La Chambre et ses députés / L’autorité de la présidence

Réunion spéciale de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN

Débats, p. 23304-23306.

Contexte

Le 31 octobre 2018, John Nater, député de Perth—Wellington, invoque le Règlement, plus particulièrement l’article 151, alléguant que l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN a tenu une réunion illégitime le 30 octobre 2018. M. Nater explique que, peu après l’ouverture de la réunion spéciale par la présidente de l’Association, Leona Alleslev, députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill, le Règlement a été invoqué concernant la validité de la réunion, compte tenu de la période de préavis pour les mises en candidature et les élections. Mme Alleslev a mis fin à la séance après avoir statué que la réunion n’avait pas été dûment constituée. M. Nater soutient que le fait que le vice-président Borys Wrzesnewskyj, député d’Etobicoke-Centre, a repris la séance quelques minutes plus tard, qu’il a présidé cette même réunion pendant l’adoption de la motion pour destituer la présidente et qu’il s’est désigné nouveau président constitue une action illégale qui contrevient aux statuts de l’Association ainsi qu’à ses règlements. Il ajoute que le site Web du Parlement a été mis à jour pour indiquer que M. Wrzesnewskyj était le nouveau président de l’Association. M. Nater conteste la validité de cette élection et il exhorte le Président à ordonner au greffier de la Chambre de changer cette information sur le site Web et à informer l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN que la délégation canadienne serait présidée par Mme Alleslev à la 64e session annuelle de l’Assemblée à Halifax[1]. De nombreux députés interviennent sur le sujet et mentionnent qu’ils n’ont pas eu l’occasion de voter puisqu’ils se sont dispersés lorsque la séance a été levée[2].

Le 5 novembre 2018, M. Wrzesnewskyj intervient sur ce rappel au Règlement pour dire que, selon lui, c’est une coutume et une convention ancienne que la présidence des associations parlementaires soit assumée par un député du parti au pouvoir et que, en plus, Mme Alleslev aurait dû démissionner de la présidence de l’Association lorsqu’elle a quitté le caucus libéral pour joindre le caucus conservateur[3].

Résolution

Le 6 novembre 2018, le Président rend sa décision. Le Président explique que les associations, contrairement aux comités, n’ont pas été créées par la Chambre. De plus, il soutient que le travail des associations parlementaires, qui est important à bien des égards, ne relève pas de la présidence et que la présidence est uniquement chargée d’appliquer et d’interpréter les règles et les pratiques de la Chambre en matière de délibérations parlementaires. Le Président suggère que la question devrait être résolue au cours d’une assemblée générale de l’Association ou d’une réunion de son comité exécutif. Si aucune solution n’est trouvée de cette façon, toute possibilité de recours relèvera alors de la compétence du Conseil interparlementaire mixte, lequel relève du Bureau de régie interne.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 31 octobre 2018 par l’honorable député de Perth—Wellington concernant la réunion de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN tenue le 30 octobre 2018.

Je remercie le député de Perth—Wellington d’avoir soulevé la question, ainsi que le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes et les députés de Chilliwack—Hope, Durham, Cape Breton—Canso, Kitchener—Conestoga, Langley—Aldergrove, Prince Albert, Calgary Nose Hill, Mégantic—L’Érable, Brandon—Souris, Etobicoke-Centre, Moose Jaw—Lake Centre—Lanigan, Kamloops—Thompson—Cariboo, Selkirk—Interlake—Eastman, Elmwood—Transcona et Nova-Ouest de leurs observations à ce sujet.

Dans son intervention, le député de Perth—Wellington a expliqué que lors de la réunion de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN tenue le 30 octobre, un rappel au Règlement a été soulevé concernant la validité de la réunion. Il a ajouté que la présidente de l’Association, soit la députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill, a tranché que la réunion n’avait pas été dûment constituée et elle a donc levé la séance. Le député de Perth—Wellington a soutenu qu’un des vice-présidents, à savoir le député d’Etobicoke-Centre, a convoqué de nouveau le groupe et a tenu une réunion illégitime au cours de laquelle une motion a été adoptée pour démettre la présidente de ses fonctions et élire le vice-président de séance en tant que nouveau président.

Comme le site Web de l’Association a été mis à jour en conséquence, le député de Perth—Wellington a demandé que, conformément à l’article 151 du Règlement, la présidence ordonne au Greffier de la Chambre d’invalider les modifications apportées au registre parlementaire dans le site Web de l’Association et d’aviser l’Assemblée parlementaire de l’OTAN que la députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill demeurera présidente de l’Association et dirigera la délégation du Canada à la session de 2018 qui se tiendra à Halifax du 16 au 19 novembre 2018.

Lorsqu’il a repris la parole à ce sujet le 5 novembre, il a expliqué de quelles façons, selon lui, les dispositions de la constitution de l’Association avaient été violées, en précisant notamment que les vice-présidents n’avaient pas le pouvoir de convoquer des réunions.

Dans sa réponse, le député d’Etobicoke-Centre a indiqué que, conformément aux coutumes et conventions parlementaires, de son avis, ce sont les députés du parti au pouvoir qui assument la présidence des associations. Il a donc fait valoir que la députée d’Aurora—Oak Ridges—Richmond Hill aurait dû démissionner de la présidence de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN lorsqu’elle a décidé de rejoindre les rangs de l’opposition. De plus, il a soutenu que la décision de la députée selon laquelle la réunion n’avait pas été dûment constituée allait à l’encontre des règles et des procédures et que, par conséquent, la reprise de la réunion, ainsi que les procédures suivies à ce moment, étaient légitimes.

Le député de Perth—Wellington me demande essentiellement d’exercer, en qualité de Président, un pouvoir afin de régler une affaire interne d’une association parlementaire. Pour répondre à cette demande, il importe de comprendre le rôle du Président et les contraintes qui s’y rattachent, ainsi que la relation des associations parlementaires par rapport à la Chambre.

D’entrée de jeu, je dirai que je suis très fier du rôle que joue le Parlement à titre de participant actif sur la scène internationale et de leader de la démocratie parlementaire. Il s’agit d’un travail remarquable que les parlementaires effectuent dans différents contextes, notamment dans le cas des associations parlementaires et des groupes interparlementaires.

Par ailleurs, le Président joue lui aussi un rôle dans la démocratie parlementaire. Comme le dit La procédure et les usages de la Chambre des communes, troisième édition, à la page 311 :

[...] il sert de représentant et de porte-parole de la Chambre dans ses rapports avec les autorités et les personnes de l’extérieur du Parlement.

Compte tenu de l’article 151 du Règlement, ce rôle distinct du Président donne-t-il au Président le pouvoir demandé? Cet article prévoit, et je cite :

Le Greffier de la Chambre est responsable de la garde de tous les documents et archives de la Chambre et a la direction et le contrôle du personnel des bureaux, sous réserve des instructions qu’il peut recevoir, à l’occasion, du Président ou de la Chambre.

Plus précisément, peut-on comprendre, en l’espèce, que la présidence dispose d’un pouvoir sur les questions concernant les associations parlementaires? Les associations, contrairement aux comités, n’ont pas été créées par la Chambre. En fait, le Règlement n’en fait mention qu’à l’article 34(1) où il exige que les associations fassent rapport de leurs activités à la Chambre à leur retour au Canada après un voyage à l’étranger.

Les comités parlementaires, quant à eux, sont créés par la Chambre et des pouvoirs leur sont conférés par le Règlement. Malgré cela, comme ils sont habituellement maîtres de leurs délibérations, le Président ne s’ingère pas normalement dans les travaux des comités à moins qu’un comité juge opportun de signaler une affaire à la Chambre. Il existe d’ailleurs un mécanisme bien précis à cet égard dans le Règlement de la Chambre. Le fait qu’il n’existe pas de disposition semblable pour les associations parlementaires est révélateur. Certains ont fait valoir qu’en sa qualité de président honoraire de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN, le Président de la Chambre se voit conférer un pouvoir à l’égard des associations parlementaires qui lui permet, et même l’oblige, à se prononcer sur la question qui nous occupe. Est-ce le cas?

Comme les députés le savent, le Président ne peut appliquer et interpréter les règles et les usages de la Chambre que pour les délibérations définies comme des délibérations parlementaires, c’est-à-dire celles qui sont réellement nécessaires au rôle des députés en tant que législateurs. Aux pages 235 et 236 de la 24e édition de l’ouvrage d’Erskine May, il est écrit :

Le mot « délibérations », dans le sens premier qu’on lui donne dans le langage parlementaire [...], désigne une activité officielle, généralement en vue de prendre une décision, accomplie par la Chambre dans l’exercice de sa compétence collective. [...] C’est généralement en s’exprimant verbalement qu’un député prend part à ces délibérations, mais également en posant divers actes officiellement reconnus, comme voter, donner avis d’une motion ou encore présenter une pétition ou un rapport de comité, la plupart de ces actes permettant de faire l’économie du temps de parole au cours des délibérations.

Le travail des associations parlementaires, malgré l’importance qu’il revêt à bien des égards, n’est pas couvert par cette définition des délibérations parlementaires; voilà qui impose entre les associations et la Chambre une relation distincte par l’entremise du Président.

Le Président Parent a signalé ce qui suit dans sa décision du 23 avril 1998, à la page 6035 des Débats :

La création de groupes interparlementaires canadiens relève de certains organes administratifs au sein de la Chambre des communes et du Sénat. [...] Les relations interparlementaires relèvent de la responsabilité du Parlement et il existe des processus décisionnels qui régissent leur administration.

Plus précisément, ces processus relèvent d’abord et avant tout du Conseil interparlementaire mixte (communément appelé le CIM), ainsi qu’au Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et au Bureau de régie interne de la Chambre des communes; ces deux derniers ont créé le CIM en 1995 et demeurent les organes desquels le CIM tient ses pouvoirs. Concrètement, le Conseil interparlementaire mixte reçoit son financement des deux Chambres, mais il est responsable de décider de l’ensemble des questions budgétaires et administratives concernant les associations parlementaires.

Les réunions et les activités des associations sont encadrées par des règles constitutives renfermant les statuts propres à chacune des associations; ces statuts précisent, entre autres, le mandat de l’association, sa composition et ses règles de procédure. Ni la Chambre ni la présidence qui en est le serviteur n’interviennent dans l’établissement de ces règles ou dans les décisions prises à leur égard, même si ces règles correspondent à des règles de la Chambre ou sont inspirées de celles-ci. Le fait que ce sont les membres des associations qui décident des règles et des usages qui régissent chaque association témoigne de l’indépendance des associations par rapport à la Chambre.

Il est clair pour la présidence que les questions contestées concernant la réunion de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN du 30 octobre devraient être réglées ailleurs qu’à la Chambre. Les membres de l’association pourraient dans un premier temps aborder ces questions dans le cadre d’une assemblée générale ou d’une réunion du comité exécutif, lesquelles peuvent être convoquées à la demande des membres. Si l’affaire ne peut être réglée de cette façon, les recours possibles sont clairement du ressort du Bureau de régie interne, et plus précisément du Conseil interparlementaire mixte qui relève du Bureau de régie interne.

Le Président Parent a rappelé aux députés le 23 avril 1998, dans la décision mentionnée plus tôt, qu’il conviendrait mieux que l’affaire soit traitée par un moyen différent. Il a déclaré ce qui suit à la page 6035 des Débats :

Mon rôle, cependant, me limite aux précédents qui existent et qui régissent l’application du privilège. Compte tenu des inquiétudes à l’égard de ces questions, je suggère que l’affaire soit traitée par un moyen différent, soit par le Bureau de régie interne. Celui-ci possède, en droit, l’autorité sur ces questions.

Il a été clairement établi, même à l’époque, que même si les relations interparlementaires relèvent de la responsabilité du Parlement, il existe des organes décisionnels qui régissent les associations, notamment le Conseil interparlementaire mixte et le Bureau de régie interne. Cela dit, il serait regrettable que cette impasse procédurale, peut-être même politique diraient certains, mine de quelque façon que ce soit la capacité des parlementaires de continuer, ensemble, de jouer un rôle important dans la promotion et la défense des intérêts de notre pays à l’étranger.

Post-scriptum

Le 5 décembre 2018, le Conseil interparlementaire mixte adopte une motion établissant la procédure à suivre pour l’examen de censure de la présidence d’une association survenant à une assemblée générale ainsi qu’un processus d’appel au Conseil advenant que les dispositions de la constitution de l’Association soient enfreintes lors de la procédure[4].

Note de la rédaction

Mme Alleslev, ancienne députée au sein du caucus libéral, a quitté son parti pour se joindre au caucus conservateur le 17 septembre 2018[5].

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[1] Débats, 31 octobre 2018, p. 23084-23085.

[2] Débats, 31 octobre 2018, p. 23086-23087.

[3] Débats, 5 novembre 2018, p. 23233-23235.

[4] Conseil interparlementaire mixte, Procès-verbal, le 5 décembre 2018, réunion nº 176.

[5] Débats, le 17 septembre 2018, p. 21383.