La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Madame la Présidente, c'était tout un prélude à mon discours. Je pense que tout l'oxygène à la Chambre a été consommé.
Je veux d'abord dire que ce projet de loi est en fait la loi d’exécution du budget dont l'objectif est de mettre en œuvre une partie du dernier budget fédéral, le budget de 2022, présenté il y a un peu plus d'un mois. Sans surprise, après avoir bien étudié ce projet de loi, et le budget, après avoir examiné tous les détails et y avoir bien réfléchi, nous, les conservateurs, ne pouvons tout simplement pas appuyer le projet de loi. Je vais expliquer pourquoi.
Plus tôt, lorsque j'ai parlé du budget, j'ai souligné le fait qu'il contenait différents problèmes qui nous préoccupent grandement. Un de ces problèmes est que, contrairement aux attentes, il ne s'agit pas d'un budget de croissance. Au contraire, c'est pratiquement une copie du budget précédent, le budget de 2021, qui avait été vertement critiqué par les ex-conseillers du Parti libéral, qui avaient affirmé qu'il était absolument faux de qualifier ce budget de budget de croissance. En vérité, c'était un budget dépensier. Il se trouve que le plus récent budget, celui de 2022, est également un budget dépensier.
Pourquoi dire qu'il s'agit d'un budget de dépenses? Nous connaissons les chiffres, et les fonctionnaires les ont confirmés. Le projet de loi prévoit environ 57 ou 58 milliards de dollars en nouvelles dépenses. Il ne s'agit pas seulement de reports de l'année précédente ou de programmes établis qui sont simplement renouvelés. On parle de 57 milliards de dollars supplémentaires que le gouvernement compte dépenser, en plus de tout le reste.
Je crois que nous devons situer les choses dans leur contexte, car le gouvernement a pris le pouvoir il y a environ six ans et demi, en 2015. Au cours de cette période — et les députés n'en reviendront pas —, les dépenses ont augmenté de 53 %. Pour mettre les choses davantage en perspective, entre 2019, donc juste avant la pandémie de COVID, et aujourd'hui, les dépenses ont augmenté de 25 %. Ainsi, à tous les égards, nous avons affaire à un gouvernement libéral porté sur les impôts et les dépenses. Les Canadiens ne devraient pas s'en étonner. C'est la réputation que les libéraux se sont taillée au fil des décennies.
S'agit‑il d'un budget de croissance, comme il était censé l'être? Après tout, le budget devait prévoir des changements fondamentaux destinés à améliorer les perspectives de croissance à long terme de notre pays. À propos de la croissance économique que nous observons à l'heure actuelle, le directeur parlementaire du budget a déclaré qu'il s'agit en fait d'une « inflation du PIB ». Autrement dit, ce n'est pas une croissance naturelle ou véritable, générée par l'amélioration de la productivité au sein de l'économie, c'est‑à‑dire une croissance qui renforcerait notre compétitivité sur la scène internationale et sur les marchés mondiaux.
Par exemple, il n'y avait rien dans ce budget au sujet d'une réforme fiscale complète, qui positionnerait clairement notre système fiscal comme un système plus équitable, obligeant les riches à payer leur part, et qui positionnerait également le Canada comme un joueur concurrentiel sur le marché mondial. Un tel système fiscal attirerait les investissements du monde entier, car aujourd'hui, le Canada a la réputation d'être un endroit où les gens n'investissent pas. Les investisseurs s'en éloignent, car il y a trop de réglementation, et les taxes et les impôts sont trop élevés. Il n'y a aucune certitude que les investissements seront un jour approuvés, et le gouvernement fédéral ne soutient pas les investissements, en tout cas, certainement pas les investissements dans le secteur pétrolier et gazier.
Ce n'est pas non plus un budget qui vise la croissance, car il n'y est nullement question de changements ou de réformes réglementaires qui accéléreraient le processus d'approbation des projets valables. Il n'y a tout simplement rien.
Il n'y a rien dans ce budget sur les obstacles au commerce interprovincial, un enjeu qui préoccupe les gouvernements depuis des décennies. Les échanges commerciaux entre les provinces et territoires sont plus difficiles que ceux avec nos partenaires étrangers de libre-échange. Quel triste constat sur la performance du gouvernement, qui ne propose rien dans le budget ni dans ce projet de loi pour remédier à ce grave problème.
Il n'y a rien dans le budget qui remédie au piètre rendement du Canada en matière d'investissements. En fait, le Canada arrive dernier sur les 38 pays de l'OCDE pour ce qui est des investissements. Les investisseurs de partout dans le monde ne voient tout simplement pas le Canada comme un endroit attrayant pour investir.
Je souhaite revenir sur une remarque que vient de faire la . Elle a donné l'impression que le taux de croissance du Canada est le meilleur au monde. Circulez. Il n'y a rien à voir ici. Tout va très bien, madame la marquise. En fait, elle a cité le FMI, qui a déclaré que le Canada va connaître une bonne croissance pendant quelques années.
Est-ce que les députés savent ce qu'en dit l'OCDE? Sur 38 pays, le Canada arrive au dernier rang quant à la croissance économique prévue au cours des 30 à 35 années à venir, soit entre 2030 et 2060. Le Canada sera le dernier des pays industrialisés. C'est un échec du gouvernement libéral. Ce n'est pas un budget visant la croissance. Les perspectives de croissance sous ce gouvernement sont bien sombres.
Ensuite, je veux aborder la question de l’inflation, le plus grand problème auquel sont confrontées les familles canadiennes aujourd’hui. La crise de l’accessibilité financière s’étend d’un océan à l’autre. Certes, dans le monde entier, des facteurs externes ont contribué à l’inflation, comme les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la flambée des prix des produits de base, mais le gouvernement doit également assumer sa responsabilité. Les uns après les autres, les économistes observent que les gouvernements ne peuvent pas continuer à dépenser et à injecter plus d’argent dans notre économie sans en payer le prix, et ce prix, c'est l’inflation que nous voyons aujourd’hui, en particulier sur notre marché immobilier. La crise de l’accessibilité au logement est la plus grave que j’aie vue de mon vivant. Elle n’a jamais été aussi grave dans ce pays. À l’heure actuelle, le gouvernement ne peut donner aux Canadiens l’espoir que les choses vont s’améliorer à court ou à moyen terme.
Le problème est le suivant. Dans leur budget, les libéraux ont quelque chose qui s’appelle un plan pour le logement. Ils ont dit qu’ils allaient injecter 10 milliards de dollars au Canada pour aider à atténuer la crise du logement, mais de ce montant, 4 milliards de dollars sont simplement un transfert du gouvernement fédéral aux municipalités canadiennes. Ce n’est pas ce qui permettra de construire une seule maison de plus au Canada au cours des prochaines années. Le montant est censé servir à aider les municipalités à améliorer leurs processus de demande, afin que ces processus soient plus efficaces, plus opportuns et plus rapides, de façon à ce que les municipalités puissent délivrer plus d’approbations de permis, mais il faudra des années pour que cela se voie concrètement. Je pense que nous savons tous à la Chambre que ce n’est pas une solution rapide.
Les 6 autres milliards de dollars de ce fonds de 10 milliards de dollars sont affectés à un programme qui permettra aux acheteurs d’une première propriété d’établir un plan d’épargne avec lequel, sur une période de cinq ans, ils pourront investir 8 000 $ par an, jusqu’à concurrence de 40 000 $, dans un compte où les investissements du fonds seront déductibles d’impôt et où ils pourront retirer de l’argent sans payer d’impôt. Cela semble extraordinaire, mais il ne s’agit que de 40 000 $, et c’est sur cinq ans.
Pendant cinq ans, ces familles seront laissées pour compte par un marché immobilier déchaîné. De plus, ce programme va faire augmenter encore plus la demande de logements au Canada au fur et à mesure que de plus en plus de Canadiens en profiteront. Nous aurons un problème du côté de la demande et un problème du côté de l'offre de logements au Canada.
Le véritable problème au Canada, c'est la crise du logement comme telle, et l'aspect inflationniste de cette crise est un problème purement canadien. Certains des éléments qui jouent un rôle dans la construction domiciliaire sont touchés par des forces mondiales, mais l'inflation dans le secteur du logement dans ce pays est essentiellement une crise canadienne. Il n'y a pas longtemps, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a comparu devant notre comité et nous lui avons expressément demandé s'il était possible que certaines des dépenses inflationnistes des libéraux fédéraux, c'est-à-dire les emprunts et les dépenses, dans le contexte des déficits et de la dette records, puissent contribuer à l'inflation dans le secteur du logement. Il a admis que oui, c'était vrai. L'inflation dans le secteur du logement peut découler d'un excès de liquidités sur le marché.
Le gouvernement libéral ne peut pas juste se laver les mains de la crise de l'inflation qui assaille notre pays et qui touche les logements à l'échelle nationale. Il doit assumer une certaine part de responsabilité pour la crise qu'il a causée. Je serai le premier à admettre qu'il n'est pas le seul à blâmer pour cette situation, mais il l'est quand même grandement.
Cela a fait augmenter le coût de la vie, et la situation ne fera qu'empirer à cause notamment de l'inflation. Comment la Banque du Canada et M. Macklem combattront‑ils l'inflation? M. Macklem devra maintenant augmenter les taux d'intérêt. Au comité la semaine dernière, il a admis qu'il devrait le faire bientôt et que ces augmentations seraient importantes.
Il y a maintenant deux fléaux qui affligent les familles canadiennes: une inflation galopante et la hausse des taux d'intérêt. Les Canadiens devant renouveler leur hypothèque devront payer des taux hypothécaires plus élevés, ce qui diminuera les revenus à leur disposition. C'est typique du gouvernement libéral. C'est l'héritage qu'il laissera.
Passons maintenant au troisième problème que nous voyons dans ce budget et dans ce projet de loi. Il y a un peu plus d'un an, le a expressément ordonné à la de ne plus s'engager à faire de nouvelles dépenses récurrentes. Nous étions en plein milieu de la pandémie de COVID, et j'ai alors pensé que le gouvernement s'était rendu compte qu'il ne pouvait plus continuer à dépenser ainsi. Nous devons faire attention à nos dépenses, car au bout du compte, nous sommes redevables envers les futures générations de Canadiens qui devront rembourser cette énorme dette qui a été causée par la pandémie, mais aussi par les dépenses inconsidérées du gouvernement.
En dépit de cette directive on ne peut plus claire, un an après, qu'a fait le ? Il a adressé une nouvelle lettre de mandat à la dans laquelle il a supprimé toute référence à la suppression de nouvelles dépenses récurrentes. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Il est possible que le premier ministre ait déjà été en train de mijoter une coalition entre le NPD et les libéraux — une coalition qui coûterait fort cher aux contribuables — et qu'il savait déjà que le gouvernement devrait emprunter beaucoup d'argent pour satisfaire le NPD. Je ne sais pas ce qui s'est passé, par contre je sais une chose.
Peu de temps après que la a reçu cette lettre de mandat, elle a commencé à élaborer son budget de 2022, qui prévoit énormément de nouvelles dépenses récurrentes, y compris un régime de soins dentaires. Dans le budget précédent, c'était un programme de garde d'enfants. Dans le prochain, on s'attend à ce qu'il y ait un régime d'assurance-médicaments.
Ce qui m'a stupéfait, en tant que membre du comité des finances, a été le processus quand toutes ces demandes affluaient au comité lors des consultations prébudgétaires. Il y avait des intervenants de partout au Canada. Nous avons reçu 500 mémoires, et un nombre encore plus grand de témoins ont comparu pour demander, essentiellement, au gouvernement de financer tel ou tel programme ou de leur accorder telle ou telle subvention. Nous avons demandé aux membres du comité d'au moins mettre en place un processus de triage afin de pouvoir examiner les demandes d'un œil critique et déterminer ce qui dans tout cela était dans les moyens des contribuables canadiens et des générations futures, qui auraient à payer la facture.
Le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois ont dit qu'établir des priorités ne les intéressait pas. Ils voulaient accepter toutes les recommandations et les soumettre à la pour qu'elle détermine comment y donner suite. Quelle façon irresponsable de faire les choses. Ce n'est pas dans ce genre de pays que je veux vivre. Je veux vivre dans un pays responsable sur le plan financier. Je veux un qui réfléchit vraiment à la politique monétaire au lieu de se défiler en disant que cela ne l'intéresse pas.
C'est à cause de la politique monétaire du Canada que nous devons hausser les taux d'intérêt en raison des emprunts et des dépenses irresponsables du gouvernement libéral. C'est à cause des dépenses récurrentes. Ce budget comprend à lui seul des dépenses supplémentaires de 57 milliards de dollars. Cela va alourdir considérablement le fardeau des générations futures, qui devront rembourser cette dette colossale en payant des intérêts plus élevés.
Le dernier élément dont je veux parler, c'est l'impôt. Le gouvernement libéral ne cesse de dire qu'il a à cœur l'intérêt des Canadiens et de la classe moyenne. « Bravo! », disent-ils. Pourtant, le budget prévoit taxe après taxe. C'est incroyable. Prenons, par exemple, l'indexation de la taxe d'accise sur les vins. C'est incroyable! L'indexation fait automatiquement augmenter les taxes sur les biens que les Canadiens achètent au quotidien. C'est taxe après taxe. Le pire, c'est que, étant donné la hausse en flèche du prix de l'essence, les Canadiens qui peinaient déjà à faire le plein dans leur véhicule se rendent maintenant compte, grâce aux conservateurs qui le dénoncent, qu'en sus du prix élevé de l'essence, ils paient la TPS, ce qui signifie plus de revenus pour le gouvernement fédéral, mais moins de revenu disponible pour eux.
Puisque nous cherchons toujours à régler les problèmes, nous, les conservateurs, avons proposé une solution. Nous avons suggéré au de suspendre à tout le moins temporairement la taxe sur le carbone et la TPS sur l'essence afin de laisser les Canadiens respirer un peu. Les libéraux ont refusé.
En concluant, jamais les conservateurs, qui forment la loyale opposition officielle, ne pourront appuyer un projet de loi d'exécution du budget qui est irresponsable. J'aimerais déposer une motion à la Chambre.
Je propose:
Que la motion soit modifiée en supprimant tous les mots après « Que » en les remplaçant par ceci: « la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, car il ne parvient pas, entre autres, à lutter contre l’inflation, fournir un allègement fiscal aux Canadiens et agir immédiatement pour augmenter l’offre de logements. »
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Madame la Présidente, je ne pourrais pas dire que j'ai eu le temps d'étudier les 500 pages du projet de loi , mais j'ai fait quelques observations.
On parle beaucoup du travail, des travailleuses et des travailleurs et de l'importance de l'emploi. J'ai cherché à savoir ce que le gouvernement avait mis de l'avant pour les travailleuses et les travailleurs, s'il avait eu de l'ambition et une vision et s'il était capable d'agir pour soutenir les travailleuses et les travailleurs et améliorer leurs conditions. En effet, au bout du compte, le travail est une composante importante de l'économie.
Selon mon analyse, je trouve qu'il y a peu d'ambition pour les travailleuses et les travailleurs. Je vais donner des exemples. Dans le dernier budget et dans la lettre de mandat du , le gouvernement avait promis une loi visant à interdire les briseurs de grève en vertu du droit fondamental de s'associer et de négocier. Or, le présent projet de loi n'indique toujours pas d'intention ni de mesures à cet égard. Qu'en est-il?
Il y a aussi la question du travail équitable. Je ne sais pas si on le sait, mais la Loi sur l'équité en matière d'emploi a été adoptée en 2018. Actuellement, dans les entreprises de compétence fédérale, il existe des disparités de traitement selon le statut d'emploi. En d'autres termes, on appelle cela des clauses de disparité ou, si on me passe l'anglicisme, des « clauses orphelin ». La Loi a été adoptée en 2018, mais il n'y a toujours pas d'intention ni de vision pour aller de l'avant avec cela. Qu'en est-il?
Récemment, nous avons adopté le projet de loi ici, à la Chambre, pour accorder aux travailleurs dix jours de congé de maladie payés. L'entrée en vigueur de cette loi se fera à une date ultérieure, fixée par décret, mais nous n'avons encore rien trouvé.
Les changements climatiques sont l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes opposés au budget. En effet, nous revendiquons la fin de la production des énergies fossiles et une transition juste et équitable vers les énergies vertes ou propres. Qu'en est-il pour les travailleurs?
La semaine dernière, le commissaire à l'environnement et au développement durable disait que Ressources naturelles Canada et Emploi et Développement social Canada n'étaient pas prêts à soutenir une transition équitable vers une économie à faible émission de carbone pour les travailleuses, les travailleurs et les collectivités. C'est grave: il y a plus de 200 000 travailleuses et travailleurs et on n'a ni plan ni mesures pour soutenir cette transition juste et nécessaire.
Je dirais aussi qu'on abandonne les travailleuses et les travailleurs de la santé en refusant catégoriquement d'augmenter les transferts canadiens en santé comme le demandent Québec et les autres provinces. Si on veut des soins de santé de qualité, il faut compter sur ces travailleurs. Pour cela, le Québec a besoin des subsides nécessaires correspondant aux dépenses pour mieux soutenir le secteur de la santé.
J'ai cherché partout dans le budget et je n'ai trouvé qu'un paragraphe sur l'assurance-emploi. On peut dire que c'est là où on abandonne royalement les travailleuses et les travailleurs. Pourtant, une réforme globale de l'assurance-emploi avait été promise et, encore une fois, le gouvernement a raté une occasion d'agir. Dans un paragraphe du budget et dans le projet de loi , le gouvernement annonce la prolongation des projets pilotes qui accordent jusqu'à cinq semaines supplémentaires de prestations de l'assurance-emploi aux travailleuses et aux travailleurs d'industries saisonnières. C'est tout, rien de plus.
La lettre de mandat de la dit clairement de procéder à une réforme d’ici l’été 2022. Le a dit lui-même qu’il demandait à la ministre de consacrer son énergie à faire en sorte de mettre en place un régime plus équitable d’ici juin 2022. Le 1er janvier, elle déclarait qu’elle devait y arriver.
Actuellement les travailleuses et les travailleurs de partout, dans toutes les régions du Québec et au Canada, peinent à avoir droit à des prestations équitables et accessibles. Il y a de grandes lacunes à corriger. Les problèmes sont connus, les solutions sont connues, et on continue de tarder à mettre en place une réforme qui est nécessaire.
A-t-on besoin de se rappeler que le régime d’assurance-emploi est un filet social qui vient protéger les travailleuses et les travailleurs en cas de perte d’emploi? Il les protège aussi en cas d’événements de la vie, comme l’a dit la ministre. Par exemple, les prestations de maladie sont toujours à 15 semaines alors qu'on avait promis de les prolonger jusqu’à 26 semaines. On nous dit que cela n’arrivera peut-être pas au mois de juillet, comme on le pensait, parce que le système informatique ne sera pas prêt. On abandonne le monde.
Je suis assez étonnée et assez déçue que l’encre orange n’a pas laissé sa marque dans le budget pour les travailleuses et les travailleurs. Cela manque pas mal de dents.
La réforme de l’assurance-emploi est soutenue par l’ensemble des groupes de chômeurs, par l’ensemble des groupes de travailleuses et de travailleurs. On nous annonce encore des consultations. Cela fait des années qu’on fait des consultations. Quand va-t-on finalement procéder? C’est une promesse rompue actuellement.
Pour les travailleuses et les travailleurs, c’est quelque chose d'important. Moi-même, je rencontre des travailleuses et des travailleurs, des groupes de chômeurs, des groupes sociaux ou de la société civile pour regarder la réalité économique et sociale dans certaines régions. Dans les régions où l’industrie saisonnière est prédominante dans l’économie, cinq semaines supplémentaires en cas de perte d’emploi sont insuffisantes. Ce qu’on appelle le trou noir de l’assurance-emploi, c’est la période que les semaines de prestations ne suffisent pas à combler entre la fin de l’emploi et sa reprise. On pourrait dire aux travailleuses et aux travailleurs d’aller travailler ailleurs, mais ce n’est pas ce qu’il faut faire. Il faut plutôt soutenir l’industrie saisonnière dans le tourisme, la pêche. On sait que ce sont de grands secteurs qui sont touchés. L’économie d’une région repose là-dessus. Ce n’est pas en reportant une fois de plus un projet pilote de cinq semaines à dix semaines qu'on va donner aux régions la capacité de soutenir leur économie et aux travailleuses et aux travailleurs la capacité de maintenir des emplois de qualité et de l’expérience. On ne veut pas dévitaliser les régions.
L'iniquité pour les femmes et les jeunes est un autre exemple qui nécessite la réforme de l’assurance-emploi. Actuellement, il y a des règles désuètes qui les discriminent complètement. Il y a plein de critères à changer concernant les heures d’admissibilité. Il me semble qu’il doit y avoir un signal clair selon lequel la réforme de l’assurance-emploi est une priorité. C’est une priorité pour les travailleuses et les travailleurs, c’est une priorité pour l’économie, c’est un filet social qu’il faut absolument mettre en place. Ce qu'on observe est très décevant.
Enfin, je dirais qu’il y a une petite note selon laquelle on va reviser le Tribunal de la sécurité sociale pour instaurer un tribunal pluripartite. Grand bien nous fasse, cela fait 10 ans que les travailleuses et les travailleurs le revendiquent.
Comme il ne me reste que 30 secondes, je vais conclure en disant que les travailleuses et les travailleurs manquent vraiment de soutien. Sur le plan budgétaire et financier, le gouvernement libéral doit s’assurer de lancer un message très clair selon lequel on compte sur eux. Pour compter sur elles et sur eux, il faut d’abord les soutenir et agir dès maintenant.
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Madame la Présidente, je remercie la Chambre de m'offrir son consentement, ce qui me permet d'adresser ces quelques mots aujourd'hui. J'espère utiliser ce temps de parole avec un minimum de pertinence.
Réglons une chose tout de suite. Le député de accusait à mots couverts ma collègue de trouver des excuses, des fausses raisons et des prétextes pour voter contre le projet de loi C‑19. Disons-le d'emblée: nous allons voter en faveur du principe du projet de loi. Nous allons travailler fort en comité pour remanier le projet de loi, mais nous allons voter en faveur du principe.
En passant, j'invite mon collègue à ne pas m'applaudir trop vite tout de même. Je commencerais à être inquiet. Plusieurs choses sont à mentionner. La seule raison pour laquelle nous votons en faveur du projet de loi, c'est dans l'optique de le modifier, et ce, en relative profondeur sur certains points.
Parlons d'abord du procédé. Nous avons affaire à un projet de loi qui est un véritable mastodonte. C'est une brique. On parle de 500 pages, d'une soixantaine de mesures qui viennent modifier 37 lois, en plus des modifications de concordance. Le sommaire seul fait huit pages. Dans une telle brique, on retrouve à peu près tout: des mesures budgétaires, des mesures non budgétaires, des mesurettes, ainsi que de la tarte aux pommes, comme on le dit par chez nous. On y trouve également, en même temps, des choses beaucoup plus substantielles. Il me semble qu'il aurait fallu distinguer le dépoussiérage législatif, les mesurettes, de choses beaucoup plus substantielles et plus profondes qui auraient mérité un examen distinct. On y retrouve des choses qui ont été remises au goût du jour, et même des dispositions provenant de trois projets de loi dont on présume qu'ils mourront au Feuilleton.
Voilà le problème que nous avons avec ce gouvernement et avec cette culturelle parlementaire: nous nous faisons constamment imposer de telles briques et nous sommes obligés de vivre avec le « tout ou rien ». On nous demande de tout prendre ou de tout rejeter. C'est un peu le paradoxe d'être dans ce qu'on appelle une monarchie parlementaire. On nous dit qu'on est dans un régime où le Parlement est maître de tout. Cependant, on est quand même dans un système, comme l'indique le mot « monarchique », où la transparence fait grandement défaut et où les parlementaires ont trop souvent pour but de ne venir qu'estampiller des projets de loi mammouth, des mastodontes législatifs, comme ceux qu'on vient nous imposer en douce.
Sur le fond des choses, le Bloc québécois s'était opposé à l'énoncé budgétaire. Comme on le sait, nous avions voté contre le budget. Nous sommes cependant prêts à vivre avec le principe, à ce stade-ci. Je dis bien « le principe », car nous ne nous engageons pas à l'appuyer jusqu'au bout, contrairement à un autre parti de l'opposition. Nous verrons ce que cela donnera par la suite, lors de l'étude en comité, mais nous sommes prêts à vivre avec le principe parce qu'énormément d'irritants qu'on retrouvait dans le budget ne se trouvent pas dans l'actuel projet de loi. On peut penser aux gargantuesques subventions pétrolières annoncées dans le budget, notamment la capture de carbone; à la question des petits réacteurs nucléaires; aux grandes conditions et aux grandes ingérences dans le système de santé des provinces et du Québec, lesquelles figuraient dans le budget. Tout cela ne se retrouve heureusement pas dans le projet de loi.
Il y a aussi quelques mesures urgentes qui ont été mentionnées et sur lesquelles nous sommes d'accord, notamment en matière d'assurance-emploi. Ma collègue de l'a bien expliqué, bien qu'il y ait d'importantes zones d'ombre qui ont aussi été bien décryptées lors de l'allocution précédente.
Il y a aussi quelques mesures intéressantes sur papier et il y en a plusieurs qu'il faudra examiner plus en profondeur. Il faudra notamment en regarder une que je trouve particulièrement intéressante: l'obligation pour les gestionnaires de caisses de retraite sous réglementation fédérale de divulguer certaines informations qui sont liées au climat. C'est un premier pas vers ce qu'on appelle la finance verte, un dossier important pour mon collègue de . Il s'agit donc de convertir notre appareil bancaire et financier pour être en appui, non pas aux énergies fossiles, qui sont des énergies du passé, mais à la transition énergétique. Cela requiert de la volonté politique.
Certaines choses paraissent intéressantes sur papier. Je parle notamment de la question de l'aérospatiale, un dossier très important.
Il y a, dans le projet de loi , la taxe sur certains biens de luxe. C'était déjà dans le budget de 2021, dans lequel on peut déjà y lire la chose suivante:
[…] il est juste que nous demandions à ceux qui ont prospéré au cours de cette triste année de faire un peu plus pour aider ceux qui n'ont pas prospéré. C'est pourquoi nous instaurons une taxe de luxe sur les voitures neuves et les avions privés [fabriqués après 2018 et d'un maximum de 39 sièges passagers] d'une valeur de plus de 100 000 $ et sur les bateaux de plaisance d'une valeur supérieure à 250 000 $.
Voici un autre extrait:
Si vous avez été assez chanceux, assez intelligent ou assez travaillant pour vous permettre de dépenser 100 000 $ sur une voiture ou 250 000 $ sur un bateau — félicitations! Et merci de partager un peu de cette bonne fortune pour aider à réparer les blessures causées par la COVID et à investir dans notre prospérité collective future.
Sur papier, quand on lit cela, il n'y a aucun problème. Que les plus riches contribuent et qu'ils le fassent de manière accrue, il n'y a aucun problème, le Bloc québécois marche. La répartition de la richesse passe aussi par la volonté politique. Dommage qu'il n'y en ait pas autant dans la lutte contre les paradis fiscaux, mais c'est une autre affaire. Sur la répartition de la richesse, le Bloc québécois en est, car il est un parti social‑démocrate. Il n'y a pas de problème avec cela.
Maintenant, le problème est que le diable est malheureusement trop souvent dans les détails. La manière dont c'est écrit, c'est que tous les aéronefs neufs conçus après 2018, y compris les avions, les hélicoptères ou les planeurs dont la capacité maximale est inférieure à 40 sièges, y compris les aéronefs d'entreprise, vont être assujettis à la taxe. Les aéronefs habituellement utilisés dans le cadre d'activités commerciales tels que ceux équipés pour le transport de passagers ou conçus exclusivement pour les vols de transport de marchandises sont exclus.
Par principe, je le disais juste avant, le Bloc québécois est d'accord sur cela. L'idée d'une taxe sur les biens de luxe et sur les appareils de luxe, il n'y a pas de problème avec cela.
Nous avons par contre des préoccupations majeures quant à l'impact négatif de l'application de la taxe. En effet, comme décrit dans le projet de loi C‑19, c'est une taxe sur l'industrie aérospatiale du Québec. Je peux dire que nous avons eu des rencontres avec les différents acteurs de l'industrie aérospatiale, qui est un secteur fondamental. Le regretté Jean Lapierre disait que l'aérospatiale était pour le Québec ce que l'automobile était pour l'Ontario.
Le Québec est le troisième pôle aérospatial du monde, après Seattle et Toulouse. Ces trois pôles sont situés dans trois pays différents. Le Canada est d'ailleurs le seul pays avec un pôle d'une telle importance qui n'a pas de politique en aérospatiale, et ce projet de loi C‑19 ne vient pas y remédier.
Je reviens à la question de la taxe de luxe. Sur ce sujet, nous avons eu des rencontres. J'en ai eu avec plusieurs acteurs du milieu. Tant les syndicats que les entreprises, y compris Bombardier, sont inquiets par rapport à cela, ainsi que les associations qui représentent les PME qui œuvrent dans le domaine. Évidemment, quand on pense à l'aérospatiale, on pense tout de suite à Bombardier, mais il y a un paquet de PME très innovantes, puissantes et dynamiques qui sont dans le Grand Montréal, surtout à Longueuil et sur la Rive‑Nord. Il y en a énormément. Tout le monde est inquiet. Quand à la fois les associations de travailleurs — et on ne peut pas dire qu'ils sont partisans, en général, du fait que les patrons puissent s'en mettre plein les poches et qu'il n'y ait pas de partage des revenus et de la richesse —, les PME et les grandes entreprises sont d'accord, c'est que, véritablement, il y a un consensus sur le fait que cette taxe doit être revue et retravaillée. Actuellement, elle va nuire foncièrement à une industrie qui n'a pas droit à la politique qu'elle devrait avoir.
J'avais fait une sortie en novembre dernier avec mon collègue de . Nous aurions aimé voir le gouvernement agir au chapitre de la récupération d'avions. L'Amérique du Nord est un grand cimetière d'avions actuellement. Alors qu'Airbus annonce son intention d'accélérer le recyclage d'avions en créant des partenariats avec plusieurs régions du monde, nous aurions aimé voir Ottawa s'empresser de sauter sur cette occasion.
Nous appuyons donc ce projet de loi sans grand enthousiasme, mais le Bloc québécois sera extrêmement actif lors de son étude en comité afin d'en régler les multiples problèmes.