Madame la Présidente, je n'en reviens pas. Nous sommes le 12 avril et nous sommes encore en train de discuter du projet de loi C-14, qui met en œuvre certaines mesures annoncées dans l'énoncé économique de l'automne. Nous discutons encore de cela plusieurs mois après le dépôt de l'énoncé économique.
La partie 1 du projet de loi C-14 traite des allocations spéciales pour enfants et corrige un problème relatif à la Subvention d'urgence pour le loyer du Canada. Nous sommes en faveur de cela.
Les parties 2, 3 et 4 du projet de loi visent à éliminer temporairement les intérêts sur le remboursement de la partie fédérale des prêts d'études canadiens. Québec a sa compensation. Nous sommes en faveur de cela.
La partie 5 vise à prévenir les pénuries de produits thérapeutiques. Encore une fois, nous sommes évidemment en faveur de cela.
La partie 6 autorise des paiements sur le Trésor, notamment pour le Fonds d'aide et de relance régionale, afin de soutenir l'économie. Nous sommes en faveur de cela.
La partie 7 du projet de loi a suscité des interrogations, des questionnements. Au moyen de cette partie, le gouvernement demande une hausse très importante du plafond d'emprunt. Présentement, le plafond d'emprunt est fixé à 1 168 milliards de dollars, et on veut l'augmenter à 1 831 milliards de dollars. Il s'agit de chiffres stratosphériques.
Le directeur parlementaire du budget a parlé de cela devant le Comité permanent des finances. Les réponses qu'il nous a fournies ont confirmé ce que j'avais lu et ce que je croyais: il ne s'agit pas d'une autorisation de dépenses, mais bien d'une augmentation du plafond d'emprunt. Il nous a garanti que chaque dépense proposée par le gouvernement devrait être votée à la Chambre. Il ne pourrait y avoir d'entourloupette pendant une période électorale, qui pourrait venir plus tôt que tard, et où le gouvernement demanderait l'appui de la personne qui remplace le gouverneur général, soit le juge en chef, pour faire de nouvelles dépenses autres. Cette partie vise donc à augmenter le plafond des emprunts.
Cela rappelle ce que l'on voit souvent aux États-Unis, où la stratégie du parti républicain vise à limiter la capacité de dépenser du gouvernement, de sorte que celui-ci ne soit plus en mesure de payer les fonctionnaires et qu'il soit obligé de fermer des pans entiers du service public, ce que nous ne voulons pas. Évidemment, dans le système canadien, ce n’est pas ce qui arrive. Le jour où on arriverait à une telle situation, il y aurait un déclenchement d'élection. Je pense qu'en temps de pandémie, on ne voudrait pas déclencher une élection pour cela.
Oui, ce montant est préoccupant, mais c'est une autorisation d'emprunt maximal pour soutenir d'éventuelles dépenses. Par exemple, lundi prochain, on aura le budget. On s'attend à ce qu'il contienne un important plan de relance. J'ai bien hâte qu'on l'étudie et qu'on l'analyse pour voir s'il répond aux besoins et aux demandes du Québec. Cela sert à couvrir ces éventuelles dépenses.
J'aimerais faire quelques remontrances au gouvernement. À ma connaissance, fixer un plafond d'emprunt et le faire voter avant les dépenses n'est pas une façon de faire qu'on a depuis longtemps. Je ne suis pas contre l'idée, mais je pense qu'il aurait été important que la ministre des Finances prenne le temps de parler à chacun des partis politiques et aux porte-paroles en matière de finances, afin de vraiment faire la lumière sur cela. Il faut rassurer les législateurs qui analysent ce que fait le gouvernement en temps de pandémie. On doit s'assurer que tout est correct, que l'on comprend bien ce qui se fait et qu'il n'y a pas d'entourloupettes. Des entourloupettes, nous en avons vu depuis le début de la pandémie.
Jamais le gouvernement n'a dépensé autant que pendant la dernière année, et certaines dépenses sont certainement discutables. Est-ce que le gouvernement a systématiquement eu une approche ou une éthique rigoureuse? La réponse est non. Nous n'avons qu'à penser au scandale entourant le mouvement UNIS ou aux respirateurs de Frank Baylis payés à un prix fort mais qui ne trouvent pas preneurs parce qu'ils ne sont pas adaptés aux besoins du système de santé.
Je rappelle aussi la subvention salariale. Le projet de loi ne contient pas un mot sur les partis politiques par rapport à la subvention salariale. Aller puiser dans la subvention salariale pour regarnir ses coffres, c'est immoral. Seul le Bloc n'y a pas puisé, parce que nous trouvons cela immoral. Je tiens à rappeler à mes collègues de tous les autres partis que cela n'avait pas sa place. Le gouvernement se doit d'être transparent.
Pour ce qui est de la partie 7, elle vise à relever le plafond des emprunts. Le gouvernement aurait pu mieux communiquer son intention, afin que cela ne brette pas pendant des mois. Cela n'a pas de bon sens.
Encore une fois, le Bloc québécois va appuyer le projet de loi C-14. Ce dernier ne marque évidemment pas la fin des mesures économiques visant la COVID-19 et, comme je le disais, nous attendons impatiemment le dépôt du premier budget de ce gouvernement depuis son élection, prévu pour lundi prochain. En effet, cela fait plus de deux ans qu'il n'y a pas eu de budget à Ottawa et c'est inacceptable. Nous comprenons que d'énormes pressions ont poussé le gouvernement à réagir rapidement à la pandémie en concevant des programmes et en menant des consultations. Cependant, cela fait plus d'un an que nous sommes en pandémie, laquelle pouvait justifier que le budget soit un peu retardé, mais pas que le gouvernement manque selon moi à ses obligations en évitant de présenter un budget pendant deux ans.
Évidemment, pour que le Bloc québécois appuie le budget, ce dernier va devoir répondre aux besoins des Québécoises et des Québécois, conformément à nos demandes. Il n'y a pas d'inconnues là-dedans puisque le gouvernement sait ce que nous voulons. J'ai déjà présenté nos demandes à la ministre des Finances et mon chef les réitérera aujourd'hui auprès du premier ministre.
Les attentes budgétaires du Bloc québécois comprennent un meilleur financement de la santé pour les provinces, et ce, sans condition. C'est ce que le gouvernement du Québec et le Conseil de la fédération veulent aussi. Des études du directeur parlementaire du budget et du Conference Board du Canada indiquent que les dépenses en santé explosent, qu'on soit en pandémie ou non. Ce sont les provinces qui doivent en assurer les coûts et Ottawa ne contribue pas comme il le devrait. Nous voulons qu'Ottawa rattrape son retard, faute de quoi la situation financière des provinces sera intenable à court et à moyen termes, et sera encore pire à long terme.
Les montants qui sont annoncés dans le projet de loi C-14 sont nettement insuffisants pour corriger la situation. Le Conseil de la fédération, c'est-à-dire l'ensemble des provinces, veut qu'Ottawa fasse passer sa part à 35 % des dépenses en santé. Je rappelle qu'à l'origine du programme, Ottawa devait assumer la moitié des frais, fournissant un dollar pour chaque dollar que les provinces dépensaient, par souci d'équité.
De plus, ce que nous voulons dans le budget et qui n'est pas dans le projet de loi C-14, c'est un meilleur soutien pour les aînés. C'est ce que nous demandons et attendons depuis la dernière élection. Je pense aux paiements de la Sécurité de la vieillesse, qui n'ont pas été augmentés pendant des décennies malgré la hausse de l'inflation ou par rapport à ce que cela représentait à l'origine, soit un pourcentage du salaire moyen. C'est une question d'équité et de dignité pour les aînés. Nous voulons qu'un rattrapage soit effectué en ce sens. En termes simples, nous proposons que les paiements de la pension de la Sécurité de la vieillesse soient majorés de 110 $ par mois.
À la dernière élection, les libéraux, pris de je ne sais quelle lubie passagère, ont décidé de le faire, mais pour les gens âgés de 75 ans et plus. Voyons donc! Pourquoi voudrait-on créer deux catégories d'aînés, les 65 à 74 ans et les 75 ans et plus? C'est une question de dignité. Même si les aînés ne se plaignent pas, nous pouvons constater dans nos circonscriptions qu'ils en arrachent, surtout ceux qui dépendent de ces revenus pour vivre dignement. Les coûts du logement et de la nourriture ont augmenté, surtout lors de la pandémie alors que les aînés ne peuvent pas se déplacer pour faire leurs achats. Il faut assurer l'équité pour celles et ceux qui ont 65 ans et plus.
De grâce, arrêtons de diviser les aînés en deux classes. En fin de semaine, les libéraux ont voté pour que cette augmentation ait lieu dès l'âge de 70 ans. C'est un pas dans la bonne direction, mais c'est encore insuffisant. Il n'y a qu'une seule classe d'aînés: les personnes âgées de 65 ans et plus.
Par ailleurs, malgré l'existence de mesures comme la Subvention salariale d'urgence du Canada et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer, nous avons besoin de programmes ciblés pour les secteurs qui en arrachent particulièrement. On peut penser à l'aérospatiale, secteur que le Canada a laissé aller alors qu'ailleurs dans le monde, les pays ayant une industrie aérospatiale importante ont tous mis en place des programmes. L'intérêt stratégique de soutenir une industrie hyper payante était aux abonnés absents.
C'est la même chose pour nos transporteurs aériens et je pense au secteur du tourisme et aux agences de voyages dans ma circonscription et ailleurs, dont j'ai rencontré le personnel. Ce qu'elles vivent est épouvantable et elles ont besoin d'un coup de pouce. Je pense également très fort au secteur de la culture: on peut être fiers de cette industrie créative, qui génère des retombées économiques. Or, avec les mesures de confinement, la culture en arrache comme jamais. On n'a pas les moyens de perdre ce secteur: la culture fait du bien à nos âmes, elle nous révèle qui nous sommes. On doit soutenir ce secteur et l'encourager et il ne faut pas lâcher. Je pense aussi aux médias régionaux et locaux, qui jouent un rôle important, mais qui en arrachent. C'est difficile.
Pour en revenir au budget de la semaine prochaine, la ministre des Finances nous avait annoncé l'automne dernier son plan de relance économique de 70 à 100 milliards de dollars. En parallèle, aux États-Unis, l'administration Biden a son plan de relance de 1 900 milliards de dollars. Encore une fois, ce sont des chiffres stratosphériques. Il y a tout un débat à savoir si pareil plan est justifié ou non. La position du Bloc québécois dépendra de ce que nous y trouverons et de si ce plan mettra la table pour l'économie de demain.
Je pense à l'économie verte. Le Québec a tout pour réussir ce virage. La crise climatique est la crise la plus importante et il faut réussir à nous réorienter vers une économie verte. Il faut que cela se retrouve dans le budget de la ministre des Finances et dans son plan de relance. Il faut aussi, bien évidemment, soutenir nos secteurs phares et nos régions.
La dernière année et le budget de la semaine prochaine vont nous coûter une fortune, des sommes colossales. Les économistes nous ont appris au cours des dernières décennies, voire du dernier siècle, que la solution la moins pire pendant une récession ou une crise majeure est de bien cibler ses interventions afin de faire redémarrer l'économie et, à terme, réduire le ratio dette-PIB. On reconnaît que la dette d'Ottawa, qui a explosé pendant cette pandémie, est préoccupante, et je voudrais interpeler le gouvernement à ce sujet. Il faudra s'y intéresser plus tôt que tard, et cela passe notamment par plus d'équité fiscale.
La pandémie a avantagé comme jamais les géants du Web qui, comme Amazon, en sont sortis grands gagnants durant la dernière année. Alors que nos commerces de proximité en arrachaient et luttaient pour survivre, une bonne part des gens ont réorienté leur consommation vers les géants du Web, commandant en ligne et se faisant livrer leurs achats à domicile.
Or, le gouvernement libéral d'Ottawa ne perçoit toujours pas la taxe sur les produits et services pour les transactions des géants du Web. Voyons donc! Il y a bien eu une annonce à cet effet, mais elle ne s'est toujours pas concrétisée. Par conséquent, pendant toute la pandémie, Amazon et les autres géants du Web ont pu profiter de cet avantage. De plus, ces géants ne paient pas d'impôts non plus. Des discussions ont cours sur l'imposition éventuelle de redevances qui seraient l'équivalent d'un impôt, mais cette mesure est encore plus lointaine. La pandémie a donc complètement avantagé les géants du Web et Ottawa ne leur a même pas demandé de contribuer. Il faut que cela change, et la chose presse. L'année perdue à ne pas mettre ses culottes ne se rattrapera jamais.
Je pense aux commerces du coin dans mon centre-ville de Joliette et à ceux, un peu partout au Québec et au Canada, qui en arrachent ou qui ferment. C'est bien simple, j'en ai des haut-le-cœur quand je vois le premier ministre se donner une image de gars bien décontracté, mais qui avantage les géants du Web plutôt que les petits commerces indépendants qui en arrachent. Cela n'a pas de bon sens. On devrait d'abord avantager nos commerces de proximité et imposer au moins des règles équivalentes aux géants du Web. Comment cela n'a-t-il pas encore été fait? Cela est inacceptable et il faut que cela change.
Puisque nous parlons des revenus à aller chercher, il faudrait s'attaquer aux paradis fiscaux d'une façon plus sérieuse que ce qu'on a vu jusqu'à maintenant. À l'heure actuelle, la lutte à l'évasion et à l'évitement fiscal est une préoccupation mondiale. Cependant, lorsqu'on se penche sur le cas du Canada, on constate que rien n'a avancé depuis un peu plus de cinq ans, soit depuis l'arrivée de l'actuel gouvernement libéral et du premier ministre. Malgré les beaux discours de la ministre du Revenu national, le Canada, exemple même du cancre, est dans une classe à part comparativement au reste du monde et des autres pays membres du G7 et de l'Organisation de coopération de développement économiques. Il faut que cela change. Cela n'a pas de bon sens.
Je vais donner l'exemple révélé par Radio-Canada il y a une semaine, je crois. Il y a cinq ans, le scandale des Panama Papers a éclaté au grand jour. Chaque pays a mené enquête sur ce stratagème planétaire, il y a eu des poursuites pénales et des condamnations. De mémoire, le Royaume-Uni a réussi à récupérer plus de 300 milliards et l'Allemagne, près de 250 milliards. Le scandale des Panama Papers a donc permis de récupérer des centaines et des centaines de milliards de dollars. Cependant, au Canada, ce ne sont que 21 millions de dollars qui ont été retrouvés. Combien de poursuites ont donné lieu ici à une condamnation au criminel? La réponse est un gros zéro, ce n'est vraiment pas fameux.
Revenu Québec a réussi à aller chercher plus des Panama Papers que l'Agence du revenu du Canada. Cela me fait une petite crotte sur le cœur parce que je trouve que tout le monde paie, tout le monde a de la misère et on s'endette quand certains devraient apporter leur contribution et ne le font pas. Le rôle du gouvernement est de s'assurer qu'il y a une équité, mais il dort au gaz; cela n'a pas de bon sens et il faut que cela change.
J'ai déposé mon projet de loi portant sur la déclaration de revenus unique, et l'un des arguments que les libéraux ont avancés pour s'y opposer est que cela nuirait à la lutte contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal. Franchement, Revenu Québec fait un meilleur travail que celui qu'ils font juste pour Québec.
On peut voir que le Canada est le cancre à l'échelle mondiale dans la lutte contre l'évitement fiscal et l'évasion fiscale, et l'actuel premier ministre et le Parti libéral en sont en grande partie responsables. Le premier ministre veut se donner une image de progressiste, mais il laisse les inégalités augmenter et s'accroître en laissant les portes ouvertes à l'utilisation des paradis fiscaux. C'est inacceptable et il faut que cela change.
Évidemment, je pense aussi à l'utilisation abusive des grandes banques de Bay Street qui ont toutes des filiales dans les paradis fiscaux. Elles détournent artificiellement et virtuellement des fonds, déclarent leurs activités les plus lucratives dans ces pays et cela a pour effet qu'elles paient moins d'impôts ici.
Pendant la pandémie, beaucoup de questions ont été posées au gouvernement à la Chambre au sujet des entreprises qui utilisent les paradis fiscaux pour ne pas payer d'impôts ici, mais qui sont soutenues notamment par la subvention salariale et d'autres mesures auxquelles ces entreprises ont droit. Le premier ministre disait que de cette façon les emplois et l'économie étaient sauvés. C'est un bon argument, sauf que si on fait cela, il faut s'assurer que tout le monde contribue à la hauteur de ses moyens, et ce, sans qu'il y ait de passe-droit pour ces nantis qui utilisent des magouilles et des fiscalistes. Il faut une équité pour tout le monde.
Bientôt, le Canada aura une occasion comme jamais. La secrétaire au Trésor des États-Unis, Mme Janet Yellen, a annoncé qu'elle redoublerait d'ardeur pour serrer la vis à l'évitement fiscal et à l'évasion fiscale. Elle demande une réponse internationale concertée ainsi que plus d'efforts à cet égard. J'espère que le Canada répondra présent et qu'il changera complètement son approche des dernières années, voire des dernières décennies d'être le laxiste et le larbin des utilisateurs des paradis fiscaux. On aura donc une occasion et les gens pourront compter sur le Bloc québécois pour veiller au grain et s'assurer qu'Ottawa change son approche à ce sujet. Cela n'est pas anodin.
On le sait, si on consulte le site Web de l'entreprise familiale de l'ancien ministre des Finances M. Bill Morneau, Morneau Shepell ltée, on se rend compte que l'entreprise invite les fonds d'assurance ou les fonds de pension à bénéficier de ses conseils pour tirer profit des paradis fiscaux dans le but de ne pas payer d'impôts au Canada.
Cela nous rappelle un peu un autre ministre des Finances libéral, Paul Martin. Il possédait une flotte de bateaux, Canada Steamship Lines, qui avait été vendue par la famille Desmarais. Ces bateaux naviguaient surtout sur le fleuve Saint-Laurent, mais étaient enregistrés à la Barbade alors qu'on venait de changer en catimini les règlements de la Loi de l’impôt sur le revenu pour que la Barbade puisse servir de paradis fiscal. Voilà l'exemple du plus haut placé dans la pyramide politique d'Ottawa.
Depuis le début, en ce qui a trait à la question des paradis fiscaux, il faut que cela change du tout au tout. Effectivement, on avait besoin d'avoir un plan de développement économique et de soutien pendant la pandémie, mais, à tout le moins, il faut qu'il y ait une équité et que tout le monde contribue à sa juste part. Les géants du Web, les multinationales et les grandes banques utilisent les paradis fiscaux et cela doit cesser maintenant.