La procédure et les usages de la Chambre des communes

Deuxième édition, 2009

La procédure et les usages de la Chambre des communes - 3. Les privilèges et immunités - Les droits et immunités des députés

 

Les droits, privilèges et immunités des députés sont limités, en ce sens qu’ils sont déterminés d’avance et qu’ils ne peuvent être élargis, sauf aux termes d’une loi ou, dans certains cas, d’un amendement constitutionnel. De plus, leurs privilèges n’existent pas « au sens absolu du terme »; ils ne s’appliquent que dans le contexte prévu, c’est‑à‑dire, normalement, dans l’enceinte du Parlement et dans le cadre des délibérations du Parlement.

Les droits, privilèges et immunités des députés peuvent être regroupés sous les rubriques suivantes :

*       la liberté de parole;

*       l’immunité d’arrestation dans les affaires civiles;

*       l’exemption du devoir de juré;

*       l’exemption de l’obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal;

*       la protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité.

*   La liberté de parole

Le droit de loin le plus important qui soit accordé aux députés est celui de l’exercice de la liberté de parole dans le cadre des délibérations parlementaires. On l’a décrit comme :

[…] un droit fondamental, sans lequel ils [les députés] ne pourraient remplir convenablement leurs fonctions. Cette liberté leur permet d’intervenir sans crainte dans les débats de la Chambre, de traiter des sujets qu’ils jugent pertinents et de dire tout ce qui, à leur avis, doit être dit pour sauvegarder l’intérêt du pays et combler les aspirations de leurs électeurs[144].

Il s’est écrit beaucoup de choses sur ce sujet au cours des siècles en Grande‑Bretagne, au Canada et dans tout le Commonwealth[145]. Dans Odgers’ Australian Senate Practice, ce privilège est décrit en des termes plus larges comme étant l’immunité de mise en accusation ou d’interrogatoire devant les tribunaux pour tout ce qui a trait aux délibérations du Parlement[146]. On y affirme également que c’est la seule immunité que possèdent les deux chambres du Parlement et leurs membres ainsi que les comités en ce qui touche la teneur des propos tenus dans le cours des délibérations[147]. Selon Odgers, il y a deux types d’immunité :

Il y a, premièrement, l’immunité de poursuite civile ou criminelle et l’immunité d’examen judiciaire, dont bénéficient les parlementaires, les témoins et les autres personnes qui participent aux travaux du Parlement […] et, deuxièmement, l’immunité de contestation et de mise en cause judiciaires, qui protège les délibérations parlementaires proprement dites[148].

La même position a été adoptée au Canada dans une décision de la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, selon laquelle l’utilisation des transcriptions d’un comité pour le contre-interrogatoire des témoins dans une enquête publique pourrait faire en sorte que les délibérations du comité soient contestées ou mises en doute. La Cour fédérale a confirmé cette décision[149].

Le droit à la liberté de parole est protégé par la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada[150]. L’existence légale du privilège parlementaire relatif à la liberté de parole remonte à l’adoption du Bill of Rights anglais en 1689. Même s’il visait à contrecarrer les attaques de la part de la Couronne, il interdisait également toute poursuite de la part d’une personne de l’extérieur de la Chambre contre un député pour ce qu’il pouvait avoir dit ou fait au Parlement. L’article 9 de ce texte de loi établit que « l’exercice de la liberté de parole et d’intervention dans les débats et délibérations du Parlement ne peut être contesté ou mis en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu’au Parlement[151] ».

Les tribunaux ont confirmé que la liberté de parole, généralement considérée comme un privilège individuel, est aussi un privilège collectif de la Chambre. Les motions adoptées par la Chambre expriment l’opinion collective de ses membres et ne peuvent donc pas être contestées en justice[152].

Les délibérations du Parlement

En général, on considère que le privilège de la liberté de parole se limite aux « délibérations du Parlement ». Le Bill of Rights anglais ne contient aucune définition de l’expression « délibérations du Parlement », et la loi canadienne ne définit pas non plus cette notion. Voici la définition qu’en donne May :

Le mot « délibérations », dans le sens premier qu’on lui donne dans le langage parlementaire, depuis au moins le XVIIe siècle, désigne une activité officielle, généralement en vue de prendre une décision, accomplie par la Chambre dans l’exercice de sa compétence collective. Cette définition englobe, naturellement, les autres formes que peuvent prendre les travaux de la Chambre ainsi que l’ensemble du processus parlementaire, au cœur duquel se situent les débats et par lequel la Chambre en arrive à prendre des décisions. C’est généralement en s’exprimant verbalement qu’un député prend part à ces délibérations, mais également en posant divers actes officiellement reconnus, comme voter, donner avis d’une motion ou encore présenter une pétition ou un rapport de comité, la plupart de ces actes permettant de faire l’économie du temps de parole au cours des délibérations. Les fonctionnaires de la Chambre participent à ses délibérations principalement en donnant suite aux ordres de la Chambre, qu’ils soient généraux ou particuliers. Des étrangers peuvent également participer aux délibérations de la Chambre, par exemple en comparaissant devant elle ou devant l’un de ses comités, ou encore en veillant à la présentation de pétitions[153].

Le Parlement en Australie a adopté le Parliamentary Privileges Act, 1987 qui définit les « délibérations du Parlement » en ces termes :

[…] tout ce qui se dit ou se fait dans le cadre des travaux d’une Chambre ou d’un comité ou en relation avec ces travaux, notamment et sans limiter la généralité de ce qui précède :

a)       le fait de témoigner devant une Chambre ou un comité et le témoignage lui‑même;

b)       la présentation d’un document à une Chambre ou à un de ses comités;

c)        la préparation d’un document à ces mêmes fins ou à des fins connexes;

d)       la rédaction, la production ou la publication d’un document, y compris un rapport, par suite d’un ordre d’une Chambre ou d’un comité et le document lui‑même[154].

En se fondant sur les nombreux jugements rendus par les tribunaux canadiens qui ont eu à appliquer le droit relatif au privilège parlementaire, il ressort clairement qu’ils ont une bonne compréhension du sens de cette expression et la considèrent comme faisant partie intégrante du droit canadien. Ils se sont toutefois montrés réticents à étendre en dehors du cadre des délibérations parlementaires la portée de l’immunité découlant de la règle de la liberté de parole. Autrement dit, bien que le rôle du député ait considérablement évolué depuis le XVIIe siècle, à l’époque où cette règle a été énoncée dans le Bill of Rights, les tribunaux ont, à quelques exceptions près, restreint l’application de cette immunité au rôle traditionnel des députés comme législateurs et participants aux débats parlementaires[155].

L’importance de la liberté de parole

La liberté de parole permet aux députés de formuler librement toute observation à la Chambre ou en comité en jouissant d’une complète immunité de poursuite criminelle ou civile[156]. Cette liberté est essentielle à la conduite efficace des travaux de la Chambre. Elle permet aux députés de faire, à propos d’organismes ou de personnes de l’extérieur, des déclarations ou des allégations qu’ils hésiteraient peut‑être à faire sans la protection du privilège. Bien qu’elle soit souvent critiquée, la liberté dont jouit le député de formuler des allégations qu’il croit sincèrement fondées, ou qui, selon lui, mériteraient à tout le moins de faire l’objet d’une enquête, est fondamentale. La Chambre des communes ne saurait mener efficacement ses travaux si les députés ne pouvaient pas s’y exprimer en toute liberté et y formuler des critiques sans devoir en rendre compte à des organismes de l’extérieur. Il n’y aurait pas de liberté de parole si tout devait être prouvé avant même d’être exprimé. En 1984, dans une décision sur une question de privilège, le Président Bosley a affirmé : « Les députés ont le privilège absolu d’intervenir à la Chambre ou aux comités et il serait très difficile de juger qu’une déclaration faite sous le couvert de l’immunité parlementaire constitue une violation des privilèges[157]. »

La Chambre accorde également ce droit aux personnes qui comparaissent devant elle ou l’un de ses comités pour les encourager à communiquer toute l’information avec franchise sans crainte de représailles ou d’autres actions défavorables. En 2005, la Cour d’appel fédérale a statué que les témoignages faits devant un comité parlementaire tombent sous le coup du privilège parlementaire, celui-ci étant nécessaire au fonctionnement du Parlement pour trois raisons : « pour encourager les témoins à parler ouvertement devant le comité parlementaire, pour permettre au comité d’exercer sa fonction d’enquête et, de façon plus secondaire, pour éviter les conclusions de fait contradictoires[158] ».

En 2007, la Cour fédérale a confirmé à nouveau que le privilège parlementaire protège les déclarations des témoins devant les comités de la Chambre :

[…] même si les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire ne sont pas des membres du Parlement, ils ne sont pas non plus des étrangers à la Chambre. Ils sont plutôt des invités à qui est conféré le privilège parlementaire parce que, comme pour les membres, le privilège est nécessaire pour faire en sorte qu’ils soient en mesure de parler ouvertement, sans craindre que leurs propos soient utilisés par la suite pour les discréditer dans une autre instance […][159].

La Cour a confirmé que le privilège parlementaire « empêche plutôt d’autres instances d’obliger des membres du Parlement ou des témoins ayant comparu devant des comités à répondre de déclarations faites dans l’accomplissement de leurs fonctions à la Chambre[160] ».

Bien que le privilège parlementaire protège les témoignages faits devant les comités parlementaires, ceux-ci prennent au sérieux les allégations de mensonge ou de tromperie et peuvent y donner suite[161]. Si un comité détermine qu’un témoin a présenté un témoignage mensonger, il peut en faire rapport à la Chambre[162]. Seule la Chambre peut décider si le témoin a délibérément induit en erreur le comité et a commis un outrage à la Chambre et peut choisir la mesure punitive pertinente[163]. Si la Chambre établit qu’un témoin a menti dans son témoignage sous serment et si elle le juge bon, elle peut renoncer à son privilège à l’égard du témoignage et renvoyer l’affaire à la Couronne, qui déterminera si elle a suffisamment d’éléments de preuve pour accuser le témoin de parjure en raison de déclarations mensongères faites délibérément devant un comité parlementaire[164].

Les limites de la liberté de parole

*   Propos tenus en dehors des délibérations

Le privilège de la liberté de parole n’est pas sans bornes, et il subsiste à cet égard des zones grises. Les députés peuvent avoir la certitude que les propos qu’ils tiennent à la Chambre et à l’occasion d’autres délibérations officielles bénéficient de l’immunité, mais ils ne peuvent savoir avec assurance jusqu’où va par ailleurs leur liberté de parole et d’action en tant que parlementaires[165]. Leur privilège parlementaire de la liberté de parole s’applique à ce qu’ils expriment à la Chambre et dans le cadre des autres travaux de la Chambre, mais pas nécessairement en entier aux comptes rendus qu’en donnent les journaux ou autres sources extérieures au Parlement. Par exemple, un député qui rediffuse ses propos autrement que par la voie du compte rendu officiel ne bénéficie pas forcément de son privilège parlementaire.

Les députés devraient savoir que leurs déclarations, qui sont absolument protégées par le privilège quand elles sont faites à l’occasion des délibérations parlementaires, ne le sont pas nécessairement quand elles sont reprises dans un autre contexte, comme dans un communiqué de presse, dans un envoi postal collectif, sur un site Internet, dans une entrevue télévisée ou radiodiffusée, dans une assemblée publique ou à leur bureau de circonscription. Les députés agissent également à leurs risques quand ils communiquent, autrement que dans le cadre de délibérations parlementaires, des documents susceptibles d’être considérés comme diffamatoires. C’est ainsi que les observations que formule un député lors d’une assemblée à laquelle il participe en sa qualité de représentant élu — mais ailleurs que dans l’enceinte du Parlement — ne seraient probablement pas protégées par le privilège, même s’il ne s’agit que de citations de ses propres propos exprimés dans des délibérations parlementaires[166]. Il ne devrait donc pas se servir des moyens de télécommunication, y compris des technologies comme le courrier électronique, le télécopieur et Internet, pour transmettre des textes qui pourraient être considérés comme diffamatoires.

La publication de textes diffamatoires a été considérée par la plupart des tribunaux comme n’étant pas protégée par le privilège parlementaire dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans le processus parlementaire[167]. Même la correspondance entre deux députés sur une politique donnée peut ne pas être considérée comme protégée[168]. Les tribunaux optent systématiquement pour une interprétation « fonctionnelle » du privilège parlementaire, en ce sens que lorsqu’ils sont appelés à examiner toute nouvelle situation dans laquelle un député peut s’être placé, ils le font selon la fonction et le but pour lesquels le privilège parlementaire avait été institué au départ, à savoir permettre aux députés de débattre sans crainte au Parlement des politiques gouvernementales. En 2006, la Cour fédérale a confirmé que le privilège parlementaire ne protège pas les communications avec les électeurs, parce que celles-ci ne font pas partie des délibérations parlementaires[169].

*   L’exercice abusif de la liberté de parole

Le privilège de la liberté de parole étant une immunité qui confère un redoutable pouvoir à ses bénéficiaires, la présidence a à l’occasion mis les députés en garde contre son utilisation abusive. Dans une décision concernant une question de privilège rendue en 1987, le Président Fraser a longuement insisté sur l’importance de la liberté de parole et sur la nécessité pour les députés d’être prudents dans leurs propos :

Seulement deux sortes d’institutions de ce pays jouissent de ce privilège très impressionnant [celui de la liberté de parole] — le Parlement et les Assemblées législatives d’une part, les tribunaux de l’autre. Ces institutions sont protégées par le privilège absolu parce qu’il faut absolument pouvoir dire la vérité, poser n’importe quelles questions et discuter en toute liberté. Le privilège absolu permet à ceux qui assument leurs fonctions légitimes dans ces institutions très importantes de l’État de ne pas être exposés à d’éventuelles poursuites judiciaires. C’est nécessaire dans l’intérêt national : cette protection est d’ailleurs jugée nécessaire depuis des siècles dans notre régime démocratique. Il permet à notre système judiciaire et à notre système parlementaire de fonctionner en toute liberté.

Un tel privilège donne de lourdes responsabilités à ceux qu’il protège. Je songe en particulier aux députés. Les conséquences d’un abus risquent d’être terribles. Des innocents risquent d’être victimes de diffamation sans avoir aucun recours. Des réputations risquent d’être ruinées par de fausses rumeurs. Tous les députés se rendent compte qu’ils doivent exercer avec prudence le privilège absolu qui leur confère une liberté de parole totale. C’est pourquoi de vieilles traditions visent à prévenir de tels abus à la Chambre[170].

Le Président Parent a lui aussi insisté sur la nécessité pour les députés de faire preuve d’une grande prudence en utilisant leur droit de s’exprimer librement à la Chambre :

[…] la liberté de parole est un élément fondamental de notre régime politique et parlementaire. Tout député a le droit de se lever à la Chambre et d’exprimer librement son opinion. Toutefois, lorsque le débat porte sur un sujet délicat, comme c’est souvent le cas, les députés doivent songer aux répercussions possibles de leurs déclarations et, par conséquent, être prudents dans le choix des mots et du ton employés[171].

La présidence a parfois fait valoir que même s’il est nécessaire que les députés puissent exprimer librement et directement leurs opinions, il est également important que la réputation de citoyens ne soit pas injustement attaquée. En se prononçant sur une question de privilège touchant une personne qui n’était pas député, le Président Fraser s’est dit préoccupé de ce que le nom de cette personne ait été mentionné : « Cependant, nous vivons à une époque où tout ce qui se dit dans cette enceinte est répété dans tout le pays, et c’est pourquoi j’ai signalé et je répète qu’il convient de se montrer prudent et de se rappeler qu’il ne faut pas abuser de ce grand privilège qui est le nôtre[172]. »

Dans une décision ultérieure, le Président Fraser a signalé que l’utilisation d’expressions imagées ou d’insinuations à l’égard de personnes ou de leur association à d’autres personnes suscite parfois de vives réactions qui, inévitablement, sèment la pagaille à la Chambre. À propos des références à des personnes à l’extérieur de la Chambre, il s’est dit d’accord avec la suggestion que la Chambre fasse preuve de considérablement de retenue « lorsqu’on fait, au sujet de quelqu’un qui n’est pas à la Chambre, des observations qui seraient considérées comme diffamatoires si elles étaient faites à l’extérieur de la Chambre[173] ». Comme l’a indiqué le Président Milliken en 2003 :

La présidence décourage les députés de désigner les personnes par leur nom dans leurs discours s’ils disent du mal de ces dernières car, le privilège parlementaire s’appliquant à ce qu’ils disent, leurs propos portant atteinte à la réputation d’une personne ou à la personne elle-même pourraient être publiés et protégés par le privilège parlementaire, empêchant la personne visée d’intenter la moindre action à l’égard de ces déclarations[174].

*   La convention du sub judice

Il existe d’autres restrictions à l’exercice du privilège de la liberté de parole, tout particulièrement la convention du sub judice (c’est‑à‑dire sur les affaires qui sont devant un juge ou un tribunal d’archives)[175]. Il est couramment admis que l’on devrait, dans l’intérêt de la justice et du « fair play », imposer certaines limites à la liberté qu’ont les députés de se référer, dans le cours des délibérations, à des affaires en instance devant les tribunaux. On s’entend également pour dire que ces affaires ne devraient faire l’objet ni de motions ni de questions à la Chambre. L’interprétation de cette convention, par ailleurs vaguement définie, est laissée au jugement du Président. Le terme « convention » est employé à dessein, car il n’existe aucune « règle » pour interdire aux parlementaires d’aborder une affaire en instance devant les tribunaux. La Chambre tient à s’imposer de telles limites pour empêcher que le fait de débattre publiquement de l’affaire ne cause préjudice à l’accusé ou à une partie au procès ou à l’enquête judiciaire[176]. Bien qu’il existe une certaine jurisprudence pouvant servir de guide à la présidence, on n’a jamais pris soin de codifier cette pratique à la Chambre des communes[177].

La convention du sub judice est importante dans la conduite des travaux de la Chambre. Elle protège les droits des parties à un procès devant les tribunaux et préserve et maintient la séparation et le respect mutuel entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. La convention concilie la liberté de parole avec la nécessaire existence d’un pouvoir judiciaire indépendant et impartial.

De la façon dont l’usage a évolué, c’est maintenant la présidence elle‑même qui établit quelle est sa compétence relativement aux affaires en instance devant les tribunaux[178]. En 1977, le Comité spécial sur les droits et immunités des députés a recommandé, dans son premier rapport, que l’imposition de la convention soit discrétionnaire et que, si la situation n’est pas claire, la présidence favorise la poursuite du débat plutôt que d’appliquer la convention[179]. Depuis la présentation de ce rapport, la présidence a suivi ces lignes directrices dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire[180].

*   L’autorité de la présidence

La liberté de parole des députés est également limitée du fait qu’aux termes du Règlement de la Chambre, la présidence a le pouvoir de maintenir l’ordre et le décorum et, au besoin, d’ordonner à un député de regagner son siège si, dans le cours d’un débat, il persiste à s’éloigner du sujet ou ne fait que se répéter, ou encore de désigner par son nom un député qui passe outre à l’autorité de la présidence et de lui ordonner de se retirer[181].

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Renonciation au privilège de la liberté de parole

Il appartient à la Chambre de déterminer comment elle exerce ses privilèges et si elle veut les affirmer ou non. Il est arrivé qu’on la prie de renoncer à son privilège de la liberté de parole pour que ses délibérations et les transcriptions de ses séances puissent être examinées en cour ou ailleurs. À deux occasions, en 1892 et en 1978, à la demande d’une autorité judiciaire, la Chambre a choisi de ne pas insister sur son privilège de la liberté de parole.

À la fin des années 1880, Thomas McGreevy (Québec-Ouest) a été accusé d’abus de pouvoir pour avoir accepté des pots-de-vin et avoir offert d’user de son influence en vue d’aider la firme Larkin, Connolly & Co. à obtenir un contrat de dragage pour le port de Québec. L’affaire a été renvoyée au Comité permanent des privilèges et des élections. Lors de sa comparution devant le Comité, M. McGreevy a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées sur ses relations avec la firme. Il a finalement été expulsé de la Chambre, et des accusations de conspiration devaient être portées contre lui et M. Nicholas Connolly. Afin d’obtenir le mandat nécessaire à la mise en accusation des deux hommes, le procureur de la Couronne avait déposé auprès du juge les transcriptions des témoignages présentés au Comité. Le juge a refusé de tenir compte de ces transcriptions parce que leur contenu était protégé par le privilège parlementaire. Par suite d’un contrôle judiciaire, la Haute Cour de justice de l’Ontario a confirmé la décision du juge de première instance et ajouté que la Chambre des communes pouvait décider de renoncer à son privilège. Le 12 avril 1892, la Chambre a résolu d’autoriser la production des transcriptions auprès du juge; elle a spécifié qu’en autorisant cet usage particulier, elle ne cédait toutefois aucun de ses privilèges[182].

En 1978, le Comité permanent de la justice et des questions juridiques a tenu des audiences sur de prétendus actes répréhensibles de la part de membres de la GRC. Certains témoins ont demandé et obtenu de témoigner à huis clos. Quelques mois plus tard, une commission d’enquête a été établie. Au cours de l’enquête, la commission a demandé d’avoir accès aux enregistrements et aux transcriptions des séances à huis clos. Le 14 décembre 1978, la Chambre des communes a ordonné que « le Comité soit autorisé à mettre tous témoignages recueillis à huis clos à la disposition de la Commission d’enquête […] aux conditions établies par le Comité[183] ». Le Comité hésitait à divulguer ces témoignages, car il avait donné aux témoins l’assurance qu’ils témoigneraient à huis clos. Il a écrit à chacun des témoins pour leur demander la permission de faire examiner leurs témoignages par la commission. Ayant reçu les permissions demandées, le Comité a fait parvenir les transcriptions à la commission à la condition qu’elle en fasse l’examen à huis clos et les lui renvoie sans tarder.

En 2004, la Chambre des communes a été appelée encore une fois à renoncer à son privilège de la liberté de parole. Une commission d’enquête (appelée Commission Gomery, d’après le nom de son commissaire, le juge John Gomery) avait été créée pour enquêter et faire rapport sur les questions soulevées dans le rapport de novembre 2003 de la vérificatrice générale concernant le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada. On avait voulu savoir si l’avocat de la Commission pouvait contre-interroger des témoins en se servant des témoignages qu’ils avaient faits devant le Comité permanent des comptes publics au cours des audiences sur le rapport[184]. Après avoir examiné la demande, le Comité permanent des comptes publics a présenté un rapport à la Chambre le 5 novembre 2004. Il recommandait que la Chambre réaffirme tous les privilèges, pouvoirs et immunités prévus à l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, à l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada et à l’article 9 du Bill of Rights de 1689, ainsi que l’octroi de ces privilèges aux comités de la Chambre et à quiconque participe à leurs délibérations. De plus, le Comité recommandait que la question de savoir dans quelles circonstances la Chambre peut renoncer aux privilèges, et si elle peut le faire pour la Commission Gomery, soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. La Chambre a adopté le rapport le 15 novembre 2004[185]. Dans son 14e rapport, présenté à la Chambre et adopté le 18 novembre 2004, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a recommandé que la Chambre réaffirme les privilèges et immunités mentionnés dans le troisième rapport du Comité permanent des comptes publics et continue de protéger les témoignages, observations et dépositions de toutes les personnes qui ont témoigné devant ce Comité[186]. Plus précisément, le Comité a fait valoir ce qui suit :

Certains témoins qui ont comparu devant le Comité permanent des comptes publics avaient reçu une assurance orale ou écrite, et d’autres pouvaient supposer, que leur témoignage serait protégé par le privilège parlementaire. Leur retirer cette protection après coup serait injuste envers eux et, en principe, ce serait contraire à l’intérêt supérieur du Parlement et aux droits parlementaires. Les députés et autres personnes qui prennent part aux délibérations parlementaires doivent avoir l’assurance qu’ils jouissent d’une entière liberté d’expression afin de pouvoir être aussi transparents et francs que possible[187].

En 2007, la Chambre a été priée à nouveau de renoncer à son privilège de la liberté de parole pour que le témoignage d’une personne qui avait comparu devant le Comité permanent des comptes publics, à l’égard de son étude sur l’administration des régimes de retraite et d’assurance de la GRC, puisse être produit en preuve dans une poursuite criminelle. Après avoir examiné la demande, le Comité a recommandé que la Chambre réaffirme « les privilèges et immunités parlementaires [de la liberté de parole], y incluant l’interdiction d’utiliser des témoignages reçus par un comité parlementaire dans d’autres procédures judiciaires, y compris des enquêtes qui pourraient mener à des poursuites au criminel ». Il a de plus recommandé que la Chambre ne renonce pas au privilège parlementaire dans ce cas particulier[188]. La Chambre a adopté le rapport le jour même[189].

Les Parlements du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont tous créé un comité pour déterminer si, et dans quelle mesure, l’assemblée pourrait renoncer à la protection de l’article 9 du Bill of Rights de 1689. Les trois comités ont conclu qu’à défaut d’y être clairement autorisée, l’assemblée ne peut pas ou ne devrait pas renoncer à son privilège :

*       Les dispositions de l’article 9 revêtent une importance d’intérêt public et ont été édictées pour la protection de l’intérêt public, de sorte qu’elles ne peuvent faire l’objet d’une renonciation sans modification législative préalable;

*       Si la renonciation pouvait être autorisée par un vote de la majorité simple, elle pourrait être utilisée de façon abusive par la majorité aux dépens d’une minorité ou d’un seul député;

*       Une renonciation pourrait faire obstacle à la liberté de parole puisqu’un intervenant ne saurait pas si la protection du privilège de la Chambre serait retirée à une date ultérieure;

*       Une renonciation pourrait entraîner d’autres demandes de renonciation et en accroître la fréquence;

*       Les dispositions de l’article 9 ne font pas que donner à la Chambre le droit constitutionnel à la liberté de parole; elles restreignent également la compétence des tribunaux et d’autres organismes. Rien ne prouve qu’à elle seule la Chambre peut, en renonçant à son privilège, élargir la compétence des tribunaux circonscrite par la Constitution[190].

*   L’immunité d’arrestation dans les affaires civiles

L’immunité d’arrestation en matière civile est le plus ancien privilège de la Chambre des communes; au Royaume‑Uni, elle a été accordée aux députés avant même la liberté de parole[191]. Cette immunité existe du fait que la Chambre jouit d’un droit prioritaire de bénéficier de la présence et des services de ses députés, à l’abri de toute contrainte ou intimidation. Elle s’applique notamment dans le cas où un député devrait normalement faire l’objet d’une arrestation dans une affaire civile. Elle ne vaut pour prévenir l’arrestation ou l’emprisonnement que dans des affaires civiles; elle n’interfère pas avec l’administration de la justice pénale.

Pour déterminer s’il y a de prime abord atteinte à ce privilège, la présidence doit faire la distinction entre les actes qui touchent directement les députés dans l’exercice de leurs fonctions et les actes qui touchent les députés mais qui ne sont pas directement liés à l’exercice de leurs fonctions. À titre d’exemple, si un député est sommé de comparaître devant un tribunal pour une infraction au code de la route ou si sa déclaration de revenu fait l’objet d’une enquête, il semblerait au premier coup d’œil que ce député peut être gêné dans l’exercice de ses fonctions parlementaires — car il peut être appelé à se défendre en justice au lieu d’être présent à la Chambre ou en comité. Cependant, dans ce genre de cas, la poursuite dont il fait l’objet découle non pas de ses responsabilités d’élu, mais d’un acte qu’il est présumé avoir commis en tant que citoyen ordinaire. En l’occurrence, la protection du privilège parlementaire ne s’applique pas[192].

L’immunité d’arrestation ne protège pas les députés dans une affaire criminelle[193]. Le fait est que les députés ne sont pas au-dessus des lois. Ce principe concorde avec celui qu’a énoncé la Chambre des communes britannique lors d’une conférence qu’elle a eue avec la Chambre des lords en 1641. On avait alors établi que « le privilège parlementaire doit servir le Commonwealth et non l’affaiblir[194] ». Dans son rapport de 1967, le Select Committee on Parliamentary Privilege de la Chambre des communes britannique a fait observer qu’il ne voyait rien qui puisse justifier, sauf dans des circonstances exceptionnelles, qu’un député ait le droit d’échapper au processus judiciaire normal[195].

Le droit à la protection contre l’ingérence dans l’exercice des fonctions parlementaires ne s’applique pas aux actes qui sont accomplis par un député en dehors des délibérations du Parlement et qui pourraient mener à des accusations criminelles. Les infractions criminelles incluent la trahison, la félonie, l’atteinte à l’ordre public, les infractions aux lois provinciales (à caractère quasi criminel) entraînant l’application d’une procédure sommaire prévue au Code criminel, les effractions, l’enlèvement, l’impression et la publication d’écrits diffamatoires séditieux et l’outrage au tribunal (sauf dans une affaire civile). Un député soupçonné, accusé ou reconnu coupable d’un acte criminel est exactement dans la même position qu’un autre citoyen, sauf si l’infraction en question est liée aux délibérations du Parlement[196].

Si un député est accusé d’infraction à la loi, il doit, comme tout citoyen, se soumettre au processus normal d’exécution de la loi. Agir autrement équivaudrait à bafouer le système de justice. Le député qui commet un outrage au tribunal en matière civile est protégé par le privilège parlementaire de l’immunité d’arrestation, mais cette immunité ne protège pas le député accusé d’une affaire criminelle[197]. Dans le cas où un député est arrêté pour une infraction criminelle ou est accusé d’outrage au tribunal, les autorités judiciaires devraient en aviser la Chambre si l’incident survient en cours de session[198]. De même, si un député est condamné à la prison, le juge ou le magistrat en informe la Chambre au moyen d’une lettre adressée à la présidence[199].

Un député jouit du privilège de l’immunité d’arrestation dans les affaires civiles dès qu’il devient officiellement député, c’est‑à‑dire à compter du moment où le directeur du scrutin fait rapport du bref de son élection. Ce privilège s’applique pendant que la Chambre siège, de même que durant les 40 jours qui précèdent ou suivent la tenue d’une session et dans les 40 jours suivant la dissolution du Parlement[200].

Les hauts fonctionnaires de la Chambre qui sont obligés, de par leurs fonctions, d’être physiquement présents au service de la Chambre sont protégés contre l’arrestation en matière civile, tout comme les témoins et les autres personnes devant y être présentes, pendant qu’ils entrent au Parlement, quittent les lieux et assistent aux travaux de la Chambre ou de l’un de ses comités[201].

*   L’exemption du devoir de juré

Étant donné que la Chambre des communes a un droit prioritaire à bénéficier de la présence et des services de ses députés et que les tribunaux disposent d’un important bassin de personnes qu’ils peuvent appeler à agir comme jurés, il n’est pas essentiel que les députés soient obligés d’accepter de faire partie d’un jury. C’est ce que voulait la tradition au Royaume‑Uni depuis bien avant la Confédération, et c’est la pratique au Canada depuis 1867[202]. Le devoir des députés de s’acquitter de leurs fonctions de représentants élus est dans l’intérêt supérieur de la nation et est considéré comme ayant priorité sur toute obligation d’agir comme juré. Ce principe a d’ailleurs été reconnu en droit[203].

L’un des droits de la Chambre est d’assurer la protection de ses fonctionnaires et de veiller à ce qu’ils puissent assister à ses délibérations. Par conséquent, les hauts fonctionnaires de la Chambre sont dispensés de faire partie d’un jury au même titre que les parlementaires. Il en va de même des personnes sommées de comparaître devant la Chambre ou l’un de ses comités[204].

*   L’exemption de l’obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal

Étant donné le droit prioritaire de la Chambre de bénéficier de la présence et des services de ses députés quand elle est en session, ceux‑ci sont alors exemptés de l’obligation normalement imposée à tout citoyen de se conformer à une citation à comparaître comme témoin devant un tribunal[205]. L’exemption s’applique aux affaires entendues par les tribunaux civils, criminels et militaires[206]. Ce privilège n’étant toutefois pas censé être utilisé pour empêcher la justice de suivre son cours, il est fréquent qu’un député renonce à l’exercer, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une poursuite pénale[207]. Un député fédéral qui a reçu en cours de session une citation à comparaître devant un tribunal ou une autre forme d’assignation peut s’y rendre s’il estime que son absence risque de perturber le cours de la justice. Il demeure cependant en droit de se prévaloir de son privilège de refuser de témoigner devant un tribunal[208]. Un député peut témoigner de son propre gré et sans aucune formalité, même un jour de séance de la Chambre[209], mais s’il accepte de le faire, il renonce à la protection que lui confère ce privilège. Il ne peut en aucune façon invoquer le privilège et il est tenu de livrer son témoignage[210].

Les députés sont dispensés de l’obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal pendant que la Chambre siège, de même que durant les 40 jours qui précèdent ou suivent une session et dans les 40 jours qui suivent la dissolution du Parlement[211]. L’immunité s’applique aussi aux périodes de prorogation du Parlement. Le Président Fraser a confirmé ce principe dans une décision rendue en mai 1989 : « […] le droit d’un député de refuser de comparaître comme témoin devant un tribunal au cours d’une session du Parlement et dans les 40 jours qui précèdent ou suivent une telle session est un droit indiscuté et inaliénable appuyé par une foule de précédents[212] ».

Les tribunaux n’ont pas toujours souscrit à ce point de vue. En 2003, les tribunaux de la Colombie-Britannique ont été saisis de la question de l’étendue du privilège; ils ont statué que le privilège ne s’applique pas au-delà de la session[213]. En 2007, la Cour d’appel du Québec a confirmé une décision de la Cour supérieure du Québec selon laquelle l’exemption de comparaître comme témoin au cours d’une session parlementaire ne s’applique pas à un député qui est partie à un litige. S’appuyant sur le Parliamentary Privileges Act, 1770 du Royaume-Uni, la Cour a déclaré que les obligations juridiques du député avaient priorité sur ses responsabilités parlementaires. Elle a néanmoins exhorté les parties et les tribunaux à essayer de fixer des dates pour le procès en tenant compte du calendrier parlementaire[214].

La situation est différente en Ontario. Les tribunaux de cette province ont établi que le privilège s’applique au cours des 40 jours qui précèdent et suivent chaque session[215]. Ils ont également statué qu’une assignation pour interrogatoire équivaut à une assignation à comparaître comme témoin et que, par conséquent, la période d’exemption de 40 jours précédant et suivant une session parlementaire s’applique[216].

De même que dans le cas de l’exemption du devoir de juré, tout haut fonctionnaire de la Chambre ou toute personne tenue de comparaître comme témoin devant la Chambre ou l’un de ses comités est dispensé de cette obligation si ses services sont requis par la Chambre[217].

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*   La protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité

Les députés, de par la nature de leur fonction et la variété des travaux qu’ils sont appelés à accomplir, entrent en contact avec un large éventail de personnes et de groupes. Ils sont donc exposés à subir toutes sortes d’ingérences, d’obstructions et d’influences. Selon Maingot :

Les députés ont le droit de se livrer à leurs activités parlementaires sans être dérangés. Les voies de fait, les menaces et les insultes à l’égard d’un député sur le parquet de la Chambre ou lorsqu’il se rend à la Chambre ou en revient, ou encore à cause de son attitude au cours des délibérations du Parlement, constituent une atteinte aux droits du Parlement. Toute forme d’intimidation […] envers quiconque en raison de son attitude au cours des délibérations du Parlement peut être considérée comme un outrage[218].

La loi traite de certaines questions de ce genre, notamment du trafic d’influence, de l’acceptation de pots‑de‑vin et des tractations électorales malhonnêtes[219]. Au fil des ans, des députés ont régulièrement porté à l’attention de la Chambre des cas où, selon eux, il y avait eu tentative d’obstruction, de nuisance, d’ingérence, d’intimidation ou de brutalité à leur endroit ou à l’endroit de leur personnel ou de personnes qui avaient affaire à eux ou à la Chambre. Strictement parlant, de tels actes sont considérés comme des outrages à l’autorité de la Chambre et non comme des atteintes aux privilèges[220]. Comme ces questions sont étroitement liées au droit de la Chambre de bénéficier des services de ses députés, elles sont toutefois souvent considérées comme des atteintes aux privilèges.

La présidence a régulièrement réaffirmé que la Chambre se devait de protéger contre toute intimidation, obstruction ou ingérence son droit de bénéficier des services de ses députés. Le Président Lamoureux a signalé, dans une décision rendue en 1973, qu’il n’hésitait pas à affirmer que « […] le privilège parlementaire comprend le droit pour un député de s’acquitter de ses fonctions de représentant élu sans avoir à subir aucune menace ou tentative d’intimidation[221] ». Comme l’a fait observer le Président Bosley en 1986 :

Si un député est gêné ou entravé dans l’accomplissement de ses fonctions parlementaires par des menaces, des intimidations, des tentatives de corruption ou d’autres comportements inacceptables, c’est une violation de privilège. Si un député pouvait dire que quelque chose l’a empêché de remplir ses fonctions, qu’il a été menacé, intimidé ou indûment influencé, la présidence prendrait l’affaire en considération[222].

Dans une décision sur une autre question de privilège, le Président Bosley a en outre fait observer que la menace ou tentative d’intimidation ne saurait être hypothétique; elle doit être réelle ou avoir été faite[223].

Pour qu’il y ait à première vue matière à question de privilège, la présidence doit être convaincue que les faits confirment les propos du député selon lesquels il a été gêné dans l’exercice de ses fonctions parlementaires et que la question a un lien direct avec les délibérations du Parlement[224]. Dans certains cas où elle a statué que la question de privilège n’était pas fondée de prime abord, la présidence a rendu des décisions axées sur le lien, direct ou non, avec les fonctions parlementaires du député. Tout en faisant souvent remarquer que les députés avaient des doléances légitimes, elle a systématiquement conclu qu’ils n’avaient pas été gênés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires[225]. Le Président Jerome a fait observer dans une décision de 1978 que la société exige beaucoup de ses députés, mais que toutes ces exigences n’entraînent pas forcément l’exécution de fonctions strictement parlementaires. Les députés ont beau avoir des obligations à remplir en leur qualité de représentants de l’électorat, ils ne peuvent revendiquer la protection du privilège qu’en ce qui a trait à l’exercice de leurs fonctions parlementaires, bien que la ligne de démarcation entre ces rôles soit parfois ténue[226].

Obstruction par des moyens physiques, voies de fait et brutalité

Quand un député prétend avoir été, dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, victime d’obstruction, d’entrave à son travail, d’ingérence ou d’intimidation par des moyens physiques, la présidence peut en déduire que de prime abord, il y a eu atteinte aux privilèges[227].

La présidence estime qu’il y a de prime abord atteinte aux privilèges pour des cas d’obstruction physique — comme des barrages routiers, des cordons de sécurité et des piquets de grève qui empêchent un député d’accéder à l’enceinte parlementaire ou nuit à sa liberté de mouvement dans cette enceinte — et des cas d’agression ou de brutalité physique. Par exemple, en 1989, le Président Fraser a jugé fondée de prime abord l’allégation d’atteinte aux privilèges soulevée à propos d’un barrage routier que la GRC avait installé sur la colline du Parlement dans le but de contenir un groupe de manifestants et qui avait bloqué l’accès de députés à la Chambre des communes[228]. En 1999, un certain nombre de questions de privilège ont été soulevées pour protester contre le fait que des membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada avaient installé des piquets de grève à des endroits stratégiques donnant accès à la colline du Parlement et devant les entrées des édifices où travaillent normalement les parlementaires. Un député a indiqué que des grévistes avaient eu recours à la violence physique et à l’intimidation pour l’empêcher de se rendre à son bureau. Sur ce point, le Président Parent a immédiatement statué que de prime abord, la question de privilège lui semblait fondée, et celle-ci a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre[229]. Des questions de privilège connexes ont porté sur la difficulté que des députés avaient eue à se rendre à leurs bureaux, ce qui les avait empêchés d’exercer leurs fonctions et de remplir promptement leurs obligations de parlementaires. Après réflexion, le Président Parent est arrivé à la conclusion que l’incident constituait de prime abord un outrage à la Chambre, et la question a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre[230]. En 2004, une question de privilège a été soulevée au sujet de la libre circulation des députés dans l’enceinte parlementaire pendant la visite du président des États-Unis, George W. Bush. Des députés se sont plaints qu’en essayant d’empêcher les manifestants d’entrer sur la colline du Parlement, la police avait aussi refusé l’accès à certains députés et les avait de ce fait empêchés d’exercer leurs fonctions parlementaires. Le Président Milliken a jugé qu’il y avait eu de prime abord atteinte aux privilèges, et la question a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre[231].

Autres exemples d’obstruction, d’ingérence et d’intimidation

Un député peut aussi faire l’objet d’obstruction ou d’ingérence dans l’exercice de ses fonctions par des moyens non physiques. Dans ses décisions sur ce type de situation, la présidence examine l’effet de l’incident ou de l’événement sur la capacité des députés de remplir leurs responsabilités parlementaires. Si, de l’avis de la présidence, l’exercice des fonctions parlementaires d’un député n’a pas été entravé, il ne peut y avoir matière à question de privilège de prime abord[232].

Il est impossible de codifier tous les incidents qui pourraient être considérés comme des cas d’obstruction, d’ingérence, de brutalité ou d’intimidation et, par conséquent, constituer une atteinte aux privilèges de prime abord. On trouve toutefois, parmi les questions de privilège fondées de prime abord, l’atteinte à la réputation d’un député, l’usurpation du titre de député, l’intimidation d’un député et de son personnel ainsi que de personnes appelées à témoigner devant un comité et la communication d’informations trompeuses.

Le tort injustement causé à la réputation d’un député peut constituer un cas d’obstruction si celui-ci a été empêché de remplir ses fonctions parlementaires. En 1987, le Président Fraser a déclaré : 

Tout acte susceptible d’empêcher un député ou une députée de s’acquitter de ses devoirs et d’exercer ses fonctions porte atteinte à ses privilèges. Il est évident qu’en ternissant injustement la réputation d’un député, on risque de l’empêcher de faire son travail. Normalement, un député qui estime avoir été victime de diffamation a le même recours que n’importe quel autre citoyen; il peut intenter des poursuites en diffamation devant les tribunaux avec la possibilité de réclamer des dommages pour le tort qui lui a éventuellement été causé. Par contre, il ne peut pas avoir recours à de telles poursuites si la diffamation s’est produite à la Chambre[233].

Il y a seulement eu quelques cas où la présidence a jugé qu’une question de privilège concernant l’atteinte à la réputation d’un député était fondée de prime abord. En avril 2005, le Président Milliken a statué que la réputation de Brian Masse (Windsor‑Ouest) pouvait avoir été injustement entachée par Monte Solberg (Medicine Hat), qui avait distribué dans la circonscription de Windsor-Ouest un envoi postal collectif renfermant de l’information inexacte et trompeuse sur les activités de M. Masse à la Chambre et en comité[234]. Dans une situation semblable qui s’est produite en octobre 2005, Denis Coderre (Bourassa) a prétendu que des bulletins parlementaires contenant de fausses allégations à son sujet et relativement au programme de commandites du gouvernement avaient été distribués dans 24 circonscriptions du Québec détenues par le Bloc Québécois. Il a affirmé que ces allégations avaient entaché sa réputation et nui à sa capacité d’exercer ses fonctions parlementaires. Le Président a conclu que la question de privilège était fondée de prime abord et qu’il serait indiqué de la traiter de la même façon que dans le cas d’avril 2005[235].

En 2005 également, la présidence a jugé fondée de prime abord une question de privilège relative à des commentaires faits par le commissaire à l’éthique à un journaliste au sujet de Deepak Obhrai (Calgary-Est), qui faisait l’objet d’une enquête en vertu du Code régissant les conflits d’intérêts des députés. Le député a prétendu que les commentaires avaient nui à sa réputation, d’autant plus que ce type d’enquête était censé se tenir à huis clos. Le Président hésitait à conclure que la conduite du commissaire à l’éthique constituait un outrage à la Chambre, tout particulièrement en l’absence d’une étude et d’une évaluation du nouveau code régissant les conflits d’intérêts; il a tout de même statué que la question de privilège paraissait fondée de prime abord afin de donner à la Chambre l’occasion « de se prononcer sur la façon dont elle souhaite procéder dans cette situation très délicate[236] ».

Présenter faussement quelqu’un comme le député en poste a, à deux reprises, mené à la conclusion qu’il y avait de prime abord matière à question de privilège. Le 6 mai 1985, le Président Bosley en est arrivé à cette conclusion relativement à une publicité parue dans un journal où l’on désignait une autre personne que le député lui‑même comme étant le député en poste. Il a déclaré :

Il va sans dire qu’un député doit exercer ses fonctions comme il faut et que toute tentative de semer la confusion sur l’identité d’un député risque d’empêcher ce député de remplir ses fonctions comme il se doit. Toute initiative qui empêche ou vise à empêcher un député d’exercer ses fonctions est une atteinte aux privilèges[237].

En 2004, une autre question de privilège a été soulevée concernant un livret publié dans le cadre d’une activité-bénéfice et contenant une publicité qui désignait l’ancien député comme le député en poste. La présidence a conclu qu’il y avait de prime abord atteinte aux privilèges, et la question a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre[238].

L’intimidation pratiquée par des fonctionnaires à l’endroit de députés et de leur personnel dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires a été considérée comme une atteinte aux privilèges fondée de prime abord. En 1984, le Président Francis a jugé fondée de prime abord une question de privilège concernant une allégation d’intimidation à l’endroit d’un employé d’un député. En rendant sa décision le 20 février 1984, le Président a déclaré : 

Si un ministère ou une société de la Couronne menaçait un député de lui refuser des renseignements ou sa collaboration, on pourrait alors dire, sans aucun doute, qu’en agissant ainsi, on empêche ce député d’exercer ses fonctions et qu’il s’agit donc d’une atteinte aux privilèges du député. La même chose s’appliquerait dans le cas où on offrirait au député certains avantages à condition qu’il soumette toujours ses questions au service concerné avant de les poser à la Chambre […]. La présidence estime donc qu’il n’est pas nécessaire que le fait équivalant à une forme d’intimidation soit commis contre le député en sa personne pour constituer une violation des privilèges[239].

Tout comme on a jugé fondées de prime abord des questions de privilège se rapportant à des cas où des députés ou leur personnel avaient été intimidés, l’intimidation d’un témoin ayant comparu devant un comité a également été considérée de prime abord comme une atteinte aux privilèges. En 1992, une employée d’une société d’État a informé une personne qui avait témoigné devant un sous-comité que son témoignage était soumis au service juridique de la société. Le témoin a avisé de la situation un des membres du sous-comité, qui a soulevé une question de privilège à la Chambre. Le Président Fraser a jugé qu’il y avait de prime abord matière à outrage, et la Chambre a renvoyé la question pour étude au Comité permanent de la gestion de la Chambre[240]. Dans son rapport à la Chambre sur la question de privilège, le Comité a réaffirmé les principes du privilège parlementaire et de son extension aux témoins des comités. Le rapport mentionnait ce qui suit :

La protection des témoins est un élément fondamental du privilège qui s’étend aux délibérations parlementaires et aux personnes qui y participent. Il est bien établi, au Parlement du Canada comme au Parlement britannique, que les témoins entendus en comité jouissent d’une immunité et d’une liberté de parole égales à celles des députés. Les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire bénéficient donc automatiquement, pour tout ce qu’ils disent devant le comité, des mêmes immunités contre les poursuites au civil ou au criminel que les parlementaires. La protection des témoins s’étend aux menaces proférées contre eux et aux tentatives d’intimidation exercées sur eux relativement à leur exposé devant quelque comité parlementaire que ce soit[241].

Induire en erreur un ministre ou un député a également été considéré comme une forme d’obstruction et donc comme une atteinte aux privilèges fondée de prime abord. Par exemple, le 6 décembre 1978, en constatant qu’il y avait eu de prime abord outrage à la Chambre, le Président Jerome a statué qu’en induisant délibérément un ministre en erreur, un représentant du gouvernement avait gêné un député dans l’accomplissement de ses fonctions et que, par conséquent, il avait entravé les travaux de la Chambre[242].

Enfin, en jugeant fondée de prime abord une question de privilège le 21 mars 1978, le Président Jerome a établi que la surveillance électronique d’un député en dehors de l’enceinte parlementaire « pourrait être considérée comme une forme de harcèlement, d’obstruction, de nuisance ou encore d’intimidation à l’égard d’un député. Tous ces termes ont été utilisés dans les décisions antérieures de la présidence à l’appui de la position selon laquelle une telle conduite constitue un outrage à la Chambre[243] ».

Intimidation du Président et des autres présidents de séance de la Chambre

Au même titre que l’intimidation d’un député ou d’un témoin, la Chambre prend très au sérieux tout acte ou tentative d’intimidation du Président et des autres présidents de séance de la Chambre. À trois occasions, la Chambre a jugé que des critiques qui mettaient en doute l’impartialité de la présidence constituaient des tentatives d’intimidation et, partant, qu’elles portaient atteinte aux privilèges[244]. Le 22 décembre 1976, la Chambre a adopté une motion estimant que les propos publiés dans un article de journal sur le Président Jerome étaient « une diffamation grossière de M. l’Orateur, et que la publication de cet article constitue une violation flagrante des privilèges de la Chambre[245] ». Le 23 mars 1993, le Président Fraser, rappelant au passage qu’une attaque contre l’intégrité d’un dignitaire de la Chambre était une attaque contre la Chambre elle‑même, a jugé que les commentaires d’un député mettant en doute l’impartialité d’un président de séance de la Chambre constituaient une question de privilège fondée de prime abord[246]. Enfin, le 9 mars 1998, un député a soulevé une question de privilège pour soutenir que les propos cités dans un article de journal et attribués à certains députés constituaient une tentative d’intimidation à l’endroit de l’ensemble de la Chambre et de son Président. Le député disait craindre que ces propos, qui avaient trait à des questions prises en délibéré par la présidence et qui donnaient à penser que des députés réclameraient la démission du Président s’il rendait sa décision dans un sens donné, ne constituent une manœuvre visant à influencer la décision du Président. Le Président Parent a jugé que la question de privilège était fondée de prime abord[247].

Incidents à caractère politique ou survenus dans la circonscription d’un député

Les fois où des députés ont allégué avoir été victimes d’obstruction ou de harcèlement, non pas directement en tant que représentants élus mais à l’occasion d’un incident à caractère politique ou survenu dans leur circonscription, la présidence a toujours jugé qu’il n’y avait pas là matière à question de privilège. Le 15 juillet 1980, le Président Sauvé a déclaré :

Je connais fort bien les nombreuses responsabilités et les devoirs du député et aussi le travail qu’il doit faire pour sa circonscription, mais à titre [de Président], je dois tenir compte uniquement des questions qui touchent au travail parlementaire. Autrement dit, quels que soient les devoirs d’un député envers ses électeurs, pour être valable, la question de privilège doit avoir trait à une présumée ingérence dans les fonctions parlementaires du député. Cela veut dire que, tout comme le privilège parlementaire protège les députés des conséquences de leurs actes au cours des délibérations du Parlement, de même il les protège de toute ingérence dans leurs fonctions tant que cette ingérence a trait à leur travail parlementaire[248].

Cette opinion a été exprimée avec encore plus de fermeté par le Président Bosley dans une décision rendue le 15 mai 1985. Douglas Frith (Sudbury) avait soulevé une question de privilège en soutenant qu’une directive ministérielle interdisant la publication de renseignements sur un programme gouvernemental portait atteinte ou nuisait à sa capacité de servir ses électeurs. Même s’il a reconnu la plainte du député, le Président Bosley a conclu que la question de privilège n’était pas fondée de prime abord. Il a précisé que le privilège parlementaire visait à « protéger notre droit de parole à la Chambre, l’institution proprement dite et les députés contre les menaces, les tentatives d’obstruction et les manœuvres d’intimidation, dans l’exercice de leurs fonctions[249] ».

L’importance du lien entre privilège et fonctions parlementaires a été confirmée par le Président Milliken dans une décision rendue le 5 juin 2005. Plusieurs députés avaient soulevé une question de privilège en soutenant que leur capacité de communiquer avec leurs électeurs avait été brimée du fait que certains particuliers ou groupes, en colère à cause de la loi sur le mariage entre personnes de même sexe, avaient inondé leurs bureaux de courriels et de télécopies produites par ordinateur. Le Président comprenait la situation des députés et a reconnu que la grande quantité de télécopies et de courriels avait ralenti le travail de leurs bureaux. Néanmoins, il n’a pu conclure que cela les avait empêchés de s’acquitter de leurs devoirs parlementaires[250]. Enfin, le Président Fraser a confirmé, dans une décision rendue le 17 novembre 1987, que le privilège parlementaire ne s’appliquait pas aux employés d’un député qui exécutaient pour lui des tâches relatives à sa circonscription ou à caractère politique[251].

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[144] Premier rapport du Comité spécial sur les droits et immunités des députés, présenté à la Chambre le 29 avril 1977 (Journaux, p. 720‑721). Ce droit est aussi accordé aux personnes qui témoignent devant les comités parlementaires.

[145] Voir May, 23éd., p. 95‑118; Maingot, 2éd., p. 25‑109, 119‑128; Redlich, J., The Procedure of the House of Commons: A Study of its History and Present Form, vol. III, traduction de A.E. Steinthal, New York : AMS Press, 1969 (réimpression de l’éd. de 1908), p. 42‑50; Odgers, 12éd., p. 33-43; House of Representatives Practice, 5e éd., p. 711-724.

[146] Odgers, 12éd., p. 33.

[147] Odgers, 12éd., p. 33.

[148] Odgers, 12éd., p. 33.

[149] Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, Qui est responsable? : Rapport factuel (ci-après cité Gomery), vol. 1, Ottawa : Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2005, p. 649‑655, confirmé dans Gagliano c. Canada (Procureur général), 2005 CF 576; appel rejeté, 2006 CAF 86.

[150] L.R. 1985, Appendice II, no 5, art. 18; L.R. 1985, ch. P-1, art. 4 et 5.

[151] May, 23éd., p. 95. En 1999, le Joint Committee on Parliamentary Privilege du Royaume-Uni a réaffirmé que la liberté de parole est le privilège parlementaire le plus important de tous (Joint Committee on Parliamentary Privilege, Report, 30 mars 1999, chapitre 2, par. 36 et 37).

[152] Michaud c. Bissonnette, 2006 QCCA 775, par. 35 et 36.

[153] May, 23e éd., p. 111. Voir aussi p. 110‑114 pour un examen du terme « délibérations du Parlement ». Maingot l’a également étudié très attentivement (2e éd., p. 79‑109). Certains ont fait valoir que les réunions confidentielles de caucus tenues dans l’enceinte parlementaire constituent des délibérations parlementaires auxquelles s’applique le privilège de la liberté de parole. En 2004, une question de privilège a été soulevée à la Chambre par suite de la divulgation aux médias des délibérations confidentielles d’une réunion du caucus libéral de l’Ontario. Dans sa décision sur cette question, le Président Milliken a déclaré : « Le respect de la confidentialité des affaires du caucus est essentiel aux opérations de la Chambre et aux travaux des députés » (Débats, 25 mars 2004, p. 1711‑1712). La question, considérée comme fondée de prime abord, a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (Journaux, 25 mars 2004, p. 216). Dans son 22e rapport, présenté à la Chambre le 26 avril 2004 (Journaux, p. 311), le Comité a indiqué que la divulgation empêchait les députés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires et pouvait constituer un outrage à la Chambre. Il a ajouté que la fuite « porte une atteinte grave au caractère confidentiel des réunions de caucus et prive les députés de la possibilité de s’exprimer de manière franche et directe sans craindre ou s’inquiéter que leurs propos puissent sortir de la salle » (par. 15). Le Comité a toutefois conclu que rien n’indiquait que la radiodiffusion de la réunion du caucus ait été délibérée, et il s’est estimé satisfait des mesures correctives prises par l’Administration de la Chambre pour réduire les risques d’une nouvelle fuite.

[154] House of Representatives Practice, 5éd., p. 712-713.

[155] Voir Maingot, 2éd., p. 93, 95‑97, 104‑105, pour une analyse de la portée de ce privilège au regard du rôle du député moderne, et un examen des motifs énoncés dans la décision du juge en chef adjoint Hugessen de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Ouellet (n1), (1976) 67 D.L.R. (3d) 73 (version anglaise) ou [1976] C.S. 503 (version française); motifs confirmés par la Cour d’appel du Québec (1976) 72 D.L.R. (3d) 95 (version anglaise) ou [1976] C.A. 788 (version française). Voir aussi Pankiw, 2006 CF 1544, par. 76 à 102. En outre, voir la décision rendue par le Président Jerome, Débats, 15 mai 1978, p. 5411, et la décision rendue par le Président Milliken, Débats, 12 février 2003, p. 3470‑3471.

[156] Voir Maingot, 2éd., p. 33‑37, pour une analyse de la liberté de parole au regard du droit pénal.

[157] Débats, 11 décembre 1984, p. 1114. Reprenant un point de vue déjà exprimé par le Président Michener, le Président Bosley a poursuivi en faisant remarquer qu’à moins qu’une telle conduite n’ait eu pour effet de nuire à d’autres députés ou à la Chambre, « la conduite d’un député, même si elle était répréhensible, ne pouvait pas donner lieu à une question de privilège bien qu’elle puisse être à la base d’une accusation par le biais d’une motion de fond […] » (p. 1115). Le 7 décembre 1984, John Nunziata (York‑Sud–Weston) a soulevé une question de privilège, alléguant que les observations formulées en comité par Svend Robinson (Burnaby) constituaient un outrage au Parlement. M. Robinson avait prétendu qu’il y avait infiltration de la Central Intelligence Agency (CIA) au sein de la haute direction de Petro‑Canada et avait même fourni les noms de plusieurs personnes qui, selon lui, étaient des agents au service de cette organisation américaine. Le 21 décembre 1984, M. Robinson a pris la parole à la Chambre pour rétracter les propos qu’il avait formulés en comité. Il a dit s’être fié à une source confidentielle de renseignements et s’être servi de son immunité parlementaire pour accuser ces employés de Petro‑Canada d’espionnage pour le compte de la CIA. Il a poursuivi en disant : « Bien que la tradition de l’immunité parlementaire soit importante et instituée de longue date, avec du recul, je regrette de l’avoir utilisée pour citer les noms de ces personnes. J’ai écrit à ces deux personnes pour leur faire part de mes regrets les plus sincères de les avoir nommées publiquement devant le Comité de la justice. De même, monsieur le Président, je tiens à ce moment‑ci à retirer complètement et sans équivoque les allégations que j’ai faites alors et à m’excuser sans réserve auprès des deux personnes visées […] » (Débats, 7 décembre 1984, p. 1004‑1007; 21 décembre 1984, p. 1447).

[158] Gagliano, 2005 CF 576, et en particulier par. 72, 77, 78 et 83. En 2004, on s’est demandé si les avocats d’une commission d’enquête pouvaient contre-interroger des témoins en utilisant des déclarations faites antérieurement devant un comité permanent. Une commission d’enquête a demandé à la Chambre des communes si elle était disposée à renoncer au privilège parlementaire pour autoriser l’utilisation de témoignages devant la commission. Après que deux comités permanents ont étudié la question, la Chambre a réaffirmé l’importance du privilège de la liberté de parole en déclarant que « toutes les délibérations du Comité permanent des comptes publics ainsi que les témoignages, observations et dépositions de toutes les personnes qui y participent continuent d’être protégés par ces privilèges et immunités » (Journaux, 18 novembre 2004, p. 232‑233). Une fois informé de la résolution de la Chambre, le commissaire chargé de l’enquête a décidé que le privilège parlementaire empêchait les avocats d’utiliser les témoignages dans les contre-interrogatoires (Gomery, vol. 1, p. 649‑655). La Cour fédérale a par la suite maintenu cette décision (Gagliano c. Canada (Commission d’enquête sur le programme de commandites), 2006 CF 720; appel rejeté, 2006 CAF 86). Pour plus d’information, voir la section intitulée « Renonciation au privilège de la liberté de parole » du présent chapitre.

[159] George c. Canada (Procureur général), 2007 CF 564, par. 63. La demanderesse avait déposé deux demandes de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale pour empêcher que son témoignage devant le Comité permanent des comptes publics sur l’administration des régimes de retraite et d’assurance de la GRC soit admis en preuve dans une poursuite criminelle. Voir aussi la déclaration du président du Comité des comptes publics, Témoignages, 30 avril 2007, séance n53.

[160] George, par. 70. La Cour fédérale a également statué qu’elle n’avait pas compétence pour décider si le privilège parlementaire s’appliquait aux enquêtes policières, puisque ces enquêtes sont du ressort des cours supérieures provinciales. Elle ne voulait pas intervenir dans la décision de la GRC d’intenter une action criminelle : « Il est clair que toute question se rapportant au privilège parlementaire reste posée et que la recevabilité des preuves qui émanent directement du témoignage de la demanderesse devant le Comité des comptes publics devra être examinée à mesure que se déroulera l’enquête criminelle » (George, par. 52).

[161] En 2006, le Comité permanent des comptes publics a produit une analyse comparative des divergences dans les témoignages de certaines personnes qui avaient comparu devant lui au cours de la 37e législature (2001-2004) et aussi devant la Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, couramment appelée Commission Gomery (Procès‑verbal, 21 novembre 2006, séance no 28). Par la suite, le Comité permanent a adopté une motion pour faire comparaître à nouveau certains témoins et leur demander de s’expliquer sur les divergences (Procès-verbal, 9 mai 2007, séance no 56). Le 6 juin 2007, deux des témoins ont comparu devant le Comité, ont présenté leurs exposés préliminaires et ont répondu aux questions (Procès-verbaux et Témoignages, séance no 64).

[162] En 2003, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a conclu que George Radwanski, ex-commissaire à la protection de la vie privée, l’avait délibérément induit en erreur dans son témoignage et devrait donc être reconnu coupable d’outrage à la Chambre. Voir le quatrième rapport du Comité, présenté à la Chambre le 13 juin 2003 (Journaux, p. 934); son cinquième rapport, présenté à la Chambre le 27 juin 2003 (Journaux, 15 septembre 2003, p. 959); et son neuvième rapport, présenté le 4 novembre 2003 (Journaux, p. 1225). En 2008, le Comité permanent des comptes publics a conclu que la sous‑commissaire de la GRC, Barbara George, l’avait sciemment induit en erreur dans son témoignage et a recommandé qu’elle soit reconnue coupable d’outrage à la Chambre. Voir le troisième rapport du Comité permanent des comptes publics, présenté à la Chambre le 12 février 2008 (Journaux, p. 423).

[163] La Chambre a constaté que l’ex-commissaire à la protection de la vie privée, George Radwanski, avait commis un outrage à son endroit en 2003 pour avoir fait un témoignage trompeur devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Toutefois, comme M. Radwanski a présenté à la Chambre une lettre d’excuses, aucune sanction n’a été imposée (Débats, 4 novembre 2003, p. 9150‑9151; 5 novembre 2003, p. 9192‑9193; 6 novembre 2003, p. 9229‑9231, 9237). En 2008, la Chambre a reconnu que la sous-commissaire de la GRC, Barbara George, avait commis un outrage en présentant un faux témoignage au Comité des comptes publics et en induisant celui-ci en erreur, mais n’a pas ordonné d’autres mesures, « ce verdict d’outrage constituant à lui seul une très lourde sanction » (Débats, 10 avril 2006, p. 4721).

[164] Loi sur le Parlement du Canada, L.R. 1985, ch. P‑1, art. 12; Code criminel, L.R. 1985, ch. C‑46, art. 132 et 136. Voir aussi le 14e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre et adopté le 18 novembre 2004 (Journaux, p. 232‑233), par. 15 et 16. Voir aussi le témoignage de représentants du Bureau du légiste et conseiller parlementaire devant le Comité permanent des comptes publics le 7 février 2007 (Témoignages, séance no 37). Le conseiller aux affaires juridiques a expliqué qu’il fallait que cinq critères soient respectés pour pouvoir porter des accusations de parjure : il y a eu une fausse déclaration; la déclaration a été faite sous serment ou sous affirmation solennelle; le témoignage a été produit devant une personne autorisée (c’est-à-dire, le comité et son président); le témoin savait que la déclaration était fausse; le témoin avait l’intention de tromper la personne ou l’organisme à qui il s’est adressé. Étant donné que ni le comité parlementaire ni le Parlement lui-même ne sont des organismes habilités à intenter des poursuites, l’affaire doit être soumise au procureur général de la province concernée, qui décidera s’il y a lieu d’intenter des poursuites. Jusqu’ici, aucun témoin n’a jamais été accusé de parjure pour avoir menti à un comité. Pour plus d’information, voir la section intitulée « Le droit de faire prêter serment aux témoins » du présent chapitre.

[165] Griffith et Ryle, 2e éd., p. 132. Voir, par exemple, Débats, 11 mars 2008, p. 3972‑3974. En 2008, la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique a été appelée à déterminer si Robert Thibault (Nova‑Ouest) avait manqué à ses obligations aux termes du Code régissant les conflits d’intérêts des députés en participant à l’étude menée par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique sur l’entente Mulroney Airbus à la lumière de la poursuite intentée contre lui par l’ancien premier ministre pour des propos diffamatoires tenus au cours d’une émission télévisée sur CTV. (En vertu du Code, les députés doivent divulguer les intérêts personnels qu’ils détiennent dans une question dont la Chambre ou un comité est saisi et ne peuvent participer à un débat ou à un vote sur cette question (voir art. 8, 12 et 13).) Dans son rapport à la Chambre, la commissaire aux conflits d’intérêts a conclu qu’une poursuite constituait un passif et, par conséquent, un intérêt personnel aux fins du Code. Elle a établi que M. Thibault avait donc enfreint les articles 8, 12 et 13 du Code, mais que ce manquement résultait d’une erreur de jugement commise de bonne foi (rapport de la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique intitulé « L’enquête Thibault », en date du 7 mai 2008 (Journaux, p. 783)). Par la suite, Derek Lee (Scarborough–Rouge River) a soulevé une question de privilège pour mettre en doute la validité d’une interprétation du Code ayant pour effet de limiter, à la Chambre et en comité, la liberté de parole et le droit de vote des députés. M. Lee contestait tout particulièrement l’opinion de la commissaire selon laquelle la qualité de partie défenderesse dans une action pour libelle diffamatoire équivalait à mettre en jeu des intérêts personnels (Débats, 26 mai 2008, p. 6006‑6010). Après avoir déclaré qu’il y avait de prime abord matière à question de privilège, le Président Milliken a rendu sa décision : « […] lorsque la simple introduction d’une action en libelle diffamatoire contre un député — sans égard à l’issue de la poursuite — empêche ce député de s’exprimer et de voter à la Chambre et en comité, il semble raisonnable de conclure que les privilèges de tous les députés sont immédiatement menacés » (Débats, 17 juin 2008, p. 7072‑7073). La Chambre a adopté une motion voulant que l’objet de la décision soit renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour examen (Journaux, 17 juin 2008, p. 1003, 1006). La 39e législature (2006‑2008) a été dissoute avant que le Comité puisse présenter un rapport à la Chambre sur cette question. (Le 5 juin 2008 (Journaux, p. 918‑921), la Chambre a modifié le paragraphe 3(3) du Code régissant les conflits d’intérêts de façon à préciser que ne sont pas considérés comme les intérêts personnels d’un député ceux « qui ont trait au fait d’être partie à une action en justice relative à des actes posés par le député dans l’exercice de ses fonctions » (al. 3b.1).) Pour plus d’information sur le Code régissant les conflits d’intérêts des députés, voir le chapitre 4, « La Chambre des communes et les députés ».

[166] Maingot, 2éd., p. 40, 42, 45‑48, 93‑97.

[167] C’était l’un des principaux points en litige dans la célèbre affaire Stockdale v. Hansard. Voir May, 23éd. p. 98-101, 184-187; Maingot, 2éd., p. 65‑78. Maingot (2e éd., p. 9) mentionne que les députés ne peuvent pas invoquer le privilège parlementaire pour le contenu d’un envoi collectif, car il ne s’agit pas d’une publication dont la Chambre a ordonné l’impression. Voir aussi la décision du Président Parent rendue le 16 novembre 1999 (Débats, p. 1287‑1288). Un député qui avait fait un envoi collectif contenant des propos critiques sur le Sénat s’est vu intenter une action civile par une sénatrice. Il faisait valoir que cette action en justice constituait une atteinte à son privilège de la liberté de parole. Le Président a statué que, comme l’information en question se trouvait dans un document qui ne faisait pas partie des délibérations du Parlement, il n’y avait pas eu atteinte aux privilèges du député.

[168] Maingot, 2éd., p. 84‑97.

[169] Pankiw, 2006 CF 1544, par. 92, 95 et 113. Voir aussi les sections intitulées « Le privilège contesté devant les tribunaux » et « Le droit de publier des documents » du présent chapitre.

[170] Débats, 5 mai 1987, p. 5765‑5766. Pendant les débats, la période des questions et les autres délibérations de la Chambre, les députés doivent suivre le Règlement et les usages de la Chambre en ce qui a trait au contenu des discours et des observations. Par exemple, l’article 18 du Règlement interdit de tenir des propos irrévérencieux ou offensants au cours des débats. Ne sont pas non plus permises les attaques personnelles, les insultes, les paroles grossières ou les observations qui mettent en doute l’intégrité, l’honnêteté ou la moralité d’un député. Dire qu’un député a délibérément induit la Chambre en erreur est une remarque non parlementaire. Comme l’a fait observer le Président Milliken en 2002 : « Si nous ne respectons pas la tradition d’accepter la parole d’un de nos collègues, ce qui est un principe fondamental de notre régime parlementaire, la liberté de parole — tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chambre — sera compromise » (Débats, 16 avril 2002, p. 10462). Par contre, si un député qui estime que sa réputation a été entachée par les propos d’un autre député soulève une question de privilège, le Président doit déterminer si les propos tenus « constituaient une attaque sérieuse au point d’empêcher l’honorable député […] d’exercer ses fonctions » (Débats, 28 mai 2008, p. 6171).

[171] Débats, 30 septembre 1994, p. 6371.

[172] Débats, 26 mai 1987, p. 6375. Voir aussi Débats, 7 juin 2005, p. 6738‑6739.

[173] Débats, 3 décembre 1991, p. 5679-5682, et en particulier p. 5681.

[174] Débats, 2 avril 2003, p. 5040.

[175] Pour un examen complet de la convention du sub judice, voir le chapitre 13, « Le maintien de l’ordre et le décorum ».

[176] Premier rapport du Comité spécial sur les droits et immunités des députés, présenté à la Chambre le 29 avril 1977 (Journaux, p. 720-729), et Procès‑verbaux et témoignages, 4 avril 1977, fascicule n1, annexe « C », « La convention relative aux affaires en instance (Sub Judice) à la Chambre des communes du Canada », p. 1A : 11‑12. Voir aussi Laundy, P., « The Sub Judice Convention in the Canadian House of Commons », The Parliamentarian, vol. 57, n3, juillet 1976, p. 211‑214.

[177] Cette pratique a été codifiée dans d’autres législatures, soit par voie de règlement parlementaire (Alberta, Ontario, Québec, Inde (Lok Sabha), Nouvelle‑Zélande), soit par voie de résolution (Chambre des communes du Royaume‑Uni). Voir aussi May, 23éd., p. 387, 436-438.

[178] Voir les propos du Président Parent dans les Débats, 6 avril 1995, p. 11618‑11619.

[179] Journaux, 29 avril 1977, p. 720‑729.

[180] Voir, par exemple, la décision du Président Milliken rendue le 20 avril 2005 (Débats, p. 5334‑5335). Le Président Milliken avait été prié d’appliquer la convention du sub judice à des propos concernant une enquête au cours de laquelle aucune accusation n’avait encore été portée. Faute de lignes directrices claires, le Président s’est abstenu d’appliquer la convention.

[181] Art. 10 et 11 du Règlement. Pour plus d’information, voir le chapitre 7, « Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre », le chapitre 12, « Les étapes du débat », et le chapitre 13, « Le maintien de l’ordre et le décorum ».

[182] Journaux, 12 avril 1892, p. 234‑235. Pour plus d’information, voir la section intitulée « L’expulsion » du présent chapitre.

[183] Journaux, 14 décembre 1978, p. 254.

[184] L’avocat faisait valoir que le privilège de la liberté de parole ne s’appliquait pas aux personnes qui témoignent devant un comité parlementaire, qu’il s’appliquait seulement aux parlementaires en les protégeant contre des poursuites civiles ou criminelles basées sur des déclarations faites pendant les débats.

[185] Troisième rapport du Comité permanent des comptes publics, présenté à la Chambre le 5 novembre 2004 (Journaux, p. 202) et adopté le 15 novembre 2004 (Journaux, p. 212‑214).

[186] Journaux, 18 novembre 2004, p. 232‑233.

[187] Le 14e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le 18 novembre 2004 (Journaux, p. 232‑233), par. 14. Après avoir appris que la Chambre ne renoncerait pas à son privilège, le commissaire Gomery a statué que les témoignages des personnes qui comparaissent devant un comité parlementaire ne pourraient pas être utilisés pour miner leur crédibilité devant la commission d’enquête : « Il importe à mon avis que la Commission ne donne pas l’impression qu’elle empiète d’une manière quelconque sur les privilèges et immunités du Parlement du Canada et qu’elle respecte les promesses et engagements de ce dernier » (Gomery, vol. 1, p. 654). Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale (Gagliano, 2006 CF 720).

[188] Le 20e rapport du Comité permanent des comptes publics, présenté à la Chambre le 15 juin 2007 (Journaux, p. 1543), recommandations nos 1 et 2.

[189] Journaux, 15 juin 2007, p. 1543.

[190] May, 23e éd., p. 77; House of Representatives Practice, 5e éd., p. 718-719; McGee, 3e éd., p. 612‑613. Voir aussi Joint Committee on Parliamentary Privilege (Royaume-Uni), Report, 30 mars 1999, ch. 2.

[191] May, 23e éd., p. 119-127; Bourinot, 4e éd., p. 42-47; Maingot, 2e éd., p. 157-165. Pour connaître les origines et l’historique de l’immunité d’arrestation au Royaume‑Uni et au Canada, voir May, 1re éd., p. 86‑87, et Maingot, 2éd., p. 158‑162.

[192] Maingot, 2e éd., p. 245.

[193] Maingot, 2e éd., p. 162. Si la police arrête un député à l’extérieur de la Chambre pour une infraction criminelle, la Chambre des communes n’est pas habilitée à intervenir. Le 16 février 1965, G.J. McIlraith (président du Conseil privé) a soulevé une question de privilège à propos des effets, sur les privilèges de la Chambre, de l’arrestation de Gilles Grégoire (Lapointe) par la GRC à l’extérieur de l’enceinte parlementaire en vertu de deux mandats pour infractions au code de la route. Le Président a jugé la question fondée de prime abord, et celle-ci a par la suite été renvoyée au Comité permanent des privilèges et des élections. Le 19 mars 1965, le Comité a présenté son quatrième rapport, dans lequel il a conclu qu’il n’y avait pas eu, dans le cas de ce député, atteinte à son privilège de l’immunité d’arrestation et que l’action de la GRC ne constituait pas une atteinte aux privilèges parlementaires (Journaux, 16 février 1965, p. 1035‑1036; 19 mars 1965, p. 1141‑1142).

[194] Passage tiré du Report from the Select Committee on Parliamentary Privilege (Royaume‑Uni), 1er décembre 1967, p. 1.

[195] Report from the Select Committee on Parliamentary Privilege (Royaume-Uni), 1er décembre 1967, p. xvi, par. 47.

[196] Maingot, 2e éd., p. 162. Au Canada, l’administration de la justice relève des autorités provinciales. Il incombe donc au procureur de la Couronne du district judiciaire où une infraction au Code criminel a été commise d’engager des poursuites contre l’auteur présumé de l’infraction (Maingot, 2e éd., p. 178).

[197] Maingot, 2éd., p. 164‑165. Dans Bourinot, 4éd., p. 44, il est mentionné qu’alors que la Chambre n’interviendra normalement pas si un député est accusé d’outrage, elle se réserve le droit d’enquêter sur la nature de l’infraction et de protéger le député au besoin.

[198] Maingot, 2éd., p. 165.

[199] Bourinot, 4e éd., p. 46‑47. Bourinot fait également observer que, dans les usages britanniques, le défaut d’informer la présidence n’a pas été considéré comme une atteinte aux privilèges (p. 47).

[200] Maingot, 2éd., p. 161. Si la période qui s’étend entre la dissolution (ou la prorogation) et le début de la session suivante dépasse 80 jours, il y a un intervalle de temps au cours duquel les députés ne jouissent pas de cette immunité.

[201] Maingot, 2e éd., p. 167-168.

[202] Maingot, 2éd., p. 166. Au Royaume-Uni, le Criminal Justice Act, 2003 a abrogé les dispositions du Juries Act, 1974, qui dispensait les parlementaires et les fonctionnaires du Parlement d’agir comme jurés (May, 23e éd., p. 125).

[203] La sélection des jurés relève des provinces. Alors que la Chambre des communes revendique comme un droit l’exemption du devoir de juré, les lois provinciales sur les jurys désignent généralement les parlementaires comme faisant partie de l’une des catégories de personnes exemptées du devoir de juré. Aux termes de certaines lois provinciales, le personnel au service des députés de l’Assemblée législative et les fonctionnaires de l’Assemblée peuvent en être également exemptés. Voir, par exemple, Loi sur les jurés, L.N.‑B. 1980, ch. J‑3.1, art. 3 (Nouveau‑Brunswick); Loi sur les jurés, L.R.Q., ch. J‑2, art. 5 (Québec); Loi de 1998 sur le jury, S.S. 1998, ch. J‑4.2, art. 6 (Saskatchewan).

[204] Maingot, 2éd., p. 166‑167.

[205] May, 23éd., p. 125; Bourinot, 4éd., p. 45‑46; Maingot, 2éd., p. 165‑166. Pour une discussion sur le sujet, voir Débats, 25 novembre 1998, p. 10453‑10462.

[206] Maingot, 2éd., p. 165.

[207] Maingot, 2éd., p. 165‑166.

[208] Maingot, 2éd., p. 166. Maingot fait également remarquer que la Chambre n’a pas à être saisie de la question, mais que l’avocat qui a autorisé la signification de la citation à comparaître doit normalement être prévenu par le député ou par le conseiller parlementaire de la Chambre de la revendication de ce privilège comme d’un droit. Au Royaume‑Uni, dans certains cas où cette question avait été soulevée par un député, le Président britannique a communiqué avec le tribunal pour attirer son attention sur l’existence de ce privilège et lui demander de bien vouloir excuser le député (May, 23e éd., p. 125).

[209] May, 23éd., p. 125.

[210] Débats, 19 mai 1989, p. 1952‑1953. Voir aussi Kilgour, D. et Bowdich, J., « A serious question of immunity », The Parliamentarian, vol. LXX, n4, octobre 1989, p. 233‑235.

[211] Maingot, 2e éd., p. 161.

[212] Débats, 19 mai 1989, p. 1953.

[213] Ainsworth Lumber Co. v. Canada (A.G.) and Paul Martin, 2003 BCCA 239.

[214] Gillet c. Arthur, 2006 QCCS 3953; Arthur c. Gillet, 2007 QCCA 470.

[215] Telezone Inc. v. Canada (Attorney General), (2004), 69 O.R. (3d) 161.

[216] Une personne qui voulait proposer sa candidature pour représenter un parti politique à une élection a intenté une action contre le chef de son parti, un député, au sujet de sa désignation. Il a voulu soumettre le député à un interrogatoire avant le procès. Voir Riddell v. Right Point et al., [2007] O.J. 3943 (Quicklaw) (Ontario Superior Court Master).

[217] Maingot, 2éd., p. 166‑167.

[218] Maingot, 2e éd., p. 241.

[219] Voir le chapitre 4, « La Chambre des communes et les députés ». Pour plus d’information sur la question du trafic d’influence et de l’acceptation de pots‑de‑vin par des députés, voir Maingot, 2éd., p. 62‑63, 261‑262.

[220] Maingot, 2éd., p. 15. Voir aussi May, 23éd., p. 143-154.

[221] Le 19 septembre 1973, Otto Jelinek (High Park–Humber Valley) a soulevé une question de privilège, alléguant qu’un employé du réseau anglais de Radio‑Canada, dans des conversations téléphoniques qu’il avait eues avec lui, l’avait averti de cesser de poser des questions à la Chambre durant la période des questions à propos de la couverture télévisée des Jeux olympiques, sinon on présumerait que le député avait une entente contractuelle avec le réseau CTV, ce qui le plaçait en conflit d’intérêts. M. Jelinek soutenait que ces appels constituaient une tentative d’intimidation à son endroit. Comme le député ne connaissait pas le nom de l’auteur de ces appels, il était clair qu’aucune accusation ne pouvait être portée et qu’il ne pouvait par conséquent pas s’agir de prime abord d’une question de privilège (Débats, 19 septembre 1973, p. 6709).

[222] Débats, 1er mai 1986, p. 12847. Le 29 avril 1986, Sheila Copps (Hamilton-Est) a soulevé une question de privilège en alléguant qu’on avait porté atteinte à ses privilèges du fait que le bureau du vice‑premier ministre (Erik Nielsen) avait indûment surveillé les communications entre des députés et le sous‑registraire général adjoint avec l’intention de s’ingérer dans l’exercice de leurs fonctions et de tenter de les intimider. Ces communications avec le sous‑registraire général adjoint consistaient surtout en des demandes d’information de certains députés à propos de l’observation des lignes directrices sur les conflits d’intérêts (Débats, 29 avril 1986, p. 12756; 30 avril 1986, p. 12791). Dans sa décision, le Président a exprimé l’avis que le fait que le vice‑premier ministre ait demandé si des députés avaient été en communication avec le sous‑registraire général adjoint ne semblait pas constituer une interception de ces communications.

[223] Dans une question de privilège soulevée le 14 mai 1986 au sujet de l’enquête prévue sur un présumé conflit d’intérêts mettant en cause un ancien ministre, Herb Gray (Windsor-Ouest) a accusé le vice-premier ministre, Erik Nielsen, de tenter, par ses remarques, d’intimider les députés dans l’exercice de leurs fonctions (Débats, p. 13270‑13273). La présidence ne pouvait considérer l’expression d’une intention comme une atteinte aux privilèges, à moins que l’intention exprimée ne constitue une menace en elle-même. Aucun député n’avait, explicitement ou implicitement, été menacé de devoir rendre compte de ses déclarations faites à la Chambre (Débats, 16 mai 1986, p. 13361-13362).

[224] Débats, 16 novembre 1999, p. 1288.

[225] Pour des exemples de décisions sur des cas présumés d’obstruction ou de menace, qui se sont toutefois avérés ne pas s’être produits pendant les délibérations du Parlement, voir Débats, 15 mai 1978, p. 5411; 2 novembre 1978, p. 730; 12 février 2003, p. 3470‑3471; 8 juin 2005, p. 6826‑6828. Dans l’exemple de 2003, Jim Pankiw (Saskatoon–Humboldt) a fait valoir qu’un haut fonctionnaire l’avait empêché de mener un sondage sur une question digne d’intérêt en avertissant les fonctionnaires de ne pas répondre à un courriel envoyé par le député dans différents ministères. Dans sa décision, le Président Milliken a indiqué qu’il ne faut pas confondre un sondage réalisé par un député de sa propre initiative avec un sondage de la Chambre ou d’un comité et que, par conséquent, le sondage ne s’inscrivait pas dans les délibérations du Parlement et n’était pas protégé par le privilège.

[226] Débats, 2 novembre 1978, p. 729‑731. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a affirmé ce qui suit dans un rapport publié en 2005 : « La barre servant à déterminer s’il y a atteinte au privilège est nécessairement haute et, dans le cas d’un député, il doit y avoir un lien étroit avec ses activités parlementaires » (44e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le 22 juin 2005 (Journaux, p. 958)).

[227] Maingot signale qu’une agression commise à l’endroit d’un député en dehors de l’enceinte parlementaire et qui est sans rapport avec ses fonctions parlementaires ne constitue pas un outrage. La même agression commise à l’intérieur de l’enceinte pourrait toutefois faire outrage à la Chambre même si elle est sans rapport avec les délibérations du Parlement (2e éd., p. 172, 267-268).

[228] Durant une manifestation sur la colline du Parlement, à laquelle participaient des chauffeurs de taxi pour protester contre la taxe sur les produits et services, plusieurs députés sont montés à bord de taxis et ont demandé d’être conduits à la porte principale de l’édifice du Centre. Leur passage a toutefois été bloqué par un barrage de voitures de la GRC. Certains députés ont poursuivi leur chemin à pied, tandis que d’autres ont attendu que le barrage soit levé pour accéder à l’édifice du Centre en taxi. En soulevant une question de privilège, Herb Gray (Windsor‑Ouest) a soutenu que le geste posé par la GRC portait atteinte aux privilèges des députés puisqu’il les empêchait de se rendre à la Chambre des communes. Le Président en a conclu sur‑le‑champ qu’il y avait de prime abord matière à question de privilège, et la question a été renvoyée au Comité permanent des élections, des privilèges, de la procédure et des affaires émanant des députés. Le Comité n’a toutefois jamais fait rapport sur cette question (Journaux, 30 octobre 1989, p. 773, Débats, p. 5298‑5302).

[229] Journaux, 17 février 1999, p. 1517, Débats, p. 12011‑12012.

[230] Débats, 17 février 1999, p. 12009‑12012; 18 février 1999, p. 12134; Journaux, 18 février 1999, p. 1525. Dans son 66e rapport, présenté à la Chambre le 14 avril 1999 (Journaux, p. 1714), le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a conclu qu’il n’y avait eu aucune intention délibérée de porter atteinte au privilège parlementaire, que « s’il y a eu outrage au Parlement, il était de caractère purement technique et non intentionnel » et qu’aucune sanction n’était nécessaire (par. 23). Le rapport n’a fait l’objet d’aucun suivi.

[231] Débats, 1er décembre 2004, p. 2134‑2137. Le Comité a conclu qu’il y avait eu atteinte aux privilèges des députés et a recommandé que le sergent d’armes et la GRC remettent à la Chambre des rapports écrits sur les mesures à prendre pour éviter que la situation se reproduise. Voir le 21e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le 31 janvier 2005 (Journaux, p. 366) et adopté le 17 mai 2005 (Journaux, p. 764‑765).

[232] Voir, par exemple, Débats, 24 mars 1994, p. 2705‑2706; 30 octobre 2007, p. 578‑579; 4 février 2008, p. 2539‑2540.

[233] Débats, 5 mai 1987, p. 5766. Otto Jelinek (ministre d’État (Condition physique et Sport amateur)) a soulevé une question de privilège à la suite de questions orales qui avaient été posées à la Chambre au sujet d’une présumée situation de conflit d’intérêts dans laquelle il aurait été impliqué. Le Président Fraser a statué que ces allégations n’avaient pas diminué sa capacité d’exercer ses fonctions de ministre et de député (Débats, 14 avril 1987, p. 5124‑5134; 5 mai 1987, p. 5765‑5766).

[234] Journaux, 18 avril 2005, p. 642, 645, Débats, p. 5214‑5215. La question a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui a conclu que l’envoi postal avait porté atteinte aux privilèges du député, quoique par inadvertance (38e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre le 11 mai 2005 (Journaux, p. 738)). Le Comité a recommandé que le Président diffuse un communiqué dans les collectivités concernées pour s’excuser de l’erreur et donner l’assurance que la situation ne se reproduirait pas. Le rapport n’a pas été adopté.

[235] Débats, 3 novembre 2005, p. 9489‑9490. La Chambre a rejeté la motion visant à renvoyer l’affaire à un comité (Journaux, 15 novembre 2005, p. 1273‑1274).

[236] Débats, 6 octobre 2005, p. 8473‑8474, et en particulier p. 8474. La question a été renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Dans son rapport à la Chambre, le Comité a déclaré : « Les députés sont des personnages publics, dont la réputation et l’intégrité comptent parmi les plus précieux atouts. Nous sommes tous au courant du cynisme public au sujet de notre système politique. Lorsque le Code régissant les conflits d’intérêts des députés a été élaboré, on a exprimé de grandes préoccupations au sujet de la possibilité que soient faites des allégations non fondées, susceptibles d’entacher irrémédiablement la réputation des députés. C’est pour cette raison que des mesures de protection ont été prévues dans le Code. C’est pour cette raison également que les enquêtes doivent se dérouler à huis clos » (51e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté le 18 novembre 2005 (Journaux, p. 1289‑1290), par. 34). Le Comité a conclu que le commissaire à l’éthique avait commis un outrage à la Chambre mais il n’a recommandé aucune sanction, parce que le non‑respect n’était ni délibéré ni intentionnel.

[237] Débats, 6 mai 1985, p. 4439. Le 25 avril 1985, Andrew Witer (Parkdale–High Park) a soulevé une question de privilège à propos d’une publicité parue dans un journal ukrainien de Toronto. Dans l’annonce en question, le nom de Jesse Flis, son prédécesseur comme député de cette circonscription, ainsi que l’adresse et le numéro de téléphone de l’ancien bureau de M. Flis figuraient comme étant ceux du député de Parkdale–High Park (Débats, p. 4111-4113). Dans sa décision, le Président a indiqué que, d’après les témoignages dont il avait pris connaissance, il considérait qu’il y avait à première vue matière à question de privilège. La question a été renvoyée au Comité permanent des privilèges et des élections (Journaux, 6 mai 1985, p. 570). Dans son rapport, qu’il a présenté le 30 mai 1985, le Comité disait avoir pu constater que l’annonce avait été publiée par erreur et qu’aucune des parties en cause n’avait jamais eu l’intention de présenter à tort M. Flis comme étant le député en poste. Le Comité a jugé inutile de pousser l’affaire plus loin (Journaux, 30 mai 1985, p. 676‑677).

[238] Débats, 22 novembre 2004, p. 1657‑1658; 23 novembre 2004, p. 1733‑1734. Serge Marcil, ancien député de Beauharnois–Salaberry, était désigné dans le livret comme le député en poste même s’il avait été défait aux élections générales de 2004. Le Comité a conclu que la publicité avait été intégrée au livret à l’époque où M. Marcil était encore député, que sa parution résultait d’une « erreur involontaire » et qu’il n’y avait pas d’atteinte aux privilèges de la Chambre (28e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre et adopté le 23 février 2005 (Journaux, p. 471‑472)).

[239] Débats, 20 février 1984, p. 1560. Le 6 février 1984, Albert Cooper (Peace River) a soulevé une question de privilège à propos d’une conversation téléphonique entre un membre de son personnel et une fonctionnaire du bureau du président de la Société canadienne des postes. M. Cooper, qui était alors porte‑parole de l’opposition sur les questions relatives aux postes, estimait que cette fonctionnaire avait eu une conduite abusive. Elle s’était plainte du fait que le bureau de M. Cooper ne soumettait pas à l’avance au bureau du président des Postes les questions que M. Cooper voulait poser à la Chambre et avait averti l’employé du député qu’à l’avenir si on ne se conformait pas à cette procédure, M. Cooper ne devrait pas s’étonner de ne pas pouvoir trop compter sur la collaboration de Postes Canada. M. Cooper soutenait qu’il s’agissait là d’une tentative visant à le gêner dans l’exercice de sa liberté de parole, à influer sur ses interventions à la Chambre et à l’empêcher de jouer normalement son rôle de porte‑parole de l’Opposition officielle. Le 9 février 1984, le ministre du Travail (André Ouellet), qui était également responsable de Postes Canada, déclarait à la Chambre qu’il avait demandé des comptes à ce sujet à la fonctionnaire des Postes et qu’elle avait nié avoir fait de telles menaces. Le ministre a contesté par ailleurs la validité de la question de privilège de M. Cooper puisque celle‑ci reposait sur une conversation entre son adjoint et la fonctionnaire de Postes Canada et qu’elle ne concernait pas directement le député. Le 20 février 1984, le Président a jugé qu’à première vue il y avait là matière à question de privilège. La motion demandant le renvoi de la question au Comité permanent des privilèges et des élections a été rejetée à l’issue d’un vote par appel nominal. Voir Débats, 6 février 1984, p. 1101‑1106; 9 février 1984, p. 1234‑1235; 14 février 1984, p. 1382‑1384; Journaux, 20 février 1984, p. 188-189, Débats, p. 1559‑1561.

[240] Journaux, 4 décembre 1992, p. 2284. Don Boudria (Glengarry–Prescott–Russell) a soutenu que les témoins qui comparaissent devant un comité jouissent des mêmes privilèges que les députés et bénéficient de la protection temporaire de la Chambre. Le député estimait que si on permettait sans mot dire que de telles menaces soient proférées, il en résulterait que les témoins ne pourraient plus s’exprimer en toute liberté devant un comité sans craindre d’être poursuivis ou intimidés (Débats, 4 décembre 1992, p. 14629‑14631).

[241] Le 65e rapport du Comité permanent de la gestion de la Chambre, présenté à la Chambre le 18 février 1993 (Journaux, p. 2528), et Procès‑verbaux et témoignages, 18 février 1993, fascicule n46, p. 9. Le Comité n’a pu recueillir suffisamment de données probantes pour confirmer qu’il y avait eu intimidation et pour justifier une conclusion d’outrage. Le rapport a été adopté le 25 février 1993 (Journaux, p. 2568). Voir aussi Débats, 7 décembre 2006, p. 5813-5814; 10 mai 2007, p. 9288, où le Président Milliken a informé la Chambre qu’il n’étudierait une question de privilège soulevée relativement à l’intimidation d’un témoin qu’après que le Comité aurait présenté son rapport à la Chambre sur le sujet. Voir aussi la section intitulée « La liberté de parole » du présent chapitre.

[242] Le 3 novembre 1978, Allan Lawrence (Northumberland–Durham) a accusé un ex‑solliciteur général de l’avoir délibérément induit en erreur. En 1973, au nom d’un électeur qui avait le sentiment que son courrier avait été ouvert, M. Lawrence avait écrit au solliciteur général de l’époque, qui lui avait donné l’assurance que la GRC avait pour politique de ne jamais intercepter de courrier personnel. Pourtant, le 1er novembre 1978, dans un témoignage qu’il avait rendu devant la Commission McDonald (commission royale créée par le gouvernement fédéral en 1977 pour enquêter sur des allégations d’activités illégales de la part de la GRC et dirigée par le juge David McDonald de la Cour suprême de l’Alberta), l’ex‑commissaire de la GRC avait déclaré que la GRC interceptait certaines lettres, dans de très rares circonstances, et qu’on ne cachait pas cette pratique aux ministres. M. Lawrence a fait valoir que cette déclaration contredisait carrément l’information qui lui avait été transmise quelques années auparavant par le solliciteur général alors en poste (Débats, 3 novembre 1978, p. 777-792; 8 novembre 1978, p. 924; 9 novembre 1978, p. 964‑967). Le 6 décembre, le Président Jerome a abordé un certain nombre de points qui avaient été soulevés lors du dépôt de la question de privilège et a conclu que la question de privilège était fondée de prime abord. M. Lawrence a ensuite proposé une motion demandant que le Comité permanent des privilèges et des élections enquête sur la question et fasse rapport de ses conclusions. La motion a été rejetée à l’issue d’un vote par appel nominal (Journaux, 9 novembre 1978, p. 125‑129; 6 décembre 1978, p. 221‑224; 7 décembre 1978, p. 228‑229). Voir aussi la décision du Président Milliken rendue le 25 février 2004 (Débats, p. 1047), où il n’a pu statuer qu’il y avait à première vue atteinte aux privilèges concernant des déclarations trompeuses contenues dans le Rapport sur les plans et les priorités de 1999‑2000 du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le Président a indiqué qu’aucune preuve n’avait été présentée pour établir que les hauts fonctionnaires du ministère avaient l’intention délibérée de tromper les députés et de les entraver dans leurs fonctions. Il a toutefois précisé que, si le Comité permanent des comptes publics présentait de nouveaux éléments de preuve, il pourrait y avoir matière à question de privilège.

[243] Journaux, 21 mars 1978, p. 520. Le 22 février 1978, John Rodriguez (Nickel Belt) a soulevé une question de privilège pour affirmer qu’il croyait être la cible d’activités de surveillance (Débats, 22 février 1978, p. 3129). Le 1er mars, disant avoir constaté qu’il faisait maintenant l’objet d’une opération d’écoute électronique, M. Rodriguez a soulevé de nouveau la question et affirmé qu’à son avis, une telle activité violait le privilège parlementaire puisqu’elle mettait en doute le caractère privé des communications entre un député et ses électeurs (Débats, 1er mars 1978, p. 3348‑3349). Voir aussi Débats, 2 mars 1978, p. 3384‑3385; 8 mars 1978, p. 3571‑3576; 9 mars 1978, p. 3607‑3609; 16 mars 1978, p. 3831‑3832. Le 21 mars, après que le Président a conclu que de prime abord il semblait y avoir eu atteinte aux privilèges, M. Rodriguez a proposé une motion, qui a été rejetée à l’issue d’un vote par appel nominal (Journaux, 21 mars 1978, p. 520‑522, 525‑526).

[244] Voir aussi le chapitre 7, « Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre ».

[245] Débats, 22 décembre 1976, p. 2241.

[246] Le 16 mars 1993, Gilles Bernier (Beauce) a soulevé une question de privilège à propos de commentaires formulés par Benoît Tremblay (Rosemont) et rapportés dans un journal, commentaires qui semaient le doute sur l’intégrité et l’impartialité du vice‑président adjoint des comités pléniers, Charles DeBlois (Débats, 16 mars 1993, p. 17027). Le Président a jugé que de prime abord, il y avait là matière à question de privilège et la question a été renvoyée au Comité permanent de la gestion de la Chambre (Journaux, 23 mars 1993, p. 2688, Débats, p. 17403‑17405). Le 25 mars 1993, M. Tremblay a pris la parole à la Chambre pour retirer les commentaires offensants qu’il avait formulés (Débats, 25 mars 1993, p. 17537). Aucune autre action n’a été prise par la suite, et le Comité n’a pas fait rapport sur la question.

[247] Peter MacKay (Pictou–Antigonish–Guysborough) a présenté une motion demandant le renvoi de la question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Après avoir été débattue le jour même et le lendemain, la motion modifiée a été adoptée à l’issue d’un vote par appel nominal (Journaux, 9 mars 1998, p. 540, Débats, p. 4560‑4575; Journaux, 10 mars 1998, p. 548, 550‑552, Débats, p. 4592‑4598, 4666‑4668). Le 27 avril 1998, le Comité a présenté son 29rapport, que la Chambre a adopté le 5 mai 1998 (Journaux, 27 avril 1998, p. 706; 29 avril 1998, p. 722; 5 mai 1998, p. 744‑745). À la page 5 de son rapport, le Comité faisait observer que les députés en question ont maintenu catégoriquement qu’ils n’entendaient aucunement intimider ou menacer le Président, ni manquer de respect envers la Chambre ou la fonction de Président. Le Comité a établi que les déclarations attribuées aux députés « n’avaient pas pour objet de faire outrage à la Chambre des communes ou au Président ».

[248] Débats, 15 juillet 1980, p. 2914‑2915. Le 3 juillet 1980, Bill Domm (Peterborough) a soulevé une question de privilège pour protester contre le fait que non seulement le ministère du Secrétariat d’État avait reçu l’ordre de ne pas lui envoyer la liste des personnes de sa circonscription qui venaient d’obtenir la citoyenneté canadienne, mais que les fonctionnaires de ce ministère l’avaient en outre délibérément induit en erreur en lui fournissant des documents erronés (Débats, 3 juillet 1980, p. 2540‑2546; 14 juillet 1980, p. 2855‑2857). En statuant que de prime abord, il n’y avait pas là matière à question de privilège, la présidence a fait observer que les documents soumis par le député n’indiquaient pas clairement que le rapport était inexact. De plus, a‑t‑elle affirmé, même si ces relevés avaient été faux, falsifiés ou modifiés, ce qui n’était pas le cas, rien n’indiquait qu’on avait eu l’intention de tromper la Chambre.

[249] Débats, 15 mai 1985, p. 4769. Voir aussi Débats, 9 octobre 1997, p. 687‑689; 3 mai 2006, p. 844‑845.

[250] Débats, 8 juin 2005, p. 6826‑6828. Don Boudria (Glengarry–Prescott–Russell) a aussi allégué qu’une organisation extérieure avait enregistré le nom de domaine de certains députés sans autorisation, ce qui créait de la confusion quant au véritable propriétaire des sites Web (Débats, 31 mai 2005, p. 6415‑6518; 2 juin 2005, p. 6564‑6567). Dans sa décision, le Président Milliken a déclaré qu’il incombait aux députés d’enregistrer leur propre nom de domaine et que ces sites Web ne les avaient pas empêchés de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires. Voir aussi Débats, 29 mars 2007, p. 8134‑8135; 2 mai 2007, p. 8967‑8968.

[251] Le 26 octobre 1987, John Nunziata (York‑Sud–Weston) a soulevé une question de privilège à propos d’une présumée interception par le Service correctionnel du Canada d’une conversation téléphonique entre le bureau du député et un de ses électeurs détenu au pénitencier de Joyceville. M. Nunziata soutenait que le détenu avait été transféré au pénitencier à sécurité maximum de Millhaven et placé en isolement par suite de cet entretien. Le député prétendait que ce fait avait porté atteinte à ses privilèges de député, en ce qui a trait à sa capacité de s’entretenir « en toute liberté » avec ses électeurs, ainsi qu’à ses privilèges de porte‑parole de l’Opposition sur les questions touchant le solliciteur général, en ce sens qu’il devrait en cette qualité pouvoir entrer en contact avec les détenus et communiquer avec eux en toute confidentialité. Le député soutenait également que, même s’il ne s’était pas entretenu personnellement avec le détenu en question, ses privilèges de député devaient valoir pour toute personne qui était à son emploi (Débats, 26 octobre 1987, p. 10385‑10387; 27 octobre 1987, p. 10447‑10449). Le 17 novembre 1987, le Président, en rendant sa décision, a indiqué qu’il ne voyait pas comment il pourrait se permettre d’étendre le privilège parlementaire aux actes d’un membre du personnel d’un député. En réalité, a‑t‑il précisé, même si en l’espèce le député était intervenu lui‑même auprès du détenu, il ne pourrait considérer que la question de privilège était fondée de prime abord. En ce qui concerne la position du député en tant que porte‑parole de l’Opposition sur les questions relatives au solliciteur général, il a indiqué que ce rôle, même s’il peut comporter des responsabilités supplémentaires, ne procure à celui qui l’assume aucun privilège spécial en sus de ceux qui sont attribués à tout député (Débats, 17 novembre 1987, p. 10887‑10889).

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