvoir contester le fait de faire face à un modèle d'intelligence artificielle.
    Quel individu a les capacités technologiques et financières pour être capable de contester de tels modèles? Est-ce une proposition réaliste du point de vue d'un individu moyen, disons?

[Traduction]

    Eh bien, je pense que cela peut s'appliquer à tout, mais à titre d'exemple, l'ACLC a remis en question certains éléments des mesures prises récemment par le gouvernement et a obtenu gain de cause. Si vous n'avez même pas la possibilité de le faire, cela ne se produira jamais. Il s'agit d'assurer non seulement la transparence, mais aussi la capacité de contestation. Oui, il y a un problème de ressources pour le faire, mais c'est là que nous pouvons poser la question d'une société civile forte pour le Canada afin de faire face à cette situation.
     Je répète que nous jouerons éternellement au chat et à la souris si nous ne mettons pas de l'avant les droits fondamentaux, car c'est ce qui définira l'impératif moral. Vous pourriez faire de la protection de la culture un droit fondamental, inclure ce droit dans le projet de loi, le rendre explicite et y faire référence d'un bout à l'autre du document. Il n'y aura alors aucune ambiguïté sur ce qui prévaut ici, mais vous remarquerez que ces choses sont transactionnelles et ne sont pas vraiment abordées.

[Français]

    Je vais vous poser une question que j'ai posée à un autre témoin. J'aimerais entendre votre réponse.
    On a défini comme des modèles à risque élevé et à incidence élevée des modèles qui menacent la santé, la sécurité ou l'intégrité des personnes. Il semble qu'on ait omis, dans ces définitions, des modèles qui menacent l'intégrité des cultures minoritaires ou la diversité culturelle, par exemple. Si je comprends bien vos propos, vous pensez que ça pourrait faire partie de la définition d'un modèle d'intelligence artificielle à incidence élevée ou à risque élevé.

  (1725)  

[Traduction]

    Bien sûr, vous pouvez inclure les communautés. C'était l'un de mes commentaires — les collectivités et les groupes, les Premières Nations, les minorités visibles —, mais encore une fois, si vous incluez les droits de la personne et le droit de ne pas être victime de discrimination, cela devient le point de référence inaliénable des tribunaux lorsque cela se produit en aval. Attention donc.
     Je vous conseille fortement de vous concentrer sur la cause profonde plutôt que sur les effets, parce que les effets vont toujours bouger, mais les droits fondamentaux sont des droits fondamentaux. J'aime l'idée que la culture et la culture souveraine soient des droits fondamentaux. Sinon, le Québec risque l'homogénéisation et le laminage à moins que vous ne l'inscriviez dans la loi. C'est votre chance.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Garon.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
     Merci à nos témoins.
    Je vais consacrer la première partie de mon temps à un document qui est du domaine public. Il a été porté à notre attention aujourd'hui. C'est de l'Assemblée des Premières Nations. On y parle du processus:
Le premier problème que pose le projet de loi, c'est la façon dont il a été présenté au Comité. Le projet de loi a été rédigé sans la « consultation et la coopération » nécessaires des Premières Nations, comme l'exige l'article 19 de la DNUDPA, qui se lit comme suit:
Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés, par l'intermédiaire de leurs propres institutions représentatives, avant d'adopter et de mettre en œuvre des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d'obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
    Ensuite, dans la conclusion — j'espère que notre comité obtiendra une réponse à ce sujet, monsieur le président, car j'aimerais avoir une réponse officielle du ministre —, on dit que le ministre n'a pas consulté les Premières Nations spécifiquement sur cette question.
    J'aimerais proposer que le Comité écrive au ministre pour confirmer si les Premières Nations — et quelles Premières Nations — ont été consultées dans le cadre de ce processus. J'espère que mes collègues appuieront la motion.
     Bien sûr, monsieur Masse.
    Je propose que le Comité écrive au ministre de l'Innovation pour lui demander de confirmer si les Premières Nations, notamment l'Assemblée des Premières Nations, ont été consultées au sujet de ce projet de loi et si d'autres Premières Nations ont été consultées également.
    D'accord, tout le monde a entendu la motion. C'est relativement simple.
    Je regarde autour de moi pour voir si nous avons le consentement.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: Il ne semble pas y avoir de désaccord à ce sujet, alors merci, monsieur Masse.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie mes collègues pour cela.
     Je vais passer à mes questions. Je vais commencer par M. Balsillie.
    Je tiens à vous remercier du travail que vous avez fait sur ce dossier et sur bien d'autres. Je suis ici depuis un certain temps, et vous avez comparu plusieurs fois devant des comités. Cela a été utile.
    En ce qui concerne certaines des préoccupations que vous avez exprimées, j'aimerais comprendre les changements que vous souhaiteriez peut-être afin que le commissaire aux données soit indépendant du commissaire à la protection de la vie privée et du Bureau de la concurrence.
    Des travaux sont en cours en ce qui concerne le commissaire à la protection de la vie privée dans le cadre de ce projet de loi. Ce qui me préoccupe, c'est que si nous ne faisons pas bien les choses, il ne sert à rien de passer à la deuxième partie. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon de rendre le commissaire aux données beaucoup plus indépendant ou robuste, car vous avez raison de dire que les défis que doivent relever le commissaire à la protection de la vie privée et le Bureau de la concurrence sont attribuables au fait que les lois qui encadrent leur travail ne sont pas suffisantes, à mon avis.
    Oui, merci.
    Ce que j'essayais de dire, c'est que ce commissaire doit être indépendant d'ISDE et avoir plus de pouvoirs que le commissaire à la concurrence ou le commissaire à la protection de la vie privée, qui demandent plus de pouvoirs. Ils ne fixent pas la norme; ils veulent eux-mêmes une norme plus élevée. Comme je l'ai dit également, qui a eu l'idée d'un tribunal? Qui l'a suggéré et pour quelle raison? Cela ne fait qu'affaiblir les tribunaux et créer un processus intermédiaire.
    De plus, je pense qu'il vaut la peine de discuter de la question de savoir si l'IA devrait être intégrée au Commissariat à la protection de la vie privée. Cette question n'a jamais été posée. Les données et l'IA se côtoient. Elles ne sont pas distinctes. La protection de la vie privée est toujours en jeu, et nous avons un organisme de réglementation existant qui veut avoir ce pouvoir et avec qui nous avons la possibilité de bâtir quelque chose.
    Si j'étais chargé de concevoir cette mesure, je recommencerais les consultations sur la LIAD. Je n'inclurais pas le tribunal. Je demanderais si ce commissaire devrait faire partie du Commissariat à la protection de la vie privée et disposer de pouvoirs et de ressources accrus. Nous avons déjà un système qui fonctionne, et il suffit de corriger le texte du projet de loi C‑27, y compris en ce qui concerne la concertation avec les Premières Nations.
    Nous avons ici une solution gagnante qui ne coûte pas cher et qui est retardée, mais tout cela a été lancé sans véritable réflexion.

  (1730)  

    Assurons-nous que j'ai bien compris. Vous laissez entendre que rien ne nous empêche —  je n'avais jamais vu les choses ainsi — de créer maintenant un poste de commissaire à l'IA, et de faire en sorte que cela fasse quasiment partie du processus régissant l'IA. Nous pourrions en fait mettre sur pied le bureau du commissaire à l'IA, et régler cette partie de la loi.
    Eh bien, intégrez‑le dans... Rien ne vous empêche de gérer cela au sein du Commissariat à la protection de la vie privée, et d'élargir le mandat et les ressources de ce commissariat. Il fait des rapports directs au Parlement qui sont bien établis et respectés.
    Soit dit en passant, toutes ces questions d'adéquation et autres que nous cherchons à approfondir s'appuient sur le travail du commissaire à la protection de la vie privée, de sorte que cette idée de l'adéquation en Europe est un document évolutif qui est en fait contextualisé par les décisions rendues, principalement par nos tribunaux et notre commissaire à la protection de la vie privée. L'idée qu'il s'agit de structures distinctes et qu'il faut avoir des structures parallèles, fragmentées... ne m'a jamais semblé logique. Je ne sais pas ce que... Il suffit de donner les pouvoirs au commissaire à la protection de la vie privée. Débarrassez-vous de ce tribunal ridicule. Il faut corriger les dispositions du projet de loi C‑27 pour qu'elles ressemblent au Règlement général sur la protection des données, ou RGPD. Tenez des consultations appropriées sur la LIAD. Si vous faites cela, vous serez sur la bonne voie.
    Comme j'aime à le dire: la vie est déjà assez difficile, alors ne compliquez pas les choses faciles à faire.
    Me reste‑t‑il du temps, monsieur le président? Je pense l'avoir épuisé.
    Je pense que oui. Merci. J'ai oublié de démarrer le chronomètre, alors je suis heureux que vous respectiez si bien les règles, monsieur Masse. Je vous en remercie.
    Monsieur Vis, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Dans votre témoignage, madame Tessono, vous avez parlé de l'approche de l'Union européenne, qui est différente de l'approche canadienne, et vous avez parlé d'interdictions fondées sur des seuils. Pouvez-vous expliquer au Comité la différence entre l'approche adoptée par l'Union européenne et les systèmes à incidence élevée que le ministre a décrits dans la lettre qu'il a envoyée au Comité le 28 novembre?
     Je vous remercie de votre question.
    L'amendement à la LIAD que le ministre a proposé établirait une catégorie de systèmes qui seraient considérés comme ayant une incidence élevée, et cette catégorie de systèmes ferait l'objet d'une annexe, qui serait mise à jour par voie de règlement, si ma mémoire est bonne.
    En revanche, l'Union européenne a, dans sa loi, des systèmes explicites qui sont considérés comme inacceptables. Il s'agit notamment de la notation sociale, de l'utilisation de systèmes d'identification biométrique en temps réel, de l'adoption de bases de données de reconnaissance faciale compilées au moyen de renseignements obtenus en ligne, des systèmes de reconnaissance émotionnelle, etc.
    Nous n'avons pas ce niveau de précision dans les modifications proposées, même si nous avons une catégorie. À mon avis, les seuils établis par l'Union européenne sont plus élevés parce qu'ils créent des exigences pour des systèmes qui ne sont pas considérés comme ayant une incidence élevée au Canada.
    Je préciserais qu'au Canada, il y a des systèmes qui pourraient causer des préjudices et qui sont exclus. Ces systèmes sont visés par la loi de l'UE sur l'IA et ils seront assujettis à des exigences. Les Européens ont des protections plus solides à l'égard des systèmes qui ne sont pas prévues au Canada.
    Lors de la dernière comparution, certains des représentants des grandes entreprises de technologie ont critiqué les systèmes à incidence élevée utilisés au Canada en ce qui concerne la modération du contenu et les obligations que cela pourrait imposer à diverses entreprises dans le domaine de l'IA.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Oui. Je pense que c'est un problème qui reflète l'absence de conversations entre Patrimoine canadien et le ministère de la Justice, qui s'occupe du projet de loi sur les préjudices en ligne, et les gens qui s'occupent de la LIAD. Je ne sais pas s'ils se parlent, mais le fait que cela suscite déjà des préoccupations chez les acteurs de l'industrie témoigne de l'importance de la collaboration entre les différents ministères.
    Je ne peux pas parler en détail des situations antérieures du projet de loi sur les méfaits en ligne, mais je peux dire que nous avons besoin d'une infrastructure qui favorise la collaboration entre les ministères.

  (1735)  

    Dans la lettre du 28 novembre du ministre et les modifications qu'il propose, il parle de créer des obligations plus claires dans l'ensemble de la chaîne de valeur de l'IA, d'établir des mesures de gouvernance des données et d'établir des mesures pour évaluer et atténuer le risque de résultats biaisés. Vous avez déjà mentionné la définition. D'après mon évaluation, alors que nous avons cette discussion plus large sur la gouvernance en ce qui concerne l'IA, le gouvernement et les fonctionnaires d'Industrie Canada ne savent pas vraiment ce qu'ils font actuellement, alors ils se donnent, dans ce projet de loi, des pouvoirs réglementaires énormes et étendus.
     Personnellement, je me demande si nous avons vraiment besoin de cette loi, si nous devrions voter en faveur de cet aspect du projet de loi C‑27 sur l'intelligence artificielle ou si le gouvernement pourrait simplement faire cela par l'entremise de son pouvoir réglementaire actuel. Je ne sais pas.
    Avez-vous des commentaires à ce sujet? Est‑il même nécessaire d'accorder à l'industrie autant de pouvoirs de réglementation et de surveillance dans la loi? Est‑ce que cela changerait quoi que ce soit si nous le faisions simplement par le biais de règlements du gouverneur en conseil?
    C'est une très bonne question.
    Je dirais qu'il est important d'avoir au Canada une loi sur l'intelligence artificielle, et je pense que cette loi devrait faciliter la collaboration entre les différents secteurs et ministères.
    Ce qui se passe à l'heure actuelle au pays, c'est que nous avons des ministères qui élaborent leurs propres lignes directrices et leurs propres normes sans pouvoir parler à d'autres experts d'autres ministères...
    Je suis désolé de vous interrompre. J'accorde beaucoup d'importance à votre témoignage.
    Pensez-vous que nous devrions adopter une approche semblable à celle des États-Unis, où je crois que la Maison-Blanche a demandé à divers ministères d'examiner la réglementation de l'IA en ce qui concerne leurs sphères d'influence?
    Je crois comprendre que les ministères font un travail semblable au Canada; c'est simplement qu'ils n'ont pas les mêmes pouvoirs que les organismes et les commissions des États-Unis. La Federal Trade Commission, ou FTC, par exemple, peut émettre des ordonnances, des amendes et des pénalités, etc., mais je ne pense pas que ce soit le cas au Canada.
    C'est pourquoi il serait important d'avoir un organisme de réglementation qui serait indépendant et qui pourrait imposer des amendes tout en travaillant avec les ministères.
     Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet de l'organisme de réglementation.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Vous êtes. Merci beaucoup.
    Monsieur Van Bynen, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    C'est une véritable expérience d'apprentissage. Je pense que beaucoup de concepts différents ont été présentés. Ce sera un défi pour nous de trouver un terrain d'entente pour faire avancer ce projet de loi.
    Il y a un autre document sur lequel j'aimerais avoir votre avis. Le 27 septembre, le gouvernement a dévoilé le code de conduite volontaire sur le développement et la gestion responsables des systèmes avancés d'IA générative. Quelles sont les forces et les faiblesses de ce code de conduite?
    Je vais commencer par M. Malik et je passerai ensuite à Mme Tessono.
    Je ne l'ai pas lu, alors je vais céder la parole à ma collègue.
    Le principal défaut du code de conduite est qu'il est volontaire. Les entreprises peuvent choisir de l'adopter, mais cela ne signifie pas qu'elles y sont obligées. Pour protéger les Canadiens contre les préjudices causés par l'IA générative, il faut que le code soit exécutoire.
    Croyez-vous que la publication du code de conduite a fourni suffisamment d'information sur l'interaction entre le code, la loi et les règlements?
    Personnellement, en tant que chercheuse, je ne le pense pas. Je pense que l'industrie aurait beaucoup plus à dire sur le code de conduite.
    Ce que je dirais, c'est que le code de conduite fait partie d'un casse-tête plus vaste sur la réglementation de l'intelligence artificielle. Ce n'est pas le seul élément nécessaire pour protéger les Canadiens contre les préjudices.
    Nous avons parlé plus tôt, lors d'une discussion précédente, du fait que le projet de loi C‑27 semble fondé en partie sur le modèle de l'Union européenne. Comment compareriez-vous ces deux lois? Plus important encore, pouvez-vous nous parler de certains éléments de la proposition européenne qui ne sont pas inclus dans la LIAD et qui devraient l'être?
    Je céderai ensuite la parole à mon collègue.

  (1740)  

    La loi de l'UE crée différents seuils de déclaration et d'exigences de transparence pour les entreprises qui déploient différents types de systèmes d'IA. Au Canada, nous avons des exigences en matière de rapports et de transparence pour une catégorie particulière de systèmes. Cela signifie que nous sommes plus exclusifs. L'UE inclut davantage de systèmes dans son champ d'application. Sa loi contient également une liste de risques et de systèmes qui devraient être interdits s'ils présentent des risques inacceptables. Cela renforce la réglementation et protège les gens contre les préjudices.
    Merci.
    Allez‑y, monsieur Turnbull.
    Merci.
    Je voulais simplement revenir à mes questions précédentes, qui portaient sur le droit de s'opposer au traitement automatisé des données personnelles. J'ai vraiment l'impression que le projet de loi C‑27 traite de cette question au moyen du consentement exprès à l'utilisation de données biométriques. Je peux simplement refuser mon consentement si je ne veux pas que quelqu'un utilise ces données. Ceux qui contreviendraient à cette exigence enfreindraient la loi, car ils n'auraient pas demandé mon consentement exprès.
    Je ne comprends pas pourquoi vous recommandez dans votre document que nous fassions quelque chose qui, à mon avis, est inclus dans le projet de loi. Madame Tessono, pouvez-vous nous faire part de votre point de vue à cet égard?
    Oui. Je pense que les droits sont certainement très importants, mais pour agir sur les droits, on crée un fardeau injuste pour les gens ordinaires.
    Par exemple, j'ai contesté l'utilisation de mes données. Cela a été épuisant sur les plans financier, émotionnel et physique. Je l'ai fait lorsque je vivais aux États-Unis en tant que chercheuse à Princeton. Cela n'a pas été facile. Même avec mon expertise et mon accès aux ressources et aux privilèges, ce n'était pas une tâche aisée. Je ne peux qu'imaginer à quel point il serait difficile pour un de vos électeurs — une mère célibataire, un adolescent ou un mineur — de contester l'utilisation d'un système d'IA et de s'assurer que son consentement est respecté.
    Juste pour que ce soit clair, si l'entreprise ne leur a pas demandé leur consentement, elle a enfreint la loi. La loi s'appliquerait donc et l'entreprise serait pénalisée en conséquence, n'est‑ce pas? J'arrive mal à saisir ce que vous dites. Je suis d'accord avec vous, mais j'ai l'impression que le projet de loi aborde cette question. Je ne vois pas où est la lacune dont vous parlez.
    J'essaie simplement de comprendre votre point de vue à ce sujet. Pourriez-vous préciser votre pensée?
    Saisissez-vous bien ce que je veux dire? Parce que...
    Je comprends ce que vous dites. Le problème se pose lorsqu'il n'y a pas de commissaire indépendant habilité à enquêter, de sa propre initiative, sur des situations et des vérifications de la commission. Oui, ce serait illégal, mais ce sont les tribunaux que seraient saisis de l'affaire, ce qui nécessiterait beaucoup de temps et de ressources. Encore une fois, c'est quelque chose qui peut se faire à grande échelle, mais pour les cas individuels, il sera encore plus difficile pour une personne d'engager une procédure judiciaire devant les tribunaux.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Garon, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Tessono, je vais vous faire le plaisir de vous laisser me répondre en français.
    En regardant votre CV et les recherches que vous avez faites, je vois que vous avez étudié les interactions entre la technologie et les inégalités raciales. Vous avez aussi parlé de biais. On sait que les algorithmes reproduisent ce dont ils se nourrissent, alors si les données dont ils se nourrissent incluent des inégalités raciales, ils peuvent les reproduire.
    Pour que je comprenne bien, j'aimerais que vous me donniez un exemple très concret, au ras des pâquerettes, d'une application d'intelligence artificielle qui est en circulation présentement et qui a généré ces types de biais dans la vie quotidienne des gens.
    C'est une excellente question. Ça me fait plaisir de vous répondre en français.
    Je sais que, à ce jour au Canada, il y a six cas de personnes noires qui ont été identifiées erronément par des systèmes de reconnaissance faciale et qui ont perdu leur statut de réfugié à cause de ça. Ces cas sont présentement débattus à la Cour suprême du Canada. Ce sont des cas précis où l'utilisation de systèmes de reconnaissance faciale peut faire perdre à des gens leur statut...

  (1745)  

    Merci. Je vous interromps parce que le temps file, et non parce que c'est inintéressant, bien au contraire.
    Nous comprenons cet aspect. Nous avons entendu parler de cas liés à Clearview AI, entre autres. On a traité de ces cas dans d'autres comités également. Cela dit, les technologies de l'intelligence artificielle sont souvent anodines. Elles nous aident à trouver notre chemin — je pense à Google Maps, par exemple — et à faire toutes sortes de choses au quotidien.
    Y a-t-il d'autres exemples concrets qui relèveraient d'applications que je pourrais avoir dans mon téléphone, par exemple? Ce n'est pas une question piège; j'ai réellement de la difficulté à trouver des exemples concrets. On parle beaucoup de biais et j'essaie de me faire une image de ce que c'est réellement.
    Parmi les applications que nous utilisons au quotidien, qu'est-ce que ça pourrait être, par exemple?
    Parmi les applications que nous utilisons au quotidien, il y a les médias sociaux, par exemple. Les compagnies utilisent des systèmes de recommandation et de modération qui catégorisent les utilisateurs afin de leur vendre des produits ou de leur montrer un certain contenu en sachant que ça va les intéresser. Pour les enfants, ça crée des problèmes de santé mentale, parce qu'on les expose à des choses explicites ou dangereuses pour la santé mentale, par exemple.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    M. Masse a dû s'absenter brièvement, alors je passe la parole à M. Williams.

[Traduction]

    Très bien. Je vous remercie.
     Monsieur Balsillie, je vais commencer par vous.
    Généralement parlant, si la Loi sur l'intelligence artificielle et les données n'existait pas, si elle n'était pas adoptée, si elle n'avait pas été débattue au Parlement, qu'est‑ce que cela signifierait pour le Canada et l'industrie?
    Vaut mieux n'avoir pas de loi du tout qu'une mauvaise loi. Vous devez cependant réglementer ce domaine et je pense que vous devez le faire rapidement, mais de façon réfléchie.
    Si nous ne le réglementons pas correctement — la vie privée et les algorithmes ensemble —, cela nous causera un préjudice. Les dispositions doivent être efficaces et pas seulement un exercice d'improvisation.
    Pour ce qui est de l'incidence de cette réglementation, il y a eu une première génération de la LIAD. Elle assurait une protection contre les systèmes d'IA à incidence élevée. De toute évidence, elle comportait plusieurs lacunes du fait que le pouvoir était conféré au cabinet du ministre plutôt qu'à un commissaire indépendant.
    Y a‑t‑il des amendements dont vous pourriez vous accommoder si jamais nous devions prendre un règlement en vertu de la LIAD dans sa forme actuelle?
    Bien sûr. Vous aurez beau y apporter toute une série d'amendements pour qu'elle soit acceptable, il restera toujours la question de l'intégrité démocratique à régler; les Premières Nations ont d'ailleurs annoncé qu'elles allaient contester le projet de loi C‑27 et la LIAD. Vous pourriez apporter suffisamment d'amendements pour rendre ce projet de loi acceptable, mais comment arriverez-vous à le faire valider par les parties prenantes?
    Pour ce qui est du commentaire précédent, la grande majorité des consultations auprès de l'industrie ont eu lieu après le dépôt du projet de loi. C'est une démarche très risquée et je ne comprends pas cette stratégie.
    Pour répondre à votre question, le Comité n'a pas encore entendu beaucoup d'entreprises. Nous n'avons pas entendu le secteur dans son ensemble, à part les géants comme Google, Meta et Amazon Web Services.
    Après avoir consulté les intervenants et les groupes de votre milieu, lesquels nous recommandez-vous de convoquer ici pour discuter de l'impact que l'IA et le projet de loi auront sur eux?
    Vous devez vous assurer que la société civile est bien représentée.
    Vous devez inviter les entreprises qui reflètent l'économie nationale et non l'économie étrangère. Vous devez entendre le point de vue des entreprises nationales qui font du commerce à l'échelle mondiale et qui feront augmenter notre PIB par habitant, et non celles qui font augmenter le PIB par habitant de pays étrangers. Sinon, vous allez seulement enrichir les pays étrangers et affaiblir la sécurité et le tissu social des Canadiens.
    Le Canada semble avoir raté le bateau de l'IA. Nous avons perdu une grande partie de notre propriété intellectuelle. Je sais que vous avez participé à une autre étude qui portait sur la commercialisation de la PI. Nous en avons perdu une grande partie. Vous aimez répéter que nous aurions dû planter un arbre il y a trois ans. Si nous en plantons un maintenant, nous pourrons peut-être le conserver.
    En ce qui concerne l’IA et le maintien de la PI au Canada, nous pensons peut-être que c'était inévitable. Que pouvons-nous faire avec une loi qui vise à rebâtir cela sur de nombreuses années?

  (1750)  

    Je pense qu'il est possible de faire beaucoup de choses.
    Tout d'abord, si vous jetez un coup d'oeil à la politique de l'institut d'intelligence artificielle Mila, au Québec, vous lirez ceci: « Nous ne rédigeons pas de brevets pour quoi que ce soit, et nous publions notre recherche. »
    Vous devez commencer par reconnaître qu'il s'agit là d'actifs essentiels que nous devons utiliser dans l'intérêt du Canada. En effet, nous devons nous mettre dans la tête que personne ne va se soucier du Canada, à part les Canadiens, et ce, sur le plan économique et social et en matière de sécurité. Notre tendance à l'égard de ce monde d'actifs immatériels, c'est de ne pas les mobiliser dans notre propre intérêt. Personne d'autre ne suit notre stratégie. Voilà pourquoi nous voyons s'éroder notre productivité et notre prospérité. C'est une conséquence directe de notre négligence à aller vers là où se trouve l'argent.
    L'Union européenne semble avoir mis des règles en place. C'est un chef de file en matière de législation sur la protection de la vie privée. Nous considérons le Règlement général sur la protection des données comme un modèle d'excellence.
    Devrions-nous examiner la législation proposée par l'Union européenne pour voir si c'est ce dont nous avons besoin ici au Canada, ou devrions-nous établir notre propre loi?
    Bien sûr. L'Union européenne a mené des consultations exhaustives sur sa législation sur les marchés numériques et sa récente législation sur l'intelligence artificielle. J'encourage le Comité à réfléchir à ce que l'Union européenne a fait, tant sur le nuage souverain, Gaia‑X, que sur son environnement informatique de haute performance, parce que le Canada joue un certain rôle dans le cadre du projet Horizons et nous pourrions miser là‑dessus. Nous pourrions faire partie d'un réseau fédéré d'informatique de haute performance.
    Je le répète, la meilleure approche est de se demander comment tirer parti de ce que nous obtenons et en bénéficier, au lieu d'inventer quelque chose pour ensuite le céder, ou d'essayer de faire des investissements qui ne rapporteront pas. Pour moi, c'est une mauvaise façon de gérer les possibilités qui s'offrent à nous ou que nous avons créées au fil du temps.

[Français]

    Merci beaucoup...

[Traduction]

    Vous devez réfléchir à tout cela. Les Européens le font. Ils ont une approche de partenariat très fédérée. Le Canada a beaucoup de liens là‑bas, mais nous ne semblons pas en tirer parti.
    Nous ne sommes pas du poisson ni de la volaille, ce qui nous met dans une position très dangereuse. Je pense qu'il est très malavisé, prématuré et risqué de nous lancer précipitamment dans cette voie — pensez aux efforts déployés pour construire un tout nouveau superordinateur dans l'une des supergrappes.
    Je vous remercie, monsieur Balsillie.
    Nous revenons à M. Masse qui dispose de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Nous n'avons pas entendu le mot « supergrappe » très souvent ces derniers temps. Comme le dit mon collègue, M. Williams, une étude est en cours. Restons‑en là.
    J'ai une question à poser à Mme Tessono.
    L'été dernier, j'ai participé à quelques conférences aux États-Unis sur des dossiers canado-américains. Il y avait là deux ou trois grandes sociétés qui alimentent l'IA en données. Elles ont reconnu que les données qu'elles introduisaient dans les systèmes d'IA engendraient des préjugés raciaux et autres, parce qu'elles n'ont pas les bonnes personnes pour créer un système d'IA équilibré. Par conséquent, les résultats obtenus ne sont pas équilibrés non plus.
    Avez-vous des commentaires à faire sur la situation au Canada? Il y a quelques semaines, nous avons reçu ici certaines des sociétés qui ont présenté un exposé à ces conférences aux États-Unis.
    Qu'en pensez-vous? Notre développement de l'IA est un peu à la traîne en matière d'équité et d'équilibre.
    Je ne peux pas commenter ces exemples précis, mais je dirais que la représentation est certainement un problème tout au long du cycle de vie de l'intelligence artificielle — de la collecte et la création de données jusqu'aux méthodes d'essai des modèles, aux groupes sur lesquels ils sont mis à l'essai et au déploiement de l'IA.
    Je vous remercie.
    Monsieur Balsillie, vous avez fait une distinction que j'aimerais entendre de nouveau, mais avec plus de détails, concernant le droit individuel de contester, par rapport à ce qui se trouve dans le projet de loi. C'est l'une des préoccupations que nous entendons souvent de la part des groupes et des organisations. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui. L'idée, c'est que le projet de loi ne dit rien sur le droit de savoir comment ces sociétés utilisent les données et de contester.
    Pour le moment, les gens ne souhaitent pas toujours s'engager dans un recours collectif, et les entreprises non plus.
    Il est certain que ces entreprises ne veulent pas de transparence. Pourquoi le voudraient-elles? Elles préfèrent la participation volontaire et l'opacité. Comment pouvez-vous savoir quel est le problème et le contester, même si vous finissez par le découvrir, ce qui est pratiquement impossible parce que ces entreprises n'ont aucune obligation de vous informer?
    Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Monsieur Sorbara, vous disposez de cinq minutes.

  (1755)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bienvenue à tous.
     Ce sont les cinq dernières minutes dont je dispose pour parler du projet de loi C‑27. De toute évidence, ce projet de loi a nécessité énormément de travail. Je tiens à féliciter toutes les personnes qui y ont contribué et à remercier tous les témoins de leur présence ici. Votre participation nous est précieuse. L'intelligence artificielle a des répercussions sur chacun de nous, ici au Canada et ailleurs dans le monde, sur notre vie et notre gagne-pain, sur toutes nos activités, qu'il s'agisse de notre utilisation de Google Maps, du secteur des soins de santé et de toute autre facette de notre vie quotidienne.
     C'est une bonne chose que notre gouvernement collabore avec les dizaines d'intervenants qui se sont présentés pour nous donner leur avis sur le projet de loi C‑27, qu'il les consulte et les écoute. Bien entendu, tout le monde ne sera pas d'accord avec le projet de loi. Cela fait partie de notre démocratie. C'est un droit individuel. Comme je siège au Parlement depuis plusieurs années, je comprends bien cela. Tout le monde n'est pas d'accord, mais il faut travailler, prendre des mesures et légiférer, parce que c'est ce que nous sommes, des législateurs.
    Depuis que je suis devenu membre de ce comité, il y a quelques mois, et que nous sommes plongés dans l'examen de toutes les dispositions du projet de loi relatives à la vie privée, soit les parties 1 et 2, et ensuite la partie 3, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, je me rends compte qu'il y a beaucoup d'éléments dans tout cela. Nous savons que d'autres pays prennent des mesures, notamment l'Europe, le Royaume-Uni, les États-Unis et nous-mêmes. Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'un code de conduite volontaire est une bonne chose, mais nous avons besoin d'une loi. Je pense que cela fait partie du capitalisme. Les codes de conduite volontaires sont des codes à adhésion volontaire, comme leur nom l'indique, mais nous avons besoin d'une mesure législative qui a du mordant. Voilà pourquoi nous devons légiférer.
    Ma première question s'adresse au témoin qui travaille à la clinique Mayo, car je crois que l'un des puissants outils de l'IA sera utilisé dans le secteur des soins de santé. À mesure que nous nous dirigeons vers une médecine plus spécialisée, un dépistage plus pointu et des diagnostics plus précis, le rôle de l'intelligence artificielle prendra de l'importance.
    Monsieur Malik, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du rôle de l'intelligence artificielle dans le secteur des soins de santé, s'il vous plaît?
    Volontiers. Je tiens d'abord à préciser que je témoigne ici à titre personnel et non au nom de la clinique Mayo, même si j'y travaille.
    Évoluant à l'intérieur de ce secteur, je suis d'avis que les prétentions en matière d'IA et les espoirs suscités dépassent largement les résultats concrets. Pour obtenir des résultats, il suffit parfois de suivre les principes de rigueur biostatistique, une démarche reconnue ou appliquée depuis les 50, 60 et 70 dernières années pour obtenir une intervention efficace qui améliore les choses d'une manière ou d'une autre. Parmi la pléthore de solutions qui sont proposées aujourd'hui, beaucoup ne correspondent pas aux besoins réels en matière de soins de santé.
    Je pense qu'il faudrait recourir davantage à la biostatistique et réfléchir aux solutions qui devraient transformer les soins de santé, plutôt que de leur accoler l'étiquette IA. Il existe des études à ce sujet, je vais devoir les consulter. À titre d'exemple, un article a révélé que bon nombre des outils d'IA mis au point pour la COVID‑19 ont été tout à fait inutiles en fin de compte. Je pense que c'est la conclusion à laquelle sont arrivées bon nombre d'études qui ont examiné ce que l'IA devait prétendument faire et ce qui s'est réellement passé. L'organisme Data & Society a aussi parlé d'une application réussie, mais son succès reposait surtout sur la qualité du travail et l'engagement des intervenants que sur le modèle réel.
    C'est dans ce domaine que je travaille et c'est ce que je cherche à faire, mais je ferais preuve d'une grande prudence à l'égard de ces belles paroles.
     Je tiens à remercier le président de son excellent travail. Je vais m'arrêter là.
    Qu'en pensez-vous?
    Ça me dit que c'est le moment de remercier nos témoins.
    Voilà qui conclut la partie du projet de loi C‑27 qui nous correspondait. Nous avons entendu de nombreux témoins, ce qui nous sera très utile lors de notre étude article par article en avril.
    Chers collègues, avant de suspendre la séance, je tiens à vous dire — tout comme à nos téléspectateurs —, que si jamais l'envie vous prend de nous soumettre un mémoire sur le projet de loi C‑27 — nous aimerions le recevoir d'ici le 1er mars.
    Quant aux amendements, chers collègues, il nous les faut si possible d'ici le 14 mars, afin que nous ayons le temps de les étudier et d'en discuter, et tant mieux si vous pouvez les proposer plus tôt.

  (1800)  

[Français]

    Je tiens également à remercier notre analyste Mme Savoie, dont c'est la dernière rencontre avec nous aujourd'hui.
    Merci pour tout, madame Savoie.
    Merci, chers collègues.
    Merci encore aux témoins.
    La séance est suspendue.

  (1800)  


  (1805)  

    Nous reprenons la séance.
    Nous passons maintenant à la deuxième partie de la réunion d'aujourd'hui. Conformément à la motion adoptée par le Comité le mardi 26 septembre 2023 ainsi qu'à la motion adoptée le lundi 5 février 2024, le Comité entreprend son étude sur l'accessibilité et l'abordabilité des services sans fil et à large bande au Canada.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins pour la première rencontre de cette étude.
    Nous accueillons tout d'abord M. Pierre Karl Péladeau, qui est président et chef de la direction de Québecor. Il est accompagné de Mme Peggy Tabet, qui est vice-présidente des affaires réglementaires.
    Nous recevons également M. Jean‑François Lescadres, qui est vice-président des finances chez Vidéotron.
    Merci beaucoup d'être parmi nous.
    Sans plus tarder, je vous cède la parole, monsieur Péladeau. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie de cette invitation. Nous sommes très heureux, mes collègues et moi, d'être avec vous afin de pouvoir échanger sur une considération extrêmement importante pour les Canadiens, c'est-à-dire le prix des services sans fil.
    Il y a un peu plus d'un an, je me trouvais ici, devant ce comité, pour vous démontrer que Québecor était fin prête à répéter au Canada le succès connu par sa filiale Vidéotron dans le domaine du sans-fil au Québec, une activité dans laquelle nous sommes investis depuis 2006.
    Nous savions que les Canadiens et les Canadiennes seraient les premiers à profiter des bienfaits de la concurrence accrue découlant de l'acquisition de Freedom Mobile par Vidéotron. Le solide plan d'expansion que nous déployons depuis celle-ci a porté ses fruits.
    Freedom Mobile est devenue un moteur de changement positif dans le marché du sans-fil canadien. En quelques mois, nous avons entamé le déploiement de notre technologie 5G et apporté des améliorations importantes à notre réseau pour rehausser l'expérience client, en plus d'introduire des offres jamais vues au pays, comme les premiers forfaits mobiles 5G Canada—États‑Unis affichés sous la barre des 35 $, ou encore « Roam Beyond », un forfait mobile abordable et de grande capacité permettant l'itinérance sans frais supplémentaires dans plus de 70 destinations internationales.
    Alors que l'inflation affaiblit la capacité de payer des Canadiens et des Canadiennes, ces nouvelles offres ultra-concurrentielles ont entraîné un mouvement à la baisse des prix dans l'ensemble du marché du sans-fil au Canada. Grâce à l'effet Freedom, l'indice des prix à la consommation de Statistique Canada pour les services sans fil a diminué de 26,8 % depuis un an, alors qu'il a augmenté de 3,4 % pour l'ensemble des produits et services au cours de la même période.

  (1810)  

[Traduction]

     Ces prix plus bas se traduisent par plus d'argent dans les poches des familles canadiennes. Elles pourront facilement épargner jusqu'à 1 000 $ par an, un montant qui peut servir à acheter des provisions ou à payer l'hypothèque.
    De plus, contrairement à certains de nos concurrents, les trois marques de télécommunications de Québecor — Freedom, Fizz et Vidéotron — préconisent le gel des prix des services sans fil. Les clients peuvent avoir le même tarif mensuel tant qu'ils conservent leur forfait cellulaire.

[Français]

    La volonté de voir s'établir une concurrence saine et durable véhiculée par les différentes instances gouvernementales a contribué à ces progrès, mais il reste du travail à faire. Les tarifs d'itinérance nationaux, par exemple, demeurent au moins six fois plus élevés que ceux qui ont cours en Europe et doivent être revus à la baisse pour que la chute des prix se poursuive dans le contexte où la consommation de données mobiles est en forte progression.
    L'opposition constante des titulaires nationaux à toute initiative visant à favoriser la concurrence demeure problématique. Voici quelques exemples en ce qui concerne l'établissement des tarifs des exploitants de réseaux mobiles virtuels, ou ERMV — ce qu'on appelle plus familièrement les MVNO —, qui permettront à Vidéotron d'offrir des services sans fil à l'extérieur de son empreinte réseau. Tout d'abord, Rogers conteste devant la cour l'issue du processus d'arbitrage qu'elle avait elle-même demandé. Pour sa part, Bell refuse la date du début de la commercialisation de nos activités liées aux ERMV, alors que nos entreprises s'étaient clairement entendues sur celle-ci au préalable. En outre, l'intransigeance et les pratiques dilatoires de Telus nous forcent à tenir un autre long processus d'arbitrage pour fixer les tarifs d'accès à son réseau.
    Ces exemples d'obstruction sont aussi vécus ailleurs, du côté de l'accès Internet, par exemple. En plus d'avoir fait appel d'une décision du CRTC à propos de l'accès à son réseau de fibre optique, Bell s'est récemment adressée au gouvernement pour faire annuler cette décision, qui découlait des instructions de ce même gouvernement au CRTC, soit d'adopter de nouvelles règles favorisant la concurrence, l'amélioration des services et l'abordabilité.

[Traduction]

     Ce ne sont là que quelques exemples des obstacles que doivent surmonter de nouveaux joueurs comme Québecor en cherchant à offrir aux Canadiens de meilleurs services de télécommunication à de meilleurs prix. Les titulaires ne reculeront devant rien pour protéger leur monopole le plus longtemps possible, au mépris de la politique gouvernementale.

[Français]

    Tous les moyens doivent être mis en place pour répondre à l'intérêt public et rendre les services de télécommunication plus abordables. Alors que Freedom Mobile respecte ses engagements de baisse de prix des services sans fil, les titulaires nationaux doivent dès maintenant respecter les règles du jeu qui leur sont imposées pour atteindre ces objectifs.
    Je vous remercie énormément de votre attention.

  (1815)  

    Merci beaucoup, monsieur Péladeau.
    Pour commencer la discussion, je cède la parole à M. Williams pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Péladeau, et merci aux autres témoins de leur présence aujourd'hui.
    Vous êtes ici comme l'homme très célèbre que vous êtes, non seulement en raison de votre réputation, mais aussi du fait que le ministre a dit que vous étiez le « quatrième joueur », et que vous alliez résoudre tous nos problèmes de sans-fil ici au Canada, ce qui était formidable. Bien sûr, j'entends déjà dire que certains de vos problèmes sont les mêmes que les Canadiens ont toujours dû surmonter, non seulement dans votre secteur, mais dans tous les oligopoles que nous avons au pays.
    Vous avez actuellement 2,3 millions de clients et environ 6 % du marché. Cependant, si vous voulez vraiment être un quatrième câblodistributeur au Canada, il vous faut atteindre au moins 10 %, du moins selon les recherches assez poussées que nous avons menées. Cela signifie grandir massivement. Nous sommes au courant des conditions que le ministre a imposées à la transaction de vente Rogers-Shaw. C'est en partie parce que vous comptiez déployer la 5G. Combien d'années faudra-t‑il pour adapter la technologie 5G à Freedom partout au pays?
    Pour être sûr que nous avons les mêmes chiffres, vous avez parlé de 2,3 millions de clients. Nous en avons 3,8 millions si vous comptez Vidéotron et Freedom, et nous grandissons chaque jour.
     Nous demeurons résolus à servir les Canadiens le mieux possible tout en leur offrant les meilleurs prix. Je suppose que ces chiffres montrent que l'argent est le nerf de la guerre et que les Canadiens obtiendront de nouveaux services dès que nous serons en mesure d'offrir de meilleurs prix. C'est ce que nous avons constaté depuis que nous avons pris le contrôle de Freedom.
    Nous avons parlé de la 5G. C'est certainement un élément important. Nous élargissons notre réseau et nous entendons poursuivre notre croissance. Entretemps, ce qu'il nous faut... et, une fois de plus, les titulaires retardent toujours les choses. Voilà les stratégies auxquelles nous sommes confrontés depuis tant d'années. Au lieu d'un accès à l'exploitant de réseau mobile virtuel, à l'ERMV, au prix qu'il nous faut pour ensuite bâtir notre réseau en fonction de cette politique, le CRTC nous a dit qu'il s'agissait d'acheter du spectre. Vous vous souviendrez probablement que le prix en est très élevé.
    Une entreprise de télécommunications a le droit d'acheter du spectre. Une fois qu'elle l'achète, elle a l'obligation de bâtir son réseau dans un délai de sept ans. Nous sommes en plein dans cette période. Nous pensons que nous devrions commencer par le service mobile virtuel. C'est aussi ce que pensait le CRTC, parce qu'on ne peut pas bâtir un réseau en deux jours ou en une fin de semaine. Il se construit jour après jour, semaine après semaine et mois après mois. En fait, c'est comme ça que ça s'est passé au Québec, car nous n'avions rien quand nous avons démarré. Nous avons commencé à bâtir notre réseau petit à petit et, aujourd'hui, nous avons déployé la technologie 5G dans toute la province.
    Nous voudrions pouvoir poursuivre la stratégie que nous avons pu adopter au Québec, où nous avons commencé par la téléphonie mobile, avec ces exploitants...
    Je suis navré de devoir vous interrompre, mais mon temps est limité.
    Vous dites qu'il faut environ sept ans pour développer ce réseau à l'échelle du Canada. C'est pas mal de temps.
    Nous sommes ici aujourd'hui parce que Rogers compte augmenter ses prix. C'est ce qui arrive quand il est question des pratiques monopolistiques et oligopolistiques de ces entreprises. Elles augmentent les prix. Rogers ne joue pas le jeu avec vous en ce qui concerne les ERMV et le partage des réseaux, et ils vont eux aussi augmenter les prix pour les Canadiens.
    Pour demeurer dans la course et être un quatrième joueur viable, vous devez pouvoir déployer la 5G dans le plus d'endroits possible au Canada. Pensez-vous pouvoir être un concurrent viable? Pensez-vous avoir suffisamment de temps pour faire concurrence à une grande entreprise comme Rogers, et à d'autres comme Bell et Telus, ou est‑ce que cela va prendre trop de temps?
     Oui. Cependant, comme je l'ai mentionné, nous avons besoin d'aide. Il est clair que le désir et la volonté sont là. Nous devrions dire au Parlement, et pas seulement au gouvernement, d'éviter que le Canada soit le pays où les gens paient les prix les plus élevés au monde. C'est inacceptable. Mais pour y arriver, il nous faut une bonne réglementation qui puisse stimuler la concurrence.
    Nous pensons — et c'est ce que nous vivons maintenant, à part le fait que les titulaires nous mettent des bâtons dans les roues — que nous sommes dans la bonne voie. Le CRTC est certainement en faveur de la concurrence, et nous pensons qu'il en sera toujours ainsi. Comme vous le savez, il y aura une audience demain.
    En ce qui concerne le sans-fil, nous croyons que les politiques qui s'appliquent aux Canadiens sont bonnes. Le problème, ce sont les retards causés par les titulaires. Demain, nous comparaîtrons devant le CRTC au sujet des conditions pour Internet, l'Internet filaire sur fibre optique. Comme câblodistributeurs, nous offrons le câble depuis 20 ans. Nous sommes obligés d'offrir notre réseau à nos concurrents, c'est-à-dire offrir l'accès Internet à des tiers, l'AIT comme nous l'appelons, à un prix raisonnable. Nous l'avons fait, contrairement à Bell et Telus qui refusent de le faire.
    La politique sur le sans-fil est bonne, et nous ne demandons qu'à suivre cette voie et que le ministre de l'Industrie se montre favorable à la concurrence et à cette politique.

  (1820)  

    Comme le modeste joueur que vous êtes au milieu de gros poissons, vous voyez ce qui se passe. Seriez-vous d'accord pour qu'il y ait plus de concurrents à part vous pour pénétrer le marché canadien, plus de concurrents qui se battent contre les trois grands?
    Nous sommes tout à fait en faveur de la concurrence. De notre point de vue, c'est une bonne chose. La concurrence apporte l'innovation. Elle nous permet de mieux servir nos clients. Sans elle, l'économie fait piètre figure. Ce n'est pas le genre de culture que nous avons dans notre entreprise. Nous avons toujours été dans un environnement concurrentiel et nous avons hâte de changer la donne.
    En fait, c'est ce à quoi nous étions confrontés à titre d'entreprise médiatique qui travaillait à l'origine dans le secteur des journaux, de l'imprimerie et des pâtes et papiers. Il n'y avait pas seulement la concurrence locale; nous étions également en concurrence à l'échelle internationale. Le secteur des pâtes et papiers était vraiment international. Lorsque nous nous sommes embarqués dans le secteur des télécommunications, nous avons constaté un monopole partout. Mais savez-vous quoi? Nous aimons cela, parce que nous voulons changer les choses, et je pense que nous avons réussi à le faire pendant un certain temps.
    Merci, monsieur Péladeau. Nous sommes sur la même longueur d'onde.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Gaheer, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins, et plus spécialement M. Péladeau, d'avoir comparu devant le Comité.
    Nous savons que les prix des télécommunications ont tendance à être plus bas dans les régions du pays où il y a d'autres fournisseurs de services que les trois grands, surtout au Québec.
    Je vais vous raconter une anecdote. Récemment, je cherchais à changer mon forfait. Je le faisais à Ottawa sur mon téléphone cellulaire. C'était un forfait excellent offert par l'un des trois grands. Or, quand j'ai entré mon code postal à la sortie, on m'a corrigé en disant que ce forfait n'était valable qu'au Québec, et que je devais plutôt passer à celui de l'Ontario. Dès que je suis passé en Ontario, le prix a grimpé considérablement. J'ai été très déçu.
    Si les trois grands s'investissent vraiment pour offrir à tous les Canadiens des prix concurrentiels, pourquoi faut‑il un quatrième joueur régional pour faire baisser ces prix?
    Vous savez, je ne suis pas le Bureau de la concurrence. Si c'était le cas, je lancerais une enquête. Est‑ce que je réussirais? C'est une autre question.
    C'est le genre d'environnement que nous observons depuis belle lurette. Avec la concurrence du quatrième exploitant que nous avons au Québec, les prix ont toujours été les plus bas au Canada. Lorsque le ministre de l'Industrie, le Tribunal de la concurrence et d'autres entités qui sont intervenues dans la transaction Shaw-Rogers ont jugé qu'il serait bon que le Canada se départisse de Freedom Mobile, nous avons évidemment levé la main au début.
    Savez-vous quoi? Nous n'avons pas été invités à la fête au début. Pourquoi? Je suppose que c'est parce que Rogers n'a pas apprécié la concurrence. D'une façon ou d'une autre, au bout du compte, dans l'intérêt public des Canadiens, nous avons fini par pouvoir acheter Freedom, l'exploiter et instaurer un environnement très concurrentiel, un environnement pour de vrai.
     À ce sujet, pourquoi l'entente a‑t-elle eu une incidence sur les prix que vous offrez? Pouvez-vous nous donner des statistiques?
    Je peux répondre à la question, absolument.
    Essentiellement...
    M. Lescadres est notre spécialiste des chiffres. Il sait tout.
    Essentiellement, lorsque nous avons pris la relève de Freedom, il y avait deux choses. Tout d'abord, il y a eu le prix que Freedom a mis de l'avant. Je vais vous donner un exemple. Nous vendions environ 50 gigaoctets pour 65 $ sur un réseau non 5G et une couverture qui n'était pas nationale. Quelques semaines après notre prise de contrôle, nous avons déployé la technologie 5G à l'échelle du pays, dans des conditions qui dépassaient amplement celles de nos concurrents.
    Si vous comparez cela à la promesse que nous avons faite au ministère lorsque nous avons pris le contrôle... Je vais vous donner un exemple. Nous avions juré de ne jamais vendre un forfait de 25 gigaoctets pour plus de 68 $. Aujourd'hui, nous vendons le même forfait avec deux fois plus de données — donc 50 gigaoctets au lieu de 25 — pour 34 $. C'est la moitié du prix que nous nous étions engagés à offrir. Nous offrons également l'itinérance aux États-Unis au même prix.
     C'est ce à quoi les Canadiens ont accès actuellement. Ils peuvent obtenir des prix beaucoup plus bas que jamais auparavant au Canada.

  (1825)  

    Nous savons que les prix des télécommunications ont baissé. Statistique Canada nous fournit ces données. J'ai des chiffres devant moi. Par exemple, pour l'un des trois grands, 10 gigaoctets en 2017 coûtaient 145 $. Aujourd'hui, c'est environ 39 $ par mois. Nous savons donc que les tarifs ont baissé.
    Cependant, les Canadiens demeurent très préoccupés par les prix qu'offrent les entreprises de télécommunications et la concurrence dans l'industrie. Comment répondriez-vous à leurs préoccupations?
    Nous avons déjà abordé cette question, et j'en ai parlé dans mon exposé.
    La question de l'itinérance est importante. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC est déjà au courant de tout cela. Il a lancé une enquête pour déterminer le rôle joué par l'itinérance.
    Dans l'Union européenne, comme vous le savez, en raison du grand nombre de pays et de la présence de nombreux exploitants, il y avait 60 ou 70 prix de l'itinérance. La Commission européenne a décidé de légiférer à ce sujet. Aujourd'hui, vous avez un barème de prix fixe, qui est public pour que vous puissiez comparer. Le CRTC va suivre cet exemple et il sera plus facile de comparer les prix de l'itinérance au Canada, qui, comme nous l'avons dit, sont six fois plus élevés qu'en Europe. Une diminution de ces prix contribuerait énormément à une baisse supplémentaire des tarifs.
    C'est important, et nous nous réjouissons que le CRTC suive cette voie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Gaheer.
    Monsieur Garon, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Chers témoins, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Péladeau, j'aimerais poursuivre sur la question de l'itinérance. Nous vivons dans un pays très peu densément peuplé, où les espaces géographiques sont très grands. Les coûts fixes à débourser pour faire installer des tours, par exemple, sont donc importants, ce qui crée naturellement des situations de monopole. C'est potentiellement une situation encore plus problématique que dans d'autres pays.
    En Europe, par exemple, la densité de population est grande et des tours peuvent être rentables lorsqu'elles sont installées les unes à côté des autres, ce qui fait que...
    En fait, il y a des radios l’une sur l'autre, sur la même tour.
    Vous voyez, c'est pour ça que nous vous posons des questions: vous connaissez ça mieux que nous.
    Vous voyez sans doute où je veux en venir. Vous avez parlé des frais d'itinérance, qui sont six fois plus importants au Canada qu'en Europe. À quoi ressemblent les frais d'itinérance aux États‑Unis?
    Par ailleurs, vous avez parlé des conflits que vous avez avec certains concurrents en matière de contrats d'itinérance. À cet égard, pensez-vous que nous devrions être encore moins tolérants que les autres pays envers cette interférence, étant donné l'importance particulière que ça revêt au Canada?
    Pour répondre à votre question, je vais vous résumer rapidement l'histoire de l'introduction de la concurrence dans le domaine du sans-fil.
    À l'époque, c'était le regretté Jim Prentice qui était ministre de l'Industrie lorsqu'il y a eu un processus d'enchères, auquel nous avons participé. Il avait fait en sorte de réserver des licences du spectre pour que la concurrence puisse s'introduire. Il y avait également d'autres conditions, dont le partage des infrastructures. En effet, pourquoi construirait-on trois tours l'une à côté de l'autre, soit une pour Bell, une pour Telus et une pour Rogers, en plus d'une autre pour un nouvel acteur qui ferait son entrée dans l'industrie, alors qu'on serait en mesure de s'installer sur la même tour?
    Aux États‑Unis, c'est d'ailleurs un modèle d'affaires. Les tours n'appartiennent plus aux opérateurs, mais bien à des compagnies de tours, qu'on appelle les « towercos ». Vous remarquerez que, sur ces tours, il y a des radios de toutes les compagnies.
    Ici, au Canada, on a décidé de faire les choses autrement. Nous avons été obligés, pour la plupart, de construire des tours ou d'installer des radios sur les édifices. C'est sûr que ce n'est pas la meilleure des choses.
    Ensuite, il y a eu l'itinérance obligatoire. En effet, lorsqu'on sortait d'un territoire, on devait pouvoir avoir accès à un autre territoire. Nous avions négocié ça avec Rogers. Freedom Mobile, de son côté, n'avait pas ce privilège, si je peux m'exprimer ainsi. Chaque fois qu'on changeait de territoire, on perdait la communication et on devait rappeler son interlocuteur. C'était une expérience client extrêmement mauvaise.
    Or, tout ça a évolué. Les conditions y ont contribué. Je pense que le CRTC a bien compris les défis. On doit parfois entrer dans les détails, et les enjeux sont nombreux. Comme le dit la formule, le diable est dans les détails. Les choses évoluent au fur et à mesure de cette explication. Maintenant, le CRTC et le ministère de l'Industrie conviennent très bien de ces défis et s'engagent vers leur résolution.
    Par contre, c'est toujours aux mêmes problèmes que nous faisons face: des délais implacables, des contestations judiciaires, des contestations réglementaires. Nous sommes obligés d'intenter des poursuites devant les tribunaux. Par exemple, Québecor a dû poursuivre Bell.

  (1830)  

    J'ai une question technique pour vous, par curiosité.
    Vous avez parlé d'un processus d'appel de l'issue d'un arbitrage avec Rogers. Par définition, n'est-ce pas le propre d'un arbitrage que de ne pas interjeter appel?
    Je ne peux pas être en désaccord avec ça. Le propre de l'arbitrage est justement d'éviter le recours aux tribunaux.
    Je vais demander à Mme Tabet de vous répondre, monsieur Garon. Elle s'occupe de ça de façon quotidienne. M. Lescadres, c'est le monsieur des chiffres; elle, c'est la madame de la réglementation.
    En fait, je pense que vous avez répondu, parce que...
     Ce qu'elle va vous dire sera très intéressant.
    En fait, une décision d'arbitrage ne peut pas être revue par le CRTC, justement parce qu'elle est exécutoire. Elle peut faire l'objet d'un appel seulement à la cour.
    Comme vous le dites, ce n'est pas normal d'en appeler d'une décision d'arbitrage. En ce qui concerne le CRTC, c'est impossible.
    Quand vous avez dit ça, j'ai un peu sursauté. Il me semble que c'est un peu contre nature.
    La transaction Rogers-Shaw a beaucoup fait parler. Elle vous a permis d'aller chercher Freedom Mobile. Un professeur de l'Université de Toronto a décrit la transaction en disant que c'était un peu comme si on réorganisait les sièges à bord du Titanic. L'iceberg demeure en avant. Dans la vision d'ensemble du marché, il va encore manquer de concurrence pendant longtemps.
    Il a été mentionné que, puisque l'environnement concurrentiel canadien laissait très peu de place à de nouveaux acteurs — vous êtes une anomalie là-dedans, et je le dis de façon positive —, il faudrait un jour que des concurrents étrangers entrent au Canada.
    Est-il inévitable que des concurrents étrangers, par exemple des entreprises américaines, viennent dans notre marché, si nous voulons que les Canadiens cessent un jour d'être ceux qui paient le plus cher au monde pour leurs services cellulaires?
    Comme je le disais un peu plus tôt, nous ne sommes d'aucune façon contre la concurrence. Si des compagnies américaines ou européennes veulent venir s'installer ici, le cadre réglementaire pourrait même leur paraître favorable, d'une certaine façon.
    Malgré tout, il y a de la concurrence. Vidéotron existe au Québec depuis de nombreuses années. Il y a aussi l'opérateur Eastlink Mobile dans les Maritimes. Freedom Mobile va venir s'installer. En fait, elle aurait pu s'installer plus rapidement, mais il y a eu un dédale de problèmes relativement à la propriété de Wind Mobile, qui est passée d'intérêts égyptiens à des intérêts russes. Il y a même eu un appel au Cabinet, à un certain moment, parce que les conditions de propriété canadienne n'avaient pas été remplies. Aujourd'hui, Wind Mobile est en de bonnes mains. Pardon, je parle ici de Freedom Mobile, qui était anciennement Wind Mobile. C'est un opérateur canadien qui a vocation à demeurer dans les télécommunications. Ce n'est pas une entreprise qui va procéder à une opération d'achat-revente de cet actif dans six mois ou dans trois ans.
    J'ai beaucoup de respect pour les fonds institutionnels américains, comme Blackstone, mais leur mission n'est pas d'être un opérateur de télécommunications. Leur mission est d'acheter des actifs et de les revendre. Or, ce n'est pas notre mission. Notre mission fondamentale et unique, c'est d'être un opérateur de télécommunications.
    Au fur et à mesure que le temps passe, nous entendons bien élargir notre réseau. D'ailleurs, aujourd'hui, nous sommes déjà en Colombie‑Britannique et en Alberta. Nous avons acheté du spectre pour être au Manitoba. Nous avons lancé récemment à Winnipeg notre marque Fizz, qui est entièrement numérique. Aujourd'hui, nous avons lancé une nouvelle offre, dont M. Lescadres pourrait rappeler les détails.

  (1835)  

    En réalité, nous avons lancé un forfait international avec Freedom Mobile, soit le forfait « Roam Beyond ».
    On a beaucoup parlé des frais d'itinérance internationale, qu'on qualifiait de démentiels. Les gens avaient peur d'utiliser leur cellulaire à l'étranger. Nous avons donc mis en place aujourd'hui un forfait de Vidéotron à un prix très compétitif qui permet aux gens d'aller dans plus de 25 pays sans s'inquiéter d'avoir de mauvaises surprises comme celles qui ont malheureusement teinté l'expérience de plusieurs clients par le passé.
    On parle ici de pays comme la Grande‑Bretagne, la France, l'Allemagne, Cuba, donc des pays où les Canadiens et les Québécois voyagent. On ne parle pas de pays de l'Asie du Sud‑Est. Évidemment, il y en a qui voyagent dans cette région. Cependant, en fonction de notre clientèle, nous nous concentrons sur ces pays pour ce qui est de nos forfaits permettant de profiter du service d'itinérance et du téléchargement de données.
    Merci.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Péladeau, et merci à votre équipe d'être ici. Lorsque vous comparaissez devant le Comité je sais que vous allez être direct et le Comité sera plus divertissant que d'habitude. C'est un compliment pour dire que nous obtenons de bons renseignements.
    Nous apprécions toujours vos questions.
    C'est important. J'ai toujours critiqué notre politique d'enchères sur le spectre. Je n'entrerai pas dans les détails, mais les Canadiens... Les gouvernements successifs ont ainsi recueilli quelque 25 milliards de dollars. Le spectre a été transféré. Parfois, il n'a pas été utilisé. Parfois, il est revendu.
    En ce qui concerne le spectre de Freedom Mobile, j'aimerais passer en revue certaines des conditions, parce qu'elles sont très intéressantes. Vous pourriez peut-être nous donner une idée de votre situation.
     Lorsque vous avez obtenu le spectre de Freedom Mobile pour Vidéotron, vous étiez censé offrir des forfaits mobiles en Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario. Au cours des 10 prochaines années, ils devront être 20 % moins chers que les forfaits équivalents. Ce qui est intéressant, c'est que vous avez aussi des comptes à rendre. Il pourrait y avoir des amendes et des pénalités si vous ne proposez pas ces forfaits, mais en même temps, vous êtes en concurrence avec les entreprises établies dans ces milieux. C'est un aspect curieux.
     Où en êtes-vous dans ce processus?
    Nous avons rempli toutes les conditions en sept mois. C'est dans notre intérêt. Nous le faisons parce que nous considérons que c'est le meilleur plan d'affaires pour la société. Au bout du compte, cela contribue aussi à faire baisser les prix pour les Canadiens.
    Vous avez parlé de réglementation. Cet exemple est vraiment intéressant. Le fait est que vous avez été soumis à la méthode de la carotte et du bâton. La carotte, c'était que Vidéotron obtenait le spectre, mais le bâton, c'était que si vous n'y arriviez pas et ne faisiez pas ce que vous étiez censé faire, vous auriez des amendes et des pénalités. Ces amendes et pénalités pouvaient également être imposées à ceux qui obtenaient le spectre. Qu'en pensez-vous?
     C'est une chose assez difficile à faire, non seulement à cause de l'argent et du capital nécessaires, mais aussi des amendes et des pénalités, dont vos concurrents étaient informés. Il s'agit d'informations publiques. Ils sont parfaitement au courant des conditions.
    Que pensez-vous des amendes, des pénalités et des autres conditions de déploiement du spectre, surtout dans les régions rurales et éloignées, où les Canadiens ne bénéficient pas du même soutien?
     Je crois comprendre que ces amendes et pénalités sont concomitantes à la transaction entre Freedom et Vidéotron, et dépendent aussi de l'action de l'industrie, afin que nous puissions introduire... Cette transaction exigeait le transfert de la licence par l'industrie. Pour obtenir ce transfert, il y avait des conditions assorties d'amendes et de pénalités.
    Permettez-moi d'être un peu plus direct. Mes questions étaient un peu confuses.
    Dans d'autres circonstances et dans d'autres domaines, seriez-vous d'accord pour que les titulaires de licences soient soumis à des amendes, des conditions et des pénalités comme celles‑ci en cas de non-respect des conditions de mise en œuvre?
    Nous serions tout à fait d'accord, parce que ce à quoi nous avons été confrontés — je le répète — ce sont des stratégies qui ont été utilisées par les titulaires pour ralentir, retarder, contester, aller devant les tribunaux, retourner devant le CRTC, et même aller devant le gouvernement. Le Conseil privé examine actuellement la décision Bell et dit: « Nous n'aimons pas cela. Nous devons la réexaminer. »
    Nous sommes habitués à cela. Rien n'arrête ces firmes parce qu'il n'y a pas de pénalités, il n'y a pas d'amendes, donc elles continueront. Elles ont un service de la réglementation qui emploie je ne sais combien de personnes. C'est une industrie en soi.
    D'accord.
    En tant que néo-démocrate, je m'intéresse vraiment à l'une des modalités. Il s'agissait de maintenir un nombre équivalent d'emplois directs et indirects pour les travailleurs qualifiés. Pouvez-vous nous dire si ce nombre a été maintenu, s'il a augmenté? L'objectif a‑t‑il été atteint? Je pense que vous l'avez respecté, mais je veux le confirmer.

  (1840)  

    À mesure que nous poursuivrons notre croissance, nous continuerons de travailler avec nos employés pour nous assurer que notre réseau est bien entretenu, parce qu'un réseau s'entretient chaque jour, chaque semaine, chaque mois. Nous allons continuer à construire, donc les gens vont construire le réseau et installer de nouveaux équipements. Par le passé, notre expérience a été... L'industrie de la câblodistribution est maintenant en déclin. Nous avons pu compenser ce déclin et même multiplier ce résultat par deux ou trois, parce que notre secteur du sans-fil est en croissance.
    En fait, nous sommes la seule entreprise, à l'exception d'Eastlink dans les Maritimes, qui soit arrivée récemment dans le secteur du sans-fil. Grâce à une stratégie que nous avons déployée, ce que nous perdrons dans le secteur de la câblodistribution — comme tous les autres câblodistributeurs en Amérique du Nord — nous pourrons le récupérer, et même davantage, avec les clients du sans-fil. Nous allons continuer de regrouper les offres. Nous continuerons de veiller à ce que les Canadiens aient la possibilité de regrouper Internet, le câble, le téléphone, le réseau filaire et le sans-fil. C'est quelque chose que nous faisons bien. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas réussir si vous n'offrez qu'un seul produit, mais nous allons continuer à regrouper les produits.
    C'est ce dont nous discuterons demain au CRTC. Il s'agit d'avoir accès au système filaire pour pouvoir regrouper l'accès sans fil et Internet avec les réseaux d'autres opérateurs, et cela dès le début, pour pouvoir le développer pour l'avenir.
    Merci, monsieur Masse.

[Français]

    Monsieur Généreux, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je remercie les témoins.
    Monsieur Péladeau, si je comprends bien, vous abusez des services de Mme Tabet sur le plan de la réglementation, puisqu'elle est seule face aux centaines d'autres personnes des trois grands acteurs du monde des télécommunications au Canada qui vous font concurrence.
    Elle n'est pas seule dans son service; ils sont deux.
    Des voix: Ha, ha!
    C'est ce que je disais.
    J'imagine que les autres acteurs que nous recevrons ici au cours des prochains jours ou des prochaines semaines vont nous dire que l'inflation et les taux d'intérêt ont influé sur le coût de leurs intrants et du personnel, notamment.
    Je dois dire que Jad Barsoum, qui se trouve derrière vous et qui fait partie de votre personnel à Ottawa, m'a envoyé de l'information sur le nouveau forfait dont M. Lescadres a parlé tantôt. Ce forfait me semble assez exceptionnel et intéressant.
    Comment êtes-vous en mesure d'offrir un produit comme celui-là aujourd'hui, compte tenu de l'augmentation des coûts qu'on observe partout, de l'inflation et de l'augmentation des salaires, entre autres?
    C'est la culture de l'entreprise. Nous respectons nos clients et nos clients nous respectent. Nous offrons des produits de qualité.
    Par exemple, avant même l'apparition de Netflix il y a un certain nombre d'années, nous avions déjà lancé un service de diffusion en continu, soit le Club illico, où on retrouvait des productions québécoises.
    Nous avons lancé la téléphonie filaire alors qu'au Québec ce service faisait l'objet d'un monopole depuis toujours. Le jour où nous avons proposé la téléphonie filaire aux Québécois, notre téléphone n'a pas cessé de sonner. Nous n'étions pas en mesure de répondre à tous les appels, tellement les gens qui détestaient Bell Canada étaient nombreux à nous appeler parce qu'ils voulaient faire affaire avec un fournisseur autre que Bell. C'était inscrit profondément dans leurs gènes.
    Nous avons gagné des clients par notre capacité à offrir des prix plus compétitifs. Nous continuons à générer des flux de trésorerie importants et nous les réinvestissons systématiquement. Les autres entreprises font-elles la même chose? Je n'en sais rien.
    Si je ne m'abuse, vous partagez des tours avec Rogers au Québec, par exemple, n'est-ce pas? Est-ce que vous le faites ailleurs au Canada également?
    Pour les services que vous offrez et vos nouveaux produits, j'imagine que vous avez des ententes de collaboration avec d'autres partenaires. Vous n'allez pas mettre de nouvelles tours dans l'Ouest et dans le reste du Canada, bien entendu.
    Est-ce que ces ententes vous sont favorables?
    Nous n'avons pas d'entente avec les autres opérateurs canadiens à l'extérieur du Québec.
    C'est vrai que nous avions une entente avec Rogers. Nous avions même un projet commun, qui s'appelait Teamnet, dans le cadre duquel le réseau était utilisé par les deux entreprises. Nous pouvions installer nos radios sur la même tour. Malheureusement, la présidence qui a précédé celle qui existe aujourd'hui a décidé de mettre fin de façon unilatérale à cette entente.

  (1845)  

    Cette entente s'appliquait donc au Québec, mais, si je comprends bien, ce n'est plus le cas.
    C'est exact. Il n'y en a plus au Québec non plus.
    Est-ce que vous avez encore des licences de spectre qui sont non utilisées? Vous avez dit tantôt qu'à partir du moment où vous les achetiez, vous disposiez de sept ans pour mettre en place les services. Avez-vous des licences de spectre acquises lors des dernières enchères qui demeurent inutilisées actuellement et qui vous permettront d'aller au Manitoba ou en Saskatchewan, par exemple, ou ailleurs?
    Nous avons acheté du spectre en Alberta, en Colombie‑Britannique et en Ontario lors des enchères des licences de spectre de la bande de 3 500 mégahertz. Nous allons commencer à déployer la 5G pour ce spectre.
    Il y a eu des enchères subséquentes, qu'on a appelées les enchères des licences de spectre de la bande de 3 800 mégahertz. Elles sont quand même relativement récentes. Nous n'avons même pas encore payé la totalité des coûts; nous en avons payé 20 %. Ces enchères ont eu lieu au mois de novembre et ont duré environ un mois. Les licences acquises lors de ces enchères feront également l'objet d'un déploiement de services dans les années à venir.
    Le spectre est un actif, un bien public d'importance qui est incontournable pour des opérateurs de télécommunications. La technologie se déploie au fur et à mesure. Nous ne pouvons pas tout installer en même temps. Ces spectres seront utilisés pour la rapidité et le débit. Je ne suis pas ingénieur, mais, à ma connaissance, certains des spectres de basse fréquence, comme les 600 mégahertz, serviront au débit, tandis que ceux de haute fréquence serviront à la vitesse. Une combinaison des deux permet justement de transporter énormément de données numériques, donc des gigaoctets. D'ailleurs, c'est de plus en plus l'utilisation principale que nous faisons de nos appareils sans fil. Leur utilisation à des fins vocales est en déclin. Ce qui est en forte augmentation, ce sont les données numériques, que ce soit pour Netflix, des textos, des courriels ou des téléchargements. C'est ça, la grosse affaire.
    Monsieur Lescadres, est-ce que vous êtes en mesure de nous dire...
    Merci, monsieur Généreux. Je suis désolé de vous interrompre, mais nous avons un horaire un peu plus serré aujourd'hui. Je dois donc être moins libéral que d'habitude pour la gestion du temps.
    Madame Lapointe, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue M. Sorbara.
    Bienvenue, monsieur Péladeau.
    Ma question touche un peu aux éléments soulevés par M. Masse. En ce qui concerne l'achat de Freedom Mobile par Québecor, vous avez déclaré ceci, en août 2022: « […] nous sommes déterminés à continuer à développer les actifs de Freedom. » Vous avez ajouté ceci: « Nos solides antécédents, combinés à la solide empreinte canadienne de Freedom, nous permettront d'offrir aux consommateurs de la Colombie‑Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario plus de choix, de valeur et d'abordabilité grâce à des forfaits multiservices à prix réduit et à des produits novateurs. »
    En effet, en avril 2023, le PDG de Rogers, Tony Staffieri, a promis que les prix baisseraient pour les clients, mais Rogers a récemment annoncé des augmentations de prix.
    Pouvez-vous dire aux membres de ce comité ce que Québecor a fait pour réduire les prix depuis cette déclaration en août 2022?
    Nous allons le faire avec plaisir, madame la députée.
    Mon collègue M. Lescadres a déjà parlé un peu de propositions et d'offres qui ont été faites aux Canadiens. Comme je le mentionnais, tous les jours, des centaines de nouveaux clients viennent s'ajouter, systématiquement. Il suffit de regarder ce que nous appelons dans notre industrie le ratio de transfert de numéro, c'est-à-dire le nombre de clients qui s'abonnent aux services par rapport à ceux qui se désabonnent. Je pense que ça en dit beaucoup. Comme opérateur, nous perdons toujours des clients, mais l'important est d'en gagner plus que nous en perdons. C'est assez simple, n'est-ce pas? On appelle ça un ratio. Aujourd'hui, nous avons le ratio le plus élevé que nous n'avons jamais vu, c'est-à-dire que, tous les jours, nous gagnons toujours plus de clients que nous en perdons. Ça dit bien ce que ça veut dire. Ça veut dire que les Canadiens et les Canadiennes adorent les propositions de Freedom Mobile et délaissent leurs propositions précédentes pour devenir dorénavant des clients de Freedom Mobile. Pourquoi est-ce le cas? C'est parce que nous proposons dans l'ensemble du pays des forfaits 5G à des tarifs beaucoup plus bas que ceux proposés par nos concurrents.
    Le marché est extrêmement concurrentiel, malgré tout. Il y a ce qu'on appelle les marques principales, comme Telus, Bell et Rogers. On peut également considérer que Vidéotron est une marque principale. Ensuite, il y a les marques défensives, dont Koodo et Fido. La marque Fizz en est une autre, mais elle est un peu différente, puisqu'elle est entièrement numérique. Autrement dit, il n'y a pas de centre d'appels chez Fizz. Si vous voulez avoir un abonnement chez Fizz, vous devez prendre votre ordinateur, aller sur le site Web et bâtir votre offre, en précisant combien de gigaoctets vous voulez, si vous voulez une boîte vocale, si vous voulez des données en itinérance, et ainsi de suite. Au fur et à mesure, le prix va changer. Vous payez, puis on va vous envoyer votre carte SIM, qui vous donnera accès aux services que vous avez commandés.
    Ce sont des éléments comme ceux-là qui font que nous satisfaisons les besoins et les désirs des citoyens canadiens. Le résultat est là: notre ratio est positif en permanence.

  (1850)  

    Merci, monsieur Péladeau.

[Traduction]

     La parole est à vous, monsieur Sorbara.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Lapointe.
    Bonsoir, monsieur Péladeau. Bienvenue au Comité.

[Traduction]

    Le communiqué de presse d'août 2022 sur l'achèvement de l'acquisition de Freedom Mobile se lit comme suit: « Nous avons démontré que nous sommes le meilleur joueur pour créer une véritable concurrence et perturber le marché. »

[Français]

    Monsieur Péladeau, j'aime la concurrence et j'aime l'innovation.

[Traduction]

    J'étais dans le secteur privé avant d'entrer en politique, à Bay Street et à Wall Street, et j'aime le capitalisme. Je veux plus de concurrence. Je veux plus de création de richesse. Je veux des prix plus bas et de l'innovation.
     Comment se porte votre entreprise jusqu'à maintenant, de la date d'acquisition jusqu'à aujourd'hui?
    Je dirais que nous nous en tirons plutôt bien et que nous sommes très satisfaits. Nous publierons nos chiffres du quatrième trimestre la semaine prochaine. Je pense que nous serons en mesure de montrer nos résultats.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous — je le répète — pour dire que l'innovation est très importante. Nous savons que dans un monde de mondialisation, nous sommes en concurrence avec d'autres pays. Nous voulons réussir. C'est pourquoi l'innovation est l'un des facteurs les plus importants. En innovant dans nos propres entreprises, nous participons à cet élan et sommes en mesure d'être gagnants.
    Nous innovons avec Fizz, dont je viens de parler. Nous avons été la première entreprise canadienne de télécommunications à lancer une entreprise entièrement numérique. Nous avons été la première entreprise de services sans fil à s'implanter à l'échelle nationale.
    Nous avons hâte. Évidemment, je ne vais pas vous donner tous les détails, parce qu'on ne veut pas réveiller la concurrence — elle va se réveiller après la présentation de nos offres —, mais on est loin de manquer de nouvelles solutions.
    J'imagine que si je regardais vos données financières — le RMPU, le revenu moyen par utilisateur, vos nouveaux abonnés nets et les endroits où vous exercez vos activités — je verrais une croissance très rapide.
    J'ai une dernière question, et je serai très bref.
    Nous sommes consommateurs canadiens d'un produit sans fil, et bon nombre d'entre nous voyagent à l'étranger, et nous voyons une situation similaire lorsque nous allons en Europe. Vous pouvez acheter une carte SIM et charger un paquet de gigaoctets de données sur votre téléphone. C'est très bon marché et c'est très facile.
     Si vous deviez expliquer à vos clients les différences entre ce qu'ils vivent au Canada et dans d'autres pays, que leur diriez-vous?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît, monsieur Péladeau.
    Eh bien, venez nous voir et examinez nos offres, et vous serez en mesure de comprendre très rapidement que nos propositions sont meilleures. Je dirais que nous sommes maintenant mieux placés face à la concurrence et pour soutenir la comparaison avec les prix pratiqués ailleurs, surtout en Europe et aux États‑Unis.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Garon, la parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais faire ça vite, parce que, de son aveu même, M. le président est un peu moins libéral que d'habitude. En fait, je trouve que c'est une très bonne chose et une grande qualité.
    Des voix: Ha, ha!

  (1855)  

    C'est seulement pour le temps de parole, monsieur Garon.
    Ah, d'accord. C'est toujours important de le préciser.
    J'aimerais qu'on parle des frais d'itinérance. Le Comité va recevoir des représentants d'entreprises qui sont vos concurrentes, comme Rogers et Bell. Évidemment, nous allons leur poser des questions sur les ententes d'itinérance et sur les conflits en la matière. Il me semble que les frais d'itinérance sont un élément central du coût des forfaits. Ces représentants vont probablement nous dire que ça coûte cher, que les tours coûtent cher, que la construction coûte cher, que le territoire est grand et que c'est épouvantable.
    J'aimerais savoir quel est le coût réel des services d'itinérance pour les entreprises. Je sais qu'il y a des coûts fixes et que les coûts variables sont très bas. Il y a peut-être un coût de congestion. Pourquoi est-ce aussi cher, en réalité?
    C'est un grand débat. On essaie d'établir les tarifs et les coûts. Pour ce faire, il y a plusieurs formules et plusieurs scénarios.
    Vous avez raison, monsieur le député, ces gens disent toujours la même chose. C'est du baratin. Ils nous disent que le pays est grand et que ça prend plus de tours. Tout le monde sait ça. Pourtant, nous ne sommes pas le seul grand pays en Amérique ou sur la planète. Lorsque nous nous comparons, nous constatons hors de tout doute que nos prix sont beaucoup plus élevés.
    C'est une vache à lait pour ces entreprises.
    Vous avez dit que les frais d'itinérance étaient six fois plus chers ici qu'en Europe. Si nous avions les mêmes prix qu'en Europe, est-ce que ce serait encore rentable pour ces entreprises? Avez-vous fait des calculs?
    C'est sûr que ce serait rentable.
    C'est comme quand ces opérateurs disent qu'ils vont arrêter d'investir. Nous sommes tellement habitués à ce discours, c'est toujours la même chose. Pensez-vous un seul moment qu'ils vont arrêter d'investir? Il n'y a pas une entreprise qui va arrêter d'investir, parce que, si elle le faisait, elle se ferait prendre son marché par la concurrence.
    C'est d'autant plus problématique pour Bell et sa technologie d'antan. En effet, Bell a été le dernier opérateur de télécommunications à investir dans la fibre. Tous les autres opérateurs nord-américains, comme AT&T, Verizon, et même Telus, avaient investi dans la fibre bien avant. Bell est arrivée en retard. Qu'est-ce qui l'a incitée? Comme opérateur, Bell perdait des parts de marché importantes. Elle n'avait plus le choix.
    Aujourd'hui, si on arrête d'investir dans la fibre, on va perdre des clients, purement et simplement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais attendre à la fin, monsieur le président, parce que j'ai des questions d'intendance à soumettre au Comité et que je ne veux pas empiéter sur le temps des autres députés.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je cède donc la parole à M. Perkins.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Masse.
    Merci beaucoup, monsieur Péladeau, de votre comparution enthousiaste devant le Comité. J'aurais aimé que les trois autres soient aussi enthousiastes. Il s'est avéré un peu plus difficile de les faire venir, mais peut-être avez-vous suscité une nouvelle attention de leur part, alors merci.
    Monsieur Péladeau, vous avez dit qu'au sein de votre entreprise, les prix étaient gelés. À ce stade‑ci, allez-vous réagir en baissant les prix? Même si nos prix ont baissé au Canada, les prix de Rogers, de Telus et de Bell, en tout cas, n'ont diminué que dans les mêmes proportions à l'international, et ils demeurent toujours au premier, au deuxième et au troisième rang des entreprises de téléphonie cellulaire les plus coûteuses au monde. Vous pourriez faire baisser encore plus leurs prix en étant plus concurrentiels. Je sais que vous avez une entreprise à exploiter et un rendement à produire pour vos actionnaires, mais...
    Je pense que la politique qu'ils proposent est mauvaise, et ce sera à leur détriment. Je ne serai pas surpris qu'ils changent d'idée et qu'ils continuent de soutenir la concurrence. Ils ont toujours essayé d'augmenter leurs prix. Cela a été la mentalité de l'industrie des télécommunications dans cet environnement oligopolistique.
    C'est pourquoi, encore une fois, un quatrième opérateur est là pour changer les choses, pour secouer le marché, pour s'assurer que les Canadiens bénéficient de meilleurs prix, de meilleures propositions, de meilleurs produits et d'un meilleur service. Il ne s'agit pas seulement des prix, mais aussi du service. Combien de fois avons-nous entendu des plaintes au sujet de Bell et de son très mauvais service? Nous traitons nos clients de la façon dont ils aiment être traités.
     Je comprends cela.
    Je reviendrai sur la question des prix si j'en ai le temps.
    Vous avez dit que les prix de l'itinérance sont six fois plus élevés. C'est aussi lié au fait, je crois, que le CRTC a maintenu les tarifs à la hausse et ne les a pas modifiés depuis cinq ou six ans.
    Y a‑t‑il d'autres politiques gouvernementales — à part le coût du spectre — qui maintiennent vos prix à un niveau supérieur à ce qu'ils devraient être pour rester plus concurrentiels à l'échelle mondiale?
    Mme Tabet aimerait vous donner le prix auquel nous avons dû faire face dans le contexte de l'itinérance.
    En plus de l'itinérance, y a‑t‑il autre chose?
    Le prix de l'itinérance est très élevé. C'est un élément très important pour nous permettre d'être concurrentiels sur ce marché.
    Pour vous donner une idée, le tarif réglementé de Bell est de 13,67 $, alors qu'en 2004, à la Commission européenne, il était de 2,25 $ canadiens soit 1,55 euro. Quand on dit six fois moins, c'est énorme. Voilà pour Bell. Telus coûte 14 $ et Rogers aussi. C'est vraiment trop élevé.
    C'est l'élément principal.

  (1900)  

    Merci.
    C'est l'élément le plus important dans le développement d'une quatrième entreprise de télécommunications nationale.
    Qu'en est‑il des autres questions, comme le fait de profiter des opérateurs de réseau virtuel mobile, les ORVM, des politiques et des tarifs en matière de liaison terrestre, et de ce que vos concurrents font pour vous empêcher d'avoir accès à ces choix par d'autres moyens?
    Vous avez raison de parler de liaison terrestre, mais nous avons négocié cela dans le cadre de la transaction avec Rogers.
    Monsieur Lescadres, vous avez peut-être d'autres choses à ajouter?
    Comme je l'ai dit, nous avons hâte d'avoir un prix réglementé qui nous permettra de soutenir la concurrence sur le plan des forfaits. Par conséquent, nous serons en mesure de présenter des offres groupées qui seront abordables et concurrentielles par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, ce n'est pas un événement ponctuel. L'industrie évolue, la construction augmente et la situation va évoluer chaque année. À l'heure actuelle, la construction augmente de plus de 25 % par année. Par conséquent, le taux d'itinérance doit suivre très rapidement.
    Vous parlez de ce que nous pouvons faire. Il est possible de mettre un terme à l'ensemble des tentatives dont nous avons parlé et qui visent aujourd'hui à tout retarder. Nous sommes toujours dans l'expectative. Nous obtenons une décision, mais elle n'est pas appliquée, puis elle est portée en appel.
    Comment pouvons-nous mettre fin à ces pratiques et avoir une idée claire de ce que seraient nos coûts, afin que nous puissions nous appuyer sur ces coûts pour offrir des prix plus bas aux Canadiens?
    Je comprends.
    Il y a deux ans, vous avez acheté 294 permis de 3 500 mégahertz pour plus de 800 millions de dollars. En novembre, si je ne m'abuse, vous avez acheté 300 autres permis pour près de 300 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent et beaucoup de spectre. Je suppose que vous n'avez pas l'intention de vendre quoi que ce soit et que vous êtes en train de déployer ces capacités.
    Où en êtes-vous dans le déploiement du spectre d'il y a deux ans?
    Je me souviens que M. Masse, dans un comité précédent, a demandé si le spectre était un objet de spéculation parce que nous avons vu des détenteurs le vendre. Ce qui est drôle, c'est que nous avons vendu du spectre à Shaw, que nous avons ensuite racheté. Au bout du compte, nous utilisons le spectre. L'une des entreprises s'en sert.
    Aujourd'hui, compte tenu de la façon dont les règles afférentes au spectre évoluent avec l'industrie, vous êtes forcés de construire. Il faut être un opérateur de télécommunications. Vous ne pouvez pas être une banque privée ou une entreprise agricole. Il faut être un opérateur de télécommunications. Une fois que vous avez acheté du spectre, vous avez sept ans pour construire et vous ne pouvez pas le vendre. Les règles sont plus strictes et, au bout du compte, l'industrie a tenu compte de certains des commentaires négatifs qui ont été formulés au sujet des règles d'acquisition ou de vente aux enchères du spectre.
    Dans vos coûts d'exploitation globaux, quelle est la part des droits de licence de spectre dans les coûts d'immobilisations et les coûts d'exploitation permanents des licences?
    Je ne suis pas en mesure de vous donner un chiffre.
    Tout d'abord, il y a eu de nombreuses enchères sur le spectre. Certaines licences de spectre sont plus utilisées que d'autres. Une vente aux enchères du spectre a eu lieu en 2008 et une autre en 2012, alors vous en avez beaucoup. Certaines sont plus amorties que d'autres, donc...
     On me dit que c'est plus de 20 % pour les autres fournisseurs, les petits fournisseurs.
    Eh bien, cela dépend aussi de la taille de votre marché et du nombre de clients que vous desservez.
    De plus, cela dépend du nombre d'années d'amortissement. C'est l'élément le plus important pour déterminer l'effet. Vous avez parlé de 3 500 mégahertz. Si vous prenez ces 800 millions de dollars, cela dépend du nombre d'années. Il faut en tenir compte, car je crois que cela fait une grande différence.
    Bien sûr, c'est un coût important pour exploiter un réseau. Je pense que c'est évident. Je pense qu'un effort a été fait, comme nous l'avons vu, avec ces 3 800 mégahertz qui ont constitué l'enchère la moins élevée sur le spectre. À mon avis, c'était une bonne formule, au bout du compte, pour offrir un prix plus bas aux Canadiens.
    Plus le calendrier d'amortissement est court, plus la proportion sera grande. Un spectre a été donné en 1985, les titulaires ne l'ont pas acheté et il n'a pas été mis aux enchères. Est‑il entièrement amorti? Certainement. Est‑il toujours utilisé? Absolument.
    Quelle est donc la proportion? Encore une fois, cela dépend du spectre dont vous parlez.

  (1905)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Turnbull, allez‑y pour notre dernière série de questions.
    D'accord. Parfait.
    Nous sommes très heureux de vous accueillir, vous et votre équipe, monsieur Péladeau. Je suis très emballé par votre histoire et par l'énergie et la passion que vous apportez à la conversation d'aujourd'hui. Je pense que vous secouez le cocotier et que vous perturbez le marché dans l'intérêt des Canadiens, car il me semble que vous réduisez les prix et que vous accroissez la concurrence.
    J'aimerais vous poser une question simple. C'est le ministre de l'Industrie qui a imposé des conditions à la fusion Rogers-Shaw, ce qui a permis à Québecor d'obtenir Freedom Mobile, ce qui est directement à l'origine d'une concurrence accrue. Êtes-vous d'accord?
    Rogers-Shaw s'intéresse davantage à Internet qu'à la câblodistribution. La firme se sépare du marché du sans-fil et nous l'acquérons. L'accès au câble et à Internet sera plus concurrentiel à l'avenir. Comme vous le savez, Telus est l'exploitant de télécommunications dans l'Ouest. Va‑t‑il imposer davantage de concurrence? Je ne sais pas. Nous verrons.
    Ce facteur aura‑t‑il aussi un effet dissuasif sur la combinaison du sans-fil et du filaire? Ce n'est pas impossible. En Colombie-Britannique et en Alberta, nous avons un seul réseau sans fil. Il y a aussi une nouvelle technologie qui s'en vient et, en ce qui concerne le spectre, nous continuerons d'en avoir besoin de plus en plus. C'est ce que nous appelons l'accès fixe sans fil. Au lieu d'avoir un accès Internet filaire, vous aurez des tours capables de livrer Internet chez vous, sur votre ordinateur ou pour regarder la télévision. La technologie le permettra sans aucun doute. Encore une fois, cela aidera les Canadiens à obtenir de meilleures propositions et de meilleures innovations, et nous avons hâte de le faire.
    Nous pensons qu'il faut aussi régler la question des prix convenables et réglementés pour l'accès à Internet ou au réseau filaire des titulaires Telus, Rogers et Bell, en particulier concernant la fibre optique. Elle fait l'objet d'un examen, et Bell rencontre le gouvernement, pour pouvoir dire, vous savez, le CRTC n'a pas la compétence de faire cela. C'est ce que nous voyons depuis toujours, et cela se répète encore et encore.
    Merci de cette réponse.
    J'ai une question très générale à vous poser. La concurrence augmente‑t‑elle à la suite de votre entrée sur le marché?
    Cela ne fait aucun doute.
    Je vais vous montrer quelque chose qui me semble intéressant. Évidemment, comme vous pouvez l'imaginer, nous examinons les prix tous les jours ainsi que les prix des concurrents. Ce sont des promotions... Non, pas des promotions, mais des propositions de Bell. Cela a commencé à 85 $ pour 25 gigaoctets.
    C'était l'année dernière.
    Oui. C'était l'année dernière.
    Cette année, pour 75 gigaoctets, c'est 65 $. Vous avez plus de gigaoctets à un prix inférieur. Pourquoi? Parce que Freedom Mobile est là et baisse les prix. Bell n'a d'autre choix que de suivre ou de perdre des clients.
     Certains partis politiques nous ont dit que les prix augmentaient, et c'est faux, comme l'indique votre témoignage d'aujourd'hui. Ce que vous avez démontré, et ce que Statistique Canada a conclu de façon générale au sujet du marché canadien, c'est que les prix baissent considérablement. N'est‑ce pas?
    Vous savez, ce n'est pas moi qui le dit, c'est Statistique Canada.
    Donc, de votre point de vue, les prix sont sans aucun doute à la baisse.
    Oui, c'est ce qui est dit. Le CRTC et l'industrie ont dit la même chose. Le CRTC est probablement moins politique que l'industrie. Et j'espère que Statistique Canada ne l'est pas du tout.

  (1910)  

    C'est très bien.
    Votre part de marché augmente parce que vous vous démarquez et que vous offrez des prix plus concurrentiels, n'est‑ce pas?
    Absolument.
    Votre réussite est donc directement attribuable au fait que vous avez acquis ces actifs et que vous êtes entré sur le marché. Vous augmentez la concurrence et perturbez le marché, ce qui fait baisser les prix.
    Tout à fait.
    D'accord, c'est parfait.
    Ma dernière question porte sur Fizz. Fizz est une nouvelle offre que vous proposez, et elle semble différente de ce qui existe sur le marché. Pouvez-vous nous expliquer comment cette offre accroît la concurrence et différencie davantage votre marque?
    Je dirais que c'est un produit qui plaît aux spécialistes de la technologie, aux jeunes qui n'ont pas besoin d'un centre d'appels. En fait, ils n'aiment pas les centres d'appels. Ils veulent gérer les choses eux-mêmes. Ils vont sur le Web. Ils commandent ce qu'ils veulent. Ils peuvent régler leurs problèmes. Il y a un centre d'appels, mais ce n'en est pas un. Si vous avez un problème, vous utilisez votre ordinateur ou votre téléphone. Vous posez la question, et nous vous répondrons.
    Il s'agit d'une chose dont j'ai déjà parlé: l'innovation. C'est quelque chose qui n'existait pas. Cela s'adresse à une clientèle qui n'était plus prise en charge, et le prix est plus avantageux parce qu'on commande ce qu'on veut. Si vous voulez trois gigaoctets, cinq gigaoctets ou dix gigaoctets, le prix ne sera pas le même. Chaque fois que vous augmentez ou réduisez la quantité de données que vous voulez, le prix change.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Péladeau.
    Merci beaucoup, monsieur Turnbull.
    Merci, monsieur Péladeau, d'avoir témoigné ce soir pour lancer cette étude.
    Avant de vous donner la parole, monsieur Masse, pour votre motion, je m'attends à la question que va poser mon collègue, le député Perkins, alors je vais y répondre tout de suite.
    Comme vous le savez, nous avons eu des problèmes d'horaire pour... Oui, si vous voulez poser la question, vous le pouvez, monsieur Perkins.
    Merci.
    Comme vous le savez, nous avons déposé auprès de la greffière cette motion visant à convoquer les deux autres PDG, qui étaient réticents à venir. J'aimerais vous demander... Je pense qu'à l'heure actuelle, il y a des indications selon lesquelles ils pourraient maintenant céder et venir.
    Oui, je suis heureux d'annoncer que lorsque nous reviendrons de notre semaine de relâche, nous inviterons Rogers et Telus à comparaître devant le Comité, puis, en mars, nous avons une entente selon laquelle Bell comparaîtra également. Nous pourrons donc poser nos questions, au nom des Canadiens, aux trois autres grands intervenants du secteur.

[Français]

    Monsieur Péladeau, je vous remercie d'avoir participé à notre étude.
    Cela dit, attendez un instant, monsieur Généreux, car la réunion n'est pas encore terminée.
    M. Masse a une motion à présenter, alors je lui cède la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai renoncé à ma dernière série de questions pour ne pas empiéter sur le temps des témoins, et je serai très bref.
    Le 8 février, j'ai déposé une motion sur l'automobile. Je ne la lirai pas au complet, mais elle demande aux constructeurs d'automobiles de faire rapport au Comité — pour que nous n'ayons pas à y consacrer de temps — sur ce qu'ils font pour réduire le vol d'automobiles, et ils sont prêts à le faire. Le seul changement que je souhaite faire est d'ajouter Tesla au groupe, car j'ai oublié cette entreprise.
    Je vais simplement demander s'il y a consensus ou si nous devons voter. Je ne veux pas empiéter sur le temps du Comité, mais j'espère que nous pourrons adopter cette motion.
     Je vois que tout le monde est d'accord.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Merci, chers collègues.

[Français]

    Attendez, chers collègues, la réunion n'est pas terminée. M. Garon a demandé à prendre la parole.
    Monsieur le président, après avoir étudié le Règlement de la Chambre, je pense qu'il est approprié, à titre exceptionnel, de vous souhaiter, ainsi qu'aux autres membres du Comité, aux témoins et à ma femme ici présente, une excellente Saint‑Valentin.
    Merci beaucoup. Je souhaite une bonne Saint‑Valentin à tous.
    La séance est maintenant levée.
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