propose que le projet de loi C-418, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, j'aimerais d'abord remercier les nombreuses personnes qui, partout au pays, ont contribué à l'élaboration de ce projet de loi. Cette initiative s'est propagée à l'ensemble du pays et m'a redonné confiance envers le bon jugement des Canadiens. J'espère que les députés feront preuve du même bon sens afin que l'on puisse aussi reprendre confiance en la Chambre.
J'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-418, Loi sur la protection de la liberté de conscience. Je dois souligner de nouveau que je suis étonné de constater à quel point ce projet de loi a attiré l'attention des Canadiens. Nous devrions remercier les nombreux particuliers et groupes pour qui cet enjeu revêt une grande importance en raison du travail qu'ils font pour faire connaître et faire progresser la liberté de conscience au Canada.
Pour commencer à comprendre le projet de loi C-418, il faut revenir un peu en arrière. La Charte des droits et libertés comporte un certain nombre d'articles. L'article 1 garantit évidemment nos droits et libertés. Cependant, il est immédiatement suivi de l'article 2, qui énumère les droits les plus fondamentaux, à commencer par la liberté de conscience et de religion. En 2015, la Cour suprême a déclaré dans l'arrêt Carter que même si l'article 7 de la Charte prévoit le droit de mourir, il précise aussi clairement que nul n'est tenu d'y prendre part.
Puis, le gouvernement a présenté le projet de loi C-14, le projet de loi sur l'aide au suicide. Cela a suscité beaucoup d'attention et de controverse et a jeté les bases de la première série de lois sur le suicide assisté au Canada. Il importe peu qu'on parle d'euthanasie, d'aide médicale à mourir ou de suicide assisté, ce sont tous des noms différents qui désignent la même chose. Les médecins étaient divisés sur la question de leur rôle dans la procédure visant à mettre fin à la vie de Canadiens. Que nous ayons appuyé ou non le projet de loi C-14, il est évident que de nombreux membres de la communauté médicale étaient très préoccupés. Ils ne voulaient pas et ne veulent toujours pas participer à cette procédure.
Lors de son adoption, le projet de loi C-14 donnait la précision suivante au paragraphe 241.2(9): « Il est entendu que le présent article n'a pas pour effet d'obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir ». Cette disposition est insuffisante parce qu'elle ne prévoit aucune infraction, aucun cadre, et aucune pénalité en cas de violation. Bref, ce n'est qu'un énoncé dans le projet de loi C-14.
Dans leurs discours, les libéraux confirment la validité de ce principe et soutiennent aussi que tout le monde bénéficie de la liberté de conscience et de religion en vertu de l'article 2 de la Charte. Cependant, partout au Canada, le personnel médical est confronté à une réalité bien différente. En apparence, la Charte, l'arrêt Carter et le projet de loi C-14 sont censés abonder dans le même sens mais, dans les faits, les médecins et le personnel médical subissent des pressions pour prendre part à un acte avec lequel ils sont fondamentalement en désaccord et aucune protection ne leur est accordée.
La conscience constitue la motivation fondamentale qui incite les professionnels de la santé à poursuivre leurs activités. Les médecins pratiquent tous les jours en sachant que c'est leur conscience qui les pousse à tester les limites de leurs connaissances et de leurs compétences. S'ils sont privés de la capacité de vivre avec intégrité et d'écouter leur conscience, les professionnels de la santé savent que les soins prodigués aux patients seront affectés. Ils connaissent mieux que quiconque l'importance de ces convictions profondes pour eux et leurs patients.
En raison de leurs convictions profondes, nombre de médecins canadiens refusent de prendre part à un acte qui enlève la vie à une personne. En effet, de nombreux médecins sont encore fidèles au serment solennel d'Hippocrate, qui interdit l'administration d'un poison à quiconque. Étant donné que l'aide médicale à mourir est disponible sur demande partout au Canada, les atteintes à la liberté de conscience ne se limitent plus à la théorie ou à la rhétorique des tribunaux. Ce droit est de plus en plus remis en question dans les salles d'examen médical aussi.
C'est pourquoi je crois qu'il est temps de prendre des mesures pour protéger la liberté de conscience qui a résisté à l'épreuve du temps pendant des générations. Par conséquent, le projet de loi C-418 vise à modifier le Code criminel de deux façons.
Primo, il vise à ériger en infraction le fait d’intimider un médecin, un infirmier praticien, un pharmacien ou tout autre professionnel de la santé dans le dessein de le forcer à prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l’aide médicale à mourir.
Secundo, il vise à ériger en infraction le fait de mettre fin à l’emploi d’un médecin, d’un infirmier praticien, d’un pharmacien ou de tout autre professionnel de la santé, ou de refuser de l’employer, pour la seule raison qu’il refuse de prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l’aide médicale à mourir.
Mon projet de loi fournirait au projet de loi C-14 le mordant qui lui fait cruellement défaut. Pour tenter de protéger les médecins, les libéraux ont seulement prévu une disposition rudimentaire, qui indiquait, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, que rien n'oblige une personne à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir. Toutefois, la disposition n'a pas le mordant nécessaire pour être appliquée efficacement, comme le prouve la pression constante que subissent les médecins, surtout de la part des organismes de réglementation de la profession.
J'imagine qu'il faut se demander si ces protections sont vraiment nécessaires. À mon avis, elles le sont. Tout au long du processus législatif, j'ai parlé à des médecins qui ressentent la pression de délaisser la médecine familiale en raison de leurs croyances. J'ai entendu parler de médecins dans le domaine des soins palliatifs en Ontario qui ont tout simplement cessé de pratiquer. Des infirmiers qui se sentent de plus en plus contraints d'aller à l'encontre de leurs convictions choisissent de changer de domaine de spécialité ou de prendre une retraite anticipée. J'ai discuté personnellement avec des gens qui travaillent dans des foyers pour personnes âgées et qui ne veulent pas prendre part à de telles pratiques, mais qui sentent de plus en plus qu'on leur force la main. Ces professionnels ressentent une pression qui existe bel et bien, et ils veulent en être soulagés.
De plus, des associations régionales comme l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario ont pris des directives pour forcer les médecins objecteurs de conscience à prendre part à la pratique en utilisant ce qu'on appelle un « aiguillage efficace » vers un autre médecin qui est prêt à fournir le service de suicide assisté. Une récente décision du tribunal a confirmé la validité de cette directive, ce qui va à l'encontre des garanties prévues dans Carter c. Canada et rend encore plus urgent le besoin de protéger les médecins. Pourtant, on m'a dit que la majorité des médecins ontariens sont favorables à des dispositions concernant l'objection de conscience, mais l'ordre des médecins de la province n'est pas de cet avis.
Aussi étrange que cela peut paraître, la récente décision de la cour tient compte du fait que l'ordre des médecins a suggéré que les médecins qui ne souhaitent pas participer à l'aide médicale à mourir peuvent se trouver une autre discipline médicale. C'est étonnant, surtout dans un contexte où on manque de médecins et de services médicaux. L'ordre des médecins dit que ceux qui ne veulent pas participer à l'aide médicale à mourir peuvent se recycler dans la médecine du sommeil, les traitements de restauration capillaire, la médecine du sport et de l'exercice, la dermatologie, le traitement de l'obésité, les examens pour les pilotes d'avion, la médecine des voyages ou la médecine de santé publique.
Or, nous savons que la pénurie de médecins et les problèmes du système de santé s'aggravent dans bien des régions, plus particulièrement en milieu rural. Je trouve plutôt étrange que l'ordre professionnel fasse ce genre de suggestions aux médecins. La solution n'est pas forcément d'obliger le médecin à participer, à trouver quelqu'un d'autre pour le faire ou à quitter la profession médicale. Le personnel médical et les ressources médicales sont limités. Pourquoi voudrait-on forcer des gens à faire ce qu'ils jugent inacceptable? La loi sur l'objection de conscience du Manitoba montre que, dans ce dossier, on n'a pas à imposer des pratiques au système médical.
Mon projet de loi ne porte pas sur l'acceptabilité sociale de l'euthanasie ou du suicide assisté. Ce n'est pas son objet. Protéger le droit à la liberté de conscience des médecins ne revient pas à créer une opposition entre ceux-ci et les patients. Plutôt, une telle protection renforce les droits des patients. Le projet de loi C-418 vise à protéger la liberté fondamentale de conscience et de religion, un droit garanti à tous les Canadiens en vertu de la Charte des droits et libertés.
Les parlementaires de tous les partis ne peuvent pas fermer les yeux devant la vague d'appuis pour ce projet de loi. De nombreux Canadiens moyens pensent que le moment est venu d'appuyer les médecins et les fournisseurs de soins de santé qui ne souhaitent pas abandonner leurs principes éthiques fondamentaux lorsqu'ils se trouvent au chevet d'un patient. La question n'a rien de rhétorique. On m'a envoyé des photos de l'information diffusée sur les téléviseurs installés dans les hôpitaux. On y voit la main d'un médecin posée délicatement sur le bras d'un aîné. On explique que le suicide assisté est un service médical où les médecins et les infirmiers praticiens aident les patients à réaliser leur souhait de mettre fin à leur souffrance. Un numéro de téléphone est fourni. Curieusement, on ne fait aucunement mention des soins palliatifs ou d'autres moyens de réduire la douleur et la souffrance. On ne parle pas non plus de services de counseling.
Étant donné que l'État, les tribunaux et les établissements de santé présentent l'accès au suicide assisté comme un droit, les personnes qui s'y opposent ne devraient-elles pas jouir de cette liberté de conscience extrêmement importante?
Je termine avec une citation tirée du rapport « The Imperative of Conscience Rights », qui a été publié par le CRFI. On peut y lire ce qui suit:
L'issue des controverses actuelles concernant la liberté de conscience non seulement montreront la mesure dans laquelle les Canadiens peuvent en toute conscience participer à la vie publique, autrement dit, s'ils peuvent vivre en accord avec ce qu'ils sont et ce qu'ils défendent en matière de moralité. Elle en dira long aussi sur ce que nous sommes et ce que nous défendons, comme société. Supprimer des croyances que nous n'endossons pas ou que nous trouvons offensantes au nom de la tolérance et du libéralisme est en soi contradictoire. Le fait que l'État juge une chose légale ne prive personne de la liberté d'exprimer son opposition morale. Cette liberté n'est pas absolue, mais ses racines — l'intégrité, l'identité et la dignité — sont indispensables à l'épanouissement des êtres humains. Ces racines doivent donc demeurer une priorité chaque fois qu'on propose de limiter la liberté de conscience. Nous croyons que les gouvernements ne devraient limiter ce droit que pour une raison incontestable.