propose:
Que la Chambre: a) condamne la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui a mené à la mort d’une jeune femme par un détenu alors qu’il était en semi-liberté en janvier de cette année; b) donne instruction au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de tenir des audiences sur cette affaire, y compris d’examiner les changements apportés par le gouvernement en 2017 au processus de nomination de la Commission, en vue de recommander des mesures à prendre pour veiller à ce qu’une tragédie de ce genre ne se reproduise plus jamais.
— Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Medicine Hat—Cardston—Warner.
La journée d’aujourd’hui est très importante pour l’opposition officielle, mais surtout pour la famille de Marylène Levesque, qui doit obtenir des réponses. Marylène Levesque est cette jeune femme de 22 ans qui a été assassinée il y a deux semaines à Québec, dans ma région.
Ce drame m’a personnellement touché. Je suis incapable de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à une situation où un prisonnier en liberté conditionnelle pouvait avoir des relations sexuelles avec des femmes. C’est même une recommandation qui a amené cet homme à avoir des relations sexuelles, alors qu’il a tué son ex-conjointe en 2004 et qu’il a été condamné à la prison à vie en 2006.
La première question qu’on peut se poser devant une telle situation, c’est pourquoi l’individu avait été relâché avant les 15 ans déterminés par le juge. La deuxième question est de comprendre comment a été mise en place la stratégie de l’agente des libérations conditionnelles, dont le rapport a été signé et adopté par deux commissaires. Ce rapport mentionnait que le prisonnier en liberté conditionnelle avait un problème avec les femmes. C’était clair. Cet homme avait tué son ex-conjointe et avait démontré pendant près de 15 ans qu’il n’était pas en mesure de nouer des relations normales avec des femmes.
Dans le rapport de libération conditionnelle, on peut lire ce qui suit:
En audience, votre agente de libération conditionnelle a souligné qu’une stratégie a été développée afin que vous puissiez rencontrer des femmes, mais seulement afin de répondre à vos besoins sexuels. Votre ÉGC [...] vous a permis de faire ces rencontres moyennant que vous fassiez preuve de transparence.
Voilà le nœud de l’affaire qui nous amène à déposer cette motion dont nous débattons aujourd’hui à la Chambre des communes. Comment deux commissaires ont-ils pu accepter et signer un rapport qui permet à un tueur de femmes, à quelqu’un qui a des problèmes psychologiques dans ses relations avec les femmes, d’assouvir ses besoins sexuels avec des femmes? Cela sous-entend qu’il peut faire affaire avec des prostituées et qu’il peut avoir une relation avec d’autres femmes. Or ces femmes ne savent pas qui il est ni d’où il vient. On envoie carrément un loup dans la bergerie.
La région de Québec, le Québec et maintenant le Canada sont consternés par cette histoire. N’oublions pas que Marylène Levesque a payé de sa vie cette permission octroyée à un prisonnier comme Eustachio Gallese.
Ces questions nous amènent à essayer de comprendre comment la Commision des libérations conditionnelles du Canada s’est vue complètement transformée dans les dernières années. À partir du moment où nous avons changé de gouvernement en 2015, des changements ont été apportés. Des contrats de commissaires expérimentés qui étaient en place n’ont pas été renouvelés. Le gouvernement a décidé que les nominations des commissaires se feraient au niveau politique. Ainsi, des gens ont été nommés. C’étaient sûrement de bonnes personnes. Je ne veux pas accuser les individus, mais il reste que des gens ont été nommés de façon politique à des postes de commissaires, qui sont des postes stratégiques, sans avoir l’appui des anciens. Normalement, lorsqu’on travaille, un ancien est toujours jumelé à un nouveau, pour assurer la transmission des connaissances.
Ces questions sont fondamentales, parce que ces gens ont une responsabilité énorme en matière de sécurité publique. Ils signent et cautionnent des libérations de meurtriers, des gens que la cour a condamnés à la prison à vie. Ceux-ci demandent une libération et, selon différents critères, on accède à leur demande. Dans ce cas précis, on a donné la possibilité à un meurtrier de femmes de rencontrer des femmes pour assouvir ses besoins sexuels. C’est incompréhensible. Personne ne comprend cela. Même le chef du Service de police de la Ville de Québec, Robert Pigeon, a dit en entrevue la fin de semaine dernière qu’il n’avait jamais vu une telle chose de toute sa carrière et qu’il ne pouvait comprendre comment cela avait pu arriver.
Il y a un autre problème: en 2018, le vérificateur général du Canada a mentionné dans son rapport qu’il y avait des problèmes relatifs aux suivis et à l'hébergement pour les gens en liberté conditionnelle.
Il y a donc un ensemble de facteurs qui mènent à une situation explosive. Je le répète, Marylène Levesque l'a payé de sa vie. Quoiqu'en disent certaines personnes, Marylène gagnait effectivement sa vie comme « escorte ». L'achat de services sexuels est illégal actuellement. Or on a vu qu'un rapport du gouvernement proposait d'aller vers les femmes et indirectement vers les « escortes », ce qui est illégal. La population se questionne énormément sur ce qui s'est passé.
On voit d'ailleurs que la situation de Marylène Levesque n'est pas la seule. Il y a deux ans, nous avons ici même longuement débattu du meurtre de Tori Stafford.
On se souviendra de cette autre jeune Canadienne qui avait été enlevée, violée, torturée et assassinée par Michael Rafferty et Terri-Lynne McClintic. On avait retrouvé son corps en Ontario. C'était un meurtre incroyable, et les meurtriers ont été condamnés à la prison à vie. Or, après seulement six ans, on apprenait que Mme McClintic avait été transférée d'un pénitencier à sécurité maximale vers le pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, un pavillon à sécurité minimale situé en Saskatchewan. Comme Mme McClintic prétendait être autochtone, on l'a envoyée dans un centre de ressourcement où il n'y a que des caméras et où on peut ouvrir la porte et sortir quand on veut. C'est une situation que la population du Canada tout entier ne comprenait pas. Nous avions soulevé le point à la Chambre des communes, mais les libéraux ne voulaient pas changer les choses. À la suite de beaucoup de pression et après que la population se soit révoltée, le gouvernement a finalement renvoyé Mme McClintic dans une prison normale.
Ces décisions font qu'on se pose énormément de questions sur l'ensemble du processus de décisions qui sont prises. C'est pour cette raison que nous voulons revoir comment fonctionne la Commission des libérations conditionnelles du Canada et comment sont appuyées les décisions.
Au Québec, la ministre de la Justice, Mme Sonia LeBel, a résumé la situation du meurtre de Marylène Levesque en une seule phrase: « Les libérations conditionnelles doivent effectivement prendre en compte les principes de réinsertion sociale, mais ils ont comme principe prépondérant d’abord et avant tout la sécurité de nos citoyens, la sécurité des gens ».
À ce sujet, en 2017, huit anciens commissaires aux libérations conditionnelles ont envoyé une lettre au premier ministre. Les deux paragraphes suivants résument clairement la situation: « Nous sommes des commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada et voulons vous transmettre nos sérieuses préoccupations concernant le processus de renouvellement des mandats de commissaires, qui ne nous apparaît pas transparent ».
D'anciens commissaires ont également mentionné dans la lettre: « Notre mandat premier est la protection du public et nous craignons que ce mandat soit actuellement en péril ».
Il s'agit d'une lettre envoyée en 2017 par huit anciens commissaires qui soulevaient déjà l'existence d'une problématique. Ils n'ont jamais reçu de réponse de la part du premier ministre.
Nous ne devons pas nous laisser distraire par le genre de vie que Marylène Levesque avait choisi de mener. L'important est de comprendre que, selon nous, l'individu en liberté conditionnelle avait des conditions inacceptables et que tout le processus doit être revu, de même que la façon de nommer les commissaires aux libérations conditionnelles.