Madame la Présidente, j'aborde aujourd'hui la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, tout particulièrement les répercussions sur les peuples et les collectivités autochtones qui appuient l'exploitation responsable des ressources.
Le projet de loi C-48 n'a pas vraiment pour objet la protection des côtes ou de l'écologie marine. Ce n'est en fait qu'une mesure qui vise à interdire l'exploitation et l'exportation du pétrole, notamment des sables bitumineux canadiens, ainsi que la construction d'oléoducs. C'est une attaque contre un produit, une industrie et des centaines de milliers de travailleurs du secteur de l'énergie au pays.
Le projet de loi C-48 interdit aux pétroliers qui transportent des cargaisons de plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut et d'hydrocarbures persistants de s'arrêter et de charger ou de décharger ces cargaisons dans les ports ou les installations maritimes qui se trouvent dans le Nord de la Colombie-Britannique. Le projet de loi ne vise aucun autre navire ayant une capacité comparable et transportant un autre produit, ou d'autres navires, peu importe leur taille, qui ont des quantités semblables de carburant à bord pour leur fonctionnement. Le projet de loi ne prévoit même pas l'application de la zone d'exclusion volontaire de 100 kilomètres, qui est en vigueur dans la région depuis 1985.
Le projet de loi s'applique à une côte, à l'exclusion de toutes les autres côtes et tous les autres ports canadiens où circulent régulièrement des pétroliers de divers pays transportant divers produits. De toute évidence, cette mesure a pour objet d'empêcher en permanence la construction d'infrastructures énergétiques essentielles dans la région, anéantissant ainsi toute possibilité d'exportation de pétrole vers l'Asie-Pacifique, ce qui aurait permis au Canada d'élargir ses marchés et de réduire sa dépendance presque totale envers les États-Unis en tant qu'acheteur de pétrole canadien.
Aujourd'hui, il est crucial de diversifier les exportations du Canada, car les États-Unis augmentent la production pour répondre à la demande intérieure et ils intensifient rapidement les exportations de pétrole brut après le retrait du moratoire de 40 ans. On estime que, au cours des 5 prochaines années, les États-Unis assureront 80 % de la demande mondiale de pétrole — en croissance — alors que le pétrole canadien demeure loin des côtes à cause de la politique des libéraux.
De plus, le projet de loi C-48 est une mesure à visée exclusivement politique. Il est axé sur une décision prédéterminée uniquement à des fins partisanes. Le premier ministre en a prévu la mise en oeuvre dans les lettres de mandat qu'il a adressées aux ministres seulement 24 jours après les élections de 2015. En dépit des beaux discours des libéraux au sujet de la consultation et du fait que les politiques et les mesures législatives sont axées sur des données scientifiques, des preuves et une prise de décision objective, il n'y avait pas suffisamment de temps pour mener des consultations approfondies auprès de la population, notamment les Premières Nations. Ce délai était aussi insuffisant pour faire des évaluations au chapitre de la sécurité et de l'environnement, notamment une analyse des pratiques exemplaires, des lacunes et des possibilités d'amélioration. Il n'était pas non plus possible de faire de comparaison avec d'autres pays ou une évaluation de l'incidence économique aux niveaux local, régional, provincial et national et d'examiner les répercussions éventuelles. Cette situation s'explique du fait que la motivation de cette mesure repose sur un calcul politique pour obtenir les votes du NPD, du Parti vert et de la gauche en Colombie-Britannique, qui ont aidé les libéraux à remporter les élections en 2015.
Cependant, le projet de loi C-48, bien qu'il se limite à une région géographique, aura des répercussions négatives profondes sur l'ensemble du Canada, sur la confiance dans les investissements dans le secteur canadien de l'énergie et dans le développement dans son ensemble et sur la capacité du Canada d'être un chef de file et un intervenant sur la scène mondiale dans le secteur de l'énergie, notamment en matière de réglementation, de production, de technologie, de service, d'approvisionnement, d'expertise et d'exportation.
Acheminer le pétrole et le gaz du Canada vers les zones côtières devrait être une priorité absolue pour les libéraux mais, ces dernières années, tout ce qu'ils ont fait a été d'éliminer les deux seuls projets d'oléoducs indépendants jusqu'à la côte.
Le premier projet était celui de l'oléoduc Énergie Est, qui a été abandonné après un investissement d'un milliard de dollars et des années d'examen. Le projet a déraillé avant même qu'on se sorte du bourbier réglementaire créé par les libéraux lorsqu'ils ont modifié les règles et ajouté in extremis une règle de deux poids, deux mesures concernant les émissions en aval. Cette règle ne s'applique ni au pétrole étranger ni aux autres infrastructures dans d'autres secteurs.
Le second, l'oléoduc Northern Gateway, avait vu le jour en 2002 et avait été approuvé en 2014 — assorti de 209 conditions — par le gouvernement conservateur. Lorsque la Cour suprême a statué que la Couronne n'avait pas suffisamment consulté les Autochtones, les libéraux auraient pu prévoir plusieurs mois de consultations additionnelles, comme ils l'ont fait dans le cas de la demande d'expansion du réseau Trans Mountain, qui a été présentée en 2013 et qui était en cours d'étude lorsqu'ils ont annoncé, en 2016, leur intention de revoir complètement les projets énergétiques canadiens d'envergure. En revanche, cette option n'a pas été offerte dans le cas de l'oléoduc Northern Gateway. Le premier ministre s'y est plutôt opposé d'emblée, même si le projet avait été examiné dans le cadre du même processus, et en fonction des mêmes données, que les autres projets ayant été approuvés le même jour, y compris l'expansion du réseau Trans Mountain et le remplacement de la canalisation 3.
La décision du gouvernement libéral de fermer la porte au projet Northern Gateway a grandement nui aux perspectives d'accès à de nouveaux débouchés pour le pétrole canadien, bien entendu au détriment des producteurs de pétrole du Nord de l'Alberta, des travailleurs du coeur de l'industrie et de Bruderheim, où se serait trouvé le point de départ de l'oléoduc, dans la partie ouest du comté de Lakeland, ainsi que des travailleurs qui auraient construit l'oléoduc et en auraient assuré la maintenance en Alberta et en Colombie-Britannique. C'est une perte pour les travailleurs qui espéraient trouver des emplois dans le terminal pétrolier, la raffinerie et le port en eau profonde devant être aménagés près de Kitimat, sans compter les milliards de dollars qui auraient été investis et qui se seraient traduits par des recettes fiscales pour tous les pouvoirs publics.
Toutefois, le blocage du projet Northern Gateway a aussi eu une autre conséquence tout aussi dévastatrice. Trente et une collectivités autochtones et métisses avaient conclu des ententes sur les retombées du projet Northern Gateway, d'une valeur de plus de 2 milliards de dollars, ententes qui prévoyaient que de la formation serait offerte à ces collectivités en vue de développer la main d'oeuvre.
Au sein du comté de Lakeland et ailleurs en Alberta, les Autochtones sont très actifs dans le secteur du pétrole et du gaz, dans tous les maillons de la chaîne de valeur ajoutée: exploration, production, services, approvisionnement, sous-traitance dans le secteur technologique et exploitation des oléoducs. Ils sont favorables aux oléoducs parce que cette infrastructure est absolument vitale pour leur assurer des emplois, des services d'éducation et des avantages sociaux comme partout ailleurs.
Elmer Ghostkeeper, de l'établissement métis de Buffalo Lake, dans le comté de Lakeland, dit que les populations autochtones s'étaient vu offrir un traitement équitable, mais que le changement de gouvernement a mis fin à leurs espoirs. « Nous sommes très déçus », dit-il. Il souligne que 71 % des collectivités habitant le long du trajet envisagé de l'oléoduc se réjouissaient à l'idée de prendre part à la construction de l'oléoduc et de bénéficier de retombées à long terme. Le premier ministre est venu tout gâcher. Les populations en question n'ont pas été consultées à ce sujet.
Le projet de loi C-48 mettrait le dernier clou dans le cercueil du projet de 7,9 milliards de dollars de construction de l'oléoduc Northern Gateway, et les emplois, les retombées économiques et les bienfaits sur le plan social que pouvaient en espérer les Autochtones et l'ensemble des Canadiens, aujourd'hui et demain, seraient perdus.
Il y a toutefois pire encore. Le projet d'oléoduc Eagle Spirit, d'une valeur de 16 milliards de dollars, pourrait être l'un des investissements privés dans les infrastructures les plus importants de l'histoire du pays. Il produirait des revenus considérables, créerait d'innombrables possibilités d'affaires, d'emploi, d'éducation, de formation et de renforcement des capacités et assurerait l'autosuffisance économique à long terme de communautés autochtones. De Bruderheim à Grassy Point, le projet d'oléoduc Eagle Spirit bénéficie de l'appui de 35 communautés autochtones, soit toutes celles situées le long du tracé prévu. Les promoteurs du projet travaillent depuis six ans pour obtenir l'appui de ces communautés autochtones, même de la part de certaines qui s'opposaient au projet Northern Gateway, et pour dépasser les exigences réglementaires, notamment en prévoyant des mesures exceptionnelles sur les plans de la protection environnementale, de la gestion des milieux terrestres et marins, ainsi que de la prévention des déversements et des interventions en pareil cas.
En 2015, des dirigeants des communautés autochtones ont précisé ce que le projet représentait à leurs yeux. Au nom des aînés, Jack White a déclaré: « Nous sommes heureux que le projet Eagle Spirit accorde la priorité à l'environnement. Bon nombre de nos aînés sont dans le besoin, et nous souhaitons léguer à nos enfants de plus amples possibilités. »
Pour sa part, Corey Wesley, représentant des jeunes, a dit ceci: « Il n'y a pas de débouchés pour les jeunes dans notre communauté. Nous souhaitons améliorer notre qualité de vie en occupant de vrais emplois et en profitant de perspectives commerciales pour que nous aussi, nous puissions donner plus d'espoir aux enfants que nous aurons un jour. »
Helen Johnson, mairesse adjointe de la bande des Lax Kw'alaams et matriarche, a déclaré ce qui suit: « Le projet Eagle Spirit jouit d'un vaste appui au sein de notre communauté parce qu'il permettra à nos membres de faire de véritables progrès. »
Le conseil des chefs est d'avis que l'interdiction des pétroliers par le gouvernement « nuirait à nos gens et empêcherait les chefs d'appuyer des projets porteurs d'espoir et d'avenir pour leurs membres », ce que l'ensemble des Canadiens tiennent pour acquis. Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest a tenu à peu près les mêmes propos concernant l'effet qu'aurait la proposition des libéraux — qui veulent interdire les forages pétroliers et gaziers extracôtiers dans le Nord durant cinq ans — sur les gens qu'il représente.
Le premier ministre dit souvent que rien ne compte plus à ses yeux que la relation entre l'État canadien et les peuples autochtones. Il dit vouloir « parvenir à une véritable réconciliation entre le Canada et les Premières Nations, la Nation métisse et les Inuits, une réconciliation substantielle et durable ». Or, c'est la deuxième fois qu'il prive activement des dizaines de communautés autochtones des débouchés que représenterait la construction d'un pipeline jusqu'aux côtes. Selon ces gens, le premier ministre ne les aurait pas consultés avant d'ordonner qu'on interdise les pétroliers.
Le conseil des chefs favorables au projet Eagle Spirit estime que l'interdiction des pétroliers et la création d'une entité appelée « forêt pluviale de Great Bear » étaient « surtout le fruit d'organisations environnementales non gouvernementales financées par l'étranger ». Le président d'Eagle Spirit affirme de son côté: « Elles ne connaissent rien à notre secteur, à nos régions, et elles viennent nous dicter notre ligne de conduite parce que c'est dans leur intérêt financier. » Le tout s'est fait « sans le consentement des Premières Nations, qui n'ont même pas été consultées » et qui « s'opposent aux politiques gouvernementales dictées par des intérêts étrangers et qui se répercutent sur leur capacité à aider leurs propres membres ».
Il ajoute: « Nous n'avons pas besoin que des politiciens nés avec une cuillère d'argent dans la bouche viennent chez nous [...] pour y créer des parcs alors que nos gens crèvent littéralement de faim » et que le taux de chômage y est de 90 %.
Je soutiens qu'une réconciliation véritable est assortie de possibilités d'emplois et d'affaires, d'aide sociale et d'autres avantages qui accompagnent la prospérité économique. C'est ce qu'offre le projet Eagle Spirit, un projet sans danger pour l'environnement et favorable pour tout le Canada.
Le président d'Eagle Spirit a déclaré: « C'est important pour les Canadiens. L'industrie pétrolière du Canada perd 50 millions de dollars par jour. Les raffineries américaines profitent d'une marge bénéficiaire de 40 $ le baril depuis quatre ans. Quel autre pays céderait ainsi ses ressources au rabais? C'est insensé et cela nuit aux gens du Nord de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Les chefs vont faire quelque chose à ce chapitre. »
Ses propos rejoignent ceux d'Ellis Ross, député provincial de la Colombie-Britannique et ancien conseiller en chef de la nation Haisla, qui a dit: « Le plus révoltant, c'est que les gens qui s'opposent à l'exploitation des ressources au Canada croient vraiment remporter une victoire lorsqu'ils font avorter un projet. [...] En fait, personne n'y gagne, à part les États-Unis, qui achètent le produit au rabais pour ensuite le vendre sur le marché international. »
L'interdiction des pétroliers constitue une entrave délibérée à l'exportation du pétrole canadien et elle est dangereuse. Elle nuit au gagne-pain de Canadiens de partout au pays. Elle restreint véritablement l'avenir du Canada et son niveau de vie, et certaines collectivités et régions ressentiront de façon disproportionnée ses conséquences néfastes. Les libéraux devraient lever cette interdiction.