La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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13. Le maintien de l’ordre et le décorum

Protocole des interventions

Place assignée

Tout député désireux de participer aux délibérations doit se lever à la place qui lui est assignée pour demander la parole et pour intervenir [78] . Il n’a été fait exception à cette règle que rarement et dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu’un député était incapable de se lever par suite d’une blessure ou d’une maladie [79] . Lorsque le Président se lève, le député doit s’asseoir [80] . Les députés sont incités à ne pas s’asseoir sur les bras de leurs fauteuils ou sur leurs bureaux, le dos tourné à la Chambre. Lorsque celle-ci siège en comité plénier, les députés peuvent se lever et prendre la parole à partir de n’importe quelle place.

Observations adressées au Président

Tout député qui participe à un débat doit s’adresser au Président, et non pas à la Chambre, à un ministre ou un député particulier, aux personnes présentes dans les tribunes, ni aux téléspectateurs. Comme l’un des principes de base de la procédure de la Chambre veut que ses délibérations se déroulent à la manière d’une conversation libre et polie [81] , les députés sont moins enclins à se lancer dans des échanges vifs et directs et des attaques personnelles lorsque leurs observations sont adressées au Président plutôt qu’à un autre député. Si un député adresse des observations à un autre député et non au Président, on le rappelle à l’ordre et on peut lui demander de les reformuler [82] . En comité plénier, les députés doivent adresser leurs observations à la présidence [83] .

Tenue convenable

Aucun article du Règlement n’établit une norme vestimentaire à l’intention des députés qui participent à un débat [84] , mais les Présidents ont déclaré que la tradition et l’usage exigent que, pour obtenir la parole au cours d’un débat, sur les rappels au Règlement ou pendant la Période des questions, tous les députés, homme ou femme, se présentent à la Chambre en tenue de ville contemporaine [85] . L’usage et la convention actuels veulent par conséquent que les députés de sexe masculin portent un veston, une chemise et une cravate. Les cols de pasteur ont été permis, mais les lavallières et les tricots à col roulé ont été déclarés non convenables pour les députés de sexe masculin participant à un débat [86] . Le Président a même déclaré que le port du kilt est permis à certaines occasions (par exemple, le jour de la fête de Robert Burns) [87] . Les députés qui font partie des Forces armées ont été autorisés à porter leur uniforme à la Chambre [88] .

Dans certaines circonstances, habituellement pour des raisons médicales, le Président a accepté de relâcher les normes vestimentaires et permis, par exemple, à un député de sexe masculin qui avait un bras dans le plâtre de porter un chandail plutôt qu’un veston à la Chambre [89] .

Langue du débat

La Loi constitutionnelle de 1867 garantit que les députés peuvent s’adresser à la Chambre en français ou en anglais [90] . Vu le caractère bilingue de la Chambre et l’existence de services d’interprétation simultanée [91] , les députés ont rarement de la difficulté à exprimer leurs avis et à les faire comprendre à la Chambre. De plus, toutes les publications du Parlement, comme les Journaux, les Débats, le Feuilleton et Feuilleton des Avis, sont imprimées dans les deux langues officielles.

On emploie parfois d’autres langues dans les débats, mais pas longuement [92] , et les députés qui le font fournissent quelquefois au rédacteur des Débats une traduction de leurs observations [93] . Comme l’a signalé le Président, toutefois, on pourrait éprouver de sérieuses difficultés à maintenir l’ordre au cours des débats (et, par extension, à tenir des comptes rendus exacts des travaux de la Chambre) si on devait y employer dans une large mesure des langues autres que le français et l’anglais [94] . Un député a en outre utilisé un langage par signes pour faire une déclaration et pour poser une question au cours de la Période des questions [95] .

Lecture de discours

Bien que le Règlement ne l’interdise pas officiellement, l’usage veut que, lorsque les députés s’adressent à la Chambre, ils ne lisent pas un texte écrit et préparé à l’avance [96]. Ils peuvent toutefois utiliser des notes de discours. Cette règle, qui découle de l’usage britannique, a pour but d’entretenir la vivacité du débat, qui dépend du fait que les intervenants successifs répliquent jusqu’à un certain point dans leur discours aux arguments mis en avant par les orateurs précédents [97] .

La tradition consistant à ne pas lire les discours existait lors de la Confédération, mais la Chambre a adopté, en 1886, la résolution suivante :

L’habitude de plus en plus fréquente, dans la Chambre des Communes du Canada, de prononcer de longs discours, ayant le caractère de volumineux essais, écrits et préparés avec soin, et de faire de longues citations, souvent étrangères au sujet, [ce qui] est de nature à nuire à la discussion légitime et appropriée des questions publiques, constitue une perte de temps, prolonge d’une manière déraisonnable les sessions du Parlement, menace d’entraîner l’abolition du rapport officiel des débats en augmentant leur volume et leur coût, et tend à favoriser des débats oiseux et diffus plutôt qu’une argumentation serrée ou concise; […] cette coutume forme un contraste frappant avec la méthode suivie dans la Chambre des communes en Angleterre, et […] dégoûte le public de l’étude approfondie et intelligente des délibérations du Parlement [98] .

Malgré cette résolution, plusieurs Présidents ont dit s’inquiéter, au cours des années, du fait que les députés ne prononçaient pas de discours impromptus. Les tentatives faites pour appliquer cette règle ayant échoué, un certain nombre de Présidents ont finalement fait des déclarations et rendu des décisions à ce sujet [99] . En 1956, le Président Beaudoin a obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer dans les Journaux une déclaration sur la règle relative à la lecture de discours. Il y examinait la règle établie par les autorités en matière de procédure (May, Bourinot, Beauchesne et divers Présidents) et l’usage suivi par la Chambre en vertu de cette règle. Il résumait ensuite l’usage que l’on suit encore aujourd’hui, soit :

Le député qui prononce un discours à la Chambre peut consulter des notes. Le premier ministre, les membres du Cabinet, le chef de l’Opposition, les chefs d’autres partis, ou les députés qui parlent en leur nom, peuvent donner lecture d’importants discours portant sur des questions de ligne de conduite. Les nouveaux députés peuvent donner lecture de leur [premier] discours. Les députés qui s’expriment dans une langue autre que leur langue maternelle, les députés qui participent à des débats comportant des sujets d’ordre technique ou à des débats sur l’Adresse en réponse au discours du Trône et sur l’exposé budgétaire peuvent s’appuyer sur des notes complètes ou, s’ils le désirent, donner lecture de leurs discours [100] .

Sauf dans les cas les plus flagrants, les Présidents se sont montrés peu enclins à insister pour que les députés s’abstiennent de lire un discours écrit d’avance et ont préféré attendre qu’on attire l’attention sur la transgression au moyen d’un rappel au Règlement, auquel cas ils déclarent régulièrement qu’il est permis à un député de consulter des notes [101] .

Utilisation d’un lutrin

Les députés ne sont pas autorisés à utiliser un lutrin lorsqu’ils prononcent un discours à la Chambre; la seule exception à cette règle est faite pour le ministre des Finances, lors de la présentation du Budget. Les Présidents ont toutefois signalé qu’il est acceptable que les députés posent leurs notes sur des livres [102] .

Citation de documents

Aucun article du Règlement ne régit la citation de documents; la Chambre est guidée à cet égard par l’usage et les précédents. De façon générale, l’usage admet qu’un député cite des articles de journaux ou des extraits de livres ou d’autres documents au cours d’un débat, et cette pratique n’est pas déclarée irrecevable pourvu que les citations ainsi faites ne discréditent pas des délibérations passées de la Chambre [103] , ne fassent pas allusion à des choses dites par un député ni ne les commentent ou les nient [104] , et qu’elles ne soient pas formulées dans un langage qui serait déclaré inadmissible de la part d’un député [105] .

Un discours ne devrait pas consister en une longue citation ou en une série de citations reliées au moyen de quelques phrases originales [106] . Les députés ne peuvent citer les « bleus » (version préliminaire non révisée du hansard) ni de la correspondance quand il n’y a aucun moyen de vérifier l’authenticité de la signature qui y figure [107] . Ils peuvent citer des extraits de correspondance d’origine privée à condition d’en nommer l’expéditeur ou d’assumer la pleine responsabilité de leur contenu [108] . Enfin, ils ne peuvent citer d’extraits des délibérations d’un comité avant que celui-ci ait fait rapport à la Chambre [109] .

Dépôt de documents et de discours

Tout document cité par un ministre au cours d’un débat ou en réponse à une question posée pendant la Période des questions doit être déposé [110] . En effet, un ministre n’est pas libre de lire une dépêche (message officiel sur les affaires du gouvernement) ni un autre document officiel, non plus que d’en citer des extraits, s’il n’est pas prêt à les déposer si cela peut être fait sans nuire à l’intérêt public [111] . Comme l’a mentionné le Président Glen dans une décision rendue en 1941, « un honorable député ne peut citer un passage d’une lettre s’il n’est pas prêt à en déposer le texte sur le Bureau de la Chambre. La décision se fonde sur le principe que, lorsque des renseignements sont communiqués à la Chambre, celle-ci a droit aux mêmes renseignements que peut avoir l’honorable député qui cite le document [112]  ». Il n’est pas nécessaire de déposer un document public auquel un ministre fait allusion sans le citer; seul le document qu’il cite doit être déposé [113] . Si un ministre cite une lettre d’origine privée dans un débat, celle-ci devient un document public et doit être déposée sur demande [114] . Le ministre n’est cependant pas tenu de déposer les notes personnelles qu’il a consultées au cours du débat ou pendant la Période des questions [115] . Tous les documents déposés à la Chambre par un ministre doivent l’être dans les deux langues officielles [116] .

Selon un usage de longue date à la Chambre, les simples députés ne peuvent déposer de documents, officiels ou non [117] . Le Président Lamoureux a exprimé l’avis que, si les ministres doivent déposer les documents officiels cités à l’appui d’un argument au cours d’un débat, cette règle n’a jamais été interprétée comme s’appliquant aux documents, officiels ou non, mentionnés par de simples députés. En 1974, lorsqu’un député a tenté d’obtenir le consentement unanime de la Chambre pour déposer un document, le Président Lamoureux a déclaré que « le Règlement ne prévoit aucune disposition qui permettrait à un simple député de déposer ou de produire des documents d’une manière ou d’une autre ». Le Président a conclu en donnant à entendre que les députés « [pourraient] probablement les rendre publics par divers autres moyens [118]  ». Toutefois, depuis le milieu des années 1980, on permet parfois aux députés de déposer des documents ou de la documentation auxquels ils peuvent s’être reportés dans leurs discours ou pendant la Période des questions, avec le consentement unanime de la Chambre [119] . Ces documents (qui sont souvent des copies de lettres ou d’annonces publicitaires) sont habituellement déposés dans une seule langue [120] . Les simples députés placent parfois de la documentation sur le Bureau à l’intention de tous les députés, mais cela n’est pas considéré comme un dépôt officiel [121] .

Pour que les Débats constituent un compte rendu aussi exact que possible de ce qui s’est dit à la Chambre, les députés ne sont pas autorisés à déposer leurs discours pour les faire imprimer dans le hansard [122] . En de rares occasions, un député a obtenu le consentement de la Chambre pour faire imprimer de longues listes, statistiques ou données semblables dans les Débats en tant que partie intégrante d’un discours [123] . Il y a également eu des cas où la Chambre a consenti à faire imprimer des documents ou des échanges de correspondance sous forme d’annexe officielle des Débats pour l’information de la Chambre [124] .

Étalages, pièces et accessoires

Les Présidents ont systématiquement déclaré irrecevables les étalages et les manifestations de toutes sortes employés par des députés pour illustrer leurs interventions ou pour souligner leurs positions. De même, les accessoires de quelque sorte que ce soit, utilisés comme moyen de commenter silencieusement des questions, ont toujours été jugés inacceptables à la Chambre. Les députés peuvent avoir des notes en main, mais le Président les interrompra et les réprimandera s’ils utilisent des papiers, des documents ou d’autres objets pour illustrer leurs observations [125] . L’exhibition d’objets a également été déclarée inadmissible [126] . Au cours du débat sur le drapeau, en 1964, le Président a dû rappeler aux députés, à maintes reprises, qu’il n’était pas permis d’exhiber des modèles de drapeaux en concurrence [127] . Les petits drapeaux canadiens et les drapeaux de bureau n’ont pas été admis lorsqu’ils ont été utilisés pour susciter du désordre à la Chambre dans le but d’interrompre le discours d’un député [128] . Les macarons politiques et les épingles de revers ne sont pas considérés comme des pièces exhibées tant qu’ils n’occasionnent pas de désordre [129] , mais le Président a déjà interrompu un vote pour demander à certains députés d’enlever des « accessoires » de leur revers de veston [130] .

Premier discours

La tradition veut que la Chambre fasse certaines concessions ou politesses à un député qui prononce son premier discours. À ces occasions, le Président peut donner la parole à ce député plutôt qu’à d’autres qui se lèvent en même temps que lui; ce privilège n’est cependant accordé que s’il est demandé au cours de la législature suivant la première élection du député [131] . Celui-ci est autorisé à lire son discours [132] et, par courtoisie, on ne l’interrompt pas. Le Président lui accorde parfois du temps en sus de celui qui lui est alloué par les règles pour terminer son discours [133] . Comme l’étude de l’Adresse en réponse au discours du Trône constitue normalement le premier débat important d’une nouvelle session, beaucoup de nouveaux députés en profitent pour prononcer leur premier discours [134] .


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