Merci beaucoup. Je vous remercie à mon tour de cette invitation.
Je commencerai par l'économie mondiale. Le début de 2023 avait pour thème la résilience. Nous nous attendions assurément à un ralentissement de cadence, mais les données que nous avons reçues, particulièrement pour les mois de janvier et de février, nous montrent que ce ralentissement est moins prononcé que nous l'appréhendions. Nous remarquons même des signes d'amélioration depuis le début de la nouvelle année, notamment dans le secteur des services. Les marchés du travail nous ont fortement surpris par leur vigueur, particulièrement en janvier et en février. Cela a été le cas aux États‑Unis et au Canada. Cela étant dit, nous continuons de prévoir cette année un ralentissement et le début d'une récession.
Aux États‑Unis, le secteur de l'habitation a été très touché par les hausses de taux d'intérêt. Par exemple, par rapport au sommet, on constate une contraction de 58 % des nouvelles demandes en vue d'un achat. De plus, on commence à voir des signes de faiblesse dans la demande de travailleurs de la construction, particulièrement dans le domaine de la construction résidentielle. Cela indique qu'il risque d'y avoir bientôt des pertes d'emplois, qui s'ajouteront à celles que l'on recense actuellement dans les secteurs technologique et financier.
Évidemment, la turbulence actuelle dans le monde bancaire causera, à tout le moins, des dommages permanents. Certaines institutions financières américaines étaient déjà en train de resserrer assez considérablement les conditions de crédit. Cette tendance va vraisemblablement aller en s'amplifiant. Il y a peu de doute que ces dynamiques vont freiner l'investissement et la création d'emplois. Il est encore trop tôt pour déterminer l'ampleur de ce ralentissement, mais nous pouvons dire avec un peu plus de certitude que le ralentissement en douceur que la Réserve fédérale américaine espérait orchestrer relèverait de plus en plus de l'exploit.
Ici, au Canada, nous avons eu un peu moins de surprises positives. Ce n'est pas que nous n'en avons pas eu, mais le bilan a été plus nuancé. Si on exclut les circonstances favorables dans la création d'emplois, la croissance économique a surpris les économistes en stagnant au quatrième trimestre de 2022. L'inflation et le marché immobilier ont également évolué, généralement à la baisse. La consommation des ménages canadiens connaît des hauts et des bas. Par exemple, la province de l'Ontario a connu, au troisième trimestre de 2022, sa plus forte baisse de la consommation depuis 1992, si on exclut la pandémie.
Il reste que les indicateurs plus récents montrent un certain regain du côté canadien, influencé, entre autres, par les livraisons d'automobiles, au gré des améliorations aux chaînes d'approvisionnement. Toutefois, cet effet devrait être temporaire, et plusieurs enquêtes confirment que l'appétit d'achats importants des Canadiens est à un niveau particulièrement bas.
Au fur et à mesure que les emprunteurs hypothécaires renouvellent leur contrat à des taux d'intérêt plus élevés, la ponction additionnelle à leur revenu disponible va nécessiter qu'ils restreignent leur budget pour les dépenses et qu'ils puisent dans leurs épargnes, pour ceux qui jouissent d'une accumulation d'épargnes durant la pandémie, ce qui est loin d'être le cas de tous les ménages. D'autres désireront rembourser leurs dettes. Bref, la consommation discrétionnaire sera touchée.
Ce sera aussi le cas des revenus de certains ménages. Par exemple, ceux qui ont des emplois dans des secteurs vulnérables à la correction immobilière et aux taux d'intérêt pourraient vivre des difficultés financières. La remontée des insolvabilités qu'on observe en ce moment, tant du côté des ménages que des entreprises, sera aussi appelée à se poursuivre.
Les problèmes qui affectent les banques à l'extérieur du Canada pourraient être un facteur additionnel qui inciterait les institutions financières, y compris celles d'ici, à exercer une plus grande prudence, ce qui se refléterait évidemment dans la croissance du crédit, notamment le crédit aux entreprises, qui était assez résilient jusqu'à maintenant.
Selon les informations que nous avons à l'heure actuelle, même si la Banque du Canada a vraisemblablement complété son cycle de hausse des taux d'intérêt, elle risque de maintenir les taux à un niveau élevé jusqu'à la fin de l'année. Cela, combiné au resserrement quantitatif, que nous estimons plus sévère ici, au Canada, qu'aux États‑Unis, met en place les conditions pour que le Canada entre en récession au cours des prochains trimestres et pour que le taux de chômage amorce une remontée.
Nous nous attendons à ce que le taux de chômage canadien atteigne 6,9 % en fin d'année, et ce, alors qu'il était de 5 % en février. La pénurie de main-d'œuvre devrait permettre d'atténuer l'effet de la baisse de la demande agrégée sur l'emploi. C'est pourquoi nous nous attendons à ce que cette récession soit de faible ampleur, historiquement parlant. Cela dit, il faut reconnaître qu'actuellement, les événements financiers mondiaux mettent en lumière un équilibre des risques qui est orienté à la baisse.
Même si le système bancaire canadien repose sur des assises assez solides, la crise financière de 2008-2009 nous rappelle que le Canada n'est pas entièrement immunisé contre les répercussions économiques indirectes qui surviennent généralement dans ce genre d'épisode.
Quant à elle, l'inflation devrait continuer de se modérer. Selon nous, elle n'atteindra pas la cible de 2 % avant l'an prochain, particulièrement en raison de la persistance dans les composantes liées au logement, dans les aliments et dans certains services. Il reste que la fourchette de l'inflation en fin d'année, que nous prévoyons être de 2 % à 2,5 %, devrait donner à la Banque du Canada un niveau de confort suffisant pour qu'elle commencer à assouplir graduellement sa politique monétaire, ce qui inclut de mettre fin au resserrement quantitatif.
Dans notre scénario de base, cet assouplissement monétaire, auquel la Réserve fédérale américaine devrait également contribuer en 2024, et la composante qui commence à jeter les assises d'une reprise économique...