Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-77, les modifications à la Loi sur la défense nationale qui renforceront la justice militaire par l'ajout notamment de nouvelles lignes directrices. Les conservateurs réclament cela depuis un certain temps.
Les conservateurs sont résolus à défendre les droits des victimes et à faire en sorte que leur voix se fasse mieux entendre dans le système de justice pénale. C'est le gouvernement précédent, notre gouvernement conservateur, qui a mis en oeuvre la Charte canadienne des droits des victimes. Nous sommes en faveur de l'intégration des droits des victimes à notre système de justice pénale. C'est la raison pour laquelle, au cours de la dernière législature, nous avons présenté le projet de loi C-71, qui constitue les véritables fondements du projet de loi C-77 dont nous débattons aujourd'hui.
Le Parti conservateur défendra toujours les droits des victimes, et c'est pour cela que nous sommes en faveur de l'adoption et de la mise en oeuvre du projet de loi C-77.
Nous devons rétablir les droits des victimes et nous assurer qu'ils se trouvent au centre de notre système judiciaire. C'est pour cela qu'on va créer le pendant de la Charte canadienne des droits des victimes dans le droit militaire, une fois le projet de loi adopté au Sénat.
J'espère que certaines des questions qui me restent à propos du projet de loi et certaines de celles qui viennent d'être posées à propos de l'automutilation trouveront leurs réponses une fois que le projet de loi aura été envoyé à l'autre endroit pour y être étudié et discuté plus avant.
Je suis vice-président du Comité permanent de la défense nationale. Le Comité a entendu de nombreux témoins. Ceux qui viennent en aide aux victimes ont appuyé très fortement le projet de loi, qui permettra aux victimes, dans les Forces canadiennes, de bénéficier d'un meilleur accès à l'information grâce à la nomination d'un agent de liaison, ce dont elles se réjouissent. Elles profiteront d'une protection accrue grâce à de nouvelles dispositions en matière de sécurité et de protection de la vie privée et n'auront plus à craindre que leurs renseignements soient utilisés de façon inappropriée à la suite d'une violation de leur droit à la vie privée. Elles pourront participer plus activement en ayant le droit de présenter, lors de la détermination de la peine, une déclaration sur les répercussions qu'elles subissent. Enfin, dans la mesure du possible, elles auront droit à un dédommagement pour leurs pertes puisque ce sera désormais permis dans les procès en cour martiale.
Le gouvernement conservateur précédent a pris des mesures importantes afin de protéger les Canadiens et défendre les victimes d'actes criminels. Nous pensons que la priorité absolue de tout gouvernement doit être d'assurer la sécurité de ses citoyens, notamment ceux qui servent dans les Forces armées canadiennes. C'est une responsabilité du gouvernement. Le gouvernement conservateur prenait cette responsabilité au sérieux. Je me réjouis de voir les modifications proposées dans le projet de loi C-77, qui montrent que le ministre l'a aussi prise au sérieux.
Il est important de redonner aux droits des victimes une place centrale dans le système de justice. C'est essentiel pour assurer l'équité, pour assurer que le système de justice soit humain et qu'il repose sur un équilibre entre les droits des victimes et ceux des individus déclarés coupables. C'est une question de courtoisie, de compassion et de respect, des éléments qui doivent faire partie intégrante de toutes les étapes du processus judiciaire, qu'il s'agisse des tribunaux civils ou militaires.
Le gouvernement conservateur précédent était déterminé à changer les choses et à faire en sorte que les familles canadiennes puissent être en sécurité dans nos collectivités. Nous avions adopté des mesures concrètes pour veiller à ce que les délinquants soient tenus responsables de leurs actes.
De ce côté-ci de la Chambre, nous étions tous fiers du bilan du gouvernement conservateur, un bilan qui comprend la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, la réforme de la loi sur la non-responsabilité criminelle, des lois contre l'exploitation sexuelle et, bien entendu, contre la cyberintimidation.
Les conservateurs pensent que le système de justice pénale a fait passer les droits des criminels en premier pendant beaucoup trop longtemps. À nos yeux, ce sont les victimes qui doivent être au coeur du système de justice. Elles méritent, et devraient avoir, le droit à l'information, le droit à la protection, le droit à la participation et, lorsque c'est possible, le droit au dédommagement. Ces droits sont prévus dans la Charte canadienne des droits des victimes, une mesure législative historique dont les principes seront dorénavant inclus dans la Loi sur la défense nationale, qui s'applique aux militaires.
Beaucoup de gens se demandent pourquoi nous avons un double système, c'est-à-dire un pour les civils et un pour les militaires. Je vais lire une citation de Maurice de Saxe, ancien maréchal de France en 1732. Il a écrit ceci sur la science de la guerre:
[...] la discipline militaire [...] est l'âme de tout le genre militaire. Si elle n'est établie avec sagesse et exécutée avec une fermeté inébranlable, l'on ne saurait compter avoir de troupes; les régiments, les armées ne sont plus qu'une vile populace armée, plus dangereuse à l'État que les ennemis mêmes [...]
Dans l'ère moderne, nous avons constaté cette réalité dans d'autres pays du monde. C'est pourquoi la Loi sur la défense nationale a été adoptée en 1950 afin d'établir un système de justice militaire.
J'estime que les gens les plus talentueux servent déjà dans les Forces armées canadiennes. Étant donné qu'ils représentent la crème de la crème et qu'ils ont ordre de recourir à la force meurtrière, au besoin, pour défendre le Canada, les Canadiens et les gens du monde entier qui ne peuvent pas se défendre, ils doivent être tenus de respecter des normes plus élevées. Le Canada a besoin d'avoir un système de justice militaire en place qui tient compte des lois du pays et qui continue d'assujettir les militaires aux normes, aux valeurs et aux principes canadiens lorsqu'ils sont déployés à l'étranger.
Comme le ministre l'a déjà souligné, certaines des modifications proposées dans le projet de loi C-77 s'appuient sur le code de discipline militaire et l'opération Honour. Nous voulons adopter des mesures efficaces pour mettre fin à l'inconduite sexuelle, éliminer le harcèlement au sein des Forces armées canadiennes et combattre l'intolérance.
Nous avons tenu compte de la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Gladue afin d'améliorer le processus décisionnel dans le cadre du système de cour martiale et des audiences sommaires. Nous voulons maintenir en place les systèmes de justice militaire parallèles, qui ont l'appui de la Cour suprême du Canada.
En effet, dans l'affaire Généreux, en 1992, l'affaire MacKay et, plus récemment, l'affaire Moriarity, en 2015, la cour a toujours maintenu que la Loi sur la défense nationale et le système de justice pénale servent à maintenir la discipline, l'efficacité et le moral au sein des Forces armées canadiennes. La cour appuie l'exception à l'alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui permet aux Forces armées canadiennes et à la chaîne de commandement d'appliquer un système de justice militaire parallèle.
J'ai exprimé mes préoccupations au comité — de même qu'au moment où le projet de loi était en deuxième lecture — par rapport à la décision prise par la Cour d'appel de la Cour martiale dans l'affaire Beaudry, dans laquelle le juge-avocat général a demandé cette position à ce stade-ci afin que la cause puisse être portée devant la Cour suprême et que celle-ci se prononce à son sujet. Nous constatons encore que certains ne pensent pas que les forces armées devraient être dotées de leur propre système de justice, et que les causes devraient être portées devant des tribunaux civils, sauf quand des militaires sont en déploiement.
De façon générale, nous devons maintenir cette chaîne de commandement et mettre en application les règlements et les ordres de la reine. Ces règlements doivent refléter plusieurs inquiétudes qui ont été soulevées au comité.
Un certain nombre de témoins très influents ont comparu devant le comité. Je pense par exemple à Jean-Guy Perron, un colonel à la retraite. Il a déjà été juge-avocat général et juge à la cour martiale générale. Des membres du Barreau du Québec ont également livré des témoignages convaincants. Ils ont évoqué la possibilité de se retrouver un jour devant des contestations fondées sur la Charte si nous ne prenons pas les bonnes décisions.
Une chose ressort de façon très évidente: le remplacement du terme « procès sommaire » par « audience sommaire » peut réduire le fardeau de la preuve. À l'heure actuelle, le fardeau de la preuve est le même que devant les tribunaux civils: la culpabilité doit être établie hors de tout doute raisonnable. Ce critère a été quelque peu modifié et un accusé pourrait rencontrer encore plus de difficulté dans l'avenir.
Je cite les propos du lieutenant-colonel Jean-Guy Perron, aujourd'hui à la retraite. Il a dit:
Bien que le manquement d’ordre militaire n’équivaille pas à une infraction aux termes de la LDN et l’audience sommaire ne soit pas une cour martiale ou un tribunal militaire, l’accusé « à qui on reproche d’avoir commis un manquement d’ordre militaire qui, sans excuse légitime — dont la preuve lui incombe —, ne comparaît pas devant une cour martiale, un juge militaire ou un officier tenant une audience sommaire, selon le cas, ou ne demeure pas présent, alors qu’il est dûment convoqué ou qu’il a dûment reçu l’ordre de comparaître » s’expose à une mise en accusation en vertu de l’article 118.1 (Défaut de comparaître), laquelle peur mener à un procès devant une cour martiale et, éventuellement, à une condamnation criminelle.
Tout cela est en lien avec l'audience sommaire. Le lieutenant-colonel Perron a ajouté:
Les sanctions mineures seraient-elles identiques ou assez semblables aux peines mineures? Fort probablement et, si tel est le cas, les peines de consigne au navire ou au quartier ainsi que de travaux et exercices supplémentaires soulèvent quelques questions [...] Le commandant peut consigner un contrevenant jusqu’à 21 jours au navire ou au quartier [...] Cette privation de liberté peut être très stricte et équivaloir à une condamnation à l’emprisonnement avec sursis (« détention à domicile »).
Puisque ce genre de sanction peut être considérée comme un emprisonnement, et qu'elle est possible en vertu d'audiences sommaires, sans la tenue d'un procès en cour martiale, est-ce que cela veut dire que les droits de l'accusé sont enfreints étant donné qu'il n'a pas droit à un procès juste et équitable, mais que l'affaire passe simplement par la chaîne de commandement et conduit à une audience sommaire?
Comme l'a dit la Cour suprême du Canada, essentiellement, une détention à domicile ou la consignation aux quartiers constitue une peine d'incarcération.
Plus tôt, j'ai soulevé la question du fardeau de la preuve. Le projet de loi C-77 conserve les mêmes principes et objectifs de détermination de la peine que l'on retrouve dans les poursuites au criminel. De plus, il conserve fort probablement la même procédure pour les audiences sommaires que celle qui est actuellement prévue pour les procès sommaires au chapitre 108 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Il renforce le pouvoir punitif de l'officier tenant l'audience, comme la possibilité de déclarer l'accusé coupable d'un crime plus grave. Il réduit le fardeau de la preuve, qui ne doit pas être faite « hors de tout doute raisonnable », mais selon la « prépondérance des probabilités ».
Nous avons longuement débattu de la différence entre « hors de tout doute raisonnable » et « prépondérance des probabilités ». Je pense que les officiers du juge-avocat général ont bien expliqué la différence au comité et que, grâce à la réglementation qui découlera du projet de loi C-77 et qui sera publiée dans la Gazette du Canada, nous serons en mesure d'atténuer le risque de contestation judiciaire invoquant la Charte et de nous assurer que les droits des accusés sont respectés.
M. Perron poursuit en disant ceci:
En vertu du projet de loi C-77, l’accusé est passible d’une peine plus sévère [...] fondée sur un seuil de déclaration de culpabilité inférieur. L’audience sommaire en vertu du projet de loi C-77 offre moins de protection à l’accusé que ce qui était prévu dans le projet de loi C-71 et que ce qu'offre aujourd'hui le processus de procès sommaire.
Comme nous avons entendu des préoccupations semblables de la part du Barreau du Québec qui s'ajoutent à celles de M. Perron, j'insiste auprès du ministre sur la nécessité d'en tenir compte dans la réglementation. On nous a dit, lors des travaux du comité, que ce serait le cas. Nous avons présenté des amendements qui ont été rejetés par le comité sur la façon de répondre à ces préoccupations. Cependant, je suis heureux qu'au moins un de nos amendements a été adopté en vue de préciser les grades des personnes autorisées à tenir des audiences sommaires et à examiner les plaintes contre les officiers, les sous-officiers ou les autres membres.
Il y a une chose dont nous avons déjà discuté, c'est que nous n'avons pas pu débattre en profondeur de l'alinéa 98 c), concernant les blessures volontaires. La présidence du comité a déterminé que c'était irrecevable, mais je remercie le député d'Esquimalt—Saanich—Sooke d'avoir soulevé cette question. Sheila Fynes est venue avec sa famille témoigner devant le comité. Son fils, le caporal Stuart Langridge, s'est enlevé la vie en 2008. Il avait été en mission en Bosnie et en Afghanistan. Pour ces gens, il est évident que l'alinéa 98 c) de la Loi sur la défense nationale, concernant les blessures volontaires, exacerbe la stigmatisation et pousse ceux qui songent à se faire du mal à garder le silence, par peur d'être accusés aux termes de la Loi sur la défense nationale et de subir un procès en cour martiale ou à tout le moins d'être soumis à une audience sommaire.
Tous les témoins nous ont assuré que cette disposition de la Loi sur la défense nationale est très rarement utilisée.
Dans le cas des militaires qui se font du mal, qui se tirent littéralement dans le pied afin d'éviter d'être déployés ou qui se font délibérément une entorse à la cheville pour éviter de participer à un exercice et de porter un sac à dos de 80 livres sur une distance de 40 milles le lendemain, qui tentent d'éviter des affectations et des exercices ou qui ne souhaitent pas se rendre dans un théâtre d'opérations, il existe de nombreux autres recours aux termes de la Loi sur la défense nationale pour obliger ces personnes à rendre des comptes et pour les traduire en justice pour avoir désobéi aux ordres.
Cependant, dans le cas des militaires qui souffrent de problèmes de santé mentale comme le trouble de stress post-traumatique ou l'anxiété, qui se sont rendus dans un théâtre d'opérations et qui ont été témoins de terribles actes de violence, d'atrocités et de crimes contre l'humanité, nous savons que ces gens ont besoin d'aide et qu'il ne faut surtout pas les stigmatiser ni laisser entendre qu'ils seront inculpés en vertu de l'alinéa 98 c) de la Loi sur la défense nationale, qui porte sur les blessures volontaires.
J'espère que le ministre examinera ce problème et trouvera un moyen de présenter rapidement à la Chambre un nouveau projet de loi pour le régler, si une telle chose est possible. Je suis certain que la Chambre appuierait unanimement le projet de loi à toutes les étapes en vue de supprimer cet article de la loi. Étant donné qu'on a jugé que cette mesure dépassait la portée du projet de loi C-77, je propose que nous trouvions une approche différente pour y arriver et que nous le fassions le plus rapidement et le plus humainement possible en ne nous contentant pas d'inciter seulement les personnes qui pensent au suicide à se manifester.
Les Forces armées canadiennes sont incroyables. Étant donné que la principale source de fierté des Forces armées canadiennes est son personnel, il y a quelques années, l'une des recommandations que nous avons faites lors de l'examen de la politique de défense, qui se reflète actuellement dans la politique de défense des libéraux, c'était de donner aux militaires les outils nécessaires pour faire leur travail. Qu'ils fassent partie de l'Armée canadienne, de la Marine royale canadienne ou de l'Aviation royale canadienne, ces courageux militaires accomplissent un travail incroyable pour assurer la sécurité du Canada. Ils montent la garde 24 heures sur 24. Que ce soit dans les installations de Colorado Springs ou de Winnipeg du NORAD, on peut lire sur les murs la devise suivante: « Nous montons la garde. » C'est ce que font les militaires 24 heures sur 24.
Nous n'avons pas toujours conscience de toutes les menaces qui nous guettent, qu'elles soient aériennes, maritimes ou même terrestres. Grâce aux militaires qui sont déployés ici au pays et ailleurs dans le monde, nous sommes davantage en sécurité chez nous, parce qu'ils montent la garde dans de nombreux pays, des pays comme la Lettonie, le Mali et l'Ukraine. Ils veillent à ce que nous puissions poursuivre nos activités, sans penser à ce qui peut se passer dans le monde et aux risques de piratage informatique, de perturbation des systèmes financiers ou du secteur énergétique et de blocage des voies maritimes qu'empruntent les navires pour transporter nos biens. Notre économie, notre sécurité et notre prospérité reposent sur nous, les Canadiens, mais il ne faut surtout pas oublier que ce sont les membres des Forces armées canadiennes qui les défendent.
Au nom de tous les députés conservateurs et de tous les députés de la Chambre, je les remercie de leur service, car c'est grâce à eux que le Canada demeure fort et libre.