Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de parler encore une fois de mon amendement.
Je vais revenir sur ce qu'a dit mon collègue M. Champoux, du Bloc québécois. En fait, tout est parfait dans le monde tant qu'il n'y a pas de problèmes. Je sais que M. Ripley dit que la liberté d'expression est protégée; il nous donne la version du ministère à ce sujet. Cependant, comme M. Champoux l'a bien souligné, plusieurs voix s'élèvent au pays, notamment celles d'experts tout à fait crédibles, pour émettre une opinion complètement à l'opposé de la vision du ministère.
Au cœur de cette question se trouve le CRTC, cet organisme dont la façon de procéder est, à certains égards, contestée par plusieurs personnes, notamment d'anciens hauts dirigeants du CRTC. Ces derniers remettent fortement en question ce projet de loi.
Je veux mettre quelque chose au clair: je n'essaie pas de dévier du sujet, mais je veux parler d'un article qui a été publié cette semaine dans La Presse, qui fait partie du lot des médias les plus crédibles au pays. Le journaliste Philippe Mercure a écrit ce texte portant sur une décision qu'a prise le CRTC sur les tarifs Internet. Certains me diront que cela n'a pas de rapport avec le sujet, mais je veux simplement illustrer le fonctionnement du CRTC. Le premier ministre Justin Trudeau avait clairement dit en 2015 qu'il voulait faire baisser la facture Internet des citoyens et des citoyennes. Malgré des directives gouvernementales claires, le CRTC est revenu sur son calcul de 2018 et a rendu une décision qui aidait les gros joueurs, au détriment de la population et des citoyens.
Selon le journaliste expert dans ce dossier, le CRTC a fait « une volte-face à 180 degrés, que l'organisme fédéral explique... par des “erreurs” commises en 2019 » dans ses propres calculs. Par suite de cette décision, les prochaines factures Internet des citoyens vont plus que doubler, à cause d'une erreur que le CRTC aurait faite en 2019. Le journaliste ajoute ceci: « On ne demande qu'à le croire. Sauf que le CRTC refuse de présenter un nouveau calcul pour justifier son virage pro-industrie. »
Vers la fin de l'article, il écrit: « L’organisme réglementaire choisit donc simplement d’annuler les baisses de tarifs et de conserver ceux qui sont actuellement en vigueur. Dans une désinvolture stupéfiante, il affirme que, de toute façon, les nouveaux calculs arriveraient “probablement” à des tarifs qui “s’approcheraient” de ceux utilisés actuellement. » Le CRTC décide volontairement de dire qu'il ne fera même pas l'exercice rigoureux et scientifique nécessaire.
Quand je vois de telles choses se produire relativement aux frais Internet des citoyens, je m'interroge. Quel est le rapport avec le projet de loi C‑10, me direz-vous? Eh bien, je parle de l'organisme à qui on va donner tous ces pouvoirs demain matin, alors que nous ne savons même pas quelle lecture le CRTC fera du projet de loi, comme M. Champoux l'a bien souligné. Le CRTC a neuf mois pour nous dire quelle sera sa lecture du projet de loi et comment il va l'appliquer, car il n'y a aucune balise. C'est nous tous au Comité, et pas seulement les conservateurs, qui avons ajouté des balises dans le projet de loi pour le contenu francophone, le contenu canadien, et ainsi de suite, parce qu'il n'y avait rien de tout cela, au départ.
On a beau dire que, d'après la lecture qu'on fait du projet de loi, la liberté d'expression est protégée. Cependant, il me semble que l'amendement CPC‑9.5 que je propose offre une sécurité supplémentaire permettant de s'assurer que le CRTC respecte la liberté d'expression, laquelle est fondamentale et revendiquée par plusieurs experts. Je ne parle pas seulement de Canadiens, mais aussi d'experts reconnus provenant de différentes universités ainsi que du domaine du droit partout au pays.
Mon amendement exige simplement que le CRTC publie sur son site Web l'avis juridique qui confirme que la Charte canadienne des droits et libertés est respectée, et que cet avis soit par la suite publié dans la Gazette du Canada.
Mon collègue M. Waugh disait qu'il n'avait jamais lu la Gazette du Canada, et c'est la raison pour laquelle nous voulons que l'avis juridique soit publié sur le site Web du CRTC également. Je comprends qu'on ne veuille pas augmenter inutilement la paperasse, mais c'est quelque chose qui n'est pas trop compliqué. Il suffirait d'un petit cours 101 assez simple. Nous pourrons tous relayer l'information par la suite sur nos pages Web et sur les réseaux sociaux.
Compte tenu des antécédents du CRTC, cette exigence n'est qu'une mesure de protection supplémentaire que nous nous donnons comme pays, comme citoyens. Cette mesure sera bonne pour les artistes, tant ceux qui font partie d'associations que ceux qui sont indépendants et qui travaillent de leur foyer.
Sincèrement, je ne crois pas que ce que demande l'amendement CPC‑9.5 soit démesuré de quelque façon que ce soit. En tout respect, même si cela demandait un peu plus de paperasse, comme M. Ripley l'a dit en répondant à une question de M. Champoux, serait-ce un prix trop élevé pour protéger notre liberté d'expression? Je suis désolé, mais la liberté d'expression n'a pas de prix.
Je propose cet amendement avec tout le respect que je dois à mes collègues, aux fonctionnaires qui sont ici et à tous ceux qui ont travaillé sur cette question. Au-delà de l'expertise de chacun, nous sommes tous des êtres humains. Nous avons tenté du mieux que nous pouvions d'améliorer le projet de loi. À la base, il n'était pas parfait; c'est ce qui explique la multitude d'amendements qui ont été déposés. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux vont passer dans le tordeur, sans que nous ayons eu la chance d'en discuter.
D'une façon ou d'une autre, le projet de loi va être contesté devant les tribunaux. En effet, ce n'est pas vrai que les choses vont rouler rondement demain matin, malgré tout ce que l'on veut bien laisser croire. Ce ne seront pas les conservateurs qui seront responsables du blocage du projet de loi, ce sera la cour, qui va nous rendre justice. Dans ce cas-ci, ce seront des professeurs de droit ou des gens de ce domaine précis qui contesteront des éléments du projet de loi C‑10. Je pense qu'ils ont droit, eux aussi, à la reconnaissance de leur expertise lorsqu'ils font des commentaires un peu partout.
Je ne veux pas aller plus loin, parce que je veux vraiment que l'amendement CPC‑9.5 soit mis aux voix. J'aimerais aussi avoir l'occasion de présenter l'amendement CPC‑9.6 par la suite, si nous ne sommes pas encore arrivés à la fin de la période de cinq heures dont nous disposons.
Merci, monsieur le président.