Madame la Présidente, c'est toujours un privilège de pouvoir intervenir à la Chambre sur un sujet d'importance, en l'occurrence la protection des Canadiens. Cela fait des années que je le dis, il s'agit de notre priorité absolue. Je suis heureux d'entendre que le nouveau ministre de la Sécurité publique commence à partager ces sentiments.
Le projet de loi C-3 est une nouvelle mouture du projet de loi C-98, qui avait été présenté pendant la législature précédente. Il prévoit de changer le nom de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada, qui deviendrait la « Commission d’examen et de traitement des plaintes du public ». Il prévoit aussi l'élargissement de son mandat, qui viserait à la fois la GRC et l'Agence des services frontaliers du Canada.
Je profite de l'occasion pour remercier les membres de la GRC et de l'ASFC de leur travail formidable et des services qu'ils rendent aux Canadiens.
J'ai le privilège d'être le premier à intervenir au nom de l'opposition officielle. Je dirai que nous faisons preuve d'un optimisme prudent à l'égard de cette mesure législative. Notre équipe conservatrice convient que l'ensemble des gouvernements, des employés et des élus devraient rendre des comptes à la population et aux contribuables. Tous les fonctionnaires du pays devraient respecter les normes auxquelles les Canadiens s'attendent, c'est-à-dire préserver l'intégrité des gens qui visitent notre pays ou qui y font escale tout en veillant au maintien des lois canadiennes et internationales. Un organisme de surveillance adéquatement mis en place, semblable à ceux utilisés par des services de police partout au pays — y compris la GRC —, semble donc une bonne politique, qu'on attendait certes depuis longtemps.
En 2016, Ralph Goodale, le précédent ministre de la Sécurité publique, avait déclaré être déjà en train d'étudier la question et avait empêché l'adoption de projets de loi d'autres sources visant le même objectif.
En 2017, Mel Cappe avait recommandé la création d'un organisme civil de surveillance, ce que prévoit le présent projet de loi. Malheureusement, il a fallu attendre jusqu'aux derniers jours de la législature précédente pour que les libéraux se décident à agir. Espérons que le fait de présenter le projet de loi trois mois après le début de la présente législature est un signe que les libéraux prennent ce dossier au sérieux.
Les Canadiens s'attendent à ce que les organismes fédéraux chargés de l'application de la loi fassent respecter les lois et qu'ils soient tenus responsables s'ils manquent à leur devoir. Ce projet de loi cadre bien avec les valeurs de nombreux Canadiens et celles du Parti conservateur. Toutefois, selon moi, sa mise en œuvre n'est pas prioritaire. J'aurais préféré que l'on se penche sur des questions qui, à l'heure actuelle, sont de la plus haute importance pour les Canadiens, notamment la pétition électronique 2341, qui a été signée par 134 000 personnes d'un bout à l'autre du pays, un record dans l'histoire des pétitions électroniques au Canada. Cette dernière est d'ailleurs devenue la troisième pétition en importance dans l'histoire du Canada. Deux seules autres pétitions ont été signées par plus de Canadiens: la pétition de 1949 sur la Déclaration canadienne des droits, une copie papier ayant recueilli 625 000 signatures, et celle de 1975 contre la création d'une loi sur l'avortement. Bien entendu, je suis ravi d'être le parrain de la pétition. Elle met en évidence les lacunes du plan libéral qui consiste à cibler les propriétaires canadiens d'armes à feu respectueux de la loi plutôt que les criminels et les gangs.
J'aurais aussi aimé que nous parlions du problème de criminalité en milieu rural et de ses répercussions sur toutes les collectivités rurales, surtout celles où les services de la GRC sont limités. Nous aurions aussi pu parler du manque d'initiative des libéraux en ce qui concerne la crise des opioïdes, qui ne fait que s'envenimer, de tous les décès qui surviennent et des problèmes de sécurité publique que sont les gangs, les fusillades et les armes à feu illégales. Nous devrions parler de la dégradation de la sécurité frontalière sous le gouvernement libéral actuel, et pas seulement à cause de la crise des passages illégaux à la frontière, mais aussi à cause des drogues, de la contrebande d'armes de poing et de la traite des personnes par de nombreux gangs de narcotrafiquants. Ajoutons à cela les énormes arriérés dans la surveillance et l'expulsion des terroristes et des criminels connus ainsi que des autres personnes représentant une menace pour la sécurité nationale.
Cependant, nous sommes ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-3, qui porte sur la surveillance. La surveillance est une bonne chose, parce qu'elle donne aux gens la certitude que les actes qui ne cadrent pas avec les lois seront examinés. Le projet de loi devrait conférer des pouvoirs d'enquête à la Commission pour qu'elle puisse examiner des situations, donner son avis et déterminer la portée et l'étendue des mesures à prendre contre quiconque viole nos lois et nos principes.
Le projet de loi C-3 propose de changer la vocation de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, de la renommer la Commission d'examen et de traitement des plaintes du public et d'en élargir le mandat pour qu'elle examine à la fois les plaintes relatives à la GRC et celles qui concernent à l'Agence des services frontaliers du Canada.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont ajouté un grand nombre de couches de surveillance, de tracasseries administratives et d'étapes aux processus relatifs à la sécurité nationale et publique, mais ont adopté très peu de mesures concrètes pour protéger les Canadiens.
Les libéraux ont créé un comité parlementaire de surveillance des activités de renseignement et de sécurité nationale et un organisme de surveillance de la sécurité nationale et du renseignement. Ils ont élargi les pouvoirs du commissaire au renseignement et, maintenant, ils cherchent à étendre le rôle de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada.
Cela vient s'ajouter aux examens menés par le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Défense nationale, le ministre des Affaires étrangères, le conseiller à la sécurité nationale et, maintenant, la nouvelle vice-première ministre.
J'espère certainement que sept ou huit organismes fédéraux n'enquêteront pas sur une seule plainte et sur ce que cette mesure législative est censée accomplir.
Au cours des cinq dernières années, les libéraux ont engagé 150 millions de dollars pour renforcer la surveillance. À titre de comparaison, entre 2015 et 2019, ils ont promis de consacrer 400 millions de dollars au maintien de l'ordre et à la lutte contre les gangs, mais presque aucun argent n'a été versé.
Les députés soutiendront que renforcer la surveillance est la bonne solution et, comme il a déjà été mentionné dans une question antérieure, que, avec quelques amendements, le projet de loi pourrait être réellement avantageux pour les Canadiens. Il faudra nous assurer que les bons amendements sont apportés.
Le projet de loi créerait un mécanisme permettant de porter plainte contre des agents des services frontaliers qui auraient agi de façon inappropriée. Les services de police ont commencé à se doter de mécanismes de surveillance et d'examen civils il y a des décennies et c'est une solution employée partout sur la planète dans le domaine du maintien de l'ordre. Il semble tout à fait normal qu'un organisme d'application de la loi d'envergure, comme l'ASFC, soit visé par ce genre de mécanismes de contrôle. Cela permettra aux agents faussement accusés de montrer qu'ils ont agi selon les règles, le cas échéant, et cela rappellera aux agents qu'ils ne sont pas au-dessus des lois. Tout le monde en bénéficiera.
Par contre, le projet de loi ne fait rien en ce qui concerne la responsabilisation des gens. La commission d'examen et de traitement des plaintes du public pourra examiner des éléments de preuve, appeler des témoins et produire un rapport, mais le projet de loi ne dit pas ce qui arrivera aux agents qui violeront la loi, une règle ou un principe.
Je ne suis pas au Parlement depuis aussi longtemps que certains, mais tous ceux qui portent attention à ce que disent le vérificateur général ou d'autres mandataires du Parlement auront saisi la tendance: des programmes, des services et des examens conçus de façon à avoir l'air de régler des problèmes, mais qui ne comportent aucune obligation de rendre des comptes ni aucun pouvoir pour forcer les gens à répondre de leurs actes.
Les libéraux répètent les mêmes choses sans arrêt. Ils créent une nouvelle agence, une nouvelle commission, un nouveau comité ou une autre entité bureaucratique, mais ils se gardent bien de mettre en place les mesures qui permettraient de corriger réellement la situation pour laquelle la commission ou le comité ont dû être créés.
Prenons l'exemple du vice-amiral Norman. Le premier ministre a personnellement pointé du doigt le vice-amiral Norman, qui a par la suite été licencié et accusé d'infractions graves. Le premier ministre a déclaré qu'il soutenait la GRC dans son enquête, mais il n'a fait aucun effort pour fournir tous les éléments de preuve pouvant étayer ou réfuter les résultats de l'enquête. Ce n'est que lorsque l'avocat du vice-amiral Norman a interrogé d'anciens ministres conservateurs de l'administration Harper que l'affaire s'est soudainement effondrée et que le vice-amiral a été complètement disculpé.
Un rapport de ce comité de surveillance civile ferait probablement état d'un recours à certaines preuves plutôt qu'à d'autres, d'une volonté de faire dérailler l'enquête et de blâmer un officier décoré, permettant ainsi au premier ministre de cacher la vérité aux Canadiens. Mais tout cela n'est qu'une hypothèse puisque le premier ministre continue d'invoquer le secret ministériel pour brouiller les pistes.
Dans ce modèle, les choses s'arrêteraient là. Aucune mesure ni aucun recours ne seraient prévus pour empêcher que cela ne se reproduise, comme cela a été le cas avec le vice-amiral Norman. Il n'y a pas de sanction prévue pour punir un politicien corrompu qui s'en prendrait à un officier honoré et décoré des Forces armées canadiennes.
La Chambre et le comité peuvent — et doivent — examiner attentivement ce projet de loi. Bien que l'idée semble solide, et que le modèle soit certainement meilleur que ce qui est prévu dans d'autres lois, je me méfie beaucoup de toute l'action menée par le gouvernement aux frontières. Il n'a pas bien géré nos frontières et n'a pas été franc avec la Chambre des communes ou les Canadiens sur ces questions.
En 2017, les libéraux nous ont dit qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter des dizaines de milliers de personnes qui traversaient illégalement la frontière pour entrer au Canada. Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas besoin de nouvelles ressources, que la sécurité était bonne et que tout allait bien.
En réalité, on a réduit la sécurité dans d'autres régions pour faire face à l'afflux de clandestins aux frontières. Les provinces et les villes étaient impuissantes face aux coûts et aux refuges surpeuplés. Les postes frontaliers et la GRC étaient débordés et le filtrage des réfugiés prenait du retard. Pour autant, tout allait bien selon les ministres de l'époque.
Puis, il y a eu trois budgets porteurs de nouveaux fonds et de changements et de la promesse que les problèmes à notre frontière seraient réglés. Des milliards ont été dépensés dans ce dossier, un exemple de plus de mauvaise gestion pour lequel le contribuable sera mis à contribution, et les choses ne vont pas en s'arrangeant. Nous continuons, cependant, à débourser des millions de dollars pour régler le problème sans que ledit problème s'atténue.
À quoi devrions-nous faire attention?
D'abord, nous devrions nous assurer que ceux qui sont touchés par la décision, comme les agents de la Gendarmerie royale du Canada et de l'Agence des services frontaliers du Canada de première ligne qui seront soumis aux évaluations de ce comité de surveillance, pourront faire entendre leur voix. Lors de la dernière session, nous avions été choqués d'apprendre que ni les syndicats de la GRC ni ceux de l'ASFC n'avaient été consultés. Ce n'est toutefois pas nécessairement une nouveauté lors des consultations du gouvernement.
Selon un article de journal, « [l]e syndicat représentant les agents frontaliers n'a pas beaucoup entendu parler de la proposition et n'a pas été consulté à propos du projet de loi », le projet de loi évoqué étant l'ancien projet de loi C-98, un projet de loi quasiment identique à celui-ci. L'article se poursuivait en ces termes: « Jean-Pierre Fortin, le président national du Syndicat des douanes et de l'immigration (SDI), a déclaré que le président de l'ASFC a également été laissé dans l'ignorance et n'a pu informer le syndicat des détails du projet de loi. »
J'espère que ce problème a été réglé ou qu'il le sera. Toutefois, pour avoir parlé avec ces deux organismes et avec la Fédération de la police nationale, à propos du projet de loi précédent, j'ai l'impression que les libéraux ne les ont pas consultés non plus.
Comme les députés l'ont entendu plus tôt, j'avais demandé au ministre si le gouvernement avait corrigé la situation cette fois-ci. Je suppose que nous le saurons lorsque le projet de loi sera étudié au comité et que mes collègues entendront les personnes que je viens de mentionner.
Nous voudrons entendre les Canadiens qui sont touchés par cette question. Il ne devrait pas être nécessaire de faire intervenir des lobbyistes grassement payés pour attirer l'attention du ministre.
Nous devrions aussi veiller à ce que les Canadiens n'aient pas à recourir à des avocats pour accéder à la Commission des plaintes et à ses processus. C'est capital pour ceux qui pourraient être touchés par un comportement inapproprié au moment de traverser la frontière.
De plus, nous devons nous assurer que le ministre et son personnel, et les autres dirigeants dans le domaine de la sécurité publique, ne puissent se mêler des processus et des décisions de ces organismes de surveillance.
Enfin, je veux souligner le fait qu'à la dernière législature, les libéraux ont profité de leur majorité pour imposer leur volonté malgré la présence de problèmes sérieux.
J'exhorte tous les députés qui siègent au comité de la sécurité publique et nationale à suivre leur propre opinion concernant les témoignages des experts et des témoins, et non la volonté du personnel du ministre ou les demandes de l'aile politique du Cabinet du premier ministre. J'ajoute que les échéanciers sont établis par le comité et non par le ministre de la Sécurité publique et son personnel. Sachant que l'actuel président du comité de la sécurité publique, qui a présidé à la dernière législature, est un homme scrupuleux et honorable, j'ose croire qu'il ne proposera pas que l'étude du projet de loi soit terminée d'ici une certaine date, avant que les membres du comité aient entendu suffisamment de témoignages, en vue de contenter le ministre ou son personnel.
Bien entendu, il faut beaucoup de confiance et de bonne foi de la part des députés pour que l'étude d'un projet de loi se déroule bien, et, assurément, le projet de loi à l'étude ne fait pas exception. La confiance se bâtit avec des réponses honnêtes à des questions légitimes. La confiance est renforcée lorsqu'on agit par souci d'intégrité et en nous assurant de bien faire les choses, et non pas seulement dans le but d'avoir raison.
J'espère que le ministre fournira aux députés des renseignements clairs sur les dépenses, les ressources, ses plans et les points que nous pourrions tous améliorer, ou du moins les points où le gouvernement pourrait faire mieux que par le passé. Étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle législature et d'un nouveau projet de loi, le gouvernement tentera peut-être d'établir une telle confiance au cours des travaux sur le projet de loi C-3. Attendons de voir s'il en sera ainsi.