La procédure financière / Les crédits

Budget principal des dépenses : poste législatif; crédits sans autorisation législative; légiférer au moyen du budget des dépenses

Débats, p. 2208-2209

Contexte

Le 24 novembre 1997, John Williams (St. Albert) invoque le Règlement au sujet du Budget principal des dépenses déposé à la Chambre le mercredi 1er octobre l997[1]. M. Williams soutient que cinq des postes qui s’y trouvent visent à contourner le processus législatif parce que certains projets de loi qui se rapportent à ces postes n’ont pas encore été adoptés par la Chambre ou ont expiré au Feuilleton à la dissolution de la 35e législature. Par ailleurs, ajoute-t-il, trois autres postes ne reposent sur aucune autorisation législative. Il estime que cela constitue un outrage à la Chambre et demande que la présidence déclare ces postes irrecevables. Le Président entend d’autres interventions et déclare qu’il examinera les renseignements fournis et les avis exprimés des deux côtés et qu’il fera part de sa décision à la Chambre dans les meilleurs délais[2]. Le 25 novembre 1997, l’honorable Marcel Massé (Président du Conseil du Trésor) invoque le Règlement afin de donner à la Chambre des renseignements supplémentaires au sujet du premier rappel au Règlement. Après d’autres interventions, le Président annonce qu’il entend rendre sa décision le jour même, avant le vote sur les postes contestés[3].

Résolution

Le 25 novembre 1997, avant la prise des votes par appel nominal sur le Budget principal des dépenses, le Président rend sa décision. Il déclare que les cinq crédits sont recevables, car ils ne visent pas à modifier des lois existantes ni à obtenir des pouvoirs qu’il conviendrait de demander dans un projet de loi.

Décision de la présidence

Le Président : Chers collègues, je suis maintenant prêt à me prononcer sur un rappel au Règlement que le député de St. Albert a soulevé le lundi 24 novembre 1997. Le député a invoqué le Règlement à propos des postes suivants du budget des dépenses: crédit 1, politiques et programmes agricoles, sous la rubrique Agriculture; crédit 15, Section du statut de réfugié au sens de la Convention, sous la rubrique Immigration; crédit 1, santé, environnement et sécurité face aux dangers de l’environnement, sous la rubrique Environnement; crédit 5, terres et services de fiduciaire, sous la rubrique Affaires indiennes; crédit 1, politiques, programmes et cessions, sous la rubrique Transports; crédit 35, Tribunal du commerce international, sous la rubrique Commerce; crédit 15, approvisionnements et services, sous la rubrique Travaux publics; et crédit 40, Bureau d’information du Canada, sous la rubrique Patrimoine.

Avec l’appui du député de Langley—Abbotsford (Randy White, leader parlementaire de l’Opposition officielle), le député a dit que les cinq premiers crédits visaient à contourner le processus législatif parce que certains projets de loi qui s’y rapportent n’ont pas encore été adoptés par la Chambre ou sont restés en plan au Feuilleton à la fin de la 35e législature. Quant aux trois autres, il a soutenu qu’ils ne reposaient sur aucune autorisation législative.

Ce matin, le président du Conseil du Trésor a présenté à la Chambre son explication des huit crédits incriminés.

Avant d’entrer dans les détails de mon étude de la question, je me permets de dire au député, comme l’on dit plusieurs de mes prédécesseurs, que les rappels au Règlement portant sur le budget des dépenses sont d’habitude très graves et presque toujours très complexes. En ne soulevant ces questions qu’à la veille de la décision finale de la Chambre, on place la présidence dans une position pour le moins inconfortable si elle veut examiner de manière intelligente ces problèmes de procédure. En l’absence de procédure appropriée pour contester des crédits particuliers à la Chambre, les députés devraient soulever ces questions dès qu’ils prennent conscience des difficultés.

Dans son argumentation, le député de St. Albert s’est très souvent reporté aux décisions rendues par les Présidents Lamoureux, Jerome et Sauvé. Au cours des dernières heures, je me suis rafraîchi la mémoire et j’ai passé en revue ces décisions et plus particulièrement celle que le Président Jerome a rendue le 22 mars 1977[4] et celle que le Président Sauvé a rendue le 12 juin 1981[5].

Ces décisions disent clairement que la procédure des crédits ne doit pas servir à contourner le processus normal ou législatif. En d’autres termes, les crédits du budget ne doivent pas viser à modifier des lois existantes ni servir à obtenir des autorisations qui devraient normalement être données par voie législative.

Pour que nous puissions mieux comprendre pour quelles raisons, à cette époque, on a contesté ces crédits, permettez-moi de citer deux exemples du libellé exact utilisé dans le budget des dépenses qui avait été déposé.

Le premier exemple concerne le crédit 77d du Budget supplémentaire (D) du ministère de l’Industrie et du Commerce, pour l’exercice se terminant le 31 mars 1977, dont traite la décision rendue par le Président Jerome le 22 mars 1977. La description du crédit était la suivante :

Crédit 77d—Expansion des exportations
a) pour porter de 750 000 000 $ à 2 500 000 000 $ le montant indiqué à l’article 26 de la Loi sur l’expansion des exportations; et
b) pour porter de 750 000 000 $ à 1 000 000 000 $ le montant indiqué à l’article 28 de la Loi sur l’expansion des exportations.

Le deuxième exemple concerne le crédit 45 du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources, au Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 1982, et dont traite la décision rendue par le Président Sauvé le 12 juin 1981. Le crédit était décrit en ces termes :

Crédit 45—Programme canadien de remplacement du pétrole—Paiements, en conformité des règlements que peut adopter le gouverneur en conseil et paiements selon les ententes conclues avec une province ou une personne, relativement à […]

C’est sur la base de la formulation des textes tels que publiés dans le budget des dépenses que la décision d’irrecevabilité a été rendue dans les deux cas.

Après être remonté jusqu’au fondement des décisions auxquelles faisait allusion le député de St. Albert, j’ai ensuite examiné la formulation de la description des huit crédits qu’il conteste dans son rappel au Règlement.

Dans les cinq premiers crédits regroupés par le député, à savoir le crédit 1, agriculture, le crédit 15, immigration, le crédit 1, environnement, le crédit 5, affaires indiennes, et le crédit 1, transports, je n’ai trouvé nulle part dans les mots choisis une tentative de contourner le processus législatif en faisant approuver des fonds n’étant pas encore autorisés par une loi. Par conséquent, je ne peux pas me rendre aux arguments du député.

Dans le deuxième groupe, le député inclut le crédit 35, Tribunal canadien du commerce extérieur, le crédit 15, programme des approvisionnements et services, et le crédit 40, Bureau d’information du Canada. Encore une fois, après examen de la description de ces trois crédits, je ne peux pas conclure que l’on a tenté de modifier une loi par le recours à un projet de loi de crédits.

Je voudrais maintenant revenir aux arguments présentés hier et encore aujourd’hui et selon lesquels on demande à la Chambre d’approuver des crédits avant qu’ils aient été autorisés par une loi. Je rappelle respectueusement aux députés que, lorsque la Chambre accorde des fonds par l’adoption d’une loi de crédits, elle légifère. Je répète que, ce à quoi on s’était opposé dans le passé, et ce que différents Présidents ont déclaré irrecevable, c’était les tentatives de modification de lois existantes ou de création de nouveaux programmes par des projets de loi de crédits.

Ce matin, le député de St. Albert, en réponse au président du Conseil du Trésor, a déclaré que les renseignements fournis au Parlement par la partie III du budget des dépenses devaient être améliorés. Le ministre lui-même en a convenu. Je rappelle à la Chambre que les plans de dépenses de la partie III, quoique imparfaits, sont une innovation récente du gouvernement. Le contenu de la plupart des plans de dépenses couvre une période s’étendant au-delà de l’année financière prochaine et plusieurs cycles de crédits. Il est, à mon avis, compréhensible que certaines projections contenues dans ces plans varient en fonction de politiques gouvernementales passées, présentes ou futures. Les choses changent et les événements se répercutent sur les plans. Que des projets de loi inscrits au Feuilleton en ce moment ou morts au Feuilleton lors de la dissolution de la dernière législature figurent encore dans ces documents ne se répercute en aucun cas sur les délibérations de la Chambre des communes concernant les crédits ou les mesures législatives.

Ce qui est primordial, c’est la précision des postes faisant l’objet de votes à la partie II du budget des dépenses. Une fois approuvé, le budget des dépenses de la partie II devient une annexe du projet de loi de crédits qui devient lui-même la loi de crédits autorisant le gouvernement à dépenser. Ce pouvoir de dépenser doit être renouvelé chaque année. Comme l’a déclaré ce matin le président du Conseil du Trésor, les postes législatifs sont inclus dans la partie II à titre d’information seulement afin que la Chambre des communes puisse se faire une idée complète des dépenses.

Durant sa réplique ce matin, le président du Conseil du Trésor a cité en partie un paragraphe de la préface de la partie II des prévisions budgétaires 1997-1998. Je vais citer plus longuement de la page 1 à 5 sous la rubrique « Changements dans le Budget principal des dépenses de 1997-1998 » :

Cette section comprend deux volets. Comme par les années passées, elle décrira les changements survenus en ce qui concerne la présentation des crédits, des programmes et d’autres éléments afin de permettre de rapprocher le Budget principal des dépenses de 1996-1997 et celui de 1997-1998. De plus, cette section exposera en détail les crédits qui renferment une autorisation précise, distincte de celle qui est incluse dans le Budget principal des dépenses de l’année précédente, ainsi que les nouvelles autorisations de dépenses paraissant pour la première fois. Compte tenu des décisions rendues par le Président de la Chambre des communes en 1981, le gouvernement s’est engagé à faire en sorte que les seules mesures législatives qui seront modifiées dans le cadre du Budget des dépenses, sauf dans les cas expressément autorisés par voie de législation, soient les lois de crédits précédentes.

C’est à partir de cette affirmation fondée sur les déclarations de la présidence en 1981 que j’ai basé mon étude des crédits auxquels s’est objecté le député de St. Albert. Dans aucun des cas ai-je pu trouver défaut aux principes établis par mes prédécesseurs.

En conséquence, lesdits crédits sont recevables et la Chambre peut maintenant procéder aux votes.

P0603-f

36-1

1997-11-25

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[1] Journaux, 1er octobre 1997, p. 56.

[2] Débats, 24 novembre 1997, p. 2096-2103.

[3] Débats, 25 novembre 1997, p. 2141-2144.

[4] Débats, 22 mars 1977, p. 4220-4222.

[5] Débats, 12 juin 1981, p. 10546-10547.