La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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4. La Chambre des communes et les députés

Les conditions d’éligibilité à la Chambre

Sauf quelques exceptions, toute personne ayant qualité d’électeur peut se faire élire à la Chambre des communes. Les critères d’éligibilité et d’inéligibilité des candidats à une élection fédérale se trouvent dans la Loi électorale du Canada [70] , la Loi sur le Parlement du Canada [71] et laLoi constitutionnelle de 1982 [72] .

Par ailleurs, la Charte canadienne des droits et libertés prescrit que « tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales [73]  ». Ainsi, tout citoyen canadien âgé d’au moins 18 ans le jour du scrutin, qui a qualité d’électeur, peut être candidat à l’élection [74] . Un candidat doit résider au Canada mais pas nécessairement dans la circonscription où il brigue les suffrages [75]. Il est interdit de briguer les suffrages dans plus d’une circonscription électorale à la fois [76] .

Historique

Les critères d’éligibilité à la Chambre des communes ont été révisés à maintes reprises et ont toujours été étroitement liés au droit de vote. Quand certains citoyens étaient privés du droit de vote, ils étaient aussi inéligibles [77] . La Loi constitutionnelle de 1867 stipulait que toutes les lois provinciales régissant l’éligibilité et l’inéligibilité des candidats aux élections provinciales continueraient de s’appliquer à l’élection des députés à la Chambre des communes jusqu’à ce que le Parlement édicte sa propre loi [78] . Même si la Loi constitutionnelle de 1867 stipulait, comme d’ailleurs les lois provinciales, que les candidats devaient être de sexe masculin, sujets britanniques et propriétaires fonciers, et avoir atteint l’âge de 21 ans [79] , les critères d’éligibilité variaient d’une province à l’autre et il n’y avait pas non plus d’uniformité dans les règles d’éligibilité des premiers députés élus à la Chambre des communes. En fait, les candidats n’étaient pas tenus de résider au pays. Lors de la première législature, certains députés siégèrent, pendant plus d’une session, à la Chambre des communes et dans les assemblées législatives de l’Ontario et du Québec [80] . En 1873, un simple député réussit à parrainer un projet de loi rendant illégale la pratique de la double représentation [81] . En 1874, le Parlement adopta sa propre loi gouvernant l’élection des députés. La Loi des élections fédérales (Acte concernant l’élection des membres de la Chambre des communes) abolit la qualification foncière exigée des candidats et déclara éligible tout sujet britannique, de naissance ou par naturalisation, de Grande-Bretagne, d’Irlande, et du Canada ou de l’une de ses provinces [82] . En 1919, les femmes obtinrent le droit de vote et le droit de se porter candidates à l’élection [83] . En 1948, les lois électorales furent modifiées pour exiger que les candidats soient résidents canadiens et aient qualité d’électeurs; les modifications supprimèrent aussi toute incapacité de voter en raison de la race (sauf pour les Indiens inscrits), ce qui permit aux candidats d’origine orientale, et en particulier aux Canadiens japonais, de briguer les suffrages [84] . En 1955, la loi fut de nouveau révisée de façon à accorder le droit de vote à divers groupes religieux, et plus particulièrement aux Doukhoubors, qui en avaient été privés [85] . C’est en 1960 que les Autochtones obtinrent le droit de vote et le droit de se porter candidats [86] . En 1970, l’âge de voter fut ramené à 18 ans et, par extension, l’âge requis pour se porter candidat [87] .

Inéligibilité

La Loi électorale du Canada précise les conditions d’inéligibilité. Toute personne purgeant une peine de deux ans ou plus dans un établissement pénitentiaire est inéligible [88] . Jusqu’en 1993, les personnes souffrant de maladie mentale étaient inéligibles pendant la durée de leur internement ou pendant qu’elles se trouvaient sous la protection et la surveillance d’un tuteur [89] . Est aussi inéligible toute personne qui occupe la charge de shérif, de greffier de la paix ou de procureur de la Couronne dans un comté ou un district judiciaire [90] . Les juges nommés par le gouvernement fédéral, à l’exception des juges de la citoyenneté, et les fonctionnaires électoraux sont inhabiles à voter et inéligibles [91] . Les membres des assemblées législatives provinciales et des conseils territoriaux ne peuvent être candidats aux élections fédérales [92] . Un sénateur ne peut être député; cette règle n’a jamais été violée mais quelques sénateurs se sont démis de leur mandat pour se porter candidats à la Chambre des communes [93] .

En vertu de la Loi électorale du Canada, toute personne reconnue coupable de manœuvre frauduleuse, et notamment d’avoir fait une fausse déclaration concernant les dépenses d’élection, d’avoir exercé une influence indue sur un électeur pendant une élection, ou d’avoir tenté d’inciter quelqu’un à voter ou à s’abstenir de voter en lui promettant une contrepartie pécuniaire, de la nourriture ou de la boisson, ne peut se porter candidat à une élection pendant les cinq années qui suivent la date où elle a été trouvée coupable [94] . Toute personne qui dépasse sciemment le plafond des dépenses d’élection, qui omet de remettre un rapport de dépenses, ou qui, se sachant inéligible, consent à être candidat, est coupable d’un acte illégal et inhabile à être candidat pendant les cinq années qui suivent la date où elle a été condamnée [95] .

L’indépendance du Parlement

Selon le professeur Norman Ward : « Pour être fidèle à l’idéal démocratique, la représentation doit être indépendante de toute pression indésirable capable d’infléchir son jugement sur les questions d’intérêt public. Plus particulièrement, elle doit être distanciée de l’exécutif et, à tout le moins, n’espérer de lui aucun bénéfice pécuniaire direct [96]  ». Le Parlement du Canada, afin de préserver son indépendance, réédicta une loi de 1857 de la Province du Canada, laquelle rendait inéligible à l’assemblée ou pour siéger ou voter, toute personne qui avait accepté ou occupé « une charge, commission ou emploi au service du gouvernement du Canada, à la nomination de la Couronne, auquel un traitement annuel ou un honoraire, allocation, ou émolument au lieu d’un salaire annuel venant de la Couronne est attaché » [97] . Ceci rendait inéligibles les députés nommés au Cabinet : les ministres devaient démissionner de leur siège et se faire réélire afin d’obtenir l’approbation de leurs commettants. Étaient également inéligibles les entrepreneurs gouvernementaux et les officiers de la marine et de la milice. En 1878, la Loi fut modifiée afin de rendre éligibles les députés qui occupaient déjà un poste ministériel et pour rendre inéligibles les shérifs, conservateurs des titres de propriété, greffiers de la paix, et procureurs de la Couronne des comtés [98] . En 1931, une modification apportée à la Loi du Sénat et de la Chambre des communes libéra les ministres nommés après une élection de l’obligation de se démettre de leur mandat pour tenter de se faire réélire [99] .

En 1992, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, la Commission Lortie, recommanda que l’on retire de la Loi électorale du Canada [100] , la clause visant l’inéligibilité des titulaires d’une charge rétribuée puisque les fonctionnaires et les titulaires de charges publiques ont le droit de demander un congé pour solliciter une investiture ou un siège [101] . La personne occupant un poste dont le titulaire est nommé par la Couronne cesserait d’occuper ce poste dès son élection à la Chambre des communes afin d’éviter toute question relative au conflit d’intérêts. Quant à l’éligibilité d’un candidat lié par contrat au gouvernement, la Commission Lortie recommanda de supprimer ce critère d’inéligibilité puisqu’une personne ainsi élue serait tenue de rendre ses rapports contractuels avec le gouvernement conformes aux règles parlementaires applicables aux députés. En 1993, ces recommandations furent incluses dans un projet de loi qui fut présenté, subséquemment adopté, et qui modifiait la Loi électorale du Canada [102] .

Toutefois, la Loi sur le Parlement du Canada stipule toujours que toute personne qui accepte ou exerce, au service du gouvernement fédéral, une charge, une commission ou un emploi, auxquels sont attachés un traitement ou des avantages quelconques, et toute personne liée par contrat au gouvernement, est inéligible à siéger et à voter à la Chambre des communes [103] .


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