La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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La présentation d’une motion

Un député amorce le processus de débat à la Chambre en proposant une motion. Lorsqu’un avis de motion a été donné, le Président commence par vérifier si le député désire bien présenter sa motion. Si le parrain d’une motion choisit de ne pas la présenter (soit en étant absent [191] , soit en refusant simplement de la présenter), la motion est rayée du Feuilleton à moins que le gouvernement ne demande qu’elle y reste inscrite [192] . Si le parrain désire aller de l’avant et le signale au Président par un signe de tête affirmatif, ce dernier vérifie si la motion est appuyée. Toutes les motions présentées à la Chambre doivent être appuyées [193] ; s’il n’y a pas d’appuyeur, le Président ne propose pas la question à la Chambre et aucune inscription à ce sujet ne figure dans les Journaux car la Chambre n’en est pas saisie [194] . Tout député peut agir comme appuyeur, même pour les motions du gouvernement qui, elles, ne peuvent être présentées que par des ministres [195] . Une motion peut être présentée et appuyée, mais la Chambre n’en est pas véritablement saisie — elle ne peut en débattre — tant que le Président ne l’a pas proposée et n’en a pas donné lecture [196] .

Pour les cas où il n’est pas nécessaire de fournir un avis, le député présente normalement sa motion à la fin de son intervention. Avant d’accorder la parole à un autre député aux fins du débat, le Président demande d’abord s’il y a un appuyeur. Le cas échéant, et après réception de la motion par écrit, le Président en donne lecture à la Chambre.

L’exigence que la motion soit présentée par écrit s’applique à toutes les motions, qu’elles exigent un préavis ou non, de même qu’aux amendements et sous-amendements présentés à la Chambre et en comités. Lorsqu’un avis de motion a été transmis, la motion est automatiquement présentée par écrit puisque le texte de la motion paraît dans le Feuilleton. Dans tous les cas où la motion ne paraît pas dans le Feuilleton ou n’a pas été imprimée et distribuée aux députés, le Président doit recevoir une copie écrite de la motion pour la proposer à la Chambre avant le débat. Le député signera également le texte de la motion.

Avant de lire une motion à la Chambre, le Président veille au respect de la procédure. Il s’assure donc qu’on a satisfait à l’exigence (le cas échéant) quant à l’avis; que le libellé de la motion correspond à l’avis; et que celle-ci ne contient pas de termes inacceptables. Si une partie quelconque de la motion est irrecevable, l’ensemble de la motion le devient [197] . S’il considère que la forme ne convient pas, le Président a l’autorité voulue pour modifier la motion afin de la rendre conforme à l’usage de la Chambre [198] , ce qui se fait habituellement avec l’approbation du motionnaire [199] . Si une motion est jugée irrecevable, le député intéressé peut la présenter de nouveau après y avoir apporté les corrections nécessaires et avoir satisfait aux exigences quant à l’avis. On considère alors qu’il s’agit d’une nouvelle motion.

Lorsqu’il déclare une motion irrecevable, le Président informe la Chambre de ses motifs et cite l’article du Règlement ou le texte faisant autorité en l’espèce [200] . La motion n’est pas proposée à la Chambre et est rayée du Feuilleton.

Si la motion est recevable, qu’elle a été présentée et appuyée, le Président en saisit la Chambre. Une fois que le Président a lu la motion dans les termes choisis par le motionnaire, la Chambre en est saisie officiellement. Chaque motion considérée comme recevable et proposée par la présidence est inscrite dans les Journaux (voir la figure 12.2, Présentation d’une motion).

Figure 12.2 – Présentation d’une motion
Série de cases reliées par des lignes illustrant les étapes à suivre pour la présentation d’une motion. Cela comprend l’avis de motion, la présentation de la motion, puis les étapes qui suivent sa présentation.

Le Président donne lecture de la motion en anglais et en français; s’il n’est pas familier avec les deux langues, il la lit dans une langue et charge le Greffier de la lire dans l’autre [201] . Dans la pratique, en particulier dans le cas des longues motions, on n’applique pas à la lettre la disposition prévoyant la lecture intégrale de toutes les motions. Le Président lit alors les premiers mots et demande s’il peut « être dispensé de la lecture de la motion », ce à quoi les députés répondent habituellement par l’affirmative [202] . De même, compte tenu de l’interprétation simultanée des débats de la Chambre et de la disponibilité immédiate du texte en français et en anglais dans le Feuilleton ou le Feuilleton des Avis, il arrive régulièrement qu’on ne tienne pas compte de la disposition portant que toutes les motions doivent être lues dans les deux langues. Lorsqu’une motion ne figure pas dans le Feuilleton ni n’a été imprimée et distribuée, les députés peuvent demander à n’importe quel moment en cours de débat que le Président lise la question à haute voix, dans la mesure cependant où cela n’interrompt pas un député s’exprimant sur le sujet [203] .

Après qu’une motion a été proposée à la Chambre, le Président donne d’abord la parole au motionnaire. S’il décide de ne pas parler, le motionnaire est néanmoins réputé avoir parlé (on considère qu’en faisant un signe de tête affirmatif, le député a dit « je propose », ce qui équivaut à une intervention dans le débat) [204] . Le député qui appuie une motion n’est pas obligé d’intervenir sur le sujet à ce moment, mais il peut le faire plus tard au cours du débat. La seule exception à cette règle se produit pendant le débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône; selon l’usage, l’appuyeur prend la parole immédiatement après le motionnaire [205].

La règle interdisant d’anticiper

À une certaine époque, la présentation d’une motion était assujettie à la « règle interdisant d’anticiper », qui n’est plus strictement observée. D’après cette règle, qui s’appliquait également à d’autres travaux, une motion ne pouvait anticiper sur une affaire inscrite au Feuilleton, qu’il s’agisse d’un projet de loi ou d’une motion, et s’inscrivant dans une démarche plus opportune [206] . (Par exemple, un projet de loi ou tout autre article de l’Ordre du jour est plus opportun qu’une motion, laquelle a priorité par rapport à un amendement, lequel est plus opportun qu’une question écrite ou orale.) En autorisant une telle motion, on pourrait effectivement retarder ou bloquer une décision à l’égard d’une affaire déjà inscrite au Feuilleton.

Alors que l’interdiction d’anticiper fait partie du règlement de la Chambre des communes britannique, cela n’a jamais été le cas à la Chambre des communes canadienne. En outre, les mentions des tentatives faites pour appliquer cette règle britannique à la pratique canadienne restent plutôt vagues [207] .

La règle découle du principe qui interdit de soulever deux fois la même question dans la même session. Toutefois, elle ne s’applique pas aux motions ou projets de loi similaires ou identiques qui sont inscrits au Feuilleton des Avis avant d’être mis en délibération [208] . La règle interdisant d’anticiper entre en jeu uniquement lorsqu’on examine l’une de deux motions similaires inscrites au Feuilleton [209] . Par exemple, deux projets de loi portant sur le même sujet peuvent être inscrits auFeuilleton, mais un seul sera débattu. Si on retire le premier, on peut aller de l’avant avec le second. Si on rend une décision sur le premier, on ne peut aller de l’avant avec le second. On peut soulever une objection lorsque la présidence propose la seconde motion dans la mesure où la première a déjà été proposée à la Chambre et est devenue un point à l’Ordre du jour.

On a cependant admis une exception dans le cas d’une motion de l’opposition présentée un jour des subsides et portant sur le sujet d’un projet de loi déjà soumis à la Chambre. En temps normal, le Président refuserait la motion parce qu’elle doit céder le pas à un projet de loi. Néanmoins, le Président a statué que l’opposition a une plus grande latitude un jour désigné, latitude qu’il n’y a pas lieu d’entamer sauf pour des raisons de procédure des plus évidentes et des plus impérieuses [210] .

À une certaine époque, les députés ne pouvaient non plus, pendant la Période des questions, poser une question qui anticipait sur un point à l’Ordre du jour; on voulait ainsi éviter que le temps de la Chambre ne serve à l’examen de questions devant être examinées plus tard au cours de la séance [211] . En 1975, on a assoupli la règle lorsque le sujet figurant à l’Ordre du jour était soit le débat sur le Budget soit celui sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, sous réserve que les questions à cet égard n’occupent pas toute la Période des questions [212] . En 1983, le Président a statué que les questions liées à une motion de l’opposition présentée un jour des subsides pouvaient également être posées pendant la Période des questions [213] . En 1997, dans un rapport à la Chambre, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a recommandé que les questions ne soient pas déclarées irrecevables pour ce seul motif [214] . Par la suite, le Président a informé la Chambre qu’il suivrait le conseil du Comité [215] .

Le retrait d’une motion

Après qu’une motion a été proposée par le Président, la Chambre en est saisie et elle peut être débattue. Un député qui a présenté une motion peut demander qu’on la retire, mais cela ne se fait qu’avec le consentement unanime de la Chambre [216] . Si un député s’y oppose ou demande à intervenir sur la motion initiale, le Président considère qu’il n’y a pas consentement unanime. À l’inverse, si personne ne s’oppose, le Président déclare la motion retirée et une inscription à cet effet est entrée dans les Journaux. Toute motion ainsi retirée peut être de nouveau mise en avis et présentée à une date ultérieure [217] ; elle sera alors traitée comme une nouvelle motion. On peut également retirer de la même manière un amendement et un sous-amendement [218] .

De même, un député qui désire retirer sa motion, son amendement ou son sous-amendement, y apporter des modifications ou y substituer un nouveau texte, doit d’abord obtenir le consentement unanime de la Chambre [219] . Toutefois, aucune motion ni aucun amendement ne peut être retiré si la Chambre est saisie d’un amendement ou d’un sous-amendement à leur égard. Des députés ont aussi obtenu le consentement de la Chambre pour le retrait de motions (ou d’amendements) présentées par d’autres députés [220] .

On utilise couramment le terme « retirer » lorsque les députés demandent la suppression d’une motion déjà présentée et pour laquelle on a ordonné un plus ample examen (comme dans le cas des projets de loi en attente de la deuxième lecture). Dans ces cas, étant donné qu’il s’agit d’un ordre de la Chambre, le retrait est impossible avant que l’ordre ne soit révoqué [221] . La Chambre doit d’abord consentir à la révocation de l’ordre, puis au retrait de l’affaire en question.

La division d’une motion

Lorsqu’on présente à la Chambre une motion complexe (par exemple, une motion contenant deux parties ou davantage, chacune pouvant constituer une motion distincte), le Président a le pouvoir de la modifier et, partant, de faciliter le processus décisionnel de la Chambre. Un député qui s’oppose à une motion contenant deux propositions distinctes ou davantage peut demander que la motion soit divisée et que chaque proposition fasse l’objet d’un débat et d’un vote. Toutefois, la décision finale revient à la présidence. Sur une question semblable, le Président a déclaré que la pratique consistant à diviser les motions de fond n’a jamais été étendue aux projets de loi et que la présidence n’est pas habilitée à prendre de telles mesures [222].

La question de la division d’une motion complexe a fait surface à au moins trois reprises au sein de la Chambre. En 1964, on a divisé et reformulé un avis de motion du gouvernement lorsque le Président a constaté que la motion contenait deux propositions que de nombreux députés ne voulaient pas étudier simultanément [223] . En 1966, le Président n’a pas acquiescé à une demande semblable et a déclaré qu’il ne pouvait prendre une telle décision de sa propre initiative que dans des circonstances exceptionnelles [224] . En 1991, comme on avait réclamé la division d’une motion traitant de modifications proposées au Règlement, le Président a tenu des discussions avec les dirigeants des trois partis à la Chambre, puis a décidé que la motion serait divisée en trois parties aux fins du vote, outre les paragraphes portant sur l’entrée en vigueur de la motion [225] .


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