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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la sixième réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à la motion adoptée le mardi 8 février, le Comité se réunit pour examiner la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous une forme hybride conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les députés participent en personne, dans la salle, ou à distance, au moyen de l'application Zoom. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Pour ce qui est d'une liste des intervenants, le greffier du Comité et moi ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des interventions pour tous les députés, qu'ils soient là virtuellement ou en personne.
Avant d'accueillir les témoins, je tiens à vous informer que j'utilise un petit carton et que je le soulèverai lorsqu'il vous restera 30 secondes. Lorsque votre temps sera écoulé, je le soulèverai. Par respect pour le temps, je demande à tout le monde de s'y conformer. C'est le seul moyen pour que tous nos membres puissent poser leurs questions. Si vous ratez quelque chose, vous pouvez généralement l'ajouter dans la partie des questions et des réponses de la réunion.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. Il y a certains témoins avec qui nous tentons toujours d'établir une connexion. Notre greffier est en train de le faire.
Vous pouvez parler pendant cinq minutes en tant que témoin pour votre groupe, puis ce sera au prochain témoin. Par la suite, il y aura des tours de questions et de réponses.
Le premier témoin est Jenn Clamen, de l'Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.
Vous avez cinq minutes.
Notre alliance est composée de 25 groupes de défense des travailleuses et des travailleurs du sexe à l'échelle du Canada. La plupart de ces groupes sont dirigés par des travailleuses et des travailleurs de l'industrie du sexe qui vivent les répercussions de la LPCPVE et qui offrent à des milliers de travailleuses et travailleurs du sexe des services de première ligne et des services de défense des droits.
Je vais utiliser mon temps aujourd'hui pour dissiper une partie des mythes, de la désinformation et des déclarations sans fondement que le Comité a entendus au cours des trois dernières semaines. Ce faisant, mon intention est de rediriger votre attention vers des recherches empiriques rigoureuses dont vous avez besoin pour mener à bien votre tâche d'étude des répercussions de la LPCPVE.
L'un de ces mythes tient à cette division erronée entre les survivantes exploitées, d'une part, et les travailleuses du sexe indépendantes ou les entrepreneures, d'autre part. Tous les témoins, y compris les travailleuses du sexe, présentent des preuves concernant des personnes qui vendent ou échangent des services sexuels dans des circonstances difficiles, la plupart avec des options limitées, et pourtant, une fausse division est créée, comme si les expériences des gens tombaient dans l'une des deux catégories suivantes: les personnes qui ont un pouvoir et ne subissent pas de violence et celles qui subissent de la violence et n'ont pas de pouvoir.
De nombreuses travailleuses du sexe sont effectivement victimes d'exploitation et de violence. Les travailleuses du sexe du pays, voire du monde entier, reconnaissent que cela est dû en partie aux effets de la criminalisation. Reconnaître les effets néfastes de la criminalisation ne signifie pas que l'on abandonne un groupe au détriment d'un autre. Cela signifie plutôt que vous reconnaissez le fonctionnement de la criminalisation et en particulier son incidence négative sur les travailleuses du sexe les plus marginalisées qui vivent et travaillent dans les conditions les plus difficiles. La criminalisation est un outil qui encourage le profilage social et racial. C'est un moyen de dissuasion absolue pour quiconque envisage de dénoncer la violence, les mauvais traitements ou l'exploitation.
Les partisans de la LPCPVE affirment que l'âge moyen d'entrée est de 12 à 14 ans. Cette affirmation est discréditée. Les jeunes sont victimes de mauvais traitements, tant dans l'industrie du sexe qu'en dehors, mais les salons de massage, les clubs de strip-tease est les agences ne regorgent pas de jeunes de 12 et 13 ans. Ce n'est pas l'âge moyen auquel les gens commencent à vendre ou à échanger des services sexuels.
La désinformation sur l'âge d'entrée moyen dans l'industrie du sexe est ce que le chercheur John Lowman appelle la « pierre angulaire de la rhétorique prohibitionniste ». Selon lui, « traiter les prostituées comme des enfants permet aux prohibitionnistes d'affirmer plus facilement que [les femmes] doivent être sauvées de [nous-mêmes] ».
Des affirmations discréditées sur l'âge d'entrée sont diffusées par les partisans de la criminalisation et de la LPCPVE. Les recherches empiriques les plus récentes brossent un tableau très différent. Une étude de 2018 de Cecilia Benoit révèle que l'âge d'entrée moyen est de 24 ans. Une étude de 2011 de van der Meulen l'a établi à 20 ans. Une étude réalisée en 2007 par O'Doherty montre un âge moyen de 23 ans.
Les partisans de la LPCPVE affirment que la Loi s'attaque à la violence contre les travailleurs et travailleuses du sexe. Aucune des infractions prévues par la LPCPVE, y compris les infractions commises par les clients et les tiers, ne requiert un élément d'exploitation ou de cœrcition. Des preuves empiriques confirment que la criminalisation de tout aspect du travail du sexe oblige les personnes travaillant actuellement dans ce secteur à renoncer aux mesures de sécurité et à endurer de mauvaises conditions de travail pour éviter d'être détectées. La LPCPVE favorise l'exploitation et la violence.
Les partisans de la LPCPVE prétendent qu'il s'agit d'un modèle d'égalité. Un régime juridique qui repose sur la surveillance, le profilage, la détention et l'arrestation de communautés marginalisées et racialisées ne peut prétendre être un modèle d'égalité ou un modèle féministe. Un régime juridique qui criminalise et cherche à éradiquer une activité génératrice de revenus exercée principalement par des femmes marginalisées ne peut prétendre être un modèle d'égalité ou de féminisme. L'égalité signifie que tout le monde bénéficie de la protection des droits de la personne. L'égalité réelle signifie que l'on reconnaît que le droit pénal, et la LPCPVE en particulier, cible de manière disproportionnée les communautés racialisées, noires, asiatiques et autochtones. La LPCPVE encourage la présence non invitée des forces de l'ordre dans la vie de ces travailleurs et travailleuses du sexe et a de graves conséquences.
Le dernier mythe que vous avez entendu — mais vous en avez entendu plus que cela — est que la Loi ne nuit pas aux travailleuses du sexe, mais que les travailleuses du sexe comprennent mal la Loi. Les travailleuses du sexe savent que la LPCPVE est conçue pour criminaliser leur travail et les éradiquer, elles et leurs moyens de survie. La criminalisation du travail du sexe entraîne des risques réels et a une incidence sur la façon dont ces personnes organisent leur vie.
Les méfaits de la criminalisation vont au‑delà de l'arrestation. Elle crée des obstacles à l'accès aux services de santé et aux services sociaux, juridiques ou policiers. Elle favorise l'isolement et limite les personnes auxquelles les travailleuses du sexe peuvent demander de l'aide. Elle crée un risque d'expulsion et d'appréhension des enfants. Les dangers de la LPCPVE et de la police dont parlent les travailleuses du sexe sont bien réels. Ils ne sont pas le fruit de l'imagination des travailleuses du sexe et certainement pas une instruction d'un proxénète imaginaire.
Les preuves empiriques sont importantes. Votre étude doit donner la priorité aux preuves empiriques et aux expériences des personnes travaillant sous le régime de la LPCPVE. Le préambule est fondé sur une fiction complète selon laquelle le travail du sexe est intrinsèquement une forme d'exploitation. Il reproduit la stigmatisation qui augmente la violence ciblée contre les travailleuses du sexe.
Vérifiez les affirmations gratuites qui vous ont été faites ces deux dernières semaines concernant l'âge d'entrée, le nombre de femmes qui ont une agence ou le prétendu échec du modèle néo-zélandais. Il n'existe aucune source solide sur le plan méthodologique qui soutienne ces affirmations.
À quel moment les travailleuses du sexe, les personnes travaillant actuellement dans l'industrie, deviennent-elles des expertes de leur propre vie?
Je vous remercie.
Le Maggie's Toronto Sex Workers Action Project est l'une des plus anciennes organisations de justice pour les travailleurs et travailleuses du sexe au Canada. Depuis plus de 35 ans, nous soutenons les travailleurs et travailleuses du sexe de Toronto par l'intermédiaire de programmes d'accueil, de services de réduction des méfaits, de soutien juridique, d'efforts de sécurité alimentaire et plus encore. Notre travail est une réponse directe au préjudice causé par un texte législatif comme le projet de loi .
La majorité des travailleurs et travailleuses du sexe que nous servons sont issus de communautés pauvres, de la classe ouvrière, de communautés racialisées et autochtones; ils sont membres de la communauté LGBTQ2S et travaillent dans la rue. Nous avons lancé des services axés sur la culture, notamment le premier programme national pour les travailleurs et travailleuses du sexe dirigé par des Autochtones, ainsi que des mesures de soutien d'urgence pour les travailleurs et travailleuses du sexe noirs qui sont confrontés à des formes de violence aggravées du fait de la criminalisation.
Le projet de loi prétend protéger les travailleurs et travailleuses du sexe, mais dans la pratique, il nous isole de tout soutien et facilite la violence. Il recrée les répercussions des anciennes lois anticonstitutionnelles pour les travailleuses du sexe.
En 2017, l'une des membres de notre communauté de longue date, Alloura Wells, a disparu. C'était une transsexuelle noire et autochtone de 27 ans qui fréquentait nos programmes d'accueil et naviguait dans la pauvreté, l'itinérance et la violence policière dans la ville. Après sa disparition, le père d'Alloura a communiqué avec le service de police de Toronto pour signaler sa disparition. On lui a dit que l'affaire n'était pas prioritaire. La police a plutôt dit à son père que les gens comme Alloura sont de passage, qu'ils disparaissent et réapparaissent tout le temps.
Nous avons formé nos propres équipes de recherche, dirigées par Monica Forrester, militante de longue date. Grâce à nos efforts publics pour obtenir justice pour Alloura Wells, cinq mois après sa première disparition, la police de Toronto a cédé à la pression et a finalement émis un rapport sur les personnes disparues.
Peu de temps après, une membre de la communauté nommée Rebecca a annoncé à Maggie's qu'elle avait découvert un corps dans la vallée de Rosedale et qu'elle avait en fait communiqué avec la police plusieurs mois auparavant. La police n'a pas publié de communiqué de presse lorsque le corps a été signalé et n'a pas communiqué de détails au public, comme elle le ferait normalement. Rebecca a fait de nombreux suivis auprès de la police de Toronto pour connaître l'évolution de la situation et a même communiqué avec le centre communautaire The 519 Church Street, qui a promis d'envoyer du personnel enquêter. Le 519 n'a pas donné suite et relancé Rebecca ou notre communauté.
Après avoir vu la couverture médiatique de nos équipes de recherche d'Alloura, Rebecca a communiqué avec nous au Maggie's. Bien que le père d'Alloura ait tenté de signaler sa disparition bien plus tôt, que la disparition d'Alloura ait fait l'objet d'une importante couverture médiatique et qu'un membre de la communauté ait informé les organisations de service locales, nous n'avions pas été informés de cette évolution majeure.
Ce n'est qu'après que nous avons relancé la police au sujet de la découverte de Rebecca qu'elle a accepté de refaire des tests d'ADN, et, le 23 novembre, elle a identifié le corps d'Alloura. La police maintient que la cause du décès ne peut être déterminée, mais elle estime qu'elle est morte à un moment donné en juillet.
La police de Toronto a balayé du revers de la main la disparition d'Alloura en raison de ses antécédents dans le travail du sexe, de sa race, de son identité de genre et de sa lutte contre l'itinérance.
Lorsque des lois comme le projet de loi font de nos communautés des problèmes sociaux à éradiquer et donnent à la police l'ordre de criminaliser les travailleuses du sexe, notre capacité d'accéder à un soutien et à une sécurité de base est compromise.
Les femmes autochtones, noires et racisées, transsexuelles, migrantes et les personnes vivant dans la pauvreté sont surreprésentées dans le commerce du sexe de rue. La combinaison des délits de communication et d'achat et de la présence de la police pousse les travailleuses du sexe de la rue et leurs clients dans des zones reculées. Travaillant dans des ruelles mal éclairées, loin de leur domicile, des services sociaux et de leurs pairs, les travailleuses du sexe de la rue que nous servons chez Maggie's font état d'une difficulté accrue pour ce qui est sélectionner leurs clients, de détecter les situations de violence et de négocier le consentement.
Les travailleuses du sexe de la rue de Maggie's ont régulièrement fait état de harcèlement de la part des forces de l'ordre et ont été contraintes de se déplacer dans la ville pour éviter la police. Dans le cadre de notre Fonds d'urgence relatif à la COVID‑19, l'une des nombreuses travailleuses du sexe autochtones qui a demandé une aide financière était une jeune travailleuse de rue anishinabe victime de harcèlement et d'agression de la part de la police alors qu'elle luttait pour travailler et survivre au plus fort de la pandémie.
Le projet de loi facilite ces violences et nous exclut des solutions pour améliorer nos conditions de travail. L'une des conséquences les plus dévastatrices de cette loi est que nos communautés sont rendues responsables de la violence dont nous sommes victimes. C'est dans ce contexte que les organisations de défense des travailleurs et travailleuses du sexe comme la nôtre ont été des espaces essentiels pour s'organiser, se soutenir mutuellement et continuer de lutter pour la décriminalisation comme la question de vie ou de mort qu'elle est.
Peers Victoria Resources Society est une organisation locale de base pour les travailleurs et travailleuses du sexe du Grand Victoria. Depuis 1995, nous offrons des services de proximité, d'accueil, de logement, de santé, de prévention de la violence, de formation relative aux petites entreprises, de formation des travailleurs de soutien par les pairs, etc. Nous servons environ 650 personnes par an.
Nous croyons fermement à la voix de l'expérience, à savoir que notre communauté sait mieux que quiconque comment prendre soin d'elle-même. C'est pourquoi les deux tiers de notre personnel ont une expérience actuelle ou passée du travail du sexe.
Nous venons à vous depuis les territoires traditionnels des peuples de langue lekwungen, maintenant connus sous le nom de nations Songhees et Esquimalt.
La LPCPVE porte gravement atteinte à la santé et à la justice pour les travailleuses du sexe. En raison de la criminalisation de l'arrêt de la circulation dans le but de vendre des services sexuels et de la criminalisation de l'achat de services sexuels, les travailleuses du sexe sont contraintes à des négociations précipitées et clandestines avec les clients, avec une capacité réduite de filtrer les clients ou d'affirmer leurs limites. En outre, les travailleuses du sexe de la rue sont contraintes de travailler dans des zones isolées, plus éloignées des espaces publics.
De nombreuses recherches ont montré que la criminalisation de tout groupe de la société, y compris les travailleurs et travailleuses du sexe, accroît l'isolement social, les mauvais résultats en matière de santé et réduit l'accès aux mesures de soutien public.
Les agences d'escorte offrent des options de travail indispensables aux travailleuses du sexe, en particulier aux nouvelles venues, car elles offrent des espaces de groupe plus sûrs et un mentorat par les pairs. Cependant, ces espaces sont interdits par les articles 236.2, 236.3 et 236.4. Dans notre communauté, ces entreprises sont toutes gérées par des femmes, des établissements de longue date qui offrent un cadre de travail souhaitable pour de nombreuses travailleuses du sexe desservies par notre organisation.
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Le travail du sexe étant légalement défini comme intrinsèquement exploiteur, la violence contre le corps des travailleuses du sexe est naturalisée. Lorsque la seule façon d'aider les travailleuses du sexe est de les sauver, celles qui sont activement engagées dans le travail du sexe sont considérées comme jetables. Leurs voix ne sont pas prises en considération, et elles se heurtent à des obstacles en matière de justice.
Au cours des quatre dernières années, pas un seul cas de violence signalé par mon organisation pour aider les travailleurs et travailleuses du sexe n'a conduit à une arrestation ou à des accusations officielles, malgré une rare relation de collaboration entre Peers et le Service de police de Victoria.
Dans une cohorte de travailleurs et travailleuses du sexe cisgenres et transgenres de Vancouver, 72,2 % des participants n'ont signalé aucun changement perçu dans les conditions de travail après l'adoption de la LPCPVE, et 26,4 % ont signalé des changements négatifs. Ils ont également déclaré avoir moins accès aux services de santé et aux services communautaires en vertu de la nouvelle loi. Dans la même cohorte, 38,2 % des participants ont été victimes de violence après que de la violence visée par la LPCPVE a été signalée à la police, ce qui ne diffère pas de manière significative de la situation avant la LPCPVE.
Les travailleurs et travailleuses du sexe immigrés et racialisés étaient plus susceptibles de signaler des changements négatifs et moins susceptibles de signaler des actes de violence à la police.
Nous pensons qu'il est temps de donner vraiment la priorité au bien-être des personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe. Nous devons éliminer le Code criminel comme obstacle à des mesures de soutien public bien conçues. Ces mesures doivent être axées sur le revenu de base universel, la prévention de la violence fondée sur le sexe, le logement et les initiatives fondées sur les pairs qui réduisent la stigmatisation.
Merci.
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Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Chacun des paragraphes suivants renferme des commentaires recueillis auprès de la communauté des travailleuses du sexe de Peers Victoria Resources Society lorsqu'on leur a demandé comment la loi et la stigmatisation influaient sur leur vie. Tous sont des citations.
« Un point de vue, c'est que vous vous sentez en danger dans votre environnement extérieur, vivant avec les effets quotidiens de la stigmatisation. »
« Votre intégrité en tant qu'être humain est écartée par ce que vous faites pour payer vos factures. »
« Je suis une bonne personne. Ma maison est propre, je suis propre. Je donne de l'amour et je me soucie des autres. Pour gagner ma vie. Comment pourrais‑je être mauvaise? »
« Cela me maintient coincée dans ma situation et incapable d'évoluer vers autre chose, même si je fais tous les efforts possibles pour y arriver. »
« Je peux obtenir une éducation et toujours être hantée par la stigmatisation d'avoir été une travailleuse du sexe. »
« Ma vie serait grandement transformée, advenant la décriminalisation. »
« La législation actuelle isole les communautés marginalisées, vulnérables, les femmes, les Autochtones, les femmes autochtones, les membres de la communauté LGBTQ, qui sont aussi des êtres humains; la loi perpétue la violence par rapport aux droits fondamentaux de ces personnes. »
« Elle construit la haine, la séparation, l'isolement, la dépendance, le désespoir et les problèmes de santé mentale. »
« La stigmatisation du travail du sexe m'a éloignée de ma famille. »
« Si notre société nous respectait, nous et notre travail, et en tant qu'êtres humains aussi, cela donnerait un autre ton. Auprès des familles et entre nous. À petite échelle. »
« Il est impossible de trouver un logement sans mentir sur les demandes de location. Les propriétaires ne louent pas aux travailleuses du sexe; si je parviens à obtenir un logement en mentant, je risque constamment de me retrouver sans abri si mon propriétaire le découvre. »
« Le fait d'être une travailleuse du sexe « connue » a des conséquences durables, comme l'impossibilité de trouver un autre emploi en raison de ma participation au commerce du sexe. »
« La stigmatisation a rendu difficile pour moi l'accès à un représentant légal pour constituer en société mon entreprise; tous les avocats avec qui j'ai communiqué ne veulent pas me toucher à moins de trois mètres. C'est tellement frustrant de savoir que j'exerce mes activités légalement, mais que je suis incapable d'engager un conseiller juridique, un chauffeur, un agent de sécurité, etc., parce qu'elles sont criminalisées en vertu de la loi actuelle. J'essaie de respecter les règles de fonctionnement de mon entreprise, mais je dois toujours marcher sur la pointe des pieds avec ma banque, mon propriétaire, etc. »
« Répercussions causées par les lois: risque d'être interdite dans d'autres pays lors d'un voyage à l'étranger pour le simple fait d'être une travailleuse du sexe, même sans preuve d'un quelconque projet de travail dans un autre pays. »
« Aucune protection en matière de logement, si un propriétaire découvre ce que je fais, je peux être expulsée avec seulement des soupçons. »
« L'hypothèse est que les travailleuses du sexe choisiraient ce travail intentionnellement, et pas seulement en dernier recours, faisant fi des nombreuses voix des personnes qui font ce qu'elles font. »
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être ici aujourd'hui alors que nous terminons une étude très importante.
Nous savons que cette loi est née après la décision Bedford. Il s'agit d'une tentative pour trouver un juste équilibre, mais il est toujours possible d'apporter des améliorations.
Je note que, tout juste au cours des derniers jours, la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé plusieurs dispositions de la LPCPVE, ou projet de loi . Cela nous amène à notre étude. Nous étudions les moyens d'améliorer la loi et son fonctionnement. Nous avons certainement entendu un grand éventail de témoins, dont certains sont très favorables à la LPCPVE.
J'ai une question pour la Peers Victoria Resources Society. Il y a deux témoins ici. Je suppose que vous pouvez décider entre vous qui souhaite répondre.
Il a été mentionné que vous offrez des services de soutien à la réduction des méfaits, une éducation et une formation à l'emploi pour les travailleuses du sexe actuelles et anciennes. L'une ou l'autre d'entre vous pourrait-elle préciser à quoi ressemblent ces services de soutien, ainsi que l'éducation et la formation professionnelle? Peut-être pourriez-vous dire au Comité ce à quoi cela ressemble habituellement, les services que vous fournissez dans votre région.
Je dirige le programme de formation des petites entreprises à la Peers Victoria Resources Society. Nous ne sommes pas une organisation de sortie. Nous cherchons à soutenir les travailleuses du sexe actuelles et anciennes là où elles sont, sachant très bien que certaines autres possibilités d'emploi n'offrent pas les meilleurs avantages ou taux de rémunération.
Dans cette optique, nous cherchons à soutenir les personnes là où elles se trouvent, qu'elles continuent à pratiquer le commerce du sexe ou qu'elles souhaitent se diversifier. Avec le programme de formation relatif aux petites entreprises, nous passons en revue tout ce qu'il faut savoir pour gérer une petite entreprise, qu'il s'agisse d'une petite entreprise déjà établie et qui cherche à poursuivre ses activités, d'une petite entreprise en cours de création ou d'une petite entreprise de commerce du sexe.
Dans ce programme, nous couvrons tout: les énoncés de vision, les énoncés de mission, les accords de partenariat, les accords de dotation en personnel, les règlements municipaux...
Mon Dieu, il y a tellement de choses. Je ne sais plus où j'en suis.
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Oui, c'est beaucoup. J'ai également dirigé le centre d'accueil pendant environ sept ans. J'ai quitté ce poste à la fin de l'année dernière.
Le centre d'accueil est l'endroit où tout le monde vient chercher un repas sain et un sens de la communauté. On ne peut vraiment pas négliger le sens de la communauté, car lorsque vous êtes stigmatisées comme le sont les travailleuses du sexe dans notre société, vous vous sentez mal dans le monde réel et vous n'avez pas l'impression d'avoir une communauté, une famille ou des gens avec qui vous pouvez être vous-même.
Au centre d'accueil, nous avons des fournitures pour la réduction des méfaits, comme des seringues propres, des préservatifs et autres, et un repas sain. Nous défendons les intérêts des gens et servons de tremplin pour tous nos autres programmes. Nous offrons un soutien en matière de logement et de santé. Nous avons une infirmière qui vient sur place. Nous organisons des cours d'art, que tout le monde adore, adore, adore [difficultés techniques].
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Je ne peux pas parler précisément du rapport sur la traite des personnes qui a été publié récemment en Nouvelle-Zélande et de la façon dont il est lié à la traite des personnes, mais je peux dire que, depuis la décriminalisation en Nouvelle-Zélande en 2003, les travailleuses du sexe ont beaucoup plus de libertés pour signaler la violence sur le lieu de travail et avoir un certain recours lorsqu'elles sont victimes de violence.
Nous avons entendu des histoires, par exemple, de travailleuses du sexe qui ont pu officiellement, par l'intermédiaire des cours ou des tribunaux, dénoncer le harcèlement sexuel de personnes travaillant sur leur lieu de travail ou de patrons. Je me souviens d'un reportage sur une travailleuse du sexe qui a obtenu gain de cause dans cette affaire. Nous savons également que les travailleuses du sexe sont plus à même de travailler ensemble dans les espaces publics, ce qui est vraiment important.
Ce qui est intéressant en Nouvelle-Zélande, c'est qu'il existe une tonne d'études que j'ai soumises à la Bibliothèque du Parlement pour que vous puissiez les lire si cela vous intéresse, et beaucoup de ces études démontrent en fait à quel point les travailleuses du sexe se sentent plus en sécurité et combien de mesures de sécurité supplémentaires elles sont capables de mettre en œuvre.
Il est important de se pencher sur ces études. Ce n'est pas un modèle parfait, loin s'en faut, principalement parce que les travailleuses migrantes sont toujours criminalisées, ce qui permet une rhétorique et une politique de lutte contre la traite et peut avoir une incidence sur la façon dont les chiffres de la traite apparaissent dans un rapport sur la traite des personnes, parce que les travailleuses sexuelles migrantes ne sont toujours pas en mesure de le faire. Les lois sur l'immigration ne sont pas nécessairement modifiées.
Au Canada, ce que nous avons demandé, en plus de l'élimination du travail sexuel des lois criminelles, c'est l'élimination de la disposition du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ou RIPR, qui ne permet pas aux travailleuses sexuelles migrantes de travailler dans l'industrie du sexe.
Il y a une tonne de recherches, des recherches évaluées par des pairs, que je serais très heureuse de vous envoyer. Comme je l'ai dit, je les ai soumises à la Bibliothèque du Parlement, et j'espère qu'elles seront prises en considération dans le rapport que vous produirez.
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Bien sûr. Nous ne dirions certainement pas que la légalisation le ferait. Une industrie légalisée que nous pouvons, de façon très vague, juste pour la compréhension, la comparer à la façon dont la marijuana a été légalisée au Canada, où le gouvernement contrôle effectivement le lieu et le moment où cela peut se produire, ainsi que la façon dont cela se produit, ce qui n'est certainement pas un système décriminalisé.
Dans un système décriminalisé, les travailleuses du sexe ne sentiraient pas planer en permanence la menace de l'application de la loi, de l'ASFC ou d'autres industries. Nous ne pouvons pas tenir pour acquis que la loi est une instruction donné aux agents d'application de la loi et aux policiers et une invitation à s'immiscer dans la vie des travailleuses du sexe en tout temps, qu'ils prétendent que c'est pour les protéger ou pour d'autres raisons. Ils sont invités à entrer, et c'est une non-invitation. Les travailleuses du sexe ne veulent pas voir la police entrer dans leur vie.
L'élimination de cette situation change grandement la manière dont les travailleuses du sexe peuvent organiser leur travail. Les groupes membres de notre alliance, comme vous venez de l'entendre de Maggie's et de Peers, ont parlé avec beaucoup d'éloquence des mécanismes de sécurité que les travailleuses du sexe peuvent mettre en place sans avoir à regarder derrière leur dos en permanence. Sans parler de tous les mécanismes de sécurité que les clients, qui sont criminalisés dans tous les contextes et à tout moment, peuvent mettre en place.
La décriminalisation permet vraiment de se concentrer sur le travail. Lorsqu'il existe des cas d'exploitation et de violence, nous pouvons les reconnaître pour ce qu'ils sont. Mais lorsque vous décrivez toute l'industrie comme violente, vous n'êtes pas en mesure de vous attaquer à la violence qui se produit, car tout est violent tout le temps, et cela passe donc inaperçu.
Selon notre point de vue et notre expérience, cela signifierait que lorsqu'il y a des cas qui correspondent au seuil de la traite des personnes ou qui correspondent au seuil d'autres crimes contre les travailleuses du sexe, d'autres violences contre les travailleuses du sexe, cela serait plus facilement détectable, mais aussi que les travailleuses du sexe pourraient finalement avoir davantage confiance dans le fait de les signaler aux forces de l'ordre. Cette relation a toujours été marquée par les conflits, la méfiance et les abus. Cette relation prend du temps, et la police, dans sa façon d'appliquer les lois, va devoir apprendre à créer ces relations. Dans une industrie décriminalisée, les travailleuses du sexe qui veulent accéder à ces systèmes ont au moins la possibilité d'envisager de le faire.
Cela répond‑il à votre question?
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C'est difficile de résumer brièvement, mais je vais faire de mon mieux.
Il est certain que les travailleurs et travailleuses du sexe, comme la plupart des gens, ont été touchés par la COVID. Si vous considérez que les gens vivaient déjà une existence assez marginalisée et surveillée, cela s'est accentué dans le contexte de la COVID. En raison de la fermeture des salons de massage et des clubs d’effeuillage, beaucoup de travailleuses du sexe se sont retrouvées sans emploi. Certaines — pas toutes, et certainement pas la plupart — ont pu se tourner vers le travail en ligne. Ce type de travail n'est pas accessible à beaucoup de travailleuses du sexe, car il faut avoir des connexions régulières ou un accès à la technologie.
La plupart des travailleuses du sexe n'ont pas pu accéder à l'aide financière, la PCU. Notre alliance a passé beaucoup de temps à plaider pour les salaires — nous avons notamment communiqué avec Maryam Monsef — afin de fournir un soutien financier aux travailleuses du sexe, dont la plupart vivent dans la pauvreté. C'était une chose très difficile à faire. De nombreux groupes de travailleuses du sexe — celui de Maggie's était fantastique à cet égard, et Jenny peut en parler — ont déployé d'excellents efforts d'entraide, parce que, en fin de compte, le gouvernement n'était pas très utile aux travailleuses du sexe vivant dans un contexte de COVID. Cette aide financière n'était pas disponible pour quiconque gagnait son argent par des moyens criminalisés.
Le Comité doit vraiment penser au‑delà de cette notion d'arrestation et cesser de restreindre les préjudices de la LPCPVE à la seule arrestation, car cela va au‑delà de tout cela. Si vous pensez que la criminalisation a des effets réels sur la capacité des gens d'accéder à des mesures de soutien plus traditionnelles ou à de l'aide financière du gouvernement... C'est une chose très importante que vous devez tous prendre en considération, le manque d'accès des travailleuses du sexe aux mesures de soutien financier, ainsi qu'aux mesures de soutien médical, juridique et social à cause de la criminalisation.
C'est une petite image, si cela peut vous aider un peu.
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Bien sûr, les travailleuses du sexe ont changé les types de services qui étaient offerts. Les travailleuses du sexe s'adaptent très facilement. La différence avec la COVID, par rapport à toute autre situation où les travailleuses du sexe sont stigmatisées et n'ont pas accès aux services de santé et de sécurité, c'est que les travailleuses du sexe avaient peur de la COVID, comme beaucoup d'autres personnes. Dans ce contexte, les travailleuses du sexe — pour ainsi dire — se sont comportées ou ont agi en adoptant différentes précautions.
Les travailleuses du sexe sont très avisées. Les personnes qui ont besoin d'argent trouvent toujours des moyens d'en gagner. Les travailleuses du sexe ont modifié les types de services qu'elles proposent. J'en ai vu qui proposaient des types de services vidéo. J'ai vu une travailleuse du sexe très avisée — mais ce n'était qu'une travailleuse sur plus de 10 000 qui travaillent au Canada — offrir un service de quarantaine de deux semaines pour passer autant de temps avec un client. Je ne sais pas...
Certaines personnes ne voyaient que leurs habitués, mais beaucoup de clients n'étaient, dans le contexte de la COVID, pas nécessairement aussi impatients parce que certaines choses peuvent être retracées.
Le travail du sexe est transitoire. Certaines travailleuses du sexe avaient aussi d'autres types de travail. Souvent, les travailleuses du sexe font plusieurs types de travail. C'était quelque chose d'autre que les travailleuses du sexe faisaient.
Je ne dirais pas que les travailleuses du sexe offraient des services qu'elles n'auraient pas nécessairement offerts dans le contexte de la COVID, parce que le corps des travailleuses du sexe est leur outil de travail. Il est vraiment important pour elles d'en prendre soin. Évidemment, en cas de détresse financière, les travailleuses du sexe, pendant la COVID ou non, peuvent offrir des services qu'elles n'offriraient pas autrement. C'est un peu comme si certaines personnes acceptaient d'autres emplois qu'elles ne feraient pas nécessairement lorsqu'elles ne sont pas en détresse financière.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'excuse si je dois couper la vidéo à cause de nos problèmes de bande passante ici, mais nous allons essayer.
Tout d'abord, je tiens à remercier Peers, une organisation établie dans ma circonscription, de tout le travail qu'elle fait et en particulier d'avoir fait entendre directement la voix des travailleuses du sexe au Comité aujourd'hui. Je pense que c'était un témoignage très important et je suis heureux qu'elle l'ait fait.
Je pense qu'elle a omis une de ses fonctions et je peux en témoigner. Il s'agit de l'éducation des élus sur le travail du sexe dans notre communauté. J'ai commencé à travailler avec Peers il y a plus de dix ans, lorsque j'étais conseiller municipal. Elle passe beaucoup de temps à s'efforcer de faire comprendre aux gens la réalité du travail du sexe.
Je remercie tous les témoins d'aujourd'hui d'avoir présenté cette importante perspective. Je remercie également M. Moore d'avoir posé autant de questions à Peers.
Permettez-moi de revenir à Mme Clamen et à la question que lui a posée M. Fortin sur le nombre de témoins qui se présentent en disant qu'il est possible d'une manière ou d'une autre de corriger la LPCPVE.
Vous avez été très claire à ce sujet. Je pense que nous avons également entendu des travailleuses du sexe dire que certains éléments de la LPCPVE sont particulièrement nuisibles et dangereux. Je me demande si vous pouvez vous prononcer là‑dessus.
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C'est une excellente question.
Selon le point de vue de tous nos groupes membres, l'ensemble de la LPCPVE est en réalité très dangereux. Le régime en soi dépend en fait de la criminalisation des clients. Je pense qu'il est important que les gens le constatent afin de comprendre le réel fonctionnement de la loi. Indépendamment de l'intention qui la sous-tendait au moment de sa rédaction, la loi repose en fait sur la criminalisation des clients. Si les clients sont considérés comme étant des personnes violentes et des violeurs chaque fois qu'une travailleuse et travailleur du sexe les voit, c'est une notion extrêmement problématique. Je ne crois pas que personne soit d'accord avec cela, notamment les forces de l'ordre.
Le fait de considérer que les clients sont violents en tout temps et que les travailleuses et travailleurs du sexe sont exploités en permanence est vraiment problématique. L'ensemble de la LPCPVE repose sur ce fondement, et donc rien dans cette loi ne peut être réellement préservé.
Sans même parler du fait qu'elle reprend quelques-unes des lois qui ont été invalidées lors de la dernière contestation constitutionnelle devant la Cour suprême. Il s'agissait de la communication liée à ses propres services sexuels dans des lieux publics et de la reproduction de certaines parties de ces lois dans certaines lois sur les tierces parties.
Tout ce régime est dangereux en soi et ne fait qu'augmenter le risque d'exploitation et de violence dans la vie des travailleuses et travailleurs du sexe.
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Absolument. Nous avons en fait amorcé une contestation constitutionnelle contre toutes les lois sur le travail du sexe. Il y a sept demandeurs. Le principal demandeur est notre Alliance, et nos 25 groupes de défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe. Ensuite, il y a cinq travailleuses et travailleurs du sexe individuels et une tierce partie qui fait encore partie d'une agence. Nous avons amorcé cette contestation constitutionnelle en mars dernier. Nous espérons comparaître devant le tribunal de première instance en juin ou en juillet.
Nous contestons l'ensemble du régime. Nous présentons de nombreux éléments de preuve pour démontrer ses préjudices. Un problème avec la décision la plus récente, la décision N.S., est que celle‑ci était vraiment fondée sur deux hypothèses concernant les coopératives de travail du sexe sans tenir compte de toutes les relations avec des tierces parties qui sont interdites par la LPCPVE.
Cette notion de coopérative sur laquelle repose leur décision est en fait une idée théorique. Elle présume que chaque personne est indépendante, que chaque personne verse la même somme d'argent, que chaque personne a la même part, que personne n'exerce d'influence sur les autres et ne se préoccupe du profit. Cette situation n'existe tout simplement pas.
Bien que cette décision ait été rendue par la Cour d'appel de l'Ontario, notre affaire explique vraiment les différents rôles que jouent les tierces parties dans la vie des travailleuses et travailleurs du sexe. Il existe divers rôles qui ne sont pas réellement autorisés par les dispositions actuelles du Code criminel. Il ne s'agit pas seulement des chauffeurs et des réceptionnistes. Nous parlons des travailleuses et travailleurs du sexe qui ne sont pas des entrepreneurs et qui dépendent réellement de tierces parties. La plupart des travailleuses et travailleurs du sexe ne sont pas des entrepreneurs et ne sont pas en mesure de l'être.
L'idée que la plupart des travailleuses et travailleurs du sexe sont capables de l'être ou que les travailleuses et travailleurs du sexe qui veulent la décriminalisation sont un petit groupe est un véritable mythe et une tactique utilisée par les prohibitionnistes.
En lisant les dispositions, on constate qu'il n'est pas mentionné que l'exploitation doit avoir lieu pour qu'une tierce partie, par exemple, soit accusée. Le simple fait d'entretenir une relation ou de tirer un avantage important du travail d'une travailleuse ou d'un travailleur du sexe est considéré comme un motif d'arrestation, et les exceptions aux exceptions ne laissent pas vraiment de place pour s'adapter aux relations réelles qu'entretiennent les travailleuses et les travailleurs du sexe avec des tierces parties. La loi ne traite pas réellement de la violence. La seule chose qui aborde la violence dans la LPCPVE est la présomption que le travail du sexe est violent, ainsi toutes les dispositions en découlent.
Il existe des lois qui abordent réellement la violence, point final, et que nous invoquerions dans la mesure où le Code criminel est parfois un outil utile. Nous pourrions avoir recours à ces lois pour lutter contre la violence dans la vie des travailleuses et travailleurs du sexe, mais nous ne pourrions certainement pas prétendre que les lois sur le travail du sexe traitent réellement de la violence dans la vie des travailleuses et travailleurs du sexe. Elles sont simplement utilisées comme un outil supplémentaire que les forces de l'ordre utilisent pour s'immiscer dans la vie des travailleuses et travailleurs du sexe, en fouillant un peu partout, en espérant découvrir quelque chose.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le groupe d'experts d'aujourd'hui. Il y a beaucoup d'expérience dans la salle, et je suis heureux de le constater.
Je vais poser ma question à l'organisme Maggie's, qui compte 35 années d'expérience.
Au cours des dernières séances, il a été fait état des différences dans les services de police, du fait que certaines personnes sont vraiment très heureuses et entretiennent de bonnes relations avec la police locale, comme le service de police de Victoria, comme nous l'a dit Peers, mais que dans certains endroits, il en est autrement.
Compte tenu de vos 35 années d'expérience à Toronto, pourriez-vous nous parler davantage du type de relation, et peut-être même plus... afin d'aider certains services de police à avoir une relation comme celle de la police de Victoria?
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Je vous remercie de cette question.
La relation entre la police et les travailleuses et travailleurs du sexe sera toujours turbulente tant que la police aura pour directive de criminaliser les travailleuses et travailleurs du sexe. Je voudrais insister pour dire que les choses se passent vraiment ainsi.
Les travailleuses et travailleurs du sexe sur le terrain subissent de la violence. Ils sont victimes de harcèlement, en particulier les travailleuses et travailleurs racisés, transgenres et queer.
Pendant la COVID‑19, nous avons constaté que la police se servait des décrets d'urgence pour viser davantage les travailleuses et travailleurs du sexe. Nous le voyons toujours. Nous voyons toujours que la police utilise d'autres lois pour surveiller les travailleuses et travailleurs du sexe.
Par exemple, au plus fort de la pandémie, une personne ayant recours au service a communiqué avec nous parce que quelqu'un qu'elle pensait être un client avait réservé une séance avec elle. Le client s'est présenté et était en fait un policier qui lui a donné une contravention pour avoir transgressé la distanciation sociale. Nous avons dû renforcer nos services d'aide juridique afin de faire face à cette augmentation du nombre d'interventions policières. Nous avons également constaté que les décrets d'urgence ne faisaient que favoriser les contacts.
Je ne suis pas ici aujourd'hui pour défendre les relations avec la police, car dans le cadre de la criminalisation, cela ne fonctionne pas. Dans le cadre de l'incarcération, du colonialisme, cela ne fonctionne pas.
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Je dirais que les femmes autochtones, les femmes noires et racisées, les femmes transgenres et les femmes migrantes ainsi que les personnes vivant dans la pauvreté sont surreprésentées dans le travail de rue.
Chez Maggie's, nous aidons beaucoup de personnes qui travaillent dans la rue, ce qui implique que les travailleuses et travailleurs du sexe victimes des plus hauts niveaux de marginalisation au sein de l'industrie ne sont pas en mesure d'accéder à la sécurité que leur offrirait le travail dans des lieux plus privés et plus sécuritaires. Ces travailleuses et travailleurs sont contraints de travailler dans des situations isolées, loin de tout soutien.
Quant aux travailleuses et travailleurs autochtones, leur autodétermination et leur auto-identification sont complètement minées par cette loi, car leurs expériences sont intégrées au discours des victimes de la traite de personnes. Ce faisant, on fait complètement abstraction des conditions sociales et de l'histoire du colonialisme qui font du travail du sexe le meilleur choix pour bon nombre de ces personnes et du fait qu'il existe de nombreuses raisons pour lesquelles ces personnes sont amenées à pratiquer le travail du sexe.
En ce qui concerne les travailleuses et travailleurs du sexe racisés et autochtones, ce projet de loi augmente le nombre de contacts avec la police, la surveillance et le fait d'être pris pour cible, tout en décourageant les communautés marginalisées de faire appel à la police et aux autres services sociaux en vue d'obtenir du soutien.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux poser une question sur deux statistiques qui ont souvent été citées devant notre comité. Premièrement, il y a un rapport de Statistique Canada qui montre que, d'une façon ou d'une autre, la situation s'est améliorée depuis l'adoption de la LPCPVE, et deuxièmement, il y a un rapport sur la traite de personnes en Nouvelle-Zélande qui, semble‑t‑il, montre que la traite a augmenté.
Madame Clamen, pouvez-vous nous dire si, selon vous, ces deux rapports reflètent véritablement la réalité des travailleurs et travailleuses du sexe?
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Il faudrait que je regarde de très près la méthodologie. Je ne sais pas quelles questions ont été posées pour arriver à ces résultats. Je vous encouragerais tous à adopter cette approche quand vous examinez des statistiques quelles qu'elles soient.
L'une des choses que je crois pouvoir dire, pour éclairer l'utilisation des concepts, c'est que, si vous prenez le concept de la traite de personnes, il englobe très souvent les migrants asiatiques. Vous avez déjà entendu le témoignage de Mme Elene Lam, et Mme Alison Clancey, de la SWAN, va témoigner après nous, et elle va vous expliquer comment les travailleurs migrants sont souvent visés par la définition de la traite de personnes. Si les statistiques dans le rapport sur la traite des personnes laissent croire qu'il y a eu une augmentation, c'est peut-être parce que les travailleurs migrants ne sont pas autorisés à travailler; mais ce n'est là que mon hypothèse.
Il y a une deuxième chose à laquelle je voulais répondre. Par rapport aux arrestations, encore une fois, le Comité doit comprendre... Je ne sais pas d'où on a tiré ces statistiques ni de quelle façon. Elles ne représentent pas nécessairement le nombre de personnes qui ont interagi avec les forces de l'ordre. Je crois que cela représente seulement les condamnations. Comme vous vous en doutez, il y a beaucoup de personnes qui sont arrêtées tout le temps. Elles sont jetées en prison, mais cela ne veut pas dire que les accusations seront poursuivies, mais la police utilise effectivement tout ce qu'il y a dans son arsenal. Elle utilise très souvent les lois sur le travail du sexe.
L'incidence de la LPCPVE est loin de s'arrêter aux arrestations. Elle a une influence sur la vie des travailleurs et travailleuses du sexe, par exemple en ce qui concerne le logement, la prise en charge des enfants, la violence et l'incapacité d'avoir un revenu stable. Ce que ce rapport ne montre pas, ce sont toutes les conséquences de la LPCPVE. Peut-être qu'il montre les véritables taux d'arrestation et de condamnation, mais il ne montre pas les conséquences de la loi.
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Je veux moi aussi remercier tous les témoins d'avoir été avec nous aujourd'hui pour la première partie de la réunion.
Nous allons prendre une pause d'une minute, et je demanderai aux témoins qui ont déjà témoigné d'éteindre leur caméra.
Nous allons rapidement vérifier le son des témoins qui vont intervenir à la prochaine partie de la réunion.
Reprenons.
Pour ceux et celles qui ne l'ont pas entendu, la dernière fois, j'utilise des cartons. Quand il vous reste 30 secondes, je montre le carton jaune, puis le carton rouge quand c'est terminé.
Vous aurez cinq minutes pour formuler vos commentaires au nom de votre organisation. Une fois que les trois organisations auront eu la parole, nous allons passer à la période de questions, et vous pourrez en dire davantage.
Je vois que M. Fortin a levé la main. Avez-vous une question, monsieur Fortin?
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Merci de m'accueillir ici aujourd'hui.
Nous savons qu'il est essentiel que les survivantes et les personnes qui sont dans l'industrie commerciale du sexe puissent témoigner directement. Je tiens à souligner qu'il est beaucoup plus difficile d'obtenir le témoignage de personnes qui sont, qui étaient ou qui sont entrées malgré elles dans cette industrie, et ce n'est pas parce que nous ne sommes pas nombreuses, mais bien parce que nous sommes moins susceptibles d'être libres de parler, pour toutes sortes de raisons qui vont de la honte, à la mort en passant par la peur.
Puisque je peux m'exprimer aujourd'hui, je ne veux pas seulement vous raconter mon histoire, je veux que vous la viviez avec moi.
J'avais 20 ans la première fois que j'ai eu des relations sexuelles contre de l'argent. J'étais donc considérée comme une adulte consentante, mais je ne suis pas simplement apparue sur terre à l'âge de 20 ans, et c'est donc très important de prendre un instant pour comprendre qui était cette jeune femme de 20 ans.
J'étais une enfant mature pour mon âge, et je défendais déjà des causes. À 11 ans, j'ai créé la première branche à Oakville de ce qui était à l'époque une petite organisation appelée Enfants Entraide et qui allait un jour devenir l'organisme UNIS. On disait de moi que j'étais brillante et douée et que j'avais énormément de potentiel.
Puis, à 13 ans, j'ai été agressée sexuellement. Cela a continué pendant cinq ans. J'ai arrêté de recueillir des signatures pour des pétitions destinées au gouvernement fédéral, et j'ai commencé à vivre dans l'ambivalence et à consommer de la drogue. Malgré cela, mes notes n'ont jamais souffert, et j'ai continué de m'impliquer dans d'autres activités parascolaires. J'ai refoulé mon traumatisme et, quand l'enquête de police a démarré, le détective assigné à l'affaire a dit que j'étais « solide » et « une personne forte qui soutient les autres ».
La première fois que j'ai utilisé mon corps pour faire de l'argent, c'était dans une tentative désespérée de reprendre contrôle de ma sexualité. Quand quelqu'un questionnait mes choix, je répliquais avec véhémence que c'était « mon corps, mon choix ». Le jour, j'étais gérante. Je souriais aux clients et je gérais deux filiales d'une entreprise. La nuit, je faisais la fête et j'avais parfois des relations sexuelles contre de l'argent, autant pour le plaisir que pour avoir plus d'argent pour mon petit ami et moi.
Je croyais que mon petit ami et moi étions partenaires, mais cette illusion a rapidement disparu la première fois que j'ai refusé de faire un certain acte... ou plutôt, que j'ai essayé de refuser. En un instant, la femme autonome que j'étais est devenue une victime. Vous vous dites peut-être que, quand c'est arrivé, j'ai immédiatement résisté au travail ou que j'ai cherché de l'aide, mais non. Mon petit ami était violent, et j'étais réduite au silence par la crainte.
Comme j'étais incapable de sortir de ce monde, j'ai commencé à éprouver de la dissonance cognitive. Pour soulager cet inconfort, j'ai commencé à proclamer encore plus fort à quel point j'aimais ce style de vie, mais cette fois, je n'essayais pas seulement de convaincre les autres; j'essayais aussi de me convaincre moi-même. C'est seulement lorsque mon petit ami m'a presque tuée que j'ai fui.
Au cours des 10 années qui ont suivi, j'ai obtenu plusieurs diplômes en soutien et en justice criminelle. J'ai travaillé dans plusieurs foyers auprès d'hommes qui avaient des démêlés avec la justice, et j'ai aussi travaillé pour le Programme d'aide aux victimes et aux témoins. Malgré toutes les connaissances et l'expérience que j'ai accumulées, j'ai continué de croire que ce que j'avais vécu était seulement de la violence conjugale, due à mes propres mauvais choix.
Un jour, j'ai raconté mon histoire à quelqu'un avec qui je m'étais liée d'amitié, et cette personne m'a dit que j'avais été exploitée, et c'est alors que j'ai commencé à voir les choses sous un autre angle. J'étais peut-être une adulte consentante quand je suis entrée dans l'industrie commerciale du sexe, mais lorsque j'en suis sortie, j'étais une victime de la traite de personnes, et j'étais condamnée à vivre pour toujours avec un trouble complexe de stress post-traumatique. Je vous implore donc de cesser de dire qu'il n'y a pas de lien entre les deux.
C'est impossible de savoir hors de tout doute qu'il y a seulement des gens consentants dans l'industrie commerciale du sexe. Certaines personnes sont incapables de voir qu'elles sont exploitées. D'autres personnes sont terrifiées à l'idée d'être expulsées ou d'être punies par leur petit ami, leur patron ou leur proxénète. Peut-être que certaines travailleuses ont choisi ce travail, mais elles ont fait ce choix par désespoir ou pour survivre, et un choix désespéré n'en est pas vraiment un.
Je peux comprendre l'idéologie selon laquelle il faudrait mettre à part les travailleurs et les travailleuses du sexe consentants et abroger la LPCPVE pour leur sécurité, mais cela n'est pas réaliste. La décriminalisation du travail du sexe entraînera des dommages collatéraux pour toute une population, pour qui le coût à payer pour vivre au Canada sera des traumatismes complexes qui dureront toute leur vie. Je dois vous demander qui, selon vous, peut faire partie de cette population, et je vais vous le dire: cela peut être n'importe qui.
Si les gens veulent vraiment la sécurité, réduire les méfaits et prévenir l'exploitation des personnes non consentantes, alors la prochaine étape n'est pas la décriminalisation. Ce qu'il faut faire, c'est travailler tous ensemble et investir des ressources pour régler les problèmes: de santé mentale, faire de la sensibilisation pour la prévention des traumatismes, atténuer les inégalités financières et abaisser le coût exagérément gonflé de l'éducation postsecondaire, assurer la réconciliation et la guérison des collectivités autochtones et, bien sûr, arriver à l'égalité entre les sexes.
Jusqu'à ce qu'on puisse considérer que ces gouffres fondamentaux sont comblés, nous ne pouvons tout simplement pas ouvrir la porte à une industrie qui se nourrit de ces problèmes et des autres vulnérabilités en les exploitant. S'il existe un monde où l'industrie du sexe peut exister sans un niveau extrême d'inégalité, d'exploitation et de prédation, nous devons tout d'abord travailler tous ensemble pour le créer.
Merci.
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Je vous remercie de votre invitation à témoigner aujourd'hui. Je suis ici au nom de Asian Women for Equality. Les membres de notre groupe ont vécu directement la prostitution, et nos membres ont aussi travaillé pendant de nombreuses années aux premières lignes pour soutenir les femmes.
L'un de nos buts est de promouvoir l'égalité sexuelle, raciale et économique pour les femmes au Canada. Ce sont des droits qui nous sont promis dans la Charte canadienne des droits et libertés, et cette promesse est clairement mentionnée dans la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Ces droits sont tout particulièrement importants pour les femmes racialisées et colonisées.
L'industrie du sexe n'est pas un groupe homogène. Il y a les exploiteurs et les exploités. Les exploiteurs sont les acheteurs de services sexuels, les proxénètes et les plateformes des médias qui soutiennent les acheteurs et les proxénètes en leur permettant de communiquer les uns avec les autres. Ceux‑ci sont très majoritairement des hommes, et ils ont tout avantage, comme les parasites, à faire de la prostitution une véritable industrie. Pour eux, l'industrie du sexe est sécuritaire, et elle est lucrative.
De l'autre côté, il y a les exploités. La grande majorité des femmes qui se prostituent cesseraient de le faire si elles avaient d'autres moyens de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Il y a des salons de massage asiatiques dans toutes les grandes villes canadiennes. Les femmes dans ces endroits sont extrêmement vulnérables au viol et à d'autres formes de violence de la part des acheteurs et des proxénètes. Je dirais même que c'est leur travail de donner aux hommes une expérience sexuelle raciste.
Je vais maintenant vous dire pourquoi nous croyons que cette loi a de la valeur.
Nous soutenons cette loi. C'est une loi moderne, qui tient compte des différences entre les exploiteurs et les exploités en les traitant différemment. Elle criminalise les exploiteurs et non pas les exploités. C'est la seule loi qui cible les acheteurs de services sexuels. Certains vous diront peut-être qu'une loi sur la traite de personnes est suffisante, mais cette loi ne fait que cibler les trafiquants. Une loi sur la traite de personnes laisse le champ libre aux hommes qui achètent des services sexuels d'une femme qui a été victime de la traite de personnes. Les plateformes publicitaires qui ont permis à cet homme de la trouver ont aussi un passe-droit. La loi a de la valeur, parce qu'elle criminalise la publicité pour la prostitution. Elle habilite la police à fermer les plateformes Internet qui transforment la prostitution en produit, en marque et en commerce. Ces plateformes sont cruciales au développement de la clientèle de l'industrie du sexe et à la normalisation de l'achat de services sexuels. C'est une industrie qui vaut des milliards de dollars, et son but est de rendre sexy le racisme et l'inégalité.
Je vais maintenant vous faire part de nos recommandations.
Nous recommandons d'abroger dans la loi l'article 213 du Code criminel. Cette disposition criminalise les femmes forcées de se prostituer près d'une école, d'un terrain de jeux ou d'une garderie. Nous avons milité contre cet article en 2014, et nous vous le disons à nouveau: concentrez-vous sur les exploiteurs et cessez de punir les femmes qui sont exploitées en public.
Effacez le dossier criminel des femmes qui ont été accusées ou reconnues coupables de prostitution sous l'ancien régime. Ces accusations sont une erreur, et elles criminalisent les femmes de façon permanente.
Nous voulons que vous fassiez preuve de volonté politique et de leadership pour faire appliquer la loi. Quand notre système de justice s'attaque à la prostitution, il perturbe également la traite de personnes, le trafic de la drogue, le blanchiment d'argent et d'autres activités du crime organisé. Nous ne sommes pas une organisation vouée à la loi et l'ordre, mais nous voulons tout de même que vous fassiez du Canada un pays moins accueillant pour le crime organisé, que ce soit les gangs criminels asiatiques, européens ou canadiens.
Nous vous recommandons de donner le statut de résident permanent aux femmes victimes de la traite de personnes. Cela permettra de réduire le pouvoir que les proxénètes et les trafiquants ont sur ces femmes, parce qu'elles auront ainsi les mêmes droits et protections juridiques que les exploiteurs.
Une lacune de la loi est qu'elle veut s'attaquer à l'inégalité par l'intermédiaire du droit criminel. Il faut adopter une approche plus holistique si l'on veut que les femmes puissent sortir de la prostitution et même empêcher carrément leur recrutement. Nous recommanderons de renforcer le filet de sécurité sociale et, à cette fin, de fournir à tous et à toutes un revenu de subsistance garanti, aussi appelé revenu de base. Cela changerait du tout au tout la vie de millions de femmes.
La loi est le seul outil qui permet au Canada d'empêcher l'achat de services sexuels. C'est l'un des seuls outils qui permet à la police d'intervenir contre le trafic sexuel. C'est le seul outil que nous avons pour empêcher les plateformes Internet d'accroître de façon exponentielle le nombre d'hommes qui sont des proxénètes et des acheteurs de services sexuels. Si vous annulez ou abrogez cette loi, plus rien n'empêchera l'exploitation et la traite de personnes par les proxénètes et les acheteurs de services sexuels.
Annuler cette loi exacerbera le racisme et le sexisme contre les femmes, parce que ce sont des aspects intrinsèques de la prostitution, et cela nous éloignera davantage de l'égalité promise aux femmes par la Charte.
Je m'appelle Amber Lindstrom. Je suis coordonnatrice de programmes et intervenante en services de soutien aux pairs chez SafeSpace London, un collectif par, pour et avec les travailleurs et travailleuses du sexe, leurs alliés, les femmes et les personnes non binaires de London, Ontario. Nous avons ouvert nos portes en 2009. Un grand nombre des membres de notre communauté ont été victimes de la marginalisation intersectionnelle, y compris les travailleurs et les travailleuses du sexe dans les rues, les travailleurs et travailleuses du sexe autochtones, racialisés, transsexuels et queer, les travailleurs et travailleuses du sexe qui n'ont pas de logement stable ou qui sont en situation d'itinérance et les travailleurs et travailleuses du sexe qui ont des problèmes de toxicomanie.
À London, le lobby anti-travail du sexe est bien enraciné dans les services sociaux, dans les forces de l'ordre et dans la politique. London est un exemple de ce qui arrive quand la LPCPVE est appliquée. Ce qu'ont vécu les membres de notre communauté dans ce contexte de criminalisation montre que non seulement la LPCPVE ne nous protège pas, elle nous nuit concrètement.
La LPCPVE n'a pas réduit la demande de services sexuels dans notre région; elle a plutôt forcé les travailleuses et les travailleurs du sexe à se cacher, ce qui fait que ceux et celles qui travaillent dans les rues n'ont pas le temps de discuter au préalable avec leurs clients de l'utilisation du condom, de leur paiement ou de l'endroit où les services seront donnés, parce que les clients et les travailleurs se précipitent, par crainte d'être surpris par les forces de l'ordre. Cela entraîne une violence accrue, parce que les travailleurs et les travailleuses doivent travailler seuls, dans des endroits isolés ou dans la voiture de leurs clients, parce que leur travail est criminalisé. Nous avons entendu plus d'une histoire de travailleuses qui ont été conduites jusqu'aux limites de la ville pour éviter la police, et qui ont ensuite été agressées puis abandonnées.
Les travailleurs et les travailleuses du sexe méritent de travailler dans des conditions sécuritaires, et nous ne pouvons pas avoir cette sécurité quand l'un ou l'autre des aspects de notre travail est criminalisé. Voici ce que voulait vous dire une travailleuse du sexe qui a utilisé SafeSpace: « C'est un vrai travail. Si c'était décriminalisé, nous pourrions avoir des endroits sécuritaires où travailler, et [nous pourrions] demander une rémunération supérieure. Vu la situation actuelle des travailleuses dans la rue, présentement, cela [nous] est impossible actuellement ».
Sous le régime de la LPCPVE, le gouvernement a surtout financé les organisations qui s'opposent au travail du sexe. En conséquence, les travailleurs et les travailleuses du sexe se voient interdire l'accès à de nombreux refuges et se heurtent à des obstacles lorsqu'ils tentent d'accéder à des ressources communautaires. C'est le genre de choses que nous observons fréquemment à London. Si les travailleuses du sexe ne se conforment pas en disant qu'elles sont exploitées ou ont été victimes de la traite de personnes et qu'elles sont prêtes à abandonner ce travail, elles n'ont pas accès à certains refuges ou à certains programmes.
Comme l'a dit une travailleuse qui a eu accès à SafeSpace: « Nous sommes perçues, d'une certaine façon, comme la peste dans certains refuges... Ils nous disent ‘Non [vous ne remplissez pas les critères d'une ‘femme maltraitée’]. Vous êtes une travailleuse... Vous n'avez pas votre place ici’. Je me suis dit ‘Mais où est‑ce que je suis censée aller?’ » Cette idée que vous devez être exclu est un symptôme du régime de la LPCPVE, qui encourage la stigmatisation et la criminalisation.
Les travailleurs et les travailleuses du sexe à London sont victimes de stigmatisation et ont de la difficulté à accéder aux soins de santé et aux services sociaux. Nous avons vu du personnel médical refuser de fournir un traitement adéquat aux travailleuses du sexe dans les rues, et il y a un signalement dans le système de services sociaux quand il s'agit des travailleuses du sexe. Cette stigmatisation est perpétuée par le régime de la LPCPVE, qui amplifie aussi les préjudices que subissent les travailleuses qui appartiennent déjà à des communautés marginalisées.
Chez SafeSpace, nous offrons des services comme du soutien aux pairs, des services de réduction des méfaits et des services d'orientation dans le système pour aider à atténuer les préjudices systémiques qui sont causés par cette loi, mais nous n'avons pas les ressources nécessaires pour fournir l'éventail complet de services de soutien qui seraient nécessaires pour lutter contre les préjudices, la surveillance et la stigmatisation qui ont lieu à tous les niveaux de soins de la société, en vertu des directives de la LPCPVE.
Ce n'est pas sécuritaire pour les travailleurs et les travailleuses du sexe d'aller porter plainte à la police sous le régime de la LPCPVE. Plutôt, les travailleuses ont leur propre système de signalement de « mauvaises rencontres » pour leur communauté. Chez SafeSpace, nous avons une ligne pour signaler les mauvaises rencontres ainsi que des dépliants informatifs à ce sujet.
Nous continuons d'avoir des signalements de harcèlement et d'agression par la police, et quand les travailleuses tentent de porter plainte en lien avec ces incidents, au lieu de les aider, la police trouve une façon de les accuser d'une infraction à la LPCPVE, en disant par exemple qu'elles « entravent la circulation », en faisant porter des accusations par une tierce partie ou en disant qu'elles travaillent dans un endroit illégal.
La LPCPVE amplifie aussi le racisme systémique de la police. Une travailleuse du sexe autochtone nous a demandé de vous faire part de son commentaire à propos de la loi: « Ils ne se soucient pas de nous. Nous sommes aussi des humains. Il y a six ou huit travailleuses (autochtones) qui ont disparu [à London], et ils s'en fichent. Je n'ai vu aucune affiche, aucune publication, et je ne vois aucune recherche policière. »
Il y a un problème de marginalisation systémique causée par la LPCPVE. Ce n'est pas une formation policière supplémentaire qui va aider. La police suit la LPCPVE pour criminaliser et éliminer le travail du sexe, ce qui aura indéniablement comme conséquence notre propre élimination en tant que travailleuses du sexe. Si vous voulez que les travailleuses du sexe aient une meilleure relation avec le système juridique, la première étape sera toujours la décriminalisation complète du travail du sexe.
La LPCPVE prétend protéger la dignité et l'égalité de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, mais elle ne fait que causer un préjudice réel aux personnes qu'elle prétend aider en imposant des conséquences criminelles au travail du sexe et en mettant dans le même panier la traite de personnes et le travail du sexe. La LPCPVE envoie à la société le message que le gouvernement veut notre disparition, que les travailleurs et travailleuses du sexe et notre travail sont un affront à la société. Les travailleurs et travailleuses du sexe ne sont pas une menace pour vos collectivités; ils appartiennent à vos collectivités.
La LPCPVE n'encourage pas les travailleuses du sexe à renoncer à leur travail. Plutôt, le message qu'elle envoie est: « Arrêtez et obéissez, sinon nous rendrons votre travail si difficile et dangereux que vous y perdrez la vie. » Et c'est bien ce qui est arrivé: cette loi nous marginalise et nous tue.
Les travailleurs et travailleuses du sexe subissent les conséquences de cette loi jour après jour, et il est essentiel que nos voix et nos opinions soient au centre de cette discussion. Nous vous demandons d'abroger complètement la LPCPVE et de décriminaliser le travail du sexe.
Merci.
:
Je souhaite le bonjour aux membres du Comité.
Je m'appelle Alison Clancey, et je suis la directrice exécutive de SWAN Vancouver.
Cela fait 20 ans que SWAN soutient les nouvelles arrivantes, les migrantes et les immigrantes qui offrent des services sexuels à l'intérieur. SWAN fait partie de l'Alliance globale contre le trafic des femmes, une alliance de plus de 80 organismes de partout dans le monde qui luttent contre la traite de personnes. SWAN connaît donc très bien la question du travail du sexe et de la traite de personnes.
J'aimerais tout d'abord parler de l'idée de conserver la LPCPVE, mais en améliorant la formation policière pour tenter de régler les questions complexes dont votre comité est saisi.
Pendant 10 ans, j'ai donné à la police des formations sur le travail du sexe et la traite de personnes. J'ai travaillé avec des agents de police dans le cadre d'enquêtes sur le travail du sexe et la traite de personnes, et aussi en ce qui concerne les politiques et les pratiques policières connexes. Cependant, je ne fais plus ce travail pour deux raisons.
Premièrement, la formation policière est futile, compte tenu du cadre juridique de la criminalisation. La police applique le Code criminel, et la LPCPVE fait partie du Code criminel, ce qui veut dire que le rôle de la police est fondamentalement dissocié de la sécurité des travailleurs et travailleuses du sexe.
Deuxièmement, il y a de graves problèmes bien documentés de racisme systémique au sein de la police. Jusqu'à ce que ces problèmes soient réglés, toute formation en lien avec la LPCPVE est inutile. J'irais jusqu'à dire que même la meilleure formation policière ne pourra pas avoir d'incidence tant que nous n'aurons pas admis que le profilage racial est au cœur de la criminalisation des immigrants et des travailleuses du sexe migrantes sous le régime de la LPCPVE et que nous n'aurons pas eu une discussion franche à ce sujet.
La société comprend aujourd'hui qu'une forte présence policière dans la vie des gens racialisés est hautement problématique. La vérification des antécédents de santé mentale est un exemple, et les contrôles de routine en sont une autre. C'est déconcertant, et il est donc carrément dangereux, pour les féministes du milieu carcéral de dire qu'il serait acceptable d'accroître la présence policière, pour renforcer l'application de la LPCPVE, dans la vie des travailleuses du sexe racialisées.
Je vais maintenant parler de la lutte contre la traite de personnes.
Lors des audiences en 2014, toute l'attention était portée sur la traite de personnes. Et encore une fois, aujourd'hui, cela domine la discussion. Il semble que cette rhétorique constante sur la traite de personnes empêche le Canada d'avoir une discussion qui soit fondée sur des données probantes à propos de l'industrie du sexe.
Lors de ces audiences, les témoignages ont été présentés comme s'inscrivant dans l'un ou l'autre de deux courants idéologiques distincts, comme pour faire croire qu'il y a deux perspectives également valables. Soyons clairs: cela avait pour seul but de détourner la conversation du sujet vital.
Les travailleurs et travailleuses du sexe ont décrit sans équivoque les conséquences de la LPCPVE sur leur vie. Ils ont présenté des données empiriques sur les préjudices causés par la LPCPVE. Encore une fois, ils doivent se battre en cour dans le cadre de contestations constitutionnelles, et ce, même si la Cour suprême a unanimement tranché, dans l'arrêt Bedford, qu'il était dangereux de criminaliser le travail du sexe. Que faudra‑t‑il de plus pour abroger la LPCPVE?
On continue de donner une importante égale à cette moralité humiliante, qui se targue de lutter contre la traite de personnes et qui est appuyée par de fausses informations qui ont sans cesse été démenties. Je pourrai vous donner des exemples concrets pendant la période de questions.
Quelles sont les conséquences de la désinformation sur le problème de la traite des personnes sur les progrès réels que nous pouvons réaliser par rapport aux questions dont nous discutons aujourd'hui? Cela veut dire que le Canada ne peut aller de l'avant et lancer un dialogue axé sur le travail, au sujet du travail du sexe. Cela veut dire que l'on continue de donner une tribune nationale aux opinions anti-travail du sexe, ce qui alimente en retour une stigmatisation qui peut s'avérer fatale.
La traite de personnes est un problème qu'il faut combattre, mais il n'est pas nécessaire de mettre en danger la vie des travailleuses et des travailleurs du sexe, sous le régime de la LPCPVE, pour cela. Chez SWAN, la défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe et la lutte contre la traite de personnes ne sont pas mutuellement exclusifs.
La criminalisation sous le régime de la LPCPVE cause des préjudices non seulement aux travailleuses du sexe immigrantes et migrantes, mais aussi à celles qui sont victimes de la traite de personnes. Les travailleuses du sexe immigrantes et migrantes sont criminalisées à de multiples niveaux, par les règlements municipaux, la LPCPVE, les lois contre la traite de personnes et les dispositions en matière d'immigration interdisant le travail du sexe.
La LPCPVE est souvent le point d'entrée par lequel la police intervient dans la vie des travailleuses du sexe immigrantes et migrantes. Elle fait cela en enquêtant sur leurs clients ou sur les plaintes des voisins concernant le travail sexuel, ou pour d'autres raisons. Avec la LPCPVE comme point d'entrée, il n'y a jamais que deux résultats possibles pour les femmes que nous, chez SWAN, servons, après une intervention policière en lien avec la LPCPVE. Soit la femme elle-même devient la cible d'une enquête contre la traite de personnes, soit elle est arrêtée, détenue et expulsée du pays.
Les femmes ont souvent dit à SWAN qu'elles craignent la police plus que les prédateurs. En conséquence, elles ne signalent pas les actes de violence.
La LPCPVE s'est avérée un cadeau pour les prédateurs et les trafiquants. Non seulement la criminalisation sous le régime de la LPCPVE met en danger la vie des travailleuses du sexe immigrantes et migrantes, elle n'est absolument d'aucune aide pour les travailleuses de l'industrie du sexe qui sont victimes de la traite de la personne.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames, de votre participation cet après-midi. Vous avez toutes défendu vos arguments avec énormément de passion, et cela va aider le Comité à réaliser son étude très importante.
Si j'ai suffisamment de temps, j'aimerais poser certaines questions en commençant par vous, madame Stevenson.
Je dois dire que votre histoire est profondément touchante, madame Stevenson, et je suis content que vous nous ayez demandé, en préambule, de vous accompagner dans ce que vous avez vécu.
J'ai passé 30 ans dans le domaine du droit, et les 18 dernières comme procureur de la Couronne, et j'ai eu affaire au même genre de victimes, alors je trouve très rassurant de voir que vous ayez trouvé votre voix, que vous n'avez pas seulement été traitée avec condescendance par la police parce que vous avez été forte face aux poursuites, et que vous êtes non seulement une survivante, aujourd'hui, mais que vous défendez cette cause. Vous méritez toutes nos félicitations. Je suis très fier que vous soyez parmi nous aujourd'hui et que vous ayez pu vous exprimer.
Je vous ai écouté très attentivement, et d'après ce que j'ai compris, votre stratégie est axée entièrement sur la sensibilisation du public. J'aimerais en particulier savoir ce que vous pensez, d'une part de ceux qui proposent d'abroger le projet de loi et d'autre part de ceux qui, comme vous et d'autres témoins qui ont pris la parole aujourd'hui, croient qu'il s'agit d'un texte législatif important et équilibré. Comment la sensibilisation s'inscrit-elle dans cette équation?
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Je vous remercie de vos bons mots.
Je serais très heureuse d'aborder ce sujet. Mon domaine est la sensibilisation à des fins de prévention. Je crois que nous devons souligner l'importance de la sensibilisation à grande échelle; il ne faut pas que ce soit seulement pour la police ou pour certains domaines, il faut que ce soit pour l'ensemble des collectivités.
Je crois que quiconque veut vraiment réduire les méfaits ne pourra pas nier que la sensibilisation à grande échelle remplit une fonction intégrale. Plus il y a de sensibilisation, moins il y a de victimisation. Plus de sensibilisation veut aussi dire une plus grande compréhension des répercussions de l'industrie. Plus de sensibilisation veut aussi dire que l'industrie commerciale du sexe est interrompue à tous les points de contact: l'acheteur, la tierce partie qui en profite, le cas échéant, et le vendeur.
Il est impératif que nous reconnaissions que la sensibilisation à grande échelle n'aide pas seulement à prévenir la victimisation et l'exploitation des personnes non consentantes, mais qu'elle aide aussi à empêcher qu'il y ait de nouveaux exploiteurs, de nouveaux trafiquants et de nouveaux acheteurs.
Un organisme à but non lucratif que j'ai cofondé dans l'État du Wyoming a participé à quelques opérations d'infiltration avec les forces de l'ordre, là‑bas. On a même pu parler aux acheteurs, au moment de l'arrestation, pour savoir pourquoi ils achetaient des services sexuels. Chacun a dit qu'il leur manquait quelque chose dans leur vie. Je crois que cela veut dire que nous devons investir dans les garçons et dans les hommes pour qu'ils puissent comprendre qu'ils peuvent accéder à de l'éducation sur la façon de maîtriser leurs émotions, de communiquer correctement et aussi qu'ils peuvent obtenir de l'aide thérapeutique quand ils en ont besoin. De cette façon, ils ne voudront pas acheter un autre corps humain pour combler le vide qu'ils ne savent pas comment combler correctement.
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Je ne suis pas d'accord. Je crois que les agents de police méritent de bien comprendre les processus mentaux, émotionnels, psychologiques et cognitifs des gens à qui ils vont offrir leur aide.
J'entends bien et je comprends, et les intervenants de l'industrie disent qu'ils sont « dissociés » de la police. Je crois qu'il faut que la sensibilisation commence bien avant qu'une personne décide de devenir agent de police: il faut qu'elle se fasse dans les écoles publiques partout, afin que les gens comprennent les concepts de l'exploitation, des relations saines, du consentement et de tout le reste.
Puis, quand l'agent de police va commencer sa formation, il va devoir approfondir sa compréhension des concepts dont je parle — les effets émotionnels, cognitifs et psychologiques — et des raisons pour lesquelles une personne pourrait choisir ce genre de travail, qu'il sache le genre d'aide dont elle pourrait avoir besoin, si elle en demande, et quelles ressources il peut lui offrir si elle ne veut pas une aide directe.
De cette façon, nous pouvons jeter les bases d'un contexte où les gens de l'industrie du sexe et la police peuvent coexister, travailler ensemble et s'entraider.
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Merci de la question. En ce qui concerne nos expériences locales avec les lois et les règlements locaux, nous rencontrons beaucoup de difficultés en tant que travailleurs et travailleuses du sexe. À un certain moment, la police a tenté de publier les noms des clients qui étaient attrapés et arrêtés. Cela nous a gravement mis en danger et a eu des répercussions sur nous, en tant que travailleurs du sexe, parce que si les clients pensent que leur nom pourrait être publié, ils ne se sentent pas à l'aise de nous fournir leur vrai nom quand nous cherchons à savoir qui ils sont et à nous assurer que ce sont des clients sûrs, pendant ces premières discussions. Nous avons dû protester contre cela, et c'était un processus difficile.
Pendant la COVID, nous avons également constaté que les bars de danseuses ont fermé bien avant les autres boîtes de nuit, ce qui a poussé les travailleuses de ces bars de danseuses à trouver d'autres moyens de faire leur travail. Les travailleurs et travailleuses dans notre collectivité ont également été très touchés par les règlements sur la COVID, et la police les a appliqués fermement sur les travailleurs et travailleuses du sexe dans notre collectivité, notamment, par exemple, quand un couvre-feu a été imposé, il ne fallait pas se déplacer d'un endroit à un autre après 20 heures. Certains travailleurs et travailleuses du sexe dans la rue n'ont même pas pu accéder à nos services, parce que la police les arrêtait s'ils marchaient dehors pour rentrer chez eux ou pour aller de chez eux ou de l'endroit où ils dormaient afin de venir nous voir.
En ce qui concerne la décriminalisation, à SafeSpace London, nous la soutenons véritablement, car nous constatons réellement les répercussions de cette loi à l'échelle locale, dans nos relations avec la police, parce que la police ici travaille dans le cadre de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation et la soutient.
Nous ne pouvons améliorer nos relations avec la police que si l'on procède à la décriminalisation, parce que, tant qu'il y a criminalisation, la police travaillera en ce sens en se concentrant sur les travailleurs et travailleuses du sexe et sur notre travail. Actuellement, nous ne pouvons pas signaler d'incidents à la police. Je suis une travailleuse de soutien par les pairs, quand quelqu'un vient me voir et me fournit un rapport sur une mauvaise rencontre, je lui demande toujours si elle voudrait le signaler à la police et je lui propose de l'accompagner au poste de police. Même en recevant le soutien d'un pair, il ne se sent toujours pas à l'aise d'y aller.
C'est à ce point‑là que nous ne nous sentons pas en sécurité. Nous continuons d'entendre que la formation de la police aiderait, mais cela ne se fera pas tant qu'il n'y aura pas eu la décriminalisation, car les agents de police ne peuvent pas apprendre à nous soutenir tant qu'ils n'arrêteront pas de chercher à nous éliminer.
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Stevenson.
Dans votre témoignage, vous nous disiez qu'il fallait distinguer la prostitution de la traite de personnes, ce qui va évidemment de soi, à mon avis. Personne ne sera en désaccord sur cela.
Or, quand vous nous dites cela, j'en déduis que la prostitution est, selon vous, une activité correcte et tolérable qui devrait être encadrée et soutenue, alors que la traite de personnes est un acte criminel qui doit évidemment faire l'objet de poursuites au criminel.
De plus, vous dites que vous appuyez la loi découlant du projet de loi et que vous ne croyez pas qu'elle devrait être abolie. J'aimerais que vous m'expliquiez clairement votre position à ce sujet. En effet, le projet de loi ayant eu pour effet de criminaliser l'achat de prostitution, si je peux utiliser cette expression, cela nuit entre autres aux travailleurs du sexe qui voudraient porter plainte. C'est, du moins, ce que les autres témoins nous ont dit.
Où vous situez-vous précisément sur cette question? Croyez-vous que l'on devrait abolir cette loi ou la conserver? Si vous croyez que cette loi devrait rester en vigueur, j'aimerais vous entendre sur les améliorations que nous pourrions y apporter.
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Pour répondre à votre question sur le projet de loi , je pense que nous devons le garder. J'en ai brièvement parlé, mais je pense que cela aiderait les travailleurs et travailleuses actuels qui entendent constamment dire que les travailleurs et travailleuses du sexe sont marginalisés, qu'ils sont en mode survie et que, pour diverses raisons, ils ne peuvent pas aller au‑delà de ce mode de survie.
La décriminalisation aiderait certainement ces travailleurs à vivre plus librement dans leur mode survie, mais il serait peu probable qu'elle leur fournisse des ressources et un coup de pouce pour les sortir de ce mode survie. Selon moi, la meilleure façon de créer un changement fondamental, c'est d'avoir de bonnes ressources et de faire beaucoup de sensibilisation pour empêcher les gens de vivre en mode survie et de finir par vendre leur corps.
La décriminalisation et l'abrogation de LPCPVE, comme je l'ai dit, procureraient certainement ces avantages, à court terme, mais les méfaits à long terme liés au fait que de plus en plus de personnes sont exploitées en raison de la demande accrue et du manque persistant de ressources, qui conduisent à la vente et à la marchandisation du corps humain, continueraient de poser problème.
Nous devons conserver la LPCPVE et travailler ensemble pour fournir des ressources, de sorte que les gens n'aient pas à faire le trottoir parce qu'ils sont en mode survie.
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Je pense que l'application de la loi est la pièce manquante ici. La police n'applique pas la loi. Les avocats de la Couronne n'intentent pas de poursuites.
La question, c'est que la loi ne porte pas préjudice aux personnes exploitées... Quand une femme subit un préjudice, c'est parce que la loi n'a pas été appliquée. Le refus de la police d'appliquer la loi laisse les femmes à la merci des proxénètes et des acheteurs de services sexuels, qui peuvent être aussi contrôlants et violents qu'ils le souhaitent.
Cela fait vraiment mal aux femmes de savoir qu'elles ne sont pas jugées dignes de protection, même quand, selon la loi du pays, ce qui leur arrive est mal. Cela nuit à toutes les femmes de la collectivité, quand elles voient que d'autres femmes sont vendues, dénigrées et blessées et que rien n'arrive à l'homme ou aux hommes qui ont causé ce préjudice.
Avant la loi, les femmes n'allaient pas voir la police, et elles n'y vont pas non plus aujourd'hui, parce que la police n'a pas changé d'attitude ou de comportement à l'égard des acheteurs de services sexuels. Avant la loi, la police arrêtait presque exclusivement les femmes, et après la loi, en Colombie-Britannique, et en particulier à Vancouver, la police n'arrête plus personne. Elle a effectivement fait disparaître la prostitution, parce qu'elle n'a pas de chiffres, pas d'arrestations, pas d'affaires.
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Merci, monsieur Garrison.
J'aimerais d'abord commencer par vous féliciter d'avoir écouté respectueusement tous les témoins tout au long des audiences et j'aimerais souligner que, chaque fois que vous avez pu le faire, vous avez recentré la discussion sur la question qui nous occupe, même si elle a été confondue avec de très nombreuses questions. J'aimerais vous en remercier.
Je reviens sur la désinformation à propos de la traite de personnes qui a été communiquée au Comité. En toute franchise, j'ai trouvé que ces audiences sont une honte nationale. Je suis profondément préoccupée par l'ampleur de la désinformation sur la traite de personnes qui a été communiquée et acceptée aveuglément. Cela s'est produit aussi pendant les audiences de 2014 et je m'attendais à ce que les députés, qui entament cette audience huit ans plus tard, soient au courant du type de désinformation qui serait présentée. Je donnerai maintenant quelques exemples.
Mme Clamen a dit tout à l'heure que l'âge à l'entrée de l'industrie du sexe était de 12 à 14 ans. Dans mon mémoire, j'ai inclus les reportages d'enquête du Washington Post et de The Atlantic pour montrer que cela a été réfuté à de multiples reprises. Au Canada, la Fondation canadienne des femmes a retiré non seulement cette affirmation, mais aussi toutes les soi-disant recherches de son groupe de travail sur la traite des personnes qui a si mal informé tant de politiques et de dialogues sur la traite de personnes au Canada. Si vous voulez savoir pourquoi les rapports sur la traite de personnes de la Fondation canadienne des femmes ne sont plus disponibles sur son site Web, je vous encourage à communiquer avec la Fondation canadienne des femmes.
J'aborderai également un autre élément de désinformation que j'ai entendu pendant les audiences. C'était l'affirmation selon laquelle la traite de personnes a augmenté avec les événements sportifs. Je crois que le Stampede a été mentionné. Cela s'est également produit à Vancouver dans le cadre des Jeux olympiques de 2010. Divers groupes ont tenu de nombreux propos alarmistes selon lesquels les trafiquants allaient amener des jeunes filles au Canada et à Vancouver. Cela n'a pas eu lieu.
L'Alliance mondiale contre la traite des femmes a publié des preuves empiriques selon lesquelles cette traite de personnes n'a pas eu lieu. Elle n'a pas non plus eu lieu dans le cadre du Super Bowl. Je peux vous garantir que Vancouver envisage actuellement de nouveau de se porter candidate pour les Jeux olympiques. Si la candidature de Vancouver est retenue, ce mythe sur l'augmentation de la traite de personnes dans le cadre des Jeux olympiques va sûrement réapparaître une fois de plus, même si cela n'a pas eu lieu la dernière fois.