Monsieur le Président, quel sujet délicat que celui que nous abordons aujourd'hui dans le cadre de l'étude de ce projet de loi déposé à la toute dernière minute. S'il y a une chose absolument fascinante, dans le métier que j'ai la chance d'exercer, grâce au soutien et à la confiance que m'ont accordés les Trifluviens et les Trifluviennes, c'est de pouvoir m'informer en profondeur sur une panoplie de sujets qui ne sont pas nécessairement de mon domaine de spécialité.
Évidemment, celui dont on traite ce matin en est un exemple probant. Je ne suis pas avocat ni criminaliste, mais à Ottawa, Dieu merci, nous avons la chance, tous députés confondus, d'avoir accès à une expertise, à une expérience et à de l'information pertinente, qui nous permettent non seulement de se faire une idée, mais d'informer l'ensemble des citoyens qui nous écoutent des tenants et aboutissants d'un projet de loi comme celui qui nous est déposé.
Si j'avais été simple citoyen et qu'un gouvernement disait que son projet de loi visait à renforcer la sécurité publique, j'imagine que j'aurais eu tendance à prêter l'oreille et à me dire qu'il devait y avoir quelque chose de vrai là-dedans. Or, en se basant sur les faits, on s'aperçoit qu'on est en présence d'un projet de loi purement électoraliste et qui sert même la promotion d'une idéologie évidemment totalement différente de celle du NPD. Là-dessus, les citoyens et l'ensemble des Québécois et des Canadiens auront à trancher le 19 octobre prochain.
Le gouvernement conservateur nous propose une vision d'une société basée sur la peur. J'espère avoir le temps, plus tard, d'en donner de très bons exemples qui sont en lien direct avec des campagnes de financement pour une campagne électorale, par exemple, qui n'ont rien à voir avec le fond du sujet ou la vision néo-démocrate, qui propose de développer une société basée sur la sécurité publique.
Les conservateurs viennent de déposer le projet de loi C-53, qui rendra obligatoire — rappelons-le pour ceux qui ne suivent pas le débat depuis le début — l'emprisonnement à vie sans libération conditionnelle pour les meurtres au premier degré et les crimes de haute trahison. Pourtant, l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération est largement considéré comme étant inconstitutionnel.
Pour colmater les brèches de leur projet de loi, les conservateurs y ont inclus une clause qui ouvre la possibilité d'une libération conditionnelle après 35 ans d'incarcération, non pas en se basant sur des faits et une analyse rigoureuse faite par la Commission des libérations conditionnelles, mais en demandant la permission au ministre. Celui-ci est certainement un spécialiste! Je ne vais pas présumer du prochain ministre de la Sécurité publique, mais disons que celui qu'on a actuellement ne m'inspirerait pas la plus grande confiance quand viendrait le temps de prendre de telles décisions en faisant abstraction de la partisanerie.
Alors, plutôt que de faire de la désinformation et de la propagande électoraliste, les conservateurs devraient dire la vérité aux Canadiens. Dans le système actuel, les criminels les plus dangereux qui posent un risque à la sécurité publique ne sortent jamais de prison. On voit bien que ce projet de loi est pour le moins partisan, si on ne parle pas carrément de propagande. L'objectif du gouvernement est de donner l'impression qu'il sévit contre le crime, alors qu'il sait que ces mesures auront très peu, voire pas d'effets réels sur la situation.
Quel est l'état actuel de la situation, dans ce domaine? À l'attention de ceux et celles qui nous écoutent, j'exposerai brièvement notre système quant aux personnes condamnées pour meurtre au premier degré. Ce n'est qu'après avoir purgé 25 ans d'incarcération qu'un détenu condamné pour un meurtre au premier degré est admissible à la libération conditionnelle. J'insiste, « admissible » ne veut pas dire qu'il l'obtient, mais qu'il peut formuler une demande. C'est à la Commission des libérations conditionnelles que revient le rôle d'accorder ou non cette libération conditionnelle. On reviendra sur les conditions.
La protection de la société est le critère numéro un sur lequel se base la Commission des libérations conditionnelles pour accorder une mise en liberté sous condition. Quand bien même le détenu obtiendrait la libération conditionnelle, il serait toute sa vie soumis à la surveillance d'un agent du Service correctionnel du Canada. C'est pour dire que le système actuel prévoit déjà des mécanismes qui permettent de faire de la sécurité publique la priorité.
Pour veiller à ce que les criminels dangereux ne soient pas une source de nuisance pour notre sécurité, le Code criminel prévoit aussi un régime spécial à leur égard.
Si le risque qu'ils posent à la société est jugé élevé, ces détenus peuvent être condamnés à une peine de prison de durée indéterminée. Cela me paraît assez clair et rigoureux. C'est cet objectif que nous recherchons, de ce côté-ci de la Chambre, à savoir la sécurité publique.
Comme nous sommes à la veille d'une campagne électorale, pour les conservateurs, tous les moyens sont bons pour récolter des fonds et du capital politique, si tant est qu'il y ait encore des gens qui croient à cette approche. Je ne donnerai qu'un exemple au passage. La députée de Scarborough-Centre a profité du jour de l'annonce de ce projet de loi pour adresser à ses électeurs un courriel portant le titre suivant, très modéré: « Des criminels dans votre entourage ou dans votre voisinage? ». Il s'agit ici d'une traduction libre. C'est leur approche. Encore une fois, les conservateurs font preuve de cynisme, recourent à la propagande et misent sur le sentiment de peur, alors qu'au NPD, nous misons sur le sentiment de sécurité.
Au lieu de verser dans la partisanerie aveugle, ce gouvernement devrait plutôt prendre connaissance des conclusions de spécialistes en la matière. Je parlais d'expertise plus tôt, et en voici. Plusieurs études démontrent que les peines extrêmes ne sont pas la solution au crime. Cela se vérifie dans les statistiques. Depuis l'abolition de la peine de mort, le taux d'homicides a été divisé par deux. C'est quand même curieux. À ce sujet, je cite l'enquêteur correctionnel du Canada:
Lorsqu'on enlève tout espoir à quelqu'un, on ne l'incite pas à suivre les règles et encore moins à contribuer de quelque façon que ce soit à la société et à en être un membre actif.
Il peut arriver qu'un criminel obtienne une libération conditionnelle et réintègre la société. Comme je l'ai déjà mentionné, notre système actuel contient plusieurs clauses qui protègent la société contre les agissements de ces dangereux criminels.
Dans ce cas, il n'y a pas de confusion. Il y a unanimité, à la Chambre, quant à l'importance de protéger la société.
En quoi ce projet de loi va-t-il mieux nous protéger que ce que prévoient les clauses actuelles? Voila une question intéressante. Est-ce qu'on dépose un projet de loi pour faire mieux? C'est justement à cette question que le gouvernement a totalement omis de répondre.
Selon Allan Manson, qui est professeur de droit à l'Université Queen's, il y a de fortes chances que ce projet de loi soit inconstitutionnel. Pourquoi? D'une part, plusieurs études ont montré les conséquences néfastes de l'emprisonnement à long terme. Les prisons deviennent plus dangereuses pour les personnes qui y travaillent. D'autre part, aucun objectif pénal ne sous-tend ce projet de loi. Le principe même de la justice fondamentale pourrait être violé par ce projet de loi.
Si les conservateurs se mettent à briser la colonne vertébrale de notre système juridique, ils sont aussi aux antipodes des législations des autres démocraties. Souvent, se comparer permet de voir si on avance dans la bonne direction. Or il semblerait qu'encore une fois les conservateurs marchent à contre-courant.
Le projet de loi C-53 nous permet de constater que la sécurité publique n'est pas le premier souci des conservateurs. Ils préfèrent récolter des fonds en cultivant la peur et ils bricolent des projets de loi qui ne sont basés sur rien. C'est d'ailleurs ce à quoi s'oppose vivement le NPD. Nous exigeons que toute mesure pénale repose sur les faits. Nous veillerons à ce que nos mesures pénales n'aient comme but que d'améliorer la sécurité publique.
Nous sommes profondément attachés à l'indépendance de la justice. C'est pourquoi seules les autorités compétentes devraient juger de la libération conditionnelle d'un individu. Les conservateurs, au contraire, confient encore une fois, selon un mode avéré dans à peu près tous leurs projets de loi, de plus en plus de pouvoirs aux ministres, pouvoirs qu'ils n'ont pas nécessairement la qualité d'exercer.
Je m'arrêterai ici parce que le temps file à une vitesse folle. C'est malheureux parce que j'avais encore des tonnes et des tonnes de choses à dire. J'aurai probablement la chance d'en dire davantage en répondant aux questions de mes confrères.