Monsieur le Président, je tiens à remercier le gouvernement et la leader du gouvernement à la Chambre de m’accorder un certain temps pour parler de ce projet de loi, même s’ils savent que ce n'est pas pour l'appuyer. Je leur suis reconnaissant de cette possibilité.
J’estime qu’il est important que ma voix soit entendue. Je suis le seul Inuk à la Chambre qui peut parler librement et voter selon sa conscience. Je ne peux pas, en toute conscience, appuyer cette loi parce qu’elle exclut la langue inuite.
Quand j’ai voté contre le projet de loi C-91 à l'étape de la deuxième lecture, j’ai dit que je proposerais un amendement et je l’ai fait. Le ministre a dit à la Chambre qu’il était ouvert aux amendements, et j’espérais en trouver un qui conviendrait. Je lui ai parlé personnellement de l’intention qui sous-tendait mon amendement, et il semblait être bien disposé à son égard.
C’était un amendement plutôt anodin. L’Inuit Tapiriit Kanatami, qui s’est prononcé fortement contre cette mesure législative, n’aurait pas appuyé mon amendement. Ses membres estimaient que le projet de loi n’allait pas assez loin, qu'il n’était pas assez ferme. Ce groupe a collaboré avec mes collègues du NPD pour présenter d’autres propositions d'amendement au comité.
Lorsque j’en ai discuté avec le ministre, celui-ci m’a dit que le problème était que les amendements, d’une part, et les recommandations de l'Inuit Tapiriit Kanatami, d’autre part, débordaient du cadre du projet de loi. J’ai pourtant fait très attention de rédiger mon amendement de façon à ce qu’il ne déborde pas du cadre du projet de loi.
Ayant déjà fait partie d’un gouvernement, je sais que nous sommes limités par notre mandat et que nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons. J’en étais très conscient lorsque j’ai rédigé mon amendement, qui laisse simplement la porte ouverte au ministre pour qu’il puisse négocier avec les Inuits l’inclusion de notre langue.
Le premier ministre et les ministres n’hésitent pas à dire dans cette enceinte qu’au sein des comités, les députés sont indépendants. Qu’on ne leur dit pas comment ils doivent voter en comité. Je sais maintenant que ce n’est pas le cas. Dans notre comité, c'est du pareil au même. Tous les députés libéraux ont rejeté mon amendement, comme on leur avait dit de le faire, et ils ont rejeté la totalité des amendements de l’opposition.
Je suis peut-être naïf, mais je suis de ceux qui pensent que les comités de la Chambre des communes sont le lieu où tous les députés, quelle que soit leur allégeance politique, peuvent travailler ensemble pour améliorer un projet de loi. Et croyez-moi, ce projet de loi a besoin d’être amélioré.
Rejeter des amendements sans même les avoir examinés, simplement parce qu’ils ne sont pas libéraux, c’est faire de la politique primaire. Ce n’est pas de la démocratie.
Au Nunavut, nous gouvernons par consensus. Nous n’avons pas de divisions politiques. Tous nos députés travaillent ensemble pour le bien du peuple. On pourrait s’en inspirer ici. Le projet de loi C-91 ne s’en porterait que mieux.
La semaine dernière, j’ai demandé au premier ministre pourquoi, dans le budget, il finançait directement l'Inuit Tapiriit Kanatami, court-circuitant ainsi le gouvernement du Nunavut, pour remédier à la crise du logement et aux problèmes du système de santé que nous avons chez nous. Pourtant, c’est le gouvernement du Nunavut qui est responsable de ces deux dossiers. Le premier ministre s’est énervé en disant qu’il ne présenterait pas d’excuses « pour l’approche [qu'il a] adoptée en matière de réconciliation ».
C’est exactement l’approche que l’ITK pensait qu’il utilisait pour l’élaboration de ce projet de loi. Mais il est maintenant évident que le gouvernement n’a jamais eu l’intention de l’utiliser, et c’est ce que l’ITK reproche notamment au projet de loi.
En disant cela, le premier ministre a laissé entendre que, pour le budget, il a utilisé l’approche de nation à nation avec les Inuits. Or, il ne peut pas jouer sur les deux tableaux, traiter de nation à nation avec les Inuits dans un projet de loi et les écarter dans un autre.
C’est un projet de loi qui est très important et qu’on attend depuis longtemps. La préservation des langues est importante pour toutes les cultures. Aujourd’hui, pour la première fois, nous reconnaissons le statut des langues autochtones et prenons des mesures pour empêcher leur extinction, mais malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes les langues.
Pour cette raison précise que les langues inuites ne sont pas incluses dans le projet de loi, je ne peux pas l'appuyer. Je suis prêt à répondre à toute observation ou question des députés.