Monsieur le Président, je soulève une question de privilège au sujet de la divulgation prématurée du contenu d'un projet de loi entre la période de préavis et la présentation du projet.
Le vendredi 21 février, le député de Markham—Unionville a donné avis de son intention de présenter un projet de loi intitulé « Loi modifiant le Code criminel (armes à feu importées illégalement) ». Le 24 février, le député de Markham—Unionville a divulgué le contenu du projet de loi dans un article paru dans iPolitics.
L'article en question a révélé ce qui suit:
[Le député de Markham—Unionville] présente un projet de loi visant à modifier le Code criminel afin de porter à trois ans la peine obligatoire pour tout individu reconnu coupable de possession d'une arme à feu importée illégalement. À la deuxième offense, les contrevenants seraient passibles d'une peine minimale de cinq ans.
L'article continue de divulguer le contenu du projet de loi comme suit:
[Les] modifications législatives proposées visent également à faire passer à 14 ans la durée maximale de la peine d'emprisonnement pouvant être infligée aux individus pris en possession d'une arme de contrebande, et ce, à la première infraction et pour chaque récidive.
Le mardi 25 février, le député de Markham—Unionville a fait part de son intention de présenter un nouveau projet de loi intitulé « Loi modifiant le Code criminel (possession d’armes à feu importées illégalement) ». Aujourd'hui, le 27 février, le député a présenté le projet de loi C-238. Bien que je constate une légère différence dans son titre intégral, le projet de loi C-238 correspond directement à la description du projet de loi qui se trouve dans l'article paru dans iPolitics le 24 février.
L'article 2.1 du projet de loi C-238 dit ceci:
Dans le cas où l’objet en cause est obtenu par suite de la perpétration de l’infraction prévue au paragraphe 103(1), quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) est passible, s’il est poursuivi sur acte d’accusation, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant:
a) de trois ans, dans le cas d’une première infraction;
b) de cinq ans, en cas de récidive.
Les dispositions du projet de loi C-238, que je viens de citer, correspondent directement à la description qui se trouve dans l'article d'iPolitics du 24 février, que j'ai aussi cité tout à l'heure. Je ne veux pas faire un procès d'intention au député de Markham—Unionville par rapport à son projet de loi, mais cette situation soulève certaines questions.
À mon avis, le député de Markham—Unionville cherche à faire indirectement ce qu'il sait qu'il ne peut pas faire directement. J'estime que le fait d'inscrire un projet de loi au Feuilleton des avis, de rendre publique la teneur de ce projet de loi, puis d'inscrire un autre projet de loi ayant un titre légèrement différent — afin d'éviter de se faire accuser de divulguer prématurément la teneur du projet de loi — crée un dangereux précédent. Autrement dit, cette façon de procéder va à l'encontre du principe voulant que les députés soient les premiers à prendre connaissance de la teneur d'un projet de loi.
Je rappelle aussi aux députés la décision que le Président a rendue aujourd'hui à propos de deux projets de loi très semblables ayant des titres intégraux différents.
Le Président a déclaré: « J'aimerais prendre quelques minutes pour informer les députés d'une erreur dans le Feuilleton. Deux projets de loi d'initiative parlementaire, qui sont sensiblement identiques, sont actuellement inscrits sous la rubrique Affaires émanant des députés — Affaires qui ne font pas partie de l'ordre de priorité. Il s'agit du projet de loi C-212, sur la Loi sur l'assurance-emploi, qui est inscrit au nom du député d'Elmwood—Transcona et qui a été présenté et lu une première fois le jeudi 20 février 2020, et du projet de loi C-217, qui est inscrit au nom de la députée de Salaberry—Suroît et qui a été présenté et lu une première fois le lundi 24 février 2020. »
« Conformément à l'article 86(4) du Règlement, le Président peut refuser un avis lorsqu'il détermine que les deux affaires soumises se ressemblent suffisamment pour être substantiellement identiques. Par conséquent, la Chambre est présentement saisie par erreur du projet de loi C-217. J'ordonne donc que l'ordre portant la deuxième lecture du projet de loi C-217 soit révoqué et le projet de loi, rayé du Feuilleton. »
Si le premier projet de loi que le député de Markham—Unionville avait inscrit au Feuilleton avait été présenté, il aurait été intéressant de voir si son contenu était largement semblable à celui du projet de loi C-238. Je ne peux pas le confirmer, mais on peut supposer que les projets de loi auraient été similaires dans une large mesure.
J'ajouterais que, si on déterminait que cette pratique est acceptable, je ne peux que supposer qu'elle deviendrait pratique courante. Imaginons que le gouvernement inscrive un projet de loi au Feuilleton, puis qu'il fasse une déclaration publique qui révèle de nombreux détails du projet de loi pour ensuite apporter une légère modification au titre intégral, inscrire ce nouveau projet de loi au Feuilleton et le présenter. Cela pourrait être perçu par les députés, voire par vous-même, monsieur le Président, comme une atteinte flagrante au principe de longue date selon lequel les députés devraient être les premiers à voir le contenu d'un projet de loi.
Je ne vais pas gaspiller le précieux temps de la Chambre en citant les nombreux précédents à l'appui de la conclusion voulant que la divulgation prématurée du contenu d'un projet de loi entre le moment de son inscription au Feuilleton et celui de sa présentation donne véritablement matière à soulever la question de privilège.
Je n'en veux pas au député de Markham—Unionville d'avoir voulu annoncer l'objet de son projet de loi et fournir des détails sur son contenu afin de solliciter l'appui de la population à l'égard du projet de loi. Il n'en demeure pas moins qu'on porte atteinte aux privilèges de la Chambre lorsqu'on divulgue le contenu d'un projet de loi avant que les députés aient eu l'occasion d'en prendre connaissance, lors de sa présentation.
Je crois comprendre qu'une question très similaire a été soulevée, le 25 février, à la suite de la divulgation malheureuse et prématurée de détails concernant le projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Par conséquent, monsieur le Président, si la question de privilège vous paraît fondée à première vue, je propose que les deux affaires soient étudiées ensemble au comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
Monsieur le Président, j'attends votre décision, et si vous êtes d'accord, je suis prêt à présenter la motion appropriée au moment opportun.