Monsieur le Président, le ton vient de changer. Pendant que j'écoutais ma collègue, je réfléchissais. Certains de mes collègues sont peut-être au courant, mais dans une autre vie, j'étais comédien. Alors, quand je me lève à la Chambre, je me demande toujours si je joue pour la caméra ou si je fais du théâtre pour la salle au complet.
C'est un peu particulier, en ce moment. Comme nous sommes en période de pandémie et que nous devons respecter la distanciation sociale, nous sommes 38 députés au lieu de 338, et en ce moment, j'ai l'impression de jouer devant une salle vide. J'ai l'impression d'être à la huitième représentation d'un spectacle qui ne fonctionne pas et qui a fait l'objet de mauvaises critiques. Il n'y a pas un chat, mais personne ne va m'écouter, de toute façon. La moitié du temps, les gens s'occupent de leurs affaires. J'espère quand même qu'on suit les débats.
Je m'en voudrais de ne pas commencer mon intervention en saluant les travailleurs de première ligne, notamment dans les CHSLD, au Québec, et dans les hôpitaux. Je pense aux préposés aux bénéficiaires, aux infirmières et aux médecins. Ils sont en première ligne. Nous, nous sommes peut-être en troisième ou quatrième ligne. C'est difficile à dire. Nous sommes certainement un service essentiel, puisque nous nous occupons de la population.
C'est d'ailleurs le point central de mon intervention. Je pense qu'il faut que nous revenions ici. Il faut que le Parlement reprenne ses travaux. Il faut que nous nous retrouvions face à face avec les gens des autres partis, dont les ministres et le premier ministre. Il ne s'agit pas de faire des petites conférences sur Zoom deux heures par jour pour ensuite négocier des choses par derrière. Il faut que le Parlement fasse son travail, parce qu'il y a des gros problèmes.
Revenons un peu en arrière. J'en étais rendu à saluer les infirmières. Ce sont elles qui mènent le bal. Ce n'est pas la moindre injustice, dans cette crise, que les soldats de première ligne, ceux qui sortent des tranchées et qui vont au front, gagnent le salaire minimum. Les travailleurs des CHSLD gagnent 13 $ l'heure. C'est un scandale. Ce n'est pas le Zimbabwe ni l'Érythrée, c'est le Canada, le meilleur pays du monde. Pourtant, les soldats que nous envoyons au front gagnent le salaire minimum.
Où est la réponse à cette crise? Elle est ici, à la Chambre. Les transferts en santé, cela fait 30 ans qu'on en parle. Le domaine de la santé est sous-financé. Les gens sont sous-payés. On cherche le problème dans les CHSLD. Nous avons tous la responsabilité, ici, de faire en sorte que le gouvernement fédéral paie 50 % des coûts de santé des provinces pour payer les médecins, les hôpitaux, les infirmières, les chirurgiens et les préposés aux bénéficiaires. Il faut leur donner un salaire décent. Il faut s'occuper des gens qui s'occupent de nos gens. En ce moment, le gouvernement fédéral paie 23 % des coûts de santé des provinces. Ce sont des milliards de dollars. Que ferait-on avec ces sommes pendant cette période? On paierait les gens comme il faut.
Nous avons tous le pouvoir, ici, de changer cela. Allons-nous nous en servir, ou allons-nous continuer de faire des petites conférences sur Zoom de temps en temps, bien installés dans nos salons, ce qui nous permet de voir les livres que les ministres lisent et les trophées de hockey qu'ils ont gagnés lorsqu'ils étaient jeunes?
Nous voulons prendre des décisions concrètes. Nous voulons siéger pour nous occuper des problèmes des gens. C'est ce que je me dis.
Je parlais des infirmières. Je voulais leur rendre hommage, car ce sont elles qui se battent au front. Nous, nous débattons pour déterminer si nous allons parlementer ou non. En deux mois, le gouvernement a signé des chèques totalisant 300 milliards de dollars. Il nous a concocté des lois. Pendant des années, on venait ici pour débattre et essayer de faire des choses. On a réuni trois ou quatre fonctionnaires et deux ou trois ministres et, en deux mois, sur un coin de table, on a signé des chèques totalisant 300 milliards de dollars.
C'est incroyable! Ils ont signé pour 300 milliards de dollars de chèques pour régler des problèmes. On veut continuer à faire cela, parce qu'après, il va y en avoir encore des problèmes. Il y en a maintenant et il va y en avoir après.
Nos infirmières meurent. Cela me touche. C'est encore une autre chose. Je ne pense pas que qui que ce soit risque sa vie en venant ici. Cela pourrait toujours arriver, mais ce serait un accident. On pourrait se faire frapper ici sur Wellington, mais cela ne risque pas d'arriver tant que cela. Les jeunes hommes et les jeunes dames, qui viennent souvent d'ailleurs — c'est une autre question — se lèvent tous les matins et peuvent contracter une maladie mortelle. Ils ont beau porter de l'équipement de protection, cela peut leur arriver. Personne ici ne peut dire la même chose. Notre travail, c'est de nous organiser pour qu'ils ne tombent pas malades. Nous avons ce pouvoir. La meilleure façon de rendre hommage à tous ces gens, c'est de venir ici siéger pour faire notre travail, voter des lois et accorder des montants d'argent. On a été capable d'injecter 300 milliards de dollars dans le système. Je pense qu'il en manque encore. Encore aujourd'hui, on a de la misère à trouver des gens dans les CHSLD au Québec. Il faut trouver ces gens. Pour cela, il faut les payer. Il faut que cet argent serve ces gens, plutôt que d'aller dans les poches du Parti libéral ou du Parti conservateur. Il faut payer les gens qui travaillent. C'est ce qu'on veut faire.
C'est ce que je veux faire comme travail. Je veux venir ici et voter pour accorder de l'argent aux gens qui en ont vraiment besoin. Ce serait le plus grand hommage qu'on pourrait leur rendre. C'est un des besoins qu'on pourrait combler.
Il me reste trois minutes. Je voulais parler de logement.
Une voix: N'oubliez pas de parler des infirmières.
M. Denis Trudel: Les infirmières, je pense en avoir assez parlé. C'est un des problèmes, mais il y a une flopée de problèmes qu'on pourrait régler. Pour cela, il faut venir s'assoir ici.
Parlons de logement au Québec. Il y avait une crise, il y a une crise et il y aura une crise. En ce moment, on ne sait pas ce qu'on va faire, mais tous les parlementaires peuvent agir là-dessus. Il y a trois ou quatre ans, le gouvernement du Canada a voté la Stratégie nationale sur le logement. Il a promis qu'il allait loger les gens, qu'il allait s'en occuper. Il a versé 55 milliards de dollars, qui ont été dépensés partout au Canada, sauf au Québec. Au cours des deux derniers mois, il a signé pour 300 milliards de dollars de chèques. Or nous avons besoin de 1,4 milliard de dollars pour loger des gens qui vont être à la rue dans deux mois. Quand va-t-on verser cet argent? Des gens seront à la rue demain matin, on le sait. Il suffit de parler à tous les organismes œuvrant en logement, en itinérance, ou aux HLM. Dans trois mois, ils seront à la rue. Il suffit de parler à toutes les banques alimentaires. La crise, c'est maintenant, mais c'est dans six mois que cela va rebondir.
Une dame d'une banque alimentaire de ma circonscription m'a dit que si elle n'obtenait pas 80 000 $ au cours de la prochaine année, elle devrait mettre la clé dans la porte. Cette dame nourrit 100 personnes par semaine. Où va-t-elle trouver l'argent? En logement, on a besoin de 1,4 milliard de dollars pour loger notre monde au Québec. Pour une question de drapeau, le gouvernement d'en face refuse de verser 1,4 milliard de dollars, alors qu'il a injecté 300 milliards de dollars dans le système au cours des deux derniers mois. C'est inacceptable. Il faut siéger. Nous ne ferons pas cela par Internet. Il faut être ici, les uns en face des autres pour parler des besoins des gens et faire des chèques pour le monde.