Merci, monsieur le président, et bonjour aux membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter du projet de loi C-30.
Je m'appelle Kim Moody. Je suis comptable professionnel agréé et chef de la direction de Moodys Tax Law et de Moodys Private Client à Calgary, en Alberta, bien que je me trouve aujourd'hui sous la neige à Edmonton. Il y a longtemps que j'occupe des postes de direction dans le domaine de la fiscalité au Canada, dont ceux de président de la Fondation canadienne de fiscalité, de coprésident du Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de CPA Canada, et de président de la Society of Trust and Estate Practitioners, pour ne nommer que ceux-là.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons cet après-midi, je vais m'en tenir à des observations plutôt brèves sur trois questions, soit l'ampleur du déficit prévu, la longueur du projet de loi, qui fait 366 pages, et le temps qu'il a fallu pour produire le budget fédéral.
Commençons par l'ampleur du déficit.
Bien que je ne sois pas économiste, je me sens obligé de parler de la taille du déficit projeté pour l'année à venir: 155 milliards de dollars, après un déficit record d'environ 354 milliards l'année précédente. Les adeptes de la théorie monétaire moderne ne s'inquiètent peut-être pas de pareils déficits, mais je pense qu'une personne le moindrement rationnelle et sensée a des réserves à ce sujet et des raisons de redouter des conséquences pour l'avenir de notre pays. Selon un récent sondage mené par Nanos pour le Globe and Mail, je compte parmi les 74 % de Canadiens qui s'inquiètent devant des déficits de cette ampleur.
Certains soutiennent que les faibles taux d'intérêt actuels permettent de contracter de tels déficits et de tels emprunts, mais si l'inflation et les taux d'intérêt augmentent, le Canada peut s'attendre à de lourdes conséquences. À mon avis, le contrôle du déficit, c'est-à-dire la réduction de sa taille, devrait être une priorité immédiate si nous voulons réduire le risque que les coûts d'emprunt futurs viennent compromettre des services gouvernementaux essentiels.
J'aimerais maintenant parler brièvement de la longueur et du contenu des mesures fiscales du projet de loi C-30.
Certaines ont été annoncées précédemment, comme les mesures relatives aux options d'achat d'actions, et sont regroupées dans ce grand projet de loi. Certaines sont bienvenues, comme la déduction pour amortissement accéléré de certains biens amortissables. Certaines ne sont pas bienvenues, comme les modifications au régime absolument affreux du crédit d'impôt pour les journalistes canadiens. D'autres sont des modifications techniques, comme celles qui permettent de convertir les fiducies de santé et de bien-être en fiducies de soins de santé au bénéfice d'employés. Au total, il y a 30 mesures relatives à l'impôt sur le revenu dans le projet de loi, ce qui est loin d'être négligeable, et elles sont toutes regroupées dans un document de 366 pages.
Avec un projet de loi aussi volumineux, je me demande si un parlementaire peut en toute franchise comprendre chaque modification proposée et se prononcer intelligemment sur son contenu. À mon avis, un projet de loi de cette taille, il faut le diviser en morceaux plus digestes afin de permettre une bonne compréhension des lois qu'on veut adopter. Cela dit, je comprends que le travail du gouvernement est d'agir dans l'intérêt des Canadiens.
Cela m'amène à ma troisième et dernière observation. Le 19 mars 2019 est la dernière fois, avant le 19 avril 2021, que le gouvernement fédéral a déposé un budget. C'est un record, comme nous le savons tous, et notre gouvernement s'est servi de la COVID comme excuse pour ne pas publier un plan financier. Comme je l'ai déjà dit devant ce comité, l'ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page disait en octobre 2020 que les budgets « ... sont des plans financiers. Alors dire que “parce qu'il y a trop d'incertitude, nous allons gérer sans plan”, c'est un peu bizarre [...] Nous faisons des plans justement à cause de l'incertitude. »
Je suis tout à fait d'accord. À notre époque d'incertitude, il faut des budgets et des plans financiers prudents. Après avoir lu les 700 pages et quelques du budget de 2021, il est difficile d'y voir autre chose que des dépenses massives. Les Canadiens méritent mieux. Ils s'attendent à des budgets présentés en temps voulu et mûrement réfléchis, accompagnés de plans intelligents qui tiennent compte de facteurs de choc possibles comme des taux d'intérêt élevés et des hausses de l'inflation.
Plus jamais les Canadiens ne devraient avoir à attendre un budget pendant plus de deux ans. Je recommanderais même que le temps alloué pour déposer un budget fasse l'objet d'une loi. Il faudrait aussi envisager des journées budgétaires fixes.
Enfin, comme de nombreux intervenants vous l'ont dit dans le passé, notre pays a besoin d'un examen complet et d'une réforme globale de sa fiscalité. Votre comité a en d'ailleurs fait la recommandation, tout comme le Comité sénatorial des finances. Il y a peut-être quelque chose à retenir de tous ces gens brillants qui ont comparu devant vous. Au lieu de barboter dans un projet de loi de 366 pages contenant 30 modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, les Canadiens veulent un changement réel et exhaustif.
Oubliez les appels à des solutions de raccommodage comme celles contenues dans ce projet de loi. À mon avis, l'avenir financier de notre pays passe absolument par un examen complet et une réforme globale de sa fiscalité. Le moment ne pourrait être mieux choisi.
Merci.