Madame la Présidente, j'ai le plaisir de prendre la parole de nouveau à la Chambre au sujet du projet de loi C-77, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense nationale. Je siège au Comité permanent de la défense nationale avec le député de Selkirk—Interlake—Eastman et la députée de Renfrew—Nipissing—Pembroke, qui ont énormément d'expérience. On se souviendra sans doute que je me suis adressé à mes collègues sur le même sujet le 1er octobre 2018.
Le projet de loi C-77 vise à apporter des changements au système de justice militaire canadien. Celui-ci a vu le jour en 1950 et a subi des amendements législatifs au cours des années, notamment en 1998, en 2001, en 2008 et en 2013.
Alors que la cour martiale est similaire au système de justice criminel canadien quant à son indépendance et au fardeau de la preuve, elle est par contre entièrement militaire. Cependant, mes collègues ne sont pas sans savoir que les décisions, au besoin, peuvent en être appelées devant les instances du système civil canadien.
L'existence d'un système de justice militaire canadien a d'ailleurs été reconnue au fil des années, notamment dans la Charte canadienne des droits et libertés, où on y fait référence. Dans une décision récente de la Cour suprême, en 2015, les magistrats ont renforcé cette référence en écrivant que le système parallèle du droit militaire était profondément enraciné dans l'histoire canadienne et appuyé par des principes évidents. Le système de cour martiale devrait aider les forces armées à mieux conduire leurs opérations et contribuer à maintenir la discipline, l'efficacité et le moral des troupes. C'est dans cette optique que j'ai analysé le projet de loi C-77.
Comme je l'ai souligné en octobre dernier, ce projet de loi a beaucoup de similitudes avec le projet de loi C-71 qui avait été déposé par notre gouvernement conservateur. Le but de ce projet de loi était d'aligner notre système de justice militaire canadien sur le Code criminel du Canada. Les changements proposés visaient, entre autres, à inclure la Charte canadienne des droits des victimes dans la Loi sur la défense nationale, à imposer une période de prescription de six mois aux procès sommaires et à préciser quels dossiers devraient être traités par un procès sommaire. Le projet de loi C-77 dont nous discutons aujourd'hui propose ces mêmes changements.
Avant de m'aventurer dans une section du projet de loi que nous estimons plus problématique, j'aimerais fortement réitérer que les conservateurs vont toujours protéger les victimes d'actes criminels et s'assurer qu'elles obtiennent un traitement plus juste dans le système de justice criminelle canadien. C'est d'ailleurs notre gouvernement conservateur qui avait créé la Charte canadienne des droits des victimes. C'est sûr que nous allons appuyer son intégration au système de justice militaire du Canada. C'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle nous avions introduit le projet de loi C-71.
Le gouvernement libéral ne veut pas admettre aujourd'hui qu'il nous copie avec le projet de loi C-77, mais les libéraux savent pertinemment ce qu'ils font. Je ne les blâme pas, car c'est la bonne chose à faire. Par contre, ce serait bien que mes collègues du gouvernement fassent preuve de bonne foi et reconnaissent l'excellent travail que nous avions fait en matière de droits des victimes sous le gouvernement conservateur précédent.
Honnêtement, ce serait la moindre des choses. Le gouvernement devrait faire ce bel exercice non partisan.
Dans son ensemble, le projet de loi C-77 n'est pas un mauvais projet de loi. Par contre, il y a un élément troublant dans le projet de loi, et c'est l'article 25, qui traite de la section 5, qui modifie les articles 162.1 à 164.2 de la Loi sur la défense nationale.
Cette partie diffère grandement du projet de loi que nous avions proposé, soit le projet de loi C-71. Dans le projet de loi C-77, le fardeau de la preuve passe de « au-delà de tout doute raisonnable » à « une prépondérance des probabilités. »
Évidemment, cela n'accorde pas le même niveau de protection à nos hommes et à nos femmes en uniforme qui entame le processus d'audience sommaire. Octroyer des mesures pénales en rendant des décisions basées sur une prépondérance des probabilités plutôt que sur des principes hors de tout doute raisonnable ouvre la porte à des contestations en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Comme je le disais au début de mon allocution, le système parallèle de justice militaire s'appuie sur la Charte canadienne des droits et libertés. Malheureusement, le gouvernement libéral n'a pas appuyé l'amendement proposé par mon collègue le député de Selkirk—Interlake—Eastman. Cet amendement aurait facilement pu résoudre le problème, en changeant « prépondérance des probabilités » par « hors de tout doute raisonnable ».
Maintenant que le projet de loi C-77 est appelé se rendre à l'étape suivante, j'ose espérer que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense proposera des amendements en ce sens.
En comité, le lieutenant-colonel à la retraite Jean-Guy Perron et le Barreau du Québec nous ont fait part de leur doute quant au fait que la prépondérance des probabilités pourrait être une violation des droits garantis par la Charte.
Les conservateurs appuient notre système de justice canadien tel que défini dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Constitution. Toutefois, nous n'appuyons pas un système de justice parallèle qui contrevient à nos droits et à nos libertés.
C'est, entre autres, la raison pour laquelle le rapport du Comité permanent de la défense nationale a approuvé avec dissidence certaines modifications au projet de loi.
En conclusion, je dirai ceci. C'est important de rappeler que le projet de loi C-77 est majoritairement une copie du projet de loi conservateur C-71. Je serais heureux que les libéraux reconnaissent simplement le travail exemplaire que nous avons fait, par le passé, en faveur des droits des victimes et qu'ils reconnaissent que le fait d'ajouter la Charte des droits des victimes au sein du système de justice militaire n'est qu'une continuité évidente du travail que nous avions entamé.