Madame la Présidente, je prends la parole au sujet du projet de loi C-46, qui traite des infractions relatives aux moyens de transport dans le Code criminel et apporte des modifications corrélatives à d'autres lois.
Je vais aborder différentes questions liées au projet de loi, et l'une d'elles est son échéancier, ainsi que celui du projet de loi C-45.
Honnêtement, le gouvernement fait fausse route, d'abord simplement parce qu'il a déposé un projet de loi sur la marijuana, mais aussi parce qu'il veut tout faire pour qu'il entre en vigueur à la fête du Canada l'an prochain. Même si la ministre nous dit que le gouvernement voudra faire adopter le présent projet de loi en même temps que le projet de loi C-45, toute cette histoire est une aberration.
Différents groupes nous ont dit que le processus de légalisation allait trop vite. Les services policiers canadiens demandent que la légalisation soit repoussée afin d'avoir le temps de former les ressources qui devront être mises en place.
J'estime que le gouvernement n'a pas fait suffisamment d'efforts pour mettre en oeuvre une campagne de sensibilisation, même si des statistiques font état d'une hausse considérable du nombre de décès causés par la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. La conduite avec facultés affaiblies par la drogue nous cause déjà des problèmes. Les libéraux nous disent que, tout en légalisant le cannabis, ils pourront également trouver des solutions à ce problème, mais ce n'est pas du tout le cas.
Par exemple, en ce qui concerne le contrôle routier obligatoire, nombre de policiers non pas encore reçu une formation adéquate sur la reconnaissance de drogues qui leur permettrait de dépister efficacement la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Soulignons également que le gouvernement refuse d'imposer des restrictions appropriées concernant l'entreposage des plants de cannabis à domicile. Dans son enthousiasme, le gouvernement était heureux d'annoncer que n'importe qui allait pouvoir produire une petite quantité de cannabis dans sa cuisine. Nous y étions tout à fait opposés, pour les raisons que j'ai mentionnées au comité et avant cela. Y a-t-il un meilleur moyen de rendre cette drogue plus accessible pour les enfants qu'en cultivant des plants dans la cuisine?
Il y a quelques semaines, j'ai cru que j'allais recevoir de bonnes nouvelles lorsqu'une employée de mon bureau, Cheri, m'a dit que, d'après elle, je serais heureux d'apprendre que les libéraux avaient apporté des changements concernant la production de plants de marijuana dans la cuisine familiale. J'ai pensé que c'était formidable et que les libéraux nous avaient écoutés. Cependant, le gouvernement a annoncé que trois pieds n'étaient pas assez haut, que les plants allaient devoir pousser plus haut que cela. Ainsi, après avoir reçu des critiques à ce sujet, les libéraux ont fait exactement le contraire de ce qu'on leur avait conseillé: ils vont permettre aux gens de cultiver des plants de quatre, cinq ou même dix pieds de hauteur. Plus les plants seront hauts, plus il y aura de joints, j'imagine. Il s'agit d'une erreur grave dont nous entendrons beaucoup parler à l'avenir si le projet de loi est adopté.
Les services policiers de partout au Canada ont demandé au gouvernement de reporter l'adoption du projet de loi au-delà de 2018. Cela donnerait aux responsables de l'application de la loi le temps de bien préparer la gestion de la menace posée par l'augmentation du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue, augmentation à laquelle on s'attend à la suite de la légalisation de la marijuana. Les services de police canadiens ont déclaré qu'il leur serait impossible d'être prêts en juillet 2018.
Pourquoi les libéraux sont-ils si déterminés à ne pas écouter les responsables de l'application de la loi au Canada? Encore une fois, ils ont imposé cette échéance sans aucun égard à la santé et à la sécurité des Canadiens.
Pendant les réunions récentes de notre comité, l'Association canadienne des chefs de police nous a avisés qu'elle avait besoin de temps supplémentaire pour former les policiers en fonction des exigences de la nouvelle loi, et qu'il faudra plus que doubler le nombre de policiers formés pour effectuer des contrôles routiers en vue de dépister la conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Elle a également demandé plus de temps pour mener une campagne de sensibilisation du public. Par ailleurs, les autorités de l'État de Washington et du Colorado ont insisté sur l'importance de mettre en oeuvre des campagnes de sensibilisation sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue le plus tôt possible, bien avant la légalisation.
L'échéancier du gouvernement est tout simplement trop serré. Les libéraux disent qu'ils feront adopter le projet de loi C-46 avant le projet de loi C-45. Cependant, avec l'échéancier que le gouvernement veut nous imposer, nous n'aurons pas assez de temps pour nous préparer avant l'adoption du projet de loi C-45.
Les libéraux n'ont pas tenu compte des préoccupations et des conseils des membres de l'association des policiers et des premiers ministres du pays. Il faut plus de temps aux gouvernements provinciaux pour mettre au point les règlements nécessaires.
La ministre a mentionné l'organisme Les mères contre l'alcool au volant. Celui-ci a demandé au gouvernement de voir à ce que la loi sur les véhicules automobiles permette aux policiers de porter des accusations de conduite avec facultés affaiblies par la drogue. Rappelons que l'alcootest standard utilisé actuellement ne détecte pas les drogues. C'est l'un des enjeux dont on nous a parlé.
Comme l'ont dit mes collègues, il est très difficile de mesurer avec précision le niveau de THC et, par conséquent, de déterminer à quel point les facultés d'une personne sont affaiblies. Cette évaluation devient encore plus compliquée si les gens, qu'on encourage maintenant à fumer de la marijuana, consomment aussi de l'alcool. La complexité de cette évaluation est ressortie clairement pendant les audiences et les témoignages concernant le projet de loi C-46. Des experts nous ont expliqué que le THC peut demeurer dans l'organisme d'une personne pendant plusieurs jours. Le niveau de THC grimpe après quelques joints et diminue par la suite. Il reste à savoir à quelle vitesse il diminue et ce qui se produit lorsqu'une personne a consommé de la marijuana et de l'alcool.
Il nous faut des experts. Les services de police ont affirmé avoir besoin d'au moins 2 000 experts pour faire le travail nécessaire. Pour sa part, Mme MacAskill, de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, a déclaré: « Si tous les agents pouvaient avoir [des tests jetables de salive] dans leur véhicule, la sécurité routière s'en trouverait certainement améliorée. »
Malheureusement, le gouvernement n'est pas capable de garantir qu'on disposera de tels experts, car il n'a pas pris de mesures pour qu'il en soit ainsi. Je le répète, les libéraux veulent surtout faire adopter le projet de loi. Ce sera merveilleux, paraît-il, de pouvoir fumer un joint à la prochaine fête du Canada. En fait, il s'agit d'une erreur monumentale.
Il faut aussi parler des sanctions. Le Parti conservateur est convaincu qu'il est absurde d'imposer une amende de 1 000 $ pour la conduite en état d'ébriété ayant causé la mort. En fait, cela envoie le mauvais message. Mon collègue a parlé des mères qui militent pour la justice. Leur point de vue est clair: il n'est pas suffisant d'arrêter une personne. Il faut montrer sans équivoque que les conducteurs ivres qui causent un accident mortel méritent une peine sévère, et pas seulement une tape sur les doigts avec une amende de 1 000 $ ou 1 500 $. Notre tâche consiste à faire savoir aux gens qu'on est tenu responsable des crimes qu'on commet. Lorsque nous formions le gouvernement, notre message à cet égard était cohérent: un crime grave qui fait une victime mérite un châtiment sévère.
Des statistiques montrent que la conduite avec capacités affaiblies par la drogue est à la hausse. C'est pourquoi une campagne nationale de sensibilisation du public s'impose. On peut prédire ce qu'il adviendra au Canada d'après l'expérience de l'État de Washington, où la proportion d'accidents mortels impliquant des conducteurs testés positivement à la marijuana est passée de 8 % en 2013 à 17 % en 2014. Au Colorado, la proportion d'accidents mortels impliquant des conducteurs testés positivement qu'à la marijuana et à aucune autre drogue, est passée de 3,4 % en 2005 à 12 % en 2014. Ainsi, le nombre a quadruplé après la légalisation de la marijuana dans cet État.
Le Dr Mark Ware, vice-président du groupe de travail d'Ottawa sur la marijuana, a déclaré: « Plutôt que d'attendre jusqu'en 2018, le Canada devrait investir dès maintenant dans l'éducation du public et dans la recherche sur les effets de la marijuana. » Je vais plus loin et je soutiens qu'on ne devrait pas imposer la mise en oeuvre du projet de loi d'ici la prochaine fête du Canada.
Lors d'une conférence sur les politiques relatives aux drogues tenue à Ottawa, le Dr Ware a affirmé qu'un projet de loi pour modifier en profondeur les lois canadiennes sur la marijuana représentera la première étape de ce qui sera une situation inextricable et extrêmement complexe les provinces, les territoires et les municipalités, lesquels seraient en grande partie responsables de la mise en oeuvre du nouveau régime.
Voici ce qui se produira lorsque la mesure législative sera adoptée. Les libéraux fédéraux vont blâmer les provinces du fiasco total qui s'installera à l'échelle nationale. Ils diront qu'ils ont légalisé la marijuana, mais que le reste relève des provinces. Ils accuseront les provinces en niant toute responsabilité pour le gâchis. Une fois qu'ils s'en seront lavé les mains, ils laisseront le soin aux provinces de gérer la situation ou ils rejetteront la faute sur les services de police qui, selon eux, gâcheront tout parce qu'ils n'en feront pas assez. C'est ce que je déplore de l'approche choisie.
Le gouvernement a été mis en garde contre les conséquences de la légalisation de la marijuana et il connaît les mesures de protection qui devraient être mises en place. L'Association canadienne des automobilistes a fait valoir qu'une campagne de sensibilisation du public doit être lancée.
Le projet de loi alourdira le système judiciaire canadien. Il a été clairement démontré qu'il y aura des contestations fondées sur la Charte. Je suis conscient qu'une nouvelle loi qui est adoptée risque toujours d'être contestée. Il n'en demeure pas moins qu'il y aura beaucoup de causes qui accentueront la pression sur les tribunaux. Nous avons soulevé cette question auprès du gouvernement à maintes reprises. Nous lui avons dit qu'il devait garantir la nomination d'un nombre suffisant de juges. Le processus est lent, et le manque de juges aggravera la situation. Lorsque ces causes seront entendues devant les tribunaux et qu'il y aura des retards, le fait que le gouvernement du Canada se traîne les pieds pour nommer des juges n'arrangera pas les choses.
Nous devons également nous préoccuper non seulement des personnes qui fument de la marijuana, mais aussi de celles qui la transformeront en produits comestibles. Les libéraux blâmeront évidemment encore une fois les provinces pour cela, mais nous avons tous une responsabilité à assumer à cet égard. Lorsque la marijuana sera transformée en produits comestibles, les enfants y auront accès, et nous serons aux prises avec un grave problème. Je suis conscient qu'il y a heureusement des enfants qui ne s'intéresseront pas aux plants de cannabis dans la cuisine, mais les produits comestibles seront une autre source de danger pour les jeunes, un danger que le gouvernement ne semble pas prendre suffisamment au sérieux.
Il y a quelques articles du projet de loi que j'appuie. La ministre a notamment parlé d'un article qui prévoit la réalisation d'un test de dépistage de la marijuana dans les deux heures suivant le moment où une personne a cessé de conduire. Cela permettra, entre autres, de sévir contre les gens qui tenteront d'éviter une inculpation pour conduite avec capacités affaiblies en prenant quelques consommations après l'accident, sous prétexte qu'ils en avaient besoin pour se calmer. Nous savons tous qu'ils agissent ainsi pour éviter d'être accusés de conduite avec capacités affaiblies ou de rendre plus difficile la mise en accusation. Je suis d'accord avec cet article.
Toutefois, quand mon collègue de St. Albert—Edmonton a proposé un groupe d'amendements raisonnables pour garantir que les personnes reconnues coupables de conduite avec capacités affaiblies et de conduite avec capacités affaiblies causant la mort seront tenues responsables de leurs actes, ces amendements ont tous été rejetés par les libéraux siégeant au comité. Quand la seule peine imposée à une personne qui tue un enfant est une amende de 1 500 $, cela compromet tout le système de justice. Cela ébranle la confiance de la population dans le système de justice pénale quand les gens ne reçoivent pas des peines proportionnelles à la gravité de leur crime.
Les libéraux ne veulent pas inclure ces peines sévères dans le projet de loi, car ils sont d'avis qu'elles n'empêcheront pas les gens de commettre ce genre de crimes. Je crois au contraire qu'elles font comprendre aux gens que leurs gestes peuvent être lourds de conséquences. Je suis également d'avis qu'il y a des personnes qui redoublent justement d'attention, car elles savent que les conséquences pour la conduite avec les facultés affaiblies sont graves.
Je reconnais que le projet de loi C-45 et le projet de loi C-46 vont de pair et que le deuxième complète le premier, mais mes collègues et moi voulons que le gouvernement réexamine tout ce dossier — tant la question de la mise en oeuvre que celle de la légalisation de la marijuana et de ses effets sur les enfants. Je promets que nous obligerons le gouvernement à rendre des comptes sur la pagaille qu'il sèmera s'il se défile et refile ses responsabilités au système d'éducation, à la police ou aux provinces. Nous ne laisserons pas les libéraux simplement pointer quelqu'un d'autre du doigt.
Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de me prononcer sur cette question. Je sais que le gouvernement ne nous a pas écoutés jusqu'à présent, mais j'espère qu'il nous écoutera dans l'avenir.