Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord commencer en précisant que nous sommes réunis ici aujourd'hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin.
Je sais bien que les incidents et les événements des dernières semaines ont eu une incidence directe sur bon nombre d'entre vous, car cela a touché les collectivités que vous représentez et la vie de vos électeurs.
Les conversations qui ont eu lieu à Smithers avec la ministre Bennett sont une étape positive et vitale, mais il ne fait aucun doute qu'il y a encore du travail à faire — un travail connu de beaucoup d'entre vous ici en votre qualité de membres de cet important comité parlementaire. Il reste en effet beaucoup à faire pour répondre aux préoccupations sous-jacentes du peuple Wet'suwet'en et aux gestes de solidarité qui en résultent dans l'ensemble du pays.
Cependant, je suis heureux que nous puissions montrer ensemble qu'une résolution pacifique est réalisable. Je suis d'avis que la voie de la facilité n'est pas toujours la bonne solution; le recours à la force est parfois un signe de faiblesse. Au cours des dernières semaines, nous avons été témoins de l'ignorance, de la peur et de l'incompréhension qui émanaient des messages et des commentaires virulents diffusés en ligne, alors que l'on s'en prenait à des individus en public comme en privé. Nous en avons d'ailleurs eu un exemple tout près d'ici à Ottawa où un groupe de jeunes Autochtones a dû déplacer son rassemblement hebdomadaire après avoir reçu une menace de mort.
Selon moi, c'est la preuve que nous avons beaucoup de chemin à faire lorsqu'il s'agit d'en apprendre davantage sur les aspects sombres de l'histoire d'un pays non réconcilié avec ses habitants, et de faire de réels efforts pour écouter et apprendre les uns des autres.
Je l'ai déjà dit, et je le répète: sans dialogue ouvert et honnête, nous ne pouvons tout simplement pas aller de l'avant ensemble.
Un dialogue ouvert, respectueux et permanent est essentiel pour parvenir à la paix, à la coopération et à la prospérité pour tous les peuples de ce pays.
C'est dans cet esprit de paix et de coopération que j'ai rencontré des membres de Kanyen’kehá:ka le long des voies ferrées de Tyendinaga, comme vous le savez sans doute. Nous avons tenu un dialogue ouvert et déployé des efforts concertés pour progresser vers une résolution pacifique. Des progrès modestes mais importants ont été réalisés à la suite de ce dialogue.
Toutefois, ma présence a suscité énormément de soupçons; on craignait qu'il s'agisse en fait d'une ruse et que la police allait intervenir. Ce n'est pas tous les jours que les gens sont entourés par la police, et ces réactions sont normales. Une partie de la conversation avec les dirigeants, les aînés et les membres de la collectivité, y compris les femmes et les enfants, a été très difficile, très douloureuse et très personnelle. Des histoires bouleversantes ont été échangées concernant le traitement déconcertant que l'on réserve aux peuples autochtones dans ce pays.
Ce sont des questions très graves qui nécessitent notre attention, et ce, depuis des centaines d'années, et il n'y a pas de place dans cette discussion pour la rhétorique et le vitriol.
La question que je me suis posée au cours des dernières semaines est la suivante: allons-nous continuer de faire les choses comme nous les avons toujours faites, ce qui nous a amenés à ce stade de notre relation, ou allons-nous adopter une nouvelle approche, celle qui privilégie une véritable relation de gouvernement à gouvernement et de nation à nation?
Mon plus grand défi au cours des derniers mois en particulier, mais aussi dans la relation en général, a trait à la confiance. C'est aussi un défi pour Mme Bennett. C'est ce qui empêche les meilleures initiatives, celles qui sont les plus réfléchies, d'aller de l'avant. Il est clair que notre travail doit permettre de gagner cette confiance au fil du temps.
Afin de bâtir un avenir meilleur où nous gagnerons cette confiance, je crois qu'il est important de reconnaître le passé. Depuis près de 500 ans, les peuples autochtones sont victimes de discrimination dans tous les aspects de leur vie. La Couronne a empêché l'établissement d'un partenariat véritable et équitable avec les peuples autochtones, imposant plutôt une relation fondée sur des modes de pensée et des façons de faire coloniaux et paternalistes. Cette approche a laissé un sillage de dévastation, de douleur et de souffrance. C'est inacceptable.
Bon nombre d'entre nous savons où cela nous a mené: un système d'aide à l'enfance déficient dans le cadre duquel les enfants autochtones de moins de 14 ans représentent 52,2 % de ceux qui sont placés en famille d'accueil, même s'ils ne comptent que pour 7,7 % de l'ensemble des enfants canadiens; des taux de suicide consternants chez les jeunes Autochtones, une source de douleurs et de souffrances indicibles qui affligeront les familles et les collectivités pour des générations à venir; des conditions de logement inacceptables avec de l'eau qui non seulement n'est pas potable, mais n'est pas non plus assez propre pour s'y baigner; et des collectivités privées d'un accès fiable aux routes, aux centres de santé et même aux écoles.
Lorsque nous avons formé le gouvernement il y a quatre ans, nous avons fait de nombreuses promesses importantes, notamment à l'égard de certains des domaines que je viens de décrire.
Nous avons tenu une grande partie de nos promesses, mais ce que nous avons surtout appris, c'est que tout doit être fait grâce à un réel partenariat et que le Canada réussira si nous écoutons les voix de ceux que nous avons ignorés et méprisés depuis trop longtemps et de ceux qui dirigent les collectivités dans l'ensemble du pays.
Nous savons qu'il n'y a pas de solution miracle pour réparer les torts causés pendant des décennies en matière de discrimination systémique auxquels les peuples autochtones du Canada ont dû faire face, mais notre gouvernement est déterminé à consacrer le temps, l'énergie et les ressources nécessaires pour corriger les torts du passé et bâtir un meilleur avenir pour les générations futures.
Nous faisons de notre mieux pour entreprendre ce travail d'une manière différente de celle qui a été utilisée pendant une grande partie de notre histoire commune, une histoire où les droits inhérents, le leadership et la vitalité culturelle n'ont pas été respectés comme ils auraient dû l'être.
Notre approche est fondée sur le partenariat et la concertation. Il s'agit d'écouter les dirigeants autochtones, les aînés, les jeunes et tous les membres de la communauté et de travailler à atteindre leurs objectifs en fonction de leurs priorités.
Depuis 2016, nous avons investi 21 milliards de dollars dans les dossiers prioritaires ciblés par nos partenaires autochtones. Ensemble, nous avons réalisé des progrès, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour combler les écarts socioéconomiques inacceptables qui existent encore entre Autochtones et non-Autochtones.
Depuis des siècles, les peuples autochtones demandent au gouvernement du Canada de reconnaître et d'affirmer leurs compétences légales à l'égard de leurs propres affaires. Ils veulent pouvoir exercer le contrôle sur leurs terres, leur logement, leur éducation, leurs systèmes de gouvernance et leurs services à l'enfance et à la famille, et avoir la capacité d'agir dans ces domaines. L'autodétermination favorise le mieux-être et la prospérité des communautés autochtones. C'est là un objectif que tous les Canadiens devraient s'efforcer d'appuyer.
Il est incontestable que l'autodétermination est une meilleure voie à suivre.
Les peuples autochtones autonomes réussissent mieux sur le plan socioéconomique, c'est prouvé. Un plus grand nombre d'enfants terminent leurs études secondaires, moins de personnes sont sans emploi et les résultats en matière de santé sont bien meilleurs. Les initiatives dirigées par les Autochtones sont plus fructueuses, nous l'avons constaté à maintes reprises.
Il est absolument nécessaire d'appuyer la réussite dirigée par la nation et la communauté dans chaque collectivité autochtone au Canada, et pas seulement dans le domaine de l'éducation, mais aussi dans ceux des soins de santé, de la gestion de l'eau et des ressources, des services à l'enfance et à la famille, bref, dans tous les secteurs.
C'est la raison pour laquelle notre gouvernement poursuit ses efforts pour changer l'orientation de ses politiques vers la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Il faudra pour ce faire adopter des modèles de gouvernance autochtones et aider les collectivités autochtones à faire valoir leurs droits.
Nous aidons les Premières Nations à se soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens dans des domaines comme les terres, l'environnement, la gestion des ressources et les élections. Par exemple, nous collaborons avec les institutions autochtones et les Premières Nations pour mettre au point les outils dont elles ont besoin pour stimuler le développement économique local, habiliter leurs collectivités et promouvoir la prospérité.
Depuis 2019, neuf Premières Nations ont commencé à fonctionner en vertu de leurs codes fonciers ratifiés en application de l'Accord-cadre sur la gestion des terres des Premières Nations et de la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations. De plus, 18 Premières Nations se sont jointes aux 264 autres qui affirment avoir compétence dans le domaine de la gouvernance financière en se plaçant sous le régime de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations.
L'autodétermination est essentielle pour libérer le potentiel économique, créer des possibilités de croissance et combler les écarts socioéconomiques. Nous savons qu'en faisant progresser l'autodétermination, le potentiel de réussite est énorme aussi bien pour les peuples autochtones que pour l'ensemble du Canada.
Pour y arriver, il nous faut comprendre que la reconnaissance et l'affirmation des droits constituent une première étape dans la recherche d'une voie à suivre. Nous devons aussi aider nos partenaires autochtones à cerner nos défis, puis nous devons les relever. Il nous faut enfin reconnaître que les mesures les plus importantes que nous pouvons prendre consistent à prêter une oreille attentive à ceux qui nous exposent les dures réalités, à accepter le changement et à accueillir favorablement les idées créatives. Une telle transformation exigera toutefois détermination, persévérance, patience et divulgation de la vérité.
Le travail qui nous attend sera difficile. Comme je l'ai mentionné, cette voie exigera beaucoup de notre part. Nous devrons travailler dans un véritable partenariat et écouter, même quand la vérité sera difficile à entendre. Nous devrons continuer de communiquer, même lorsque nous serons en désaccord. Il nous faudra continuer de collaborer et de chercher des façons créatives d'aller de l'avant, ainsi que de nouvelles voies vers la guérison et la véritable compréhension.
Nous avons tous vu ce qui se passe lorsque nous ne réussissons pas à maintenir le dialogue. Cette voie engendre de la méfiance et de la confusion, qui peuvent être la cause de conflits et entraver notre cheminement commun. Je veux être clair: il incombe aux détenteurs de droits de déterminer qui parle en leur nom de leurs droits et titres autochtones. Nous continuerons de consacrer des efforts à la poursuite de ces conversations. Malgré tous ces défis, je sais que le travail acharné qui nous attend en vaut bien la peine.
Ensemble, nous pouvons bâtir un Canada meilleur, et c'est ce que nous allons faire. Ce sera un pays dans lequel les nations autochtones saines, prospères et autonomes seront des partenaires clés. Nous avons l'occasion d'apprendre de notre histoire commune, de partager notre douleur et même notre joie, et de faire un travail qui donnera naissance à un pays où tous peuvent réussir.
J'ai hâte de travailler avec mes collègues de tous les côtés pour réaliser ce travail essentiel et ce potentiel énorme. Cela requiert la participation de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
Il me tarde de répondre à vos questions.
Meegwetch.