Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant le Comité. C'est vraiment un honneur et un privilège pour moi de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Clayton Achen. Je suis un associé fondateur du cabinet de comptables agréés Achen Henderson, à Calgary. Vu mon domaine de pratique, mon intérêt pour le projet de loi C-97 porte principalement sur son incidence fiscale, plus précisément sur l'imposition des entreprises privées et des petites entreprises et de leurs propriétaires. Ce qui retient avant tout mon attention, ce sont les lacunes du projet de loi C-97.
Dans notre cabinet de comptables, notre travail quotidien nous met en contact direct avec des familles de la classe moyenne, propriétaires de petites entreprises. Cela nous a permis de comprendre mieux que la plupart des gens à quel point il est difficile pour les entrepreneurs de gagner leur vie. Nous voyons aussi à quel point il est devenu facile pour notre gouvernement de prendre leur argent durement gagné, parfois sous le couvert de l'équité, mot astucieux qui fait fi des risques et des difficultés que doivent affronter les entrepreneurs.
Je vais prendre quelques minutes pour parler de certains de leurs plus récentes difficultés, notamment les défis économiques, l'augmentation des impôts, l'accroissement de l'incertitude et du fardeau d'observation de la loi et les difficultés à traiter avec l'ARC et à naviguer dans notre régime fiscal. Je ferai ensuite quelques brèves observations sur la nécessité impérieuse pour le Canada de se doter d'un régime fiscal moderne. Je terminerai par des réflexions sur quelques-uns des aspects commerciaux du projet de loi C-97.
On ne saurait trop insister sur la complexification de notre régime fiscal depuis 50 ans, c'est-à-dire depuis sa dernière réforme. Les trois derniers budgets ont alourdi encore davantage le fardeau d'observation de la loi qu'ont à supporter les petites entreprises canadiennes. Bien que je sois heureux que l'assaut contre les sociétés privées et leurs actionnaires semble s'être calmé en 2019, je suis déçu que le projet de loi ne contienne presque rien pour les aider.
Ce que nous constatons, surtout dans ma province, l'Alberta, c'est que les entrepreneurs ont été aux prises avec d'énormes difficultés au cours des cinq dernières années, mais en particulier depuis trois ans et demi.
En Alberta, certains petits entrepreneurs ont réussi à survivre au ralentissement prolongé de l'activité économique, quoiqu'ils aient reçu très peu d'aide de nos gouvernements. Beaucoup ont simplement fermé leurs portes et ont perdu leur gagne-pain.
Pour toutes les petites entreprises canadiennes, les coûts d'observation de la loi ont monté en flèche à la suite des modifications apportées aux règles sur les dividendes intersociétés, à l'impôt sur le revenu fractionné et aux règles sur le revenu de société déterminé et sur les associations, des changements apportés à la déclaration du revenu des fiducies familiales et de l'introduction de nouvelles pénalités pour épargne excessive dans une entreprise, quelle qu'en soit la raison.
Beaucoup de nos clients fortunés ont augmenté leur tolérance au risque dans leurs stratégies de planification fiscale et ont réduit leur tolérance aux risques économiques. Beaucoup d'entre eux retirent leurs avoirs du Canada.
Il s'agit en grande partie d'un effet secondaire direct de la tentative malvenue et mal conçue de réforme fiscale, annoncée le 18 juillet 2017, visant les sociétés privées et leurs actionnaires. De plus, toutes les entreprises, y compris les petites, subiront une forte hausse de leurs cotisations au RPC pendant les sept prochaines années.
Selon des recherches menées par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI, on demande maintenant aux petites entreprises canadiennes d'assumer près de la moitié de la taxe fédérale sur le carbone, ce qui fait augmenter le coût de tout — et je dis bien de tout —, tout en recevant des rabais disproportionnellement faibles.
Dans bien des cas, afin d'assurer leur viabilité, les petites entreprises ont cherché à répercuter ces coûts sur les consommateurs. Souvent, c'est tout simplement impossible. Il en résulte une iniquité entre sociétés, les petites entreprises étant tout simplement incapables de soutenir la concurrence de grandes sociétés et de multinationales, mieux placées ou mieux équipées pour assumer cet accroissement des charges fiscales et du fardeau d'observation de la loi.
Je vous fais part aujourd'hui de ces réflexions non pas pour me plaindre, mais plutôt pour bien faire ressortir que les propriétaires de petites entreprises de la classe moyenne partout au Canada sont aux prises avec des difficultés réelles, précipitées et constantes et que le projet de loi C-97 leur apporte très peu d'aide ou d'encouragement.
Un autre problème concerne les niveaux de service de l'ARC. Je peux confirmer la justesse du rapport de 2017 du vérificateur général, quand il dit qu'il est très difficile de joindre l'ARC par téléphone et encore plus difficile d'obtenir une réponse complète et exacte. Nous en faisons l'expérience tous les jours. À Achen Henderson, nous avons été obligés, pour cela, d'accroître nos niveaux de service et nous avons choisi de le faire sans frais supplémentaires pour nos clients.
Bien que je sois tout content de ma nouvelle passion pour la musique de chambre et encouragé par le fait que le gouvernement reconnaît le problème, nous devons nous demander si les mesures contenues dans le projet de loi C-97 représentent l'approche voulue. Quoique que l'ARC ait fait des progrès pour être plus accessible et conviviale en ligne, nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi l'ARC a besoin de cinq fois plus d'employés par habitant pour administrer notre système fiscal que l'Internal Revenue Service, l'IRS aux États-Unis et que de nouvelles embauches sont annoncées dans le budget fédéral de 2019.
En nous fondant sur notre vaste expérience des relations avec l'ARC et de l'aide à de nombreuses organisations qui ont connu des difficultés semblables, nous en sommes venus à croire que les problèmes de l'ARC tiennent à sa culture. Une culture déficiente se traduit immanquablement par des goulots d'étranglement opérationnels. Ces goulots d'étranglement sont amplifiés du fait de notre régime fiscal, qui est beaucoup trop compliqué pour que l'agent moyen de l'ARC ou le contribuable moyen puisse s'y retrouver, et ce problème est aggravé, à notre avis, par un manque ou une insuffisance de formation professionnelle.
Continuons. Au lieu de prendre des mesures pour moderniser notre régime fiscal afin de le rendre plus transparent, plus concurrentiel et plus facile à respecter et à administrer, le projet de loi C-97 consacre le recours par notre gouvernement à la fiscalité comme moyen de choisir des gagnants par le truchement d'allégements fiscaux accordés à divers secteurs économiques et industries. De plus, le projet de loi C-97 ne fait à peu près rien pour améliorer notre compétitivité sur le plan fiscal par rapport aux États-Unis, mais il étend plutôt au maximum le champ d'application de notre loi fiscale, en y apportant des correctifs là où il y a rupture, ce qui donne lieu à des mesures législatives impossibles à respecter et à administrer.
Cependant, tout n'est pas mauvais. Le projet de loi contient des correctifs qui sont les bienvenus, comme les améliorations apportées aux règles régissant les régimes enregistrés d'épargne-invalidité, les REEI et le revenu de société déterminé, mais je ne peux m'empêcher de me demander combien d'autres correctifs il nous faudra avant d'envisager de moderniser notre régime fiscal.
Le correctif apporté au Programme de la RS-DE est un pas dans la bonne direction. Il rendra sans doute le programme plus accessible à certaines sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC). Fort bien, cela devrait aider à rétablir un équilibre entre, d'une part, les coûts d'observation de la loi et, d'autre part, les avantages et un soutien accru. Malheureusement, ces changements ne règlent pas les problèmes d'administration du Programme de la RS-DE et ils ne concernent qu'une très faible proportion des entreprises privées au Canada.
Même si l'incitatif à l'investissement accéléré sera utile à certaines entreprises privées, notamment celles qui se portent bien et celles qui sont capables de mettre à niveau leurs équipements de fabrication et de transformation, l'équipement de production d'énergie propre et les véhicules électriques, semblent être des avantages de niche qui n'aideront que certaines entreprises privées. Nous sommes déçus que les mesures de DPA soient temporaires.
En terminant, les entrepreneurs ont beaucoup souffert ces dernières années. Beaucoup demeurent aux prises avec l'incertitude et une complexité fiscale excessive et ils ont reçu très peu de leur gouvernement en retour. Bien que le projet de loi C-97 ne leur demande pas d'en faire beaucoup plus, il n'offre pas beaucoup d'aide ou d'encouragement.
Nous avons constaté des améliorations dans les offres en ligne de l'ARC, mais très peu sur le plan des délais d'attente ou des niveaux de service, et nous nous demandons si l'approche du projet de loi C-97 pour résoudre ces problèmes est la bonne. Le projet de loi C-97 est une occasion ratée de procéder à une révision complète de notre régime fiscal, dont les objectifs fondamentaux doivent être la modernisation et la simplification.
En terminant, les mesures de DPA accélérée prévues dans le projet de loi C-97 ciblent des industries particulières et sont temporaires, et nous pensons, pour ce qui est de notre compétitivité fiscale par rapport aux États-Unis, qu'elles passent à côté de la cible.
Je vous remercie de nouveau de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.