Le processus législatif / Étapes

Étude en comité : rapport à la Chambre; recevabilité des amendements

Débats, p. 22797–22798

Contexte

Le 23 octobre 2018, John Nater (Perth—Wellington) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité d’un amendement adopté par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dans le cadre de son examen du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs. L’amendement vise à modifier un article de la Loi électorale du Canada qui n’était pas visé par la version initiale du projet de loi. M. Nater affirme que l’amendement contrevient à la règle de la « loi existante », qui interdit qu’un amendement à un projet de loi modifie un article d’une loi existante qui n’est pas déjà modifié par le projet de loi. Le député ajoute que le fait que la modification soit corrélative à une autre modification, celle-là étant recevable, n’y change rien. Il demande que l’amendement soit déclaré irrecevable et retiré du projet de loi[1].

Résolution

Le 24 octobre 2018, le Président rend sa décision. Il souligne que la règle de la loi existante est fondée sur celle de la pertinence. La plupart du temps, modifier un article d’une loi existante qui n’est pas déjà modifié par le projet de loi équivaut à aborder une nouvelle question, non pertinente et donc non recevable. Toutefois, le Président explique qu’il peut arriver que de telles modifications soient pertinentes, comme lorsqu’elles sont corrélatives à des amendements par ailleurs recevables; lorsqu’un amendement a clairement rapport à l’objet du projet de loi, comme c’est le cas en l’espèce, il est recevable.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 23 octobre 2018 par l’honorable député de Perth—Wellington au sujet du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs.

L’honorable député s’oppose à un amendement adopté par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, parfois appelé le « PROC » dans cette enceinte, au motif qu’il modifie un article de la loi existante qui n’a pas été modifié par le projet de loi. Il soutient que le Comité a outrepassé le mandat qui lui a été donné par la Chambre et il exhorte la présidence de radier l’amendement en question du projet de loi. Il fait valoir également que des présidents l’ont fait par le passé lorsque des amendements irrecevables avaient été adoptés par un comité.

Je remercie le député d’avoir soulevé cette question, car cela me donne l’occasion d’apporter des précisions sur la règle de la loi existante.

Comme l’a sans doute remarqué le député, le passage qu’il a cité concernant cette règle, tiré de la page 771 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, figure dans un paragraphe portant sur la pertinence.

La règle de la loi existante, c’est-à-dire l’idée selon laquelle un amendement ne devrait pas modifier une loi ou un article s’il n’est pas déjà modifié par un article du projet de loi, est fondée sur la prémisse qu’un tel amendement ne serait pas pertinent dans le cadre du projet de loi. C’est essentiellement vrai. Souvent, de tels amendements abordent des questions qui ne sont pas mentionnées dans le projet de loi, ce qui n’est pas admissible.

Toutefois, il arrive également qu’un amendement soit pertinent, c’est-à-dire qu’il a rapport à l’objet du projet de loi et qu’il respecte sa portée, mais qu’il peut seulement être réalisé par la modification d’une disposition de la loi existante ou d’une loi complètement différente qui n’étaient pas initialement modifiées par le projet de loi. C’est particulièrement vrai dans le cas d’amendements corrélatifs à d’autres décisions prises par un comité ou par la Chambre.

En l’espèce, l’amendement adopté par le Comité prévoit l’adjonction du nouvel article 510.001 dans la Loi électorale du Canada. Cet article habiliterait le commissaire aux élections fédérales à demander et à obtenir certains documents financiers auprès de partis politiques. Le député n’a pas laissé entendre que cet amendement était irrecevable. Il s’oppose toutefois à un amendement visant à modifier l’article 498 de la Loi qui prévoit que le refus de se conformer à la demande du commissaire constitue une infraction. L’article 498, qui ne faisait pas partie initialement du projet de loi, prévoit les infractions liées à la partie 19 de la Loi où se trouverait le nouvel article 510.001.

Je vois difficilement comment cette disposition pourrait être jugée non pertinente. Si j’acceptais l’argument du député, nous nous retrouverions devant une situation inhabituelle où un amendement qui crée une nouvelle obligation serait recevable alors qu’un amendement qui prévoit les conséquences du manquement à cette obligation ne le serait pas.

La règle de la loi existante n’est pas censée être appliquée aveuglément sans aucun autre examen lorsqu’il est question de déterminer la pertinence d’un amendement. Les amendements qui ont été élaborés conséquemment à d’autres amendements recevables devraient évidemment être jugés pertinents, même s’ils modifient l’article d’une loi existante qui n’est pas mentionné ailleurs dans le projet de loi.

Le député a relevé que nos ouvrages de procédure ne font état d’aucune exception, ce qui l’a amené à conclure qu’il n’y en avait pas. Il sait toutefois pertinemment que les usages et les précédents sont exécutoires. Comme il est indiqué à la page 274 de La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Là où il n’existe pas de règles ou d’ordres explicites, la Chambre se tourne vers sa propre jurisprudence, telle qu’interprétée par le Président, lequel examine dans les Journaux et Débats les décisions d’anciens Présidents ou les précédents et usages qui peuvent s’appliquer en l’occurrence.

Il existe de nombreux exemples d’amendements de ce type qui ont été acceptés par le passé. En 2003, le projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), contenait un seul article qui modifiait l’article 318 du Code criminel afin de modifier la définition de « groupe identifiable ». Au début du débat à l’étape du rapport, le 6 juin 2003, la présidence a accepté les modifications modifiant les articles 319 et 320 du Code criminel qui portaient également sur la propagande haineuse.

Le 5 mai 2014, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a présenté son rapport sur le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence. Ce rapport contenait un amendement à l’article 345 de la Loi qui ne figurait pas initialement dans le projet de loi, mais qui visait à préciser ce qui n’était pas considéré comme une dépense électorale au sens de l’article 376, qui était modifié par le projet de loi.

L’année passée, dans un rapport déposé le 5 octobre 2017, le comité de la santé a amendé le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, en modifiant l’article 7 de la Loi sur la santé des non-fumeurs qui n’était pas initialement modifié par le projet de loi. Ce changement découlait d’un amendement antérieur à la définition de « lieu de travail » de cette même loi.

Il s’agit là que de quelques exemples de cas où une dérogation à la règle de la loi existante était justifiée vu que les amendements avaient clairement rapport à l’objet du projet de loi. Étant donné que l’amendement en question est de nature similaire, je ne vois pas de problème à conclure qu’il est recevable.

Je remercie tous les députés de leur attention.

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[1] Débats, 23 octobre 2018, p. 22712.