Le processus législatif / Divers

Rétablissement de projets de loi de la session précédente

Débats, p. 702-703, 733-735

Contexte

Le 28 mai 1991, M. David Dingwall (Cape Breton—Richmond-Est) invoque le Règlement au sujet d’une motion émanant du gouvernement visant à rétablir six projets de loi de la session précédente. M. Dingwall apporte à l’appui de ses préoccupations trois arguments : une des dispositions de la motion vise un projet de loi que la Chambre a déjà rétabli par consentement unanime; la motion vise « cinq mesures législatives complètement distinctes qui ne se prêtent pas à un examen collectif »; la motion est irrecevable puisqu’elle cherche à contourner le processus législatif normal. M. Dingwall fait valoir que comme il n’existe pas à la Chambre de précédent pour le rétablissement de projets de loi autrement que par consentement unanime, la motion doit être rejetée. Un long débat auquel participent divers députés s’engage[1]. Après avoir prêté l’oreille, en particulier, aux représentations des trois leaders parlementaires lui demandant de rendre sa décision rapidement et afin d’accélérer l’étude de la motion, le Président rend sa décision plus tard dans l’après-midi et revient à la Chambre le lendemain pour en donner les raisons. Ses deux déclarations sont reproduites intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

Le 28 mai 1991

M. le Président : Mes collègues, comme vous le savez, nous avons eu une série d’interventions concernant un problème à la Chambre. Malheureusement, il m’était impossible de vous présenter un jugement avec toutes les raisons s’y rattachant, mais j’accepte le caractère urgent soulevé par les députés concernant la nécessité de rendre un jugement cet après-midi.

Par conséquent, je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

Il y a eu un rappel au Règlement ce matin au sujet du point no 1 des initiatives ministérielles, concernant le rétablissement de certains projets de loi de la deuxième session.

Après avoir entendu les arguments de plusieurs députés, j’ai annoncé que je les examinerais en délibéré et que je rendrais ma décision demain.

Cependant, comme je viens de le dire, les trois leaders parlementaires ont demandé que la présidence rende sa décision cet après-midi.

Par conséquent, pour faire droit à cette requête, je vais rendre ma décision dès maintenant et j’en donnerai les raisons plus tard. Les députés comprennent sans doute que j’essaie de tenir compte de certaines nécessités, et j’espère que nous ne prendrons pas l’habitude de rendre un jugement d’abord et d’en donner les raisons plus tard.

La présidence connaît très bien, évidemment, les effets de la prorogation sur les travaux dont la Chambre était saisie à ce moment-là. La présidence doit aussi reconnaître, toutefois, que la notion de rétablissement à la session suivante est une pratique bien établie.

Bien que cela se soit fait par consentement unanime, la présidence ne voit pas de raison impérieuse d’interdire que l’on procède par voie d’avis de motion, et je n’ai pas été convaincu non plus de rejeter la motion d’emblée.

L’objet de la motion est de rétablir certains projets de loi. Bien que les six projets de loi soient tous différents, le but de la motion est de les rétablir au stade où ils étaient. Par conséquent, la présidence a décidé de ne pas diviser la motion pour le débat.

Cela dit, la présidence a un peu de mal à accepter l’argument qu’un député, par un seul vote, peut exprimer adéquatement son opinion sur six mesures législatives distinctes.

Par conséquent, la motion no 1 sera traitée comme suit. Il n’y aura qu’un seul débat, mais cinq votes sur le rétablissement des projets de loi C‑26, C‑58, C‑78, C‑82 et C‑85. Il n’y aura pas de vote sur le projet de loi C‑73 puisque la question a déjà été réglée. Le dernier paragraphe de la motion fera partie de chaque vote.

Le 29 mai 1991

M. le Président : Hier matin, on a invoqué le Règlement au sujet du premier article des initiatives ministérielles, qui concerne le rétablissement de certains projets de loi de la deuxième session. Hier après-midi, pour me rendre aux vœux des trois leaders à la Chambre, j’ai informé les députés de la décision de la présidence en m’engageant à préciser ultérieurement le contexte de cette décision. C’est ce que je voudrais maintenant faire brièvement.

Je n’ai pas l’intention de répéter les arguments de la discussion présentés hier, mais je voudrais remercier les intervenants: l’honorable député de Cape Breton—Richmond-Est, l’honorable député de Kamloops (M. Nelson Riis), l’honorable député de Kingston et les Îles (M. Peter Milliken), l’honorable député d’Ottawa—Vanier (M. Jean-Robert Gauthier), l’honorable député d’Annapolis Valley—Hants (M. Pat Nowlan), l’honorable député de Glengarry—Prescott—Russell (M. Don Boudria), l’honorable député de Nickel Belt (M. John Rodriguez) et l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre (M. Albert Cooper).

Avant d’aborder le texte même de la motion, il faut examiner deux notions, celle de la prorogation et de ses effets, et celle du rétablissement des initiatives d’une session au cours de la session suivante.

La prorogation a pour conséquence certaine d’interrompre les travaux du Parlement et, peut-être aussi, de modifier son ordre du jour. Ses répercussions les plus notables portent sur le processus législatif.

Selon la citation 167 de la cinquième édition de Beauchesne :

La prorogation a pour effet de mettre fin sur-le-champ à tous les travaux en cours jusqu’à nouvelle convocation des Chambres. Non seulement le Parlement ne siège-t-il plus, mais toutes les questions en souffrance sont abandonnées, en sorte qu’après une prorogation tous les projets de loi doivent être réintroduits, comme si la Chambre n’en avait jamais été saisie.

Le texte de Bourinot qui se trouve aux pages 102 et 103 de la quatrième édition le dit de manière encore plus explicite :

L’effet légal de la prorogation est de mettre un terme à une session. En vertu de la prorogation, tous les projets de loi et autres travaux à caractère législatif, peu importe où ils en sont rendus, sont entièrement interrompus et leur étude doit être reprise depuis le début, pendant la session suivante, exactement comme si elle n’avait jamais débuté.

La prorogation donne donc au Parlement l’occasion de reprendre à neuf l’étude des initiatives de l’État.

Si les effets de la prorogation sont très clairs, il est arrivé à de nombreuses occasions que le gouvernement demande la permission à la Chambre de rétablir des mesures législatives dont l’étude avait débuté au cours de la session précédente. Cela a toujours été considéré comme une procédure extraordinaire. À deux occasions distinctes, le 22 juillet 1977 et le 22 mars 1982, la Chambre a modifié son Règlement pour permettre le rétablissement de projets[2]. À ces occasions et dans d’autres cas, notamment plusieurs cas dans la troisième session, on a demandé le consentement unanime.

Dans la situation actuelle, la présidence se trouve en présence d’un cas non prévu, si je comprends bien les dispositions de l’article 1 du Règlement. Dans l’étude de ce rappel au Règlement, je me suis rappelé les propos tenus par l’un de mes prédécesseurs [l’honorable Lucien Lamoureux] qui rendait une décision le 23 mars 1966 :

Ce n’est qu’en des circonstances exceptionnelles et lorsqu’il y a peu de doute à ce sujet que le Président peut intervenir et, de son propre chef, changer la résolution proposée par un député[3].

J’ai longuement réfléchi à la décision éclairée qu’a rendue le Président Macnaughton le 15 juin 1964[4] et sur laquelle j’attire l’attention des députés. J’ai dû conclure, à regret, qu’il s’agit cette fois-ci de ces circonstances exceptionnelles dont parlait le Président Lamoureux.

La présidence ne peut trouver aucun précédent de rétablissement de projets au moyen d’une motion précédée d’un avis. Les députés voudront peut-être se reporter à une décision du 13 juin 1988 qui présente des points de comparaison utiles. Bien qu’il n’y ait aucun précédent, la présidence ne trouve rien dans les règles ou les pratiques de la Chambre qui empêche cette démarche. En conséquence, j’autorise l’étude de la motion.

Cependant, si cette façon d’aborder le rétablissement des projets de loi est acceptable, la forme de la motion pose des difficultés. Certains députés soutiennent que la motion doit être scindée pour qu’il y ait un débat et un vote distinct sur chaque article. La présidence estime que l’objet de la motion est le rétablissement de certains articles et non chacun des articles dont le rétablissement est proposé. Elle conclut donc qu’un seul débat donnera aux députés une occasion suffisante d’exprimer leur point de vue.

Néanmoins, l’effet de la motion est de rétablir plusieurs projets distincts, et les députés doivent avoir l’occasion de se prononcer sur chacun d’eux. En conséquence, il y aura un vote distinct sur chacun des projets à rétablir.

Le projet de loi C‑73 soulève également des questions, car il a été rétabli avec le consentement unanime le 23 mai 1991, et la Chambre s’est déjà prononcée.

La citation 424 de la cinquième édition de Beauchesne cite :

4) Rien ne saurait empêcher [le Président] de modifier une motion quant à sa forme.

Par conséquent, cette affaire ne sera pas mise aux voix.

En somme, la motion no 1 du gouvernement sera étudiée de la manière suivante : il y aura un seul débat et cinq votes portant sur le rétablissement des projets de loi C‑26, C‑58, C‑78, C‑82 et C‑85. Il n’y aura pas de vote sur le projet de loi C‑73. Chacun des votes portera aussi, comme il convient, sur le paragraphe habilitant et les paragraphes finals de la motion.

Post-scriptum

Immédiatement après la décision du Président, l’hon. Charles Mayer (ministre de la Diversification de l’économie de l’Ouest canadien et ministre d’État (céréales)) propose la clôture sur le point no 1 des initiatives ministérielles. La motion est adoptée après un vote par appel nominal.

F0501-f

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1991-05-28

1991-05-29

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[1] Débats, 28 mai 1991, p. 643-655.

[2] Débats, 22 juillet 1977, p. 7925, 22 mars 1982, p. 15672-15673.

[3] Débats, 23 mars 1966, p. 3083.

[4] Débats, 15 juin 1964, p. 4495-4498.