Monsieur le Président, tout ce que je demande aux députés des autres partis, c’est de m’écouter avec le même respect que je l’ai fait quand ils ont pris la parole.
Ce qui pose problème, à mes yeux et à ceux des gens que je représente, ce sont les modifications au Code criminel ainsi que la mise en œuvre de ce projet de loi, qui crée un cadre et une structure tels que quiconque pourra, simplement en ajoutant une virgule, décréter qu’on ne peut plus élever de chevaux ou s’en servir pour des spectacles. Je ne dis pas que c’est ce qui va arriver, mais la structure proposée dans le projet de loi rend cela tout à fait possible. Il y a de quoi s’interroger. Pourquoi a-t-on besoin d’une telle massue pour changer ce que nous voulons changer ?
Qui se ressemble s’assemble. J’observe que les organisations qui appuient publiquement ce projet de loi réclament qu’on interdise les rodéos, la pêche, la consommation de viande et l’élevage des animaux dans une ferme. Voilà ce que réclament ces organisations, et je pense notamment à Animal Justice et à quelques SPCA. Le projet de loi répond aux intérêts de ces organisations-là.
Comme je l’ai dit, je ne m’y oppose pas. Les études scientifiques montrent que la vie en captivité ne convient pas à tous les cétacés. Mais il faut aussi être logique, et se demander sérieusement si c’est la meilleure façon de procéder. Je vais donner un exemple. Mme Laura Graham, qui a un doctorat, a déclaré devant le comité qu’il n’y avait aucune définition du mot « cruel » dans le projet de loi. Comme je l’ai dit, de nouvelles définitions sont adoptées, et c’est la première fois qu’un projet de loi propose de rendre illégal et de pénaliser l’élevage des animaux. C’est un précédent très dangereux pour quiconque exerce ce genre d’occupation.
En plus de souligner que le projet de loi ne contient aucune définition du mot « cruel », Mme Laura Graham, qui est une scientifique, s’est inquiétée de l’absence d’une évaluation objective. Elle a aussi remarqué que ceux qui défendent le projet de loi sous-estiment le rôle des zoos et des aquariums, des institutions qui peuvent sensibiliser le public et amener les gens à se préoccuper du sort de la planète.
Elle a donné l’exemple des marsouins de Californie, dont il reste une dizaine d’individus dans le golfe, pas plus. Si nous cessions d’utiliser les installations de Vancouver, de Marineland et de SeaWorld pour le divertissement et que nous en faisions des outils de conservation, avec des programmes d’élevage en captivité, il se pourrait qu’un jour nous soyons en mesure de rejeter dans l’océan une population viable de ces marsouins.
Je reviendrai sur le témoignage de Mme Graham dans un instant. Au comité, j’ai eu l’occasion de discuter avec le sénateur Sinclair de l’idée qu’on se fait d’un parc national, par exemple. Là où j’habite en Alberta, il y a le parc national Elk Island, qui n’est pas un parc national typique. Il est complètement clôturé, et les animaux qui sont gardés en captivité servent pour l’élevage et l'amélioration de l'espèce. Les gens peuvent acheter un billet pour observer les animaux sauvages. Ils peuvent aussi y aller à d’autres fins, mais s’ils y vont c’est surtout pour voir les wapitis et les bisons. Et justement, on vient de réintroduire le bison au Yukon, avec un certain succès — selon les critères qu’on utilise pour mesurer ce succès. On a réussi à réintroduire le bison dans le parc national de Banff, ce qui n’aurait pas été possible si on n’en avait pas élevé en captivité dans le but de repeupler cette espèce.
Toute cette idée de mettre fin à la captivité des cétacés, c’est quelque chose de très émotif. Je comprends. Moi aussi je ressens la même chose lorsque je vois des animaux en captivité. J’aime aller à la chasse et à la pêche, observer les animaux en liberté, et à moi aussi ça me fait un pincement au cœur. Je ne suis pas un être froid et cruel, et je comprends tout à fait ce genre d’argument. Mais je suis aussi un défenseur de la nature, et je sais que nous devons utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition pour réintroduire les animaux sauvages qui ont disparu à cause de nos mauvaises pratiques ou de notre mauvaise gestion. Les autres pays ne font pas tous aussi bien que le Canada dans ce domaine, mais il y a aussi certaines choses que nous ne faisons pas aussi bien que nous le devrions.
Cela dit, nous avons l’occasion, aujourd’hui, de nous demander si ce projet de loi ne va pas faire plus de mal que de bien, à la longue. Le pincement au cœur qui nous pousse à vouloir mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins, c’est le même que celui qui aurait dû nous empêcher de créer ces installations au départ. La Ville de Vancouver n’a pas eu besoin de ce projet de loi pour décider de mettre un terme à la captivité des animaux dans un but de divertissement, mais les installations sont encore utilisées pour le sauvetage et la réhabilitation des cétacés.
La ville pourrait tout aussi bien s’en servir pour reconstituer une population de bélugas, comme celle de la Voie maritime du Saint-Laurent. Nous savons qu’à Marineland, par exemple, les bélugas se reproduisent très bien. Or, ce projet de loi rendrait cette reproduction impossible ou illégale, et passible d’une peine d’emprisonnement. À quoi cela sert-il? Il va falloir séparer les troupeaux de bélugas à Marineland, séparer les mâles des femelles, et on va se retrouver avec exactement le même problème que celui que dénoncent ceux qui s’opposent à la captivité. Le projet de loi va créer du stress au sein de ces familles d’animaux.
Nous savons que les bélugas se reproduisent facilement en captivité, avec un taux de réussite très élevé. Ils ont aussi un taux de natalité et un taux de survie très élevés. Or, des populations de bélugas sont en difficulté dans certaines régions du monde. Faute de trouver, dans la nature, des conditions favorables à la reproduction de ces populations, avant qu’elles ne disparaissent complètement, nous aurions ainsi la possibilité de sauver cette espèce. Les recettes générées par la vente de billets aux visiteurs pourraient servir à financer la recherche et la mise en œuvre d’un programme d’élevage en captivité, ce qui, dans le cas des bélugas, ferait beaucoup plus de bien que de mal.
Voilà ce que je demande à mes collègues ici présents de prendre en considération. Certes, c’est très populaire de voter pour ce projet de loi. Des films comme Mon ami Willy et Blackfish: l'orque tueuse nous poussent à vouloir faire ce que nous pensons être bien.
Pendant son témoignage, Laura Graham a parlé de Jane Goodall. Elle ressentait la même chose qu'elle à propos des chimpanzés en captivité, mais ensuite, elle a changé d’avis. Au fur et à mesure que les maisons ont empiété sur l’habitat naturel des chimpanzés et que les études scientifiques se sont approfondies, elle a changé d’avis parce qu’elle a constaté que ces animaux étaient bien traités dans les zoos et les autres installations similaires. J’invite donc simplement mes collègues à prendre cela en considération avant d’adopter ce projet de loi insatisfaisant.